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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 23 octobre 2025

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit avec vidéoconférence aujourd’hui, à 10 h 33 [HE], afin d’examiner le projet de loi S-209, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel pornographique.

Le sénateur David M. Arnot (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je m’appelle David Arnot. Je suis sénateur de la Saskatchewan et président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je vais inviter mes collègues à se présenter. Je sais que la sénatrice Batters est en route et qu’elle sera ici sous peu.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, sénateur de l’Alberta.

[Français]

La sénatrice Oudar : Manuelle Oudar, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Prosper : Paul Prosper, sénateur de la Nouvelle-Écosse et du territoire du Mi’kma’ki.

Le sénateur K. Wells : Kristopher Wells, sénateur de l’Alberta et du territoire visé par le Traité no 6.

La sénatrice Simons : Paula Simons, sénatrice de l’Alberta et aussi du territoire visé par le Traité no 6.

La sénatrice Busson : Bev Busson, sénatrice de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Clement : Bernadette Clement, de l’Ontario.

La sénatrice Saint-Germain : Raymonde Saint-Germain, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Dhillon : Baltej Dhilon, sénateur de la Colombie-Britannique.

Le président : Je vous remercie.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous nous réunissons pour poursuivre notre étude du projet de loi S-209, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel pornographique.

Dans le cadre de l’audition du groupe d’experts d’aujourd’hui, nous recevons les trois témoins suivants : M. Iain Corby, directeur exécutif, Association des fournisseurs de vérification de l’âge; Jean-Michel Polit, dirigeant principal des affaires, Needemand, qui participera à la réunion par vidéoconférence; et Julie Dawson, directrice de la réglementation et des politiques, Yoti, dont la participation par vidéoconférence a été reportée la semaine dernière en raison de difficultés techniques. Je vous souhaite la bienvenue, et je vous remercie tous de vous être joints à nous.

Nous commencerons par entendre les déclarations préliminaires, puis nous passerons aux séries de questions. Madame Dawson, vous avez fait une déclaration préliminaire la semaine dernière. Si vous souhaitez ajouter quelque chose, vous pouvez le faire maintenant; sinon, nous entendrons simplement MM. Corby et Polit.

Julie Dawson, directrice de la réglementation et des politiques, Yoti : Je vais laisser du temps pour nos partenaires commerciaux.

Le président : Fort bien. Dans ce cas, monsieur Iain Corby, je vous cède la parole pendant environ cinq minutes.

Iain Corby, directeur exécutif, Association des fournisseurs de vérification de l’âge : Je remercie le président et les sénateurs de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui.

L’Association des fournisseurs de vérification de l’âge, ou AFVA, est l’association commerciale internationale des fournisseurs de technologies de vérification de l’âge, lesquelles englobent les techniques de vérification, d’estimation et de déduction de l’âge. Je suis également l’auteur technique de la norme IEEE 2089.1, qui est une norme internationale de vérification de l’âge, et je siège aussi au sein du groupe de travail pour la norme ISO 27566, qui viendra compléter la première norme lorsqu’elle sera achevée le mois prochain.

Dans un État américain, moins de 30 jours se sont écoulés entre le premier appel que j’ai reçu d’une mère inquiète et l’adoption d’un projet de loi exigeant la vérification de l’âge. Je sais que votre projet de loi a été long à élaborer et qu’il se situe peut-être à l’opposé de cette échelle de temps, mais nous estimons que le temps que vous y avez consacré a porté fruit du point de sa qualité. J’ai déjà examiné les témoignages que vous avez entendus en comité, alors pour éviter les répétitions, je me concentrerai sur certaines questions clés qui se dégagent.

Tout d’abord, en matière d’application de la loi, j’aimerais vous faire remarquer que le projet de loi serait amélioré s’il prévoyait des pouvoirs supplémentaires comme ceux dont dispose l’organisme de réglementation britannique appelé Ofcom, des pouvoirs qui vont plus loin que de simples amendes ou le blocage de l’accès aux sites. L’Ofcom a le pouvoir d’exiger des fournisseurs de services de soutien essentiels, comme les réseaux de paiement, qu’ils privent les sites non conformes de leurs services. Nous estimons que cela constituera un outil important pour garantir la conformité des entités étrangères.

Deuxièmement, je sais que vous avez entendu parler d’un projet de loi très différent qui rendrait Apple et Google responsables de la vérification de l’âge des utilisateurs de l’industrie pornographique. Nous comprenons l’attrait de telles solutions fondées sur les appareils, et comme je vais l’expliquer, nous avons cherché à nous orienter vers cette voie et à nous éloigner de ceux qui tirent profit de la publication de contenus pour adultes. Ces deux fournisseurs de systèmes d’exploitation proposent des mécanismes permettant d’échanger des signaux d’âge, mais aucun d’eux n’offre de se porter garant de ces signaux. La solution d’Apple est en fait un contrôle parental, qui repose sur la bonne volonté des parents à saisir avec précision l’âge de leur enfant et à ne pas être incités à le hausser afin que leurs enfants puissent jouer à un jeu particulièrement violent. Google est heureux de partager les renseignements sur l’âge provenant des identifiants conservés dans son portefeuille numérique, mais il ne sera pas la source de ces identifiants et n’assumera aucune responsabilité quant à l’âge déclaré. Au cœur de ce débat sur l’endroit dans la pile technique où nous devrions appliquer les mesures de vérification de l’âge, se trouve la question de la responsabilité. La réponse logique est que ceux qui publient et tirent profit de contenus pour adultes devraient être tenus responsables s’ils permettent à des enfants d’y avoir accès. Cela permet également de placer le contrôle aussi près que possible du préjudice, ce qui est un principe éprouvé dans le monde réel.

Troisièmement, permettez-moi d’évoquer ce que nous savons actuellement à propos de la récente mise en œuvre au Royaume‑Uni. Ofcom fait état d’un point culminant de 1,5 million d’utilisateurs de réseaux privés virtuels, ou VPN, qui est désormais retombé à seulement un million. Nous ne savons pas si tous ces utilisateurs sont des enfants de 8 ans ou s’il s’agit simplement d’adultes qui, en toute légalité, ne souhaitent pas se soumettre à une vérification de leur âge, mais nous devrons surveiller cela de près, car les sites pour adultes ne sont pas exemptés de la loi britannique, même si les enfants y accèdent au moyen d’un VPN. Nous avons consulté nos membres, et nous avons constaté qu’ils procédaient à 5,7 millions de vérifications par jour lorsque la loi est entrée en vigueur. Nous ne représentons pas certains des plus grands fournisseurs, alors les chiffres réels étaient probablement deux fois plus élevés. Lorsque les grands sites pornographiques affirment avoir perdu de 80 à 90 % de leurs utilisateurs depuis la mise en place de la vérification de l’âge, je pense qu’ils font en réalité état des « utilisateurs dont l’adresse IP est enregistrée dans leur pays ». En effet, selon nos calculs, les plus grands sites auraient perdu environ 15 % de leurs utilisateurs après avoir pris en compte les personnes utilisant des VPN, et le résultat escompté de la politique, qui est d’empêcher les utilisateurs de moins de 18 ans d’accéder à ces sites, représente probablement de 7 à 14 % de cette diminution.

Enfin, je voudrais vous faire part des perspectives d’avenir de notre secteur. Grâce à des projets financés d’abord par la Commission européenne, puis par l’organisation Safe Online hébergée par les Nations unies, nous avons élaboré une solution interopérable avec jeton qui permettra aux utilisateurs d’accéder à plusieurs sites en se soumettant à une seule vérification de leur âge. Un utilisateur qui se soumet à une vérification de l’âge effectuée à l’aide d’une méthode suffisamment précise pourra par la suite décider d’accepter sur son appareil un jeton numérique signé pendant une période limitée, ce qui lui permettra d’accéder immédiatement à d’autres sites ou plateformes soumis à des restrictions d’âge. Ce n’est pas tout à fait la même chose que les options fondées sur les appareils dont vous avez entendu parler, car les jetons ne peuvent tout de même être utilisés que par la personne qui a été soumise à la vérification initiale, et cette personne devra prouver régulièrement qu’elle contrôle toujours l’appareil. Le coût des vérifications est toujours pris en charge par les sites pour adultes, mais il peut désormais être partagé entre plusieurs exploitants. Cette solution, appelée AgeAware, est déjà en place au Royaume-Uni, et elle est utilisée par trois exploitants, auxquels s’ajouteront bientôt d’autres exploitants.

