Aller au contenu
ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 28 octobre 2025

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 18 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, la question de l’industrie du pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Joan Kingston (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à tous.

Avant de commencer, je demanderai à tous les sénateurs et autres participants présents en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les directives visant à éviter les effets Larsen. Veuillez vous assurer de garder votre écouteur éloigné de tous les microphones en tout temps. Ne touchez pas le microphone. L’activation et la désactivation seront gérées par l’opérateur de la console. Enfin, veuillez éviter de manipuler votre écouteur lorsque votre microphone est activé. Les écouteurs doivent rester sur l’oreille ou être placés sur l’autocollant prévu à cet effet à chaque place. Je vous remercie tous de votre coopération.

Je tiens tout d’abord à souligner que la terre sur laquelle nous nous réunissons est le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Je m’appelle Joan Kingston, je suis sénatrice du Nouveau‑Brunswick et je préside le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Je demanderai à mes collègues de se présenter.

Le sénateur Arnot : Je m’appelle David Arnot. Je suis sénateur de la Saskatchewan.

[Français]

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.

La sénatrice Youance : Suze Youance, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur D. M. Wells : David Wells, Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, territoire du Traité no 10, région du Manitoba.

Le sénateur Lewis : Todd Lewis, Saskatchewan.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

Le sénateur Aucoin : Réjean Aucoin, de la Nouvelle-Écosse.

[Traduction]

La présidente : Je vous remercie. Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes aujourd’hui, ainsi qu’à celles qui nous écoutent en ligne.

Conformément à l’ordre de renvoi reçu du Sénat le 8 octobre, nous poursuivons notre étude sur l’industrie pétrolière extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador.

Nous sommes heureux d’accueillir notre premier groupe de témoins. Nous recevons, par vidéoconférence, Scott Tessier, président-directeur général, et Jill Mackey, agente principale de la sécurité, de la Régie Canada-Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière. Nous recevons également Sean Rogers, directeur exécutif, Affaires législatives, réglementaires et internationales, et François Marier, directeur, Politiques maritimes internationales, de Transports Canada.

Bienvenue à tous. Monsieur Tessier, vous pouvez présenter votre exposé.

Scott Tessier, président-directeur général, Régie Canada-Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière : Honorables sénateurs, je suis heureux de comparaître de nouveau devant vous, accompagné ce soir de notre agente principale de la sécurité, Jill Mackey. Mme Mackey et moi partagerons le temps de parole qui nous est alloué pour nos observations préliminaires.

Nous soulignons que les terres sur lesquelles sont situées les deux installations de la régie se trouvent sur les territoires traditionnels de différents peuples autochtones. Nous reconnaissons avec respect l’histoire et les cultures des Beothuks, des Mi’kmaqs, des Innus et des Inuits.

Depuis ma dernière comparution devant votre comité, nous avons eu le plaisir de recevoir un mandat élargi ainsi qu’un nouveau nom, à la suite des modifications fédérales et provinciales apportées aux lois de mise en œuvre de l’Accord atlantique. Par ailleurs, les premiers ministres des provinces et territoires du Canada ont réaffirmé leur volonté de se concentrer sur la réalisation de projets et de renforcer notre économie. Cela s’accompagne de ce que je perçois comme étant un appel évident aux organismes de réglementation, auquel nous sommes prêts à répondre.

Des voies réglementaires claires et prévisibles ont toujours été nécessaires pour attirer des capitaux et encourager l’investissement. Il est toutefois reconnu et accepté que la performance du Canada et les résultats correspondants, y compris dans la zone extracôtière Canada-Terre-Neuve-et-Labrador, sont au mieux inégaux. La stabilité et la certitude réglementaires ne suffisent plus. Notre organisme n’a pas le pouvoir de légiférer ou de prendre des règlements, mais nous savons que nous devons faire notre part pour remplir notre mandat de manière plus efficace, c’est-à-dire plus rapidement, mais tout aussi solidement ou efficacement.

L’an dernier, les gouvernements ont mis en place de nouveaux règlements-cadres davantage axés sur le rendement qui sont moins prescriptifs et plus habilitants. Cependant, les règlements axés sur le rendement ne produisent les effets escomptés que si leur application est également axée sur le rendement. Nous avons donc adopté une approche plus que jamais axée sur les risques et sur la collaboration, et nous menons un travail de transformation afin de trouver des solutions numériques innovantes et de réduire le fardeau administratif.

Plus précisément, nous sommes déterminés à renforcer la coordination entre les organismes, tandis que nous modernisons et accélérons nos systèmes de délivrance de permis en simplifiant les approbations et les autorisations, avec des points de décision optimisés, en menant des activités de vérification de la conformité fondées sur les risques, en collaborant avec l’industrie sur les orientations et autres instruments réglementaires, et en recherchant des solutions numériques, y compris celles qui permettent d’exploiter le potentiel de l’intelligence artificielle. Tout cela nous permettra de remplir notre mandat plus rapidement, mieux et, pour finir, à moindre coût.

Pendant cette transformation importante, nous continuons d’entretenir de véritables liens avec notre industrie de la pêche, en sachant que le secteur de la pêche est également essentiel à notre économie. Nous restons déterminés à travailler avec ces parties prenantes et d’autres encore, ainsi qu’avec les communautés autochtones et les travailleurs du secteur extracôtier, et à les écouter, tout au long de notre planification et de notre surveillance réglementaires. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec nos homologues au Canada et ailleurs, afin de rester à l’avant-garde du secteur de l’énergie dynamique et en pleine mutation que nous réglementons.

Mme Mackey parlera maintenant de certains de nos efforts récents à cet égard.

Jill Mackey, agente principale de la sécurité, Régie Canada-Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière : Bonjour. Au cours de l’année écoulée, nous avons adopté une démarche proactive dans l’ensemble de notre organisme afin de mieux comprendre les approches canadiennes et mondiales en matière de pratiques de réglementation axées sur le rendement et sur les risques.

Nous avons des discussions continues, productives et instructives avec d’autres organismes de réglementation et groupes de travail canadiens, notamment avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire, l’organisme de réglementation de l’énergie de la Colombie-Britannique, la Régie Canada–Nouvelle-Écosse de l’énergie extracôtière, la Régie canadienne de l’énergie et le Groupe de travail des organismes de réglementation nord-américains sur la culture de sécurité.

Afin de tenir compte des perspectives mondiales en matière de sécurité extracôtière, nous nous entretenons régulièrement avec les organismes de réglementation d’autres pays, notamment dans le cadre de l’International Regulators Forum, l’IRF, de son sous‑comité de l’énergie renouvelable extracôtière, du North Sea Offshore Authorities Forum et de l’International Diving Regulators and Certifiers Forum. Par l’intermédiaire de ces groupes, notre organisme travaille avec d’autres pays, dont l’Australie, le Brésil, le Danemark, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Norvège, le Royaume-Uni et les États-Unis.

La comparaison des méthodologies utilisées dans les approches axées sur les risques en matière de vérification et de contrôle de la conformité, les discussions sur les moyens d’améliorer et d’optimiser nos mécanismes de surveillance et le partage de renseignements sur l’ensemble du cycle de vie des projets apportent un éclairage précieux.

La collaboration étroite avec nos homologues nationaux et internationaux dans les industries à haut risque éclaire aussi notre auto-évaluation et nos mesures d’amélioration.

M. Tessier : Merci, madame Mackey.

Plus tôt ce mois-ci, nous avons accueilli avec fierté, ici à St. John’s, des organismes de réglementation et des parties prenantes du secteur extracôtier venus du monde entier pour une conférence sur la sécurité extracôtière de l’IRF très réussie. Elle a réuni près de 300 participants de 13 pays. L’IRF se concentre sur des questions telles que la numérisation et l’intelligence artificielle, la maîtrise de puits, les leçons à tirer des incidents, le vieillissement des actifs, les activités d’abandon et de mise hors service, ainsi que l’énergie renouvelable. Nous avons également organisé une série de réunions productives avec nos homologues internationaux sur la protection de l’environnement, la gestion des ressources, la maîtrise des puits, ainsi que les concessions et la gestion des droits.

Quant à l’avenir, nos appels d’offres actuels se terminent le 5 novembre. En tout, 19 parcelles sont disponibles dans la région est de Terre-Neuve, et 17 autres sont proposées dans la région sud du Labrador. Les résultats donneront une idée de la compétitivité mondiale actuelle de notre zone extracôtière en matière de prospection.

Nous vous remercions de votre étude sur la zone extracôtière Canada-Terre-Neuve-et-Labrador et vous savons gré de nous avoir permis d’être présents virtuellement ce soir. C’est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

La présidente : Merci à vous deux.

Je propose maintenant que, pour le premier tour, les membres disposent de cinq minutes, questions et réponses comprises. Si nous avons assez de temps, nous aurons un deuxième tour.

La sénatrice Miville-Dechêne : Cette question s’adresse à Scott Tessier. L’an dernier, l’organisme de réglementation a signalé cinq déversements de pétrole. Ces déversements étaient‑ils importants? Pouvez-vous nous dire si les déversements de pétrole ont augmenté ou diminué au cours des dernières années?

M. Tessier : Tout déversement de pétrole ou rejet non autorisé est important. Ils sont toutefois insignifiants en comparaison de ce que nous avons connu en 2018-2019, où le volume des rejets non autorisés dans nos eaux extracôtières était beaucoup plus important. La performance de l’industrie s’est améliorée au cours des sept années qui ont suivi ces incidents, et nous allons généralement dans le bon sens en ce qui concerne les rejets non autorisés, mais encore une fois, tout déversement de pétrole ou de polluants dans l’océan est inacceptable à nos yeux.

La sénatrice Miville-Dechêne : Quels sont les volumes? Pouvons-nous avoir une idée du volume de ces déversements?

M. Tessier : Ces renseignements figurent dans nos rapports sur notre site Web, mais je peux vous communiquer les volumes exacts. Je ne les ai pas sous la main.

