LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 26 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 16 h 16 (HE), avec vidéoconférence, afin d’étudier le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition; et d’étudier, pour en faire rapport, le rapport concernant la Loi sur l’abrogation des lois pour l’année 2025 (étude d’une ébauche de rapport).
La sénatrice Denise Batters (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Bonjour, honorables sénateurs et sénatrices. Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je suis Denise Batters, sénatrice de la Saskatchewan, toujours le domicile des champions de la Coupe Grey, les Roughriders de la Saskatchewan, et vice-présidente du comité. Aujourd’hui, j’ai la chance de le présider, parce que notre président a dû s’absenter de la réunion. J’invite mes collègues à se présenter, en commençant par ma gauche.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
[Français]
La sénatrice Oudar : Manuelle Oudar, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Prosper : Paul Prosper, de la Nouvelle-Écosse, territoire des Micmacs.
Le sénateur K. Wells : Kristopher Wells, du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta,
La sénatrice Simons : Paula Simons, également du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta,
La sénatrice Pate : Bienvenue à tous les témoins. Je m’appelle Kim Pate et je vis sur le territoire non cédé, non abandonné et non restitué du peuple algonquin anishinabe aki.
[Français]
La sénatrice Clement : Bonjour. Je suis Bernadette Clement, de Cornwall, en Ontario, territoire traditionnel mohawk.
La sénatrice Saint-Germain : Raymonde Saint-Germain, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Dhillon : Baltej Dhillon, de la Colombie-Britannique.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Nous nous réunissons afin de poursuivre notre étude du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Pour notre premier groupe de témoins, nous sommes heureux d’accueillir en ligne M. Howard Sapers, directeur général de l’Association canadienne des libertés civiles. En personne, nous recevons aujourd’hui Me Michael Spratt, avocat de la défense; Mme Margo Watt, professeure et psychologue clinicienne agréée; et Mme Sheila Wildeman, professeure, École de droit Schulich, Université Dalhousie. Bienvenue, et merci de vous joindre à nous.
Nous allons commencer par vos déclarations liminaires avant de passer aux questions des membres. Nous entendrons en premier Howard Sapers. La parole est à vous pour cinq minutes.
Howard Sapers, directeur général, Association canadienne des libertés civiles : Merci, madame la présidente, et bonjour, honorables sénateurs et sénatrices. Merci de me fournir l’occasion de comparaître aujourd’hui à l’appui de l’étude par votre comité du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Même si je suis directeur général de l’Association canadienne des libertés civiles, je m’appuierai aujourd’hui sur les travaux que j’ai menés entre 2021 et 2024 en tant que président du Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée, les UIS.
Lorsque les UIS ont été créées en 2019, elles visaient à remplacer l’isolement préventif, et l’objectif était qu’aucun détenu ne passe plus de 15 jours dans des conditions assimilables à l’isolement cellulaire, conditions que les tribunaux avaient jugées inconstitutionnelles. Les unités d’intervention structurée étaient censées donner la possibilité de sortir de la cellule au moins quatre heures par jour, et au moins deux de ces heures devaient comprendre de véritables interactions humaines. Ces exigences n’étaient pas facultatives. Il s’agissait d’un minimum prévu par la loi.
Pour dire les choses simplement, la conclusion du comité a été la suivante : le Canada n’a pas éliminé les conditions d’isolement qui correspondent à l’isolement cellulaire. Malgré l’intention du Parlement, malgré le libellé du projet de loi C-83 qui a créé les UIS, et malgré les garanties répétées du Service correctionnel du Canada, ou SCC, les conditions assimilables à l’isolement cellulaire se maintiennent dans les établissements carcéraux fédéraux du pays.