En résumé, la vérification de l’âge par le site Web est disponible dès maintenant. Des millions de vérifications visant à protéger les renseignements personnels des utilisateurs sont effectuées chaque jour, et ces systèmes peuvent l’objet de vérifications et de certifications de la conformité aux normes internationales visant à garantir la protection des renseignements personnels, la sécurité des données et leur exactitude. D’autres moyens pourraient bien être mis au point à l’avenir, mais cela prendra des années. Les enfants canadiens ne devraient pas avoir à attendre pour bénéficier de la protection dont profitent déjà leurs pairs au Royaume-Uni, dans l’Union européenne et dans de nombreux autres pays.

Je vous remercie de votre attention.

Le président : Je vous remercie.

Jean-Michel Polit, dirigeant principal des affaires, Needemand : Je suis basé en France — je suis citoyen français — mais j’ai vécu pendant un an et demi au Canada, près de Toronto, et j’en garde un très bon souvenir. Je suis honoré de participer à cette réunion.

J’ai lu les débats du Sénat sur ce projet de loi, et l’une des principales questions qui reviennent sans cesse est la suivante : devons-nous accepter de renoncer à la confidentialité de nos renseignements personnels en ligne pour protéger nos enfants? Vous craignez, à juste titre, que les données personnelles utilisées dans les processus d’estimation ou de vérification de l’âge puissent être volées et tomber entre de mauvaises mains. J’ai une très bonne nouvelle pour vous : il existe désormais une technologie d’estimation de l’âge qui ne nécessite aucune donnée personnelle à aucune des étapes de la vérification. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter de la manière et du moment où les données personnelles pourraient être détruites après la vérification, car de telles données ne sont tout simplement jamais collectées.

Comment est-ce possible? Mon entreprise — qui est basée en France — a mis au point une technologie qui, à partir de quelques mouvements de la main, permet d’établir avec une précision de 99 % si un internaute a dépassé ou non une certaine limite d’âge. Je ne vois pas très bien vos visages, mais je suis convaincu que certains d’entre vous ont haussé les sourcils. Il ne s’agit pas de magie noire, mais d’une solution d’intelligence artificielle basée sur la recherche médicale. En fait, c’est assez simple. De la naissance au début de l’âge adulte, notre corps change rapidement et notre système nerveux — celui qui gère tous les mouvements de notre corps — évolue presque quotidiennement. À mesure qu’il change, certains des mouvements que nos mains effectuent se transforment petit à petit. Cela n’est pas visible à l’œil nu, mais la recherche médicale a établi de manière très précise et exacte un lien entre l’âge d’un individu et les caractéristiques physiologiques de certains mouvements de la main.

Il nous a fallu huit ans de recherche et développement, mais nous sommes parvenus à tirer profit de l’analyse de ces caractéristiques grâce à nos modèles d’intelligence artificielle. Une fois encore, aucune donnée personnelle n’est requise ni partagée par l’utilisateur Web. Il n’y a pas de métadonnées ni d’empreinte digitale. Si quelqu’un commence à montrer son visage devant la caméra — que ce soit sur un PC, un ordinateur portable, un téléphone intelligent ou une tablette — et que nous commençons à détecter une oreille ou peut-être une partie d’un œil, nous arrêtons la caméra et nous demandons à la personne d’éloigner la tête de cette dernière. L’ensemble du processus prend moins de 30 secondes.

La fiabilité de notre technologie a été testée de manière indépendante à plusieurs reprises. La dernière fois, c’était par le gouvernement australien dans le cadre d’un test à très grande échelle impliquant plusieurs milliers de personnes d’origines ethniques diverses dans des conditions réelles. Lors de cet exercice, la technologie a été testée sur différents appareils et dans différentes conditions d’éclairage. Certaines personnes étaient chez elles, et certains enfants participant au test étaient à l’école. La fiabilité a été prouvée. Cette technologie ne peut être falsifiée ou leurrée. Un jeune de 17 ans ne sait pas comment bouge la main d’un jeune de 18 ans. Encore une fois, il s’agit de différences qui ne sont pas visibles à l’œil nu et qui ne peuvent donc pas être simulées. On ne peut pas nous tromper par des images ou des vidéos enregistrées placées devant la caméra ni par des gants.

Une autre caractéristique, c’est que nous disposons également d’un système de jetons utilisable sur différentes plateformes, ce qui évite aux utilisateurs d’avoir à effectuer le mouvement de la main à chaque fois. Il s’agit d’un jeton porteur d’une preuve à divulgation nulle, ce qui signifie qu’aucune donnée personnelle n’y est associée.

En conclusion, ce que je viens de vous dire est une très bonne nouvelle, puisque cela signifie qu’il existe désormais une technologie qui nous permet de ne plus avoir à choisir entre la protection de nos enfants et la protection de nos renseignements personnels en ligne.

Je vous remercie.

Le président : Merci à tous nos témoins. Nous passons maintenant aux questions.

La sénatrice Batters : Merci beaucoup. Je vous remercie tous d’être ici aujourd’hui pour nous aider à examiner ce projet de loi.

Mes questions s’adressent à Mme Dawson, de Yoti. Hier, nous avons entendu le témoignage du professeur Geist, qui a déclaré que le fait que toutes ces entreprises de vérification de l’âge soient internationales pourrait se révéler problématique et causer des difficultés pour les Canadiens relativement à la protection de leurs renseignements personnels. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de cela?

Mme Dawson : Bien sûr. Merci de me poser la question.

Nous fournissons déjà des services de vérification de l’âge à l’échelle mondiale, et les données sont toujours réduites au minimum. Nous tenons compte des exigences particulières des pays en ce qui a trait au traitement des données, mais les données sont invariablement réduites au minimum et seul le statut « 18 ans et plus » est communiqué à l’organisation qui en fait la demande. Nous fournissons déjà des services à des entreprises du monde entier, comme OnlyFans, qui exige que les utilisateurs aient plus de 18 ans. Nous serons ravis de vous fournir des exemples pour illustrer comment cela fonctionne et où cela est déjà utilisé. Nous effectuons plus d’un million de vérifications d’âge par jour pour environ un tiers des plus grandes plateformes mondiales. Certaines d’entre elles sont destinées aux adultes, d’autres sont des réseaux sociaux, des sites de rencontre, des jeux, etc. Or, quelle que soit la plateforme, nous arrivons toujours à effectuer les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée et les évaluations de sécurité requises, et à satisfaire aux critères de référence obligatoires. Je fais ici allusion, entre autres, à ceux du National Institute of Standards and Technology aux États-Unis, aux récents critères de référence australiens, à ceux établis par le gouvernement allemand et à ceux qui, au Royaume-Uni, ont été proposés de manière similaire dans l’optique d’une évaluation indépendante de la partialité des systèmes. Je serai heureuse de vous fournir tous les renseignements qui pourraient vous aider en la matière.

Cela répond-il suffisamment à votre question?

La sénatrice Batters : Oui, et si vous avez la possibilité de nous fournir de l’information verbalement ou, si vous n’avez pas le temps, par écrit, cela nous sera utile.

Vous avez indiqué que toutes les images sont supprimées immédiatement après l’estimation de l’âge. Pouvez-vous nous expliquer comment ce processus fonctionne dans les faits?

Mme Dawson : Bien sûr, oui. Cela peut se faire de deux manières.