La sénatrice Miville-Dechêne : L’organisme de réglementation a publié un rapport où il déclare que le forage en mer pourrait pratiquement disparaître d’ici 2050 et souligne que, même si le Canada n’annonce aucune nouvelle mesure et n’atteint pas son objectif de carboneutralité, la production à Terre-Neuve chutera quand même de 80 %. Avez-vous déjà constaté une diminution des demandes d’approbation de nouveaux projets, ou non?

M. Tessier : Ce rapport n’est pas le nôtre, je ne peux donc pas me prononcer sur son contenu. Je dirai que, même si le pétrole ne sert plus de combustible en 2050, la demande de produits pétroliers restera importante dans notre société. Nous ne voyons aucune activité de forage cette année. Nous n’en prévoyons aucune l’an prochain, mais plusieurs propositions importantes sont en préparation. Nous verrons donc ce que l’avenir nous réserve.

La sénatrice Miville-Dechêne : Êtes-vous en train de dire que la Régie canadienne de l’énergie se trompe dans son rapport?

M. Tessier : Je dirai que ce rapport est hautement hypothétique. Je ne suis pas sûr d’être d’accord avec ce que la régie y dit.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie.

Le sénateur Arnot : Je remercie les témoins.

J’ai trois questions pour M. Tessier et deux pour Mme Mackey. Je sais qu’ils ne pourront pas y répondre entièrement, je leur demande donc de transmettre les réponses à la greffière par écrit.

Monsieur Tessier, étant donné que le plafond fédéral d’émissions est proposé, mais n’est pas encore en vigueur, quelle contrainte en matière d’émissions utilisez-vous, en tant qu’organisme de réglementation, dans vos décisions actuelles, et comment réviserez-vous les approbations si le plafond finalement adopté est plus strict?

Deuxième question : allez-vous, en vertu du projet de loi C-49, publier, en tant qu’organisme de réglementation, des cartes des zones de conservation interdites avant le lancement des appels d’offres, afin d’éviter que les conflits ne soient renvoyés devant des comités projet par projet?

Troisième question : après le déversement de SeaRose en 2018 et les amendes infligées en 2024, quelles nouvelles obligations de publier les chiffres des déversements et de la mortalité de la faune l’organisme de réglementation imposera-t-il dans un proche avenir?

Madame Mackey, quels changements précis ont été apportés à la procédure opérationnelle normalisée — par exemple, la vérification de l’intégrité des conduites d’écoulement, les fenêtres météorologiques, les critères de redémarrage — depuis 2018, et comment vérifiez-vous la conformité des exploitants?

Deuxième question : comment vérifiez-vous que les systèmes de sécurité des entrepreneurs principaux s’appliquent effectivement aux sous-traitants en zone extracôtière? Quels sont vos contrôles de vérification du niveau de combustible? Comment fonctionnent-ils et comment les effectuez-vous?

M. Tessier : En ce qui concerne les émissions, le cadre qui régit les activités extracôtières est produit par les gouvernements. Le gouvernement provincial a son plan de réduction des émissions, comme le gouvernement fédéral avec son filet de sécurité. Nous surveillons les émissions en amont des installations extracôtières pour le gouvernement provincial et nous lui fournissons ces rapports pour qu’il puisse assurer le suivi, vérifier la conformité et appliquer la loi, si nécessaire.

En matière de rapports, nous sommes toujours ouverts à une plus grande transparence. C’est pourquoi nous fournissons des données sur la performance environnementale. Dans le cas du forage et de la production en mer, ces conditions sont stipulées par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, et nous assurons la vérification de la conformité et la surveillance. Nous établissons nos rapports en fonction de ces conditions.

Quant aux zones interdites, elles résultent de lois et de règlements fédéraux — et dans certains cas provinciaux, mais principalement fédéraux —, de sorte qu’elles se limitent actuellement aux zones de protection marine, les ZPM, qui sont bien établies et où aucune activité extracôtière n’est autorisée.

Je cède la parole à Mme Mackey pour qu’elle réponde à vos deux autres questions.

Mme Mackey : Merci, sénateur.

À propos de questions que vous avez posées au sujet des déversements depuis 2018, cet incident était principalement de nature environnementale. Il relève donc, dans une large mesure, de la compétence de notre service de protection de l’environnement. Cependant, le service de sécurité intervient dans l’aspect sécurité et dans l’examen des procédures et des protocoles en cas de conditions météorologiques défavorables. Plusieurs choses se sont produites depuis cet incident. Nous avons maintenant mis en place un protocole de communication en cas de conditions météorologiques défavorables qui exige des exploitants qu’ils surveillent l’évolution imminente de la météo. Nous avons tiré un certain nombre d’enseignements de la tempête qui a conduit à cet incident à l’époque. Ainsi, depuis cette tempête, il faut s’assurer que les critères de conception de toutes les installations sont respectés. Je serais ravie de vous fournir une réponse plus complète par écrit à ce sujet.

En ce qui concerne la surveillance des entrepreneurs, elle fait partie de nos activités. Un règlement particulier pris en vertu de la partie 3.1 de la loi, en fait le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, s’applique aux activités extracôtières. Il existe des différences entre l’employeur responsable de la zone et les exploitants, qui sont généralement de très grandes entreprises reconnues. Nous avons mis en place des processus pour surveiller et évaluer la sécurité de ces activités.

Pour ce qui est de notre vérification sur place, nous menons régulièrement, tout au long de l’année, des activités de vérification de la conformité et de surveillance. Comme M. Tessier l’a mentionné, nous nous efforçons d’affiner notre approche fondée sur la performance et les risques, afin de nous aider à cibler les éléments que nous examinons de plus près lorsque nous menons des activités de vérification, en fonction de l’installation, du type de travail qui s’y fait et des risques.

La sénatrice Galvez : J’ai deux ou trois questions à poser à M. Tessier et une à Mme Mackey.

À ce comité, nous étudions les modifications proposées à la loi fédérale afin d’élargir le mandat de votre organisme. À présent, vous devez également vous occuper de l’énergie éolienne extracôtière renouvelable. Monsieur Tessier, j’aimerais tout d’abord savoir combien de temps vous consacrez à la promotion ou à l’étude du potentiel éolien dans la région. Deuxièmement, j’aimerais savoir combien de propriétaires exploitent une plateforme pétrolière et si vous disposez maintenant de nouvelles compétences en rapport avec votre nouveau mandat.

Madame Mackey, nous savons maintenant que les tempêtes et les ouragans se forment et frappent votre région plus fréquemment et avec plus de force qu’avant. Que montrent vos études en ce qui concerne ces changements dus au réchauffement climatique?

M. Tessier : Merci, sénatrice.

Nous sommes ravis de l’élargissement de nos mandats. Pour l’instant, les exploitants ne manifestent pas beaucoup d’intérêt pour l’énergie renouvelable extracôtière dans notre zone extracôtière. Il y a un peu plus d’activité au large de la Nouvelle‑Écosse voisine. Nous travaillons activement avec les gouvernements et d’autres organismes de réglementation à la préparation du nouveau cadre législatif et réglementaire. J’estime qu’à l’heure actuelle, nous consacrons probablement environ 5 % de notre temps et de notre budget aux énergies renouvelables extracôtières. Il est important de préciser que nous ne faisons pas de promotion. Il n’appartient pas à l’organisme de réglementation de jouer un rôle promotionnel.

Vous avez demandé combien nous avons d’exploitants d’installations extracôtières. Nous en avons actuellement quatre. Cependant, la situation est un peu compliquée, car il y a d’autres détenteurs d’intérêts en plus de ces quatre exploitants. En ce moment, sept ou huit entreprises sont actives dans notre zone extracôtière et c’est en rapport aux cinq installations qui seront bientôt en production.

Pour autant que nous puissions en juger pour l’instant, les compétences acquises dans la surveillance réglementaire du pétrole extracôtier sont très utiles dans celle des énergies renouvelables extracôtières. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues internationaux dans le cadre de certains des forums que nous avons mentionnés tout à l’heure. L’International Regulators’ Forum, l’IRF, s’est élargi et plusieurs de ses membres ont également élargi leur champ de compétence aux énergies renouvelables extracôtières. Nous travaillons en étroite collaboration avec les organismes de réglementation d’autres pays, ainsi qu’avec nos homologues canadiens, afin de mieux comprendre de quel type de compétences dont nous pourrions avoir besoin à l’avenir. Pour l’instant, nous pensons être bien équipés pour assurer la surveillance réglementaire en ce qui concerne les énergies renouvelables extracôtières.

Les autres questions s’adressent à Mme Mackey, je lui cède donc le micro.

Mme Mackey : Merci, sénatrice.

Un des éléments clés que j’ai mentionnés, qui représente un grand changement depuis la tempête de 2018, c’est le code de pratique, qui est un document d’orientation autorisé par la loi qui nous régit. Ce document conjoint de l’industrie est une pratique exemplaire élaborée par nous-mêmes, la CAPP et les exploitants. Il a pour but d’améliorer la planification, la communication et la collaboration entre les exploitants, en mettant l’accent sur les opérations dans des conditions météorologiques défavorables, afin de réduire les risques et les préjudices pour les travailleurs extracôtiers. C’est un élément. Je ne peux pas vous parler d’études que nous mènerions sur les effets du réchauffement ou des changements climatiques, car nous n’avons pas, pour en réaliser, de chercheurs ou d’outil d’application de règlements. Cependant, nous restons en contact étroit avec d’autres organismes de réglementation.

Depuis la tempête de 2018, quand nous savons que des intempéries approchent, nous parlons toujours avec tous les exploitants extracôtiers pour leur demander ce qu’ils font, s’ils mettent en œuvre leurs protocoles en cas de conditions météorologiques défavorables, s’ils vérifient les prévisions. Par ailleurs, nous exigeons de chaque exploitant qu’il soumette des plans de gestion des glaces, car nous avons des problèmes avec les icebergs qui traversent la zone où se trouvent les installations. Nous exigeons aussi que tous les exploitants aient de plans d’intervention d’urgence prévoyant différents types de scénarios qu’ils doivent être en mesure de suivre pour protéger les travailleurs, les installations et l’environnement.

