LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 9 octobre 2025
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles s’est réuni ce jour à 8 heures (HE) pour examiner, afin d’en faire rapport, les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant l’énergie, l’environnement, les ressources naturelles et les changements climatiques.
La sénatrice Joan Kingston (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je m’appelle Joan Kingston et je suis présidente du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je vais demander à tous les sénateurs de se présenter.
[Français]
La sénatrice Verner : Bonjour. Josée Verner, du Québec. Je suis la vice-présidente du comité.
La sénatrice Youance : Bonjour. Suze Youance, du Québec.
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : David Arnot, Saskatchewan.
Le sénateur Lewis : Todd Lewis, Saskatchewan.
Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Réjean Aucoin, de la Nouvelle-Écosse.
[Traduction]
Le sénateur Fridhandler : Daryl Fridhandler, Alberta.
La présidente : Merci. Étant donné que beaucoup de personnes présentes dans cette salle ne sont pas toujours ici, je vous demanderais de bien vouloir garder en tout temps vos écouteurs loin des microphones. Ne touchez pas les microphones. L’activation et la désactivation seront gérées par l’opérateur de la console. Veuillez éviter de toucher vos écouteurs lorsque le microphone est allumé. Les écouteurs doivent rester dans les oreilles ou être placés sur l’autocollant prévu à cet effet au niveau du siège afin de protéger nos interprètes.
Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes aujourd’hui. Certaines personnes nous écoutent également en ligne. Aujourd’hui, conformément à l’ordre général de renvoi reçu du Sénat le 25 septembre, nous entendons le commissaire à l’environnement et au développement durable, M. Jerry V. DeMarco. Bienvenue, monsieur DeMarco.
Nous vous remercions de prendre le temps, malgré votre emploi du temps chargé, de nous parler de vos rapports 2024-2025, en particulier le Rapport 4 : Leçons tirées de la performance du Canada dans le dossier du développement durable, publié au printemps 2025; le Rapport 8 : Progrès réalisés par les ministères et organismes dans la mise en œuvre des stratégies de développement durable — Énergie propre, de l’automne 2024; et le Rapport 6 : Stratégie canadienne sur les minéraux critiques, de l’automne 2024.
J’aimerais également souhaiter la bienvenue aux membres du personnel du Bureau du vérificateur général qui vous accompagnent aujourd’hui. Je les invite à se présenter.
Jessica Johnston, directrice, Bureau du vérificateur général du Canada : Jessica Johnston.
Francis Michaud, directeur, Bureau du vérificateur général du Canada : Francis Michaud.
La présidente : Pour le comité, le calendrier révisé comprend une liste d’autres personnes qui seront présentes aujourd’hui pour nous aider à mieux comprendre la situation. Il s’agit de membres du personnel d’Environnement et Changement climatique Canada, d’Emploi et Développement social Canada, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, de Statistique Canada, de Ressources naturelles Canada, de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada et de Services aux Autochtones Canada. Ils seront là pour répondre à certaines de vos questions.
À présent, je donne la parole à M. DeMarco pour sa déclaration liminaire.
Jerry V. DeMarco, commissaire à l’environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Madame la présidente, je vous remercie de nous donner l’occasion de débattre de nos rapports de 2024 sur la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques et sur les Progrès réalisés par les ministères et organismes dans la mise en œuvre des stratégies de développement durable — Énergie propre, ainsi que sur le rapport de 2025 sur les Leçons tirées de la performance du Canada dans le dossier du développement durable.
Je tiens à souligner que cette réunion se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anishinaabe.
Je suis accompagné aujourd’hui de Jessica Johnston et Francis Michaud, les directeurs responsables des rapports 2024.
Je vais commencer par notre audit de la stratégie sur les minéraux critiques de Ressources naturelles Canada. Le gouvernement fédéral a alloué 3,8 milliards de dollars sur huit ans pour augmenter l’approvisionnement en minéraux provenant de sources responsables et durables. Le Canada a besoin de ces ressources pour soutenir les technologies vertes, telles que les batteries de véhicules électriques, les éoliennes et les panneaux solaires.
Notre audit s’est concentré sur deux des objectifs de la stratégie : la protection de l’environnement et la promotion de la réconciliation avec les peuples autochtones. Nous avons constaté que le ministère n’avait pas effectué suffisamment d’analyses pour évaluer les avantages d’une augmentation de l’approvisionnement du Canada en minéraux critiques par rapport aux répercussions que cela pourrait avoir sur l’environnement et les populations autochtones.
Bien que ces ressources soient essentielles pour soutenir la transition vers une économie carboneutre, il convient de faire preuve de prudence et de planifier correctement afin d’éviter tout impact négatif sur le climat, la qualité de l’eau, la biodiversité et les collectivités autochtones.
À l’avenir, Ressources naturelles Canada devra évaluer en profondeur les risques et les répercussions de la stratégie, afin de maximiser les avantages tout en minimisant les retombées négatives liées à l’intensification des activités minières. Dans le cas contraire, les avantages liés aux progrès technologiques favorisant la transition vers la carboneutralité pourraient être contrebalancés par des effets négatifs sur le climat, la biodiversité, les collectivités autochtones et les générations futures. Une gestion efficace des risques est également essentielle pour favoriser l’acceptation des nouveaux projets miniers et éviter les retards et les responsabilités financières pouvant découler de la contamination des sites.
Dans notre rapport annuel Progrès réalisés par les ministères et organismes dans la mise en œuvre des stratégies de développement durable — Énergie propre, nous avons évalué les progrès réalisés par quatre ministères dans l’atteinte de deux objectifs énergétiques : produire 90 % de l’électricité du Canada à partir de sources propres et réduire la consommation annuelle d’énergie de 600 pétajoules. Les quatre ministères concernés étaient Ressources naturelles Canada, Environnement et Changement climatique Canada, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, et Services aux Autochtones Canada.
[Français]
Nous avons constaté que les résultats étaient limités, que les progrès étaient lents et que la majorité de l’information rapportée par les ministères ne démontrait pas clairement comment les résultats contribuaient directement aux cibles fédérales. Le gouvernement fédéral n’avait donc pas de vision claire de ses progrès relatifs aux cibles liées à la production d’énergie propre et à l’efficacité énergétique.
Au moment de notre audit, plus de 82 % de l’électricité produite au Canada provient de sources renouvelables non émettrices, alors que la cible de 2030 est de 90 %. Cet écart est important, et l’écart par rapport à la cible liée à l’efficacité énergétique est encore plus large.
Il est essentiel pour le Canada de produire plus d’énergie propre et d’améliorer l’efficacité énergétique pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. En redoublant d’efforts pour atteindre ces deux cibles d’ici 2030, le Canada ferait preuve de leadership dans la lutte mondiale contre les changements climatiques.
Finalement, le rapport de 2025 sur les leçons tirées, qui n’est pas un audit, revient sur plus de 30 ans d’actions du gouvernement fédéral en matière de développement durable et présente six leçons pour aider le Canada à obtenir de meilleurs résultats. Chaque leçon se termine par des questions fondamentales que les parlementaires peuvent prendre en considération.
La mise en œuvre du développement durable représente un défi important au Canada. Malgré les cibles nationales et internationales, le Canada est le pays qui a le moins progressé dans l’atteinte des objectifs de développement durable des Nations unies parmi les pays du G7.
Ce rapport souligne la nécessité d’une approche plus intégrée du développement durable qui tienne compte des facteurs sociaux, économiques et environnementaux dans la prise de décisions, les politiques et les programmes. Parmi les autres leçons, le rapport mentionne l’importance pour le Canada de renforcer son leadership à l’échelle nationale, d’avoir une approche à plus long terme qui favorise l’équité intergénérationnelle et de favoriser une collaboration accrue, notamment avec les gouvernements et les peuples autochtones.
Madame la présidente, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre aux questions des membres du comité. Merci.
La présidente : Merci, monsieur DeMarco
[Traduction]
Nous ouvrons maintenant la séance aux questions du comité.
Je tiens à vous rappeler que, bien que M. DeMarco ait cité trois rapports en particulier, les représentants des autres ministères présents aujourd’hui sont là pour répondre à toutes vos questions concernant les rapports qui n’ont pas été mentionnés.
Le sénateur Arnot : Monsieur DeMarco, selon votre audit, 82,49 % de l’électricité produite est propre, ce qui représente un écart de 7,51 points par rapport à l’objectif de 90 % fixé pour 2030. Quels sont les principaux leviers fédéraux qui, s’ils étaient correctement déployés et mesurés à l’aide d’indicateurs cohérents avec la Stratégie fédérale de développement durable, ou SFDD, permettraient de combler la majeure partie de cet écart, et dans combien de temps pourrions-nous observer des progrès mesurables?
M. DeMarco : Je vous remercie de cette question. Pour ceux qui souhaitent en savoir plus, l’écart est illustré à la pièce 8.2 de ce rapport. Je tiens à préciser, si M. Michaud me le permet, que l’écart est en réalité plus important aujourd’hui, puisque le rapport dont il est question remonte à l’année dernière. Monsieur Michaud, pourriez-vous informer le comité de la situation actuelle concernant cet écart?
M. Michaud : Selon les dernières données, en 2024, moins de 80 % de l’énergie produite est propre, ce qui représente une diminution. Au moment de notre audit, le ministère ne pensait pas atteindre l’objectif fixé pour 2030. Au moment de notre audit, il ne pensait pas y parvenir, à moins que la réglementation sur le charbon ne soit mise en œuvre.
Le sénateur Arnot : Merci, mais en ce qui concerne les mesures correctives pour résoudre ces problèmes, quels sont les principaux leviers fédéraux qui pourraient être déployés pour combler cet écart, et dans combien de temps ces mesures pourraient-elles être mises en œuvre?
M. DeMarco : Pour répondre à la question concernant les leviers dont dispose le gouvernement fédéral — et votre question sous-entend implicitement qu’il s’agit d’une question de compétence partagée en matière d’émissions provenant du secteur de l’électricité —, l’un des leviers consiste en une collaboration avec les provinces et les territoires afin de tenter de combler cet écart. En l’absence d’une coopération totale, le principal levier dont dispose le gouvernement fédéral est la réglementation, et il s’agit généralement de règlements d’application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.
Le sénateur Arnot : Une petite question de suivi : quelle a été la réaction des ministères que vous avez évalués? Comment ont-ils réagi à votre rapport?
M. DeMarco : Dans le cas présent, notre recommandation aux quatre ministères a été acceptée, et elle figure en annexe du rapport. M. Michaud pourra vous en dire plus dans un instant. Outre les réponses, il y a également les plans d’action des ministères. Fort heureusement, le comité a invité les ministères ici présents; vous pourrez donc leur poser directement des questions sur l’état d’avancement de leurs plans d’action.
Mais M. Michaud a également quelque chose à ajouter.
M. Michaud : Oui. Je vous renvoie au paragraphe 8.18 du rapport concernant les progrès vers l’atteinte de la cible de production d’énergie propre d’ici 2030 :
Ressources naturelles Canada prévoit que [...] les progrès vers l’atteinte de la cible de production d’énergie propre [...] s’accéléreront au cours des prochaines années grâce à des règlements fédéraux, dont le Règlement sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone – secteur de l’électricité [...]
