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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 20 novembre 2025

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 8 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, la question de l’industrie du pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Joan Kingston (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour à tous, chers collègues.

Avant de commencer, je voudrais demander à tous les sénateurs de consulter les cartes posées sur la table pour connaître les consignes visant à éviter les incidents liés au retour audio. Veillez à toujours garder vos écouteurs éloignés de tous les microphones. Ne touchez pas le microphone. L’activation et la désactivation seront gérées par l’opérateur de la console. Enfin, évitez de manipuler votre écouteur lorsque votre microphone est allumé. Les écouteurs doivent rester sur l’oreille ou être placés sur l’autocollant prévu à cet effet à chaque siège. Merci à tous pour votre coopération.

J’aimerais commencer par reconnaître que le territoire sur lequel nous sommes réunis est le territoire traditionnel et non cédé de la nation algonquine Anishinabe.

Je m’appelle Joan Kingston, je suis sénatrice du Nouveau-Brunswick et présidente du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Avant de lancer nos travaux, j’aimerais que nous fassions un tour de table pour que mes collègues puissent se présenter.

[Français]

La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec. Je suis la vice-présidente du comité.

Le sénateur Aucoin : Réjean Aucoin, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

La sénatrice Youance : Suze Youance, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Lewis : Todd Lewis, de la Saskatchewan.

Le sénateur Fridhandler : Daryl Fridhandler, de l’Alberta.

Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan, berceau des champions de la coupe Grey de 2025.

La présidente : Toutes mes félicitations.

Le sénateur Arnot : Merci, madame la présidente. Et je compte bien rappeler à tous cette victoire éclatante pour les six prochains mois.

La présidente : Excellent, cela donne le ton.

Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes ici aujourd’hui, ainsi qu’à celles qui nous écoutent en ligne sur le site Web sencanada.ca. Conformément au renvoi reçu du Sénat le 8 octobre, nous poursuivons notre étude sur l’industrie du pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador. Pour le premier groupe de témoins, nous sommes ravis d’accueillir Mme Katie Power, représentante des relations avec l’industrie, Affaires publiques, Fish, Food and Allied Workers Union (FFAW‑Unifor). Elle se joint à nous par vidéoconférence.

Madame Power, je vous souhaite la bienvenue. Veuillez commencer par votre discours d’ouverture pour environ cinq minutes.

Katie Power, représentante des relations avec l’industrie, Affaires publiques (Fish, Food and Allied Workers Union (FFAW-Unifor)) : Mesdames et messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier de me donner l’occasion de m’exprimer aujourd’hui au nom du syndicat Fish, Food and Allied Workers Union (FFAW-Unifor), et des milliers de pêcheurs côtiers, de travailleurs d’usines, et des populations côtières dont les moyens de subsistance dépendent d’un milieu marin sain et bien géré.

L’industrie de la pêche et le secteur pétrolier et gazier extracôtier coexistent depuis des décennies à Terre-Neuve-et-Labrador. Notre syndicat ne s’oppose pas à l’exploitation des ressources extracôtières. En effet, nous reconnaissons son importance pour la province et pour les familles de nos nombreux membres, mais nous sommes tout aussi clairs : la croissance d’une industrie ne peut se faire au détriment d’une autre. Assurer la pratique d’une pêche durable ne constitue pas seulement un pilier économique; il s’agit également d’une ressource renouvelable et d’un élément culturel essentiel des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador.

Dans le cadre de votre étude sur la question de l’industrie du pétrole extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador, nous vous exhortons à garder trois principes à l’esprit : le principe de précaution, la reddition de comptes, ainsi que l’intendance partagée.

Tout d’abord, le principe de précaution doit guider toute prise de décisions. Nos écosystèmes marins sont soumis à de multiples pressions croissantes: changements climatiques, réchauffement des eaux, modification de la répartition des espèces, et accumulation des activités industrielles. Dans ce contexte, les décisions réglementaires ne peuvent se fonder sur des hypothèses dépassées ou sur des évaluations spécifiques à un seul projet. Nous devons plutôt fonder nos décisions grâce à l’analyse de données scientifiques indépendantes qui intègrent les connaissances des pêcheurs, car ce sont souvent eux qui détectent les premiers signes de changements écologiques.

Les pêcheurs sont de plus en plus préoccupés par la manière dont l’espace océanique est réparti. Les appels à candidatures s’étendent à des zones qui comprennent des refuges marins, des zones de conservation où l’accès à la pêche est totalement restreint. Dans le même temps, certaines activités industrielles se poursuivent au sein de ces mêmes zones. Cette incohérence ne reflète pas une stratégie de conservation cohérente et sape la confiance dans le système destiné à protéger les habitats vulnérables.

Nos membres posent des questions légitimes : si une réserve marine est trop sensible pour la pêche, comment justifier les forages exploratoires ou les activités sismiques? Quelles mesures de protection sont proposées, et comment les autorités de réglementation comptent-elles évaluer leur efficacité? Il ne s’agit pas là de questions oppositionnelles, mais de questions responsables.

Deuxièmement, la responsabilité et la transparence doivent être renforcées. Les collectivités côtières dépendent de données environnementales accessibles et actualisées. Trop souvent, les résultats des surveillances et les données scientifiques sont publiés longtemps après que les décisions ont été prises, ou encore dans des formats inaccessibles au grand public. Pour les travailleurs dont les moyens de subsistance dépendent directement de l’océan, des informations actualisées sont essentielles à une gestion responsable des ressources.

Nous demandons également aux membres du comité de prendre en considération les effets cumulatifs, et pas seulement les impacts projet par projet. L’océan est un système interconnecté. Les études sismiques, les programmes de forage, le trafic maritime, les changements climatiques qui entraînent des déplacements d’espèces et les pressions exercées sur les espèces fourragères sont autant de facteurs qui interagissent. Sans une bonne compréhension des impacts cumulatifs, nous risquons d’approuver des projets individuels qui semblent gérables pris isolément, mais qui s’avèrent néfastes lorsqu’ils sont considérés dans leur ensemble.

Les changements climatiques compliquent encore davantage la situation. À mesure que des espèces telles que le crabe des neiges et le homard migrent vers le nord, les pêcheries futures dépendront de zones qui peuvent aujourd’hui sembler périphériques. Les décisions relatives au régime foncier doivent tenir compte de l’évolution des pêcheries, et non seulement de leur situation passée.

Troisièmement, la gestion partagée doit être intégrée au système réglementaire. La consultation avec l’industrie de la pêche doit être significative, précoce, substantielle et continue, et non pas purement procédurale ou symbolique. Les connaissances des pêcheurs sont locales, détaillées et ancrées dans des générations passées sur l’eau. L’intégration de ces connaissances permet de prendre de meilleures décisions, de réduire les conflits et de favoriser une coexistence plus sécuritaire.

Pour être honnête, la coopération entre nos industries existe déjà, et nous y accordons une grande importance.

Les programmes des navires-guides de pêche et des agents de liaison des pêches sont des exemples éloquents de la manière dont la collaboration fonctionne dans la pratique. Les navires‑guides, dont l’équipage est composé de pêcheurs expérimentés, communiquent directement avec les navires hauturiers afin d’éviter les conflits liés aux engins de pêche et d’assurer la sécurité des opérations. Les agents de liaison des pêches aident à cartographier les activités de pêche, à communiquer les plans des projets et à identifier les périodes et les zones sensibles avant le début des travaux. Ces programmes fonctionnent parce qu’ils respectent l’expérience vécue et garantissent aux pêcheurs une véritable voix dans la planification et la sécurité.

Ces programmes devraient constituer une base minimale, et non un plafond. Le même esprit de collaboration doit se refléter dans les décisions réglementaires concernant le régime foncier, l’évaluation environnementale et les effets cumulatifs.

À titre d’exemple, une partie importante de l’espace océanique a déjà été attribuée à des fins industrielles dans la région du bassin Jeanne d’Arc, y compris des zones qui chevauchent des zones de pêche productives pour la morue et le crabe. Une fois ces zones concédées, l’accès des pêcheurs est effectivement restreint pendant des décennies. Pour les communautés côtières, cela ne représente pas un inconvénient temporaire, mais une perte économique à long terme. Les décisions relatives à l’attribution de l’espace océanique doivent tenir compte du fait que la pêche est une industrie renouvelable et que les zones de pêche déplacées ne peuvent pas simplement être transférées ailleurs.

Les avantages industriels doivent être évalués de manière réaliste. Les projets d’exploitation extracôtière offre d’importantes opportunités économiques, mais il en va de même pour une pêche florissante. Si les impacts écologiques réduisent l’abondance des stocks, perturbent les zones de pêche traditionnelles ou modifient la répartition des espèces, ces changements se traduisent directement par des pertes économiques pour les zones rurales de Terre-Neuve-et-Labrador. Les avantages industriels doivent inclure la viabilité à long terme des industries océaniques renouvelables.

Notre objectif n’est pas de choisir les gagnants et les perdants. Notre objectif est de garantir que la coexistence soit réelle, et non supposée. Un développement responsable nécessite une structure réglementaire transparente, fondée sur la science et axée sur la protection de l’environnement marin dont dépendent les deux industries.

Honorables sénateurs, nous croyons que l’industrie pétrolière et gazière extracôtière et l’industrie de la pêche peuvent toutes deux avoir un avenir prometteur dans cette province et dans ce pays. Néanmoins, un tel avenir dépend du maintien d’écosystèmes sains, du respect des personnes qui ont une expérience de vie maritime, et de la garantie que les risques ne seront jamais transférés d’une industrie à une autre.

Je vous remercie de votre attention, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie, madame Power. Je vais maintenant passer aux questions des sénateurs.

Le sénateur Arnot : Bonjour, madame Power. Premièrement, d’après votre point de vue et ce que vous entendez dire par les pêcheurs, estimez-vous que les effets environnementaux et socioéconomiques cumulatifs des activités en mer sur les communautés côtières où vivent les pêcheurs sont correctement évalués? Deuxièmement, que devrait faire l’organisme de réglementation des activités en mer pour changer, rétablir ou maintenir la confiance des collectivités côtières en matière de transparence sur les déversements, d’incidences sur la vie marine, et de consultations avec les intervenants concernés?

Mme Power : Le premier volet de votre question était de savoir si suffisamment d’évaluations sont effectuées? J’essaie juste de me souvenir.

Le sénateur Arnot : Oui, exactement.

Mme Power : Beaucoup de mesures sont déjà prises. Du point de vue des pêcheurs, il y a toujours plus à faire. Comme je l’ai mentionné dans mes notes d’allocution, nous voyons souvent des évaluations environnementales pour des projets majeurs en mer, une à la fois. Du point de vue d’un travailleur dont la famille habite sur les côtes depuis des décennies, il serait utile que l’on tienne compte des 50 ou 60 années pendant lesquelles des plateformes pétrolières ont produit dans nos zones de pêche. Quels sont les impacts à long terme et dans une perspective plus large?

Si l’on considère chaque projet isolément, tout semble aller bien, mais lorsqu’on examine les impacts collectifs de tous ces champs pétrolifères sur une longue période et sur les centaines d’espèces qu’ils affectent, nous ne savons pas vraiment ce qui se passe dans cet espace, car peu de recherches y sont menées. Nos membres apprécieraient grandement que des efforts soient faits pour comprendre les effets globaux au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador en particulier, où les activités de pêche et les activités pétrolières et gazières se chevauchent constamment. Quel était le deuxième volet de votre question?

Le sénateur Arnot : Les collectivités côtières ont-elles confiance, de manière générale, en la réglementation des activités extracôtières? Que devrait-on faire pour rétablir ou améliorer leur confiance?

Mme Power : Le plus important est d’impliquer nos membres dès le début de tout processus. En invitant les membres qui ont cette expérience vécue, et par membres — j’entends les membres de notre syndicat, c’est-à-dire les pêcheurs —, à participer à ces discussions lorsque des décisions sont prises, ou même avant que celles-ci ne soient envisagées, on instaure un climat de confiance et on leur donne le sentiment d’être pris en considération et de participer aux décisions qui sont prises. Dans le passé, nos membres ont souvent eu le sentiment que ces décisions, en particulier celles concernant les projets pétroliers extracôtiers ou les forages exploratoires, étaient prises sans consultation ni implication suffisante de leur part. Nos membres nous ont également indiqué que leur opinion n’était pas vraiment prise en compte, ou du moins pas d’une manière qui leur semblait significative.

