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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES, DU COMMERCE ET DE L’ÉCONOMIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 27 novembre 2025

Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie se réunit aujourd’hui, à 10 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier, afin d’en faire rapport, l’accès au crédit et aux marchés des capitaux pour les petites et moyennes entreprises comme base de la croissance et de l’amélioration de la productivité dans l’économie canadienne; et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur Clément Gignac (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, chers collègues. Je m’appelle Clément Gignac, sénateur du Québec et président du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Je tiens à souhaiter la bienvenue aux gens qui nous regardent aujourd’hui par le biais du site Web sencanada.ca. Avant de continuer, je demanderais à mes collègues du comité de bien vouloir se présenter, en commençant par notre vice‑président.

[Traduction]

Le sénateur Varone : Toni Varone, sénateur de l’Ontario.

Le sénateur Loffreda : Bonjour et bienvenue. Je suis le sénateur Tony Loffreda de Montréal, au Québec.

[Français]

La sénatrice Henkel : Danièle Henkel, du Québec.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Yussuff : Hassan Yussuff, sénateur de l’Ontario.

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, sénatrice le l’Île-du-Prince-Édouard. Je remplace la sénatrice McBean.

La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, sénatrice de la Saskatchewan.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, sénatrice de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Martin : Bonjour. Yonah Martin, sénatrice de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le président : Merci, chers collègues.

Les sénateurs Dalphond et Fridhandler viennent de se joindre à nous également.

Honorables sénateurs et sénatrices, il s’agit de notre deuxième réunion aujourd’hui portant sur notre nouvelle étude spéciale sur l’accès au crédit et aux marchés des capitaux pour les petites et moyennes entreprises comme base de la croissance et de l’amélioration de la productivité dans l’économie canadienne. Je souhaite la bienvenue à nos témoins.

J’aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins qui représentent la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, M. Simon Gaudreault, économiste en chef et vice‑président, Recherche; et Mme Michelle Auger, directrice, Affaires nationales, échanges commerciaux et compétitivité des marchés. Je vous remercie tous les deux d’avoir accepté notre invitation. Je vous encourage à limiter votre déclaration d’ouverture à moins de cinq minutes afin de permettre aux membres du comité de poser des questions. La parole est à vous.

Simon Gaudreault, économiste en chef et vice-président, Recherche, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante : Merci, monsieur le président.

Je précise que je ferai mes remarques en français, ma collègue prononcera sa portion en anglais, mais nous pourrons répondre à vos questions dans les deux langues.

Je suis économiste en chef et vice-président recherche à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). Je suis accompagné aujourd’hui de ma collègue Michelle Auger, directrice aux affaires nationales, échanges commerciaux et compétitivité des marchés.

Nous tenons à remercier le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd’hui.

La FCEI est une organisation non partisane et sans but lucratif qui représente plus de 100 000 petites et moyennes entreprises (PME) de tous les secteurs et de toutes les régions du Canada.

Nous sommes ici pour vous présenter le point de vue des PME sur l’accès au crédit et aux marchés de capitaux en tant que fondement de la croissance et de l’amélioration de la productivité dans l’économie canadienne. Les données que nous vous présenterons aujourd’hui proviennent de sondages que nous menons directement auprès de nos membres. Ces résultats sont accessibles au public à l’adresse fcei.ca/recherche.

Les petites entreprises évoluent dans des conditions extrêmement difficiles. Le coût des affaires atteint des sommets en raison de la hausse des impôts, des loyers, des primes d’assurance et d’autres dépenses d’exploitation. Le fardeau réglementaire et administratif continue de croître, ce qui détourne temps et ressources des activités principales.

L’incertitude commerciale qui persiste entre le Canada et les États-Unis, notamment les répercussions des droits de douane, ajoute une couche supplémentaire à cette incertitude. Pour de nombreuses PME, ces pressions se traduisent par une augmentation des coûts des intrants et une réduction des marges.

Dans ce contexte, un accès fiable et abordable au capital devient essentiel pour aider les entreprises à absorber les chocs et à continuer d’investir dans la productivité et la croissance.

Je cède maintenant la parole à Michelle qui vous présentera en détail les besoins croissants des PME en matière de financement et certains des défis auxquels elles font face.

[Traduction]

Michelle Auger, directrice, Affaires nationales, Échanges commerciaux et compétitivité des marchés, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante : Le pourcentage de petites entreprises qui ont besoin de financement a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, passant de 35 % en 2012 à 58 % en 2022. Cependant, l’accès à ce financement reste inégal. Les entreprises de taille moyenne bénéficient d’un taux d’approbation d’environ 94 %, comparativement à environ 77 % pour les microentreprises. De plus, 52 % des petites et moyennes entreprises, ou PME, indiquent que leurs besoins de liquidités sont la principale raison de leur recours à l’emprunt.

L’accès au financement s’accompagne souvent d’un risque personnel élevé. Plus de la moitié des entreprises qui avaient besoin d’obtenir un prêt ont dû fournir une garantie personnelle, et un quart d’entre elles ont utilisé leur résidence principale comme garantie. Environ deux tiers d’entre elles ont contracté un prêt à taux variable, ce qui les a exposées à une hausse des taux d’intérêt, lesquels sont passés de 4,55 % au début de 2022 à 9,05 % au milieu de l’année 2023.

Même si ces taux ont désormais diminué, la proportion de petites entreprises aux prises avec des difficultés liées aux coûts d’emprunt est passée de 21 % en janvier 2022 à 30 % en novembre 2025.

La taille de l’entreprise joue un rôle dans l’accès aux prêts. Les entreprises de taille moyenne ont généralement des besoins plus importants et un accès plus facile au financement traditionnel, tandis que les petites entreprises et les microentreprises ont souvent recours à des options non traditionnelles, par nécessité.

Leur secteur d’activité a également son importance. Les entreprises productrices de biens, telles que celles du secteur manufacturier, ont tendance à obtenir plus facilement des prêts traditionnels, alors que les entreprises axées sur les services font souvent face à des coûts plus élevés et à des options limitées. Les garanties exigées restent un obstacle majeur pour de nombreuses petites entreprises, en particulier pour les entreprises en démarrage et les entreprises de services qui disposent de peu d’actifs tangibles. Les formalités administratives et la complexité des procédures de demande imposent une contrainte supplémentaire aux propriétaires d’entreprise déjà pressés par le temps.

La géographie influe également sur l’accès au financement. Les PME situées dans des zones rurales ou isolées ou dans de petites agglomérations urbaines ont souvent moins de possibilités d’emprunt, et elles doivent assumer des coûts d’emprunt plus élevés. Elles sont également soumises à des limites plus strictes en matière de montant des prêts. Même si les coopératives de crédit contribuent à combler cette lacune, les limites des prêts qu’elles consentent restreignent souvent les capitaux disponibles pour les entreprises en croissance.

M. Gaudreault conclura notre déclaration par quelques mots.

[Français]

M. Gaudreault : Voici les conséquences sur la productivité et les recommandations que nous formulons. Les défis liés à la productivité au Canada sont anciens, et les investissements des PME sont essentiels pour les relever. Lorsque les entreprises n’ont pas accès au financement, elles retardent leur expansion, l’achat de machines, l’adoption d’outils numériques et les investissements dans la formation ou l’innovation. L’accès au crédit n’est pas seulement un enjeu pour les petites entreprises, c’est un élément central de la stratégie du Canada en matière de productivité et de compétitivité. Soutenir les PME en leur offrant des options de financement équitables et flexibles contribuera à assurer une croissance économique durable dans toutes les régions et tous les secteurs du Canada.

À ce titre, la FCEI recommande que les institutions financières encouragent activement les sources de financement alternatives autres que les prêts bancaires traditionnels, notamment l’investissement providentiel, le financement participatif et le capital-risque. Ces options peuvent compléter les produits traditionnels et aider les PME à accéder au capital nécessaire à leur croissance.

Deuxièmement, nous recommandons que l’utilisation du Programme de financement des petites entreprises du Canada soit étroitement surveillée afin de s’assurer que les propriétaires de PME en sont informés, peuvent y accéder facilement et en bénéficient réellement. Une attention particulière doit être accordée à la nécessité de veiller à ce que le programme atteigne les plus petites entreprises, non seulement les PME de plus grandes tailles, donc les moyennes entreprises.

Troisièmement, nous visons à ce que les nouvelles technologies de prêt en ligne aux PME fassent également l’objet d’un suivi. Si ces plateformes peuvent constituer des solutions de rechange utiles, il est important de veiller à ce qu’elles ne remplacent pas le financement traditionnel ou n’imposent pas des taux d’intérêt excessifs qui augmentent le risque financier pour les propriétaires.

