LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 23 octobre 2025
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui à 8 heures [HE] pour examiner, afin d’en faire rapport, la question de l’industrie pétrolière extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador; et, à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
La sénatrice Joan Kingston (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Avant d’aller plus loin, je demanderais à tous les sénateurs de consulter les cartes sur la table pour connaître les directives visant à prévenir les incidents de rétroaction audio.
Veuillez vous assurer que votre oreillette est éloignée de tous les microphones à tout moment. Ne touchez pas le microphone. L’activation et la désactivation seront gérées par l’opérateur de la console. Veuillez éviter de manipuler votre oreillette lorsque votre microphone est allumé. Les oreillettes doivent rester sur l’oreille ou être placées sur l’autocollant prévu à cet effet à chaque place. Merci de votre coopération.
Je m’appelle Joan Kingston. Je suis sénatrice du Nouveau-Brunswick et présidente du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je voudrais demander à mes collègues de se présenter.
Le sénateur Arnot : Je m’appelle David Arnot. Je suis un sénateur de la Saskatchewan.
[Français]
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur D. M. Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Fridhandler : Daryl Fridhandler, de l’Alberta.
[Français]
La sénatrice Youance : Suze Youance, de la division de Lauzon, au Québec.
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
La présidente : Je vous souhaite la bienvenue. On m’informe que c’est M. Jean-Philippe Prost, directeur général, Direction générale de l’analyse et des opérations à Ressources naturelles Canada, qui nous présentera ses observations préliminaires. Les autres témoins souhaitent-ils se présenter au comité?
Ray Walsh, directeur régional, Gestion des pêches, Région de Terre-Neuve-et-Labrador, Pêches et Océans Canada : Bonjour. Je m’appelle Ray Walsh et je suis directeur régional responsable de la gestion des pêches dans la région de Terre-Neuve-et-Labrador.
Jackie Janes, directrice régionale, Écosystèmes aquatiques, Région de Terre-Neuve-et-Labrador Pêches et Océans Canada : Bonjour à tous. Je m’appelle Jackie Janes et je suis directrice régionale responsable des écosystèmes aquatiques à Pêches et Océans Canada. Je travaille moi aussi à St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador).
Jean-Philippe Prost, directeur général, Direction générale de l’analyse et des opérations, Ressources naturelles Canada : Bonjour. Mon nom est Jean-Philippe Prost et je suis directeur général du Secteur des combustibles à Ressources naturelles Canada, ici à Ottawa.
Cheryl McNeil, directrice par intérim, Division de la gestion des activités extracôtières, Direction de l’analyse et des opérations, Ressources naturelles Canada : Bonjour, je m’appelle Cheryl McNeil et je suis directrice par intérim de la Division de la gestion des activités extracôtières de Ressources naturelles Canada, à St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador).
La présidente : Merci. Monsieur Prost, nous vous écoutons.
M. Prost : Merci, madame la présidente, de m’avoir invité à prendre la parole devant le comité ce matin.
[Français]
Je m’appelle Jean-Philippe Prost et je suis directeur général du Secteur des carburants à Ressources naturelles Canada. Je suis accompagné de ma collègue Cheryl McNeil, directrice par intérim de notre Division de la gestion des activités extracôtières.
J’aimerais commencer en reconnaissant que nous nous trouvons aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.
[Traduction]
Je suis heureux de pouvoir vous parler de l’industrie pétrolière extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador et du rôle de Ressources naturelles Canada.
Forte d’une histoire riche, l’industrie pétrolière extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador est régie par un cadre législatif et réglementaire unique. En 1985, les gouvernements du Canada et de Terre-Neuve-et-Labrador ont signé l’Accord atlantique qui établissait un régime de gestion conjoint fédéral-provincial pour le pétrole dans la zone extracôtière du Canada et de Terre-Neuve-et-Labrador.
L’accord est mis en œuvre au moyen de lois fédérales et provinciales parallèles. Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, et par extension Ressources naturelles Canada, est le responsable fédéral qui travaille en étroite collaboration avec notre partenaire de gestion conjoint : le ministère de l’Industrie, de l’Énergie et de la Technologie de Terre-Neuve-et-Labrador.
Les lois de mise en œuvre ont également établi un organisme de réglementation fédéral-provincial indépendant, l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, chargé de superviser les questions de sécurité, de protection de l’environnement, de gestion des ressources et de retombées industrielles dans le cadre de l’exploitation des hydrocarbures extracôtiers dans cette région.
Comme le comité s’en souvient peut-être pour avoir étudié le projet de loi C -49 l’année dernière, l’office a récemment été rebaptisé Régie Canada—Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière afin de refléter l’élargissement de son mandat, qui inclut désormais l’énergie renouvelable extracôtière.
Dans le contexte des hydrocarbures extracôtiers, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles et son homologue provincial sont responsables de certains aspects précis énoncés dans les lois de mise en œuvre de l’accord.
Il s’agit notamment de nommer les membres de la régie, d’approuver son budget, de ratifier certaines des décisions de réglementation qualifiées de « fondamentales » et de prendre des règlements. De plus, Ressources naturelles Canada est chargé de percevoir les revenus pétroliers extracôtiers, tels que les redevances, et de les transférer intégralement à la province
Nous travaillons également en étroite collaboration avec d’autres ministères et organismes fédéraux dont les mandats ont un lien avec l’industrie pétrolière extracôtière. Citons par exemple Environnement et Changement climatique Canada, qui est le chef de file fédéral en matière de politique climatique; l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, qui est chargée de réaliser les évaluations d’impact fédérales des projets pétroliers extracôtiers désignés; et Pêches et Océans Canada, qui est le responsable fédéral pour des questions telles que la protection des poissons et de leur habitat et la gestion des pêches.
Je suis accompagné aujourd’hui de deux de mes collègues du ministère des Pêches et des Océans qui travaillent à St. John’s. Ils se sont présentés tout à l’heure.
[Français]
Au cours des dernières années, Ressources naturelles Canada, en étroite collaboration avec les gouvernements provinciaux, les organismes de réglementation et les intervenants, a fait progresser un certain nombre d’initiatives importantes de modernisation des règlements, comme l’Initiative de renouvellement de la réglementation concernant les zones pionnières et extracôtières et l’Initiative en matière de santé et sécurité au travail dans la zone extracôtière de l’Atlantique.