J’aimerais aborder brièvement deux aspects. Le premier consiste à s’assurer que les pêcheurs ont leur mot à dire dans la prise de décisions, et le second consiste à écouter attentivement leurs commentaires et à les prendre en compte dans la prise de décisions afin d’assurer un équilibre entre les différents acteurs du secteur et d’éviter que la balance ne penche d’un côté ou de l’autre.

Le sénateur Arnot : Que pensez-vous de ceci : les processus actuels d’indemnisation pour la perte d’équipement, la perte d’accès ou les efforts déplacés offrent-ils une aide réelle, rapide et prévisible, ou les pêcheurs sont-ils toujours obligés de se battre bec et ongles pour chaque demande d’indemnisation?

Mme Power : Cela peut s’avérer un peu compliqué, mais en général, lorsque vous parlez de « perte directe », il s’agit d’un dommage direct. Si un équipement est accroché ou perdu lors d’une opération de remorquage ou autre, il existe des mécanismes de réclamation pour ce type de situation. Ils sont assez simples et, d’après mon expérience au sein de la FFAW, ce type d’indemnisations sont traitées relativement rapidement et sans trop de difficultés. Dans les cas de pertes directes où une personne déclare que son équipement se trouvait à un certain endroit et où la compagnie pétrolière affirme que son itinéraire de remorquage passait effectivement par cet endroit, il peut s’agir d’une perte directe et le processus peut être simple.

La situation se complique lorsque nous abordons les domaines liés à la perte d’accès ou à la perte d’opportunités économiques en raison d’activités industrielles. Ce type d’indemnisation a posé des difficultés au cours de l’année écoulée, car il s’agit pour ainsi dire de pertes indirectes. Il peut être difficile de prouver que vos prises ont diminué cette année par rapport à l’année dernière et que cela est sans aucun doute dû à l’activité industrielle, en raison de la nature même de nos membres, qui ne sont pas des comptables, mais bien des pêcheurs. Les formalités administratives et le manque de compétences informatiques ralentissent ce processus, qui n’est donc pas si simple. Il y a des expériences positives en matière d’indemnisation, et il y a des expériences négatives. Mais le fait de disposer de ces cadres sur lesquels s’appuyer en dit long sur la façon dont les deux industries coexistent et essaient de travailler ensemble.

Le sénateur Arnot : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous avez récemment exprimé des inquiétudes par rapport à un navire échoué près de Cedar Cove, à proximité de Lark Harbour, parce que si des carburants, des débris ou des contaminants provenant du MSC Baltic III se déversaient dans nos eaux de pêche, l’impact sur les pêcheries de crabe et de homard pourrait être dévastateur.

Pouvez-vous nous expliquer les impacts précis que peuvent avoir des déversements dans vos zones de pêche?

[Traduction]

Mme Power : En effet. Le MSC Baltic III s’est échoué à Lark Harbour, sur la côte ouest de West Coast in Newfoundland and Labrador. Je me suis rendu sur place pour voir le navire.

La menace d’une marée noire pour les pêcheries adjacentes pourrait être catastrophique. De notre point de vue, toute goutte d’huile dans l’océan est de trop, et nous considérons cela comme un déversement. La situation est précaire là-bas. La pêche au homard, en particulier, se pratique près du rivage, à environ 20 mètres des côtes. Il s’agit de la principale préoccupation, car la pêche au homard devient de plus en plus productive et lucrative, en particulier sur la côte ouest. Les députés sont très préoccupés par les répercussions que cela pourrait avoir.

Bien entendu, les marées noires peuvent finir par endommager l’habitat. Cela constitue une préoccupation majeure pour le recrutement futur. Le pétrole peut tout simplement tuer les espèces, et il n’y aura alors plus rien à pêcher. Pour les familles, en particulier sur la côte ouest, mais aussi, d’une manière générale, pour les communautés côtières de toute la province, la pêche aux crustacés et aux mollusques constitue leur gagne-pain. Les coquillages sont l’espèce principale pour elles. Sans l’assurance que la pêche ne sera pas affectée négativement, cela fait une différence entre pouvoir nourrir leur famille et pouvoir ouvrir les robinets dans leur maison. C’est une situation effrayante pour les gens lorsqu’il y a un risque et une incertitude quant à ce qui va se passer.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Qu’est-ce qui est fait pour sécuriser ce navire? Est-ce que vous avez vu des travaux? Vous craignez un déversement. Est-ce que cela veut dire que le bateau est laissé à lui-même? Que se passe-t-il?

[Traduction]

Mme Power : Nous avons maintenu une communication régulière avec le MSC Baltic III, et nous avons mobilisé une grande équipe de sauveteurs. Il y a beaucoup de variables, pour ainsi dire, en termes de qui fait quoi là-bas, mais ils ont maintenu un très bon canal de communication avec nous. Nous recevons différentes mises à jour concernant les opérations de nettoyage, que nous pouvons ensuite transmettre à nos membres.

Ce dont on ne pense pas souvent, c’est que les populations baltes ne veulent pas non plus d’une marée noire massive. Nous sommes du même côté sur ce point. Elles veulent que le nettoyage soit effectué de la manière la plus efficace possible, tout comme nous. Nous travaillons vers le même objectif, ce qui est utile. Encore une fois, les membres l’oublient parfois, alors leur rappeler cela apaise les tensions et l’anxiété.

La Garde côtière canadienne travaille sur place de manière assidue. Comme je viens de le mentionner, nous recevons régulièrement des mises à jour de leur part concernant la protection par des barrages flottants et toutes sortes de protocoles de sécurité qui sont en place. Nous recevons des mises à jour régulières et nous maintenons un canal de communication très actif afin de nous assurer que nous savons ce qui se passe et quand cela se passe, et nous obtenons les mises à jour les plus récentes à ce sujet. Nous sommes en mesure de communiquer ce type de renseignements directement à nos membres.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Premièrement, dans la région de Bay du Nord, où l’on prévoit possiblement d’autres explorations, êtes-vous au courant de certaines études qui ont été faites par rapport au crabe des neiges? Quel serait le résultat de ces études par rapport à du forage ou à des tests sismiques?

[Traduction]

Mme Power : Votre question porte-t-elle sur les effets des activités sismiques et des forages sur le crabe, ou est-ce plutôt dans le contexte de Bay du Nord?

Le sénateur Aucoin : Disons les deux. Vous pouvez répondre aux deux questions.

Mme Power : D’accord, c’est donc en deux volets. Je peux m’en charger. En ce qui concerne Bay du Nord, les sites de production éventuels se situent très loin au large, dans la passe Flamande. Ils se trouvent dans des eaux beaucoup plus profondes, et ce n’est même pas une zone à laquelle nos membres du secteur de la pêche côtière ont accès. Pour ce qui est du chevauchement entre les zones de pêche et cette installation de production, il n’y en aurait presque pas. L’installation se trouve bien loin de notre champ d’activité.

Parmi les membres de la FFAW, on trouve des gens dont les proches travaillent dans l’industrie pétrolière et gazière. Il est donc probable que ces personnes souhaitent voir ce projet aboutir dans l’intérêt de la province et de son économie.

En ce qui a trait aux répercussions sur la pêche, elles seraient pratiquement minimes dans le cas de Bay du Nord, ne serait-ce qu’en raison de son emplacement très éloigné. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y aurait aucune répercussion. Bien sûr, le trafic maritime et le remorquage d’équipements vers et depuis le site interrompraient forcément les activités de pêche s’ils se déroulaient pendant les saisons de pêche actives. Cependant, pris isolément, Bay du Nord se situe en dehors de notre zone de pêche. Par contre, les levés sismiques et les forages constituent une perturbation majeure lorsqu’ils ont lieu dans des zones de pêche ouvertes et actives.

Bien entendu, le forage crée une zone de sécurité qui interdit l’accès aux pêcheurs. Malheureusement, cela peut se produire là où des champs de pétrole et des zones de pêche coexistent. Il est impossible pour ces deux secteurs de s’éviter, ce qui entraîne souvent un chevauchement et la mise en place de zones d’exclusion spéciales.

De notre point de vue, voici comment les choses se passent. Les exploitants demandent un permis d’exploration dans l’espoir de découvrir un gisement important et de pouvoir en assurer la production. Ce qui nous préoccupe, c’est lorsque ces permis visent des zones qui abritent des fonds de pêche productifs, car si ces entreprises y découvrent un gisement et décident de l’exploiter, nous perdrons toute une portion de l’espace maritime au large des côtes. Cela constitue indéniablement une menace.

Encore une fois, cela dépend. C’est en fonction de la période de l’année et du lieu. Tout dépend du moment choisi et de l’emplacement. Dans le cas de Bay du Nord, le site se trouve plus loin au large que les zones où pêchent nos membres.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Par rapport au crabe des neiges, des études ou des tests ont-ils été faits sur l’effet des tests sismiques? Je comprends qu’on peut pêcher le crabe plutôt à l’intérieur des terres que dans la région de Bay du Nord.

[Traduction]

Mme Power : Il y a eu quelques études. Toutefois, il n’existe pas une quantité importante de données sur le crabe des neiges et les levés sismiques, car dans l’environnement de Terre-Neuve-et-Labrador, la pêche et l’exploitation pétrolière et gazière sont assez uniques. Ces deux secteurs coexistent ici de façon très particulière. Cela dit, des recherches de grande qualité ont été menées par le ministère des Pêches et des Océans, ou MPO, et par M. Corey Morris, qui a accompli un travail remarquable en étudiant rigoureusement les effets de la sismicité sur les poissons de fond et les mollusques et crustacés. Il y a donc eu quelques études, mais c’est tout. Nous ne disposons pas de beaucoup de données pour établir des comparaisons, compte tenu de la durée des tests sismiques réalisés au large des côtes, mais c’est déjà un début.

En ce qui concerne le crabe, les données sont généralement non concluantes. Elles n’indiquent pas nécessairement un effet ou un autre. Elles soulignent surtout la nécessité de poursuivre ces recherches. Il est difficile de lancer et de mener ce type de projets et de programmes de recherche, car pour comprendre et mesurer les effets des activités sismiques sur les mollusques et crustacés, par exemple, il faut un programme de prospection sismique dans les lieux de pêche, ce que nous cherchons généralement à éviter lors de nos discussions et consultations avec des entreprises de prospection sismique. Il peut donc être difficile de recueillir les données nécessaires pour mettre à l’épreuve ces hypothèses.

Le sénateur Aucoin : Je vous remercie.

Le sénateur Fridhandler : Je veux simplement donner suite aux dernières questions que le sénateur Arnot a posées sur la façon dont nous gérons les conflits d’intérêts entre les titulaires de permis de pêche et les titulaires de permis d’exploration ou d’autres permis connexes dans le secteur pétrolier et gazier. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la structure d’arbitrage? Cela relève-t-il d’un organisme provincial, du MPO ou de l’office des hydrocarbures extracôtiers? Lorsqu’un problème survient, qui tranche la question, et quel est le processus?

Mme Power : Il y a essentiellement plusieurs intervenants. Les permis de pêche sont tous gérés par le MPO, et ils sont délivrés selon le lieu où se déroulent les activités. Il y a les zones de pêche désignées par l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest, ou OPANO, puis les zones de gestion du crabe et du homard, qui sont simplement des blocs périphériques de plus petite taille. Cela se fait indépendamment de la façon dont l’actuelle Régie Canada-Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière, ou RC-TNLEE, définit les frontières et les parcelles et attribue ses permis. Ces zones sont distinctes, mais nous les superposons souvent lorsque nous essayons de mesurer et d’atténuer les effets.

Lorsqu’un permis d’exploration empiète directement sur des zones de pêche actives, à partir de là, il n’y a pas grand-chose à faire, mis à part la communication, car une fois que les autorités attribuent ou décident d’attribuer un permis d’exploration dans une zone de pêche, nous n’y pouvons rien : le chevauchement est inévitable. Il n’y a pas grand-chose à faire à ce sujet. Ainsi, lorsqu’un permis d’exploration est sollicité, tout ce que nous pouvons faire, c’est communiquer avec nos membres et l’exploitant pour que les deux parties soient tenues informées de leurs activités respectives le plus tôt possible et dès que l’occasion se présente, afin d’éviter autant que possible les conflits.