Certaines personnes accèdent à notre dispositif d’estimation faciale de l’âge au moyen du portefeuille d’identité numérique réutilisable Yoti. Dans leur portefeuille, elles ont effectué une estimation faciale de l’âge. Le régulateur allemand exige une marge de trois ans pour que l’estimation faciale de l’âge du visage puisse être utilisée pour accéder à du contenu adulte. Cela signifie que toute personne âgée de plus de 21 ans peut utiliser l’estimation faciale de l’âge. Elles le font une fois qu’elles sont dans l’application, puis d’une simple pression, elles peuvent communiquer à nouveau cette estimation faciale de l’âge à un autre site. Seules les personnes âgées de plus de 18 ans sont mises en relation avec ce site.

Nous proposons également des services qui demandent cela sur la base d’un modèle d’exploitation SaaS, pour Software-as-a-Service, ou « logiciel en tant que service ». Ils nous envoient une image. Nous effectuons tout d’abord une détection de vivacité, une analyse des pixels de cette image, et nous évaluons si cette personne a plus de 18 ans, sans rien stocker. Il n’y a jamais de base de données centrale. Il s’agit de détecter un visage vivant, de l’analyser instantanément, puis de supprimer l’image sans stocker quoi que ce soit. C’est une méthode qui a été examinée par l’Age Check Certification Scheme, par le KJM en Allemagne et, récemment, par le gouvernement australien. La précision de la méthode a été évaluée par le National Institute of Standards and Technology aux États-Unis, et notre livre blanc a également été examiné par l’Age Check Certification Scheme.

Cela répond-il à votre question?

La sénatrice Batters : Oui, merci beaucoup.

La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur Corby, votre organisme compte-t-il des membres canadiens?

Pourriez-vous également aborder la question de l’atteinte à la sécurité des données? C’est un enjeu qui a été soulevé ici, hier. S’agissait-il d’un membre de votre association? Que pouvez‑vous nous dire sur les risques d’atteinte à la sécurité des données lors de la vérification et de l’estimation de l’âge parmi vos membres?

M. Corby : Je ne pense pas que nous ayons de membres dont le siège social se trouve au Canada. Je crois que Netsweeper a un PDG qui est au Canada, mais non, aucun de nos membres actuels n’est basé au Canada.

Je pense que vous faites référence à la violation de données qui s’est produite dans le système de service à la clientèle de Discord, système que l’entreprise utilisait de manière assez imprudente pour traiter les appels. Leur fournisseur de vérification de l’âge, qui est un fournisseur audité et certifié, dispose déjà de son propre mécanisme d’appel. Discord avait choisi de ne pas l’utiliser et autorisait plutôt les gens à utiliser leur système de service à la clientèle ordinaire et, vraisemblablement, à envoyer par courriel des copies de leurs preuves d’identité lorsqu’ils souhaitaient faire appel des résultats de la vérification initiale de l’âge.

Nous avons déjà envoyé un message à tous nos membres pour les exhorter à dire à leurs clients de ne pas faire cela et de traiter les données personnelles lors d’une procédure d’appel avec autant de soin que lors de la vérification initiale. Cela inclut, bien sûr, le recours à la plus petite quantité possible de données et la protection des renseignements personnels dès la conception. Cela signifie en outre de veiller à ce que ces images soient supprimées sur-le-champ, qu’elles aient été utilisées pour une vérification initiale ou qu’il s’agisse de preuves d’identité fournies dans le cadre d’un appel.

La solution à ce problème réside dans la multiplication des fournisseurs de services de vérification de l’âge, et non dans leur diminution.

La sénatrice Miville-Dechêne : Discord était-elle membre de votre association?

M. Corby : Non, Discord est un client. Il s’agit d’une partie utilisatrice, qui faisait indirectement appel à un membre de notre association. Je crois qu’il utilisait KID, qui à son tour fait appel à plusieurs autres fournisseurs de services de vérification de l’âge. Comme Mme Dawson l’a expliqué, ils fonctionnent tous sur le même principe que Yoti, c’est-à-dire qu’ils suppriment toutes les données personnelles dès que la vérification de l’âge est terminée. Il s’agissait d’un processus totalement distinct géré par leur service clientèle, qui, je crois, était sous-traité à un tiers. Il reste que ce tiers n’a jamais prétendu être un fournisseur de services de vérification de l’âge. Ils étaient là pour aider les utilisateurs qui avaient des difficultés, mais c’est eux que les recours ont visés.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur Polit, je me tourne vers vous pour savoir si votre méthode, qui semble presque miraculeuse, a été utilisée par certains pays et si on mène en ce moment des projets pilotes.

Évidemment, je vous avoue que je n’en suis pas certaine, mais on nous a dit hier que dans le contexte de la vérification d’âge facial, le fait que quelqu’un soit une personne de couleur peut rendre la vérification moins efficace. Pouvez-vous nous parler des différences raciales et de l’impact que cela peut avoir sur la vérification avec la main? Qui utilise votre système et quels sont les résultats?

M. Polit : Merci pour la question.

[Traduction]

Nous avons des clients. Nous avons des clients dans trois différents secteurs : celui du contenu pour adultes, celui des réseaux sociaux et celui des rencontres en ligne. Il s’agit d’entreprises — il y en a deux aux États-Unis et une en Allemagne — qui ont des clients dans le monde entier. En fait, l’entreprise de rencontres en ligne a des clients et des membres dans 130 pays à travers le monde. Nous avons dépassé le stade du projet ou du concept, et nous avons maintenant des clients payants qui déploient notre technologie.

Pour ce qui est des préjugés fondés sur l’ethnie, sachez qu’il n’y en a aucun lorsqu’on utilise la main. En Australie, comme vous le savez, on a effectué un test à grande échelle, et des personnes issues de nombreux groupes ethniques différents y ont pris part. Je pense que le gouvernement australien tenait à savoir si les peuples autochtones d’Australie seraient en mesure d’utiliser cette technologie de la même manière que les autres groupes ethniques. Je peux communiquer au comité et aux sénateurs les résultats obtenus par notre technologie auprès de tous les groupes ethniques, et ces résultats sont fondamentalement les mêmes pour tout le monde. La couleur de la peau ou l’appartenance ethnique n’ont aucune incidence sur les mouvements de la main.

La sénatrice Miville-Dechêne : Le Royaume-Uni est très avancé en matière de vérification de l’âge. Vous a-t-il contacté au sujet de cette technologie particulière? Êtes-vous en pourparlers avec des pays qui sont en train de la mettre en place?

M. Polit : Oui. Au Royaume-Uni, j’ai été en contact avec l’Office of Communications, ou Ofcom. Comme vous le savez, il y a quelque temps, l’Ofcom a publié une liste des technologies qu’il jugeait très efficaces. Cette liste a été publiée et établie avant l’apparition de notre technologie. Je suis en contact avec plusieurs personnes de l’Ofcom qui s’intéressent à notre technologie. Le fait que notre technologie soit absolument confidentielle et qu’elle ne nécessite aucune donnée personnelle est très attrayant pour tous les organismes de réglementation, qu’il s’agisse de l’Ofcom au Royaume-Uni, de l’Arcom en France ou du KJM en Allemagne. Je suis également en contact avec le commissaire à la sécurité électronique en Australie. Pour des raisons évidentes, ils trouvent intéressant que notre technologie ne nécessite aucune donnée personnelle à aucun moment de la vérification, qu’elle est très fiable et qu’elle est tout à fait neutre du point de vue des considérations ethniques. Elle satisfait tous les critères.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Il y a eu des normes qui ont été vérifiées par une tierce partie. Merci beaucoup pour ces informations, monsieur Polit.

[Traduction]

M. Polit : Je vous en prie.

Le sénateur Prosper : Merci beaucoup à nos témoins.