Le sénateur D. M. Wells : Merci, monsieur Tessier et madame Mackey.

Monsieur Tessier, vous avez mentionné tout à l’heure qu’il n’y avait pas de forage. Pouvez-vous préciser? Je vous pose cette question, car je sais qu’il y a de la production. Pouvez-vous nous expliquer le processus, de l’activité sismique à la prospection, puis au forage et à la production, afin que nous comprenions bien la terminologie?

M. Tessier : Merci, sénateur. Vous parlez certainement d’expérience.

Je devrais faire la distinction avec le forage exploratoire, qui consiste à rechercher de nouveaux gisements qui pourraient mener à une production. Lorsque je dis qu’il n’y a pas de forage, je parle, en fait, du forage exploratoire. Il y a bien sûr la production de nos installations extracôtières, qui nécessite des forages. Il y a donc bien des activités de forage.

L’activité sismique est essentielle pour faire de nouvelles découvertes, et ces dernières années, nous avons observé au large de nos côtes une activité sismique importante qui a conduit à des découvertes importantes. Il reste à savoir ce que nous réserve l’activité sismique ces deux ou trois prochaines années. Il n’y a pas de projet arrêté pour l’instant, bien qu’un exploitant de navire de recherche sismologique ait déposé une évaluation environnementale, ce qui annonce souvent une activité. Il reste à savoir ce que cela donnera en 2026 et au-delà.

Le sénateur D. M. Wells : Merci de votre réponse.

Vous avez mentionné tout à l’heure les rejets non autorisés. Il ne s’agit pas de déversements provenant de têtes de puits. Qu’est-ce qu’un rejet non autorisé type?

M. Tessier : Il peut s’agir de quelque chose d’aussi relativement inoffensif que du liquide hydraulique provenant d’un véhicule télécommandé. Il peut s’agir d’eau de production, qui est un sous-produit de la production, dépassant les limites autorisées spécifiées. Il existe différents types de rejets non autorisés.

Le sénateur D. M. Wells : Que se passe-t-il lorsqu’un rejet non autorisé d’eau de production provoque une nappe ou quelque chose de ce genre? Utilisez-vous des écumeurs pour l’éliminer ou des barrages flottants pour la contenir? Comment ces nappes sont-elles généralement traitées?

M. Tessier : Il existe aujourd’hui une technologie de surveillance extracôtière remarquable par imagerie satellite. Nous recevons généralement un avis de nappe provenant d’une installation extracôtière. Après vérification, il s’agit presque toujours d’eau de production conforme aux spécifications, dans les limites autorisées. La technologie de détection est aujourd’hui si pointue que même l’eau de production conforme aux spécifications est détectée par mer calme. Presque rien ne passe inaperçu aujourd’hui dans notre zone extracôtière. Près de 99,9 % des signalements que nous recevons tard le vendredi soir concernent de l’eau de production conforme aux spécifications, dans les limites autorisées.

Le sénateur D. M. Wells : Que fait-on pour celles qui sont dans les limites autorisées? Est-ce qu’elles se dissipent simplement par l’action des vagues?

M. Tessier : C’est exact. Ces eaux sont autorisées, il y a donc des limites admissibles qui n’entraînent pas de dommages environnementaux importants. Les nappes se dissipent, elles se dissolvent, elles se dispersent, elles se diluent — les quatre D.

Le sénateur D. M. Wells : Monsieur Tessier, en ce qui concerne les quatre exigences prévues par les lois de mise en œuvre qui relèvent de la compétence de l’organisme de réglementation — à savoir les retombées industrielles, la santé et la sécurité, l’environnement et la gestion des ressources —, je sais qu’elles ne sont pas classées par ordre de priorité dans les lois, mais leur donnez-vous un ordre de priorité dans votre organisme?

M. Tessier : Tout à fait. La sécurité est primordiale. Elle vient en tête de nos priorités. La protection de l’environnement vient tout de suite après. La seule chose plus importante que l’environnement, c’est la sécurité en mer. La gestion des ressources et les retombées industrielles occupent ex æquo les troisième et quatrième places.

Le sénateur D. M. Wells : Très bien. Merci.

[Français]

La sénatrice Youance : Je vais continuer dans la même veine que la question du sénateur Arnot. Les prévisions météorologiques annoncent que Melissa pourrait se déplacer jusqu’à Terre-Neuve.

Il faut encore suivre les données. Quelle préparation fait-on concrètement pour sécuriser le personnel et les plateformes en mer dans un pareil cas? Autrement dit, qui s’occupe de quoi et quels sont les protocoles en place, si une évacuation s’avérait nécessaire?

[Traduction]

M. Tessier : Mme Mackey a parlé tout à l’heure de nos protocoles en cas de conditions météorologiques défavorables. Madame Mackey, un très bon exemple en est la situation en Jamaïque ce soir que nous surveillons tous. Pouvez-vous nous dire ce qui va se passer dans les tout prochains jours par rapport à nos installations extracôtières et à votre collaboration avec les exploitants?

Mme Mackey : Nous serons en contact continu pour nous assurer qu’ils surveillent les conditions météorologiques imminentes. Des processus permettent de déterminer à quel niveau de préparation les installations extracôtières doivent être à l’approche des intempéries. Si une tempête approche et qu’il faut les sécuriser, ils ont des listes de contrôle spéciales à suivre à mesure que la tempête se rapproche.

Deux de nos installations, ainsi qu’une nouvelle, sont des structures en béton gravitaires qui ne bougent pas. Elles ont leur propre ensemble de mesures. Chaque installation a son propre ensemble de mesures à prendre à l’approche d’intempéries.

Les deux autres installations, de production et de stockage, sont flottantes. En bref, il s’agit essentiellement de grands bateaux équipés de petites raffineries. Elles peuvent en fait être détachées. Il existe pour elles des critères relatifs aux tempêtes et aux icebergs qui leur imposent de prendre certaines mesures à l’approche du mauvais temps ou de la glace. Dans certains cas, elles peuvent être amenées à arrêter la production et le forage. Elles peuvent devoir sécuriser l’installation et renvoyer une partie de leur personnel à terre. Ces plans comportent des exigences strictes à respecter.

Comme je l’ai mentionné, le protocole de communication en cas de conditions météorologiques défavorables mis en place en 2018 nous a vraiment aidés à travailler avec les exploitants d’unités de production et de forage dans notre province afin de clarifier ce qu’ils doivent nous communiquer, c’est-à-dire communiquer à l’organisme de réglementation, ce qu’ils font à ce moment-là. Certes, les règlements existent, mais ils ne sont pas précis au point de décrire exactement le type de mesures que nous attendons.

Je dois également reconnaître que les installations ont des structures, des capacités et des doublons importants à bord pour faire face à des situations d’urgence, le cas échéant.

Nos plans d’intervention d’urgence sont essentiels. Ils pourraient entrer en vigueur si les conditions météorologiques se détériorent. Certains aspects de leur plan d’intervention d’urgence doivent être définis. Par exemple, quelles sont les tâches de l’équipage? Comment vont-ils réduire les effectifs? Ont-ils des plans d’évacuation pour évacuer le personnel en toute sécurité? Y a‑t‑il des trousses de premiers secours à bord? Y a-t-il des combinaisons de secours? Des exercices réguliers avec les canots de sauvetage sont obligatoires, afin de s’assurer qu’ils peuvent être mis à l’eau, en cas de besoin. Quels sont les moyens d’évacuation? L’énergie de secours, en cas de panne de courant dans ces scénarios. Quelle est l’alerte? Toute personne qui se rend sur une installation extracôtière doit suivre une formation afin de comprendre les types de mesures qui pourraient y être prises, le cas échéant.

Je descends probablement un peu loin dans la chaîne d’intervention d’urgence, mais depuis 2018, nous avons jugé essentiel d’avoir ces discussions approfondies avec tous les exploitants extracôtiers afin de confirmer qu’ils respectent leurs engagements en matière de sécurité de leurs travailleurs.

[Français]

La sénatrice Youance : Merci.

[Traduction]

La sénatrice McCallum : Lorsque nous avons examiné le projet de loi C-49, nous avons constaté que la régie est désormais habilitée à mener des évaluations régionales et des évaluations stratégiques concernant les activités pétrolières extracôtières. De nouveaux articles ont été ajoutés. Un de ces articles stipule que la Couronne peut recourir à la régie pour la consultation des peuples autochtones quant aux éventuelles répercussions négatives des travaux ou activités dans la zone extracôtière. Le projet de loi C-49 explicite cette politique et l’inscrit dans la loi. Il précise désormais que la Couronne peut recourir à la régie pour la consultation des peuples autochtones.

Permettez-moi de revenir sur le projet Bay du Nord. Un des principaux points de désaccord concerne l’absence d’évaluation environnementale pour les 78 traversées annuelles de pétroliers prévues, représentant un total de 2 340 traversées pendant toute la durée du projet. Ces traversées risquent de perturber des zones de pêche autochtones essentielles et de nuire à des espèces en voie de disparition, comme le saumon de l’Atlantique et les baleines, ainsi qu’à des écosystèmes marins vulnérables. Ces graves menaces pour la biodiversité et les droits des Autochtones dans la région auraient dû faire l’objet d’une évaluation.

Je me souviens, lorsque nous avons travaillé sur le projet de loi C-49, avoir lu une lettre des 12 chefs mi’kmaqs qui affirmaient ne pas avoir été consultés. Il semble que cette situation perdure. Les parties au litige soutiennent que l’évaluation n’a pas correctement évalué le risque posé par les pétroliers. L’organisation Mi’gmawe’l Tplu’taqnn Incorporated, la MTI, affirme que le gouvernement n’a pas suffisamment consulté les communautés mi’kmaqs concernées, malgré les préoccupations soulevées. Le gouvernement aurait accordé une faible importance à l’obligation de consultation en raison de la distance entre le projet et les terres, une évaluation avec laquelle la MTI n’a jamais été d’accord. D’aucuns ont déclaré que les consultations avaient été approfondies, mais la MTI n’a jamais accepté cette affirmation et a soutenu qu’elle n’avait pas disposé de suffisamment de temps et de ressources pour évaluer l’impact du transport maritime sur l’environnement et obtenir des renseignements à ce sujet.