Enfin et peut-être surtout aujourd’hui, la réduction du coût global des affaires grâce à une baisse des impôts — par exemple, avec un taux d’imposition plus compétitif pour les petites entreprises — et à une simplification de la réglementation permettrait de libérer des capitaux que les PME pourraient réinvestir dans des équipements, des technologies, du personnel, des formations et des innovations.

Nous vous remercions de votre attention et restons à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président : Merci à vous deux.

Chers collègues, on a prévu environ 60 minutes pour notre panel. Je proposerais pour la première ronde peut-être quatre minutes chacun, en commençant par les membres du comité directeur et notre vice-président.

[Traduction]

Le sénateur Varone : Soyez les bienvenus. Les petites entreprises sont le moteur de l’économie. J’ai grandi en côtoyant de nombreuses petites entreprises, mais les difficultés qu’elles rencontrent, même si leur taux d’imposition fédéral n’est que de 9 %, sont assez lourdes à gérer pour les entreprises en démarrage. Madame Auger, vous avez souligné que les impôts, les assurances, le fardeau réglementaire, l’accès au capital, la trésorerie et les garanties sont autant de nouveautés pour les entreprises en démarrage, ce qui pousse, dans une certaine mesure, un grand nombre de personnes vers l’économie souterraine. Elles préfèrent s’autofinancer plutôt que de se voir refuser un prêt par une banque. J’adore ce que fait votre organisation. Je suis votre cheminement depuis 20 ans, et je crois que la valeur que vous apportez à l’économie canadienne est considérable. Je vous tire donc mon chapeau.

Que pouvons-nous faire pour attirer les petites entreprises qui font partie de l’économie souterraine et les mettre en avant ou les mettre en lumière afin de les aider à surmonter leurs difficultés et à faire la transition vers l’économie légitime? Ce n’est pas seulement un problème d’accès au capital. C’est tout ce que vous avez souligné précédemment. J’aimerais connaître votre avis à ce sujet.

M. Gaudreault : Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Vous faites valoir un argument très important. Cet enjeu dépasse le simple accès au capital.

Il est très important pour notre économie de rendre l’entrepreneuriat attrayant pour les particuliers. Il est évident que certaines données actuelles montrent que nous faisons face à une certaine pénurie d’entrepreneurs et à un problème de relève dans le domaine de l’entrepreneuriat.

L’une des mesures clés pour faire en sorte que les gens continuent de s’intéresser à l’entrepreneuriat et à la création d’entreprises au sein de l’économie officielle consiste à garantir un environnement commercial sain au Canada. J’entends par là un environnement qui ne soit ni trop lourd ni trop compliqué. Si vous décidez de créer une entreprise, nous devons faire du Canada l’endroit le plus propice et le plus simple pour démarrer une entreprise — et pas seulement pour la démarrer, mais aussi pour l’exploiter —, sans avoir à remplir 1 000 formulaires et à payer des impôts qui ne tiennent pas compte des bénéfices. Cela vous donnera une chance et une bonne occasion de créer une entreprise prospère que vous pourrez développer et exploiter pendant de nombreuses années. L’environnement commercial est l’un des éléments clés qui permettent d’offrir cette chance aux entrepreneurs canadiens.

Le sénateur Varone : Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Auger?

Mme Auger : Nous travaillons beaucoup là-dessus en ce moment. En examinant les démarrages et les fermetures d’entreprise, M. Gaudreault a évoqué la notion de « pénurie d’entrepreneurs ». Nos membres vont même jusqu’à dire qu’ils ne recommanderaient pas à la prochaine génération de Canadiens de démarrer une entreprise dans le contexte actuel, en raison de toute l’incertitude qui règne.

Si l’accès au capital est une pièce du casse-tête, comment pouvons-nous nous attaquer au coût des affaires et aux formalités réglementaires qui entravent les activités commerciales au Canada? Comment pouvons-nous créer un environnement commercial sain?

La sénatrice Marshall : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Hier, nous avons accueilli des représentants d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ainsi que de la Banque de développement du Canada, ou BDC. Il y a beaucoup d’argent en circulation en ce moment — des milliards et des milliards de dollars. Vous venez ici aujourd’hui, et vous dites que le financement est un problème pour les petites entreprises. Pourquoi n’avez-vous pas accès à tout cet argent? Il semble y avoir tellement d’argent disponible, et dans le budget de cette année, des milliards supplémentaires ont été prévus à cet effet. Je crois qu’il y a un décalage quelque part. Pourriez-vous nous en parler pendant quelques minutes?

M. Gaudreault : Mme Auger souhaitera peut-être préciser certaines choses à ce stade, mais ce que je peux dire en général, c’est qu’en ce qui concerne les programmes, les prêts et les subventions destinés aux petites entreprises, l’expérience des membres de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, ou FCEI — que nous sondons depuis des décennies —, est restée assez constante au fil des ans.

Le problème, c’est que nous avons souvent de bonnes intentions lorsque nous mettons en place un programme. Cependant, par la suite, nous avons tendance à oublier la réalité des entrepreneurs, alors qu’il y a surtout des microentreprises dans notre pays. La moitié de toutes nos entreprises sont des microentreprises de moins de cinq employés, c’est-à-dire de petites exploitations qui n’ont pas nécessairement le temps et les ressources nécessaires pour remplir d’innombrables documents et formulaires et pour essayer de comprendre des critères parfois complexes.

En outre, il existe des programmes — et les nouveaux programmes de soutien relatif aux droits de douane qui ont été mis en place en sont un exemple très récent — qui, trop souvent, créent des obstacles à l’entrée pour bon nombre des très petites entreprises. Les critères d’admission peuvent être fixés à deux millions de dollars de chiffre d’affaires ou plus, ainsi qu’à un seuil de 10 employés ou plus, en ce qui concerne le nombre d’employés que l’entreprise doit avoir sur sa liste de paie. Par conséquent, nous excluons d’emblée un grand nombre d’entreprises.

C’est l’un des principaux problèmes de bon nombre de ces programmes que nous avons remarqués au fil des ans, et c’est la raison pour laquelle nous préconisons habituellement la réduction des taux d’imposition, car nous savons ainsi que l’argent parviendra à toutes les entreprises.

La sénatrice Marshall : Votre fédération parle haut et fort, mais je suis vraiment étonnée de vous entendre dire cela. Je viens de Terre-Neuve-et-Labrador, et je connais des personnes qui sont propriétaires de très petites entreprises. Elles cherchent à obtenir un allégement tarifaire, mais n’y parviennent pas, alors elles ont hypothéqué leur maison. Il y a un décalage à cet égard.

Quel est le problème lié au fait qu’il y ait un décalage? Ce décalage existe depuis plusieurs années, et il est toujours là, car il n’a pas été réglé.

Mme Auger : En ce qui concerne les allégements tarifaires, les programmes ont été conçus de manière à ce qu’il soit nécessaire de financer un projet. Examinons l’annonce que les agences de développement régional ont faite le 5 septembre et qui cible les petites entreprises. En tant que propriétaire d’une petite entreprise désormais touchée par les droits de douane, vous constatez que vos recettes et vos coûts ont augmenté en raison de l’importation de marchandises. Vous ne cherchez pas à financer un nouveau projet, vous cherchez à alléger certaines des pressions que ces droits de douane exercent sur vos coûts. C’est là que les programmes des agences de développement régional ratent la cible. Selon ces programmes, vous devez désormais financer un projet et, en plus de cela, certains de leurs critères généraux incluent l’obligation d’employer 10 travailleurs à temps plein pour simplement être en mesure d’avoir accès à une partie des fonds alloués à ces programmes.

Ces mesures ratent complètement la cible. Nous avons fait part de certaines de ces préoccupations au gouvernement, mais nous n’avons pas encore reçu de réponse satisfaisante.

En ce qui concerne le programme de remise de droits de douane mis en œuvre précédemment, l’arriéré de demandes est tellement important que les entreprises attendent toujours de savoir si elles bénéficieront ou non d’une remise ou d’un allégement dans le cadre de ce programme.

La sénatrice Marshall : Cette information est intéressante, et je vous en remercie.

Le sénateur Fridhandler : Nous parlons en ce moment de la disponibilité des capitaux. L’utilisation des capitaux des immigrants est, selon moi, une possibilité qui n’est pas suffisamment exploitée, qu’il s’agisse d’investissements directs dans des entreprises existantes ou de transitions et d’achats en vue d’assurer la relève des entreprises. Que pensez-vous des programmes et des connaissances qui existent dans ce domaine?

Mme Auger : C’est une bonne question. En ce qui concerne les programmes de relève, à la FCEI, nous les examinons généralement du point de vue des petites entreprises. Nous ne nous concentrons pas nécessairement sur le soutien qui est apporté aux nouveaux entrepreneurs.