Le comité a examiné les données fournies directement par le SCC. Elles ont démontré que de nombreux détenus ne reçoivent rien de ce qui ressemble aux cibles prévues par la loi. En fait, nous avons découvert que les détenus ne quittaient leur cellule qu’environ le tiers du temps, même si le SCC signale que des périodes en dehors de la cellule avaient été offertes dans près de 95 % des cas. Les offres ne veulent rien dire si elles ne se traduisent pas par de réelles possibilités de déplacement et de contact humain.
Le comité a analysé des milliers de jours-personnes dans les UIS, et lorsque nous avons examiné les séjours de 16 jours ou plus, ceux-là mêmes qui préoccupaient le plus les tribunaux, nous avons découvert que plus de la moitié de ces personnes ne recevaient pas leurs quatre heures en dehors de la cellule pour au moins les trois quarts des journées où elles se trouvaient dans ces cellules. Près de la moitié n’avaient pas bénéficié de leurs deux heures d’interactions humaines significatives. Ce sont précisément les préjudices que les UIS étaient censées prévenir.
Or, le problème dépasse les UIS à proprement parler. Nous avons à maintes reprises observé, et les données du SCC le confirment, que les conditions assimilables à l’isolement cellulaire existent à l’extérieur des UIS dans des lieux qui ne font l’objet d’aucune surveillance externe. Certains établissements utilisent des rangées spéciales ou des routines modifiées qui reproduisent l’isolement, mais ne donnent pas lieu à une protection légale. Lors de nombreuses visites de site, sous sommes tombés sur des prisonniers qui étaient hébergés physiquement dans des UIS, même s’ils ne faisaient pas partie du dénombrement officiel des UIS.
Les mécanismes de surveillance souffrent également de grandes lacunes. Les décideurs externes indépendants, dont le rôle est de s’assurer que les prisonniers sont retirés des UIS lorsque l’isolement continu n’est pas justifié, peuvent émettre des ordonnances exécutoires, mais dans de nombreux cas, le SCC n’y donne pas suite. Notre analyse a révélé que plus du tiers des détenus dont la libération avait été ordonnée par les décideurs externes indépendants, ou DEI, demeuraient dans une UIS plus de 60 jours après le renvoi de leur cas. Cela mine la légitimité de l’ensemble du système.
Nous ne pouvons pas faire abstraction des conséquences disproportionnées des UIS sur les détenus autochtones et noirs qui sont largement surreprésentés dans les UIS par rapport à leur présence dans la population générale. Les détenus qui ont des besoins en matière de santé mentale, en particulier ceux dont l’état se détériore, ont connu les séjours les plus longs et les plus préjudiciables dans les UIS.
Après près de cinq ans de surveillance continue, je peux dire avec confiance que les problèmes relevés par le comité ne sont pas temporaires et ne sont pas le résultat d’un échec isolé. Ils reflètent de profonds problèmes structurels et culturels au sein du service correctionnel. La législation sur les UIS a permis le changement sans toutefois l’exiger, et le SCC s’est souvent contenté de cocher « fait » aux recommandations du comité, sans toutefois démontrer des résultats réels, ce qui illustre clairement cette lacune.
Le Parlement a demandé qu’un examen complet du projet de loi C-83 soit entrepris à compter de 2023. L’examen n’a pas encore eu lieu. Je presse le Sénat de veiller à ce qu’il ait maintenant lieu et qu’il se concentre sur les résultats, les normes applicables et la surveillance externe véritable de toutes les formes d’isolement cellulaire, chaque fois qu’il a lieu, pas seulement dans les UIS.
Le Canada n’a pas cherché à créer une nouvelle forme d’isolement cellulaire, mais dans les faits, c’est ce que les UIS sont devenues. Sans réforme législative et opérationnelle décisive, les violations de la Charte des droits et libertés relevées par les tribunaux se maintiendront. Le projet de loi S-205 permettra de faire en sorte que cela n’est plus le cas.
Merci. Je répondrai à vos questions.
La vice-présidente : Merci.