Il faut prendre des décisions beaucoup plus tôt pour éviter les chevauchements et atténuer les conflits potentiels. Lorsque la RC-TNLEE lance des appels d’offres pour des zones d’intérêt et que ces parcelles sont mises à disposition pour éventuellement faire l’objet d’une soumission ou d’une proposition, c’est à ce moment-là qu’il faut entamer des discussions — nous fournissons toujours des commentaires écrits et nous tenons des réunions constructives avec ce groupe — pour déterminer si nous voulons proposer cette parcelle en cas de chevauchement avec d’importantes zones de pêche au crabe.

Il s’agit de trouver un équilibre socioéconomique en tenant compte des avantages et des inconvénients. C’est pourquoi les décisions sont ratifiées par les gouvernements fédéral et provincial. Il y a beaucoup de choses à approuver et à examiner avant que les décisions soient prises. C’est un système compliqué.

Le sénateur Fridhandler : Permettez-moi d’insister sur ce point, car je suppose qu’un permis d’exploration a été attribué pour le forage dans des zones de pêche où des gens détiennent des permis. De toute évidence, les pêcheurs sortiront un peu perdants.

Mme Power : Oui.

Le sénateur Fridhandler : Il ne semble pas y avoir de structure de compensation à cet égard. Nous avons déjà décidé que les activités d’exploration l’emportent sur la pêche, et il y aura une zone d’exclusion. Les pêcheurs doivent-ils simplement plier bagage et accepter leur sort? J’aimerais savoir s’il existe une structure pour remédier à cette situation précise. Deuxièmement, y a-t-il des exemples concrets où ce problème s’est posé et où une compensation a été accordée ou refusée? J’aimerais obtenir des éléments factuels.

Mme Power : Malheureusement, une fois qu’un permis d’exploration est attribué et que le forage exploratoire débute, si l’activité se trouve dans une zone de pêche de premier choix, les pêcheurs sont contraints de partir et ils perdent l’accès à cette zone.

C’est ce qui s’est produit il y a un certain nombre d’années. Une unité de forage, appelée Hercules, qui opérait au large de Terre-Neuve, empiétait directement sur des zones de pêche au crabe dans une grande partie de notre division 3L, qui représente une pêcherie lucrative pour de beaucoup de gens de la région. Pour dire les choses simplement, ils étaient bien sûr contrariés. C’est regrettable, mais la période idéale pour pêcher et celle pour travailler sur une plateforme pétrolière sont les mêmes. Quand il fait beau, tout le monde y trouve son compte. Malheureusement, l’une des deux parties doit céder. La plupart du temps, ce sont les pêcheurs qui sont chassés de ces zones.

Malheureusement, même lorsque nous prenons part à des consultations sur une zone d’intérêt et que nous formulons des commentaires, en exprimant notre opposition, le projet va de l’avant. Cette même zone fait alors l’objet d’une demande de désignation, puis d’un appel d’offres. Enfin, un permis est délivré. Après avoir franchi toutes ces étapes et saisi toutes les occasions pour insister sur la présence d’une zone de pêche et exprimer notre désaccord, nous nous faisons dire : « On va procéder malgré tout. » Lorsque la plateforme de forage démarre ses activités dans la zone de pêche, il n’y a plus rien que nous puissions faire de notre côté, et il n’existe aucun mécanisme de compensation pour cela.

Le sénateur Fridhandler : Je vous remercie.

Le sénateur Lewis : Je vous remercie de vos observations.

C’est intéressant. Vous parlez du caractère unique de la situation à Terre-Neuve, mais en ce moment, je pense aux similitudes entre les producteurs et les propriétaires fonciers de l’Ouest canadien et à la façon dont ils doivent composer avec les utilisateurs industriels sur leurs terres. L’océan ne vous appartient pas, mais votre dernière réponse portait sur la compensation. Si vous avez un permis de pêche depuis des générations et que cette activité devient impossible en raison de l’exploitation pétrolière et gazière, je pense qu’il devrait y avoir une sorte de programme de compensation.

Vous avez mentionné le MPO, et je suppose que vos membres et le ministère entretiennent une relation, puisque le MPO effectue entre autres le dénombrement des poissons et des espèces, ce qui a une incidence sur les zones où vos membres peuvent pêcher. Y a-t-il beaucoup de coordination entre les compagnies pétrolières, les foreurs et les gens du MPO pour échanger des renseignements, par exemple, sur ce que le ministère observe dans l’océan? De plus, y a-t-il une coordination entre les activités du secteur pétrolier et gazier, du MPO et de vos membres?

Mme Power : Je ne peux pas parler des interactions entre les exploitants et le MPO parce que je ne suis pas au courant de ces discussions. J’ose espérer qu’ils sont en communication. D’après ce que je comprends, ils comptent sur la FFAW pour obtenir ce genre d’information. Souvent, c’est nous — moi en particulier, mais aussi mes collègues et mon personnel — qui communiquons avec le MPO pour obtenir des renseignements afin d’assurer la liaison avec les compagnies pétrolières, au besoin.

Je ne sais pas dans quelle mesure ils interagissent parce que je ne travaille ni pour l’un ni pour l’autre; je ne peux donc pas me prononcer là-dessus. Les compagnies pétrolières s’appuient largement — du moins pour les renseignements sur la pêche côtière à Terre-Neuve-et-Labrador — sur la FFAW pour obtenir les détails dont elles ont besoin ou pour les confier au MPO en leur nom.

Le sénateur Lewis : Serait-il utile d’instaurer une approche plus coordonnée entre les trois groupes et quelque chose de plus officiel?

Mme Power : Absolument.

[Français]

La sénatrice Youance : Madame Power, un projet de loi a été examiné à la Chambre des communes sur l’interaction entre l’exploitation éolienne et la pêche. Est-ce qu’il y a des conséquences sur la pêche, en plus de l’exploitation pétrolière et gazière? Dans quelle mesure pensez-vous vous battre à armes égales avec les différentes exploitations parallèles à la pêche?

[Traduction]

Mme Power : Vous voulez savoir quelles autres entités, en plus du secteur pétrolier et gazier, ont une incidence sur la pêche extracôtière? Est-ce bien cela? D’accord.

Bien que le secteur pétrolier et gazier exerce une influence majeure sur nos activités, il y a, bien sûr, d’autres facteurs. Dans la zone côtière, ce n’est pas un problème aussi important, mais nous devons composer avec le transport maritime. Comme vous le savez, les exportations et les importations sont en hausse. Le trafic maritime s’est intensifié. Un autre facteur important — peut-être le plus important —, ce sont les changements climatiques que nous observons en mer.

Comme je l’ai mentionné, les mollusques et crustacés — notamment le homard et le crabe — figurent actuellement parmi les espèces les plus cruciales sur le plan de l’importance commerciale et de la rentabilité. En raison du réchauffement des océans et des changements de courants, de nombreuses espèces d’eau froide comme le crabe et le homard se déplacent vers le nord. Cela modifie l’accès aux quotas.

La situation peut être difficile pour ceux qui disposent de quotas importants de crabe et de homard. La période de l’année où ils peuvent en capturer peut changer. Ils ne parviennent peut‑être pas à atteindre leur quota. Les possibilités économiques sont en train de changer. J’ai mentionné plus tôt que nous avons des zones de gestion pour des espèces précises. Par exemple, il y a les zones 8A, 8C et 14B. Ce sont de petites zones délimitées où le permis de pêche autorise la capture d’une espèce donnée. Ces zones restent fixes. Toutefois, la répartition des espèces commerciales à l’intérieur de ces zones se modifie sous l’effet du réchauffement des océans, des changements climatiques et d’autres facteurs. Les pêcheurs constatent une perturbation dans leurs prises habituelles ou dans la rentabilité d’une année à l’autre. Les changements sont aujourd’hui très marqués. Cette instabilité est préoccupante, car elle compromet la fiabilité des revenus. Ces gens doivent subvenir aux besoins de leur famille et préserver leur moyen de subsistance. C’est certes une grande source d’inquiétude.

[Français]

La sénatrice Youance : Est-ce que les produits de la pêche s’en vont vers des zones où il y aurait de nouveaux forages, par exemple dans la région de Bay du Nord? J’essaie de comprendre : l’industrie de la pêche sera-t-elle obligée de se déplacer vers de nouvelles zones afin d’éviter les zones d’exploitation pétrolière et gazière?

[Traduction]

Mme Power : En gros, on ne peut pas simplement déplacer une activité de pêche. Les poissons sont répartis partout dans l’océan. Il y a des zones communes, mais ces habitats sont en constante évolution. Les poissons migrent différemment, et nous observons des changements et une variabilité sur le plan de l’emplacement des populations, de leurs zones d’alimentation et de leurs comportements. Ces transformations s’accélèrent aujourd’hui sous l’effet des changements environnementaux que nous observons.

Malheureusement, lorsqu’un champ pétrolifère, un projet pétrolier ou un forage exploratoire nous prive d’une zone de pêche, nous ne pouvons pas la récupérer ailleurs. Nous la perdons.

Lorsqu’une zone est perdue, elle le reste pendant des décennies, voire des générations, et pour toujours — quand on y pense — dans le cas de l’industrie de la pêche. Nous ne pourrons peut-être plus jamais pêcher dans cette zone. Les principaux champs pétrolifères qui sont en production à l’heure actuelle se trouvent tous dans ce qui était autrefois des zones de pêche à la morue de premier choix. Cependant, ces installations ont été construites pendant le moratoire, lorsque personne ne pêchait la morue.

La situation devient compliquée lorsque des champs pétrolifères sont établis dans des zones d’accès à la pêche, car les zones d’exclusion et de sécurité éliminent cette possibilité économique pour les pêcheurs. On ne peut pas simplement aller pêcher ailleurs en espérant attraper la même quantité de poissons. Les poissons se déplacent en groupes. Chaque espèce a ses zones de prédilection. Cela dépend de l’habitat et de nombreux autres facteurs. Les poissons ne se déplacent pas simplement ailleurs pour se faire attraper. C’est évidemment très compliqué, et cela peut rendre les choses très difficiles.

L’industrie de la pêche est concurrentielle. Ce n’est pas une activité qui peut simplement être déplacée ailleurs. Une fois que nous perdons une zone, c’est pour de bon, et il faut découvrir de nouveaux lieux de pêche productifs pour faire vivre une famille qui dépendait de cette zone.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis assez étonnée par ce que vous avez dit concernant l’absence de compensation des pêcheurs dans les zones explorées et exploitées par les pétrolières. J’imagine que c’est une question de rapport de force. Avez-vous essayé de modifier le système? Faites-vous des démarches auprès de l’industrie pour qu’il puisse y avoir des compensations? C’est très direct, comme vous le dites. Il y a un banc de poissons, il y a des pêcheurs qui en dépendent, et le banc de poissons disparaît. Il est vrai qu’on peut en trouver d’autres, mais en général, lorsque les gens éprouvent des difficultés, il y a des compensations. Est-ce que vous avez exploré cette voie qui me semble tout de même importante?

[Traduction]

Mme Power : Oui et non. La voie à suivre est très compliquée.

Ce qui se passe généralement — comme je l’ai mentionné tout à l’heure —, c’est qu’il y a de nombreuses étapes dans le processus de mobilisation où nous donnons des commentaires et des conseils en disant : « Non, nous ne voulons pas que vous avanciez dans ces zones de pêche pour telle ou telle raison. » Si les choses continuent d’avancer, une fois qu’une décision est ratifiée, malheureusement, il n’y a pas grand-chose que nous puissions faire pour demander une compensation.

Dans les zones où il y a un chevauchement avec le forage exploratoire, on nous demande de rester à l’écart pendant cette période et de revenir une fois que c’est terminé. Qui sait si le crabe sera toujours là? Nous n’en savons rien.

C’est une conversation qui en vaut la peine. Le seul obstacle serait le moment choisi, car si, par exemple, un programme de forage exploratoire devait avoir lieu cet été au large des côtes, j’en serais informée au printemps, probablement en mars ou en avril. Le programme de forage aurait probablement lieu en juin ou en juillet. Après que tous les renseignements habituels ont été communiqués aux membres — l’emplacement du site, l’endroit où se fera le forage d’exploration, le moment où il aura lieu, les zones à d’éviter, etc. —, je reçois les réactions. On me dit : « Oh mon Dieu, cela empiète sur ma zone de pêche au crabe, qu’allons-nous faire? » Le temps qui nous est accordé pour nous préparer et proposer un cadre de compensation particulier relativement au programme de forage annoncé n’est pas suffisant. Malheureusement, nous ne disposons pas d’un délai suffisant pour faire cela.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je comprends que c’est difficile et que vous vous battez contre des intérêts importants. Avez-vous pensé avoir recours aux tribunaux afin d’instaurer un système de compensation? Je le répète, je trouve cela assez particulier qu’il n’y ait aucune négociation à cet effet. Pêches et Océans Canada est-il de votre côté, ou est-ce que tout cela se fait au-dessus de vous pour satisfaire à des intérêts supérieurs, qui sont ceux du pétrole?