Au moment de notre audit, le ministère nous a indiqué que la mise en œuvre de ce règlement permettrait d’accélérer la transition vers des sources d’électricité renouvelables et non émettrices, et qu’il s’agissait donc du principal outil dont il disposait pour combler cet écart.
Le sénateur Arnot : Merci.
[Français]
La sénatrice Galvez : Bonjour. Merci beaucoup d’être ici ce matin pour répondre à nos questions.
[Traduction]
J’aurai d’autres questions techniques à poser ultérieurement, mais j’aimerais commencer par cette question à deux volets.
D’après vos quatre rapports, il est évident que nous sommes très en retard par rapport à nos homologues. Le Canada est le seul pays du G7 à être très loin des objectifs en matière de charbon durable, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, etc. Vous avez remis ces rapports au gouvernement, mais nous ne progressons pas.
Mon premier point est le suivant : quels sont les domaines faciles, ou les plus accessibles, dans lesquels ce comité peut agir afin que nous puissions avancer aussi rapidement que possible?
L’autre point que je souhaite soulever est que, dans aucun de vos rapports vous n’étudiez l’impact de toutes ces lacunes sur notre économie. Je pense que, si les gens savaient à quel point toutes ces lacunes ont une incidence sur notre vie quotidienne — inflation, abordabilité, compétitivité —, la pression serait plus forte. Pourriez-vous nous donner votre avis à ce sujet? Merci.
M. DeMarco : Je vous remercie pour votre question qui concerne principalement notre rapport sur les Leçons tirées concernant le développement durable. Cependant, comme vous l’indiquez, l’ensemble de nos travaux révèle une tendance préoccupante au Canada quant à l’absence de progrès ou, dans le cas du développement durable, à des progrès plus lents que ceux de nos homologues du G7. En matière de changement climatique, nous sommes le pays du G7 qui a le moins réduit ses émissions depuis 1990.
Sur le plan du développement durable, la courbe va au moins dans la bonne direction. Nous avons réalisé des progrès graduels, mais, comme le montre la pièce 4.7, nous avançons à un rythme beaucoup plus lent que les autres pays, de sorte que notre position comparative sur les indicateurs de développement durable a reculé par rapport à l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, le Japon et l’Italie.
Que peut faire ce comité? Tout comme notre bureau, nous faisons partie de la chaîne de responsabilité gouvernementale. Nous publions des rapports, généralement sur des programmes particuliers, comme les minéraux essentiels ou les énergies propres, mais nous produisons aussi de temps à autre des rapports de synthèse, comme celui sur les Leçons tirées. Le comité peut choisir de les étudier, d’organiser des audiences publiques et, surtout, de publier des rapports et de formuler ses propres recommandations au gouvernement sur la manière dont il peut améliorer ses résultats.
Dans de nombreux cas, il y a des mesures précises à prendre pour améliorer un programme, mais on a constaté des problèmes plus importants qui ressortent plus clairement dans deux de nos rapports sur les Leçons tirées — en 2021 sur les changements climatiques et cette année sur le développement durable — concernant les défis auxquels fait face le gouvernement pour adopter une approche à long terme qui intègre, comme vous l’indiquez, les aspects économiques, sociaux et environnementaux. C’est vraiment la base du développement durable. L’absence de stratégie à long terme, le manque de leadership sur certaines questions, l’approche fragmentée où les questions horizontales, telles que l’environnement, le développement durable et la réconciliation, ne sont pas bien traitées par les mécanismes cloisonnés du gouvernement — voilà quelques-uns des thèmes qui ressortent du rapport sur les Leçons tirées.
Dans la mesure où ce comité peut tenter de s’attaquer à certains de ces problèmes structurels plus importants tout en accordant une attention particulière à des domaines particuliers à améliorer dans certains programmes, je pense que cela augmentera la responsabilité et les chances que le Canada s’attaque à certains de ces problèmes sous-jacents qui se manifestent par l’échec de divers objectifs.
La sénatrice Galvez : Merci.
[Français]
Le sénateur Aucoin : Je vais parler de minéraux critiques. Les impacts environnementaux n’ont pas nécessairement été étudiés autant qu’ils auraient dû l’être afin de bien les connaître, surtout si on veut commencer à développer avantageusement les minéraux critiques dont on a besoin.
J’ai deux questions à ce sujet. Premièrement, que pourrait-on faire pour bien réaliser cette étude afin de connaître l’impact sur le Canada et sur les changements climatiques d’une exploration accrue et de l’ouverture de plus de mines afin d’exploiter ces minéraux critiques? Deuxièmement, quels effets cela aura-t-il sur les peuples autochtones?
M. DeMarco : C’est un thème de notre rapport sur les minéraux critiques, de nos autres rapports sur les océans du mois de juin de cette année, et de notre rapport sur les habitats des espèces en péril. Au mois de novembre, nous aurons deux autres rapports sur les aires protégées.
Quand on regarde tous ces rapports avec celui sur les minéraux critiques, on voit qu’on a besoin d’une meilleure base de données pour avoir plus d’assurance que les décisions qui sont prises sont les bonnes. Avec une base de données complète nous indiquant où se situent les régions importantes pour les peuples autochtones, pour le stockage du carbone et pour la biodiversité, nous pourrions prendre et même accélérer les décisions que l’on prend au Canada. Lorsqu’il y a des lacunes dans l’information, il se peut que l’on prenne des décisions qui apparaissent être les bonnes au départ, mais qui s’avèrent comporter des effets néfastes qui n’étaient pas prévus. Accélérer l’achèvement de la base de données serait la priorité, à mon avis.
Le sénateur Aucoin : Par rapport à cela, il semble que la coordination entre les provinces et le gouvernement fédéral n’est pas claire. Y a-t-il quelque chose qu’on pourrait faire pour améliorer le mandat afin qu’il soit plus clair et que l’on puisse atteindre les objectifs, comme vous venez de le mentionner, dans la collecte de données et de pouvoir enfin prendre des décisions davantage basées sur l’actualité et sur des faits?
M. DeMarco : Parce que plusieurs terres du Canada sont gérées par les provinces et territoires ou sont des propriétés privées, le gouvernement fédéral n’a pas tous les outils pour la planification dont je parle maintenant. On a besoin d’avoir une collaboration avec les provinces et territoires. Parce que le Canada est prêt à utiliser ces fonds, comme ici le fonds pour les minéraux critiques, il peut utiliser cela comme une partie de l’équation avec les provinces. On a parlé de subventionner ce projet ou la collecte de ces données, mais on veut l’obtenir avec la biodiversité, le stockage de carbone et la collaboration des peuples autochtones. On a besoin d’une coopération avec les deux ordres de gouvernement, parce que dans un état fédéral comme le Canada, il est impossible de le faire uniquement au niveau fédéral ou des provinces, des territoires et des communautés autochtones.
Le sénateur Aucoin : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Kutcher : Nous vous remercions sincèrement pour ces rapports et pour l’excellent travail qu’accomplit votre bureau. C’est extrêmement important pour le Canada.
En lisant les rapports, j’ai ressenti un certain malaise — veuillez m’excuser, car ce sujet dépasse mes compétences, étant donné que je suis médecin et que je ne comprends pas tout. J’ai constaté à plusieurs reprises que certaines mesures n’avaient pas été prises. Dans mon domaine, si on ne fait pas ce qu’il faut, des gens meurent.
Je tiens à remercier la Bibliothèque du Parlement. Elle m’a aidé à cristalliser mon malaise, et le rapport d’audit intitulé Stratégie canadienne sur les minéraux critiques précise des lacunes dans la gouvernance, la gestion des risques et le suivi des performances du gouvernement. Avec son bilan de carboneutralité, le Canada est loin d’atteindre ses objectifs, et les ministères tardent à mettre en œuvre les recommandations des audits précédents.
Dans le cadre de l’élaboration, de l’avancement et de la mise en œuvre des stratégies de développement durable, un certain nombre d’améliorations s’imposent en matière de communication, notamment au niveau des rapports et des aspects opérationnels fondamentaux.
En ce qui concerne le soutien aux espèces en péril, il aura fallu 30 ans pour mener à bien les évaluations. Certaines personnes présentes dans cette salle n’étaient pas encore nées.
Lorsque j’examine l’ensemble de ces éléments, je me demande pourquoi tant de lacunes opérationnelles fondamentales, du moins à mon avis, n’ont pas été corrigées. Et, en toute simplicité, je me demande qui est responsable du bon déroulement des activités opérationnelles.
M. DeMarco : Il y a beaucoup d’éléments dans cette question, et je vais essayer d’y répondre de différentes manières qui pourraient convenir à votre situation.
En ce qui concerne ces questions, les gens considèrent parfois les problèmes environnementaux comme des choses lointaines, qu’il serait souhaitable de bien gérer, mais qui ne sont pas essentielles. Cependant, ces phénomènes climatiques extrêmes font des victimes, car ils sont devenus plus fréquents et plus intenses en raison du changement climatique : le dôme de chaleur en Colombie-Britannique et les incendies de forêt ont coûté la vie à des citoyens et à des premiers intervenants.
Nous en sommes arrivés à un point — regrettable — où il y a maintenant convergence du travail dans le domaine de l’environnement et du développement durable et celui dans le domaine de la santé, car les conséquences sont devenues très graves, et, bien sûr, nous ne parlons que des êtres humains.
Dans les rapports sur la biodiversité, les conséquences sont tout aussi graves pour la perte de la faune sauvage et l’extinction éventuelle de certaines espèces. Les enjeux sont désormais considérables en raison de l’incapacité de nombreux pays, dont le Canada, à respecter les engagements pris au fil des ans dans le cadre de divers accords, tels que la Convention-cadre sur les changements climatiques, la Convention sur la biodiversité ou les Objectifs de développement durable.
Dans le cadre de notre travail au Bureau du vérificateur général, nous avons tenté d’évaluer le rendement, de démontrer s’il existe un écart entre les objectifs visés et les résultats obtenus, et de formuler des recommandations pour combler cet écart. Cependant, comme vous savez, en matière de climat, nous formulons des recommandations semblables à de nombreux commissaires, voire à toute une génération de commissaires, depuis la création de ce poste dans les années 1990, et pourtant, le Canada accuse toujours un retard.
Le fait que le Canada est à la traîne montre toutefois que d’autres pays du G7 ont obtenu de meilleurs résultats, ce qui signifie que nous pourrions également faire mieux. Nous ne sommes pas condamnés à être les derniers du G7 en matière de réduction des émissions ni les derniers en matière d’amélioration de notre position en matière de développement durable.