Me Michael Spratt, avocat de la défense, AGP LLP, à titre personnel : Bonjour. J’ai passé près de 20 ans dans des salles d’audience, des salles du conseil, des couloirs, des salles de visite en établissement carcéral et beaucoup trop de temps au téléphone à essayer de savoir ce qui se passe lorsque les gens sont envoyés en détention.
Je suis reconnaissant d’être ici. Et je vais être franc : ce projet de loi m’offre quelque chose de rare dans ce domaine du droit : de l’espoir.
Vous avez tous vu les rapports de l’enquêteur correctionnel. Année après année, ils décrivent les mêmes sombres réalités : la surutilisation de l’isolement, le traitement discriminatoire, les lacunes dans les soins de santé mentale, la violence sexuelle et l’opacité bureaucratique. Ces conditions ne devraient jamais être normalisées. Nous envoyons des gens en prison à titre de peine, et non pour les punir davantage.
J’entends aussi ces histoires racontées directement par mes clients et leur famille. Pire encore, bien que ces situations puissent être profondément troublantes, il n’y a rien de pratique que je puisse faire pour aider.
Les mécanismes internes de traitement des plaintes avancent à pas de tortue. L’enquêteur correctionnel peut apporter de la lumière, mais ne peut pas offrir de recours en temps opportun. Les poursuites au civil coûtent cher et sont hors de portée de la plupart des personnes incarcérées.
Les juges imposent des peines d’emprisonnement en présumant que la loi sera respectée. Ils sont régulièrement stupéfaits lorsqu’ils entendent les histoires de ce qui s’est passé derrière les barreaux. Le projet de loi S-205 reconnaît cette lacune. Il offre une chose qui manque à notre système depuis des dizaines d’années : une voie d’accès au juge qui a imposé la peine, le seul acteur impartial qui connaît déjà l’affaire, le délinquant et qui comprend les principes constitutionnels fondamentaux.
Voici un exemple de la manière dont le système actuel est injuste et produit un système de justice à deux niveaux. Imaginez deux personnes qui commettent la même infraction et qui se voient imposer la même peine de deux ans ou plus. La personne A plaide coupable rapidement. Sa peine est imposée rapidement, et elle entre dans le système fédéral. Pendant son incarcération, elle fait face à un isolement illégal et à d’autres mauvais traitements. Étant donné que cela arrive après la détermination de la peine, le juge n’est pas en mesure de modifier la peine pour refléter ce préjudice ou prendre des mesures correctives.
La personne B prend plus de temps à régler son cas. Elle reste en détention provisoire provinciale, où elle fait l’objet des mêmes mauvais traitements, mais puisque ces mauvais traitements se produisent avant l’imposition de la peine, le juge peut en tenir compte en utilisant des outils de détermination de la peine ordinaires et réduire la peine en conséquence. Deux personnes, le même acte criminel, les mêmes circonstances et le même traitement illégal, mais l’une obtient un recours, et l’autre n’a pas cette chance. C’est illogique, injuste et tout à fait inévitable.
Le projet de loi S-205 règle ce problème en permettant au juge de réduire une peine en cas d’iniquité dans l’administration de la peine. Il s’agit d’un principe bien établi en droit pénal. La proportionnalité devrait s’appliquer à chaque étape de la détermination de la peine, même après son imposition.
Je sais que c’est peut-être un peu inhabituel dans la tâche politique, mais j’aimerais proposer quelques suggestions constructives.
Premièrement, le projet de loi devrait indiquer clairement que cet article 1981 s’applique même avec les peines minimales prévues par la loi. Le Parlement utilise les peines minimales, parfois de manière peu avisée — presque toujours —, mais elles existent. C’est une réalité. Pour éviter les litiges et la confusion, je recommande que le projet de loi S-205 exprime explicitement que les recours sont offerts sans égard à une peine minimale prévue par la loi. Lorsque l’État contrevient aux droits d’une personne dans l’administration d’une peine, il devrait y avoir un recours.