[Traduction]

Mme Power : Je ne veux pas parler au nom de Pêches et Océans Canada, ou MPO. Je ne sais pas exactement quels sont ses intérêts. Cependant, lorsqu’il s’agit de défendre nos droits dans les zones acquises par des groupes de forage extracôtier, nous sommes certainement ceux qui parlent le plus fort. Nous avons parfois l’impression de nous battre seuls. Encore une fois, il s’agit de trouver un équilibre. L’industrie pétrolière et gazière est importante pour Terre-Neuve-et-Labrador, tout comme l’industrie de la pêche. Il est difficile de trouver le juste équilibre et d’égaliser les chances de part et d’autre. C’est pourquoi nous confions ces décisions à nos gouvernements, car ce sont eux qui ont les renseignements les plus complets.

Je ne pense pas que nous ayons envisagé de porter cela en justice. J’ignore l’ampleur des forages d’exploration qui se tiendront dans les zones de pêche. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas. Nos membres apprécieraient certainement une solution. Encore une fois, nous ne recevons pas beaucoup de soutien de la part des autres parties prenantes de ce domaine et de cette région. La plupart du temps, on se contente de nous demander d’éviter la zone et de nous en écarter. C’est apparemment comme cela qu’on atténue les effets. C’est toujours ce qui s’est fait jusqu’ici : on évite la zone, mais si l’on ne peut pas l’éviter, tant pis. Vous avez raison de déplorer qu’il en soit ainsi.

[Français]

Le sénateur Aucoin : J’aimerais poursuivre la discussion sur la compensation.

Lorsqu’il étudie l’industrie des pêches, notre comité a pour mandat d’examiner la réglementation, y compris la santé et la sécurité, mais aussi les impacts sur les écosystèmes marins. On parle des pêches traditionnelles, pas nécessairement de la pêche commerciale. Je crois qu’elle fait également partie de notre mandat.

Par exemple, si on installe des éoliennes sur la terre ferme, les municipalités vont négocier une compensation, et souvent, il y a des redevances accordées aux personnes, même celles qui ne sont pas nécessairement affectées, puisque les éoliennes ne sont pas sur leur terrain.

J’avais supposé que, dans tous les domaines des pêches, il y avait une compensation. Êtes-vous en faveur d’une recommandation qui comporterait deux volets? Il y aurait, d’une part, l’obligation de consulter votre association lorsqu’il y a de l’exploration ou des tests sismiques, et d’autre part, des discussions portant sur une compensation provenant des compagnies qui font de l’exploration?

Je crois que le pourcentage qui a été négocié pour l’avenir est de 12,5 %. Je crois que pour la province, c’est une baisse, car il était autrefois de 18,5 %.

Que pensez-vous de ces deux aspects? Est-ce quelque chose qu’on devrait inclure dans notre rapport? Je parle ici de la consultation et d’une compensation pour votre industrie.

[Traduction]

Mme Power : Je pense que le premier point concernant la consultation est on ne peut plus indiqué. C’est d’ailleurs ce qui se passe en ce moment dans la pratique. Il y a un certain niveau de communication et de consultation avant les activités sismiques et les forages. J’appuie cela sans réserve.

En ce qui concerne la compensation, là encore, ce serait une excellente chose à inclure. J’apprécie ce que vous avez dit sur le développement éolien. Lorsque nous avons eu des discussions sur l’éolien extracôtier à Terre-Neuve-et-Labrador — je ne sais plus si c’était il y a deux ans ou à quelle date c’était exactement —, l’industrie de la pêche s’attendait à ce que la prévention soit la première mesure à prendre, faute de quoi, il fallait atténuer les effets. Si l’atténuation n’est pas possible, alors, en dernier recours, il faut prévoir une compensation. Les choses doivent se faire dans cet ordre. Il est important d’avoir des discussions avant d’envisager la compensation, sauf que lorsqu’il n’y a pas d’autres options, il faut en prévoir une.

C’est une discussion intéressante qui doit se tenir. Il faut parler d’une compensation pour la perte d’accès à la pêche due au forage ou à l’activité sismique. À ma connaissance et en ma qualité de représentante de l’industrie, cela n’a jamais été envisagé. Je pense que cela serait bien accueilli. C’est logique et sensé. Le simple fait que cela soit envisagé est apprécié, car pendant longtemps, l’absence de discussion à ce sujet a donné aux pêcheurs le sentiment d’être laissés pour compte, d’être exclus ou de ne pas être considérés comme étant aussi importants pour l’économie que le pétrole et le gaz. C’est quelque chose qui trouvera un écho favorable et sera bien accueilli par nos membres.

[Français]

Le sénateur Aucoin : J’ai une petite question de suivi. Est‑ce que vos commentaires s’appliqueraient également à la construction d’éoliennes extracôtières? Une loi a été adoptée pour permettre de faire l’exploitation du vent en construisant des éoliennes en mer. Est-ce que vos commentaires s’appliqueraient également aux éoliennes?

[Traduction]

Mme Power : Je crois que oui. Le développement de l’énergie éolienne extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador est particulièrement compliqué, et ce, pour plusieurs raisons. Nos membres connaissent bien le sujet, car nous avons participé à l’évaluation régionale du développement de l’énergie éolienne extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador.

En fin de compte, il s’agit d’éviter toute répercussion lorsque cela est nécessaire, et d’imposer des mesures d’atténuation dans tous les autres cas. Lorsque les mesures d’atténuation sont insuffisantes, il faut recourir à des compensations, et, au risque de me répéter, il faut procéder dans cet ordre. Les pêcheurs ne sont pas particulièrement enthousiastes à l’idée d’une compensation pour l’énergie éolienne extracôtière, car cela donne presque l’impression qu’à ce stade, ils acceptent déjà de perdre leur accès à la pêche. En réalité, leur priorité est de conserver leur accès à la pêche autant que faire se peut.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Je viens d’une communauté de pêcheurs, alors je comprends exactement ce que vous dites. C’est peut-être là un problème de l’industrie. Les pêcheurs ont toujours été contre l’exploration ou l’industrialisation, ce qui fait qu’en dernier ressort, ils seraient intéressés par la compensation, mais peut-être qu’ils devraient négocier cela dès le départ.

Merci.

[Traduction]

La présidente : Madame Power, vous êtes populaire. Nous avons encore trois intervenants et il ne nous reste pas beaucoup de temps. Nous demanderons que les questions soient aussi brèves que possible, tout comme les réponses.

[Français]

La sénatrice Youance : En fait, ma question porte sur l’envoi de documents. J’ai lu une des évaluations d’impact de l’exploitation de pétrole et de gaz. À plusieurs reprises, on y mentionne que les rapports sur l’état des stocks ou des populations des différentes espèces sont obsolètes, ou encore on dit que les études sont basées sur des données précédentes, mais pas sur l’expérience des pêcheurs.

Dans quelle mesure pouvez-vous nous envoyer de la documentation plus récente? Avez-vous fait vous-même des évaluations en fonction de votre expérience de perte de zones de pêche?

[Traduction]

Mme Power : Pour commencer, en ce qui concerne la première partie de votre question sur les évaluations d’impact et les informations sur la pêche que les compagnies pétrolières ou les promoteurs ont rédigées, les données sur la pêche qu’ils incluent proviennent du ministère des Pêches et des Océans. Elles proviennent du MPO. C’est lui qui détient les données sur la pêche.

Or, comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, le problème est que ces données sur la pêche du MPO ne sont pas bien tenues. Elles ne sont pas facilement accessibles et elles ne sont pas très précises. Je pense qu’une bonne proportion de données sur la pêche commerciale que le MPO est en mesure de fournir aux promoteurs datent de plusieurs années. Je ne connais pas précisément l’amplitude de ce décalage. Nous avons quelques années de retard. Je pense que les données les plus récentes sur la pêche commerciale disponibles auprès du MPO remontent à 2001-2022, alors que nous sommes en 2025. Cela est de plus en plus préoccupant, surtout lorsque l’on pense aux changements accrus provoqués par les changements climatiques et à la répartition des espèces. D’année en année, ces variations annuelles de la population et de la dynamique des espèces sont d’une importance cruciale, et nous ne disposons pas de ces renseignements. Il nous est donc impossible de les appliquer aux évaluations environnementales ou aux engagements et consultations dans le domaine des pêches, du pétrole et du gaz quand vient le temps de développer des projets.

Bien sûr, il peut être difficile de prendre des décisions lorsque l’on ne dispose pas de renseignements adéquats. De mauvaises décisions sont prises. Au sein de la FFAW, les pêcheurs constatent de nombreuses lacunes et incohérences entre les données scientifiques du MPO et ce qu’ils observent en mer. Nous constatons de nombreux écarts entre les deux. Les données scientifiques du MPO ont tendance à dater. Encore une fois, je crois que le budget du MPO consacré à la science a subi des compressions. Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve à cet égard.

Les pêches, les espèces, les données et les renseignements scientifiques sur la localisation et le comportement des poissons sont d’une importance cruciale pour les décisions concernant la gestion des ressources. Cela se répercute sur les interactions entre l’industrie pétrogazière et notre industrie. Il peut être frustrant de ne pas disposer des bonnes données au bon moment.

Le sénateur Lewis : Ma question porte sur l’adhésion des Premières Nations à votre groupe. Y a-t-il des membres ou des bandes individuels des Premières Nations qui sont membres de votre syndicat?

Mme Power : Oui et non. Nous n’avons aucune affiliation officielle avec les Premières Nations. Elles gèrent leurs pêcheries groupe par groupe, individuellement. Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas de membres individuels qui appartiennent à certains groupes autochtones, mais nous n’avons aucune affiliation officielle avec les Premières Nations. Non, nous n’avons rien de tel.

Le sénateur Fridhandler : Je voudrais revenir sur la question de la compensation et obtenir des précisions pour le compte rendu. Lorsque nous parlons de compensation, il ne s’agit pas de nous tourner vers les sociétés titulaires de licences qui effectuent l’exploration ou la production et génèrent des revenus importants pour les gouvernements provincial et fédéral. Les gouvernements ont pris des décisions concernant l’octroi de licences. Je crois que cela devrait aller de pair avec le fait que, si la décision du gouvernement est défavorable à un groupe auquel il a déjà accordé certains droits de licences, il incombe au gouvernement de mettre en place et de financer un système de compensation. Cela ne devrait pas être imposé à l’industrie. Que pensez-vous de la question de la compensation? Selon vous, qui devrait en assumer la responsabilité?

Mme Power : C’est une question complexe, car le pétrole, le gaz et la pêche sont gérés par des entités distinctes. La pêche est gérée par le ministère des Pêches et des Océans, tandis que le secteur pétrolier et gazier est géré par plusieurs groupes différents. Nous avons l’organisme de réglementation de l’énergie. Encore une fois, il peut être difficile de trouver un équilibre entre les responsabilités de chacun.

Je ne sais pas qui devrait en assumer la responsabilité. De notre point de vue, lorsque nous avons essayé d’obtenir des réponses à ce genre de questions, malheureusement, on nous a renvoyés d’un service à l’autre : « Vous devez en discuter avec ces personnes. Ce n’est pas notre responsabilité. » La gestion cloisonnée des industries pétrolière et gazière et de la pêche rend la tâche encore plus difficile.

La présidente : Merci, madame Power. Vous avez été un témoin très instructif, et nous vous remercions d’être venue aujourd’hui. Nous passons maintenant à notre deuxième groupe d’experts. Merci encore.

Mme Power : Merci.

La présidente : Je souhaite la bienvenue à notre deuxième groupe d’experts. Avec nous aujourd’hui : Paul Barnes, directeur, Canada atlantique et arctique, Association canadienne des producteurs pétroliers. Puis, de l’organisme Trades Newfoundland and Labrador, Bob Fiander, directeur général, et Rachelle Cochrane, directrice des politiques, de l’innovation et de la recherche économique. Soyez les bienvenus.