Ces initiatives ont permis de moderniser le cadre réglementaire.
Plus récemment, les gouvernements du Canada et de Terre-Neuve-et-Labrador ont apporté des modifications ciblées aux dispositions visant les hydrocarbures dans les lois de mise en œuvre des accords, soit le projet de loi C-49, dont je parlais précédemment, y compris des modifications touchant le régime foncier, la conservation du milieu marin et l’harmonisation avec la Loi sur l’évaluation d’impact.
[Traduction]
Au-delà du cadre législatif et réglementaire, j’aimerais conclure en prenant quelques minutes pour parler brièvement de l’industrie en général.
Depuis les années 1960, d’importants investissements ont été consentis dans la zone extracôtière du Canada et de Terre-Neuve-et-Labrador, avec plus de 500 puits forés et plus de 80 milliards de dollars de dépenses industrielles. Cela a conduit à plusieurs découvertes de pétrole, puis à la production dans le cadre de quatre grands projets, à savoir Hibernia, Terra Nova, White Rose et Hebron.
Tous ces projets sont réalisés à des centaines de kilomètres au large, dans le bassin Jeanne d’Arc, qui est actuellement le seul bassin au Canada dans la zone extracôtière.
À ce jour, ces quatre projets ont produit environ 2,4 milliards de barils de pétrole, et leurs réserves restantes sont estimées à quelque 1,2 milliard de barils. Cela signifie que les projets existants sont en mesure de poursuivre leur production pendant plusieurs décennies encore.
L’installation West White Rose, une expansion du projet White Rose, est en cours de mise en service, et nous prévoyons une première production de pétrole en 2026.
Le projet Bay du Nord proposé par Equinor, dont les réserves sont estimées à environ un milliard de barils, est un cinquième projet potentiel qui serait réalisé dans un nouveau bassin, la passe Flamande. Une décision finale d’investissement est attendue de la part d’Equinor en 2027, et si elle est approuvée, la première production de pétrole est prévue pour 2031.
[Français]
Je terminerai en disant que, en raison de la nature de leur emplacement, les hydrocarbures extracôtiers de Terre-Neuve-et-Labrador ne sont pas limités par des oléoducs et sont offerts sur les marchés nationaux et internationaux. En outre, il s’agit de l’une des régions de production en amont dont l’intensité carbonique est la moins élevée au monde.
Enfin, je voudrais conclure en soulignant que l’industrie des hydrocarbures extracôtiers à Terre-Neuve-et-Labrador procure d’importantes retombées économiques. Elle représente une part importante du produit intérieur brut de la province et génère des centaines de millions de dollars en redevances annuelles. Les quatre projets de production emploient des milliers de personnes.
En outre, la province dispose d’une industrie d’approvisionnement bien établie, avec des centaines d’entreprises fournissant des biens et des services.
[Traduction]
Je vous remercie de votre attention. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
La présidente : Nous allons commencer les questions.
[Français]
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup à nos témoins ce matin. C’est gentil de venir répondre à nos questions.
[Traduction]
Il s’agit d’un sujet très important : l’intensification de l’extraction pétrolière au sein d’un écosystème très fragile. Il est donc crucial que nous disposions des informations exactes fournies par les experts scientifiques compétents. J’ai été très étonnée et plutôt estomaquée par un article publié par CBC en 2022, suivant lequel le syndicat représentant les scientifiques de Pêches et Océans Canada, ou le MPO, accusait les lobbyistes, l’industrie, les hauts responsables du ministère et au moins un politicien de miner le travail de ses membres à Terre-Neuve-et-Labrador. Cette lettre qui a fait l’objet d’une fuite renferme de nombreux éléments d’information.
Je veux savoir quelles mesures sont prises pour faire valider et confirmer les données scientifiques pour toutes ces études que vous devez réaliser afin de déterminer si un projet est une bonne idée et représente un investissement judicieux. Quelles mesures sont en place pour garantir l’intégrité des travaux scientifiques du MPO?
Mme Janes : Merci de votre question, sénatrice. Le MPO fournit des informations et des connaissances spécialisées aux autorités réglementaires responsables, à savoir l’Agence d’évaluation d’impact du Canada pour les projets désignés et la Régie Canada—Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière pour les évaluations environnementales. Nous avons plusieurs processus en place. Nous recueillons des informations et menons des consultations scientifiques, puis nous fournissons ces informations rigoureuses et ces avis d’experts aux autorités réglementaires responsables pour éclairer leurs processus d’analyse et de prise de décisions.
La sénatrice Galvez : J’aurais une question au sujet de l’affaire de dénonciation survenue en 2022. Des mesures ont-elles été prises? Quel a été le résultat de ce qui s’est passé à ce moment-là ?
Mme Janes : Je suis désolée, sénatrice, mais je ne suis pas au courant de cette affaire de dénonciation.
La sénatrice Galvez : Pouvons-nous vous envoyer ces informations pour que vous puissiez nous répondre concernant ce cas précis?
Mme Janes : Oui, je vous en prie.
La sénatrice Galvez : Vous avez raison, monsieur Prost. L’année dernière, nous avons élargi le mandat de la régie pour y ajouter l’énergie éolienne. Avez-vous reçu une étude comparative sur les raisons économiques, sociales et environnementales pour lesquelles, alors même que le Canada n’a atteint aucun de ses objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre, nous ne développons pas l’énergie éolienne, mais nous nous tournons plutôt vers le pétrole?
M. Prost : Merci de votre question, sénatrice. Évidemment, je ne peux pas m’exprimer sur les raisons pour lesquelles une décision a pu être prise ou non par le passé. Tout ce que je peux dire, c’est que le projet de loi C-49 qui a été adopté l’année dernière a pour objectif de fournir un cadre législatif et réglementaire permettant le développement de l’énergie éolienne en mer. Ensuite, tout est une question d’investissements et de décision des investisseurs de lancer ou non des projets dans ce secteur. Ces projets seraient réglementés par l’organisme en place à Terre-Neuve.
Cependant, je ne peux pas me prononcer sur le moment où une décision en ce sens pourrait être prise.
Le sénateur D. M. Wells : Puis-je demander à la sénatrice Galvez de bien vouloir, par l’entremise de notre greffière, nous transmettre à tous sa question précédente et la réponse qui lui sera donnée?