Nous avons publié un rapport l’année dernière qui traitait de cette question, et je crois que ce rapport soulignait certaines des lacunes de l’aide apportée aux nouveaux arrivants ou aux nouveaux Canadiens qui cherchent à créer des entreprises.

M. Gaudreault : J’ajouterais qu’il s’agit là d’une forme d’investissement étranger direct. Lorsque des immigrants arrivent et contribuent à l’économie canadienne en fournissant des capitaux sous différentes formes, c’est certainement un résultat qui a été récemment signalé comme l’un des principaux enjeux que le Canada doit gérer. Nous avons besoin d’un plus grand nombre d’investissements directs, et cela pourrait être l’un des moyens qui nous permettraient d’obtenir certains de ces investissements.

Le sénateur Fridhandler : Pourriez-vous vous assurer que nous obtenons une copie de ce récent rapport afin qu’il figure aussi dans nos dossiers?

Mme Auger : Je peux en faire circuler une copie. Je vais l’envoyer au greffier.

Le sénateur Fridhandler : Dans l’une de vos premières recommandations, vous avez fait allusion à un groupe d’investisseurs axés davantage sur le capital-actions, comme les investisseurs providentiels, le sociofinancement et le capital-risque. Jusqu’à maintenant, nous avons parlé davantage de la dette. Pensez-vous que votre fédération en fait assez pour promouvoir l’investissement en capital-actions et que ces investissements sont suffisamment bien compris, ou ces investissements sont-ils trop réglementés? Disposons-nous du cadre nécessaire pour autoriser ces investissements?

M. Gaudreault : Nous pouvons toujours redoubler d’efforts pour veiller à ce que les entrepreneurs qui, pour être tout à fait franc, manquent de temps puissent obtenir des renseignements sur tous les sujets possibles et tous les programmes possibles. C’est aussi l’un des problèmes auxquels nous faisons face en ce moment, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes. La situation présente une certaine complexité. Si nous pouvons communiquer avec les entrepreneurs de manière plus efficace, en veillant à ce qu’ils connaissent toutes les options qui s’offrent à eux, ils pourront alors prendre la meilleure décision en fonction de leur modèle d’entreprise.

Notre fédération compte 100 000 membres établis partout au Canada. Nos membres proviennent de tous les secteurs d’activité, et ils ont adopté des modèles d’affaires très différents, ce qui, soit dit en passant, est selon moi l’essence même de l’entrepreneuriat. Voilà pourquoi il faut leur offrir différentes options. En matière d’entrepreneuriat, il n’y a pas de solutions universelles qui conviennent à tous.

Oui, nous pouvons simplifier les choses, mais en même temps, nous nous retrouverons probablement avec une série d’outils. Nos membres doivent être informés des différentes options qui s’offrent à eux afin de pouvoir faire le meilleur choix.

Le sénateur Fridhandler : Hier et dans son rapport, la BDC a indiqué — et vous l’avez mentionné à nouveau aujourd’hui — que le nombre d’entrepreneurs au Canada avait reculé de 100 000 au cours des 20 dernières années.

Pourquoi est-ce le cas? La population a augmenté de 25 % au cours de la même période.

Mme Auger : Oui, je précise encore une fois que, comme je l’ai dit plus tôt, nous sommes en train de rédiger un rapport à ce sujet. Nous y travaillons, et nous examinons les données. Il est assez choquant, en fait, que les Canadiens choisissent de ne pas créer d’entreprises, n’est-ce pas? Lorsque nous examinons ce que nos membres disent au sujet de l’exploitation d’une entreprise de nos jours, nous constatons aussi qu’ils ne recommandent pas cette voie en raison de l’environnement commercial ardu, de l’incertitude actuelle et de l’augmentation continue des coûts. Telles sont leurs véritables raisons. Ce que nous constatons dans le cadre de l’étude que nous menons actuellement, c’est que les propriétaires de petites entreprises se sentent vraiment enlisées à l’heure actuelle.

Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de votre présence et du travail que vous accomplissez au nom de vos membres. Je voudrais aborder la question de la productivité et des investissements dans la formation et le matériel. Il me semble — et ces données ne sont pas les miennes — que les chiffres de l’OCDE en disent long sur le fait que nous sommes au bas de l’échelle en ce qui concerne les investissements de capitaux et la formation dans notre pays.

Dans une grande mesure, cela concerne aussi bien les grandes entreprises que les petites. Comme vous le savez, le coût en capital qui figure dans le budget presque chaque année pour inciter les entreprises à investir est resté constant, et ces entreprises peuvent déduire ces investissements beaucoup plus tôt.

Si les petites entreprises veulent être productives et efficaces, quels sont les défis qu’elles doivent relever en matière d’investissement dans les biens d’équipement et la formation de leurs membres? Vous vous exprimez tous les deux toujours très clairement au sujet du Programme des travailleurs étrangers temporaires, mais un moyen d’éliminer ce programme consiste à former les personnes qui sont ici et qui veulent travailler dans votre industrie ou votre secteur. Vous pourriez peut-être nous éclairer à ce sujet et, si vous disposez de données, sachez qu’elles nous seraient très utiles.

Mme Auger : Je n’ai pas de données sur la formation en main, mais il y en a un grand nombre à la FCEI. Je ne manquerai donc pas de vous tenir au courant à ce sujet.

En ce qui concerne certaines des annonces qui ont été faites dans le budget de cette année, notamment celles qui concernent les capitaux et leur déduction immédiate ou des mesures de ce genre, nous les avons certainement accueillies favorablement. Ces mesures aident les entreprises qui cherchent à amortir ces investissements immédiatement. Cet enjeu est un peu compliqué, car de nombreuses entreprises affirment aujourd’hui qu’elles ont encore du mal à trouver les personnes qui conviennent pour travailler dans leur entreprise. En ce qui concerne la formation, qui est souvent une formation officielle, certains des programmes mis en place ne sont pas nécessairement reconnus par les accords provinciaux ou certains des accords fédéraux. Certains programmes de formation ne reconnaissent pas la formation informelle, bien que les petites entreprises soient souvent les incubateurs de cette formation informelle.

Nous avons fait savoir au gouvernement fédéral que nous aimerions voir davantage de programmes qui reconnaissent toutes les heures et le temps que les entreprises investissent dans la formation informelle. Cela pourrait être un moyen de combler certaines de ces lacunes et aussi un moyen pour bon nombre de nos jeunes de faire partie de ces petites entreprises.

En ce sens, c’est en grande partie ce que nous avons dit, mais il est également possible de réduire certaines des pressions exercées sur les coûts, ce qui permettrait aux entreprises de réinvestir et de disposer de liquidités pour investir dans leur personnel, leur machinerie et leurs immobilisations. Je pense avoir dit tout à l’heure que les 52 % des PME qui sont à la recherche de fonds supplémentaires le sont à des fins de trésorerie.

M. Gaudreault : J’aimerais ajouter quelque chose, monsieur le sénateur. Tout d’abord, je vous remercie d’avoir abordé la question de la productivité au cours de notre discussion, car je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il s’agit d’un enjeu essentiel pour l’économie. Les petites et moyennes entreprises constituent encore la grande majorité des entreprises de notre pays. Elles doivent donc faire partie de la solution. Nous devons trouver des solutions pour qu’elles puissent contribuer à cette grande tâche qui nous incombe dans notre pays, à savoir l’augmentation de notre productivité.

Vous avez souligné à juste titre que l’investissement joue certainement un rôle important, tout comme la modernisation et la numérisation. Nous avons mené des recherches à ce sujet à la FCEI, y compris récemment, et nous avons constaté que ces investissements donnaient de bons rendements. Mme Auger vient de parler de la formation.

J’aimerais soulever une autre question, qui concerne essentiellement la complexité de l’environnement commercial. Plus précisément, j’ai mentionné les formalités administratives, c’est-à-dire le temps que les entrepreneurs passent à comprendre et à gérer la complexité du système. Pendant qu’ils font cela, ils n’accroissent pas leurs ventes, ils ne font pas de recherche et développement et ils ne lancent pas de nouveaux produits. Pour une microentreprise, le coût par employé de ces formalités administratives est cinq fois plus élevé que celui d’une grande entreprise. C’est là une grande faille de notre système, qui pénalise les entrepreneurs.

C’est précisément pour cette raison que j’estime que nous pouvons affirmer qu’il existe sans aucun doute un vaste éventail d’aspects sur lequel nous pouvons nous concentrer afin de garantir que les entreprises disposent de plus de temps et qu’elles ont un meilleur accès au capital, afin de bénéficier de plus de ressources pour améliorer leur productivité.