L’obligation de consulter a été jugée moins importante en raison de la distance entre le projet et les terres. Pourriez-vous expliquer ce qui distingue une obligation de consulter importante d’une obligation moins importante?

M. Tessier : Je ne sais pas exactement à qui s’adresse cette question. Je peux y répondre dans une certaine mesure.

La sénatrice McCallum : La régie.

M. Tessier : Il est important de faire la distinction. L’évaluation du projet Bay du Nord a été réalisée par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada. La circulation des pétroliers ne relève pas non plus de notre compétence. Je ne suis pas en mesure de parler avec autorité ou connaissance particulière de la manière dont la force de l’argumentation a été évaluée. Certains détails de la question dépassent largement notre compétence.

La sénatrice McCallum : Même si c’est vous, la régie, qui êtes responsable de la consultation?

M. Tessier : Non. Ce sont les modifications introduites par le projet de loi C-49 qui ont donné aux gouvernements la possibilité de s’en remettre à la régie pour ce qui est des relations avec les communautés autochtones. Avant cela, nous n’étions pas considérés comme un agent de la Couronne à cette fin. C’est un nouveau pouvoir pour nous, qui n’est entré en vigueur qu’avec l’adoption du projet de loi C-49. C’est tout nouveau pour nous.

La sénatrice McCallum : Alors, vous ne faites rien? Je ne comprends pas.

M. Tessier : L’évaluation dont vous avez parlé a été réalisée par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada. Nous n’avons pas été informés des décisions concernant la validité de la demande, etc.

La sénatrice McCallum : Pensez-vous que la même situation pourrait se produire dans votre région? Cela relèverait-il toujours de l’Agence d’évaluation d’impact?

M. Tessier : La nouvelle législation nous confère effectivement le pouvoir de mener une évaluation régionale. Nous avons toujours eu le pouvoir de mener une évaluation environnementale stratégique, ce que nous avons fait par le passé. Il se trouve simplement que, dans ce cas précis, c’est l’Agence d’évaluation d’impact du Canada qui a dirigé les opérations.

La sénatrice McCallum : Bien.

Le sénateur Fridhandler : Je crois que cette question s’adresse à M. Tessier. En ce qui concerne votre rôle de contrôleur de la réglementation et votre vision des choses, pourriez-vous me donner des chiffres sur le pourcentage de récupération dans les réserves, le potentiel de récupération au‑delà des méthodes élémentaires et votre rôle dans l’examen des méthodes secondaires ou autres méthodes de récupération au‑delà des méthodes élémentaires?

M. Tessier : Nous avons effectivement un mandat en matière de gestion des ressources. Il s’agit essentiellement de veiller à ce qu’il n’y ait pas de gaspillage et à ce que les ressources exploitées par les exploitants soient récupérées de manière optimale. Nous avons effectivement ce mandat.

Je ne suis pas en mesure de vous donner spontanément des chiffres précis sur les taux de récupération habituels, mais je peux vous dire que d’importants travaux de recherche sont en cours, notamment à l’université Memorial, sur la récupération assistée du pétrole. Il ne s’agit pas d’un domaine émergent, mais d’un domaine bien établi, qui fait toutefois l’objet de nombreuses innovations et avancées technologiques. Je m’attends à ce que les taux de récupération augmentent. C’est une bonne chose pour la réduction des émissions et, en fin de compte, même si cela peut sembler contre-intuitif, l’amélioration de la récupération du pétrole est bénéfique pour la lutte contre le changement climatique, car, selon ce que vous récupérez, les installations et les infrastructures sont déjà en place. L’amélioration de la récupération du pétrole est donc en réalité un élément clé de la réduction des émissions.

Le sénateur Fridhandler : Sur un autre sujet, vous avez évoqué la possibilité d’exiger des certificats ou des permis à certaines étapes du processus, mais vous ne sembliez pas particulièrement optimiste quant à l’évolution de la situation à court terme. Cela dépasse peut-être votre rôle, mais pourriez‑vous nous donner votre avis sur la compétitivité par rapport aux incitations ou aux obstacles au succès en ce qui concerne l’avancement de la production extracôtière à Terre‑Neuve?

M. Tessier : Certainement. Encore une fois, en tant que représentant de la régie, je suis prudent dans mes propos, mais je peux vous présenter les faits. Nous n’avons pas observé de cycles de soumission fructueux au cours des deux dernières années. Nous n’avons eu aucun cycle de soumission. Nous n’avons pas attiré de nouveaux investissements sur ces parcelles dans ces zones prospectives. Quant à ce qui se passera dans quelques semaines, je n’en ai aucune idée. Il serait imprudent de ma part de tenter de deviner. Tout sera révélé le 5 novembre.

Je peux vous affirmer, en me basant à nouveau sur des faits, qu’une chose que nous avons entendue par le passé est que ceux qui investissent habituellement ont exprimé leur frustration par rapport au temps requis pour passer de la découverte à la production au Canada. C’est une question qui, selon moi, préoccupe les gouvernements, qui nous préoccupe en tant qu’organisme de réglementation, et à laquelle nous devrons nous attaquer afin d’attirer des capitaux pour investir dans nos activités extracôtières et au Canada en général. Nous sommes en concurrence avec l’Afrique, les États-Unis, la Norvège et la Guyane, des pays qui déploient des efforts considérables pour attirer les investissements. Le Canada n’a pas fait preuve du même degré de détermination ces dernières années.

Le sénateur Fridhandler : Quand vous dites « nous », faites‑vous référence aux autorités provinciales ou aux autorités fédérales, ou aux deux? Aux entreprises commerciales en général?

M. Tessier : Tous ceux qui précèdent, je dirais, oui.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Dans le contexte où le Canada s’est engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, comment la régie concilie-t-elle la responsabilité de promotion et de développement économique de l’industrie pétrolière extracôtière avec son mandat de protection de l’environnement? Les mesures dont vous nous avez parlé depuis le début me semblent très intéressantes. Estimez-vous qu’elles sont suffisantes pour garantir la sécurité de l’environnement?

[Traduction]

M. Tessier : C’est une question complexe.

Nous réglementons dans l’intérêt public. Il est évident que la réduction des émissions est dans l’intérêt public. L’investissement dans la distribution de capitaux au Canada est dans l’intérêt public. Les redevances et les recettes sont dans l’intérêt public. En tant qu’organisme de réglementation, nous collaborons avec les gouvernements pour tenter de concilier tous ces intérêts.

Il est bien établi que, si le monde cessait, comme par magie, d’utiliser le pétrole comme carburant, l’exploration et la production pétrolières resteraient nécessaires dans un avenir prévisible. C’est ainsi que nous justifions l’intérêt public.

Comme je l’ai dit, si je ne m’abuse, en réponse au sénateur Wells, la sécurité des travailleurs et des installations au large des côtes est sans conteste notre priorité absolue. Elle est au cœur de toutes nos actions, au même titre que la protection de l’environnement.

Nous estimons pouvoir mener à bien toutes ces tâches. Je n’ai jamais accepté l’affirmation selon laquelle notre mandat général serait en contradiction avec ces éléments, car ceux-ci interagissent, sont intégrés et servent l’intérêt public.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Merci.

Le 5 novembre, 19 parcelles seront apparemment disponibles. Si je fais un lien avec ma première question, si vous aviez la chance d’avoir plusieurs soumissions pour ces parcelles, la régie serait-elle en mesure de protéger l’environnement s’il y avait une grosse demande immédiate pour des projets d’exploration?

[Traduction]

M. Tessier : Il y a 36 parcelles qui seront attribuées le 5 novembre, 19 dans la partie est de Terre-Neuve et 17 dans la région sud du Labrador. Nous n’aurions pas ouvert 36 parcelles si nous n’étions pas prêts à régir 36 offres conformes. Il est très peu probable que ce soit le résultat le 5 novembre, mais nous devons être prêts à agir dans le pire ou le meilleur des cas, selon la façon dont on le définit.

Le sénateur Lewis : Sur le plan de la sécurité, l’année 2018 a été mentionnée à plusieurs reprises. Statistiquement, quelle était l’ampleur de cette tempête? Était-ce un événement qui se produit une fois tous les 100 ans, ou une fois tous les 1 000 ans? Quelles améliorations ont été apportées depuis lors pour atténuer les risques d’un autre incident de cette ampleur?

M. Tessier : Je me fie à ma mémoire, et celle de Jill est peut‑être plus fiable que la mienne. Si ma mémoire est bonne, je crois que c’était une tempête qui ne se produit qu’une fois tous les 1 000 ans, mais je peux me tromper. C’était une grosse tempête. D’après mes souvenirs, je suis presque certain que c’était la pire tempête que nous ayons connue au large depuis la perte de l’Ocean Ranger en 1982. Elle était impressionnante. Je dirais que c’était un cas exceptionnel, même si ce genre de phénomène semble plus fréquent de nos jours.

Les protocoles relatifs aux mauvaises conditions météorologiques ont été considérablement améliorés. L’accent doit être mis sur la prévention. Si nous avons affaire à un déversement, la situation est vraiment mauvaise. L’accent est manifestement mis sur la prévention. L’industrie a déployé des efforts concertés pour améliorer ses performances en matière de protection de l’environnement et de sécurité à la suite d’une série d’incidents survenus en 2018-2019. Nous sommes relativement satisfaits de la réponse apportée à ces incidents. Des efforts considérables ont été déployés, en particulier en ce qui concerne les protocoles en cas de mauvaises conditions météorologiques, à la suite du déversement de novembre 2018.