À la lumière des témoignages d’aujourd’hui et en comparant ces derniers avec ceux d’experts précédents, je suis curieux de connaître votre opinion. Certains des témoignages précédents étaient axés sur les violations de données et sur des déclarations telles que « ce n’est pas une question de si, mais une question de quand ». On évoque constamment l’équilibre entre la protection des renseignements personnels et la protection des enfants.

Madame Dawson, vous avez dit qu’une des bonnes pratiques consiste simplement à supprimer les données immédiatement après leur vérification. Monsieur Polit, vous avez dit qu’avec votre système de reconnaissance gestuelle, qui fait appel à l’intelligence artificielle et à la science médicale, aucune information de ce type n’est même demandée. Monsieur Corby, d’après ce que j’ai compris au sujet de l’exemple récent de violation de données dont vous avez parlé, ce sont des personnes qui ont appliqué de mauvaises pratiques en utilisant des mécanismes destinés aux appels plutôt que ceux qui étaient disponibles. Ai-je raison de croire que, selon vous, les considérations relatives à la protection des renseignements personnels et à la violation des données personnelles sont des questions ou des considérations éloignées par rapport à ce projet de loi?

M. Corby : Je suis le premier à admettre qu’il est possible de vérifier l’âge de manière appropriée ou inappropriée. Nous constatons des pratiques inappropriées, et l’exemple de Discord en est un très bon exemple.

Nous affirmons toujours que la seule base de données inviolable est l’absence totale de base de données. C’est une très mauvaise idée de conserver des données. Si vous conservez des données personnelles, vous devenez la cible de pirates informatiques. C’est pour cette raison que le code de conduite pour tous nos membres exige que les gens réduisent au minimum la quantité de données. Si vous souhaitez être audité et certifié selon les deux normes internationales que j’ai mentionnées et auxquelles j’ai participé — et Yoti est certifié selon ces normes, par exemple —, vous devrez alors vous assurer que vous respectez cet engagement.

Cela rejoint la préoccupation évoquée précédemment concernant le transfert de données à l’étranger. Ici, en Europe, nous avons la chance d’avoir les dispositions législatives entourant le Règlement général sur la protection des données. Le Canada dispose également de bonnes lois et d’un commissaire à la protection de la vie privée. Je comprends pourquoi les gens s’inquiètent à ce sujet. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’à l’échelle internationale, vous devriez faire appel à des fournisseurs certifiés dont vous savez qu’ils respectent ces normes, qu’ils se trouvent ou non dans un État qui les impose. Bien sûr, il appartiendrait à vos instances dirigeantes de fixer les règles particulières de la mise en œuvre de ce projet de loi. J’ose espérer qu’elles veilleront à être très attentives à la destination des données et à s’assurer que ces données ne seront traitées que par ceux qui respectent les normes très rigoureuses que nous attendons de tous nos membres.

Le sénateur Prosper : Je vous remercie.

Mme Dawson : J’aimerais ajouter à la réponse de M. Corby que le terme « réduction des données au minimum » est selon moi essentiel. Dans les 12 différentes approches de la vérification de l’âge des sites pour adultes dont nous disposons, nous ne renvoyons que la réponse à la question suivante : « Avez-vous plus de 18 ans? Oui ou non? » Nous ne renvoyons jamais de renseignements plus précis. Nous utilisons toute la gamme des méthodes de vérification, d’estimation et de déduction pour répondre aux demandes de façon globale, mais dans tous les cas, nous réduisons les données au minimum.

Je pense que vous devez examiner plusieurs éléments pour vos citoyens. Vous devez disposer de plusieurs approches. Vous devez réduire les données au minimum. Vous devez favoriser l’inclusion, car tout le monde ne sera pas satisfait du même type d’approche. Vous devez vous assurer que vos approches sont accessibles aux personnes atteintes de différents types de handicap, aux personnes qui utilisent des appareils plus anciens ou aux personnes ayant des préférences différentes. C’est pourquoi il est nécessaire de disposer de toute une gamme d’approches, mais celles-ci doivent toutes réduire les données au minimum.

Le sénateur Prosper : Merci.

M. Polit : J’aimerais dire que vous avez raison de penser que dans notre cas, la technologie empêche toute atteinte à la sécurité des données, car il n’y a pas d’identité personnelle à divulguer. La protection des renseignements personnels ne pose donc pas problème.

La sénatrice Saint-Germain : Ma première question s’adresse à Mme Dawson. L’organisation à but non lucratif européenne AI Forensics a récemment publié un rapport très inquiétant. Elle a signalé au public que :

Une entreprise prétendant fournir des services de vérification de l’âge « à double insu » aux sites pornographiques afin de se conformer à la loi française sur la sécurité en ligne s’est avérée recueillir des données d’utilisateurs sans autorisation.

Ce rapport indiquait ce qui suit :

Nous avons observé que, bien qu’elle prétende offrir des solutions de « double insu » (destinées à masquer le trafic des utilisateurs), [cette entreprise] recueille l’URL de la vidéo que l’utilisateur tente de regarder.

La société en question est AgeGO, qui utilise Yoti comme tiers pour procéder à l’identification numérique.

Pouvez-vous nous parler de ce rapport et de votre relation avec AgeGO? Ce rapport aura-t-il une incidence sur votre relation avec cette entreprise? Comment pouvons-nous faire confiance à une vérification par un tiers si, en plus des atteintes à la protection des données personnelles, nous devons également nous inquiéter de la collecte abusive de données?

Mme Dawson : Merci beaucoup pour cette question.

Tout à fait, en tant qu’organisation, nous devons notamment examiner l’utilisation en aval. Je ne connais pas le cas particulier que vous mentionnez, mais nous allons nous pencher sur la question et revenir vers le comité. Je sais que chez Yoti, nous veillons tout particulièrement à ne pas recueillir de données non autorisées et que toutes nos approches réduisent les données au minimum. Je vais examiner cet exemple précis et je vous fournirai une réponse.

La sénatrice Saint-Germain : Je comprends que vous n’êtes pas au courant qu’il n’y a aucune disposition ou exigence dans votre...

Le président : Je suis désolé, sénatrice Saint-Germain, je dois vous interrompre. Les interprètes ne parviennent pas à interpréter les propos de Mme Dawson en raison d’un problème technique. Ce problème peut-il être résolu?

Vincent Labrosse, greffier du comité : C’est parce qu’il y a trop d’écho dans la pièce où elle se trouve.

Le président : Madame Dawson, on m’informe qu’il y a trop d’écho dans votre pièce. Nous ne pouvons pas régler ce problème. Je suggère que vous répondiez par écrit à la question de la sénatrice Saint-Germain. Encore une fois, il s’agit d’un problème technique. Je suis désolé, mais nous n’avons pas d’autre choix. Si la traduction n’est pas possible, nous ne pouvons pas entendre votre témoignage.

La sénatrice Saint-Germain : Ma prochaine question est très courte, et elle s’adresse à M. Needemand.

Vous êtes le créateur de Border Age. J’aimerais que vous m’en disiez plus à ce sujet. Je suis allée sur votre site Web, mais j’ai encore quelques questions. Depuis combien d’années votre entreprise existe-t-elle? Votre modèle et votre technologie correspondent-ils à la définition de l’estimation de l’âge telle qu’elle est décrite dans le projet de loi S-209? Combien de personnes employez-vous?

M. Polit : Mon nom n’est pas Needemand. C’est le nom de l’entreprise. Je m’appelle Jean-Michel Polit.

La sénatrice Saint-Germain : Toutes mes excuses. Je m’intéresse à Needemand, mais monsieur Polit, j’aimerais que vous me fournissiez les réponses.

M. Polit : Cette entreprise a été créée il y a huit ans. Son fondateur travaille depuis longtemps dans le domaine de l’intelligence artificielle. Il a créé cette entreprise pour former les personnes à l’intelligence artificielle, et il a utilisé ce modèle d’affaires de formation pour financer le développement de Border Age. Comme je l’ai mentionné, cette démarche a pris huit ans. Border Age a vu le jour et la solution a finalement été commercialisée l’été dernier, c’est donc très récent. Il s’agit d’une petite entreprise en démarrage qui compte six employés, mais nous prévoyons une croissance très rapide.