En ce qui concerne le Programme des travailleurs étrangers temporaires, la seule chose que je dirais en ce moment, c’est que je ne comparerais pas ces deux idées, car, là encore, des modèles d’affaires différents existent. Il n’est pas possible pour toutes les entreprises d’automatiser tous leurs processus dès demain. Je vais m’arrêter là.

Le président : Je vous remercie, madame Auger et monsieur Gaudreault, et si vous souhaitez transmettre au comité certaines des données auxquelles vous avez fait référence, elles seront accueillies favorablement.

[Français]

La sénatrice Henkel : Merci pour vos commentaires qui nous éclairent. Ce que vous dites est extrêmement important. J’espère que cette étude spéciale pourra apporter un peu plus de clarté, mais aussi des réponses de nos gouvernements.

Votre organisation propose de rehausser le plafond de la déduction accordée aux petites entreprises de 500 000 $ à 700 000 $ avec l’indexation annuelle à l’inflation. En raison de ce seuil, qui n’a pas été révisé depuis 2009, les entreprises ont effectivement absorbé 15 ans d’inflation sans ajustement fiscal.

À votre avis, dans quelle mesure une telle action améliorerait-elle concrètement la capacité de financement des PME, notamment en matière de liquidités et d’investissement?

Deuxièmement, comment votre proposition a-t-elle été reçue, si demandée, par le gouvernement fédéral jusqu’ici? Avez-vous eu des échanges formels avec les ministres concernés et quelles ont été leurs réactions?

M. Gaudreault : Merci pour votre question.

C’est un élément important de la fiscalité canadienne qui permet à un bon nombre d’entreprises de se développer et de croître.

La FCEI est très active dans ce dossier, non seulement sur le taux comme tel, mais comme vous l’avez mentionné à très juste titre, le seuil d’accès. C’est un élément qui fait en sorte que vous avez des entreprises qui sont de plus grandes tailles, par exemple des PME plus grandes, donc des moyennes entreprises qui sont plus en phase de croissance. Elles peuvent avoir accès à ce taux, donc cela leur permet d’alimenter leur croissance. On surveille de près ce qui se fait dans les différentes provinces. Quelques provinces ont déjà haussé ce seuil, soit la Saskatchewan et la Nouvelle-Écosse, qui ont annoncé un relèvement de leurs taux récemment. Je pense qu’en Saskatchewan, on est à 600 000 $ depuis un certain temps, et en Nouvelle-Écosse, c’est à 700 000 $. On est très actifs et on fait beaucoup de représentation.

Je vais laisser ma collègue en parler.

[Traduction]

Mme Auger : Du point de vue de la représentation de nos membres, nous demandons activement l’indexation depuis au moins un an et demi, je dirais. Cela fait partie de nos principales demandes auprès de tous les députés et ministres. En général, lorsque nous en discutons avec les députés, cette idée est bien accueillie et semble logique. Malheureusement, cette idée n’a pas été retenue dans le dernier budget, mais nous continuerons certainement à faire pression en ce sens, car nous pensons que c’est une mesure qui doit absolument être mise en œuvre pour les petites entreprises.

[Français]

La sénatrice Henkel : Chacun sait que la BDC joue un rôle de politique publique pour soutenir les entrepreneurs canadiens, en particulier les petites et moyennes entreprises. Nous avons reçu la BDC hier. À ce titre, elle offre de nombreux programmes de financement.

Pouvez-vous nous parler des mécanismes de la BDC qui fonctionnent réellement pour les petites et moyennes entreprises et lesquels ne répondent plus aux besoins actuels?

Les seuils, les délais ou la tolérance au risque de la BDC sont‑ils adaptés à la réalité des PME en croissance ou sont-ils en train de devenir similaires aux banques à charte?

[Traduction]

Mme Auger : En ce qui concerne les produits, nos membres ne savent pas nécessairement quel produit ils demandent. Ils présentent simplement une demande de prêt.

Nous avons constaté une augmentation de la demande de prêts de la BDC. Notre dernier rapport indique qu’elle est passée de 9 % en 2012 à environ 13 % des petites entreprises qui dépendent des prêts de la BDC.

En ce qui concerne les interactions avec la BDC, elles ont été très positives en général. Les membres se réjouissent beaucoup de la possibilité de bénéficier de services de consultation. Cependant, certains commentaires négatifs ont été formulés. Parfois, nos membres n’ont pas nécessairement eu affaire à un gestionnaire de portefeuille de la BDC qui avait l’expérience nécessaire pour comprendre le fonctionnement de leur entreprise. Les avis étaient mitigés à ce sujet.

Le sénateur Loffreda : Monsieur Gaudreault et madame Auger, je vous remercie de votre présence.

La FCEI estime-t-elle que le Canada dispose actuellement de données adéquates en temps réel sur le marché du crédit des PME, notamment sur les taux d’approbation des prêts, sur les exigences en matière de garanties, sur la marge d’intérêt et sur les différences régionales, ou estime-t-elle qu’une plus grande transparence de la part des prêteurs est nécessaire pour soutenir l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes?

Je pose cette question parce que nous avons tous entendu dire mille fois que ce que l’on mesure s’améliore, mais pour concevoir des politiques efficaces, nous avons besoin d’un tableau clair et précis de ce que vivent les PME sur le terrain. Si les données n’existent pas, il devient difficile de cibler des solutions et de trouver des remèdes appropriés à ce qu’elles vivent.

Bon nombre de gens nous disent qu’il existe des disparités en matière d’accès au crédit par rapport à d’autres pays du monde entier. Je pense que nous pouvons faire mieux dans ce domaine.

Avons-nous de telles données, et quelle est votre opinion à ce sujet?

M. Gaudreault : Je vous remercie, monsieur le sénateur, de votre question. En tant que responsable de la recherche à la FCEI, une organisation axée sur les données, je suis tout à fait d’accord pour dire que les données sont un outil essentiel dont nous avons besoin pour prendre des décisions éclairées.

Nous menons depuis des décennies des enquêtes auprès de nos membres sur le thème du financement et des services bancaires. Tous les trois ans, nous réalisons une grande enquête. La dernière remonte à 2022. Je précise encore une fois que tous ces renseignements sont accessibles au public dans les rapports publiés sur notre site Web.

Pour être franc, si nous faisons cela depuis des décennies et que nous continuons de le faire, c’est parce que nous estimons que ces renseignements sont toujours nécessaires. Il existe d’autres sources d’informations possibles, notamment des sources publiques de renseignements sur ce sujet, mais ce qui manque parfois pour bien comprendre que, pour les petites et moyennes entreprises, les règles du jeu sont différentes de celles qui s’appliquent aux grandes entreprises, c’est le point de vue des petites entreprises sur cette question.

C’est ce qu’en toute honnêteté, nous essayons de faire à l’aide de nos ressources. Nous essayons de mettre en avant le fait qu’il existe différentes expériences.

Souvent, l’expérience en matière de crédit et de prêt varie considérablement selon la taille de l’entreprise, et c’est ce que nous montrons. Je pense que nous avons probablement besoin d’une plus grande quantité de renseignements à ce sujet pour pouvoir renseigner davantage le public sur les différentes réalités auxquelles les entreprises font face, en fonction de leur taille.

Le sénateur Loffreda : Si nous disposions de plus d’informations, nous serions en mesure d’élaborer une meilleure politique.

Quelle est la prochaine étape? Allez-vous communiquer avec les banques locales et leur dire que vous avez besoin de ces renseignements? Je comprends qu’il y ait des préoccupations en matière de protection des renseignements personnels, mais les données pourraient être anonymisées. Nous avons tous entendu parler des taux d’approbation des banques. Hier, le taux de la BDC m’a étonné, car il semblait assez élevé d’après mon expérience et les discussions que j’ai eues avec des entrepreneurs. Alors quelle est la prochaine étape, et comment pouvons-nous remédier à ce point faible, si nous pouvons l’appeler ainsi?

M. Gaudreault : À la FCEI, nous continuerons de publier nos rapports, en veillant à rendre accessibles au public les informations actualisées et à les communiquer aux principaux intervenants, dont les décideurs politiques. Cependant, nous restons également en contact permanent avec les banques et les différentes institutions financières.

Le sénateur Loffreda : Vous êtes en contact avec les banques?

M. Gaudreault : Tout à fait. Ils connaissent bien nos rapports et sont très intéressés par les détails de nos conclusions.

Nous constatons également que les taux d’approbation varient, là encore, selon le type et la taille de l’entreprise. C’est un fait que nous publions dans nos rapports et que nous examinons de près.

Madame Auger, je ne sais pas si vous souhaitez en dire davantage à ce sujet.