Vous disposez chacun de cinq minutes pour vos déclarations liminaires. Nous passerons par la suite aux questions des sénateurs. Si vous le voulez bien, monsieur Barnes, vous pouvez commencer.

Paul Barnes, directeur, Canada atlantique et arctique, Association canadienne des producteurs pétroliers : Honorables sénateurs, bonjour. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Je m’appelle Paul Barnes et je suis directeur des régions atlantique et arctique du Canada pour l’Association canadienne des producteurs pétroliers, ou CAPP. Je suis basé à St. John’s, à Terre-Neuve-et‑Labrador.

La CAPP représente les producteurs de pétrole et de gaz naturel du Canada d’un océan à l’autre, y compris les entreprises qui exploitent actuellement l’industrie pétrolière extracôtière de Terre-Neuve.

Nous vous fournirons également un mémoire écrit détaillé qui brosse un portrait complet de l’industrie et des importants avantages que cette dernière apporte à l’économie. Aujourd’hui, je me contenterai de souligner certains renseignements clés qui démontrent l’importance que cette industrie revêt pour l’économie de Terre-Neuve-et-Labrador ainsi que son potentiel futur.

Depuis 1997, date à laquelle la production pétrolière extracôtière a commencé, les redevances versées aux gouvernements provincial et fédéral ont atteint plus de 26,5 milliards de dollars. L’industrie est responsable de plus de 17 000 emplois directs, indirects et induits. Son incidence sur le PIB est énorme. Bien que l’industrie extracôtière ne représente que 4 % de la production pétrolière totale du Canada, depuis 2007, la place qu’elle occupe dans l’ensemble du produit intérieur brut de la province oscille entre 17 % et 26 %. Pour mettre cela en contexte, il faut savoir qu’en 2024, l’industrie pétrolière et gazière de l’Alberta comptait pour 19 % du PIB total de l’Alberta. Bien que l’industrie de l’Alberta représente une part beaucoup plus importante de la production pétrolière du Canada, son incidence sur le PIB provincial est comparable à celui constaté à Terre-Neuve-et-Labrador. Cette industrie est véritablement le pilier de l’économie de la province et elle est prête à jouer un rôle clé dans l’établissement du Canada en tant que superpuissance énergétique.

L’industrie pétrolière extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador devient également un acteur de plus en plus important sur la scène mondiale. En 2024, plus de 7,5 milliards de dollars de pétrole brut ont été exportés de Terre-Neuve-et-Labrador vers les marchés internationaux, ce qui représente 55 % des exportations totales de la province.

Or, Terre-Neuve-et-Labrador bénéficie d’un avantage considérable, à savoir que sa situation côtière lui permet d’avoir un accès direct aux marchés internationaux, ce qui signifie que les exportations de la province ne dépendent pas de la construction de nouvelles capacités de pipelines, contrairement à d’autres régions du Canada. Les marchés européens ont été les principaux clients des exportations de la province ces dernières années, ce qui a contribué à la consolidation de la sécurité énergétique internationale.

Terre-Neuve-et-Labrador dispose également d’un potentiel considérable inexploité en matière de développement des ressources pétrolières. L’exploitation de ces ressources pourrait garantir que les retombées économiques de cette industrie se poursuivent pendant des décennies, mais pour tirer parti de ce potentiel, il faudra revoir entièrement la politique gouvernementale.

L’incertitude et la complexité réglementaire au Canada ont fait en sorte qu’il est rendu extrêmement difficile d’attirer des investissements dans l’industrie pétrolière extracôtière de Terre‑Neuve. Cela est évident lorsque l’on regarde les résultats récents des ventes de terrains extracôtiers, dans le cadre desquelles aucune offre n’a été reçue au cours des trois dernières années. Cette situation est préoccupante étant donné qu’au-delà du projet potentiel de Bay du Nord, présenté comme le prochain grand projet pétrolier extracôtier, aucun autre projet n’est en vue.

Alors que les investissements mondiaux dans le pétrole extracôtier ont été importants ces dernières années, les investissements dans l’industrie pétrolière extracôtière de Terre‑Neuve-et-Labrador ne suivent pas le rythme. Nous avons été heureux de constater dans le dernier budget fédéral que le gouvernement se concentre sur les investissements économiques et la croissance. Ce budget envoie un signal positif à nos membres, car il prend des mesures pour accroître la compétitivité et améliorer le climat d’investissement au Canada. Cependant, il faut plus de clarté sur la manière dont le gouvernement entend aligner ses objectifs économiques et environnementaux, et encourager les nouveaux investissements.

Les projets pétroliers extracôtiers nécessitent des années de planification, des milliards de dollars d’investissements et la certitude que les règles ne changeront pas avant même que la construction ne puisse commencer. La stimulation des investissements peut également nécessiter des solutions particulières telles que des crédits d’impôt à l’investissement afin de tenir compte des défis régionaux en matière de productivité. Nous espérons pouvoir créer les conditions propices à la croissance future.

Les entreprises qui travaillent dans l’industrie pétrolière extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador ont également investi de manière significative dans la recherche et l’innovation afin de gérer les émissions de gaz à effet de serre provenant de leurs activités. En 2023, les émissions provenant de la production pétrolière de Terre-Neuve ne représentaient que 0,19 % des émissions totales de gaz à effet de serre du Canada et 0,68 % des émissions du secteur pétrolier et gazier en amont du Canada. Nous avons constaté des initiatives novatrices en matière de réduction des émissions, notamment des efforts visant à utiliser l’intelligence artificielle pour surveiller les émissions en temps réel, le remplacement des équipements fonctionnant au diésel par des équipements électriques — tels que les grues utilisées sur certaines installations extracôtières — et des investissements importants dans la recherche sur la réduction des émissions, ce qui comprend les possibilités d’électrification et l’utilisation d’énergies renouvelables pour la production de l’électricité utilisée pour les installations.

Nous menons également d’autres recherches environnementales afin de mieux comprendre et atténuer les impacts potentiels de notre industrie sur le secteur de la pêche. Nous continuons à rechercher des occasions d’améliorer nos activités d’un point de vue environnemental et de collaborer avec les communautés autochtones, le secteur de la pêche et d’autres parties concernées.

Bien que la production pétrolière extracôtière existe depuis près de 30 ans à Terre-Neuve-et-Labrador, l’industrie a un potentiel beaucoup plus important pour l’avenir, et le moment est venu de tirer parti de ce potentiel.

Nous encourageons les gouvernements fédéral et provincial à travailler avec notre industrie afin de créer les conditions propices à sa croissance. Si nous y parvenons, l’industrie pétrolière extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador continuera de contribuer de manière significative à la croissance économique de la province et du Canada pour les générations à venir, alors que nous nous efforçons collectivement de devenir une superpuissance énergétique et l’économie la plus forte du G7.

Merci, sénateurs, de votre temps. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, monsieur Barnes. Monsieur Fiander, vous avez la parole.

Bob Fiander, directeur général, Trades NL : Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Je m’appelle Bob Fiander. Je suis directeur général du Newfoundland and Labrador Construction Trades Council — conseil des métiers de la construction de Terre-Neuve-et-Labrador — également connu sous le nom de Trades NL. Notre organisation compte 14 syndicats membres qui représentent plus de 50 métiers spécialisés et 14 000 membres syndiqués. Nous sommes fiers d’être des chefs de file en matière de diversité et d’inclusion, grâce à nos trois bureaux consacrés aux métiers spécialisés autochtones et nos objectifs pouvant atteindre 20 % dans le cadre de certains projets, ce qui nous permet de soutenir la diversité et l’inclusion à tous les niveaux.

Je suis issu de l’industrie pétrolière et gazière de Terre-Neuve-et-Labrador. Mon père était soudeur de tuyaux à haute pression; lui et ma mère ont déménagé notre famille de l’Alberta à Terre‑Neuve-et-Labrador en 1987, en misant sur le projet Hibernia pour notre avenir. J’ai fait mes débuts dans l’industrie en tant qu’apprenti tuyauteur pendant la construction de Terra Nova, un navire de production, stockage et déchargement flottant, ou FPSO. Pouvez-vous imaginer ce que l’on ressent lorsque le bureau de votre syndicat vous appelle pour vous demander si vous aimeriez travailler à la construction d’une installation pétrolière extracôtière dans votre province d’origine? Je peux vous dire qu’il n’y a pas beaucoup de mots pour décrire ce sentiment.

En raison de sa complexité et de ses exigences techniques, le projet de construction du FPSO Terra Nova m’a permis d’améliorer mes compétences à tel point que ce projet a changé ma vie pour toujours. Je n’étais pas le seul à vivre cette expérience; il y avait des milliers d’autres personnes comme moi, qui ont eu la chance d’acquérir de nouvelles compétences transférables à n’importe quel secteur industriel de notre grand pays.

Grâce à mes nouvelles compétences, j’ai pu travailler pendant plusieurs années dans l’industrie extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador en tant que technicien d’entretien sur la plateforme Hibernia et le FPSO Terra Nova. Quel sentiment de satisfaction m’a apporté le fait d’avoir bouclé la boucle en travaillant dans le secteur des hydrocarbures extracôtiers de Terre-Neuve-et-Labrador, une industrie nouvelle et passionnante.

Lorsque nous construisons les infrastructures nécessaires à l’exploitation de nos ressources naturelles au Canada, en participant à l’ingénierie, à la construction, aux essais, à la mise en service ou à l’intégration de ces installations, nous devenons les personnes les plus qualifiées du monde pour exploiter et entretenir ces installations. Notre main-d’œuvre est prête à tout : elle est compétente, qualifiée, productive et sûre, tout cela parce que quelqu’un a eu la clairvoyance de veiller à ce que le travail d’exploitation de nos ressources reste en grande partie entre les mains des Canadiens.

La production de pétrole et de gaz à Terre-Neuve a commencé avec le gisement pétrolifère Hibernia, découvert en 1979 sur les Grands Bancs de Terre-Neuve-et-Labrador, à plus de 300 kilomètres de St. John’s.

En 1986, afin d’instaurer la certitude et d’encourager les investissements, les gouvernements du Canada et de Terre-Neuve-et-Labrador ont signé l’Accord atlantique pour régir la gestion des ressources pétrolières et gazières extracôtières. L’accord garantissait aux résidants de Terre-Neuve-et-Labrador des emplois et des possibilités de formation. L’un des éléments clés de cet accord est qu’il reconnaît les droits de la province en tant que principal bénéficiaire des ressources situées au large de ses côtes.

Dans le cadre de l’accord, les promoteurs doivent déposer un plan de développement qui englobe un plan de retombées économiques, dont les éléments essentiels sont les retombées industrielles et les avantages liés à l’emploi.

L’Office fédéral-provincial des hydrocarbures extracôtiers aide les promoteurs à élaborer ce plan. Les lignes directrices portent sur la construction, la production et l’exploitation, entre autres choses, et elles soulignent qu’elles offrent d’importantes possibilités d’approvisionnement et d’emploi pour les entreprises et les résidants de la province. Il s’agit de plans détaillés qui décrivent les travaux de construction à réaliser et les activités à mener dans la province, ainsi que la main-d’œuvre demandée et les heures-personnes et effectifs requis par rapport à l’ensemble du projet, afin de faire en sorte que la province soit la principale bénéficiaire du projet.

Le développement d’Hibernia est devenu réalité au début des années 1990, lorsque le gouvernement fédéral a acquis une participation de 8,5 % dans Hibernia, grâce à des garanties de prêt d’une valeur de 2,7 milliards de dollars. Sans cet investissement fédéral, le projet aurait échoué et la province de Terre-Neuve aurait connu de graves difficultés économiques.

Avant cet investissement fédéral, Terre-Neuve-et-Labrador était décrite comme une économie fondée sur des ressources naturelles, dont les piliers étaient la pêche, l’exploitation forestière et l’extraction de minéraux.

La province avait dû faire face à plusieurs difficultés, et de nouveaux problèmes surgissaient. L’industrie de la pêche était en difficulté en raison de la réduction des quotas de poissons de fond et des fermetures connexes, et l’industrie forestière était affaiblie par le marché international du papier journal. Conscients de ces défis, les gouvernements ont consacré des efforts considérables à la stimulation du développement pétrolier et gazier.