Deuxièmement, il y a un problème de divulgation. Il n’y a pas moyen d’aider si on ne voit rien. Je vais être d’une franchise brutale : le système correctionnel fédéral est une des institutions opaques au Canada. Les clients sont déplacés loin de chez eux, l’accès téléphonique est inégal, les dossiers sont cachés derrière des processus internes, et les personnes mêmes qui contrôlent les documents sont souvent celles qui sont présumées avoir commis l’inconduite. Pour les avocats qui naviguent dans ce système, c’est comme essayer de résoudre un meurtre non élucidé lorsque le seul témoin est aussi le suspect et qu’il contrôle l’ensemble des preuves.
Le projet de loi S-205 devrait inclure des mécanismes clairs de divulgation automatique de sorte que les avocats sachent immédiatement lorsque quelque chose se passe. Le SCC devrait être contraint de divulguer tous ces rapports en temps opportun, et le juge devrait disposer d’un pouvoir explicite d’ordonner la production de tous ces dossiers dans le cadre du mécanisme d’examen.
L’accessibilité à un avocat pose toujours problème. De nombreuses personnes qui ont besoin de ce recours n’auront pas les moyens de se payer les services d’un avocat. Je recommande que le projet de loi S-205 comprenne une disposition calquée sur la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou l’article 46.3 du Code criminel, qui permet aux tribunaux de désigner un avocat, au besoin, pour faciliter le processus et garantir l’équité.
Et en 2025, il devrait aller de soi que le demandeur puisse comparaître par vidéoconférence.
Il arrive souvent que les gens soient déplacés à l’autre bout du pays, loin de leurs réseaux de soutien et loin du juge qui a imposé la peine. Cela fait partie du problème. La participation à distance rend les audiences plus rapides, moins chères, plus humaines, en plus d’éviter les transfèrements qui peuvent perturber les programmes, les services de counseling et la réadaptation que nous souhaitons voir.
Pour terminer, je tiens à dire que le projet de loi n’est pas radical; il est responsable, humain et, bien franchement, attendu depuis longtemps. Lorsque l’État maltraite des personnes en détention, il doit exister un recours opportun et véritable. Celui‑ci doit être accessible. On fait déjà confiance aux tribunaux pour imposer des peines. Le projet de loi permet enfin de garantir que ces peines sont administrées dans le respect de la loi, comme prévu.
Je répondrai volontiers à vos questions. J’ai fait de mon mieux pour rester sous les cinq minutes afin d’être dans vos bonnes grâces.
La vice-présidente : Vous avez dépassé le temps de 40 secondes.
Margo Watt, professeure et psychologue clinicienne agréée, à titre personnel : Merci, madame la présidente. Je suis psychologue clinique et professeure émérite à l’Université St. Francis Xavier en Nouvelle-Écosse. Pour une bonne partie de ma carrière, j’ai fourni des services de santé mentale à des personnes incarcérées dans les établissements fédéraux, hommes et femmes, mais principalement à l’Établissement Nova pour femmes à Truro, en Nouvelle-Écosse.
En effet, dans la foulée du décès d’Ashley Smith en détention, j’ai agi comme cheffe de la santé mentale et dirigé l’équipe de santé mentale à l’Établissement Nova. Je m’adresse aujourd’hui à vous en tant que psychologue clinique. Tout cela pour dire que je reconnais les défis liés à la prestation de services de santé mentale en prison. Je reconnais pleinement les défis, parce que les prisons ne sont pas des environnements thérapeutiques. Ils n’ont pas été conçus dans ce but, selon une approche philosophique, physique, opérationnelle, et c’est pourquoi il est très difficile de fournir des services.
Néanmoins, 75 % des personnes qui se présentent à leur porte ont des problèmes de santé mentale, dont une grande part — autour de 15 à 20 % — souffrent de maladies mentales, qui nuisent fortement à leur fonctionnement.