Mme Auger : Plus précisément, lorsque nous prenons position sur un sujet, cette position découle directement de nos membres. La question de la protection des données et des renseignements personnels pourrait être un sujet auquel certains de nos membres s’opposeraient, mais puisque ces données peuvent être agrégées et communiquées de manière anonyme, c’est évidemment ce que nous utilisons et ce sur quoi nous nous basons. Comme l’a dit M. Gaudreault, nous disposons également de données ventilées par banque et par secteur que nous obtenons au nom de nos membres. Ces données rendent compte de leur expérience en matière d’obtention de prêts et de taux de refus. Nous disposons de toutes ces informations.

La sénatrice Wallin : Une médaille a deux côtés. Au cours des témoignages apportés hier, nous avons appris que grâce à des prêts, des subventions, des projets et des banques traditionnelles, des milliards de dollars sont à la disposition des gens qui en font la demande. Il y a donc des questions d’accès, je suppose, mais le revers de la médaille est le suivant : j’ai lu ce matin, par exemple, que dans le cas de la Banque de l’infrastructure du Canada, la grande majorité des fonds servent à payer les salaires et les primes, soit environ dix fois plus que ce qui est versé aux bénéficiaires qui ont besoin d’argent.

Quelle est l’ampleur du problème? Ma question fondamentale est la suivante : y a-t-il vraiment autant d’argent dans le système qu’il n’y paraît?

M. Gaudreault : Merci, sénatrice, pour cette question. À la FCEI, nous croyons que la première chose à faire, en ordre de priorité, serait de garantir un environnement commercial concurrentiel et de réduire les impôts, car c’est une façon de redonner de l’argent aux entreprises sans que cela coûte trop cher au système. Si vous avez des programmes, vous devez les administrer. Peu importe l’efficacité de cette gestion, il n’en demeure pas moins qu’il faut des personnes pour approuver les demandes et les traiter, alors qu’une réduction d’impôt est tout ce qu’il y a de plus simple. Elle est mise en œuvre et rapidement versée. C’est en quelque sorte une injection directe de capitaux dans le système, et c’est pourquoi la FCEI a toujours privilégié cette solution pour soutenir les petites entreprises. Et nos membres nous disent dans nos innombrables sondages que c’est clairement leur préférence. Peut-être que l’argent est disponible et que c’est ce que montrent les chiffres, mais l’expérience de nos membres est qu’ils ne peuvent pas y accéder.

La sénatrice Wallin : Merci de l’avoir dit aussi clairement.

Vous évoquez cette problématique de la bureaucratie, du carcan financier et des complications administratives, comme presque tous nos témoins l’ont fait avant nous. Pourriez-vous nous donner quelques exemples?

Nous savons que les gens passent des heures à remplir des formulaires. Nous avons tous des histoires d’horreur à raconter. Je suis sûre que vous en avez quelques-unes qui pourraient nous choquer au sujet de la bureaucratie.

Mme Auger : Dans le domaine bancaire, et nous en traitons même dans notre rapport, le temps nécessaire pour remplir une demande de prêt est de plusieurs mois pour bon nombre de nos membres. Ce n’est pas un processus rapide et facile. S’il existait un moyen de réduire ce délai et la quantité de formulaires à remplir, je pense que cela permettrait de donner suite à certaines de ces demandes.

La sénatrice Wallin : Quels autres exemples pouvez-vous nous donner?

M. Gaudreault : Pour réduire la bureaucratie, il suffit parfois d’adopter une approche plus intelligente. Si vous posez deux, trois ou cinq fois la même question, et que vous disposez déjà de l’information à l’interne, pourquoi ne pas simplement la centraliser?

À la FCEI, nous passons un temps fou à réfléchir, par exemple, à la manière dont nous devons communiquer les informations à nos membres afin qu’elles soient claires, concises et directes. C’est ce que veulent les entrepreneurs.

Nous avons besoin d’un langage, d’un format et d’une méthode qui leur permettent d’accéder rapidement à ces informations sans avoir à se plier en quatre et à passer des heures à essayer de comprendre quels détails ils doivent fournir exactement. C’est ce que signifie concrètement réduire les formalités administratives : il faut rationaliser les choses.

La sénatrice Wallin : Merci beaucoup.

La sénatrice Martin : Merci d’être ici et merci pour vos excellents rapports. J’ai pris connaissance de celui portant sur le coût de la réglementation pour les petites entreprises, dont nous venons de parler, ainsi que du rapport de janvier 2025 sur l’élimination des obstacles. J’ai quelques questions à ce sujet. Mais tout d’abord, en ce qui concerne cette catégorie des PME, la plupart sont des petites entreprises, mais parmi celles-ci, il existe des microentreprises. J’aimerais beaucoup voir une catégorie distincte spécialement dédiée à ces dernières.

Il y a très peu de financement public destiné expressément aux microentreprises. En général, on les amalgame aux petites entreprises. En raison des formalités administratives à remplir pour obtenir un financement semblable, c’est pour ainsi dire impossible pour une entreprise ne comptant qu’un à quatre employés.

Ce sont les difficultés que j’ai été à même d’observer pour les microentreprises, et j’aimerais beaucoup les voir dans une catégorie distincte, mais pouvez-vous nous dire quelle est votre opinion et votre expérience en la matière?

M. Gaudreault : C’est un excellent point. Je le répète : selon nos statistiques officielles, la moitié des entreprises de ce pays sont considérées comme des microentreprises, c’est-à-dire qu’elles comptent moins de cinq employés. Comme elles représentent la majorité de nos entreprises, des efforts considérables devraient être déployés pour s’assurer qu’elles puissent prospérer.

Pour nous, c’est vraiment une priorité. Il faut leur offrir un environnement commercial plus simple. En toute franchise, au‑delà de tout nouveau programme et de toute mesure que vous pouvez mettre en place, si vous simplifiez les choses pour ces entreprises à deux ou trois personnes, vous augmentez considérablement leurs chances de réussite. C’est ce que ces gens-là nous disent. Ils ont besoin que les choses se fassent plus rapidement et plus simplement.

Mais vous avez également raison de dire que la réalité de ces microentreprises n’est pas, le plus souvent, celle des grandes entreprises comptant 50 ou 500 employés. Il est certes nécessaire de mieux saisir la nature de l’entrepreneuriat au Canada. Ce n’est pas un pays où prédominent les entreprises de taille moyenne ou comptant 50 employés; nous avons une économie de microentreprises. Mettons-les donc en tête de notre liste de priorités.

Mme Auger : J’ajouterais également une chose. Lorsque nous interrogeons nos membres au sujet de la réduction des coûts — quelle que soit la manière dont les coûts d’exploitation sont réduits, que ce soit par la simplification des formalités administratives ou la baisse des impôts, etc. —, nous leur demandons quelle serait la première chose qu’ils feraient. En tête de liste, les chefs d’entreprise nous répondent qu’ils réinvestiraient dans leur entreprise, dans leur personnel et dans de l’équipement. Les entrepreneurs ne souhaitent pas engranger les fonds obtenus. Ils cherchent plutôt des moyens d’améliorer leur entreprise, tant pour leur personnel que pour les investisseurs, et de poursuivre leur croissance.

La sénatrice Martin : Que ce soit le gouvernement fédéral, la BDC ou les banques, il faudrait des programmes de financement ciblés pour les microentreprises, mais il n’en existe pas actuellement, n’est-ce pas?

M. Gaudreault : Je ne pense pas qu’il existe un grand nombre de programmes de la sorte. Très franchement, nous craignons surtout de voir les autorités choisir de lancer un nouveau programme en réaction à la trop grande complexité de ceux qui sont déjà en place. Nous devons tenir compte de ce que nous disent les propriétaires de petites entreprises : il existe déjà de nombreuses options différentes qui, il faut bien le dire, ne semblent pas très efficaces pour beaucoup d’entre eux. Selon la FCEI, la grande priorité devrait être de rationaliser et de simplifier les choses. Cela permettra de libérer certaines ressources qui pourront être réaffectées aux entreprises.

Mme Auger : En matière de conception de programmes, j’éviterais de désigner à l’avance des gagnants et des perdants. C’est ce que nous observons actuellement avec certains programmes mis en œuvre en réponse aux droits de douane. On dirait que l’on choisit ceux qui vont bénéficier d’une partie des fonds et de l’accès au programme. Il faudrait simplement faciliter l’accès à tous les programmes pour les petites et moyennes entreprises.

Le sénateur C. Deacon : Je veux revenir au fait que notre système de crédit se concentre exclusivement sur les actifs corporels alors même que ce sont les actifs incorporels qui constituent la source principale de création de richesse dans le monde. On ne devrait pas essayer de réparer des systèmes qui ne veulent pas être réparés. En effet, nos banques semblent se satisfaire pleinement de leur faible classement dans le palmarès de la FCEI depuis 20 ans, car elles ne font rien pour l’améliorer. C’est la réalité des résultats que je suis à même d’observer année après année. Les banques semblent bien s’en accommoder. J’estime donc qu’il faudrait essayer de déterminer qui veut être en tête de ce classement et rivaliser avec les coopératives de crédit et les autres acteurs qui sont vraiment au service de nos petites entreprises.