Mme Mackey : Je ne peux pas confirmer que c’était un événement qui se produit une fois tous les 1 000 ans. Je me souviens d’une note d’information, qui date peut-être un peu, indiquant que ce serait une tempête de gravité que l’on n’avait pas vue depuis 100 ans. Par exemple, on prévoyait des vents de 80 nœuds et des vagues de 11 mètres de haut avec des crêtes de 23 mètres. En réalité, les vents ont atteint 95 nœuds, les vagues 14 mètres et les crêtes 30 mètres.

Comme je le disais, une des choses importantes après cela a été de demander une analyse de toutes les averses types de tempête. Les critères d’impact des tempêtes devaient être comparés aux averses types pour toutes les installations existantes. Nous avons demandé aux exploitants de le faire en collaboration avec les autorités de certification. Les autorités de certification sont ce que le monde maritime considère être une société de classification. Beaucoup de travail a été accompli sur cet aspect, et nous avons beaucoup appris de cette tempête.

Le sénateur Lewis : Merci.

La présidente : J’ai deux ou trois questions pour Transports Canada qui font suite à ce dont nous venons de parler.

Transports Canada établit les lignes directrices et le cadre réglementaire relatifs à la préparation et à l’intervention en cas de déversements d’hydrocarbures en mer. Quelle est la fréquence des déversements d’hydrocarbures au large des côtes?

Sean Rogers, directeur exécutif, Transports Canada : Merci pour cette question.

Je précise que Transports Canada ne suit pas les déversements d’hydrocarbures en provenance des plateformes. Nous avons toutefois un programme, le Programme national de surveillance aérienne, qui suit les déversements en mer venant des navires.

Au cours de l’exercice 2024-2025, il y a eu au total trois déversements en mer présumés, pour un volume total d’environ 240 litres. Il n’y a pas eu de déversement en mer d’origine inconnue. Dans certains cas, on peut relier ces traces à un navire particulier. Dans ces cas-là, l’affaire est renvoyée aux inspecteurs de la sécurité maritime qui assurent le suivi auprès du navire. D’une manière générale, je pense que l’année 2020-2021 a été marquée par environ 12 déversements, par exemple, avec un volume total de 914 litres et environ trois déversements d’origine inconnue d’environ 43 litres.

Des améliorations notables ont été apportées à la construction et à la conception des navires, à l’équipement de bord ainsi qu’au cadre réglementaire, ce qui a permis de réduire considérablement ces déversements au fil du temps.

La présidente : Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le cadre réglementaire? Pensez-vous que les mesures actuellement en place permettent de réduire la fréquence de ces déversements?

M. Rogers : C’est une bonne question.

À la suite de certains incidents survenus dans les années 1990, notamment celui de l’Exxon Valdez, l’Organisation maritime internationale, l’agence spécialisée des Nations Unies chargée d’élaborer des normes et des conventions définissant les exigences en matière de conception et de construction des navires, a déployé des efforts considérables. Ces normes sont contenues dans une convention intitulée « Sauvegarde de la vie humaine en mer », ou SOLAS, ainsi que dans les codes, directives et pratiques dérivés qui sont souvent mis en œuvre par les sociétés de classification. Ceux-ci constituent essentiellement les exigences.

Parallèlement, il y a eu également des modifications à la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, en particulier à l’annexe 1 de cette convention, qui est intégrée à ce que nous appelons ici, au Canada, le Règlement sur la pollution par les bâtiments et sur les produits chimiques dangereux. Ce règlement concerne également la conception et la construction des navires et les exigences en matière d’équipement relatives au pétrole et aux pétroliers.

Ces normes ont été progressivement renforcées au fil du temps ou sont devenues plus strictes, souvent en réponse à des incidents. Un des changements les plus notables a été le passage de la construction à simple coque à la construction à double coque. De plus, les navires, en particulier ceux battant pavillon international, doivent posséder un certificat international de prévention de la pollution par les hydrocarbures qui atteste qu’ils ont été inspectés et que leur équipement, notamment les séparateurs d’eau et autres équipements embarqués liés à l’exploitation du navire, est conforme aux spécifications.

Grâce à cette approche multidimensionnelle, qui englobe la conception et la construction des navires, les pratiques opérationnelles, la formation à bord des marins, les systèmes de gestion de la sécurité et d’autres pratiques, le niveau de sécurité s’est amélioré au fil du temps. Nous avons constaté une diminution concomitante du nombre d’incidents de pollution, du moins ceux de nature accidentelle.

La présidente : Quelles sont les mesures mises en place pour assurer un nettoyage adéquat de ce type de déversements?

M. Rogers : Au Canada, la responsabilité du nettoyage revêt plusieurs aspects. En cas d’incident grave, la Garde côtière assume la responsabilité du commandement et de la gestion des opérations. En vertu de la partie 8 de la Loi sur la marine marchande du Canada, nous avons, à l’heure actuelle, le Règlement sur les organismes d’intervention et le Règlement sur les interventions environnementales. Les organismes d’intervention, qui sont financés par l’industrie, sont fondés sur le principe du pollueur-payeur. Ces organismes sont généralement les premiers à intervenir en cas d’événement de pollution important. Dans certains cas, ils ont la capacité de traiter des déversements pouvant atteindre 10 000 tonnes, ce qui, selon le type de pétrole concerné, peut représenter entre plusieurs centaines de milliers et plus d’un million de gallons. Les organismes d’intervention doivent maintenir une capacité minimale et disposer de plans d’intervention. Ils doivent disposer d’équipements et de ressources prescrits. Ils doivent organiser de la formation et des exercices d’entraînement, des exercices sur table et des simulations. Ces organismes sont certifiés par Transports Canada et inspectés tous les trois ans.

Je dois préciser qu’il en existe trois en particulier sur la côte Est : la Société d’intervention maritime, Est du Canada Ltée, ou SIMEC, Point Tupper Marine Services et Atlantic Environmental Response Team.

Ces règlements sont en cours de mise à jour afin de refléter, par exemple, des temps de réponse plus rapides, ainsi que pour en rationaliser la présentation.

La présidente : Merci.

Nous aurions bien voulu avoir un deuxième tour, mais, malheureusement, nous n’avons pas eu le temps de le faire. Je tiens à remercier nos témoins de ce soir, M. Tessier, Mme Mackey, M. Rogers et M. Marier, qui n’a pas eu l’occasion de prendre la parole, mais dont la présence nous a été très précieuse. Merci à tous d’être venus.

Nous souhaitons la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins. De l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, nous accueillons M. Brent Parker, directeur général, Commission d’examen et évaluation stratégique et régionale, et, par vidéoconférence, Mme Anjala Puvananathan, directrice générale, Projets (Est). Du ministère de l’Environnement et du Changement climatique, nous accueillons Mme Clare Demerse, directrice, Pétrole, gaz et énergie de remplacement, Direction générale de la protection de l’environnement.

Bienvenue et merci d’être présents ce soir.

Brent Parker, directeur général, Commission d’examen et évaluation stratégique et régionale, Agence d’évaluation d’impact du Canada : Merci beaucoup de nous accueillir ici ce soir. Je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel de la nation algonquine anishinaabe.

[Français]

Nous sommes heureux de comparaître devant le comité aujourd’hui pour parler des travaux de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada.

[Traduction]

La principale responsabilité de l’agence est de réaliser des évaluations d’impact pour les grands projets. Nous effectuons également des évaluations régionales qui permettent d’examiner les projets de développement sur une base régionale afin de cerner les problèmes en amont, notamment les effets cumulatifs.

L’évaluation d’impact est un outil utilisé pour planifier les projets, et la loi prévoit un processus et une tribune ouverts et transparents pour évaluer les effets des projets, coordonner les consultations de la Couronne et s’acquitter de l’obligation de consulter, et obtenir l’avis du public.

[Français]

Les évaluations visent à cerner les problèmes en amont afin de prévenir ou d’atténuer les effets négatifs dans des domaines relevant de la compétence fédérale.

[Traduction]

La loi s’applique aux grands projets, comme les grandes mines, les installations nucléaires et les ports. Les projets assujettis à la loi sont définis dans le règlement, qui détermine les types et la taille des projets visés par la loi.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2019, environ neuf projets par année sont soumis au processus. Chaque projet fait l’objet d’une évaluation initiale, qui comprend des consultations avec les groupes autochtones et le public, et la détermination des principaux problèmes, puis l’agence décide s’il est nécessaire de réaliser une évaluation exhaustive.

Environ 40 % des projets ont maintenant terminé le processus, et les premières décisions ont été prises dans un délai de six mois. Seuls les projets les plus complexes susceptibles d’avoir des effets négatifs graves dans des secteurs de compétence fédérale doivent faire l’objet d’évaluations plus approfondies.

[Français]

Pour ces projets, l’agence est en train de réformer ses processus afin de terminer les évaluations dans un délai de deux ans.

[Traduction]

Le cadre actuel offre une certaine souplesse à cet égard grâce à un certain nombre de mesures, comme se concentrer sur les principaux enjeux relevant de la compétence fédérale et réduire les exigences en matière d’information pour les promoteurs en se fiant aux processus provinciaux et en s’y remettant lorsqu’il y a chevauchement.

[Français]

La collaboration avec les provinces est également essentielle pour respecter les délais accélérés et elle représente une grande priorité pour l’agence. Nous avons travaillé avec nos homologues provinciaux pour développer des ententes afin de mettre en œuvre une approche « un projet, une évaluation ».

[Traduction]

À la lumière de l’objet de votre étude, je vais prendre un moment pour souligner que l’évaluation régionale est un outil que l’Agence d’évaluation d’impact a utilisé pour appuyer une évaluation des projets plus efficiente et efficace.

En 2019, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a lancé l’Évaluation régionale du forage exploratoire extracôtier pétrolier et gazier à l’est de Terre-Neuve-et-Labrador. Elle visait à améliorer l’efficacité et l’efficience du processus fédéral d’évaluation environnementale pour les futurs projets de forage exploratoire extracôtier en particulier.