Le développement du gigantesque projet pétrolier Hibernia a été approuvé par les deux ordres de gouvernement, et le consortium Mobil a négocié les modalités d’un accord final sur les retombées économiques. La construction et la production ont commencé à engendrer des revenus personnels plus élevés, stimulés davantage par la hausse des dépenses de consommation.

Le coup économique le plus dur que la province a subi pendant cette période a été la fermeture complète de la pêche à la morue du Nord. En juillet 1992, des dizaines de milliers de personnes ont perdu leur moyen de subsistance. L’impact économique a été décrit comme équivalent de la fermeture du secteur automobile en Ontario.

À cette époque, le taux de chômage dans la province était élevé, quel que soit le critère de comparaison utilisé, et les travailleurs devaient compter sur des emplois à temps partiel ou saisonniers, des mesures de soutien du revenu, des prestations d’assurance-emploi et des programmes d’adaptation de la main‑d’œuvre pour survivre. Bon nombre des travailleurs licenciés du secteur de la pêche ont suivi des cours de formation dans le cadre d’un programme de recyclage professionnel et sont devenus les travailleurs qualifiés d’aujourd’hui.

En 1993, le taux de chômage s’élevait à 20,1 %. Il était de loin le plus élevé de toutes les provinces canadiennes, et il représentait près du double du taux national de 11,4 %. En 2024, le taux de chômage à Terre-Neuve était de 10 %, comparativement à 6,3 % pour l’ensemble du Canada. Nous avons certainement réduit l’écart qui existait, et le pétrole et le gaz ont été les principaux facteurs qui ont contribué à cette réussite.

L’investissement dans le projet Hibernia effectué par le gouvernement du Canada a suscité plus que sa part de critiques. Cependant, en 2022, en réfléchissant à cet investissement, l’ancien premier ministre Brian Mulroney a souligné qu’Hibernia était une initiative transformatrice qui avait permis à la province de survivre au chômage massif causé par le moratoire sur la pêche à la morue et de devenir une province « nantie » dès 2008.

En date de 2022, le projet Hibernia s’est révélé être une véritable manne financière qui a rapporté plus de 15 milliards de dollars au trésor provincial et quatre milliards de dollars de plus au gouvernement fédéral. L’incidence sociale et économique globale du projet reste une source de fierté pour tous les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador. En 1997, lorsque la première production de pétrole a eu lieu, le produit intérieur brut de Terre-Neuve s’élevait à 16,3 milliards de dollars.

Dix ans plus tard, en 2007, ce chiffre atteignait 27,3 milliards de dollars, soit 10 milliards de plus. Lorsque la construction du projet Hibernia a débuté au début des années 1990, le projet devait durer entre 18 et 20 ans et produire un peu plus d’un demi-milliard de barils de pétrole. Mais un quart de siècle plus tard, la production du projet a dépassé les 1,2 milliard de barils, et le projet devrait continuer de produire du pétrole pendant deux décennies de plus.

Hibernia a donné naissance à une industrie pétrolière et gazière plus importante qui comprend désormais quatre autres champs pétrolifères en production et qui pourrait en englober un cinquième, alors qu’Equinor avance de plus en plus vers la prise d’une décision finale d’investissement dans le gigantesque projet Bay du Nord.

Récemment, Trades NL a réalisé une évaluation économique des retombées sur l’emploi qui ont découlé de la construction des cinq projets pétroliers et gaziers depuis le lancement d’Hibernia. Cette étude revêtait une grande importance pour Trades NL étant donné que la négociation d’un accord sur les retombées du projet Bay du Nord est en cours, mais n’a pas encore abouti, et étant donné que le secteur de la construction est essentiel à notre développement économique. Ce secteur figure effectivement au cinquième rang pour sa contribution à notre PIB.

La construction de projets pétroliers et gaziers a joué un rôle majeur dans la création d’emplois et a permis à Terre-Neuve-et-Labrador de conserver une main-d’œuvre hautement qualifiée et productive.

Depuis 1990, les cinq plateformes de production pétrolière et gazière, encore en activité aujourd’hui, y compris Hibernia, Terra Nova, SeaRose, Hebron et, plus récemment, West White Rose, ont été construites à Terre-Neuve par des artisans hautement qualifiés.

Au total, les coûts de construction ont dépassé les 28 milliards de dollars et ont engendré plus de 195 millions d’heures de travail, si l’on ne tient pas compte du projet Hebron, dont les données n’étaient pas disponibles. Près de 70 % de ces heures de travail ont été effectuées à Terre-Neuve-et-Labrador.

La présidente : Avez-vous presque terminé, car nous n’aurons pas assez de temps pour que tous les sénateurs puissent poser leurs questions?

M. Fiander : Je suis presque arrivé à la fin de mon exposé.

Si l’on examine chaque projet individuellement, on constate que nous avons obtenu d’excellents résultats avec chacun d’entre eux, et que nous avons créé ainsi un nombre important d’emplois chaque année à Terre-Neuve-et-Labrador. De 1990 à 1997, nous avons créé pas moins de 2 500 emplois par an pendant huit années dans le cadre du projet Hibernia; de 1998 à 2002, nous avons créé 900 emplois par an pendant quatre années dans le cadre du projet Terra Nova; nous avons créé 1 300 emplois pendant quatre années dans le cadre du projet SeaRose; nous avons créé 3 300 emplois pendant sept années dans le cadre du projet Hebron; et de 2017 à 2024, nous avons créé 850 emplois pendant huit années dans le cadre du projet West White Rose, en tenant compte, bien sûr, de l’interruption causée par la pandémie de COVID.

En ce qui concerne le moment où l’emploi était à son plus fort, Terre-Neuve-et-Labrador a connu ce moment dans le secteur de la construction en 2015 dans le cadre du projet Hebron, alors que 6 018 travailleurs travaillaient au développement de ce projet.

Nos recherches ont montré que Terre-Neuve-et-Labrador a été le principal bénéficiaire de ces projets du point de vue de l’emploi. Pendant la construction du système de production flottant SeaRose, 68 % des emplois ont été créés dans notre province. C’est une réussite assez remarquable pour une île qui compte un peu plus de 500 000 habitants.

L’industrie pétrolière et gazière a eu un effet transformateur sur la province, non seulement en raison de l’ampleur et de la durée des retombées économiques de cette activité, mais aussi parce qu’elle a engendré un large éventail d’avantages et de bénéficiaires. Ces capacités ne se limitent pas à cette industrie, car les projets du secteur pétrolier et gazier ont rendu nos entreprises et notre main-d’œuvre très compétitives, ce qui leur a permis d’obtenir des contrats, notamment dans le domaine de la construction, dans le cadre d’autres projets à l’échelle locale, nationale et internationale.

Alors que la province s’efforce encore de se hisser au même niveau que les autres provinces canadiennes, l’industrie pétrolière et gazière nous a appris que nous pouvons diversifier notre économie, mener à bien des projets de la façon la plus sécuritaire possible, tout en respectant les délais établis et les limites du budget prévu.

Nous sommes ravis que le budget de 2026 du gouvernement canadien indique que le Canada est une nation fière de ses bâtisseurs et qu’il est temps de recommencer à construire. La voie à suivre consiste certainement à investir dans des infrastructures stratégiques, à accélérer la mise en œuvre de projets et à veiller à ce que les grands projets soient réalisés au Canada, dans l’intérêt des Canadiens.

La construction du projet Bay du Nord doit se faire ici même, au Canada, et nous sommes prêts et capables de la réaliser. Nous voulons fournir des emplois à nos travailleurs de la construction, à nos travailleurs de l’automobile qui souhaitent suivre des cours de recyclage professionnel dans le secteur de la construction, à nos travailleurs de l’acier et de l’aluminium et à d’autres fournisseurs industriels canadiens qui fournissent des matériaux pendant les travaux de construction.

En construisant au Canada, on soutient les Canadiens. Je vous remercie de votre attention.

La présidente : Je vous remercie. Madame Cochrane, avez‑vous quelque chose à ajouter?

Rachelle Cochrane, directrice des politiques, de l’innovation et de la recherche économique, Trades NL : Non, ça va. Merci.

[Français]

La sénatrice Verner : Merci à vous trois pour votre présence ici ce matin.

Ma question s’adresse à M. Barnes.

Dans une déclaration publique le 10 septembre 2025, la présidente de votre association recommandait au gouvernement fédéral d’agir rapidement pour établir un cadre réglementaire plus pragmatique qui permettrait d’attirer plus d’investissements au Canada, notamment pour des projets dans le secteur pétrolier et extracôtier. Ce pragmatisme fait-il référence à l’abandon des dispositions de la Loi sur l’évaluation d’impact et de la réglementation en vue de plafonner les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie pétrolière canadienne? Aussi, en quoi ce nouveau cadre pourrait-il faire en sorte qu’un projet déjà approuvé, comme celui de Bay du Nord, puisse aller de l’avant d’ici la fin de l’année prochaine?

[Traduction]

M. Barnes : Je ne comprends pas tout à fait votre question. À quel cadre législatif faites-vous allusion?

La sénatrice Verner : Au projet de loi C-69.

M. Barnes : La Loi sur l’évaluation d’impact, n’est-ce pas?

La sénatrice Verner : Oui.

M. Barnes : Eh bien, le projet Bay du Nord a déjà fait l’objet d’une évaluation des impacts, et il a été approuvé par le gouvernement fédéral dans le cadre de ce processus. Il a déjà été approuvé dans le cadre de l’évaluation des impacts, et il en est maintenant à l’étape finale, c’est-à-dire que les promoteurs travaillent avec le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador à l’élaboration d’un accord sur les retombées économiques, qui comprend des emplois dans le secteur de la construction et des redevances.

[Français]

La sénatrice Verner : Pour d’autres projets, croyez-vous que votre présidente faisait référence à la Loi sur l’évaluation d’impact?

[Traduction]

M. Barnes : Je ne sais pas exactement ce que ma présidente disait à ce moment-là. Le projet de loi C-69 nous pose un problème, car cette loi crée une certaine incertitude et manque de clarté dans certaines sections en ce qui concerne la manière dont les projets de production pétrolière peuvent être soumis au processus d’évaluation environnementale.

[Français]

La sénatrice Verner : Je vais faire la lecture de l’extrait de sa déclaration publique pour qu’on ait une meilleure compréhension.

[Traduction]

[...] le gouvernement fédéral doit agir rapidement pour répondre à la nécessité de réviser certaines politiques. La mise en œuvre d’un cadre réglementaire plus pragmatique est nécessaire pour permettre au Canada d’être compétitif à l’échelle mondiale en matière d’investissements et pour attirer davantage de propositions de projets de la part des promoteurs du secteur privé [...]

Voilà ce qu’elle a déclaré.

M. Barnes : Depuis de nombreuses années, l’industrie pétrolière et gazière est aux prises avec une série de lois fédérales que nous qualifions de « cumulatives », en ce sens que plusieurs lois fédérales empêchent les investisseurs de notre industrie d’investir ici, au Canada, en raison du temps qui est nécessaire pour franchir les étapes du processus réglementaire.

La Loi sur l’évaluation d’impact, en particulier le projet de loi C-69, n’indique pas clairement combien de temps il faudra réellement pour faire approuver un projet une fois que le processus d’approbation est lancé. Nous n’observons ce problème dans aucun autre pays où notre industrie exerce ses activités. Cela a eu pour effet d’inciter des investisseurs à quitter le Canada ou à ne pas investir au Canada, au profit d’autres pays.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais d’abord vous remercier, monsieur Fiander, de nous avoir expliqué votre point de vue sur les effets positifs du boom pétrolier pour Terre-Neuve et sur ce que cela a fait pour des gens comme vous et pour la population. Je suis consciente que tout cela est important dans une province où l’économie et la pêche, notamment la pêche à la morue, allaient vraiment très mal.

Cela étant dit, vous dites qu’il y a un ralentissement de l’exploration dans votre province. N’est-ce pas tout simplement attribuable à la concurrence internationale, qui fait que le pétrole qui vient du Brésil et de la Guyane coûte moins cher? Vous êtes dans un marché international et toute la question des salaires fait qu’on peut pomper du pétrole à meilleur prix ailleurs qu’au Canada. N’est-ce pas là votre principal problème?