Les comorbidités et les troubles concomitants sont la norme, pas l’exception, et c’est ce qui rend les évaluations, les diagnostics et les traitements très compliqués.
Bien sûr, ils se présentent à la porte avec des problèmes de santé mentale. L’environnement carcéral lui-même, avec sa rupture de la famille, qu’il s’agisse d’isolement, de retenue, de violence, ou du seul bruit, est très contre-thérapeutique. Il peut à la fois exacerber les affections préexistantes et contribuer à de nouvelles affections, surtout pour les personnes qui ont des antécédents de traumatisme. Nous savons qu’au moins 50 % de la population carcérale a des antécédents de traumatisme, d’expériences négatives vécues pendant l’enfance, de violence sexuelle ou de violence physique.
L’absence de services de santé mentale adéquats et efficaces entraîne inévitablement des conséquences négatives sur les populations marginalisées, et ce, de manière disproportionnée. Le problème associé au manque de services de santé mentale adéquats est que cela touche davantage ceux exposés à un risque accru.
Année après année, bien sûr, nous recevons des rapports du Bureau de l’enquêteur correctionnel, du Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée auquel j’ai siégé avec Howard Sapers, de la Commission de la santé mentale du Canada : chacun témoigne des lacunes et des échecs des services de santé mentale dans nos établissements carcéraux.
Les raisons qui expliquent ce constat sont nombreuses. J’en ai mentionné quelques-unes, mais l’une des raisons dont j’aimerais parler aujourd’hui est l’absence de professionnels de la santé mentale de qualité. C’est un problème qui touche la santé mentale. Si 75 % des membres du Sénat souffraient de problèmes de santé mentale... qui sait s’ils n’en ont pas. Eh bien, dans chaque situation, il s’agit d’un problème de santé tout autant que d’un problème de justice pénale.
L’une des lacunes qui ressortent clairement depuis que je suis associée au Service correctionnel est l’absence de professionnels de la santé mentale qualifiés. Par « qualifiés », j’entends des personnes qui ont une expérience, une expertise et une formation spécialisées en santé mentale, qui sont autorisées à effectuer des évaluations, à fournir un traitement direct ou à rendre officiellement des diagnostics.
Un professionnel de soins de santé n’est pas de facto un professionnel de la santé mentale. Il nous faut des soins spécialisés, or le SCC a eu du mal à recruter et à retenir des professionnels qualifiés en matière de santé mentale. Il y a beaucoup de raisons à cela, dont certaines rappellent la raison pour laquelle ce n’est pas un environnement thérapeutique.
Au moment où nous nous parlons, en fait, il m’a été signalé qu’il y a 100 postes en psychologie vacants dans le Service correctionnel.
Mon souhait pour la Loi de Tona est que nous puissions écouter les paroles nous incitant à libérer les personnes incarcérées; nous devons fournir des services de santé mentale appropriés, préférablement des services accessibles dans la collectivité. Cela suppose, bien entendu, que la collectivité se mobilise et assume ses responsabilités. Mais mon souhait est que la Loi de Tona — et, pour reprendre les paroles de Tona — nous encourage à aller de l’avant. Si nous ne pouvons pas recruter, la situation ne changera probablement pas au sein du Service correctionnel pour ce qui est du recrutement de professionnels. Donnons-lui accès aux professionnels quand c’est possible. Cela exigera un certain effort de la part de la collectivité.
Oui, c’est fait. C’est désormais à la collectivité de relever le défi.
La vice-présidente : Tout à fait. Je vous remercie de ces importants commentaires.
Sheila Wildeman, professeure, École de droit Schulich, Université Dalhousie : Merci beaucoup. Je suis honorée de m’adresser à vous aujourd’hui en faveur de la Loi de Tona. Je suis professeure de droit et directrice de l’institut de droit à l’Université Dalhousie située sur le territoire non cédé des Mi’kmaqs.