Si nous avons produit ces deux rapports sur les Leçons tirées, un cette année sur le développement durable et l’autre en 2021 sur les changements climatiques, c’est notamment pour tenter de mettre en relief certaines de ces questions sous-jacentes, qui ne sont pas nécessairement mises en évidence dans chaque audit individuel d’un programme. Cependant, lorsque nous constatons l’absence de succès des initiatives horizontales, le manque de perspective à long terme dans la protection des droits et des intérêts des générations futures, le manque de coordination entre les ministères fédéraux et entre les différents ordres de gouvernement au sein d’un État fédéral, il s’agit là de problèmes que le gouvernement du Canada n’a pas vraiment réussi à résoudre. Je dirais que ce sont là certains des problèmes sous-jacents les plus importants.
Pour revenir à une autre analogie avec le domaine de la santé, en ce qui concerne le principe de ne pas nuire, ma réponse à votre collègue portait sur l’importance d’obtenir de meilleures données pour prendre de meilleures décisions. Il s’agirait d’essayer de prévenir les problèmes dont nous avons déjà parlé lors de réunions précédentes devant ce comité, comme celui de la mine Giant à Yellowknife pour ce qui est du legs de pollution. Si l’on améliore la collecte des données et la planification, on sera plus à même de prendre des décisions judicieuses à court et à long terme.
Le sénateur Kutcher : Puis-je poser une autre question?
La présidente : Au deuxième tour.
Le sénateur Lewis : Je vous remercie de votre exposé.
Concernant les 80 %, qu’est-ce qui explique l’élargissement de l’écart? Est-ce dû au fait que les nouvelles sources mises en service ne sont pas durables? Est-ce parce que nous consommons davantage d’énergie? Y a-t-il des sources durables qui sont mises hors service? Quels sont les facteurs qui contribuent à l’élargissement de cet écart?
M. DeMarco : M. Michaud pourra vous donner quelques précisions à ce sujet, mais, comme l’a mentionné la présidente, nous avons ici plusieurs ministères qui sont en mesure de répondre à vos questions. Commençons par cela, et si vous souhaitez ensuite entendre les représentants de Ressources naturelles Canada ou d’Environnement et Changement climatique Canada, par exemple, c’est possible. Il est probablement préférable d’entendre directement les représentants des ministères.
Cependant, par exemple, de nouvelles centrales à combustibles fossiles ont été mises en service en Ontario. Vous en avez probablement entendu parler. C’est un aspect de la question. Peut-être que le ministère pourrait intervenir et fournir davantage de précisions.
La présidente : Allez-y, je vous en prie.
André Bernier, directeur général, Direction des ressources en électricité, Ressources naturelles Canada : Je vous remercie de votre question.
Le principal facteur au cours des dernières années a été la sécheresse qui a touché la Colombie-Britannique, le Manitoba et le Québec. La production d’hydroélectricité a considérablement diminué et les réservoirs sont à un niveau plus bas. Cela dit, il s’agit d’un effet transitoire. Cependant, c’est également un signe du changement climatique, et nous pouvons donc nous attendre à d’autres fluctuations de ce type à l’avenir.
Un facteur secondaire, mais important néanmoins, est que le parc nucléaire de l’Ontario fait actuellement l’objet d’une remise à neuf, ce qui explique que cette partie de sa capacité soit hors service. Au cours des prochaines années, toutefois, nous prévoyons que cette capacité sera de nouveau opérationnelle et que le pourcentage augmentera à nouveau.
Le sénateur Lewis : Ceci est un exemple de ce que nous entendons parfois, et ce sont des pratiques durables qui seront réintroduites. Avec un peu d’espoir, nous constaterons une amélioration dans ce domaine.
En ce qui concerne les pratiques durables, des efforts ont-ils été déployés, en particulier dans le dossier des minéraux critiques, où nous sommes actuellement confrontés à une perturbation commerciale entre notre pays et de nombreux autres? Au Canada, il y a des minéraux critiques dans le sol qui sont à notre disposition ou qui pourraient l’être, et nous avons besoin de plus de minéraux critiques pour les batteries, les éoliennes, etc. Y a-t-il eu des travaux comparant le développement durable de ces minéraux critiques au Canada à celui de pays comme la Chine, qui n’ont aucun plan de développement durable, mais dont nous continuons à utiliser les minéraux critiques comme source, et les répercussions que cela a sur l’environnement en général?
M. DeMarco : Je vais commencer par répondre à cette question, mais si un représentant de ministère souhaite apporter un complément d’information, il ou elle est invité à prendre la parole.
Vous avez raison de dire que ces minéraux sont indispensables, c’est pourquoi on les appelle « minéraux critiques », non seulement pour leurs utilisations habituelles, mais aussi pour la transition vers une économie carboneutre grâce aux panneaux solaires, aux éoliennes, etc.
L’objectif n’est pas d’en faire une situation gagnant-perdant. Si l’on envisage d’extraire ces minéraux à un rythme accéléré pour répondre à ces besoins et à d’autres, l’idée qui sous-tend notre rapport est de bien réfléchir avant d’agir, de choisir les meilleurs sites qui minimiseront les répercussions sur les peuples autochtones, la biodiversité et la séquestration du carbone, plutôt que d’adopter une approche précipitée qui pourrait entraîner des répercussions à long terme, peut-être imprévisibles à l’heure actuelle.
Nous affirmons cela après avoir examiné d’autres programmes, comme celui qui prévoit des milliards de dollars pour assainir les sites contaminés du Nord. Nous savons donc que, si ces mesures ne sont pas prises avec diligence et dans une perspective d’avenir, les profits à court terme finiront par imposer aux contribuables canadiens des obligations à long terme qui, dans le cas de certaines mines du Nord, se chiffrent en milliards de dollars. L’objectif est d’éviter cela en adoptant une approche plus prospective fondée, comme je l’ai dit à l’un de vos collègues, sur une meilleure base d’information quant à l’emplacement approprié de ces installations.
Nous pouvons éviter de répéter les erreurs du passé. Nous pouvons en tirer des leçons et éviter des problèmes, tels que ceux causés par la mine Giant.
La vice-présidente : Une autre personne s’est jointe à la table des témoins. Veuillez vous présenter.
Andrew Ghattas, directeur principal, Centre d’excellence sur les minéraux critiques, Ressources naturelles Canada : Bonjour, je suis le directeur principal du Centre d’excellence sur les minéraux critiques. Nous avons élaboré la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques. Merci pour votre question.
Pour préciser, nous comparons effectivement la position et les pratiques du Canada en matière d’extraction de minéraux critiques à celles d’autres pays. L’une des raisons qui ont motivé cette stratégie était de différencier les pratiques du Canada de celles d’autres pays qui n’ont peut-être pas les mêmes normes environnementales ou sociales, des domaines dans lesquels nous sommes en fait un chef de file mondial à bien des égards.
Conscients de l’approvisionnement nécessaire pour répondre à la demande en technologies propres dans le domaine des minéraux critiques, nous souhaitons éviter une course vers le bas dans l’exploitation accrue des ressources. Nous souhaitons nous assurer que cela se fasse de manière durable. C’est l’un des principes clés et cela fait partie de la vision de la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques.
Pour ne citer qu’un seul produit, car ils sont tous différents, si l’on prend le nickel, le Canada est l’un des pays qui émet le moins de gaz à effet de serre dans l’extraction du nickel. Par rapport à l’Indonésie, par exemple, qui utilise des centrales au charbon et extrait des minerais dans des environnements sensibles et riches en biodiversité, les pratiques et les activités du Canada se démarquent nettement de celles des autres acteurs mondiaux.
Nous pouvons certainement faire davantage dans ce domaine, mais nous sommes un chef de file mondial à bien des égards en matière d’exploitation minière durable, tant à l’échelle de notre secteur que dans les pratiques qu’il emploie.
Le sénateur Lewis : Je dirais que le message est important et que le Canada peut mener la course vers le sommet, et non vers le bas. Nous avons commis des erreurs qui ont été reconnues ici, mais dans certains de ces autres pays, les chances d’amélioration en ce qui concerne les objectifs de durabilité sont très limitées; dans bien des cas, ces objectifs n’existent même pas. Le Canada pourrait être et sera un chef de file dans cette technologie, comme vous l’avez dit.
La présidente : Nous garderons peut-être cette discussion pour le deuxième tour.
Le sénateur Fridhandler : Monsieur DeMarco, je tiens tout d’abord à vous remercier, vous et vos collègues, pour votre excellent travail. J’attends toujours avec impatience vos interventions devant ce comité.
Permettez-moi de vous interroger sur ce que j’appellerais le récent changement de gouvernement, du leadership de Trudeau à celui de Carney. D’autres ont tendance à se tourner vers le passé pour examiner la situation, alors si vous pouviez sortir votre boule de cristal — ce que vous avez déjà fait en partie, et je vous en suis reconnaissant —, avez-vous des observations ou des préoccupations à formuler concernant les changements importants par rapport aux questions que vous avez abordées dans vos rapports?
M. DeMarco : Oui.
Nous demeurons ouverts aux commentaires et aux suggestions du comité, d’autres comités et des parlementaires concernant les enjeux que nous devrions examiner. Toutefois, à l’avenir, certains types d’innovations vont probablement s’accélérer, non seulement dans le domaine des minéraux essentiels, mais aussi dans d’autres domaines. Par conséquent, nous devons rester à l’affût.
Lorsque nous avons réalisé l’audit de la stratégie sur les minéraux critiques l’année dernière, nous ne savions pas que le projet de loi C-5 allait être présenté ni qu’il y aurait cette nouvelle priorité, mais l’importance de cet audit s’est accrue depuis lors, car on reconnaît que le Canada souhaite être un chef de file en matière de minéraux provenant de sources durables et responsables, par exemple. Que faut-il faire concrètement pour y parvenir, plutôt que de simplement faire mieux qu’un autre pays qui n’a pas de normes ou dont les normes sont peu élevées? Nous ne voulons pas seulement faire bien, nous voulons faire de notre mieux, en gardant à l’esprit le titre même du ministère des Ressources naturelles du Canada en ce qui concerne le Centre d’excellence sur les minéraux critiques.
Si nous voulons accélérer le déploiement de projets qui renforcent notre souveraineté, notre résilience, etc., nous devons également accélérer la collecte de données qui permettent de prendre des décisions plus éclairées. Il n’y a aucune raison de dire que nous devons simplement prendre des décisions sur la base des données dont nous disposons. Nous pourrions accélérer la collecte de données sur les tourbières, les zones de forte biodiversité, les zones importantes pour les pratiques et la culture des peuples autochtones, etc.
Pourquoi ne pas disposer d’une meilleure base d’information et non seulement prendre de meilleures décisions, mais aussi, surtout, obtenir l’adhésion éclairée des collectivités concernées, plutôt que la crainte et l’opposition qui surviennent souvent lorsque les collectivités ont le sentiment que les décisions ne sont pas fondées sur des données adéquates?
Afin d’accélérer tous ces projets, il est nécessaire d’obtenir une certaine acceptation sociale de la part des collectivités concernées. Disposer d’une meilleure base d’information et d’un processus de consultation permettant à ces voix de se faire entendre constituera un bon investissement à court terme pour la viabilité à long terme des projets et leur acceptation.