[Traduction]

M. Fiander : Il y a peut-être une part de vérité dans ce que vous dites. Il est possible de développer ce projet dans d’autres pays à moindre coût. En particulier, en ce qui concerne le projet Bay du Nord, Equinor a choisi de le développer entièrement à l’étranger, c’est-à-dire à Singapour. D’après l’analyse économique que nous avons réalisée, le Canada se compare très favorablement à Singapour du point de vue des coûts de la main‑d’œuvre. En gros, le Canada paie environ 37 $ et quelques cents de l’heure, en dollars américains, alors que Singapour paie environ 35 $ de l’heure. Nous sommes concurrentiels en ce qui concerne ce projet.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais vous poser une question qui me vient à l’esprit grâce au groupe précédent. L’industrie pétrolière a des responsabilités. Comment se fait-il qu’historiquement, il n’y ait aucune compensation qui ait été accordée aux pêcheurs qui perdent leurs lieux de pêche et leurs bancs de poissons quand l’exploration s’avère positive et que vous développez? Il me semble que cette question de compensation revient à l’industrie pétrolière, dans la mesure où vous prenez les lieux, vous les exploitez, et à cause de cela, les pêcheurs perdent une partie de ce qu’ils ont bâti. Comment expliquer cette absence de compensation quand on sait qu’actuellement, dans l’industrie éolienne, il est question de compensation des pêcheurs?

[Traduction]

M. Fiander : Je ne suis certainement pas en mesure de parler de la compensation des pêcheurs.

M. Barnes : Je peux parler de cet enjeu. Il existe des programmes d’indemnisation pour l’exploration et la production afin de compenser toute répercussion directe que l’industrie pétrolière et gazière pourrait avoir sur l’industrie de la pêche. La réglementation exige que les sociétés pétrolières et gazières mettent en place des programmes d’indemnisation. En fait, il existe un programme d’indemnisation instauré à l’échelle de l’industrie qui, en cas de dommages infligés aux engins de pêche qui ne peuvent être attribués à une société pétrolière ou gazière en particulier, prévoit une procédure pour indemniser les pêcheurs. Cela dit, je pense que la question que vous souleviez concerne la perte de zones de pêche.

La zone utilisée pour l’exploration et la production pétrolières et gazières est assez limitée. Elle est interdite à l’industrie de la pêche, et elle s’étend sur une aire de 500 mètres. Cette restriction est principalement motivée par des raisons de sécurité. Nous ne voulons pas que des membres de l’industrie de la pêche pénètrent dans cette zone et endommagent leurs navires ou leurs engins de pêche à cause des équipements pétroliers et gaziers qui s’y trouvent, mais les zones visées par l’ensemble du permis d’exploration et même l’ensemble du permis de production restent ouvertes à l’industrie de la pêche. Les pêcheurs pêchent assez souvent dans certaines de ces zones. Si des préoccupations existent quant à l’indemnisation des pêcheurs pour la perte de zones de pêche, nous n’en avons pas été informés directement. Nous avons entendu les propos de Mme Power ce matin. Il existe à Terre-Neuve des mécanismes permettant d’entamer ce dialogue non seulement avec l’industrie, mais aussi avec les organismes de réglementation concernés, à savoir le ministère des Pêches et des Océans et l’Organisme de réglementation des activités d’exploitation énergétique extracôtières Canada-Terre-Neuve-et-Labrador, respectivement.

La sénatrice Miville-Dechêne : Quatre ou cinq plateformes ont été construites au large des côtes de Terre-Neuve. Les pêcheurs ont évidemment perdu des lieux de pêche. N’ont-ils jamais reçu une quelconque compensation pour cette perte?

M. Barnes : À ma connaissance, aucune compensation n’a été versée à ce titre, mais je tiens à répéter que la perte de zones de pêche est assez faible. Il existe une zone d’exclusion de 500 mètres autour de chaque plateforme, ce qui peut sembler vaste, mais qui est assez minime dans l’ensemble. Les espèces de poissons nagent simplement autour des plateformes. Elles sont toujours là. Les membres de l’industrie de la pêche peuvent pêcher à peu près dans la même zone que celle visée par le permis. Ils ne peuvent simplement pas s’approcher trop près des plateformes pour des raisons de sécurité.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

[Français]

Le sénateur Aucoin : J’ai deux questions. Elles s’adressent à M. Barnes.

Je vais continuer la discussion à propos de la compensation, qui est ma première question. Je comprends que l’espace utilisé est très petit, mais il y a quand même une interruption de certaines zones de pêche; il y a aussi tout le trafic maritime qui est touché dans les cas où il y a de l’exploration. Vos membres seraient-ils potentiellement ouverts à une compensation générale avant que l’exploration sismique ou l’exploitation même soit entamée? Se pourrait-il que vos membres soient ouverts à cela?

[Traduction]

M. Barnes : Nos membres sont tout à fait disposés à discuter de cette question. Il y a d’ailleurs un exemple récent. Dans le cadre du projet West White Rose, qui est en cours de construction près de Marystown, à Terre-Neuve-et-Labrador, il y a eu quelques perturbations dans les zones de pêche où l’on construit la plateforme. Le secteur de la pêche et l’exploitant pétrolier et gazier responsable de cette plateforme ont dialogué directement, et on a proposé une compensation.

Aucune structure réglementaire ne réglemente ou ne permet ce type d’accord. Simplement, les industries ont eu une discussion et une compensation a été offerte. Il y a eu des exemples de ce type.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Cette discussion devrait-elle avoir lieu directement entre vos membres et l’industrie de la pêche, ou cela devrait-il être une conversation tripartite entre les pêcheurs, le gouvernement et les producteurs? Il pourrait s’agir simplement d’un pourcentage que vous payez, par exemple 12,5 % à l’avenir. Ainsi, il n’y aurait qu’un seul montant, et parmi les redevances payées, une partie serait versée aux pêcheurs.

[Traduction]

M. Barnes : En tant qu’acteur du secteur pétrolier et gazier, nous privilégions la certitude réglementaire. La réponse à votre question est la suivante : l’idéal serait que l’on établisse des règlements relatifs à la compensation avant toute activité d’exploration ou de production, voire avant l’octroi des licences d’exploitation extracôtière. Notre secteur saurait alors ce qui est requis pour mener des activités dans cette zone et si une compensation doit être versée. Nous pourrions alors prendre les décisions économiques pertinentes et déterminer si l’activité doit être mise en œuvre ou non.

[Français]

Le sénateur Aucoin : Voici ma troisième question. Vous avez mentionné que cela prenait un régime et des lois ou des règlements en place pour que ce soit un secteur sûr. Avez-vous d’autres suggestions à faire au comité que nous pourrions transmettre pour rendre le tout plus efficace, afin qu’à long terme, nous ayons justement des soumissions pour développer d’autres secteurs comme Bay du Nord? Pouvez-vous nous parler de cela?

[Traduction]

M. Barnes : Je n’ai pas de recommandations particulières à formuler quant au type de programme de compensation. Je pense que si les autorités réglementaires ou les...

[Français]

Le sénateur Aucoin : Ce n’est pas ce que je veux dire. Je ne parle plus de compensation. Pour que l’industrie aille de l’avant — il semble que ce soit maintenant au point mort —, avez-vous des suggestions ou des recommandations à faire sur ce que nous pouvons faire pour faire avancer les dossiers ou pour que l’industrie reprenne l’exploitation?

[Traduction]

M. Barnes : C’est une bonne question. Nous constatons une certaine évolution dans ce sens dans le budget fédéral, dans lequel on parle de la volonté de rendre le Canada plus compétitif. Nous constatons que le budget fait référence à la suppression du plafond d’émissions, qui a freiné les investissements dans notre secteur. Nous entendons des commentaires positifs concernant la modification de la réglementation sur le méthane, notamment la révision ou le réexamen de la Loi sur l’évaluation d’impact et d’autres lois fédérales, qui ont une incidence sur les investissements dans ce pays, comme je l’ai mentionné tout à l’heure. Le gouvernement fédéral envoie des signaux positifs quant à sa volonté d’apporter des changements afin de permettre les investissements à l’avenir et de rendre sa compétitivité au Canada pour attirer les investissements dans notre secteur pétrolier et gazier.

Le sénateur Arnot : Monsieur Barnes, l’Association canadienne des producteurs pétroliers préfère la certitude réglementaire, comme vous l’avez dit. Le plafond fédéral des émissions n’est encore qu’une proposition. Comment l’industrie extracôtière prévoit-elle de s’y conformer en l’absence d’un cadre réglementaire définitif et exécutoire?

M. Barnes : C’est une bonne question. Notre industrie — tant extracôtière que dans l’ensemble du Canada — se concentre sur la réduction des émissions en l’absence de toute législation officielle en la matière. Ces activités se poursuivent, que les règlements relatifs au plafonnement des émissions entrent en vigueur ou non. Elles se poursuivront à l’avenir. Notre secteur est en pleine mutation. Notre secteur souhaite réduire ses émissions.

Le problème est que dans sa formulation actuelle, le règlement proposé en matière de plafonnement des émissions « bloquera » la production des activités extracôtières plus tôt qu’il ne le devrait, car, à mesure qu’un champ pétrolier extracôtier vieillit, les émissions augmentent pour extraire plus de pétrole. Cependant, si un plafond est mis en place, la production ne peut plus se poursuivre et le champ doit être fermé prématurément, ce qui entraîne une perte d’avantages économiques. La réponse exacte à votre question est que nous souhaitons toujours que ce plafond d’émissions soit modifié, car il a un effet sur les investissements.

Le sénateur Arnot : Compte tenu de l’intensification des politiques climatiques mondiales et de l’incertitude liée à l’avenir de la demande, comment l’Association canadienne des producteurs pétroliers évalue-t-elle le risque lié aux actifs délaissés pour les investissements dans l’exploitation extracôtière à long terme?

M. Barnes : En tant qu’association, nous ne procédons pas à cette évaluation. Cependant, nous savons que nos membres, en particulier ceux qui opèrent dans la zone extracôtière de Terre‑Neuve, sont généralement de grandes multinationales qui investissent dans le monde entier et qui procèdent à ce type d’analyse. Mais notre association ne le fait pas.

Le sénateur Arnot : Madame Cochrane, d’après votre modélisation, l’avenir économique de Terre-Neuve dépend-il trop des revenus pétroliers extracôtiers et des cycles des projets? La province de Terre-Neuve a-t-elle une vision claire de la demande en main-d’œuvre en fonction de différents scénarios de transition énergétique, en particulier alors que les activités extracôtières déclinent plus rapidement que prévu?

Mme Cochrane : La province accorde assurément une attention considérable au développement d’autres secteurs. C’est le cas depuis que nous avons été frappés par la crise majeure des années 1990. Ces secteurs ne génèrent pas le même potentiel d’emploi et de revenus que ceux du pétrole et du gaz. Leur développement n’est pas aussi rapide. La diversification de l’économie est évidemment essentielle. Je pense que la province en est consciente et consacre beaucoup de temps à la recherche d’autres secteurs. Nous discutons avec eux au sujet de la défense, de l’aérospatiale et d’un certain nombre d’autres industries. Oui, tout le monde cherche à résoudre ce problème. Encore une fois, nous ne devons jamais oublier ce que M. Fiander a souligné, à savoir que nous sommes une île au milieu de l’Atlantique Nord. Nous devons cerner notre avantage concurrentiel et l’exploiter. C’est ce qu’ils font.

Le sénateur Arnot : Monsieur Fiander, dans quelle mesure les travailleurs qualifiés sont-ils vulnérables au ralentissement de l’activité extracôtière? La province de Terre-Neuve a-t-elle pris suffisamment de mesures pour préparer les membres de votre organisation à saisir les opportunités autres que celles liées au pétrole? Pensez-vous que les gens de métier bénéficient d’un soutien adéquat en matière de formation et d’accréditation pour les projets d’électrification éolienne, d’hydrogène et de décarbonisation marine extracôtiers?

M. Fiander : Du point de vue de la formation, en ce qui concerne la réalisation de projets relatifs à l’énergie éolienne et à l’hydrogène, il y a un an, nous nous préparions à mettre en place de nouvelles formations afin d’améliorer les compétences des compagnons et des apprentis de la province. Nous dépendons du secteur pétrolier, mais nous avons diversifié nos sources d’énergie à Muskrat Falls. Nous avons développé l’hydroélectricité. L’exploitation minière dans la province est actuellement en plein essor. Nous devons la soutenir.