Les évaluations régionales peuvent généralement appuyer des évaluations d’impact plus ciblées propre à chaque projet plus tard, ou dans des circonstances particulières, peuvent permettre l’exclusion d’une évaluation d’impact pour certains projets. C’est ce qui s’est passé ici. Un règlement ministériel pour les projets d’exploration pétrolière et gazière dans la zone d’étude a été créé, qui exclut les projets de forage exploratoire qui répondent aux conditions énoncées dans le règlement de l’exigence de faire l’objet d’une évaluation d’impact fédérale propre au projet.

[Français]

Cette approche offre à l’industrie prévisibilité et certitude, tout en maintenant nos objectifs de conservation et de protection marines.

[Traduction]

En vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, 2012, les projets extracôtiers devaient faire l’objet d’une évaluation spécifique, qui prenait entre deux et trois ans. L’évaluation régionale nous a permis d’examiner les questions une seule fois, de mener une seule consultation et de mettre en place des mesures d’atténuation standard, offrant ainsi une plus grande certitude et un processus beaucoup plus efficace, sans pour autant réduire la protection de l’environnement.

[Français]

Grâce à l’évaluation régionale et au règlement d’exclusion, les projets de forage exploratoires extracôtiers peuvent être examinés en seulement 90 jours.

[Traduction]

Toutes les activités d’exploitation et de production pétrolières et gazières extracôtières proposées doivent tout de même faire partie du processus d’évaluation d’impact et ne seraient pas exclues par ce règlement. Pour ce qui est des projets de production pétrolière et gazière, l’AEIC travaille en étroite collaboration avec l’organisme de réglementation afin d’assurer un processus d’évaluation efficace, en mettant en œuvre les mesures dont je viens de parler pour que les évaluations soient terminées dans un délai de deux ans.

Je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

La présidente : Merci.

Nous commençons la première série avec des tours de cinq minutes, question et réponse comprise.

Le sénateur Arnot : J’ai trois questions pour chacun des témoins. Je vais vous les poser et vous pourrez y répondre par écrit, si vous voulez bien, car je ne veux pas monopoliser plus de temps, qui est très précieux.

Madame Demerse, première question : le plafond des émissions de pétrole et de gaz n’est pas encore en vigueur. Quelles sont les attentes provisoires contraignantes de votre ministère en matière de communication avec les promoteurs extracôtiers pour la période de 2026 à 2030?

Deuxième question : Environnement et Changement climatique Canada exigera-t-il que les budgets d’émissions des projets soient alignés sur le plafond sectoriel? Que se passera-t-il si les chiffres réels dépassent les projections après la première production de pétrole?

Troisième question : quand ECCC exigera-t-il la publication des ensembles de données de référence et de suivi de la surveillance des écosystèmes fauniques pour les activités extracôtières?

Monsieur Parker, en ce qui concerne l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, l’AEIC s’engagera-t-elle à réaliser une évaluation des effets cumulatifs régionaux pour les activités extracôtières à Terre-Neuve — par exemple, le bruit, les rejets et le trafic — qui précédera et orientera donc l’examen des projets particuliers?

Deuxièmement : le plafond d’émissions n’est qu’une proposition. Comment les commissions traiteront-elles l’importance des gaz à effet de serre et la crédibilité des mesures d’atténuation afin que les autorisations soient résilientes si, en fait, le plafond final est plus strict?

Troisièmement : comment l’AEIC assurera-t-elle le suivi des conditions postérieures à la décision, de la faune, des interventions en cas de déversement, de l’intégration des connaissances autochtones et de l’escalade en cas de retards d’exécution?

Madame Puvananathan, quelle est votre politique lorsqu’un promoteur demande une certitude quant au calendrier, mais que les données de référence — par exemple, les oiseaux marins, les mammifères marins — sont incomplètes en raison des variations saisonnières? Suspendre le délai?

Deuxièmement : ceci est important pour moi. Pouvez-vous citer des décisions récentes de l’AEIC où les connaissances autochtones ont modifié la portée, le tracé ou les conditions d’un projet extracôtier?

Troisièmement : quel pourcentage des programmes de suivi des dossiers extracôtier respectent les délais de rapport? Comment rendez-vous ces mesures publiques?

Merci. Si je peux obtenir les réponses par écrit, cela me convient.

La présidente : Chaque témoin doit répondre par écrit à trois questions. En général, nous aimons recevoir les réponses dans un délai de deux semaines. Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je ne sais pas si je dois m’adresser à l’Agence d’évaluation d’impact ou à Environnement et Changement climatique Canada, donc vous me le direz.

Les plateformes pétrolières et gazières extracôtières ont une empreinte notable à tous les stades, que ce soit l’exploration ou le démantèlement, en raison des émissions de gaz à effet de serre provenant du torchage de gaz, des fuites de méthane, des infrastructures extracôtières et des quantités massives d’énergie nécessaires pour alimenter leurs opérations.

J’aimerais que vous me donniez une idée des émissions. Combien de mégatonnes d’émission de dioxyde de carbone sont‑elles émises? Est-ce qu’on est en croissance ou en décroissance? Est-ce que les seuils sont respectés? Que pouvez‑vous nous dire de ce côté? On dit toujours que le pétrole extracôtier est plus propre que ce qui se passe avec le pétrole de l’Alberta. Comment pouvez-vous mesurer cette différence?

Clare Demerse, directrice, Pétrole, gaz et énergie de remplacement, Direction générale de la protection de l’environnement, Environnement et Changement climatique Canada : Merci beaucoup pour la question. C’est une excellente question.

Pour ce qui est des chiffres, ce que je vais faire, c’est vous fournir une réponse écrite.

[Traduction]

Je vais répondre à quelques questions que vous avez posées. En ce qui concerne les chiffres et la question de savoir si le secteur extracôtier est en croissance ou non, nous vous fournirons des détails par écrit. Je vous remercie.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pouvez-vous nous parler des tendances?

Mme Demerse : Je vais aborder plusieurs points.

Tout d’abord, en ce qui concerne mon rôle — puisque je n’ai pas fait de déclaration liminaire —, je suis directrice de la division Pétrole, gaz et énergie de remplacement au sein de la Direction générale de la protection de l’environnement à ECCC. Cela signifie que je suis responsable de la gestion des émissions atmosphériques provenant des secteurs en amont, y compris le secteur extracôtier, et en aval du pétrole et du gaz.

Nous avons plusieurs règlements pertinents, dont certains que vous avez mentionnés, dans notre réglementation actuelle. Nous avons par exemple une réglementation pour gérer les émissions de méthane provenant du pétrole et du gaz. Elle est en vigueur depuis 2018. La réglementation de 2018 s’applique effectivement au secteur extracôtier, même si elle a été conçue pour le moment où des dispositions équivalentes seraient prévues dans le régime réglementaire extracôtier dont vous avez entendu parler lors de votre première table ronde, par le truchement des lois de mise en œuvre des accords qui rendraient alors notre réglementation caduque. Nous avons estimé en 2024 que les modifications apportées par les lois de mise en œuvre des accords étaient telles qu’elles répondaient à des dispositions équivalentes et que nos règlements pouvaient être abrogés. Nous ne l’avons pas encore fait, car nous sommes en train d’élaborer une réglementation renforcée sur le méthane provenant du pétrole et du gaz, qui visent à atteindre l’objectif gouvernemental de réduction de 75 % des émissions de méthane provenant du pétrole et du gaz d’ici 2030. Nous avons publié en décembre 2023 un projet de règlement qui ne s’appliquerait pas à l’extracôtier en raison des changements qui ont été apportés et de l’approche qui est désormais en place dans la réglementation des activités extracôtières.

C’est un long détour pour dire que la réglementation sur le méthane et la question que vous avez soulevée sont des éléments importants. Nous avons également des règlements sur la pollution atmosphérique, les composés organiques, etc.

Vous avez mentionné les performances de l’exploitation extracôtière pour les émissions par rapport à d’autres types de pétrole et de gaz au Canada. C’est globalement exact. L’exploitation extracôtière génère moins d’émissions que les autres types d’exploitation. Je vous enverrai également ces données par écrit pour le confirmer. Une équipe au sein d’ECCC produit chaque année le rapport national sur l’inventaire des émissions. Elle utilise de nombreuses techniques, enquêtes et autres formes de surveillance pour déterminer les émissions. Je vais m’adresser à elle pour vous fournir les meilleures données possibles. Elle effectue un suivi au niveau des sous-secteurs. Nous disposons de données très fiables, conformes aux exigences internationales de la CCNUCC. Nous serons heureux de les fournir au comité.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai essayé de vous suivre dans ce que vous avez dit sur le méthane. Est-ce que cela veut dire qu’on n’a pas atteint nos cibles et qu’on n’arrive pas à contrôler les émissions ou les échappements de méthane? Vous dites que vous voulez les diminuer de 75 %. Où est-ce qu’on en est?

Mme Demerse : C’est une excellente question.

[Traduction]

Nous avons deux niveaux d’émissions de méthane sur lesquels nous travaillons. La réglementation que nous avons mise en place en 2018 vise à réduire les émissions de méthane de 40 à 45 % par rapport au niveau de 2012 d’ici 2025. Selon notre évaluation, nous sommes en bonne voie. Les données sur les émissions sont toujours décalées, donc même si nous sommes en 2025, nous travaillons avec les données de 2023, mais nous sommes convaincus que nous sommes en bonne voie pour atteindre ces exigences. Cela vaut pour l’ensemble du secteur pétrolier et gazier, y compris le secteur extracôtier.

Cependant, comme ces réglementations ont été couronnées de succès et qu’elles ont été mises en œuvre dans trois provinces grâce à des accords d’équivalence provinciaux en Colombie‑Britannique, en Alberta et en Saskatchewan, et comme nous avons constaté des résultats très efficaces et peu coûteux en matière de réduction du méthane, nous travaillons actuellement à l’élaboration de réglementations plus strictes qui permettraient d’augmenter à la fois l’ambition environnementale, en passant de 40 à 45 %, puis à 75 %, et l’étendue des émissions de méthane couvertes.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’attends vos réponses écrites. En fait, vous les enverrez plutôt à notre greffière.