Le sénateur Fridhandler : Vous avez fait allusion à la question complémentaire que j’allais poser, qui portait sur le projet de loi C-5 et vos préoccupations concernant son cadre et les annonces que vous avez vues concernant la création de ce bureau. Avez-vous d’autres observations à faire sur le projet de loi C-5 et sur ce à quoi nous pouvons nous attendre?
M. DeMarco : Je ne sais pas comment il fonctionnera et s’ils utiliseront toute la latitude dont ils disposent pour contourner certains textes de loi cités dans le projet de loi, qui a désormais force de loi. Il est difficile de dire exactement ce qui se passera, mais je reviendrai à ma réponse sur le développement durable : si nous adoptons une vision à long terme qui intègre véritablement les aspects environnementaux, sociaux et économiques, alors nous devrions choisir des projets qui favorisent tous ces aspects, plutôt que de créer des compromis entre eux. Par ailleurs, plus la vision à long terme que l’on adopte en matière de durabilité et de développement durable est large, plus il est probable que les objectifs sociaux, économiques et environnementaux se rejoignent et que l’on aboutisse à une situation bénéfique à tous au lieu de gains à court terme et de difficultés à long terme, ce qui est souvent le cas lorsque les décisions sont prises à la hâte.
J’espère qu’on adoptera une vision intégrée dans le contexte du projet de loi C-5, qui tiendra compte à la fois de l’environnement, de l’économie et des aspects sociaux — ce qui est au cœur du développement durable — et une vision à long terme pour éviter de compromettre l’avenir des générations futures en prenant aujourd’hui des décisions qui peuvent sembler rentables ou avantageuses à court terme. Cette vision à plus long terme et intergénérationnelle serait un autre aspect que j’aimerais voir si le Canada veut vraiment adopter la durabilité et le développement durable, au lieu de se contenter d’en parler.
[Français]
La sénatrice Youance : Merci aux témoins d’être là.
Ma question porte sur le graphique qui est dans le rapport 8, page 18, où l’on compare les mesures prises par Ressources naturelles Canada pour accroître l’efficacité énergétique. Je vais prendre l’exemple des bâtiments. On a atteint une cible de 8,7 pétajoules, alors que la cible pour 2030 est de 132,6. Pensez-vous qu’on peut atteindre ces objectifs? Que pourrions-nous mettre en place pour les atteindre? Vous avez fait différentes recommandations. Le gouvernement a-t-il changé son approche depuis le dépôt de ce rapport, surtout avec la création de Maisons Canada? Y a-t-il des éléments qui vont nous permettre d’atteindre ces cibles ou de nous en approcher?
M. DeMarco : Pour la question des nouvelles initiatives, j’invite le représentant du ministère à se joindre à nous.
En ce qui concerne notre rapport, M. Michaud peut parler plus en détail de la pièce dont vous parlez.
M. Michaud : Oui. Merci.
À la pièce 8.7, on fait état des mesures prises par Ressources naturelles Canada pour atteindre la cible de 600 pétajoules d’énergie épargnées d’ici 2030. Quatre mesures principales avaient été présentées dans leur plan ministériel. Au moment de notre audit, le ministère nous a confirmé qu’il était peu probable que la cible totale soit atteinte d’ici 2030. Les dernières données montrent une amélioration en matière de résultats, mais c’est quand même en dessous des projections que le ministère avait fournies lors de notre audit. Donc, on ne s’attend pas à ce que la cible soit atteinte d’ici 2030 selon les résultats actuellement fournis.
Je passe le flambeau au ministère pour répondre à la question sur les mesures à prendre pour corriger la situation.
[Traduction]
La présidente : Bienvenue. Veuillez indiquer votre nom et votre ministère.
[Français]
Frank Des Rosiers, sous-ministre adjoint, Secteur de l’efficacité énergétique et de la technologie de l’énergie, Ressources naturelles Canada : Bonjour. Mon nom est Frank Des Rosiers, je suis sous-ministre adjoint à Ressources naturelles Canada et je suis responsable des questions d’efficacité énergétique et de technologie de l’énergie.
Un grand merci pour cette question. J’aimerais souligner que la période d’analyse du commissariat est relativement courte, soit de trois ans. Si l’on étend la période d’analyse sur une période de 20 ans, par exemple, de 2000 à 2021, les réductions en matière d’efficacité énergétique sont assez importantes, autour de 890 pétajoules. Si on les compare aux 600 pétajoules qui sont mentionnés dans la cible, on voit que des progrès considérables ont été réalisés. J’aimerais vous ventiler ces résultats en trois domaines. Le premier que vous mentionnez, celui des bâtiments du secteur résidentiel, il y a eu une amélioration de 35 % en matière d’efficacité énergétique; du côté commercial, l’amélioration est de 10 %; et dans le secteur industriel, une amélioration de 6 %. Quand on entend ces chiffres, cela donne un peu la tournette. Donc, pour donner un ordre de grandeur, 100 pétajoules représentent l’énergie consommée par un million de résidences. Si vous faites le calcul, si l’on multiplie cela par huit ou neuf, c’est quand même considérable comme réduction.
C’est avec plaisir que je commenterai davantage, au besoin, les initiatives fédérales.
La sénatrice Youance : Merci.
J’ai une question complémentaire. Dans vos recommandations, vous demandez au gouvernement que le ministère utilise les mêmes indicateurs de progrès établis pour les cibles dans la stratégie fédérale ou des indicateurs équivalents. Est-ce que les ministères utilisent les mêmes indicateurs que vos recommandations depuis la parution du rapport? Enfin, en lien avec cela, comment avez-vous choisi les 4 ministères sur les 27?
M. Michaud : Quant au choix des ministères, ce sont les ministères qui avaient établi des actions ministérielles pour contribuer à l’atteinte des deux cibles en lien avec l’énergie propre dans la stratégie fédérale.
Il faut dire que la cible de 600 pétajoules, dans la stratégie fédérale de développement durable de 2019-2022, au moment de notre audit, est une politique gouvernementale. C’est donc une cible. Ces cibles font partie de la stratégie fédérale. Nous avons donc choisi ces quatre entités qui avaient contribué aux cibles.
Depuis, de nouveaux plans ministériels ont été établis par les entités pour contribuer à la nouvelle stratégie fédérale de 2022-2026. Nous allons produire au printemps un audit sur la revue de la qualité de ces stratégies ministérielles pour pouvoir établir si elles fournissent de l’information de qualité sur les résultats à atteindre et sur la transparence.
Merci.
La sénatrice Youance : Merci.
[Traduction]
La présidente : Nous allons commencer la deuxième série de questions.
La sénatrice Galvez : J’ai dit que j’allais passer à des questions plus techniques concernant les rapports que nous étudions, à savoir Progrès réalisés par les ministères et organismes dans la mise en œuvre des stratégies de développement durable —énergie propre et la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques. Je suis ingénieure, donc je cherche toujours des solutions. Je dis qu’il n’y a pas de problèmes, seulement des solutions qui n’ont pas encore été trouvées.
Lorsque nous extrayons et exportons des matières premières — des ressources naturelles —, c’est un peu comme si nous volions les générations futures. Nous n’ajoutons aucune valeur lorsque nous exportons des matières premières. Par exemple, je comprends que nous devons réaliser des projets d’exploitation, mais je pense qu’au lieu d’exporter davantage de matières premières, il vaut mieux les transformer ici, ce qui stimulerait l’innovation et la croissance économique.
Lorsque j’examine le projet de loi C-5, que mon collègue a mentionné, nous parlons de pipelines plutôt que de raffineries. Nous vendons le pétrole à prix réduit, puis il est transformé ailleurs, et il nous est revendu à des prix extrêmement élevés. Nous aurions dû avoir des raffineries ici depuis longtemps, mais ce n’est pas le cas. Je crains que la même chose ne se produise avec les minéraux essentiels.
J’ai travaillé dans le domaine de l’ingénierie de l’assainissement. Je connais bien la mine Giant, la mine Faro et le Grand lac de l’Ours, dont l’assainissement a coûté des milliards de dollars.
En ce qui concerne les minéraux essentiels, nous n’obtenons désormais que quelques grammes sur les tonnes de matériaux que nous extrayons. Ne devrions-nous pas envisager à nouveau de transformer ces matériaux afin d’en augmenter la valeur et de créer d’autres produits, car nous avons plusieurs problèmes à résoudre en même temps?
M. DeMarco : Merci pour cette question. Je vous renvoie aux pièces 6.1 et 6.2 de notre rapport sur les minéraux critiques, car le gouvernement lui-même le reconnaît. La pièce 6.1 présente la chaîne de valeur, qui montre que vous pouvez ajouter de la valeur à la phase d’exploration et à la phase d’extraction. Ensuite, si vous expédiez ces matières à l’étranger, la valeur ajoutée se fait dans d’autres pays, et ainsi de suite. Cependant, si vous conservez certaines de ces étapes au pays, vous pouvez ajouter de la valeur lors du traitement et du raffinage intermédiaires, lors de la fabrication et de l’assemblage, ainsi que lors de l’utilisation finale des produits, tout au long de la chaîne de valeur. Les prix des matières premières, les coûts de main-d’œuvre et de nombreux marchés différents entrent en jeu dans la détermination de la répartition spatiale de ces différents éléments de la chaîne de valeur.
Dans bien des cas au Canada, qu’il s’agisse de ressources non renouvelables, comme les minéraux, ou de ressources renouvelables, comme la foresterie, nous avons toujours ajouté de la valeur ici, dans notre pays, mais nous avons également toujours exporté ces ressources pour qu’elles soient transformées ailleurs, au profit du pays destinataire, et dans certains cas, les produits nous reviennent sous forme manufacturée. Il s’agit d’une équation complexe pour chaque produit, qui consiste à déterminer où la valeur sera ajoutée, en fonction des facteurs que je viens de mentionner.
Cependant, dans le discours actuel sur la souveraineté, l’autosuffisance, la sécurité énergétique, etc., un autre élément de valeur entre en jeu, à savoir si le Canada sera plus en sécurité en conservant ces éléments chez lui, plutôt que de se fier à l’hypothèse que les produits pourront circuler dans le monde comme ils l’ont fait par le passé. Y aura-t-il des ajustements carbone aux frontières? Y aura-t-il des tarifs douaniers? Tous ces éléments peuvent modifier l’équation et rendre soudainement non rentable ce qui l’était.
Je pense que, compte tenu de la situation actuelle, le Canada accordera davantage d’attention aux éléments que vous avez mentionnés, c’est-à-dire la recherche d’occasions pour créer de la valeur ici, sur notre territoire, plutôt que d’exporter nos ressources et laisser la valeur être créée ailleurs. Je ne peux pas prédire ce qui va se passer, mais il est certain que cela suscite plus d’intérêt aujourd’hui que dans toute ma carrière.
Le sénateur Kutcher : Monsieur DeMarco, je tiens à vous remercier pour votre réponse claire et compréhensible. Je souhaite simplement souligner qu’il y a 20 ans, nous n’avions pas ce genre de discussions, et qu’aujourd’hui, dans le domaine de la santé, nous réalisons que nous avons pris beaucoup de retard. Et ce thème du « retard » revient sans cesse.