Une fois encore, les projets extracôtiers menés dans notre province ont joué un rôle déterminant. Je pense que sans tous ces projets, la province ne compterait pas autant de gens de métier. Cela fait maintenant 35 ans que nous développons et construisons. Si le projet Bay du Nord est confié à un autre pays, nous allons perdre nos compétences et nos capacités, et nos employés iront là où on aura besoin d’eux... ailleurs au Canada ou ailleurs dans le monde. Il est essentiel que nous construisions le projet Bay du Nord à Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Fridhandler : Monsieur Barnes, j’aimerais approfondir un peu plus la question de la compétitivité de la zone extracôtière de Terre-Neuve et des marchés mondiaux sur lesquels vos membres sont présents. Leur capital peut aller n’importe où, et il ira là où ils pensent pouvoir obtenir le meilleur retour sur investissement.

Vous avez suggéré que l’on revoit la politique gouvernementale. Cette idée semble provenir de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, car elle est souvent évoquée. S’agit-il là du seul élément dont nous devons nous préoccuper relativement aux décisions d’investissement de vos membres?

Sommes-nous satisfaits des régimes fiscaux, des régimes de redevances et de la main-d’œuvre? J’essaie de dresser une liste des enjeux que nous pourrions aborder afin de rendre la zone extracôtière de Terre-Neuve plus attrayante. Vous n’allez pas nous donner la fiche d’évaluation des décisions d’investissement prises par vos membres, mais le sujet est plus large. Si vous voulez me dire que les seules préoccupations concernent les émissions de méthane et de plafonds, très bien, c’est tout. Je pense toutefois qu’il y en a d’autres. Vous n’avez peut-être pas de réponse à me donner aujourd’hui, mais j’aimerais que l’Association canadienne des producteurs pétroliers me fournisse une réponse écrite plus complète. Il est important pour notre étude que nous comprenions la situation du point de vue des investisseurs. Souhaitez-vous vous lancer et faire une introduction?

M. Barnes : D’accord. Nous fournirons une réponse plus complète dans notre mémoire. En bref, les politiques du gouvernement fédéral et certaines des lois que j’ai mentionnées tout à l’heure ont assurément eu des répercussions, mais il ne s’agit pas de la seule incidence.

En tant qu’industrie pétrolière et gazière, nous examinons également les réussites que nous avons connues dans divers bassins avant d’investir. À Terre-Neuve, les forages d’exploration récents ont donné très peu de résultats, comparé à ce que nous avons connu par le passé. En conséquence, certaines entreprises ont décidé de remettre en question leur décision d’investir à Terre-Neuve, où les résultats n’ont pas été satisfaisants dernièrement. Nous suivons également de près la décision relative à l’investissement dans le projet Bay du Nord, qui devrait être prise dans les prochains mois, car elle sera déterminante pour l’intérêt futur pour Terre-Neuve et les investissements potentiels. Cette situation, conjuguée au climat d’investissement qui règne dans l’ensemble du Canada, a compromis certaines occasions d’investissement dans le secteur pétrolier et gazier à Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Fridhandler : Monsieur Fiander, pour ce qui est de la main-d’œuvre, nombre de vos membres possèdent des compétences uniques et travaillent depuis longtemps dans le secteur extracôtier. Les Terre-Neuviens ont toujours passé beaucoup de temps dans le Nord de l’Alberta, dans la région de Fort McMurray, et de nombreux ouvriers qualifiés y travaillent. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Il serait formidable de créer plus d’emplois à Terre-Neuve même. Les gens doivent être mobiles et pouvoir se rendre là où se trouve le travail. Quels types d’initiatives nationales et internationales liées aux projets extracôtiers sont réalisées par des personnes formées à Terre‑Neuve, c’est-à-dire des Terre-Neuviens?

M. Fiander : Nos membres, moi y compris, ont passé beaucoup de temps à Fort McMurray et dans d’autres endroits du pays. Si nous cessons d’investir dans la construction dans la province, un plus grand nombre de personnes quitteront la région. Nous avons actuellement la possibilité de continuer de développer nos compétences.

Je vais à nouveau m’appuyer sur les 35 années d’expérience de notre main-d’œuvre. Nous avons quitté les secteurs de la pêche et de la sylviculture pour créer une nouvelle industrie. Celle-ci a produit les milliers de gens de métier dont dispose aujourd’hui Terre-Neuve-et-Labrador, et les avantages qui en découlent pour le monde entier. Nos travailleurs sont présents en Espagne, dans les chantiers navals en Irlande et en Norvège, partout au Canada, de Kitimat jusqu’à l’Ontario, où ils travaillent dans le secteur de l’énergie nucléaire. Nos compétences sont recherchées partout.

Nous sommes ravis de pouvoir voyager, de participer à certains de ces projets et d’aider d’autres provinces. Si nous avions le choix, nous préférerions construire à Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Youance : Ma première question s’adresse à M. Barnes.

Dans le contexte de l’exploration extracôtière du pétrole de Terre-Neuve-et-Labrador, des données récentes nous montrent une baisse progressive des revenus transférés par l’industrie au gouvernement provincial, alors que les dépenses publiques — notamment les salaires et les conditions d’emploi — continuent d’augmenter. Un économiste nous a dit que cette tendance met en péril la stabilité financière de la province si les contributions de l’industrie ne se redressent pas.

Quelles sont les perspectives actuelles pour le secteur pétrolier extracôtier? Existe-t-il des leviers permettant d’inverser cette dynamique? Peut-on espérer, en quelque sorte, que les transferts vont augmenter dans les prochaines années, tout en évitant une surexploitation des ressources et des apports d’investissement public? Je me pose toujours la question : pourquoi est-ce qu’une industrie qui gagne autant d’argent a besoin d’argent public?

[Traduction]

M. Barnes : À l’avenir, les champs actuellement en exploitation au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador généreront assurément des redevances et des retombées économiques. Ces bénéfices se poursuivront à l’avenir. Cependant, l’avenir est limité, car un certain nombre de ces plateformes arrivent à la fin de leur cycle de vie en raison de l’épuisement des gisements. À terme, elles cesseront de produire, et les installations seront mises hors service puis démantelées. Terre-Neuve-et-Labrador va bientôt atteindre une échéance, d’ici une dizaine d’années, et l’État va certainement voir ses redevances et autres avantages économiques diminuer, car la production cessera dans ces installations.

Cela dit, l’avenir reste prometteur, car nous avons des projets comme Bay du Nord et — si l’exploration est fructueuse — d’autres pourraient suivre, qui, espérons-le, remplaceront les projets qui arrivent à leur terme. Les redevances que généreront ces projets et les avantages qui en découleront reviendront à la province.

[Français]

La sénatrice Youance : Merci.

Ma deuxième question s’adresse à M. Fiander, mais probablement que M. Barnes peut également y répondre, parce qu’elle est en lien avec sa réponse.

Je vais revenir sur le point de départ de l’industrie extracôtière. Celle-ci s’est développée pour répondre à un besoin économique, notamment en raison du moratoire sur la pêche à la morue, qui constituait à l’époque un pilier de l’économie provinciale. Aujourd’hui, on constate que les zones de pêche et les zones destinées à l’exploitation extracôtière ne peuvent coexister.

Je vais être un peu provocatrice : peut-on avancer que l’industrie pétrolière pourrait progressivement remplacer celle de la pêche comme moteur économique de la province? Comment les représentants des métiers perçoivent-ils cette reconversion et les conséquences sociales et économiques d’un tel changement?

[Traduction]

M. Fiander : Les industries de la pêche et du pétrole peuvent coexister. En ce qui concerne la production extracôtière et le remplacement de l’industrie de la pêche, nous ne souhaitons pas remplacer l’industrie de la pêche. Cette activité doit être gérée séparément, mais en gardant à l’esprit que l’industrie pétrolière aura une incidence sur l’industrie de la pêche. Nous sommes d’accord. Pour revenir au point soulevé plus tôt par M. Barnes, nous n’avons pas entendu dire qu’il y a beaucoup d’interruptions dans les zones de pêche des Grands Bancs à l’heure actuelle.

M. Barnes : Oui. Je suis d’accord avec M. Fiander. Les deux industries peuvent assurément coexister, comme elles le font depuis leur implantation à Terre-Neuve. Elles coexistent également dans d’autres administrations similaires dans le monde entier.

Il existe à Terre-Neuve une entité unique appelée One Ocean. Il s’agit d’une initiative qui a été créée il y a plus de 20 ans par l’industrie de la pêche et l’industrie pétrolière et gazière, dans le cadre de laquelle les dirigeants des deux secteurs se réunissent régulièrement pour discuter de questions d’intérêt commun. Cette communication nous a permis de régler les problèmes avant qu’ils ne s’aggravent. La collaboration avec ce groupe a donné lieu à de nombreuses expériences positives.

[Français]

La sénatrice Youance : J’ai une autre question.

Vous avez dit qu’éventuellement, les forages actuels vont fermer et que les structures ne seront plus utiles. Est-ce qu’on pourrait imaginer que ces périmètres qui ont été fermés à la pêche pourraient être rendus à la pêche? Vous pouvez nous faire parvenir un document, si vous n’avez pas une réponse immédiate.

[Traduction]

M. Barnes : La réponse est tout simplement oui. Lorsque les plateformes de production seront mises hors service — lorsqu’elles ne seront plus utilisées —, on les retirera de la zone extracôtière de Terre-Neuve, et la petite zone actuellement interdite à la pêche sera ouverte.

Le sénateur Lewis : Monsieur Fiander, j’ai aimé l’idée de faire venir d’autres travailleurs du Canada à Terre-Neuve lorsque l’on aura développé l’industrie pétrolière. Espérons qu’il y aura beaucoup à développer et de nombreuses occasions pour les travailleurs canadiens de tout le pays de se rendre à Terre-Neuve. Peut-être qu’un vol plein de travailleurs du secteur pétrolier reliera Ottawa à St. John’s deux ou trois fois par semaine.

Pour ce qui est de la compétitivité, la province et le gouvernement fédéral disposent de plusieurs moyens de rendre le secteur de la construction à Terre-Neuve plus compétitif. Vous avez évoqué les différences salariales. Dans le reste du pays, on trouve des mesures comme l’exonération de redevances pendant les phases de construction.

Je suis sûr que si la construction est réalisée à Singapour, l’acier, l’aluminium ou les autres produits utilisés ne proviendront pas du Canada. Les répercussions sur l’économie canadienne sont considérables. Je pense notamment aux ponts que l’on construit dans ce pays. Ils pourraient facilement être construits en Chine et réassemblés au Canada. Il serait scandaleux d’envisager cette possibilité.

Cet enjeu — à savoir le lieu et le mode de construction des nouvelles plateformes — est un aspect très mal compris et peu connu de ces projets. Il est important non seulement pour l’économie de Terre-Neuve, mais aussi pour l’économie canadienne. J’aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

M. Fiander : Oui. Vous avez dit que vous aimeriez que les Canadiens viennent visiter Terre-Neuve. Cela s’est produit il n’y a pas si longtemps, vers 2016, lorsque plusieurs projets étaient en cours dans la province, notamment Long Harbour, Hebron et Muskrat Falls. Des travailleurs de tout le Canada sont venus nous aider à réaliser ces projets, chacun à leur manière. Nous aimerions renouveler cette expérience.

Du point de vue de la compétitivité, nous avons dû répondre à des critiques portant sur notre productivité, ainsi que sur la qualité et la sécurité de notre travail. Nous avons surmonté chacun de ces problèmes et sommes aujourd’hui la main-d’œuvre la plus productive et la plus sûre au monde, et nous fournissons un travail de qualité. Je pourrais emmener notre main-d’œuvre n’importe où dans le monde. Je vous garantis que nous serions aussi bons, voire meilleurs.

Nous devons recommencer à investir dans des projets. Il est essentiel qu’une province comptant un peu plus de 500 000 habitants puisse continuer de perfectionner ses compétences. Si nous ratons un projet, vous avez vu les chiffres. Un projet peut durer de quatre à sept ans. Si vous ratez cette occasion, cette période, vos compétences disparaissent et vos collaborateurs passent à autre chose. Nous n’avons pas besoin de passer à autre chose. Il s’agit d’un secteur important. Nous ne pouvons pas l’abandonner maintenant.

La présidente : Merci, monsieur Fiander, et merci à vous tous d’avoir été présents ce matin. Nous vous remercions d’avoir pris le temps de vous joindre à nous. Notre temps ici est maintenant écoulé. Prenez soin de vous et bon retour.

(La séance est levée.)

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