La sénatrice Saint-Germain : Votre technologie a-t-elle été homologuée par une autorité médicale?

M. Polit : Je peux vous faire part de certaines des recherches médicales sur lesquelles nous nous sommes initialement appuyés pour mettre au point notre technologie. Il s’agit de recherches médicales, dans le domaine de la science médicale.

Nos résultats et notre méthodologie ont été validés par ACCS, l’organisme mandaté par le gouvernement australien pour effectuer les tests en Australie. Le test réalisé en Australie ne valide pas réellement les principes fondamentaux de notre technologie, mais il valide les résultats, la précision et la robustesse de cette technologie dans un environnement réel grâce à des tests auxquels ont participé plusieurs centaines de personnes.

Je serais ravi de communiquer au comité les documents de recherche qui ont servi de base à notre technologie. C’est ainsi que les choses ont commencé il y a huit ans. Nous nous sommes appuyés sur ces résultats pour développer notre solution, mais nous avons dépassé les conclusions de ces recherches médicales. Je me ferai un plaisir de vous communiquer les sources.

Le président : Merci. Nous attendons ces documents avec impatience.

La sénatrice Simons : Monsieur Corby, je vais commencer par vous. Lorsque des données sont recueillies et stockées au Canada, elles sont régies par la loi canadienne, non seulement par le travail du commissaire à la protection de la vie privée, mais aussi par la loi elle-même. Si les Canadiens partagent leurs données avec des systèmes de vérification de l’âge basés à l’extérieur du Canada — et je crois que vous avez dit que vous n’aviez aucun membre canadien —, ces données seront-elles régies par la loi canadienne ou par la loi de leur pays d’origine?

M. Corby : Je pense que la question de la compétence extraterritoriale est très complexe pour ce qui est de la protection des données. Nous avons vu des exemples dans lesquels les autorités chargées de la protection des données d’un pays, par exemple le Royaume-Uni, ont cherché à faire respecter leur loi à l’encontre d’entreprises situées au Canada. L’exemple de Clearview me vient à l’esprit. Ils ont tendance à coopérer les uns avec les autres. Je serais certainement plus à l’aise si les données étaient traitées dans un pays doté d’un régime solide de protection des données, ce qui pourrait faire partie des règlements que vous pourriez introduire.

Je pense que notre code de conduite est probablement intégré dans une certaine mesure à la loi dont nous discutons aujourd’hui. L’une des exigences est que le système de vérification de l’âge soit globalement conforme aux pratiques exemplaires en matière d’estimation de l’âge et de protection des données personnelles. J’estime évidemment que ces pratiques exemplaires devraient correspondre aux niveaux standard de protection des données que prévoit le cadre juridique canadien. J’établirais les règlements de façon à garantir cette équivalence.

La sénatrice Simons : Ce qui m’inquiète, c’est que si aucune entreprise canadienne ne dispose de la technologie et de l’expertise nécessaires pour effectuer ce travail, les Canadiens pourraient partager leurs données avec d’autres pays, et ils n’auraient alors aucun recours en vertu de la loi canadienne en cas d’atteinte à la protection des données personnelles.

M. Corby : Oui, et je pense que le Royaume-Uni en a fait l’expérience lorsque nous avons mis en place cette mesure le 24 juillet dernier. Plusieurs sites internationaux très importants ont redirigé leurs utilisateurs vers des prestataires de services de vérification de l’âge, notamment aux États-Unis, dont ils n’avaient peut-être jamais entendu parler. Je pense que ce fait a suscité une certaine inquiétude.

En tant qu’association professionnelle, nous faisons de notre mieux pour atténuer ce problème grâce à notre code de conduite et en conseillant aux gens de n’utiliser que des solutions ayant fait l’objet d’un audit et ayant été accréditées, et pour lesquelles la protection de la vie privée est intégrée à l’audit. Je pense que vous devriez envisager de mettre en place une protection supplémentaire pour les Canadiens afin de garantir que l’on accorde l’attention nécessaire à la protection de la vie privée, quel que soit l’endroit où a lieu le traitement.

La sénatrice Simons : Cette question est pour vous et peut‑être aussi pour M. Polit. Nous avons eu des discussions ici même pour déterminer si 18 ans est l’âge approprié. Après tout, au Canada, l’âge du consentement est de 16 ans et on peut se marier à 17 ans, mais nous envisageons de fixer à 18 ans l’âge légal pour accéder à la pornographie.

Je ne veux pas que vous répondiez à cette question, mais à une question technique. La différence d’apparence, qu’il s’agisse des mouvements de vos mains ou de votre visage, entre une personne âgée de 17 ans et 11 mois et une autre âgée de 18 ans et un mois sera très difficile à évaluer. On peut supposer que si l’âge était de 14 ou 16 ans, il serait plus facile pour tout type de protocole d’estimation de l’âge de l’évaluer. Pourriez-vous m’expliquer un peu en quoi vos méthodes pourraient être plus efficaces pour quelqu’un d’un peu plus jeune, par rapport à... La différence entre 17 et 18 ans est très subtile.

M. Corby : Je n’ai pas bien compris à qui vous vous adressiez, mais je vais répondre brièvement et laisser mes collègues vous donner plus de détails.

Nous ne recommanderions jamais d’utiliser un outil d’estimation pour déterminer l’âge exact d’une personne. L’estimation se fait généralement avec une marge, et on l’utilise pour vérifier l’âge des personnes qui ont quelques années de plus que l’âge légal ou qui sont clairement plus âgées et donc autorisées. Les personnes proches de l’âge légal doivent généralement trouver une méthode de vérification ou de déduction qui permette de prendre une décision plus précise et de déterminer, par exemple, si elles ont fêté leur seizième anniversaire la veille. Aucune solution d’estimation ne permettra d’obtenir cette réponse. Elle s’en approchera, mais si vous voulez une réponse exacte, vous devrez chercher ailleurs.

Monsieur Polit, comment cela s’applique-t-il aux personnes plus jeunes?

M. Polit : J’aimerais revenir sur une question précédente à laquelle je n’ai pas répondu et qui est en fait liée à cette question. Notre technologie ne permet pas de vérifier l’âge, mais seulement de l’estimer. Nous ne renvoyons pas d’âge précis. Nous renvoyons un 0 ou un 1 pour indiquer si la personne est en dessous ou au-dessus d’une certaine limite d’âge.

Le principe sous-jacent de notre technologie repose sur le fait que notre système nerveux mûrit très rapidement pendant l’adolescence, c’est-à-dire entre 10 et 25 ans. Ce système s’applique aussi bien à une personne de 18 ans qu’à une personne de 16, 13 ou 15 ans. Il s’applique à tous ces groupes d’âge. Notre technologie a été réglée pour déterminer si les personnes ont plus de 18 ans, mais il suffirait simplement d’en changer les paramètres. Nous étions en train de le faire, pour des raisons évidentes, car en Australie, l’âge minimum pour utiliser les réseaux sociaux est de 16 ans. Nous sommes en train d’adapter nos modèles d’intelligence artificielle à d’autres limites d’âge, et nous savons qu’ils fonctionneront avec le même niveau de précision.

J’aimerais ajouter quelque chose à ce qu’a dit M. Corby. Notre technologie d’estimation de l’âge est très différente, tant dans ses principes que dans ses résultats, de l’analyse faciale. Lorsque nous avons développé notre technologie et essayé d’estimer l’âge plutôt que de renvoyer un zéro ou un 1, nous avons obtenu une précision de plus ou moins deux mois pour les personnes âgées d’environ 18 ans. Nous n’avons pas vraiment besoin de marge. Nous ne pouvons pas garantir une fiabilité à 100 %. Il y aura donc forcément des faux négatifs et des faux positifs. Nos tests intermédiaires indiquent que notre précision est de 99 %. En Australie, les tests ont montré que notre précision était comprise entre 97 et 98 %. Évidemment, si vous voulez être sûr, ou si une plateforme veut être sûre que nous ne laissons passer personne qui n’a pas atteint l’âge requis, ou que nous ne bloquons pas les personnes qui ne devraient pas l’être, elle doit disposer d’un deuxième moyen de vérifier l’âge. Nous travaillons d’ailleurs déjà sur une autre technologie anonyme que nous lancerons dans les prochains mois et que nous pourrons conjuguer à la technologie existante pour nous rapprocher très fortement des 100 %.