Vous avez dit que le Bureau du vérificateur général publie des rapports depuis des années, mais que les progrès réalisés ne sont pas à la hauteur des recommandations formulées. J’essaie de comprendre pourquoi on n’a pas donné suite à toutes ces excellentes recommandations de votre bureau, ce qui nous aurait évité la situation dans laquelle nous nous trouvons. J’essaie de comprendre pourquoi, car dans ma profession, lorsque nous formulons une recommandation dans le cadre d’un examen de décès, elle est mise en œuvre dès le lendemain.
Par exemple, votre bureau a constaté des lacunes en matière de gouvernance, de gestion des risques et de suivi du rendement lors de l’audit de la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques de l’automne 2024. Il s’agit là d’éléments opérationnels assez fondamentaux, et ces lacunes ont été répertoriées dans votre rapport de l’automne 2024, il y a un an de cela.
Je me demande si des changements ont été apportés à la gouvernance, à la gestion des risques et au suivi du rendement par suite du rapport que vous avez publié, ou si cela n’a pas encore été fait.
M. DeMarco : Nous n’avons pas encore effectué de suivi, mais le ministère est probablement le mieux placé pour décrire les progrès qu’il a réalisés dans la mise en œuvre des recommandations. Je vais inviter notre collègue du Centre d’excellence sur les minéraux critiques de Ressources naturelles Canada à revenir pour en parler.
M. Ghattas : Merci pour votre question, monsieur le sénateur.
Nous souscrivons aux recommandations visant à améliorer la gouvernance, la gestion des risques et les indicateurs de rendement, et nous faisons des progrès dans ce sens.
En ce qui concerne la gouvernance, par exemple, nous avions déjà formé un comité de gouvernance composé de représentants de différents services. Nous veillons à ce que les risques liés à l’environnement et à la durabilité soient discutés dans ce forum, qui en fait donc son activité principale.
Nous réévaluons également les indicateurs de rendement, surtout ceux qui concernent les émissions de gaz à effet de serre, afin de nous doter d’un cadre de mesure du rendement plus solide et des ensembles de données sous-jacents nécessaires pour étayer nos rapports sur ces résultats.
Quant aux risques, le champ d’application de la stratégie est évidemment très large, puisqu’elle couvre l’ensemble du pays. La stratégie cerne des risques de haut niveau, mais à mesure que nous évoluons vers un développement davantage axé sur les projets, nous relèverons également des risques plus propres à chaque projet, que nous pourrons regrouper et présenter de manière plus claire afin d’expliquer comment nous les gérons et les atténuons.
Toutes les recommandations sont mises en œuvre en ce moment même.
Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup, monsieur Ghattas. Je suis heureux d’apprendre qu’elles sont mises en œuvre.
Quand serez-vous en mesure de dire que ce qui doit être fait est fait de manière systématique?
M. Ghattas : Par exemple, en ce qui concerne le rendement, nous aurons de nouveaux résultats d’ici le prochain cycle d’examen du rendement, c’est-à-dire en 2026.
Les recommandations relatives à la gouvernance, qui visent à garantir la prise en compte des considérations environnementales dans les discussions sur la gouvernance, sont déjà adoptées et mises en œuvre. Le comité de hauts fonctionnaires représentant différents ministères se réunit tous les trimestres.
Nous travaillons également avec d’autres ministères, notamment Environnement et Changement climatique Canada et l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, sur d’autres aspects connexes, et ces travaux sont déjà en cours. D’ici un an, nous devrions avoir d’autres résultats à présenter.
Le sénateur Kutcher : Merci pour cette information. Nous vous en sommes très reconnaissants.
J’ai une remarque à l’intention des membres du comité : il pourrait être intéressant d’étudier certains ministères de manière approfondie afin de voir à quelle vitesse les recommandations formulées sont mises en œuvre. Pour les ministères qui ne mettent pas en œuvre rapidement les recommandations, quels obstacles devons-nous surmonter en tant que pays? Les Canadiens s’attendent à ce que cela soit fait non pas dans 16 ou 20 ans, mais rapidement. Merci de votre attention.
Le sénateur Lewis : Une grande partie du travail concerne les prévisions pour 2030 et au-delà. Cela représente quatre hivers supplémentaires. C’est un délai assez court pour réaliser certains de ces objectifs, mais certaines technologies émergentes semblent pouvoir vraiment changer la donne à long terme, comme le protocole d’accord entre le Nouveau-Brunswick, la Saskatchewan et l’Ontario sur l’énergie nucléaire et sa mise en valeur, et les nouvelles possibilités dans le domaine de l’IA.
Les grands projets d’IA ont besoin d’eau et d’énergie. Dans une province comme la Saskatchewan, il n’est pas question de petits réacteurs nucléaires, mais bien d’un gros réacteur pouvant alimenter certains de ces nouveaux projets. Faites-vous des prévisions à cet égard et sur la façon d’effectuer la transition?
En Saskatchewan, en ce qui concerne le pont entre notre situation actuelle et l’énergie nucléaire, je pense que le gouvernement de la Saskatchewan a décidé de remettre en service des centrales au charbon ou de continuer à utiliser le charbon, car il ne voit pas d’autre solution. Sur le terrain et d’un point de vue pratique, les énergies renouvelables ne suffiront pas à couvrir notre charge de base. Dans cette optique, faites-vous des prévisions sur ce que les centrales nucléaires représenteront pour une partie des données que vous examinez?
M. DeMarco : En ce qui concerne la répartition des responsabilités dans l’examen du rendement du Canada en matière d’énergies renouvelables ou de réduction des émissions, etc., notre travail consiste principalement à examiner les engagements pris et leur exécution, puis à analyser l’écart éventuel et à proposer des solutions sous forme de recommandations.
Les prévisions et les recommandations concernant l’adoption de nouvelles politiques et technologies liées aux émissions relèvent plutôt du Groupe consultatif pour la carboneutralité, et non de notre bureau. Nous ne sommes pas ici pour formuler ce type d’énoncés de politiques. Lorsque les propositions se concrétisent, sous la forme d’une initiative ou d’une stratégie, elles peuvent alors faire l’objet d’un audit, ce que nous sommes en mesure de réaliser.
Je vais citer un exemple que le comité, dans sa forme précédente, connaissait bien, à savoir la Stratégie relative à l’hydrogène, une autre forme de technologie émergente. Nous avons examiné la qualité de leurs hypothèses et de leurs prévisions et en avons remis certaines en question. Nous ne formulons pas les hypothèses et les prévisions initiales, mais si celles-ci font partie d’une initiative gouvernementale que nous auditons, nous pouvons alors les examiner.
Dans le domaine nucléaire, si une nouvelle initiative ou une nouvelle stratégie repose sur un certain pourcentage de réductions provenant de petits réacteurs modulaires ou de nouvelles centrales, etc., c’est le genre de chose que nous pourrions être en mesure de vérifier à l’avenir.
Le sénateur Lewis : Pour la deuxième partie de ma question, aucun travail n’a été effectué sur les sources de combustibles fossiles, notamment la différence entre une centrale au charbon et une centrale au gaz naturel. Un travail a-t-il été effectué pour comparer ces deux sources?
M. DeMarco : Les ministères ont mené des travaux sur leur empreinte relative et, dans le cadre de nos travaux sur le climat, nous avons examiné la qualité des hypothèses et des modèles utilisés à cet effet. Cependant, il incombe aux ministères de réaliser les travaux initiaux et nous respectons la distinction entre les travaux initiaux et les travaux d’audit, qui relèvent de notre compétence.
Le sénateur Lewis : Je vous remercie
[Français]
La sénatrice Youance : Je reviens sur le rapport 4. Il y a tellement de belles questions qui sont proposées aux parlementaires que j’aurais aimé vous les poser, notamment en ce qui concerne la mise en place d’un organisme central pour veiller à ce qu’une approche stratégique et coordonnée soit efficace pour faire progresser les initiatives de développement durable au Canada, ainsi que les intérêts des générations futures.
Que nous recommandez-vous comme parlementaires pour que ces questions soient posées au gouvernement?
M. DeMarco : Merci de la question.
Pour utiliser l’un de vos exemples, si on regarde la leçon 2 : une approche intégrée de la planification du développement durable, on voit dans la pièce 4.9 qu’on a trois différents plans qui ne sont pas coordonnés au Canada : la Stratégie fédérale de développement durable de 2022 à 2026, la Stratégie nationale du Canada pour le Programme 2030 : Aller de l’avant ensemble – 2021, et le Cadre de qualité de vie pour le Canada – 2021. Votre comité ainsi que les autres peuvent demander aux agences centrales et aux ministères ce qu’ils pensent de centraliser et de coordonner ces efforts pour qu’on puisse avoir une approche intégrée en développement durable. Pourquoi a-t-on différents plans? Il y a des raisons historiques qui peuvent l’expliquer. Cependant, a-t-on besoin de perpétuer cela? Le comité peut recommander d’adopter une approche plus intégrée avec une seule agence centrale ou un seul ministère offrant une meilleure gouvernance. Ce sont des questions que vous pouvez poser, tant aux ministères qui gèrent ces programmes qu’aux agences centrales qui ont un rôle à jouer dans des initiatives horizontales comme celles-ci.
Le sénateur Aucoin : Merci, monsieur DeMarco, pour toute l’information que vous avez donnée. Tout le travail réalisé est fort intéressant.
Vous avez parlé d’approche centrale dans la gestion. Est-ce que cette approche est d’intégrer tous les gens qui travaillent dans ce domaine et toutes les ressources ainsi que les ministères? Pourrait-elle être utilisée aussi pour les changements climatiques?
Il m’apparaît qu’en matière de changements climatiques, on n’atteint pas nos objectifs. On pourrait travailler de concert, plus étroitement, et mettre toutes les parties ensemble vers l’atteinte du même objectif. En tant que parlementaires, pourrait-on inciter le gouvernement à faire plus dans ce domaine en essayant d’intégrer tous les gens vers le même objectif de pointe? Parce qu’actuellement, tous ont le même objectif, mais tous travaillent en vase clos. Ce n’est pas aussi intégré qu’on le devrait.
M. DeMarco : C’est une possibilité. La centralisation de la gestion n’est pas une garantie de succès. Cependant, avec des initiatives comme les changements climatiques dont vous parlez, nous ne pouvons que constater 30 ans d’échecs successifs, et ce, malgré toutes les cibles et les plans existants. Une approche non horizontale en silo avec des ministères non centraux qui ont une responsabilité partagée sans bénéficier de pouvoirs de faire les changements nécessaires n’est pas l’approche optimale. On a besoin de se questionner à savoir si on va continuer avec ce modèle ou on va changer de voie et intégrer un aspect de centralisation au niveau du gouvernement fédéral. On ne peut pas centraliser tout, parce qu’il s’agit d’une juridiction partagée avec les provinces et territoires. On aura toujours besoin de collaboration, même si le gouvernement fédéral décide d’avoir un modèle plus centralisé.