Mon travail englobe le droit administratif, le droit des personnes handicapées et le droit carcéral, y compris l’habeas corpus et les limites juridiques à la détention psychiatrique. Je suis également coprésidente de l’East Coast Prison Justice Society.
Je suis fière de dire que Tona Mills était mon amie. La sénatrice Pate nous a présentées en 2018, 20 ans après que je suis tombée pour la première fois sur l’histoire de Tona en faisant des recherches sur les obstacles inconstitutionnels aux soins de santé mentale pour les femmes purgeant une peine de ressort fédéral. En 1998, j’ai appris que la refonte par le SCC des prisons pour femmes, inspirée du modèle pavillonnaire, avait eu des effets contraires à ceux escomptés : les femmes considérées comme présentant un risque et des besoins élevés, dont Tona, ont été aspergées de gaz poivré, dépouillées de leurs vêtements, attachées et maintenues en isolement cellulaire prolongé pendant des mois dans l’établissement pour hommes à Springhill.
Pour Tona, survivante de la rafle des années 1960 issue des Salish du littoral, dont le parcours carcéral s’est traduit par une série d’appels à l’aide de plus en plus pressants, il ne s’agissait là que d’un chapitre parmi 10 années de grossières privations et de violations dans les prisons du Canada. Son histoire reflète la discrimination systémique contre les femmes autochtones qui constituent, comme vous le savez, la moitié des femmes purgeant une peine de ressort fédéral et qui portent, comme Mme Watt l’a dit, le traumatisme colonial aggravé par l’incarcération, y compris l’usage disproportionné de la force et la sécuritisation.
En 1998, j’ai avancé dans un article étudiant non publié — et il y a là une histoire — l’argument selon lequel le SCC créait et exacerbait un soi-disant traumatisme des femmes présentant un risque et des besoins élevés et des problèmes de santé mentale de manière à porter atteinte à leur sécurité de la personne et à leur égalité. Les jugements de la cour d’appel confirment maintenant que, lorsque l’isolement cellulaire exacerbe des problèmes de santé mentale graves, cela constitue une atteinte aux droits de la personne. Ces connaissances orientent également l’annonce récente du Bureau de l’enquêteur correctionnel selon laquelle le SCC est structurellement mal équipé pour répondre aux besoins des personnes présentant des problèmes de santé mentale, des déficiences intellectuelles ou les deux, traduisant plutôt ces problèmes en risque et répondant par une sécuritisation violente.
Les décès tragiques d’Ashley Smith, de Matthew Hines et de Stéphane Bissonnette, et les plus de 2 000 jours d’isolement cellulaire de l’homme déné Joey Toutsaint, ne sont que des variations sur le même thème.
Trois facteurs systémiques expliquent ces dynamiques institutionnelles : premièrement, le problème de gouvernance; le modèle paramilitaire du SCC favorise de manière intransigeante la sécurité au lieu des fins thérapeutiques, et cela se répercute sur l’établissement des budgets, l’embauche, la formation et ainsi de suite. Deuxièmement, le problème de la culture institutionnelle. Les agents correctionnels sont acculturés à contenir par la force les écarts perçus. Troisièmement, le problème des loyautés partagées, lorsque le personnel de santé du SCC est enrôlé dans la gestion des risques et la sécuritisation, en contradiction avec son éthique professionnelle.
Dans ce contexte, le projet de loi S-205 propose quatre réformes majeures visant à court-circuiter la sécuritisation des risques liés aux besoins de santé : cela comprend deux mécanismes de surveillance et deux voies de substitution.
Premièrement, le projet de loi prévoit la surveillance judiciaire d’un placement dans une UIS dans les 48 heures afin de valider la sécurité ou d’autres justifications et de garantir l’accès à des contacts humains significatifs. Cela vient perturber la structure byzantine de l’examen interne des UIS, dont M. Sapers a parlé et dans laquelle les personnes autochtones, racisées et handicapées sont disproportionnellement entraînées.