La réponse courte à votre question est oui, notre technologie peut être appliquée à d’autres limites d’âge que 18 ans — que ce soit 13, 16 ans ou tout autre groupe d’âge — et elle sera tout aussi efficace et précise.

La sénatrice Simons : D’après ce qu’a dit M. Corby, pour toute personne âgée de moins de 25 ans, l’estimation ne fonctionnera probablement pas et il faudra recourir à un autre type de vérification, qui consistera à présenter une pièce d’identité ou à examiner leur empreinte numérique de manière beaucoup plus intrusive. C’est particulièrement problématique pour les jeunes adultes qui ont l’âge légal et qui ont le droit de regarder ce qu’ils veulent. Ils seront les plus touchés, car l’estimation ou l’approximation de l’âge ne fonctionnera pas.

M. Corby : Je dirais que 25 ans est un âge trop élevé, compte tenu de ce que nous savons de la précision des différentes techniques d’estimation. Disons 21 ans, ce qui nous donne une marge de trois ans pour ce qui est de déterminer si une personne a atteint ses 18 ans. Oui, ces personnes pourraient partager leur adresse courriel, leur numéro de téléphone portable ou demander à leur banque...

La sénatrice Simons : Exactement. C’est juste...

M. Corby : ...de confirmer leur âge. Il existe plusieurs méthodes de rechange, mais elles reposent toutes sur la recherche de la date de naissance réelle, vous avez tout à fait raison.

M. Polit : Avec notre technologie, nous n’avons pas à utiliser de marge pour nos clients. Ils utilisent directement notre technologie. Encore une fois, quand je dis plus ou moins deux mois, cela signifie que la plupart des personnes âgées de plus de 18 ans et deux mois ou de moins de 17 ans et 10 mois seront identifiées correctement. En outre, grâce à la deuxième technologie que nous allons lancer et que nous présenterons probablement avant la fin de l’année ou peut-être peu après le début de l’année prochaine, nous serons en mesure de conjuguer ces deux technologies. Étant donné qu’elles sont totalement différentes, nous ne procéderons pas à deux évaluations distinctes.

Le président : Merci, monsieur. C’est parfait.

Je vais maintenant demander à Mme Dawson de dire quelques mots pour voir si les interprètes peuvent traduire sa voix et si nous pouvons recevoir son témoignage.

Mme Dawson : Volontiers. En Allemagne, la KJM a récemment déclaré que l’estimation de l’âge fondée sur l’analyse faciale permettrait de déterminer l’âge avec une précision de trois ans pour l’accès aux contenus pour adultes. Est-ce plus clair?

Le président : Nous recevons l’interprétation, donc oui. Voulez-vous répondre à la question de la sénatrice Saint-Germain à laquelle vous n’avez pas pu répondre, ou préférez-vous la laisser de côté pour le moment?

Mme Dawson : Pour des jeunes de 16 et 17 ans, nous arrivons à estimer leur âge par analyse faciale avec une marge d’erreur de neuf mois. C’est au régulateur de décider s’il veut établir une marge de plus. L’Allemagne envisage actuellement une marge de trois ans. La marge choisie dépendra de l’approche de chacun des régulateurs par rapport aux faux positifs, aux faux négatifs et aux autres solutions disponibles.

Le président : Sénatrice Saint-Germain, vous souhaitez faire un commentaire?

La sénatrice Saint-Germain : J’aimerais poser une question complémentaire à Mme Dawson. Je vous ai posé une question sur AgeGo et le vol de données. Vous avez dit ne pas en être au courant. Faut-il en déduire qu’AgeGo, aux termes du contrat que vous avez avec cette entreprise, n’a pas de comptes à vous rendre quand de tels incidents se produisent?

Mme Dawson : Les plateformes en ligne utilisent un éventail de services pour déterminer l’âge d’un utilisateur. Instagram, Meta ou OnlyFans, par exemple, pourraient avoir recours à plusieurs services différents. Il est aussi possible qu’elles s’aident de leurs propres méthodes de déduction.

Dans les futures normes internationales relatives à l’âge, les plateformes en ligne devront rendre compte des indicateurs d’âge qu’elles utilisent, expliquer ce qu’elles en font, et dire lesquels leur sont internes et lesquels proviennent de sources externes. À l’heure actuelle, la plupart des régulateurs ne demandent pas de telles informations.

Est-ce que ce serait à nous de dénoncer les entreprises, qui sont aussi nos clients? Ou est-ce que ce serait plutôt au régulateur de déterminer si une entreprise ne fait pas ce qu’elle est censée faire?

La sénatrice Galvez : Merci. C’est une conversation très intéressante que nous avons aujourd’hui.

En me préparant pour cette réunion, j’ai cherché à savoir quels progrès avaient été faits jusqu’à maintenant. À mon grand étonnement, on observe une augmentation des pays qui ont voté des lois pour restreindre l’accès aux enfants aux secteurs néfastes d’Internet. Cela s’observe en particulier chez nos pairs du G7.

Je sais que l’intelligence artificielle se développe très rapidement. Je pense que les problèmes que vous soulevez seront résolus d’ici un an, voire même le mois prochain. Nous avons au Canada, particulièrement à Montréal, à Windsor et à Toronto, de grands centres de recherche en intelligence artificielle. Je ne serais pas surprise de voir une entreprise comme la vôtre s’établir bientôt au Canada.

Le Canada risque-t-il d’accuser un retard par rapport à ses pairs s’il ne prend pas des mesures préventives? Ce n’est pas un domaine qui m’est familier, mais j’ai été professeure pendant 35 ans et j’ai rencontré bien des étudiants en ingénierie qui avaient une dépendance aux drogues et à la pornographie. Je suis très inquiète et je me demande ce qui risque d’arriver si l’on ne fait rien. Merci.

M. Corby : Je pourrais répondre à cette question au nom de l’industrie en général. Je suis en poste depuis six ans, mais c’est dans les 18 derniers mois que nous observons une véritable impulsion.

L’Union européenne a adopté une Loi sur les services numériques, et exige sans exception des très grandes plateformes qu’elles vérifient l’âge des utilisateurs. Elle développe également sa propre application de vérification d’âge, qui est liée au portefeuille européen d’identité numérique, pour s’assurer que les plateformes s’acquittent de leurs responsabilités. Il va sans dire que certains rechignent à utiliser une pièce d’identité officielle et préfèrent une preuve issue du secteur privé, ce qui est permis, mais on observe, en effet, une grosse impulsion dans l’Union européenne. L’Australie, quant à elle, a adopté des règlements concernant les médias sociaux et les sites pour adultes. Plus de 24 États aux États-Unis ont voté des lois en la matière, et le Brésil a présenté une loi pour que l’âge des utilisateurs soit vérifié.

L’un des problèmes, d’après moi, c’est que certains pays ont laissé le mieux être l’ennemi du bien. Ils attendent une solution parfaite. Pour reprendre les propos de mes collègues, personne ne peut offrir une solution parfaite, mais à l’heure actuelle aucun enfant au Canada n’est protégé. Nous pouvons toutefois garantir que 95 % d’entre eux seront protégés du jour au lendemain si vous adoptez ce projet de loi. La technologie évolue très rapidement, et à mesure qu’elle s’améliore, ce taux va augmenter. Je ne doute pas que l’intelligence artificielle et d’autres technologies vont nous offrir des solutions nouvelles, et j’ai hâte qu’elles soient développées. J’accueille favorablement tout ce qui peut protéger nos enfants.