Que le modèle soit centralisé ou non, on a besoin d’avoir la volonté d’obtenir des résultats. Ceci manque au Canada. Depuis 30 ans, le gouvernement fédéral est satisfait d’avoir des cibles ambitieuses et des plans, mais il n’obtient pas de résultats. C’est pourtant ce qui est important pour les Canadiennes et les Canadiens : des résultats concrets pour protéger la planète pour les générations à venir.
[Traduction]
Le sénateur Kutcher : M. DeMarco, vous avez dit exactement ce que je pensais. Je vous en suis reconnaissant. Je ne sais pas s’il y a une communication télépathique, mais vous avez dit — et je paraphrase largement parce que je n’ai pas écrit assez vite et que je me trouve dans la situation inhabituelle d’être incapable de me relire — que depuis 30 ans, peu importe la couleur du parti au pouvoir, nous avons toujours montré une incapacité à atteindre les cibles, en gros.
Les parlementaires parmi nous, élus ou nommés, et ceux qui accomplissent un travail extrêmement important et difficile au sein de la bureaucratie, sommes unis par un seul objectif, soit d’améliorer la vie des Canadiens. Ils attendent de nous, que nous soyons fonctionnaires ou parlementaires, que nous travaillions à la réalisation de cet objectif. Cependant, ce que je perçois — et corrigez-moi si je me trompe —, c’est qu’en cours de route, nous avons oublié notre obligation de rendre des comptes et notre responsabilité à l’égard de la réalisation de ces objectifs, car 30 ans d’échec constituent un défi en matière de responsabilité et d’obligation de rendre des comptes.
À votre avis, existe-t-il des moyens de repenser notre façon de travailler? Y a-t-il des cadres, des structures ou des éléments qui doivent être mis en place pour garantir notre responsabilité et notre obligation de rendre des comptes?
M. DeMarco : Merci pour cette question. D’après ce que je vois, il n’y a pas d’option télépathique ici; il n’y a que « Parquet », « Français » et « Anglais », donc je ne savais pas que la question allait être posée, mais je suis heureux d’y répondre quand même. Si une telle option existe, on pourra peut-être me le signaler en vue de la prochaine réunion afin que je puisse me préparer à toutes les questions qui pourraient être posées. Je suis vraiment heureux de comparaître devant vous, car cela nous permet de discuter de questions plus générales comme celle-ci.
Pour répondre à votre question, je me référerais à notre rapport de 2021 sur les leçons tirées, donc pas celui sur le développement durable que nous venons de publier, mais celui de 2021 qui portait expressément sur les changements climatiques. Tout d’abord, nous avons souligné dans ce rapport, en couverture, que nous allons dans la mauvaise direction. Nous essayons de réduire les émissions, mais elles augmentent depuis 1990. Elles ont légèrement diminué depuis 2005, ce qui représente une légère amélioration récente, mais pas beaucoup.
Nous en tirons la leçon que les cibles climatiques n’ont pas été soutenues par des plans ou des mesures solides. C’est presque trop évident pour en faire une leçon, mais c’est vraiment ce qui s’est passé au Canada. Beaucoup d’efforts ont été déployés pour fixer, généralement à l’échelle internationale, une cible ambitieuse, que ce soit à Copenhague, à Paris ou à Kyoto, mais peu de mesures ont été prises pour obtenir des résultats concrets. Nous sommes le seul pays du G7 dont les émissions ont augmenté depuis 1990.
Nous savons que cela est possible dans d’autres pays, y compris ceux qui extraient beaucoup de carbone fossile. D’autres pays du G7 le font également. C’est possible. À un moment donné, alors qu’à la fin des années 1980 et au début des années 1990, le Canada était un chef de file de la promotion du concept de développement durable à la conférence de Rio, incitant d’autres pays industrialisés à signer la Convention sur la diversité biologique et la Convention sur les changements climatiques, il s’est révélé être plus facile de montrer l’exemple dans l’adoption que dans la mise en œuvre. Cette question est tellement vaste qu’il est difficile d’y répondre ici, mais c’est la base de nos deux rapports sur les Leçons tirées. Il s’agit d’essayer de mettre au jour certains des problèmes sous-jacents qui font que le Canada est passé du statut de chef de file en matière de climat ou d’environnement, il y a plusieurs décennies, à celui de pays peu performant en pratique, sur le terrain. Si le gouvernement en est venu à accepter que, du moment que nous avons un engagement et un plan, c’est suffisant, et que les résultats sont secondaires, personnellement, je trouve cela inacceptable.
La sénatrice Galvez : Je vous remercie de cette réponse. Nous n’avons pas encore parlé de la course à d’autres ressources. Par exemple, dans la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques, je comprends qu’il y a une course et que nous devons essayer d’extraire ces minéraux, mais la quantité d’eau nécessaire pour obtenir quelques grammes met à rude épreuve d’autres industries et secteurs, notamment le secteur agricole. Ainsi, dans les Prairies, on parle de sécheresses. C’est un cercle vicieux. Il y a moins d’eau dans les nuages parce qu’il y a moins d’eau dans le sol. Et il y a moins d’eau dans le sol parce que tout le monde en consomme beaucoup.
Je suis d’accord que nous devons adopter — et cela figure dans toutes les stratégies — une approche intégrée, une approche holistique, une approche horizontale, une approche pangouvernementale, mais nous ne le faisons pas.
La Bibliothèque du Parlement nous a soumis cette idée : un comité sénatorial peut-il présenter une pétition environnementale?
À la Chambre, vous avez deux comités distincts, l’un pour l’environnement et l’autre pour les ressources naturelles. Au Sénat, nous sommes censés étudier les trois ensemble : l’environnement, les ressources naturelles et l’énergie. Convenez-vous avec moi qu’il serait judicieux d’étudier cette possibilité de présenter au gouvernement une pétition visant à s’assurer que cette approche — holistique, axée sur le cycle de vie, horizontale et pangouvernementale, comme l’a dit mon collègue — soit suivie, car nous devons tous avancer ensemble, plutôt que chacun de notre côté?
M. DeMarco : C’est assurément une question à laquelle je ne m’attendais pas, mais je vais vous donner mon avis. Tout d’abord, nous avons progressé au fil des ans pour ce qui est d’intégrer l’environnement et le développement durable dans tous les ministères. Le fait que tellement soient représentés ici aujourd’hui en témoigne. Environnement et Changement climatique Canada n’est pas le seul à venir parler de questions environnementales. Dans le cadre de la Stratégie fédérale de développement durable, des dizaines et des dizaines d’organismes, près d’une centaine, sont censés jouer un rôle dans la mise en œuvre du développement durable. Comme je l’ai mentionné il y a quelques minutes, les résultats ne sont pas encore là sur certaines questions clés, comme les changements climatiques.
Un comité peut-il présenter une pétition? Je ne sais pas exactement de quel type de pétition vous parlez, mais je parlerai du processus de pétition géré par le Bureau du vérificateur général du Canada. La Loi sur le vérificateur général contient une disposition relative aux pétitions environnementales qui permet à tout citoyen canadien — il ne s’agit pas nécessairement d’une pétition à l’ancienne où vous avez un tas de noms — de présenter une pétition en vertu de la loi. Nous la recevons, puis nous la transmettons à tous les ministres concernés. Chacun de ces ministres concernés par les questions soulevées dans la pétition est tenu d’y répondre dans un délai fixé par la loi. Ils ne doivent pas se contenter de répondre « Merci pour votre lettre ». En fait, ils doivent vraiment répondre aux questions soulevées.
Chaque automne, nous publions un rapport à l’intention du Parlement qui résume les 10 à 20 pétitions qui nous sont généralement adressées chaque année de tout le Canada. Il s’agit d’une responsabilisation accrue qui est particulière à cette loi. Tous les Canadiens peuvent utiliser ce processus de pétition. Je ne sais pas si un comité a le droit d’y recourir, mais vous pouvez poser la question à votre conseiller juridique. En tout cas, les particuliers peuvent présenter une pétition.
Ces pétitions présentent deux avantages. Premièrement, le pétitionnaire reçoit une réponse et, si celle-ci n’est pas satisfaisante, il peut soumettre une deuxième pétition pour plus d’information. Deuxièmement, nous surveillons aussi ces pétitions et nous en rendons compte. Elles sont un indicateur des questions qui peuvent être importantes pour les Canadiens. Nous en tenons compte parmi les nombreux facteurs qui entrent en jeu dans le choix des sujets de vérification pour les années suivantes.
Je vous recommande de parler de ce processus de pétition aux citoyens. C’est un moyen d’obtenir des réponses directement des ministres concernés en vertu de la loi.
Le sénateur Lewis : Ce qui me frappe dans tout cela, c’est qu’il s’agit avant tout d’une question d’équilibre. C’est un système tellement vaste et tout est tellement lié. Ce qui me fait un peu penser à l’utilisation des sols, par exemple, en particulier en ce qui concerne les énergies renouvelables. En général, ces projets sont aménagés sur des terres agricoles. Lorsque nous avons commencé, personne ne pensait que nous allions un jour manquer de terres agricoles, alors qu’aujourd’hui, dans des provinces comme l’Ontario, c’est un gros problème. Si nous déboisions des milliers d’acres de forêts pour installer des parcs de panneaux solaires, les gens ne seront pas très contents, mais ils ne s’indignent pas quand nous retirons de la production 4 000 acres de bonnes terres agricoles — des terres non renouvelables. A-t-on fait des études sur les répercussions à long terme de l’utilisation de terres agricoles pour accueillir ces projets, de l’arrêt de la production agricole sur ces terres et de l’incidence globale sur notre économie?
M. DeMarco : Je n’ai pas connaissance d’une telle analyse à l’échelon fédéral. Dans le cadre de mes fonctions précédentes d’arbitre de différends relatifs à l’environnement opposant des localités, des organismes de réglementation et des promoteurs, j’ai constaté à maintes reprises que la perte de terres agricoles de première qualité, d’habitats d’espèces indigènes et de forêts au profit de nouveaux projets, qu’ils soient renouvelables ou non, quel que soit le type de projet, résidentiel ou commercial, entraînait toutes sortes de changements dans l’utilisation des sols. Votre question soulève le point que, la plupart du temps, il y a des compromis à faire.
Ce que le Canada n’a pas saisi, entre autres, dans le dossier climatique, c’est qu’il ne peut pas se contenter d’affirmer qu’il est un chef de file en matière de climat et de dire qu’il atteindra un objectif sans prendre les décisions difficiles qui permettront de l’atteindre. S’il évite ces décisions difficiles, l’objectif ne sera pas atteint, et c’est ce qui se passe. C’est un problème difficile à résoudre, mais pour faire un lien avec un thème du début de cette conversation aujourd’hui avec le comité, plus notre base d’information sur les terres agricoles de qualité, les tourbières pour la séquestration du carbone, la biodiversité, les communautés autochtones, et ainsi de suite est solide, plus il est probable qu’il y aura encore des compromis, mais moindres, et que l’on se rapprochera d’une situation gagnant-gagnant.