Ce que je constate, c’est qu’il existe des prêteurs privés et des prêteurs spécialisés dans les technologies financières qui s’intéressent à différents types de données, comme celles portant sur la prospection et la fidélisation de la clientèle, ainsi que le retour sur investissement du coût d’acquisition client, ainsi que le coût et la valeur à vie d’un client, et qui évaluent dans quelle mesure une entreprise réussit à créer de la valeur pour ceux qu’elle sert. Ce type de données est très utile pour un prêteur, car cela lui permet de voir comment les flux de trésorerie vont évoluer s’il continue à investir dans ce qui fonctionne.

Après sept années d’attente pas très patiente, nous nous dirigeons enfin vers un système bancaire ouvert. Pouvez-vous nous parler des possibilités offertes par les prêteurs non traditionnels, car je pense que c’est là que nous devons concentrer nos efforts?

M. Gaudreault : Mme Auger voudra peut-être vous répondre à ce sujet, mais je me contenterai de dire une chose. Vous avez tout à fait raison de souligner ce point, dans la mesure où un choix plus large et davantage de possibilités conduiront inévitablement à de meilleures options pour les entreprises, à une réduction des coûts et à un meilleur accès au financement, autant d’éléments qui font partie de la solution. Il y a le secteur bancaire traditionnel et les coopératives de crédit, mais il existe aussi des options plus modernes, si je puis dire, ou des options supplémentaires que, très franchement, d’autres pays ont mises au point bien avant nous. Un regroupement comme le nôtre serait certes favorable à un esprit d’entreprise de la sorte dans le secteur financier également, et nos membres seraient heureux de disposer de plus d’options et de choix.

Mme Auger : Pour compléter cela, je dirais que nous avons toujours préconisé un système bancaire ouvert comme moyen d’accroître la concurrence et de réduire les frais bancaires pour les propriétaires de petites entreprises, mais aussi peut-être de rendre ce secteur plus compétitif et d’assurer l’application de normes de service à la clientèle plus rigoureuses dans les banques.

Vous savez probablement que le Bureau de la concurrence mène actuellement une consultation. Nous avons notamment fait valoir à cette occasion que le Bureau se doit absolument de prendre en compte, dans le cadre de son examen de l’accès au financement pour les PME, l’impact qu’un système bancaire ouvert pourrait avoir sur l’éventail des possibilités offertes. Il n’est pas prévu dans le mandat du Bureau que l’on examine pour l’instant la question du système bancaire ouvert. Ce serait l’une de nos recommandations à son intention, afin de garantir que d’autres produits qui ne font pas nécessairement partie de l’offre bancaire actuelle soient pris en compte dans cette étude, de telle sorte que cette avenue soit bel et bien envisagée en vue de renforcer la concurrence.

Le sénateur C. Deacon : Il y une autre chose que j’ai remarquée. Nous avons mené une étude il y a environ un an sur les programmes de prêts et de soutien du gouvernement, et nous en avons recensé 134. Un seul d’entre eux, et c’est un programme qui a été supprimé depuis, comportait des indicateurs clés de performance qui étaient basés sur les résultats, c’est‑à‑dire sur ce qui se passe réellement lorsque l’argent est investi de manière à aider l’entreprise sans nécessairement contribuer à l’atteinte d’un objectif gouvernemental.

Si nous inversions la tendance et que les programmes se concentraient sur ce qui aide les entreprises — si celles-ci en décident ainsi —, nous réglerions vraiment le plus gros problème auquel nous sommes confrontés actuellement alors que les programmes offerts visent l’atteinte des objectifs du gouvernement, plutôt que ceux des entreprises.

M. Gaudreault : C’est quelque chose que nous constatons également. Tout d’abord, ce qui nous manque le plus souvent lorsque les indicateurs clés de performance sont présents, c’est qu’ils semblent davantage mesurer les efforts déployés que les résultats obtenus. Il est certain que les besoins des entreprises doivent être placés au cœur de ces programmes. Vous avez raison de souligner que le fait d’avoir des objectifs clairs quant aux résultats visés par les chefs d’entreprise est un excellent moyen d’y parvenir.

Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup.

Le président : Sur la base de cet échange, préparez-vous à recevoir une autre invitation lorsque nous annoncerons la loi d’application du budget portant sur le système bancaire ouvert. Nous tenons à connaître votre avis sur cette question.

La sénatrice Ringuette : Ma question est la suivante : dans quelle fourchette semblent se situer les prêts les plus difficiles à obtenir pour vos membres? Il doit y avoir une fourchette que vous pouvez établir grâce à vos données.

Mme Auger : Vous voulez parler du montant des prêts demandés?

La sénatrice Ringuette : Oui.

Mme Auger : Je ne suis pas certaine que nous ayons des chiffres à ce sujet.

M. Gaudreault : Nos données montrent que le taux d’approbation est plus faible pour les petites entreprises que pour celles qui sont de taille moyenne. S’il s’agit de prêts de faible montant, les taux de refus ont généralement tendance à être plus élevés, du moins pour les petites entreprises. Ici, je mets en corrélation le montant du prêt et la taille de l’entreprise. Nous observerions probablement un lien semblable, car bon nombre de ces microentreprises sont, comme nous l’avons souligné, des entreprises de services qui n’ont pas de garantie à offrir. Il leur est donc plus difficile d’obtenir un prêt pour financer leur croissance.

C’est également l’une des défaillances importantes du marché que nous observons actuellement. Notre économie compte de nombreuses entreprises de services qui arrivent difficilement à accéder à des capitaux.

La sénatrice Ringuette : D’après mes conversations avec les entrepreneurs de mon entourage, leur premier choix en matière de prêt serait la banque ou la coopérative de crédit locale — la caisse populaire. Nous avons toutefois reçu hier un représentant d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, un ministère qui propose toute une gamme de programmes, et il en va de même de la BDC et des différents gouvernements provinciaux.

Comme le faisait valoir la sénatrice Marshall, le problème ne vient pas d’un manque d’argent disponible. Il me semble que lorsqu’un entrepreneur cherche à obtenir un prêt, sa première option est le prêteur local, qu’il s’agisse d’une banque ou d’un autre établissement. Si cela ne fonctionne pas, il doit alors examiner toute la gamme des possibilités.

Je vais peut-être reformuler le tout en vous posant une question. En ce qui concerne les programmes fédéraux de prêts pouvant être accessibles, ne serait-il pas préférable et plus efficient que la BDC soit l’organisme fédéral chargé des prêts aux entreprises, plutôt que de répartir ces prêts entre différents ministères?

D’après les échanges que nous avons eus hier avec les représentants de la BDC au sujet des petites entreprises et des microentreprises, on semble vraiment vouloir rationaliser le processus afin de le rendre plus efficient du point de vue des délais de traitement, car ceux qui ont besoin d’un prêt doivent aussi l’obtenir rapidement.

Qu’en pensez-vous?

M. Gaudreault : Il est indéniable que si les ressources sont réparties entre un plus grand nombre d’organisations, il y aura davantage de pertes d’efficience, du fait que chacune de ces organisations devra gérer ses propres programmes à cette fin.

En tant qu’entrepreneur, vous souhaitez monter un projet et obtenir un soutien. Vous présentez alors une demande à une institution qui vous indique que vous excédez le montant maximal prévu, et que vous devez vous adresser à une autre organisation. C’est un peu comme une mosaïque. En quoi cela est-il vraiment efficient par rapport à un système qui serait plus simple?

C’est notamment pour cette raison que nous réclamons une certaine rationalisation. Selon notre évaluation, il existe de nombreuses organisations différentes qui se consacrent au financement d’un grand nombre de programmes. nous estimons donc que l’on pourrait gagner en efficience s’il y en avait moins. Non seulement il serait plus facile pour les entreprises de savoir à quelle porte frapper, mais on pourrait aussi offrir ce soutien de façon plus efficiente.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Bienvenue à nos témoins.

Il y avait des problèmes de financement. Au moment où vous avez fait le sondage, le taux d’intérêt de la Banque du Canada est passé de 0,25 à 4,50 %. En ce moment, c’est beaucoup plus bas. Le prochain sondage sera en 2026. Selon les indications que vous avez, en ce qui concerne la pression financière, y a-t-il un certain répit?

M. Gaudreault : On a fait un sondage de suivi mensuel de la santé des entreprises et des conditions d’affaires qu’on appelle le Baromètre des affairesMD qui contient des données concernant la facilité d’accès au crédit. Donc, on a vu effectivement le pic être dépassé récemment, puisque les conditions de crédit ont été facilitées avec la baisse du taux d’intérêt. Il reste qu’il y a encore un pourcentage important d’entreprises, incluant dans les derniers mois, qui mentionnent que l’accès au crédit est un défi pour elles.