La sénatrice Galvez : Oui. Mon bureau va s’en charger.
Le sénateur D. M. Wells : Merci aux témoins d’être venus. Cette question s’adresse à M. Prost, mais toute personne en mesure d’y répondre sera la bienvenue. Quel est le mécanisme utilisé pour transférer les redevances ou les retombées financières des exploitants à la province?
M. Prost : Le fonctionnement est simple. L’argent est collecté par Ressources naturelles Canada, c’est-à-dire par le gouvernement fédéral, puis envoyé à la province. L’argent ne va pas directement des exploitants à la province, mais transite par le gouvernement fédéral. Comme je l’ai dit, les redevances que nous collectons pour le compte de la province lui sont transmises en totalité.
Le sénateur D. M. Wells : Est-ce un transfert direct?
M. Prost : Oui, la somme intégrale.
Le sénateur D. M. Wells : Je vais vous poser une question au sujet de Bay du Nord. Je sais qu’il s’agirait du premier projet d’exploitation en eaux profondes. Pouvez-vous nous parler des différences avec les projets actuels d’exploration et d’exploitation qui ne sont pas réalisés en eaux profondes?
M. Prost : Merci pour votre question. Le projet Bay du Nord est effectivement très différent des autres projets actuels en mer. La principale différence réside dans le fait que Bay du Nord serait réalisé à plus de 500 kilomètres des côtes, alors que les autres projets le sont à moins de 300 ou 400 kilomètres. C’est une différence considérable.
L’autre différence est que Bay du Nord sera situé en dehors de la zone économique exclusive s’étendant jusqu’à 200 milles marins de nos côtes. Il s’agit donc d’un projet qui sera mené conformément à la réglementation des Nations unies, et plus particulièrement à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. C’est une distinction importante, car cela signifie qu’un autre ensemble de règles s’appliquera au projet.
Comme vous l’avez mentionné, le projet aurait lieu en eaux très profondes, le fond marin se situant à un kilomètre de la plateforme de forage. Cela représente également une différence significative par rapport aux autres projets, car il est plus difficile du point de vue technique de travailler à une telle distance.
Le sénateur D. M. Wells : Est-il rassurant de voir que le projet serait réalisé par Equinor, une entreprise qui fore actuellement à des profondeurs semblables en Norvège?
M. Prost : Je ne peux pas répondre à cette question. À ma connaissance, Bay du Nord sera le premier projet au monde à être aussi éloigné des côtes et à atteindre une telle profondeur.
Le sénateur D. M. Wells : Vous avez souligné que la production pétrolière au large des côtes de Terre-Neuve est parmi les moins intensives en carbone au monde. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Expliquez-nous comment vous effectuez vos mesures et comment vous faites la distinction entre les différents projets, y compris les projets terrestres.
M. Prost : Comme je l’ai mentionné, la production extracôtière émet moins de carbone. Pour vous donner quelques chiffres, la zone extracôtière de Terre-Neuve produit entre 4 % et 5 % de tout le pétrole brut exploité au Canada, mais ses émissions ne représentent que 0,6 % du total. Cela vous donne une idée de la situation.
En ce qui concerne l’intensité carbone du pétrole produit en mer, selon nos calculs, un baril de pétrole produit en mer contient 13 kilogrammes d’équivalent CO2par baril. En comparaison, on compte 49 kilogrammes d’équivalent CO2 par baril pour le pétrole léger classique, qui est l’équivalent de ce qui serait produit à terre. Cela s’explique par le fait que, d’un point de vue technique, notre mode d’exploitation extracôtière est très différent de notre mode d’exploitation terrestre. La qualité du brut fait également une grande différence.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci d’être ici.
Je ne suis pas une experte des questions pétrolières. Je vais donc vous poser une question qui sera un peu de base. Vous avez parlé de 500 lieux de forage. Il y a aussi des réserves qu’on a exploitées et qui sont tapées, c’est-à-dire qu’on fait des espèces de couvercles pour garder le gaz. Expliquez-moi un peu comment on fait une fois qu’on a exploité le pétrole pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de suintement et pour s’assurer qu’il n’y ait pas de déversement avec le reste.
M. Prost : C’est une question très technique. Je ne suis pas certain d’être capable d’y répondre de façon précise et surtout exacte. Si vous le souhaitez, je peux vous revenir avec une réponse écrite, car je ne pense pas que ma collègue serait capable de vous expliquer techniquement la façon dont cela se fait.
La sénatrice Miville-Dechêne : Est-ce le cas, madame McNeil?
[Traduction]
Mme McNeil : Je ne peux pas vous donner d’explication technique. Ce que je peux dire, c’est que nous avons mis en place pour le secteur extracôtier un régime réglementaire très solide qui comprend des mesures de protection de l’environnement. La Régie Canada—Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière est chargée d’administrer cette réglementation.
Les exploitants doivent soumettre différents plans afin de pouvoir produire dans la zone extracôtière en garantissant la sécurité de leur production. La régie a mis en place un certain nombre de mécanismes pour s’assurer que c’est bel et bien le cas. Nous examinons la situation dès le départ, en veillant à ce que ces mesures réglementaires soient en place pour garantir la protection de l’environnement.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais avoir une réponse écrite compréhensible, si possible.
J’aimerais revenir sur le projet de la Bay du Nord. Si je comprends bien, il n’a pas encore commencé? A-t-il été interrompu? Qu’est-ce qui se passe de ce côté?
M. Prost : Effectivement, le projet de Bay du Nord n’a pas commencé. En fait, ils n’ont pas commencé et il n’y a pas de travaux qui ont été entrepris. Le projet n’a pas encore été approuvé par Equinor, qui est l’opérateur qui gérera le dossier. Il y a quelques années, Equinor a mis le projet sur pause à cause de la fluctuation des prix du pétrole et de la complexité du projet. Ils ont mis le projet sur pause non pas pour l’arrêter, mais pour essayer de trouver une façon de le rendre commercialement viable. Le travail se poursuit. Nous espérons qu’une décision d’investissement sera prise par l’entreprise en 2027 avec une projection de démarrage en 2031. Le ministère, la province et Equinor sont en discussion pour que le projet puisse aller de l’avant.
La sénatrice Miville-Dechêne : L’année 2031 est à peu près le moment où la croissance de la demande mondiale de pétrole atteindra un sommet. Est-ce que ce projet sera viable?