À propos d’équilibre, je le répète, plus la vision adoptée est à long terme, plus il est probable que les objectifs sociaux, économiques et environnementaux se rejoignent. Plus l’horizon est court, plus il est probable que les compromis seront importants. Quelqu’un pourrait beaucoup en profiter dans les premières étapes et laisser des problèmes à la fin, comme la mine Giant, avec des milliards de dollars de fonds publics à payer par la suite. Cela peut sembler un peu théorique ou abstrait — leçon 6 de notre rapport Leçons tirées de la performance du Canada dans le dossier du développement durable et leçon 8 de notre rapport sur les changements climatiques concernant la vision à long terme —, mais c’est en réalité le cœur même du développement durable. C’est pourquoi nous pensons à l’éducation et à la santé des enfants, entre autres. Nous adoptons cette vision à long terme.
Le gouvernement peut-il adopter cette vision à long terme? C’est parfois difficile à cause des pressions qui existent, mais s’il ne le fait pas, nous hypothéquons l’avenir des générations futures.
[Français]
La sénatrice Youance : J’aimerais revenir sur les critères de choix des organisations que vous avez évaluées. Par exemple, le ministère de la Défense n’avait pas d’action prévue, donc il n’est pas analysé. Je fais référence à un article paru dans Le Devoir où on pose justement la question : est-ce que le complexe militaire participe à l’effort de guerre de réduire un peu les émissions de gaz à effet de serre? Est-ce que votre ministère pourrait quand même faire des recommandations par rapport à des ministères qui n’ont aucune action prévue, mais dont l’impact est très négatif sur les émissions de gaz à effet de serre?
M. Michaud : L’approche pour la Stratégie fédérale de développement durable est volontaire. Les ministères établissent des actions ministérielles dans leur plan sur une base volontaire. Ce sont eux qui établissent ces actions pour contribuer à l’atteinte des cibles. Par exemple, si je prends la nouvelle stratégie de 2022-2026, il y a 50 cibles dans cette stratégie. Les entités viennent établir des actions selon leur rôle et responsabilité.
L’approche que nous avons prise pour nos audits est de partir des actions ministérielles établies, évidemment, de regarder les résultats accomplis et de vérifier si l’information sur les résultats est pertinente et permet de donner une transparence sur les investissements et l’atteinte des cibles ministérielles et fédérales.
La sénatrice Youance : Merci. Peut-être qu’on va ajouter cela dans la pétition.
M. DeMarco : J’aimerais ajouter quelque chose concernant cette sorte de rapport sur les progrès réalisés par le ministère en ce qui concerne la Stratégie fédérale de développement durable. On publie ce rapport à cause d’une disposition de la Loi sur le vérificateur général qui dit qu’on a besoin d’évaluer les progrès des actions des ministères qui ont choisi de soumettre une action. Dans nos autres audits, on n’a pas besoin de respecter la frontière de compétence. On peut regarder un sujet comme les forêts et les changements climatiques même s’il n’y a pas un programme nommé comme cela. C’est une différence entre cet outil-ci qui est limité par le contenu de la Stratégie fédérale de développement durable et les stratégies des ministères. Pour les autres audits, on a plus de discrétion en ce qui concerne la frontière de l’analyse.
[Traduction]
La sénatrice Galvez : Cet été, j’étais à Genève pour parler de la réduction des risques de catastrophe. Je suis aussi allée à Denver, dans le Colorado, pour parler des avantages de la régénération et de la restauration des terres dégradées. Toutes ces actions réduisent les gaz à effet de serre et nous aident à atteindre des objectifs durables.
Chose intéressante, les feux de forêt canadiens et la fumée qu’ils dégageaient étaient les sujets dominants à ces deux rencontres internationales. J’étais vraiment inquiète, et tout le monde me montrait du doigt en disant : « Vous êtes Canadienne ». Nous savons que la fumée des feux de forêt a des conséquences pour la santé respiratoire, neurologique et mentale, en particulier dans les populations vulnérables. Nous devons agir à ce sujet. C’est très important, mais le problème soulevé à cette conférence est que la fumée des feux de forêt n’est pas prise en compte dans les émissions de gaz à effet de serre. Ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un dise qu’elle doit être comptabilisée à cet égard. Bien sûr, nous en sommes déjà là, et nous allons bondir quand ce jour viendra.
Ce qui m’inquiète vraiment plus, c’est la menace que j’ai entendue de la part des Américains, qui ont déclaré qu’ils allaient envoyer une facture au Canada parce que la fumée des feux de forêt a fait augmenter le coût des soins de santé. Qu’en pensez-vous?
M. DeMarco : La question de la responsabilité des préjudices liés au climat évolue rapidement. La Cour internationale de Justice vient de rendre un avis à ce sujet, et il y a eu d’autres décisions importantes en matière de responsabilité climatique, comme l’arrêt rendu dans la cause de la Fondation Urgenda aux Pays-Bas. Je ne peux pas prévoir exactement jusqu’où cela ira et si le Canada sera proportionnellement responsable, en tant que pays, de l’élévation du niveau de la mer dans les pays de faible altitude ou de la fumée qui se déplace du Canada vers les États-Unis...
La sénatrice Galvez : Excusez-moi. La Cour internationale de Justice a récemment rendu un avis consultatif, et j’ai omis de le mentionner dans ma question. Vous le savez certainement.
M. DeMarco : C’est ce que je viens de mentionner dans ma réponse. Je parlais de ce cas et de celui des Pays-Bas.
Tout comme il était difficile de prévoir dans les années 1960 ou 1970 comment les litiges relatifs à la responsabilité des fabricants de cigarettes allaient évoluer — et ils ont beaucoup évolué, en fait —, il est difficile de dire si les litiges climatiques concerneront principalement les États ou les entreprises du secteur des combustibles fossiles.
En ce qui concerne la comptabilité, la hausse des températures mondiales est influencée, entre autres facteurs, par la concentration réelle des émissions de gaz à effet de serre — ou par les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Ainsi, qu’elles proviennent d’une cheminée, d’un pot d’échappement ou d’une forêt en feu, elles comptent toujours dans les impacts réels. Quant à savoir si elles comptent au titre de l’Accord de Paris pour ce qui est des émissions nationales, c’est une autre affaire. Cependant, nous devons tenir compte de la réalité, et pas seulement de la comptabilité de cette réalité. Les règles comptables prévues par l’Accord de Paris ont leur raison d’être, qui est d’éviter le double comptage entre les États exportateurs et les États importateurs.
Cependant, nous craignons que, si le Canada ne maîtrise pas à la fois le volet atténuation et le volet adaptation, l’avenir s’annonce inquiétant pour les populations non seulement de ce pays, mais aussi d’autres pays du point de vue des conséquences pour la santé, la qualité de vie, l’économie et les utilisateurs d’eau, soit tous les sujets dont nous avons parlé aujourd’hui. Je suis donc profondément préoccupé que le Canada et d’autres pays n’en fassent pas assez pour atteindre leurs objectifs parce que ce n’est pas seulement l’objectif qui est important, mais aussi l’impact final sur les populations et la planète en ce qui concerne l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et leur concentration dans l’atmosphère.
J’espère qu’en mettant ces questions en évidence dans notre rapport Leçons tirées, nous réussirons à attirer l’attention sur ce sujet. En fin de compte, cependant, c’est aux gouvernements, au secteur privé et aux particuliers qu’il appartient de faire le nécessaire pour changer de cap afin d’avoir un avenir plus durable, ce qui s’avère être une manœuvre très difficile. Et chaque jour qui passe sans que nous agissions rend la tâche plus ardue et nous obligera à nous adapter à des conditions météorologiques plus extrêmes. Cela vaut donc la peine de le faire à long terme. Il reste à savoir si l’humanité trouvera les ressources et la volonté nécessaires pour le faire.
Le sénateur Arnot : J’aimerais parler du rapport sur la cohérence pangouvernementale. Vous soulignez trois cadres fédéraux qui ne sont pas coordonnés : la Stratégie fédérale de développement durable, la Stratégie nationale du Canada pour le Programme 2030 et le Cadre de qualité de vie. Quelle est l’intégration minimale viable sur laquelle le Parlement devrait insister pour le budget de 2026 afin de viser à des objectifs et des indicateurs communs, ainsi qu’à un rapport annuel unique sur les résultats?
M. DeMarco : Étant donné l’accent mis actuellement sur les gains d’efficacité et la réduction des dépenses, entre autres, même si ce n’était pas l’intention de la leçon 2 de ce rapport, c’est peut-être le meilleur moment pour envisager de rationaliser différents cadres et les différents ministères qui en sont chargés.
Il s’agit d’une décision stratégique du gouvernement, mais le comité peut évidemment formuler une recommandation. On pourrait notamment tenir compte du fait que le Canada est un chef de file sur un point au moins en matière de développement durable, qui est d’avoir un cadre législatif à cet égard. Il y a la Loi fédérale sur le développement durable et l’obligation de définir une stratégie fédérale et des stratégies ministérielles, le cadre existe donc.
Pour une raison ou une autre, trois cadres ont vu le jour, l’un en vertu de la loi et les deux autres qui ne reposent sur aucune loi, à savoir le Cadre de qualité de vie et le Programme 2030.
Je ne sais pas pourquoi il y a eu cette prolifération de stratégies, mais le comité pourrait entendre des témoignages et expliquer pourquoi elles devraient être harmonisées, non seulement pour les raisons dont nous parlons ici en ce qui a trait à une mise en œuvre efficace, mais aussi du point de vue de gains d’efficacité qui pourraient en découler du point de vue financier.
Le sénateur Arnot : Le Canada se classe 25e à l’indice des objectifs de développement durable pour 2024, ce qui représente la plus faible amélioration parmi les pays du G7 depuis 2000. Quels sont les trois principaux obstacles fédéraux qui expliquent les mauvais résultats du Canada, et comment le Parlement devrait-il organiser les réformes pour changer cette tendance d’ici 2027?
M. DeMarco : Eh bien, nous avons six leçons. Donc, si je devais les résumer en trois, je ne sais pas lesquelles je supprimerais, mais nous pouvons peut-être en fusionner deux en une.
Le sénateur Arnot : C’est exact.
M. DeMarco : Permettez-moi de commencer par une qui est très importante dont nous n’avons pas encore parlé aujourd’hui, parce que je ne veux pas simplement me répéter.
La Stratégie fédérale de développement durable, même si elle s’intitule « stratégie », n’en est pas, selon moi, véritablement une. Elle ne remplit pas le rôle d’une stratégie classique, qui est de définir les objectifs que nous voulons atteindre — par exemple, l’objectif climatique dans le cadre de la stratégie —, puis de déterminer ce qui est nécessaire pour les atteindre. Plus probablement, comme généralement dans le cadre de la stratégie, il y a une sorte d’appel de propositions ou à contributions des ministères. La stratégie est simplement un amalgame d’activités et de propositions de ministères, mais rien n’est identifié et il n’y a pas d’autorité centrale qui dit : « Bon, j’ai examiné les propositions qui ont été soumises et elles ne nous permettront pas d’atteindre l’objectif. Nous allons devoir adopter la mesure supplémentaire Y ou Z pour y parvenir. » Cela n’arrive pas dans ce type d’approche ascendante d’une stratégie.