La sénatrice Galvez : Peut-on avoir l’avis des autres témoins?

Mme Dawson : Je partage l’avis de mon collègue. La technologie avance très rapidement, et tous les partis politiques, quels qu’ils soient, sont très attachés à la protection des enfants. Il y a environ 30 pays dans le monde qui s’intéressent à ces technologies pour divers produits et services en ligne.

Il y a déjà eu deux conférences mondiales sur l’authentification de l’âge, et la prochaine aura lieu à Manchester l’année prochaine. Ces conférences réunissent non seulement le régulateur de la protection des données, mais aussi celui responsable des contenus en ligne, parfois aussi les forces de l’ordre et les instances responsables de l’alcool, du tabac, du vapotage, des sites pour adultes et des médias sociaux. Ils commencent tous à comprendre qu’il n’est plus suffisant de demander une pièce d’identité en personne, comme on le faisait autrefois.

Les humains, après tout, ont seulement la capacité d’estimer l’âge de quelqu’un. Je pourrais regarder quelqu’un dans la salle, et me dire que cette personne a peut-être 21 ou 25 ans, mais la technologie est bien plus équitable. On peut la déployer à grande échelle, et les images peuvent être supprimées. Comme l’a dit M. Corby, nous épousons la technologie pour tenter de vérifier l’âge des consommateurs de tout un éventail de produits et services dans le monde. L’objectif, comme l’a exprimé l’Association des fournisseurs de vérification de l’âge, c’est que les sites Internet puissent contrôler l’âge de l’utilisateur. Idem pour le monde hors ligne.

M. Polit : Dans les pays où des lois ont été votées, de très grandes plateformes nous ont exprimé leur intérêt, et pas seulement dans l’industrie du sexe. Les plateformes de jeux vidéos en ligne s’intéressent également à ce que nous faisons. Elles veulent faire ce qui est bien pour les jeunes. Ces plateformes veulent également montrer à leurs clients qu’elles protègent les enfants. Il va sans dire que les jeux en ligne peuvent être dangereux pour les jeunes enfants. Ils peuvent être victimes d’intimidation, par exemple, s’ils sont en communication avec les autres joueurs. Les exemples ne manquent pas où les choses ont très mal tourné pour des adolescents. Ce sont des multinationales qui gagnent des milliards de dollars, et elles veulent faire ce qui est dans l’intérêt des jeunes, même si les lois ne les obligent pas à le faire. Elles souhaitent le faire de leur propre initiative. On peut en dire autant, en quelque sorte, des médias sociaux. J’ai également évoqué les sites de rencontres, qui évoluent dans ce sens-là, même si les lois en la matière ne les concernent pas expressément.

Je pense qu’en adoptant ces technologies — en adoptant celles que nous offrons —, ces très grandes entreprises et plateformes qui comptent des millions d’utilisateurs dans le monde sont en mesure de protéger la vie privée de leurs clients en ligne. Cela incitera donc les gouvernements — au-delà de ceux qui ont déjà adopté des lois — et le secteur du contenu pour adultes, à emboîter le pas à ces plateformes et à satisfaire, essentiellement... Nous sommes tous des parents. Je suis père et grand-père. Je veux prendre les bonnes décisions pour mes enfants et mes petits-enfants. Les dirigeants de ces grandes entreprises — je rêve peut-être — veulent eux aussi faire ce qui est bien pour leur propre entreprise, car en mettant en œuvre ce type de solutions, ils acquièrent un avantage concurrentiel par rapport aux entreprises qui ne le font pas.

C’est une tendance mondiale. Partout dans le monde, des parents en parlent tous les jours. Elle n’est pas près de disparaître. Les plateformes, qu’elles y soient contraintes par la loi ou non, vont adopter ces technologies; ce n’est qu’une question de temps. À mesure que certaines grandes plateformes le feront, des lois devront inévitablement être adoptées pour appuyer cette tendance très forte qui se poursuit à l’échelle mondiale.

[Français]

La sénatrice Oudar : Merci à tous les trois, madame Dawson, monsieur Corby et monsieur Polit. Je crois que vos témoignages sont vraiment cruciaux et qu’ils nous aideront à évaluer si toutes les technologies de vérification d’âge peuvent être intégrées à notre système de réglementation, mais sans créer une infrastructure de surveillance. C’est là où je vais avec ma question.

Je commence par vous, madame Dawson. Vous prônez une organisation qui collecte, stocke et traite les données personnelles des citoyens en étant assujettie à des obligations strictes de transparence et de sécurité, des obligations de publication des marges d’erreur algorithmiques. En somme, le recours à l’intelligence artificielle pour estimer l’âge repose sur des données de collecte massive à l’échelle mondiale. Si la réglementation canadienne exigeait de la transparence en matière de systèmes de modèle, est-ce que paradoxalement on ne risque pas d’exposer des vulnérabilités exploitables en matière de cybersécurité ou même de contournement des algorithmes?

[Traduction]

Mme Dawson : Cet algorithme a été conçu — et nous l’expliquons dans notre livre blanc — principalement à l’aide du portefeuille Apple d’identité numérique réutilisable Yoti que plus de 20 millions de personnes dans le monde ont désormais installé de façon volontaire. Au moment de l’installation de l’application — ou par la suite —, un élément de donnée est recueilli. Nous ne prenons qu’une image faciale, en plus du mois et de l’année de naissance, sans aucun autre détail. C’est tout ce que nous utilisons pour l’estimation faciale de l’âge. Lorsque nous effectuons une vérification d’un visage vivant, nous n’apprenons rien, car il n’y a pas de données concrètes. Si, pour Facebook Dating ou Instagram, les clients nous envoient une image, nous l’examinons de nouveau, évaluons la ressemblance, l’analysons et la supprimons. Aucune donnée concrète n’accompagne cette image. Ainsi, si l’on élargit l’utilisation de données protégées à des fins d’estimation de l’âge au Canada, nous n’apprenons rien sur les citoyens canadiens. Nous effectuons un million de vérifications chaque jour. Les nouvelles estimations faciales de l’âge que nous effectuons tous les jours ne nous apprennent rien.

Il faut évaluer les répercussions que chacune des douze approches que nous avons mises en place pourraient avoir sur la protection des données. Nous l’avons fait avec un tiers des plus grandes plateformes mondiales. Vous pouvez imaginer des entreprises comme Lego, Xbox... Toutes ces plateformes savent très bien quelles données doivent être protégées, et connaissent les exigences en matière de traitement des données et de cybersécurité. Tous ces éléments sont en place. Il existe des audits indépendants. Nous avons fait l’objet d’évaluations et, à titre d’exemple, nous avons obtenu le sceau d’approbation de l’organisme allemand de réglementation en 2020-2021, qui avait d’abord fixé une marge de cinq ans pour l’estimation faciale de l’âge. Cette année, il a réduit cette marge à trois ans.

Nous nous sommes volontiers soumis à toutes les évaluations qui ont été proposées, et nous pouvons mettre les résultats à la disposition du comité, si cela peut vous être utile.

Le sénateur K. Wells : Monsieur Polit, parlons des éléments gestuels et de votre technologie. Pouvez-vous nous expliquer comment elle fonctionne et comment elle a été testée auprès de personnes handicapées, peut-être des personnes ayant des physiques différents ou nées sans mains ou sans jambes ni bras?

M. Polit : C’est une très bonne question. Il va sans dire que les personnes qui, pour une raison quelconque, ne peuvent pas faire des mouvements de la main de manière dite « normale » ne peuvent pas utiliser notre technologie; la première technologie que nous avons mise au point. Cependant, comme je l’ai mentionné, nous sommes en train d’élaborer une deuxième technologie qui est totalement différente. L’utilisateur peut se servir d’une webcaméra. Les personnes handicapées pourront l’utiliser. L’inclusivité est évidemment très importante. Le recours à ces deux technologies — la première avec la main, et la seconde... Je ne peux pas en dire plus sur la seconde, car un brevet est en cours d’enregistrement en France et à l’échelle internationale. Tant que le processus de brevet ne sera pas rendu plus loin, je ne pourrai pas donner plus de détails sur cette technologie. Cela dit, à l’heure actuelle, la technologie qui nécessite des mouvements de la main ne fonctionne pas si une personne a un handicap.