M. Prost : Equinor serait probablement plus à même de répondre à la question. Les projections indiquent qu’il y aura un plateau, puis une lente descente de la demande de pétrole. Cela dit, il y aura toujours une demande de pétrole et un besoin de fournir du pétrole sur les marchés. Comme je le soulignais précédemment, l’avantage du pétrole produit dans la zone extracôtière de Terre-Neuve, c’est le fait qu’il est relativement bas en carbone. C’est une solution intéressante pour un certain nombre de pays qui, même s’ils prennent le virage de la transition énergétique, ont toujours besoin de pétrole et pourraient avoir accès à un pétrole qui est relativement bas en carbone.
La sénatrice Youance : Merci aux témoins de leur présence.
Monsieur Prost, vous avez donné les chiffres pour la quantité de barils de pétrole qui ont déjà été extraits, soit à peu près 2,4 milliards; il resterait 1,2 milliard de barils, donc environ la moitié de ce qui a été exploité. Si on fait des projections à long terme, est-ce que l’exploitation peut toujours être viable? Parce que les quantités vont décliner. N’a-t-on pas l’obligation de conserver des réserves pour les prochaines générations?
M. Prost : Merci pour votre question.
La première chose que j’aimerais préciser, c’est que le montant de 1,2 milliard de barils que j’ai mentionné est le nombre de barils qui sont dans les réservoirs qui sont exploités actuellement. Par exemple, j’ai mentionné qu’on estimait que Bay du Nord avait des réserves à hauteur d’un milliard. C’est un milliard en plus de ce nombre.
J’ajouterais aussi, comme je le mentionnais dans mes remarques initiales, que pour l’instant, il y a un seul bassin au large de Terre-Neuve qui est exploité, mais la région extracôtière de Terre-Neuve est très vaste et des réserves ont été identifiées à d’autres endroits. Si on mettait en place de nouveaux projets ou si on ouvrait d’autres réservoirs, ce nombre pourrait augmenter. Je n’ai pas les chiffres avec moi en ce moment, mais il est relativement difficile d’estimer la quantité de pétrole qui est contenu sous le sol, et encore plus lorsqu’il est sous la mer. Des recherches ont été faites et indiquent qu’il y a encore beaucoup de vastes réserves de pétrole et de gaz naturel au large de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Youance : J’aimerais continuer dans la même veine que la question de la sénatrice Miville-Dechêne. Vous avez parlé de réglementation pour faire en sorte que tout se passe bien, que le côté technique de la fermeture des puits se passe bien. Je pourrais aussi prendre l’exemple du bruit des levés sismiques qui se font au fond de la mer et qui perturbent la faune marine et les oiseaux. Ma question est la suivante : avez-vous des responsabilités de surveillance autour des activités d’exploitation? Si oui, comment la surveillance se fait-elle? Y a‑t‑il des rapports publics à ce sujet?
M. Prost : Comme je le mentionnais, le régulateur est responsable de s’assurer que les opérations dans la région extracôtière se font en respectant les règlements. Ce n’est pas la responsabilité de Ressources naturelles Canada, mais celle du régulateur de s’assurer que ce soit fait. Il doit aussi s’assurer que ce soit fait en fonction des plans de protection de l’environnement développés par les opérateurs et validés par le régulateur. Il y a un certain nombre de mesures qui sont prises et de vérifications qui sont faites par le régulateur. Si vous êtes intéressée à avoir plus de détails là-dessus, je crois comprendre que vous recevrez le régulateur la semaine prochaine; il sera probablement plus en mesure de répondre à cette question sur la façon dont il s’assure que les règlements sont suivis.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : J’ai trois questions pour vous, monsieur Prost. Après le déversement survenu en 2018 et les amendes infligées en 2024, quelles nouvelles exigences Ressources naturelles Canada a-t-il mises en place pour le signalement immédiat des déversements et de leur impact sur la faune?
Mme McNeil : Je vais répondre à cette question. Merci, sénateur.
Nous n’avons rien mis en place de vraiment nouveau depuis 2018 ou 2024. Nous avons apporté des modifications aux lois de mise en œuvre de l’accord par le truchement du projet de loi C-49, comme l’a mentionné M. Prost. Nous avons ainsi assuré le maintien des mesures de protection de l’environnement, mais, à ma connaissance, nous n’avons rien mis en place d’expressément nouveau.
Le sénateur Arnot : Merci. Monsieur Prost, quel budget d’émissions Ressources naturelles Canada a-t-il prévu pour la zone extracôtière de l’Atlantique d’ici 2035? Comment sera-t-il possible selon vous de respecter ce budget avec des projets comme celui de Bay du Nord sans faire porter le fardeau à d’autres?
M. Prost : Je suis désolé, mais pourriez-vous répéter la question?
Le sénateur Arnot : Quel budget d’émissions Ressources naturelles Canada a-t-il prévu pour la zone extracôtière de l’Atlantique d’ici 2035, et comment sera-t-il possible selon vous de respecter ce budget avec des projets comme celui de Bay du Nord?
M. Prost : Qu’entendez-vous par « budget d’émissions »?
Le sénateur Arnot : Je vais passer à ma troisième question. Ressources naturelles Canada a-t-il modélisé des scénarios suivant lesquels les projets prévus pour la fin de la décennie deviendraient non rentables en raison de l’évolution de la demande mondiale, et ces risques ont-ils été communiqués aux provinces et aux partenaires syndicaux?
M. Prost : Parlez-vous de la possibilité que des projets soient démantelés? Comme je l’ai dit, les projets actuellement en cours ont une durée de vie de plusieurs décennies. Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question.
Le sénateur Arnot : Je vous demanderais de bien vouloir répondre à ces questions par écrit. Merci.
M. Prost : C’est ce que nous allons faire.
Le sénateur Fridhandler : Monsieur Prost, pour que les choses soient bien claires, lorsque vous mentionnez ces 1,2 milliard de barils, c’est ce qu’on retrouve dans les réserves restantes. Je pense qu’il est important — et vous pouvez me corriger si je me trompe — que l’on parle ici de réserves récupérables. Seul un très faible pourcentage des réserves d’un gisement pétrolier est récupérable avec les technologies actuelles. Il est par ailleurs possible que, dans les décennies à venir, nous voyions apparaître des technologies permettant une plus grande récupération. Je sais que cela concerne davantage les réserves terrestres, mais c’est aussi le cas pour les réserves extracôtières. Je pense qu’il est plausible que l’épuisement ne concerne pas la totalité des réserves, mais seulement un faible pourcentage de ce qu’elles contiennent.