Nous avons observé cela dans d’autres cas aussi, dans d’autres types de stratégies fédérales, où la stratégie est plus un recueil de mesures et de programmes existants, mais ne trace pas une voie claire pour passer de A à B en précisant ce qui est nécessaire pour y parvenir. Et c’est un gros problème. Si l’on fait abstraction de la prolifération des plateformes, aucune d’entre elles ne présente de voie claire, avec une analyse des lacunes indiquant ce qui est nécessaire en plus de ce qui est déjà en cours.
Et je ne sais pas pourquoi il en est ainsi. C’est un facteur de l’approche décentralisée, mais un organisme central pourrait y remédier en disant : « D’accord, nous allons d’abord déterminer ce qui se passe, puis nous cernerons ce qui est nécessaire, et la stratégie en tiendra compte. »
Le sénateur Arnot : Je vous remercie de votre suggestion. Je pense qu’il est très logique d’avoir un organisme central plus rigoureux.
Le Parlement devrait-il adopter une loi imposant au Conseil privé et au ministère des Finances une obligation de planification et de rapport afin de présenter un plan de développement durable intégré? Dans l’affirmative, quelles garanties permettraient de s’assurer que les ministères s’y conformeraient bien?
M. DeMarco : Vous parlez d’un potentiel projet de loi visant à modifier la Loi fédérale sur le développement durable, et cela n’entre pas dans mes fonctions au Bureau du vérificateur général.
Le sénateur Arnot : Il s’agit d’une question nationale et nous devrions l’examiner.
M. DeMarco : Il vous revient de l’examiner. C’est pourquoi, dans nos Leçons tirées, nous nous contentons de soulever des questions à l’intention des parlementaires, qui peuvent ensuite aller au-delà du mandat de notre bureau et se pencher sur ces questions. En fait, c’est votre domaine en tant que parlementaires.
Je m’abstiens de proposer des changements particuliers aux politiques, car ce n’est pas mon rôle, mais il s’agit certainement d’une question que le comité peut examiner, ainsi que tout parlementaire et, bien sûr, le Sénat et la Chambre.
Toutefois, pour répondre plus directement à votre question, ce pourrait être l’occasion de revoir des lois en vigueur depuis un bon moment, qu’il s’agisse de la Loi sur les espèces en péril ou de la Loi fédérale sur le développement durable, des lois que nous avons examinées et qui ne fonctionnent pas très bien en pratique, et de recommander des améliorations qui accroîtront la reddition de comptes. Cependant, la responsabilisation ne suffit pas. Étant donné les mauvais résultats obtenus par le Canada, nous devrons peut-être passer à l’étape suivante, c’est-à-dire prévoir des conséquences en cas de non-conformité et de non-réalisation des objectifs.
Le sénateur Arnot : Merci de nous encourager à approfondir cette question.
Voici ma dernière question. Quel changement dans la gestion des dépenses du Conseil du Trésor améliorerait le plus la visibilité entre les crédits et les résultats nationaux d’ici le prochain cycle du budget principal des dépenses?
M. DeMarco : C’est une autre question qui m’amènerait à entrer dans le domaine des choix en matière de politiques. Je m’en abstiendrai respectueusement. Ce sont là des questions qu’il serait légitime de poser aux représentants du Conseil du Trésor et des autres organismes centraux, si vous décidiez d’approfondir le sujet.
Quant aux questions principalement horizontales, comme celles qui touchent à l’environnement et au développement durable dans mon domaine de travail, ou à la réconciliation, qui en est un autre exemple, elles amènent à se demander si le Canada en fait assez pour travailler de manière transversale. Les cloisonnements préexistants sont-ils toujours appropriés? D’autres pays ont maintenant des ministères du Développement durable ou de la Durabilité. Ce sont là des questions plus vastes que celles que notre bureau peut traiter, mais elles méritent d’être examinées par le comité.
La présidente : J’aimerais vous demander des précisions, pendant que les autres membres du comité vérifient s’ils ont des questions auxquelles il n’aurait pas été entièrement répondu.
En réponse à une question posée précédemment, vous avez parlé d’autres pays qui s’en sortent mieux que le Canada pour ce qui est d’atteindre leurs objectifs en matière de développement durable, et c’est le cas de la plupart d’entre eux. Vous n’avez pas mentionné les États-Unis, mais dans la pièce 4.7 de votre document Leçons tirées, la note des États-Unis à l’indice est bien inférieure à celle du Canada, qui arrive juste derrière. Pourquoi ne l’avez-vous pas mentionné quand vous avez parlé des objectifs en matière de développement durable? Y a-t-il une raison? Faisons-nous moins bien que les États-Unis à certains éléments de l’indice, par exemple?
M. DeMarco : Dans ma réponse à la question, je faisais référence à des pays qui, dans la pièce 4.7, nous dépassent ou ont augmenté leur taux de réalisation plus rapidement que le Canada. C’est pourquoi je les ai mentionnés. Cependant, vous voyez à la pièce 4.7 que le Canada a commencé en 2000 avec une longueur d’avance non négligeable sur les États-Unis en ce qui concerne les indicateurs des objectifs de développement durable et qu’il garde une bonne longueur d’avance sur ce pays.
Ce que je voulais dire, c’est que le Canada n’est plus en avance que sur les États-Unis et que tous les autres pays nous ont dépassés. Si vous regardez à la droite du graphique, l’Allemagne, la France, le Japon, l’Italie et le Royaume-Uni sont tous en avance sur le Canada. Devrions-nous nous contenter de ce que nous sommes au moins meilleurs que les États-Unis? C’est une question que chacun doit se poser. Je reviendrai à une des questions posées précédemment et dirai qu’il faut essayer d’être chef de file plutôt que de simplement ne pas être dernier.
La présidente : Pour ajouter à ce qu’a dit la sénatrice Galvez, nous partageons un continent. Cela a-t-il également une incidence sur notre capacité d’atteindre nos objectifs en matière de développement durable?
M. DeMarco : Sur certains objectifs, oui. Nous n’entrons pas dans ces détails, mais comme le développement durable est un défi mondial, il ne s’agit pas seulement d’examiner les incidences à l’intérieur d’un territoire. Il y a aussi des retombées, et c’est, je pense, ce que vous voulez dire.
Par exemple, si l’on considère l’indicateur de santé, la quantité de fumée dégagée par les feux de forêt qui se déplace du Canada vers les États-Unis a une incidence sur leur indicateur de santé, mais ce n’est pas nécessairement quelque chose qu’ils peuvent contrôler directement. Il y aura d’autres exemples de ce type en ce qui concerne les impacts transfrontaliers.
La biodiversité est un autre exemple. Bon nombre de nos espèces migratrices ne passent que d’un tiers à la moitié de l’année au Canada. Nous dépendons de la protection de leurs habitats aux États-Unis ou en Amérique latine pour leur survie. Il existe des liens de ce type. Cependant, bon nombre des indicateurs peuvent être, sinon contrôlés à 100 %, du moins nettement contrôlés par les choix de politique et de dépenses intérieures. La santé, l’éducation, ce genre de choses, sont dans une large mesure déterminées par l’ampleur des investissements consacrés à ces domaines et par la priorité qu’un pays choisit de leur accorder.
Pour répondre à votre question, il existe des interrelations du fait que nous partageons l’air, l’eau et un climat avec d’autres pays. Ce n’est pas une excuse pour relâcher sa vigilance ou pour ignorer les nombreux leviers dont nous disposons et qui peuvent être mis en œuvre à l’échelle nationale.
La présidente : Des membres du comité ont-ils des questions complémentaires pour lesquelles je ne leur ai pas accordé suffisamment de temps?
[Français]
La sénatrice Verner : Merci, monsieur DeMarco. Je vous avais dit, avant le début de la réunion, que j’avais l’intention de vous poser une question sur le projet de loi C-5 adopté en juin. Mon collègue a déjà abordé la question avec vous, mais j’aimerais savoir s’il y a autre chose que vous pourriez partager avec les membres du comité à la suite de la réponse que vous avez déjà donnée à mon collègue à ce sujet.
M. DeMarco : Oui. Comme vous, nous sommes intéressés et préoccupés par ce qui arrivera avec la mise en œuvre du projet de loi C-5. On devra donc analyser cela et évaluer si c’est quelque chose qui devra faire l’objet d’un audit dans les années à venir.
Comme je l’ai déjà mentionné, plusieurs de nos rapports portent en partie sur l’amélioration de notre base de données pour faciliter la prise de décisions. Il ne s’agit pas seulement des minéraux critiques, mais aussi de notre rapport sur la gestion intégrée des océans, de l’identification et la protection des habitats des espèces en péril, et au mois de novembre, on aura des rapports sur les zones protégées. On verra donc si l’accélération des approbations des projets respectera les normes environnementales et celles concernant les peuples autochtones, ou si on aura des problèmes à cet égard. Toutefois, nous devrons décider s’il y aura un audit à cet effet. Ensuite, on verra les premières étapes de mise en œuvre de cette loi. Cela ne fait que quelques mois que c’est en vigueur. C’est donc un peu trop tôt pour être certain qu’on fera un audit.
La sénatrice Verner : Merci.
[Traduction]
La sénatrice Galvez : Je tiens à vous remercier du fond du cœur. Vous avez été remarquable. Continuez à faire ce que vous faites, à nous recommander des mesures et ne pas hésiter à nous dire ce que vous pensez, car nous avons parfois des idées, mais il arrive que nous soyons un peu déroutés.
Je le répète, ce comité est censé étudier les trois questions horizontalement, et nous devons parvenir à briser les cloisonnements et à étudier ces questions horizontalement.
M. DeMarco : Merci de nous avoir reçus. Merci de nous inviter chaque fois que nous pouvons être utiles à vos délibérations. Nous sommes là pour répondre aux besoins des parlementaires.
Je vois dans votre récent rapport sur l’hydrogène que vous vous inspirez beaucoup de notre travail à cet égard. Qu’il s’agisse du climat, du développement durable, de la biodiversité ou de tout autre sujet, nous sommes heureux de venir témoigner sur les sujets sur lesquels nous avons publié des rapports.
Nous avons un tout nouveau rapport sur l’adaptation qui pourrait vous intéresser, compte tenu des feux de forêt au Canada et des répercussions sur la santé qui en découlent. Nous en aurons une nouvelle série au début du mois de novembre. Nous espérons pouvoir venir vous en parler dès que possible. Nous sommes toujours heureux d’être invités et c’est un plaisir de vous aider à mener à bien le travail important du comité.
La présidente : Je tiens à toutes et tous vous remercier. Nous sommes reconnaissants aux personnes qui n’ont pas eu l’occasion de s’adresser directement à nous de leur présence, car elle signifie que, quelle que soit la conversation, nous pouvons compter sur l’aide de toutes les personnes présentes dans cette salle. Nous vous remercions d’avoir pris le temps de vous joindre à nous ce matin.
(La séance est levée.)