Dans les dernières années, j’aime dire qu’il y a eu une succession de marathons que les entrepreneurs ont dû courir. Maintenant, on se félicite, parce qu’on se dit que l’économie a été résiliente. Toutefois, peut-être que ce qu’on ne voit pas en dehors de cela est une certaine fatigue et une érosion de la résilience des entrepreneurs dans leur capacité financière. On voit dans nos sondages majeurs sur le financement qu’à chaque trois ans, la proportion d’entreprises qui ont demandé du financement croît. Cela est sur le long terme. Est-ce que c’est ce qu’on verra lorsqu’on fera le sondage en 2026? On a un peu peur de constater cela, effectivement.

Le sénateur Dalphond : Donc, la pression financière pour rembourser les dettes a baissé, mais le problème est l’accès aux prêts. Est-ce que le taux de refus est resté élevé ou a-t-il baissé?

M. Gaudreault : On ne l’a pas mesuré. Dans notre rapport de 2026, on va mesurer le taux de refus sur les prêts.

Concernant la condition financière des entreprises, dans notre sondage de suivi mensuel, on voit un nombre record d’entreprises qui disent que la demande est insuffisante pour leurs produits et services. Donc, leur capacité de générer des revenus et de financer leur croissance et leurs opérations est diminuée. Il y a parfois une dette importante qu’ils traînent depuis la période COVID. Il ne faut pas le nier. Tout cela représente un bagage que l’on continue de traîner. On a espoir que les choses vont se normaliser, mais nos chiffres démontrent qu’il y a encore une certaine faiblesse financière.

Le sénateur Dalphond : Vous aviez des suggestions à fin du troisième rapport, notamment au gouvernement de s’assurer que les banques respectent le code de conduite sur les relations des banques avec les petites et moyennes entreprises. Y a-t-il eu du progrès au niveau des discussions avec le gouvernement et avec le régulateur?

[Traduction]

Mme Auger : Je pense que ces questions sont fréquemment abordées dans nos contacts directs avec les banques pour discuter de la manière dont elles interagissent avec leurs clients, et en particulier avec les petites entreprises.

Nous n’avons pas constaté beaucoup de changements dans le code lui-même depuis la publication du dernier rapport, mais il y a toujours matière à amélioration afin de mieux prendre en compte la situation des PME dans le code de conduite des banques.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Merci.

Le président : Cela termine la première ronde. J’aurais également une question pour vous. Auriez-vous 10 ou 15 minutes supplémentaires à nous accorder? Je vois qu’il y a de l’intérêt pour une seconde ronde de questions. Merci beaucoup de votre temps.

On fait notre étude sur l’accès au crédit et aux marchés des capitaux pour les PME, toujours en lien avec la productivité. Voyez-vous des différences entre les provinces? Y a-t-il des provinces qui ont des accès plus faciles au capital? Il y a une province que je connais davantage, parce que je suis du Québec, où il y a des outils comme Investissement Québec et autres. Est-ce similaire d’une province à l’autre pour l’accès au crédit et aux marchés des capitaux pour les PME?

M. Gaudreault : C’est une excellente question.

Mme Auger : C’est une excellente question.

J’essayais de voir si on avait le détail par province. On ne l’a pas avec nous aujourd’hui. Je peux sûrement faire un suivi à ce sujet.

Cependant, ce qu’on a dans notre rapport est par banque, puis même par banque, il y a quand même de l’information. On voit que Desjardins a un taux de rejet de 7 %, ce qui est assez bas, comparativement aux autres banques. Si on regarde ATB, qui est seulement disponible en Alberta, leur taux de rejet est de 34 %. Donc, on voit des différences régionales plutôt que par province.

Le président : Vous avez mentionné plus tôt que vous préférez de loin des baisses d’impôt que de nouveaux programmes, parce que c’est aux entreprises à décider. Avez-vous une opinion sur leur super déduction à la productivité dans le dernier budget où on se rapproche de ce qui se fait aux États-Unis, c’est-à-dire qu’on va passer à la dépense immédiatement plutôt que de l’amortir, donc on accélère? Est-ce une mesure qui peut aider à l’augmentation de productivité?

M. Gaudreault : Oui. Je pense que ce sont des mesures qu’on a appuyées et qu’on aime voir du côté de la FCEI. Cela fait partie de l’ensemble des outils en chantier qu’on a pour améliorer notre compétitivité fiscale.

Judicieusement, vous faites la comparaison avec les États-Unis qui ont un régime très compétitif. Je pense que sur leurs éléments de fiscalité, il y a certainement des choses que l’on devrait suivre. On est heureux de voir ce qu’il y a dans le budget.

[Traduction]

Le sénateur Varone : Je reviens encore une fois au moment où j’ai découvert la FCEI, à la fin des années 1990. En 1998, vous avez mené la charge contre le gouvernement provincial qui voulait changer son régime d’imposition foncière, passant d’un système par catégorie à un système basé sur la valeur actuelle.

Pour que mes collègues comprennent bien, cela signifiait qu’une entreprise de North York et une autre dans la ville de Toronto faisant exactement la même chose se retrouvaient avec deux assiettes foncières différentes, car celles-ci étaient désormais fondées sur la valeur, plutôt que sur la catégorie.

Vous avez alors lancé une pétition qui, je m’en souviens, s’est répandue comme une traînée de poudre, mais nous avons tous perdu cette bataille. Les évaluations de la valeur actuelle font désormais partie du paysage en Ontario. L’une des choses qui m’ont frappé à propos de la FCEI — et cela concerne votre rôle de défenseur des droits —, c’est que vous avez commencé à organiser des ateliers sur la manière de contester les impôts fonciers.

Je m’intéresse à l’accès au capital. Vous disposez d’une base de données importante pour aider les petites entreprises, aussi bien pour les formulaires de gestion des ressources humaines que pour d’autres éléments.

En faites-vous autant pour l’accès au capital? Organisez-vous des ateliers pour leur permettre de savoir de quoi il en retourne exactement? Vous disposez de cette base de données, et vous savez où se trouve l’argent au sein du système bancaire. Est-ce quelque chose que vous encouragez?

Mme Auger : Au sein de la FCEI, vous avez tout à fait raison, nous offrons une sorte de ligne d’assistance, qui se veut une ressource pour les propriétaires de petites entreprises. Les membres de la FCEI peuvent appeler pour joindre l’un de nos conseillers en affaires et obtenir des conseils sur tout, des ressources humaines aux programmes de financement disponibles dans leur province ou dans leur secteur. Nos conseillers en affaires effectueront les recherches nécessaires et leur enverront ces informations. C’est l’un des avantages d’être membre de la FCEI quand on est propriétaire d’une petite entreprise.

En outre, nous organisons des webinaires. Nous en avons réalisé toute une série sur divers sujets, allant de l’art de l’importation à l’éventail des programmes offerts. Je dois dire que nos ateliers sur les nouveaux programmes du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial ne suscitent jamais beaucoup d’intérêt.

Nous avons essayé divers sujets, mais si le programme ne répond pas aux besoins particuliers d’une entreprise, au bon moment, les entrepreneurs ne prendront pas le temps de venir s’informer.

La sénatrice Martin : En tant que sénatrice de la Colombie-Britannique, je n’ai pu m’empêcher de remarquer votre rapport de janvier 2025 visant à éliminer les obstacles et à réduire l’effet de la taxe de vente sur les investissements en capital. C’est un article très intéressant. Vous y formulez une recommandation à l’intention des gouvernements provinciaux de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point précis?

M. Gaudreault : Oui. Il s’agit d’un rapport de recherche rédigé par nos collègues de l’Ouest. Le point central de ce rapport est le problème de productivité qui s’observe au Canada, auquel il faut s’attaquer de différentes manières. L’une des principales solutions consiste à investir et à faire en sorte qu’il y ait suffisamment d’investissements privés.

Il y a un problème dans le régime fiscal de ces provinces, où les entreprises sont pénalisées par rapport à celles d’autres provinces lorsqu’il s’agit d’investir dans leur croissance.

La FCEI recommande aux gouvernements provinciaux de corriger ces lacunes ou ces inefficacités du régime fiscal afin que les entreprises de ces provinces ne soient pas désavantagées lorsqu’il s’agit d’investir dans leurs activités.

Encore une fois, cela fait partie des efforts que nous déployons à la FCEI pour garantir un environnement commercial sain, non seulement à l’échelle fédérale, mais aussi à l’échelle provinciale. C’est pourquoi nous avons des collègues un peu partout au pays. Nous sommes fiers de pouvoir dire que nous avons des équipes régionales et des équipes dans toutes les provinces qui travaillent en étroite collaboration avec les gouvernements.