M. Prost : C’est exact.
Le sénateur Fridhandler : Vous avez parlé des retombées financières directes provenant des redevances pour Terre-Neuve-et-Labrador. Votre ministère fait-il le suivi des retombées indirectes des activités extracôtières pour cette province?
M. Prost : Notre ministère ne recueille pas ce genre d’informations. Mais si cela vous intéresse, je suis presque certain que la province les compile et nous verrons à ce que l’on vous fournisse ces chiffres.
Le sénateur Fridhandler : Nous allons recevoir plusieurs témoins. Nous entendrons des experts de divers domaines au cours de nos travaux.
En ce qui concerne les forages en cours en vertu de permis d’exploitation dans les zones extracôtières, outre ce qui a déjà été fait, comme nous l’avons vu par le passé, quelles sont les perspectives à court terme pour de nouvelles activités extracôtières?
M. Prost : Comme vous le savez, il y a différents types de forage. Il y a le forage exploratoire et le forage de production. Au cours des dernières années, il n’y a pas eu de forage exploratoire. À ma connaissance, il n’y a pas de forage exploratoire d’envisagé actuellement dans la zone extracôtière.
En ce qui concerne l’avenir, comme vous le savez sans doute, un appel d’offres est actuellement en vigueur. L’appel a été lancé en avril et se terminera au début novembre. Nous saurons donc sous peu si des investisseurs sont intéressés par de nouveaux forages exploratoires.
Cela dit, le projet West White Rose est en cours de mise en service, et des puits de production seront forés. C’est ce dont nous sommes au courant actuellement. Comme je l’ai mentionné, si Equinor décidait d’aller de l’avant avec le projet Bay du Nord, il s’agirait de nouveaux forages.
Le sénateur Fridhandler : Au sujet des forages extracôtiers dans le monde, existe-t-il des obstacles à l’entrée dans la zone extracôtière canadienne qui pourraient expliquer la baisse de l’activité, ou pensez-vous que nous sommes sur un pied d’égalité et concurrentiels pour ce qui est de l’attractivité sur le marché du forage?
M. Prost : C’est une question à laquelle il est difficile de répondre, étant donné que ce sont les entreprises qui prennent la décision de forer, et pour ce faire, elles prennent en compte de nombreux facteurs différents : la demande, le prix du pétrole, et le poids relatif, dans leur portefeuille, de leurs investissements dans le secteur. Il est donc difficile de mettre le doigt sur une raison précise.
Au sujet des obstacles à l’entrée, seuls les gros joueurs peuvent le faire évidemment, et la plupart sont déjà présents dans la zone extracôtière de Terre-Neuve. Je connais très bien le cadre réglementaire et la zone. Je pense que la situation actuelle est plutôt liée à des raisons économiques.
Le sénateur Fridhandler : Nous avons assisté à la cessation des activités de production dans la zone extracôtière de la Nouvelle-Écosse. Y a-t-il des leçons à en tirer, et la situation est-elle comparable? Je sais que dans le cas de la Nouvelle-Écosse, c’est principalement du gaz, et c’est probablement très différent, mais y a-t-il des leçons à tirer de la cessation des activités?
M. Prost : Je dois avouer que j’ai des connaissances limitées sur ce qui s’est passé à ce sujet en Nouvelle-Écosse, mais je dirais que oui, bien entendu, il y a des leçons à en tirer. Il y a aussi des leçons à tirer de nos partenaires internationaux. Nous sommes en contact avec d’autres pays qui mènent des activités au large de leurs côtes, et qui ont plus d’expérience que nous dans le déclassement des infrastructures pétrolières. Nous avons beaucoup de connaissances sur la façon de gérer ce genre de situation.
[Français]
La sénatrice Galvez : Monsieur Prost, je suis choquée que vous ne soyez pas capable de répondre aux questions de mes collègues, surtout aux questions très pertinentes de mon collègue le sénateur Arnot. Quand je lis sur votre mission, on peut voir ceci :
[Traduction]
En ce qui concerne les engagements climatiques, Ressources naturelles Canada est responsable notamment de diriger le Plan de réduction des émissions du Canada pour 2030, de faire progresser la transition vers la carboneutralité dans le secteur des ressources naturelles et d’aider le gouvernement fédéral à rendre ses activités plus écologiques et plus résilientes aux changements climatiques. Cependant, à la plupart des questions qui vous ont été posées concernant l’augmentation des émissions, les répercussions sur l’environnement et notre engagement à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, vous avez répondu qu’il valait mieux poser ces questions à Equinor, car cela dépend des investissements, de l’appel d’offres ou des contrats qui seront signés.
Comment voyez-vous votre rôle personnellement pour aider le Canada à atteindre ses cibles juridiquement contraignantes de carboneutralité d’ici 2050? Je sais que le premier ministre a dit qu’il ne voulait pas parler des cibles, mais des résultats, alors parlez-moi des résultats.
M. Prost : Je vous remercie de la question. En tout respect, je ne pense pas que mon opinion sur mon rôle est importante ici. Mon expertise à Ressources naturelles est dans le domaine de la réglementation extracôtière du point de vue technique. Quand il est question des évaluations environnementales ou des émissions, cela ne relève pas de ma responsabilité. C’est pourquoi je peux m’informer auprès de mes collègues à Ressources naturelles pour répondre à ces questions, mais je ne suis pas en mesure d’y répondre moi-même.
La sénatrice Galvez : Votre ministère n’est-il pas en mesure de répondre à ces questions?
M. Prost : Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, nous ne travaillons pas en vase clos. En ce qui concerne les cibles environnementales, nous travaillons avec nos collègues d’Environnement et Changement climatique Canada. Nous travaillons avec l’Agence d’évaluation d’impact du Canada. Nous travaillons avec nos collègues à Pêches et Océans Canada et avec les organismes de réglementation.
La sénatrice Galvez : Allez-vous trouver la personne ou le groupe de personnes ou vos collaborateurs — comme il est censé s’agir d’une approche pangouvernementale — qui peuvent répondre aux questions qui ont été posées et faire parvenir l’information à la greffière?