Afin que vous ne pensiez pas que cet examen est redondant, compte tenu du droit constitutionnalisé à l’habeas corpus, je souligne que les détenus sont exposés à des obstacles importants pour ce qui est de l’accès à l’habeas corpus, que ce soit en raison de problèmes de santé mentale, de la crainte de représailles ou du risque que, en tant que personnes autoreprésentées, elles s’exposent non seulement à l’échec, mais également à des frais et au statut de plaideur quérulent.
Le deuxième élément de surveillance est le fait que le projet de loi codifie la solution proposée par la juge Arbour, en fonction de laquelle les juges peuvent réduire une peine lorsque l’illégalité rend l’emprisonnement plus difficile que prévu. Comme Me Spratt l’a mentionné, les juges adaptent déjà les peines de manière prospective en fonction de conditions de détention provisoire abusives; cela permet un rajustement rétrospectif correspondant qui fait valoir la règle de droit derrière les murs carcéraux.
Enfin, il reste deux autres soupapes de sécurité. Premièrement, si un professionnel de la santé détermine qu’une personne souffre de troubles mentaux invalidants au sens décrit par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la personne doit être transférée vers un établissement de santé mentale provincial; il s’agit d’un lieu où les soins, et non pas la sécuritisation, sont la priorité. Comme vous le savez, M. Zinger a formulé une recommandation complémentaire, ajoutant que le SCC devrait réaffecter les 1,3 million de dollars réservés afin de remplacer le Centre de rétablissement Shepody pour financer des lieux de soins de santé mentale de courte durée en partenariat avec la province.
Deuxièmement, le projet de loi dit que le commissaire doit chercher à cerner les organisations autochtones et d’autres partenaires afin de conclure des ententes sur l’administration communautaire des peines et la surveillance des libérations conditionnelles. Cette obligation s’inscrit dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA, et la recommandation des Prisoners’ Legal Services de la Colombie-Britannique pour que le SCC réaffecte le tiers de son budget de 3 milliards de dollars à des mesures de soutien communautaire dirigées par les Autochtones.
De plus, en élargissant les ententes prévues au titre des articles 81 et 84 pour inclure les organisations qui représentent d’autres groupes disproportionnément touchés par la sécuritisation comme les Noirs, les personnes trans et les personnes handicapées, le projet de loi reconnaît la nécessité de réparer les nombreux préjudices discriminatoires continus.
Pour conclure, je reviens à Tona Mills. Tona Mills a passé de nombreuses années à l’hôpital pour se remettre de 10 années de torture en prison. Il y a quelques années, elle est déménagée dans un appartement de soutien à la vie autonome, chaleureux et accueillant. Puis la tragédie a frappé de nouveau : comme vous l’avez entendu dire, elle a eu un cancer terminal.
Pour qu’ils se souviennent d’elle, Tona a donné à ses employés des tatouages personnalisés, une expression de son esprit créatif et narquois et de son caractère affectueux. Ce projet de loi est votre cadeau de Tona. Avec lui, nous pouvons promouvoir la surveillance opportune de l’isolement cellulaire et libérer le système carcéral de ses pires excès. D’abord, en redirigeant les personnes aux prises avec de graves problèmes de santé mentale vers les hôpitaux et les soutiens communautaires; ensuite, en encourageant les solutions de rechange communautaires pour les Autochtones et les autres personnes et groupes disproportionnellement soumis à la sécuritisation, à des violations et à la vulnérabilisation. Je vous presse d’adopter le projet de loi, et je répondrai volontiers à vos questions. Je m’excuse si j’ai dépassé mon temps. Merci.
La vice-présidente : Merci. Nous passerons maintenant aux questions des sénateurs.