La présidente : Pour les chiffres.

La sénatrice Miville-Dechêne : Pour les chiffres.

[Traduction]

La sénatrice McCallum : Madame la présidente, permettez‑moi de réessayer.

Le projet de loi C-49 précise que la Couronne peut s’en remettre à l’organe de réglementation. Il dit que la Couronne

[...] peut recourir à la Régie pour la consultation des peuples autochtones du Canada sur les effets négatifs potentiels d’une activité dans la zone extracôtière sur les droits existants ancestraux et issus de traités [...]

J’avais posé cette question aux témoins du premier groupe. Lorsque nous avons élaboré le projet de loi C-49, les collectivités micmaques nous ont dit qu’elles n’avaient pas été consultées. Je constate maintenant qu’elles ont porté l’affaire devant la Cour fédérale. L’un des principaux points de discorde est l’absence d’évaluation environnementale pour les quelque 78 voyages annuels de pétroliers, soit un total de 2 340 voyages pendant toute la durée du projet. Une question se pose ici : s’agit-il d’un seul projet, et y a-t-il plus de pétroliers?

Ces pétroliers traverseront et contourneront des zones de pêche autochtones essentielles et risquent de nuire à des espèces telles que le saumon de l’Atlantique, en voie de disparition, les baleines et les écosystèmes marins vulnérables. Les parties au litige ont fait valoir que l’évaluation n’avait pas correctement mesuré le risque que représentent les pétroliers transportant du pétrole à travers des zones de pêche autochtones essentielles.

Le gouvernement aurait accordé une faible importance à l’obligation de consulter en raison de l’éloignement du projet de la terre ferme. Certains ont dit que les activités de consultation avaient été approfondies, mais MTI n’a jamais convenu de cette désignation et a maintenu qu’elle n’avait pas eu suffisamment de temps et de ressources pour évaluer et obtenir des informations sur l’impact du transport maritime sur l’environnement, en particulier sur le saumon de l’Atlantique qui migre entre la baie de Fundy et Bay du Nord.

Comment les effets cumulatifs sont-ils évalués pour l’ensemble des projets? Ils n’affectent pas seulement de petites zones locales, ils s’étendent à l’ensemble du territoire. Qui évalue cet effet cumulatif lorsque l’on examine l’activité sismique et les émissions des pétroliers? Je comprends qu’ils émettent beaucoup de gaz. Lorsque vous menez des activités de consultation avec les différents groupes sur les différents projets, leur présentez-vous tous les effets cumulatifs afin qu’ils puissent prendre une décision éclairée? Comment cela fonctionne-t-il? Combien y a-t-il d’organes de réglementation au juste?

M. Parker : Merci pour ces questions. Cette question comporte de nombreux aspects différents. Je vais commencer, mais je demanderai à ma collègue, Mme Puvananathan, de vous donner quelques détails supplémentaires sur le projet de Bay du Nord.

En général, je pense que tout le monde ici sait que nos obligations de consultation sont fondées sur la Constitution et le devoir de consultation qui en découle en raison des effets négatifs potentiels de l’exécution de projets ou de la conduite de la Couronne. C’est notre point de départ. Ensuite, comme vous le dites, l’Agence met en place une approche pour chaque projet afin d’examiner comment les impacts potentiels d’un projet pourraient se répercuter sur un traité ou un droit autochtone.

Dans le cas des activités extracôtières, je pense que l’exemple que vous utilisez est crucial, car le saumon de l’Atlantique est l’une des principales espèces migratrices qui pourraient être touchées par les effets potentiels d’un projet très éloigné des territoires traditionnels des Premières Nations que nous avons consultées.

Si l’on examine l’approche qui a été adoptée, de manière générale, nous pouvons examiner les voies d’impact potentielles de plusieurs façons, mais ensuite, comme vous l’avez mentionné, il y a aussi les effets cumulatifs des différents projets dans la région. C’est donc l’une des façons dont nous avons procédé dans le cadre de l’évaluation régionale qui a été réalisée.

Dans ma déclaration liminaire, j’ai surtout parlé de la réglementation en place, mais un autre résultat important de cette évaluation a été la création d’un comité directeur qui rédige un rapport annuel sur toutes les différentes mesures de suivi qui découlent de l’évaluation régionale. Cela comprend l’examen des effets cumulatifs. Certains éléments précis concernent les espèces migratrices, comme le saumon de l’Atlantique. Nous publions un rapport annuel. Il est disponible sur le site de l’Agence d’évaluation d’impact. Toutes ces données sont accessibles au public pour tous les participants aux examens propres à des projets, comme celui de Bay du Nord, mais l’Agence est également tenue d’examiner les effets cumulatifs dans le cadre de l’évaluation d’impact propre à chaque projet. Tous ces renseignements sont donc communiqués.

En ce qui concerne plus particulièrement le projet, je vais peut-être me tourner vers vous, madame Puvananathan, pour parler de Bay du Nord et du déroulement de ce processus d’évaluation et de consultation.

Anjala Puvananathan, directrice générale, Projets (Est), Agence d’évaluation d’impact du Canada : Merci, madame la sénatrice, et merci, M. Parker.

Madame McCallum, j’ajouterai qu’en ce qui concerne les activités de la Couronne, notamment les processus d’évaluation environnementale ou d’évaluation des impacts, nous évaluons le projet proposé. Nous examinons également les effets cumulatifs d’autres projets.

Dans ce cas précis, des préoccupations ont été exprimées au sujet des effets en aval, tels que le transport maritime et le transport du pétrole. Comme vous vous souviendrez, on a souligné au cours de la discussion avec le premier groupe que des cadres de réglementation sont destinés à gérer les effets du transport maritime. L’évaluation portait sur le projet proposé, et la décision a été prise en fonction du projet qui consistait essentiellement à extraire du pétrole et du gaz au large des côtes, plutôt que sur l’ensemble du cycle de vie du projet, car d’autres cadres de réglementation permettent de gérer ces autres enjeux.

La sénatrice McCallum : Merci.

La sénatrice Galvez : Ma question s’adresse à M. Parker. Je pense que nous convenons tous que les écosystèmes marins et côtiers abritent une vie abondante et assurent la subsistance de millions de personnes qui en dépendent pour leurs droits fondamentaux, notamment l’accès à la nourriture, un niveau de vie décent, la santé, l’emploi, un environnement propre, sain et durable, et la préservation du patrimoine culturel. Pourtant, chaque phase des activités pétrolières et gazières extracôtières représente une menace sérieuse pour ces écosystèmes marins et côtiers vitaux et les droits qu’ils soutiennent.

À une réunion de notre comité, nous avons approuvé et adopté les modifications, la modernisation de l’évaluation d’impact, afin de prendre en compte l’évaluation régionale, les effets cumulatifs et les impacts du réchauffement climatique. Nous venons d’entendre les témoins du groupe précédent dire qu’il y aura 17 parcelles, soit 36 au total, en attente d’offres d’exploitation. Vous venez de dire que les activités exploratoires sont mises de côté et que nous n’allons pas en étudier les impacts, car nous allons passer directement à l’extraction et au transport.

Pouvez-vous m’expliquer comment vous allez mener une évaluation régionale cumulative du réchauffement climatique pour 36 parcelles d’exploitation en deux mois? Plus précisément, étant donné que la plupart des variables environnementales proviennent de satellites que nous louons aux Américains, mais que nous n’y avons plus accès et que nous ne disposons pas de nos propres satellites, comment allons-nous faire pour mener rapidement cette évaluation, mettre fin aux formalités administratives et délivrer un permis en deux mois?

M. Parker : Je vais répondre à cette question. Merci.

Pour clarifier les différents niveaux de réglementation dont nous parlons, je vais revenir sur un point de ma déclaration. La réglementation que j’ai mentionnée et que le ministre a mise en place pour les forages exploratoires est essentiellement une exemption qui ne concerne que les forages exploratoires, qui sont une activité éphémère. C’est en quelque sorte...

La sénatrice Galvez : C’est similaire à la fracturation hydraulique, donc il y a des impacts.

M. Parker : Il y a des impacts, mais ce que nous avons constaté et la raison pour laquelle la réglementation a été mise en place, c’est que tous les projets de forage exploratoire réalisés à ce jour ont fait l’objet des mêmes mesures d’atténuation normalisées. Lorsque nous avons examiné l’évaluation régionale qui a été réalisée, nous avons constaté qu’elle avait été effectuée par un comité indépendant de cinq membres formé en 2023. Il leur a fallu deux ans pour mener à bien cette étude, à l’issue de laquelle ils ont formulé 41 recommandations de différentes natures, dont l’une concernait le fait que tous ces projets de forage exploratoire faisaient l’objet de mesures d’atténuation normalisées, qui pouvaient être appliquées de manière générale à d’autres forages exploratoires dans cette région en raison de la géologie et des conditions similaires qu’elle présente. C’est pourquoi cette réglementation a été mise en place. Cela ne veut certainement pas dire qu’il n’y a pas d’objectifs de protection du milieu marin ou de conservation dans ces conditions.

Il y a le rapport annuel que j’ai mentionné, qui est rédigé par un comité directeur composé de différents ministères ayant des responsabilités dans ces domaines. Je sais que le comité a déjà entendu le ministère des Pêches et des Océans. Ce dernier est l’un des membres de ce comité qui a tiré des enseignements de la recherche issue de l’évaluation régionale. Des mesures découlent de ce travail particulier et font l’objet d’un suivi. Elles seront intégrées lorsque nous réviserons le règlement. Un mécanisme de rétroaction est prévu pour améliorer ce règlement.

Pour ce qui est de l’extraction, vous avez raison, tous les projets feraient l’objet d’une évaluation d’impact spécifique. C’est là qu’ils seraient évalués par rapport au règlement d’exclusion que j’ai mentionné pour le forage exploratoire.