M. Prost : Nous allons vous répondre par écrit.
La sénatrice Galvez : Je vous remercie.
Le sénateur Arnot : Madame McNeil, est-ce que Ressources naturelles va définir et exclure, en rendant le tout public, les zones écosensibles avant l’offre de concessions, puis publier les données utilisées?
Mme Janes : Selon ce que je comprends du processus d’appel d’offres, que mon collègue a décrit, ils ouvrent des zones et les entreprises peuvent manifester leur intérêt. Certaines zones faisant partie de l’appel d’offres chevauchent des aires de conservation existantes, comme le talus nord-est de Terre-Neuve. Il y a un chevauchement entre les deux. Elles ne sont pas exclues de l’appel d’offres.
Le sénateur Arnot : Est-ce que Ressources naturelles va préparer une base de référence des effets cumulatifs globaux et aller au-delà des examens projet par projet? Y aura-t-il un rapport rendu public chaque année?
Mme McNeil : L’Agence d’évaluation d’impact du Canada a procédé à une évaluation régionale pour le pétrole dans la zone extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous nous basons sur cette évaluation pour examiner les effets cumulatifs dans cette zone.
Le sénateur Arnot : Chaque projet sera-t-il assujetti à un budget d’émissions contraignant dans le cadre du plafond établi? Que se passera-t-il s’il est dépassé?
Mme McNeil : C’est une question qu’il faudrait poser à nos collègues d’Environnement et Changement climatique Canada. Dans le cadre de l’évaluation environnementale approuvée par le gouvernement fédéral en 2022 pour le projet Bay du Nord, une condition prévoit qu’il doit atteindre la carboneutralité d’ici 2050. C’est le nouveau projet envisagé à l’heure actuelle, et c’est une condition à laquelle il est assujetti.
Le sénateur Arnot : Quand toutes les données sur la surveillance environnementale, y compris sur les oiseaux et les animaux marins, seront-elles totalement ouvertes et dans un format lisible à la machine?
M. Prost : C’est difficile pour moi de répondre à cette question parce que cela ne relève pas du mandat de mon ministère. Je présume que c’est une question qu’il faudrait poser à Environnement et Changement climatique Canada.
Le sénateur Arnot : Est-ce que les conditions de l’appel d’offres encouragent activement une transition de la main-d’œuvre vers les énergies marines et éoliennes renouvelables en mer? Si c’est le cas, comment procède-t-on pour les faire appliquer?
Mme McNeil : Il n’y a pas de conditions particulières concernant la main-d’œuvre. Cela ne relèverait pas de Ressources naturelles Canada. En ce qui concerne la zone extracôtière de Terre-Neuve, il n’y a pas de plan en place actuellement pour l’éolien en mer, mais il y a un appel d’information à ce sujet qui est ouvert dans la zone extracôtière Canada-Nouvelle-Écosse.
Le sénateur D. M. Wells : Je remercie nos témoins. J’ai quelques questions. On a prédit plusieurs pics pétroliers au fil des décennies. Je sais qu’il y en a eu un premier en 1970, puis un autre en 2000. Le chiffre change. Cela repose en grande partie sur les motivations économiques de l’industrie pétrolière dans le monde.
Avec les nouvelles technologies qui font leur apparition régulièrement — comme le forage dirigé, l’exploration et le forage en eau profonde — et l’ouverture d’autres bassins en plus du bassin Jeanne d’Arc, de la passe Flamande et de l’exploration dans le bassin Orphan, y a-t-il des évaluations du potentiel futur des autres bassins — mis à part ceux qui sont actuellement en production et du projet Bay du Nord —, et aussi du potentiel du bassin Orphan?
M. Prost : Oui, ce n’est pas mon ministère qui s’en occupe directement, mais ce sont les provinces, les organismes de réglementation ou OilCo — dont la province est propriétaire — qui procèdent à ces types d’évaluations. Comme je l’ai dit, ils ont lancé une série d’évaluations du potentiel en dehors du bassin actuel — le bassin Jeanne d’Arc — en cours d’exploitation. Oui, il se fait de la recherche prospective, comme des levés de données sismiques, pour évaluer le potentiel dans la zone de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur D. M. Wells : Je vous remercie de la réponse. J’ai une question pour M. Walsh. Pêches et Océans doit-il gérer des conflits entre le secteur pétrolier et le secteur des pêches? Si c’est le cas, comment les règle-t-on?
M. Walsh : Je vous remercie de la question, sénateur. Il y a assurément des activités de pêche dans les zones extracôtières pour les poissons de fond, les crustacés, et d’autres espèces. Nous discutons régulièrement avec nos partenaires et les intervenants dans l’industrie de la pêche. Les renseignements que nous recevons de nos partenaires et ceux que nous avons à l’interne sur les activités de pêche antérieures et actuelles sont communiqués à nos collègues des écosystèmes aquatiques, et sont fournis aux organismes de réglementation et aux responsables de l’évaluation des répercussions.
Le sénateur D. M. Wells : Tout ce qui relève de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, l’UNCLOS, et tout ce qui se trouve sur le fond marin ou sous le fond marin du plateau continental est contrôlé par l’État voisin. Au-delà de la limite de 200 milles marins, tout ce qui se trouve dans la colonne d’eau est réglementé par l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest, l’OPANO. Quand les projets se trouvent au-delà de la limite de 200 milles marins, mais encore sous le plateau continental, en particulier les Grands Bancs, quels mécanismes sont en place pour régler tout problème qu’auraient ses États membres, en excluant le Canada?
M. Walsh : En tant que membre de cette organisation, le Canada lui fournit de l’information, par l’entremise d’un régime d’échange d’information, sur toute activité de recherche ou d’exploration, et il la fournit ensuite à ses membres. Les membres peuvent ensuite participer directement aux évaluations et fournir leurs commentaires directement à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada et à d’autres qui mènent des travaux au sein de l’OPANO. Nous fournissons de l’information, mais il revient après aux parties contractantes d’interagir directement.
Le sénateur D. M. Wells : Est-ce que cela se fait sur une base régulière ou lors des réunions générales annuelles? Comment procède-t-on?
M. Walsh : Actuellement, le Canada, en collaboration avec l’organisme de réglementation au pays, fournit des mises à jour semi-annuelles, par l’entremise de sa délégation auprès de l’OPANO.