Honnêtement, nous estimons que la tâche est si colossale qu’il faut non seulement prendre des mesures au niveau fédéral, mais aussi agir au niveau provincial et même, comme le soulignait un sénateur tout à l’heure, au niveau local et revoir la fiscalité locale.

Le sénateur C. Deacon : Puisque nous parlons de fiscalité et que vous avez beaucoup évoqué la question des taxes et des impôts, j’ai vu récemment plusieurs publications selon lesquelles les petites entreprises auraient tendance à reporter leurs ventes à une année ultérieure lorsqu’elles approchent du taux marginal d’imposition ou du taux marginal d’imposition supérieur. En tant qu’ancien propriétaire d’une petite entreprise, je ne comprends pas cette stratégie, parce que, oui, on paie un montant plus élevé au taux marginal d’imposition supérieur, mais cela n’a aucune incidence sur la fourchette de revenus précédente. Pouvez-vous m’expliquer les raisons à cela?

M. Gaudreault : Sans entrer dans les détails des différentes stratégies que les entreprises mettent en place en réaction à cela, nous avons parlé tout à l’heure des seuils et de tout ce qu’ils impliquent. Encore une fois, le relèvement des seuils permettrait de corriger en partie cette distorsion qu’on observe dans les statistiques sur les taux d’imposition des petites entreprises, où l’on constate souvent des anomalies. Cependant, je tiens à ajouter un point important qui est souvent négligé : cette distorsion a fait l’objet d’analyses approfondies, et c’est probablement la raison pour laquelle le taux d’imposition des petites entreprises n’est pas le plus efficace.

Ce que les gens oublient toujours, c’est que cette distorsion reste très faible. Si l’on regarde les graphiques linéaires, on constate que cela ne concerne qu’une très petite proportion de toutes les petites entreprises qui se retrouvent dans cette situation.

Une étude récente de Statistique Canada a également révélé que certaines entreprises — et vous avez raison de le dire — reporteraient leurs ventes à une année ultérieure. Parallèlement, certaines entreprises font probablement des investissements plus tôt. Cela compense.

Nous estimons que, dans l’ensemble, ce n’est pas suffisamment répandu pour remettre en cause l’idée d’un taux d’imposition des petites entreprises.

Le sénateur C. Deacon : C’est mon impression aussi, mais je souhaitais clarifier cela. Merci.

Le sénateur Loffreda : J’ai une question rapide pour conclure. Vous avez eu de nombreuses discussions avec les membres de votre fédération, qui est importante et influente. Si nous pouvions recommander une mesure pour améliorer immédiatement l’accès au capital pour les PME au cours des 24 prochains mois, quelle serait la priorité absolue de la FCEI, d’après les discussions que nous avons eues aujourd’hui et les données que vous avez dit avoir en votre possession? On a toujours besoin de plus de données. Vous semblez disposer de passablement de données. Vous faites un excellent travail à cet égard. Qu’aimeriez-vous nous voir recommander?

M. Gaudreault : Je dirais qu’il faut avant tout leur laisser plus d’argent dans les poches. Cela répondrait en partie aux besoins de financement de plusieurs d’entre elles.

Le sénateur Loffreda : Donc moins d’impôts?

M. Gaudreault : Exactement.

Le sénateur Loffreda : Pourtant, dans certaines provinces, nous avons des régimes des plus concurrentiels en matière d’impôt des sociétés. C’est une autre histoire pour l’impôt sur le revenu des particuliers. Mais en ce qui concerne l’impôt des sociétés, nous sommes très concurrentiels. N’ai-je pas raison?

M. Gaudreault : Sénateur, vous me donnez l’occasion de mentionner une autre recherche que nous avons effectuée cet été, dans laquelle nous avons comparé les régimes fiscaux des petites entreprises et des microentreprises. Nous avons analysé deux scénarios. Nous avons pris les dix provinces canadiennes et les avons comparées à 20 États américains sélectionnés, soit ceux qui sont les plus proches de notre économie et qui commercent le plus avec nous. Il y avait un écart de compétitivité de 20 %.

Je tiens également à souligner que même dans ces provinces — car bon nombre d’entre elles ont réduit le taux d’imposition des petites entreprises, ce qui est tout à leur honneur —, celles-ci paient toujours 9 % d’impôt au fédéral. Nous n’avons pas fait beaucoup de progrès sur ce front.

Le sénateur Loffreda : C’est donc cela. Merci.

Le président : Merci de nous avoir présenté vos études. Elles pourraient nous être très utiles, car c’est précisément ce qui nous préoccupe.

[Français]

La sénatrice Henkel : On n’en parle pas beaucoup, et pourtant, ils sont très importants. Une étude récente menée au Canada démontre que 41 % des entrepreneurs disent qu’ils fermeront leur entreprise dans les cinq prochaines années. Quels sont les obstacles les plus critiques, d’après vous, qui empêchent les repreneurs de prendre la relève? Quelles pourraient être les conséquences, d’après vous, si rien ne change?

Mme Auger : Pour la question des repreneurs, il semble y avoir un manque de Canadiens qui veulent reprendre les entreprises. On voit cela dans nos sources de données. Aussi, on voit que d’autres mécanismes sont mis en place pour la succession, mais en ce qui a trait à la fiducie collective d’employés, on voit qu’il y a des mécanismes qui vont disparaître, donc ce format ne fonctionnera pas ou n’a pas d’avantages même si l’entrepreneur prend tout le risque.

[Traduction]

Pour ce qui est des repreneurs, il semble y avoir un certain décalage entre le nombre d’entreprises qui cessent leurs activités actuellement et le nombre de Canadiens prêts à prendre la relève.

[Français]

M. Gaudreault : On fait aussi des rapports de recherche sur la question du repreneuriat. On voit un défi assez important. Le titre de notre dernier rapport était Relève des entreprises au Canada : Se préparer au tsunami de successions prévues les dix prochaines années. C’est bien de démarrer de nouvelles entreprises, mais du capital et de la valeur ont été créés dans nos entreprises actuelles. Si l’on pouvait préserver cela, cela pourrait nous donner une longueur d’avance d’un point de vue économique. Dans ces rapports, on demande aux membres de la FCEI quels sont les enjeux. On travaille aussi du côté des entrepreneurs pour s’assurer qu’ils ont un plan de relève, que c’est discuté longtemps à l’avance et que c’est bien communiqué à l’interne dans l’entreprise. C’est important de se pencher sur ces éléments.

Du côté des gouvernements, comme Mme Auger l’a mentionné, il faut avoir les bons outils. Dans le passé, la FCEI a travaillé sur le dossier des transferts d’entreprises familiales. On était pénalisé du côté de la fiscalité. Je suis sûr que le président du comité connaît bien le dossier. Le Québec s’en est occupé beaucoup à l’époque et l’on a fait des avancées à cet effet. Or, ce que Mme Auger dit sur les fiducies collectives d’employés est un autre élément très important qu’il faut continuer de soutenir.

La sénatrice Henkel : Pour clarifier, vous dites que ce fonds risque de disparaître ou disparaît?

Mme Auger : Non, il y a des mécanismes d’argent que l’employeur —

[Traduction]

... l’entreprise elle-même prend beaucoup de risques, et à l’heure actuelle, il y a un 10 000 $ pour l’investissement en capital qui est sur le point d’expirer, alors que ce genre de planification prend beaucoup de temps. Il faut plusieurs années pour mettre en place les structures nécessaires, et si nous ne donnons pas aux propriétaires d’entreprises la possibilité de prendre ce risque pendant qu’ils peuvent bénéficier de certains de ces mécanismes, ils ne créeront pas de fiducie collective d’employés. C’est pourtant un excellent moyen de garder les entreprises canadiennes chez nous.

[Français]

Le président : Merci.

Je vais utiliser mon privilège de président pour offrir 30 secondes au sénateur Loffreda pour un sujet qui lui tient à cœur.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Je préconise depuis des années la création de fiducies collectives d’employés. Avez-vous transmis cette idée au gouvernement?

Mme Auger : Oui, nous lui en avons fait part au moyen d’une lettre officielle.

Le sénateur Loffreda : Je vous crois.

Mme Auger : Nous avons collaboré avec Employés propriétaires Canada.

Le sénateur Loffreda : Je ne comprends pas pourquoi cela n’a pas été renouvelé. Merci de votre témoignage.

[Français]

Le président : Le message est passé. Merci beaucoup à vous deux pour vos témoignages. Mon petit doigt me dit que nous allons nous revoir sous peu dans le cadre d’une autre étude.

Nous allons suspendre la réunion, puis passer à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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