Le sénateur Dhillon : Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd’hui.

Je tiens à rappeler rapidement à tous que nous élaborons des lois fondées sur certains principes et, en fonction de cela, les technologies et les diverses initiatives dont nous discutons aujourd’hui... Nous avons entendu dire que beaucoup de choses pourraient changer dans les six prochains mois, d’ici un an ou d’ici cinq ans. D’ici à ce que ces mesures se concrétisent, nous serons peut-être dans une tout autre situation et discuterons de technologies différentes où nulle donnée ne sera requise, comme nous l’avons entendu aujourd’hui.

J’en viens à ma question. Nous parlons d’estimation de l’âge, ce qui, d’après ce que je comprends, permet d’effectuer une vérification auprès de la majorité des gens qui souhaitent accéder à certains sites Web. Ils peuvent alors consulter librement les contenus de leur choix. Ceux qui échouent à l’étape de l’estimation de l’âge doivent passer à l’étape suivante, qui est la vérification de l’âge. La personne doit choisir si elle souhaite fournir des informations supplémentaires pour confirmer son âge afin de pouvoir accéder à ces sites Web. Ai-je bien compris?

M. Corby : Oui.

J’ajouterais une chose à votre commentaire sur la vérification de l’âge. Vous pouvez utiliser plusieurs techniques de vérification de l’âge uniquement sur votre appareil, de sorte que les données que vous partagez ne quittent jamais la paume de votre main. Cela inclut, par exemple, la lecture d’un permis de conduire et la vérification de la ressemblance et celle d’un égoportrait par rapport à un visage. Certains de nos membres ont réduit l’utilisation de la technologie au minimum, de sorte que la seule chose qu’ils partagent est le message indiquant qu’ils ont plus de 18 ans. Il est donc faux de penser qu’il faut céder toutes ces données personnelles lorsque l’on effectue une vérification.

Le sénateur Dhillon : Je vous remercie de cette précision.

Cela vient s’ajouter à mon intervention précédente, à savoir que nous nous dirigeons vers une situation où il ne faudra fournir qu’un minimum d’éléments, voire aucun, pour procéder à une vérification de l’âge. Ai-je raison?

M. Corby : Oui. Plus tôt, j’ai parlé de la solution interopérable qui consiste à utiliser des jetons. Une personne ne doit fournir une preuve de son âge qu’une seule fois et peut-être partager ces données, si cela est nécessaire, qu’une seule fois afin d’obtenir un jeton réutilisable. L’organisme de réglementation peut l’autoriser à utiliser ce jeton pour les trois prochains mois, par exemple, sans qu’elle ait à répéter le processus. Cette solution permet, je le répète, de toujours réduire les données requises au minimum.

Le sénateur Dhillon : J’ai une dernière question. Dans le domaine de la vérification et de l’estimation de l’âge, quelle serait selon vous la probabilité d’une atteinte à la protection des données compromettant les renseignements personnels des citoyens au point où leur gagne-pain, leurs renseignements personnels et tout élément lié à leur identité seraient utilisés à mauvais escient et leur causeraient un préjudice important?

M. Corby : Je vais être honnête avec vous. Je dors sur mes deux oreilles et je ne m’en fais pas pour nos membres grâce à notre code de conduite strict qui exige le recours à la plus petite quantité possible de données. Je serais tout à fait à l’aise avec des fournisseurs de services de vérification de l’âge qui ont été audités et certifiés selon les normes internationales. Cela dit, je ne peux pas me prononcer au sujet de toutes les entreprises ailleurs dans le monde qui affirment offrir un processus de vérification de l’âge, car elles pourraient ne pas répondre à des normes aussi élevées. Il incombe aux autorités chargées de la réglementation et de la protection des données de veiller à ce que le régime mis en place au Canada soit à l’abri de certains de ces risques que peuvent poser ces cas marginaux. Mais je fais pleinement confiance à l’industrie de grande qualité que je représente.

Le sénateur Dhillon : Merci beaucoup, monsieur Corby.

Le président : Chers collègues, je constate qu’aucun autre sénateur ne souhaite poser de questions cet après-midi. Voilà donc qui met fin à ce groupe de témoins.

Chers témoins, au nom du comité, je vous remercie de vos témoignages, de votre participation et de votre précieuse contribution à notre étude.

Sénateurs, je tiens à remercier tous les membres du comité d’avoir soumis leurs idées et suggestions d’études spéciales que nous pourrions mener. Le comité directeur a eu l’occasion d’en discuter brièvement hier, mais la réunion a été écourtée pour des raisons que vous connaissez. Nous aurons donc besoin d’un peu plus de temps pour les examiner. Nous proposons que le comité directeur reporte la discussion sur les travaux futurs au mercredi 29 octobre, date à laquelle l’ensemble du comité aura l’occasion d’examiner les études proposées, de prendre des décisions et de discuter du plan pour les prochaines étapes. Je vous en informe pour votre gouverne. Avez-vous des questions, sénateurs?

Je tiens également à souligner que nous avons le projet de loi S-205, qui propose des solutions de rechange à l’isolement et prévoit une surveillance et des mesures de réparation dans le système correctionnel — Loi de Tona —, marrainé par la sénatrice Pate, qui est membre du comité. Ce projet de loi a été renvoyé à notre comité. L’étude du projet de loi devrait commencer une fois que nous aurons terminé l’examen du projet de loi S-209.

La sénatrice Batters : Je voulais seulement formuler un bref commentaire, sans rapport avec cela, mais plutôt au sujet de quelque chose qui se passe en ce moment.

Le ministre de la Justice tient présentement une séance d’information technique. Cette séance est censée s’adresser aux parlementaires, c’est-à-dire aux députés et aux sénateurs. Or, le ministre de la Justice a choisi de commencer à 10 h 30, soit à la même heure que le Comité sénatorial des affaires juridiques se réunit chaque semaine lorsque le Parlement siège. Je trouve cela tout à fait inacceptable, et j’ai d’ailleurs écrit au ministre lorsque j’ai appris cela tard hier soir, pendant notre réunion. Je lui ai écrit et j’ai envoyé une copie de mon message au leader du gouvernement au Sénat, M. Pierre Moreau. Je n’ai reçu aucune réponse de leur part. J’ai demandé qu’on reporte la séance pour les sénateurs, car nous sommes tous ici — avec nos principaux membres du personnel chargé des politiques — pour cette réunion. Je crois que le ministre de la Justice présente un projet de loi très important sur la réforme de la mise en liberté sous caution. Il en parle depuis longtemps. Le fait que nous ne puissions pas participer à cette séance d’information technique aujourd’hui est inacceptable et le gouvernement ne devrait pas agir de la sorte.

Le président : Sénatrice Simons, avez-vous un commentaire à ce sujet?

La sénatrice Simons : Je félicite la sénatrice Batters. Elle a raison. J’ai trouvé que le moment choisi pour tenir cette séance était fort malheureux.

Le président : Suggérez-vous que le président de ce comité envoie une lettre? L’idée serait de trouver un moment pour organiser une séance d’information technique pour les sénateurs. Je ne sais pas encore quand cela pourrait avoir lieu, peut-être un lundi ou vendredi de la semaine prochaine. Je vais communiquer avec les personnes concernées et j’imagine que nous pouvons nous attendre à ce qu’elles acceptent notre demande, pour des raisons qui devraient être évidentes. Merci beaucoup.

Chers collègues, la séance est maintenant levée. Je vous remercie.

(La séance est levée.)

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