La sénatrice Galvez : Cette réponse est incomplète, car je vous ai demandé de m’expliquer le processus. Si vous ne pouvez pas le faire maintenant, je vous serais reconnaissante de bien vouloir me fournir une réponse écrite par l’intermédiaire de la greffière.

M. Parker : Je le ferai avec plaisir.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Je suis un peu confus. Vous avez parlé d’une évaluation environnementale régionale d’une durée de neuf mois, si j’ai bien compris. Ai-je bien compris que si le projet est plus compliqué, il tombe sous compétence fédérale et que le processus prendra alors deux ans? Pourriez-vous expliquer et clarifier ce point, s’il vous plaît?

[Traduction]

M. Parker : Bien sûr. Je peux essayer de le clarifier.

Tout projet fait l’objet d’un processus d’évaluation des impacts, et une évaluation initiale est actuellement prévue pour une durée d’environ 60 jours. Si, au cours de cette évaluation initiale, nous déterminons qu’il n’y a pas de risques d’effets négatifs importants relevant de la compétence fédérale et que d’autres cadres réglementaires permettent de les gérer, comme la Loi sur les pêches ou d’autres outils fédéraux en place, alors il est décidé, au cours de cette période initiale, qu’aucune autre évaluation approfondie ne sera effectuée. C’est ce que je voulais dire lorsque j’ai dit que le sort d’un grand pourcentage de projets est décidé lors de cette évaluation initiale.

S’il s’agit d’un projet plus complexe présentant un plus grand potentiel d’effets négatifs, il fait alors l’objet de ce que nous appelons une évaluation approfondie. Celle-ci s’étend actuellement sur une période de deux ans. Nous nous sommes engagés à respecter ce délai de deux ans. Nous avons de nombreux échanges à cet égard, car, comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire, la Loi sur l’évaluation d’impact nous offre des outils supplémentaires pour mener des évaluations de manière plus ciblée sur les questions clés qui relèvent de la compétence fédérale. Nous nous concentrons en particulier sur la manière de mieux collaborer et coopérer avec les provinces. Nous avons conclu des accords de coopération avec certaines provinces, et nous poursuivons ces efforts avec toutes les provinces cet automne dans l’espoir d’en conclure d’autres à court terme. Nous menons une consultation publique sur notre approche à cet égard. Il s’agit d’un autre outil que nous utilisons pour tenter de réduire les délais qui étaient nécessaires dans le passé pour mener à bien les projets, afin de respecter l’engagement de deux ans pris par le gouvernement actuel.

La sénatrice McCallum : En 2019-2020, l’Agence d’évaluation d’impact du Canada a mené la toute première évaluation régionale d’impact des forages exploratoires extracôtiers. Les forages exploratoires extracôtiers sont désormais exclus des évaluations d’impact fédérales s’ils ont lieu dans la zone soumise à l’examen et respectent certaines conditions.

En 2020, selon un article de CBC News, le Comité régional d’évaluation a écrit au ministre de l’Environnement et du Changement climatique que le court échéancier de l’évaluation et la taille de la zone visée limitaient sa capacité de préparer un rapport et minaient la confiance du public envers son travail.

Quelles leçons l’Agence d’évaluation d’impact du Canada a‑t‑elle tirées de cette première évaluation régionale d’impact et comment celles-ci ont-elles été appliquées aux évaluations régionales subséquentes? Réexaminera-t-on l’évaluation régionale des projets extracôtiers pour tenir compte des préoccupations du comité d’évaluation?

M. Parker : Merci pour cette question.

Vous avez tout à fait raison, il s’agissait de la première évaluation régionale menée par l’Agence. Nous en avons beaucoup appris. Je pense que l’un des principaux défis était que, comme il s’agissait de la première évaluation, nous n’avions aucune expérience quant au temps nécessaire pour mener à bien les consultations associées, ce qui est assez intéressant, car comme vous l’avez souligné, cette espèce, cette région et ces questions suscitaient beaucoup d’intérêt, même si certaines personnes ou certains groupes ne se trouvaient pas nécessairement dans ces régions et ne les utilisaient pas personnellement. Il y avait beaucoup de liens.

Nous faisons toujours le point avec les comités, qu’il s’agisse de comités d’évaluation régionaux ou de comités d’examen d’autres projets. Lorsque nous menons ces entretiens de fin de mission, ils nous donnent toujours leur avis sur la manière d’améliorer les choses. Nous faisons le bilan des enseignements à tirer des projets.

Nous avons constaté qu’ils ont organisé un grand nombre de séances de mobilisation communautaire, ce qui était vraiment important au début. Je pense que cela a été utile pour comprendre les enjeux, mais peut-être qu’au début, nous ne savions pas à quel point la participation serait importante, car il fallait beaucoup de temps pour organiser ces réunions et créer les différents rôles que les gens souhaitaient occuper.

Un exemple très révélateur est survenu lorsque des groupes autochtones, dont la mobilisation a été très forte — il y a eu de nombreux ateliers avec ces groupes —, ont décidé de rédiger l’un des chapitres du rapport. Le chapitre sur les connaissances autochtones est devenu un chapitre à part entière, rédigé par le groupe qu’ils ont créé avec les collectivités autochtones. Nous n’avions pas prévu ce dénouement. Nous ne pensions pas que nous allions dans cette direction, nous avons donc dû y consacrer des ressources supplémentaires et même des heures supplémentaires. Je sais qu’ils se sont adressés au ministre pour demander un délai supplémentaire pour l’examen, et finalement, une partie de ce délai leur a été accordée.

L’autre élément qui, à mon avis, est essentiel dans ce cas et qui était intéressant et unique dans ce premier rapport, c’est qu’ils voulaient faire plus de travail, mais ils n’ont pas pu le faire une fois que le comité a été dissous après deux ans. Ils ont notamment mis en place un système d’information géographique, qui est désormais hébergé par la Régie Canada–Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière, qui était là avant nous. Ils l’ont hébergé sous la forme d’un système permanent auquel tous les membres du comité directeur permanent contribuent en fournissant des données. Cela a créé un legs. C’est un autre enseignement que nous avons tiré et que nous n’avions pas prévu, mais qui est devenu essentiel pour nous. Quel legs ces évaluations régionales créent-elles pour les organisations qui sont responsables en tant qu’organe de réglementation, mais aussi pour les collectivités? Des collectivités et différents intervenants continuent de s’engager et veulent participer à ces exercices, surtout en ce qui concerne les effets cumulatifs et la manière de mieux les gérer au fil du temps.

La sénatrice Galvez : Ma question s’adresse à Mme Demerse. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la moitié des économies mondiales sont déjà en train de délaisser les combustibles fossiles et ont dépassé depuis au moins cinq ans le pic de production d’électricité à partir de ces combustibles. Selon Environnement Canada et son mandat, en quoi l’expansion et la croissance de l’exploitation pétrolière offshore au Canada — nous avons entendu avant votre comparution qu’environ 36 parcelles étaient exploitées pour le pétrole — favoriseront-elles une croissance propre et un environnement durable?

Mme Demerse : C’est évidemment une question importante. Je pense que je vais répondre en me limitant à la question de la compétence.

Pour le gouvernement fédéral, notre rôle dans le domaine du pétrole et du gaz à Environnement et Changement climatique Canada et dans la protection de l’environnement concerne les émissions. Environnement et Changement climatique Canada joue d’autres rôles, dont je suis heureuse de parler, notamment en collaborant avec l’organe de réglementation, Régie Canada–Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière.

En ce qui concerne les gaz à effet de serre, qui sont le sujet de votre question, notre rôle consiste à réduire les émissions et l’impact des gaz à effet de serre provenant du pétrole et du gaz, par opposition à la production, qui relève de la compétence des provinces. Nous veillons à travailler dans le domaine de la réduction de l’impact environnemental plutôt que d’intervenir dans la production, qui relève des provinces.

La sénatrice Galvez : Le Canada est-il le seul pays du G7 à ne pas avoir réduit ses émissions?

Mme Demerse : En ce qui concerne le pétrole et le gaz ou globalement?

La sénatrice Galvez : Globalement.

Mme Demerse : Je n’ai pas ces données sous les yeux, mais je suis sûre que vous avez raison.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Youance : Je voudrais revenir sur les évaluations régionales. L’un des principes directeurs des évaluations régionales est de favoriser la durabilité. Je vais lire rapidement : « Les évaluations régionales peuvent contribuer à la durabilité en permettant de mieux comprendre les effets positifs et négatifs [...] », et la durabilité est définie comme étant « la capacité à protéger l’environnement [...] et à maintenir sa santé, dans l’intérêt des générations actuelles et futures ».

Ma question va dans le sens de celle de la sénatrice Galvez : pouvez-vous partager avec nous les principales conclusions qui vont dans le sens de protéger les ressources actuelles pour les laisser aux futures générations, et ce, dans un intérêt national?

Mme Demerse : C’est encore une grande question.

[Traduction]

Encore une fois, pour revenir à ce que je viens de mentionner en réponse à la question de Mme Galvez, je pense qu’il est très important que nous fassions notre travail à ECCC, à Environnement et Changement climatique Canada, en matière de réduction des impacts environnementaux des secteurs industriels, par exemple, ou lorsque nous parlons de gaz à effet de serre ou de pétrole et de gaz dans le cadre de mes fonctions.

De plus, en ce qui concerne plus particulièrement le secteur extracôtier, l’un des points soulevés avec le groupe précédent est le rôle à jouer pour ajouter les énergies renouvelables au mandat des organes de réglementation du secteur extracôtier afin qu’ils s’occupent non seulement du pétrole, mais aussi de l’électricité renouvelable. C’est peut-être une piste à explorer en réponse à votre question sur les générations futures.

La présidente : Y a-t-il d’autres questions? Il y a neuf questions auxquelles il faut répondre par écrit. Nous arrivons peut-être à la fin de notre séance de ce soir.

Merci beaucoup à tous d’être venus ce soir et d’avoir répondu à nos questions.

Cela conclut notre réunion.

(La séance est levée.)

Haut de page