Le sénateur D. M. Wells : Les États membres respectent-ils les activités pétrolières signalées au-delà de la limite de 200 milles marins?
M. Walsh : Je ne suis pas au courant de conflits directs. Mes collègues auraient peut-être de l’information à ce sujet.
Le sénateur D. M. Wells : Je vous remercie beaucoup.
[Français]
La sénatrice Youance : Je voulais parler des droits des peuples autochtones. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones souligne que ces groupes ont le droit à un consentement préalable donné librement et en connaissance de cause pour les projets d’exploitation des ressources naturelles. Ce principe est également dans la législation canadienne. Qui sont les détenteurs des droits autochtones dans les zones d’exploitation extracôtières, et de quelle manière ce principe de consentement préalable et de consultation est-il appliqué dans la zone?
M. Prost : Il y a deux parties à votre question. Je commencerai peut-être par répondre à la deuxième partie au sujet du droit.
Les opérations menées actuellement dans les domaines extracôtiers sont bien loin des zones traditionnelles de pêche des peuples autochtones, donc il n’y a pas d’impact direct. Cela dit, il peut y avoir un impact indirect. Comme vous l’avez dit, le gouvernement fédéral est responsable de s’assurer qu’il y a des consultations et un consentement. La façon dont le gouvernement du Canada approche la question est d’intégrer ces consultations aux différents processus réglementaires ou de vérification qui existent. Par conséquent, lorsque l’agence d’impact fait une étude d’impact, il y a des consultations publiques qui sont faites et les peuples autochtones sont consultés dans ce cadre-là. C’est exactement la même chose pour les régulateurs — ils ont les outils disponibles pour s’assurer que ces consultations sont faites.
J’ajouterais que, dans le cadre du projet de loi C-49 qui est entré en vigueur au mois de juin dernier, il y a une possibilité pour le régulateur de créer un fonds de consultation pour faciliter la consultation des différentes communautés.
La sénatrice Youance : Est-ce que vous pouvez nous dire à quoi ressemble le processus de consultation, ou un autre organisme pourrait-il mieux répondre à cette question?
M. Prost : Assurément, le régulateur pourrait répondre en détail. Cela peut se faire de différentes façons; on peut faire des consultations directes avec des soumissions ou des consultations publiques.
Il y a différents moyens de faire en sorte que les consultations soient faites. Il y a aussi différents moyens pour le régulateur de s’assurer que les opérateurs, qui sont eux aussi à l’étape du cadre du développement de leur plan d’opération, font ces consultations. C’est un outil qui existe.
La sénatrice Youance : Merci.
La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur Prost, je vais essayer de poser ma question différemment. Vous avez dit que votre spécialité, c’était le régulateur, donc est-ce qu’il y a des mécanismes, ou un fonds devrait-il être créé par ceux qui exploitent le pétrole pour d’éventuelles catastrophes, notamment pour fermer les puits et pour tout ce qui concerne l’environnement?
Est-ce qu’il existe quelque chose? Est-ce qu’on oblige les pétrolières à mettre des sommes de côté ou est-ce qu’on attend la catastrophe et, à ce moment-là, le gouvernement devra se précipiter pour régler le problème? Je parle d’éventuels déversements.
M. Prost : Oui, le principe de fonctionnement des opérations dans la zone extracôtière est le pollueur-payeur. Cela signifie que lorsqu’il y a un déversement, c’est la responsabilité de l’opérateur de le contenir et de l’éliminer.
Pour ce faire, on s’assure que les opérateurs ont les ressources financières nécessaires pour être en mesure de régler ces problèmes. C’est un montant d’un milliard de dollars qui doit être mis de côté pour faire face à d’éventuels déversements, compte tenu du fait que c’est une responsabilité sans faute qui s’appliquerait dans ce cas-là et ce serait la pleine responsabilité de l’opérateur.
La sénatrice Miville-Dechêne : C’est un fonds très spécifique. Est-ce qu’on demande de mettre de l’argent de côté pour certaines questions environnementales peut-être un peu moins lourdes, comme la protection de l’environnement ou la fermeture des puits dont je parlais plus tôt? Est-ce qu’il y a aussi des responsabilités de ce côté-là? Est-ce que vous obligez à faire le nettoyage des puits où il n’y a plus de pétrole dans un délai précis?
M. Prost : C’est la responsabilité du régulateur qui a géré la relation avec l’opérateur de s’en assurer. Comme je l’ai indiqué, le fait qu’on s’assure qu’il y ait un montant d’un milliard de dollars disponible pour les opérateurs, c’est ce fonds... En fait, ce n’est pas un fonds, mais on s’assure qu’ils ont la colonne vertébrale assez solide pour faire face à ce genre de situation. C’est dans ce cadre-là.
La sénatrice Miville-Dechêne : On parle d’un milliard de dollars; il est retiré de leur compte et il est mis dans un compte séparé, ou vous vous assurez seulement qu’ils ont de l’argent? On sait qu’à certains endroits au Canada, il n’y a pas toujours assez d’argent pour s’occuper de l’après-pétrole.
Comment ce milliard de dollars fonctionne-t-il techniquement?
M. Prost : L’opérateur doit prouver qu’il a des actifs à hauteur d’un milliard de dollars.
La sénatrice Miville-Dechêne : Très bien.
[Traduction]
Le sénateur Arnot : Monsieur Walsh, au sujet des leçons apprises après un déversement, quels autres changements concrets dans les opérations ont été apportés en ce qui concerne les fermetures, les remboursements et le rétablissement des espèces sauvages depuis celui de 2018?
M. Walsh : Je vous remercie de la question, sénateur. Je suis désolé, mais je ne sais pas si un de mes collègues a de l’information à ce sujet, mais cela ne fait pas partie de mon domaine d’expertise.
Le sénateur Arnot : Je vais passer à ma septième question. Au sujet du rétablissement des stocks de morue, comment Pêches et Océans s’assure-t-il que son plan de rétablissement est directement pris en compte dans les décisions d’octroi de permis pour la pêche en haute mer?
M. Walsh : Je vous remercie de la question, sénateur. L’état du stock de la morue du Nord a été mis à jour à partir d’une évaluation faite en 2024. On considère que son stock n’a plus besoin d’être rétabli. Selon le cadre de Pêches et Océans, il atteint actuellement, ou a presque atteint, la zone saine et ne nécessite donc plus de plan de rétablissement.
Le sénateur Arnot : Au sujet du veto de Pêches et Océans, quels critères particuliers l’amèneraient à bloquer ou à exclure une zone de concession? Ces critères sont-ils publics avant le début de l’appel d’offres?
Mme Janes : Pêches et Océans n’exclut pas de zones de concession. C’est la Régie Canada-Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière qui publie l’appel d’offres. Les entreprises qui sont intéressées par ces zones vont manifester leur intérêt à l’organisme de réglementation. Si cela aboutit à l’octroi d’un permis, les répercussions pour les opérateurs vont dépendre si d’autres dispositions sont en place, par exemple, si la zone comprend un refuge marin ou une aire marine protégée. Dans une aire marine protégée, l’exploration et la production pétrolière et gazière sont interdites. Dans un refuge marin, l’exploration peut être autorisée à certaines conditions. L’opérateur est soumis à des exigences plus rigoureuses avant et après le forage.
Nous avons eu des forages exploratoires dans le talus nord-est de Terre-Neuve il y a quelques années. BP était l’entreprise responsable. Le puits n’a pas mené à une découverte, si bien qu’il n’y a pas eu de forage de suivi dans cette aire marine de conservation.
Si un opérateur voulait obtenir un permis de production dans une aire marine de conservation, cela nécessiterait alors un examen plus poussé dans cette aire en raison de son statut protégé pour déterminer si elle doit être soustraite du permis, mais la situation ne s’est jamais présentée dans la zone extracôtière de Terre-Neuve jusqu’à maintenant.
Le sénateur D. M. Wells : Je remercie encore les témoins. Je veux creuser un peu la question des conditions entourant la responsabilité et du montant de réserve dont doivent disposer les opérateurs en cas de déversement à la tête des puits. Je ne crois pas que cela se soit produit dans la zone extracôtière de Terre-Neuve.
Vous avez parlé de 1 milliard de dollars. Ils doivent avoir 1 milliard de dollars pour obtenir un permis. La preuve peut être faite par l’entremise des banques. Je suis certain que les grandes entreprises comme Chevron et ExxonMobil peuvent l’obtenir facilement. Cela n’empêcherait pas une action au civil, j’imagine.
M. Prost : C’est exact. Le régime législatif prévoit trois exigences financières auxquelles doivent satisfaire les opérateurs. La première, comme je l’ai mentionné, est la responsabilité absolue, la responsabilité sans faute. La deuxième est la responsabilité financière, qui consiste à garantir que l’organisme de réglementation aura un accès illimité aux fonds pour le nettoyage et l’assainissement. Et la troisième est les ressources financières, c’est-à-dire 1 milliard de dollars d’actifs correspondant à la limite de responsabilité absolue. Ce sont les trois exigences financières auxquelles les opérateurs doivent satisfaire pour mener des activités dans la zone extracôtière.
Mme McNeil : J’ajouterais que le 1 milliard de dollars est un seuil. L’organisme de réglementation pourrait augmenter ce montant si le puits se trouvait dans une zone plus à risque.
Le sénateur D. M. Wells : Ma dernière question porte sur les zones d’exclusion potentielles de production. S’il y a une zone d’exclusion en raison de la présence d’enclos ou d’autres installations particulières, est-ce que le forage dirigé serait interdit sous la zone sensible? Ou est-ce que cela s’est fait et n’a pas été testé?
Mme Janes : C’est une excellente question, sénateur. Je crois comprendre que dans une aire marine protégée, toute exploration et production est interdite. Cette question au sujet du forage dirigé ne m’a jamais été posée, alors je vais devoir l’examiner et vous revenir.
Le sénateur D. M. Wells : Bien sûr, car je ne pense pas que cela se soit produit et cela n’a donc pas été testé. C’est intéressant, car l’aire marine protégée correspondrait à la partie marine, mais sans doute pas à ce qui se trouverait en dessous. Je vous remercie et remercie aussi les autres témoins.
La sénatrice Galvez : Ma dernière question vise à comprendre comment tout cela fonctionne. Nous avons vu des projets dans lesquels le gouvernement dit qu’il veut simplifier les choses, qu’il va construire un pipeline pour une entreprise, que c’est un investissement. On investit donc 20 ou 30 milliards de dollars, puis on se rend compte que ce n’est pas un investissement. En fait, c’est un coût, une dépense, et que cela prendra beaucoup de temps.
Dans le cas présent, qui supervise le plan économique pour éviter que nous nous retrouvions dans la même situation? Qui a fait l’analyse des répercussions économiques? Était-ce un avocat ou une entreprise? Sommes-nous certains que cela va fonctionner? Quand allons-nous récupérer notre argent si nous accordons une aide? Je suis certaine que le gouvernement offrira une aide sous une forme ou une autre. Comment allons-nous récupérer notre argent?
M. Prost : Dans la zone extracôtière de Terre-Neuve, le gouvernement n’investit pas directement dans ces activités. La question ne s’applique donc pas.
La sénatrice Galvez : Il y aura assurément des conséquences. L’entreprise n’assumera pas ces coûts. Nous devrons les assumer, si bien qu’il y aura des conséquences. Regardez n’importe quel projet.
M. Prost : C’est difficile de répondre à cette question directement, car c’est une question hypothétique. Comme je l’ai mentionné, les opérateurs doivent satisfaire à certaines exigences financières dans la zone extracôtière et il y a la responsabilité sans faute. C’est ce qui est imposé dans le cadre réglementaire. Si vous parlez d’investissements directs du gouvernement dans des projets, ce n’est pas le cas dans la zone extracôtière de Terre-Neuve.
La sénatrice Galvez : Je vous remercie.
La présidente : C’est ce qui nous amène à la fin de notre temps passé avec vous. Je remercie sincèrement M. Prost et tous les autres qui ont répondu à nos questions. J’aimerais vous rappeler que plusieurs questions nécessitent une réponse écrite. La greffière communiquera avec vous à ce sujet. Nous aimerions recevoir les réponses au cours des prochaines semaines. Ce serait parfait.
M. Prost : Nous allons répondre à toutes les questions.
La présidente : Je vous remercie encore de votre temps. Nous vous en sommes reconnaissants.
(La séance est levée.)