J’invite les honorables sénateurs et sénatrices à restreindre leurs questions et à garder leurs réponses succinctes pour que je puisse accorder à chacun d’entre vous un échange de cinq minutes.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais revenir sur l’article 11, qui permet de réduire une peine dans certaines circonstances. Maître Spratt, du point de vue de la défense, ce nouveau recours permettant de demander une réduction de peine pour injustice, oppression ou abus est-il réellement accessible pour les personnes détenues, ou est-il davantage théorique, compte tenu de l’accès limité à l’aide juridique et aux conseils? Vous en avez parlé un peu, mais est-ce une chose qui ne fait qu’embellir le projet de loi, ou cela va-t-il vraiment changer les choses?
[Traduction]
Me Spratt : Je pense que vous avez raison de vous préoccuper des ressources, qui se font rares dans le système judiciaire.
Premièrement, la ressource du temps des tribunaux est une chose dont on doit tenir compte. Je pense que vous ne voulez pas affaiblir ce qui pourrait être un bon projet de loi susceptible d’influencer de manière radicale la façon dont les peines sont purgées et l’application des principes de la Charte à cause d’un seul souci hypothétique au sujet des ressources.
Il y aura assurément quelques tensions. Dans le système de justice pénale, nous parlons beaucoup de dissuasion. Nous discutons de moyens de prévenir les problèmes avant qu’ils ne surviennent. La surveillance judiciaire et le suivi ainsi que la menace d’une réduction de peine pourraient dans les faits permettre d’économiser des ressources judiciaires à long terme, en interrompant et examinant ces problèmes et en trouvant une solution avant qu’ils ne grugent plus de temps et fournissent évidemment des incitatifs pour les organisations, sachant qu’elles devront rendre compte de leurs actes dans une tribune publique comme la salle d’audience d’un tribunal.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai maintenant une question pour Mme Watt.
[Traduction]
Votre conclusion m’intéresse. La question que je me pose c’est, où est la solution? Vous affirmez qu’il n’y a aucun psychiatre ou aucun expert en santé mentale dans les prisons, ou très peu, et à présent, vous comptez sur la collectivité pour faire ce travail; cependant, la collectivité est également confrontée à un réel problème : elle compose avec un nombre très restreint, voire une pénurie de psychiatres.
Allons-nous les inventer? Comment pouvons-nous également... Je lisais ce qu’un médecin avait écrit : « Eh bien, il nous est difficile d’accepter de prendre en charge ces détenus, et de ne pas prendre soin de nos propres détenus, qu’ils soient de la province ou qu’il s’agisse de personnes malades. »
Où est la solution?
Mme Watt : Vous posez une excellente question.
Tout d’abord, il y a une pénurie de professionnels de la santé mentale partout. Ce que nous observons dans les prisons ne change pas. La situation reste identique d’année en année, de décennie en décennie. Des professionnels, nous en avons. Les prisons ne peuvent pas attirer certains des professionnels dont elles ont besoin, comme des psychologues. Elles n’arrivent pas à attirer des psychologues. Les psychologues et les psychiatres peuvent effectuer les types d’évaluation et poser les diagnostics dont je parlais.
Il y a des psychologues et des psychiatres au sein de la collectivité. En psychiatrie, un mécanisme permet aux professionnels d’aller travailler dans les prisons, tout en continuant de pratiquer à temps plein dans la collectivité, mais il leur permet de le faire d’une manière structurée. Une partie de ce mécanisme pourrait être améliorée, en ce qui concerne les psychologues, pour qu’il soit possible que les psychologues puissent plus facilement venir faire des choses spécifiques.
Je reconnais, toutefois, que ce que j’ai mentionné plus tôt concernant la collectivité représente un défi de taille. En tant que psychologue clinicienne, je sais que le passé de mon domaine montre que nous avons abandonné les gens. Nous les avons criminalisés. Nous ne plaçons plus les gens dans des institutions. Nous étions censés disposer de ressources dans la collectivité, mais nous avons fini par criminaliser les gens.
En tant que communauté, il nous incombe de mieux faire.
J’ai peut-être été un peu naïve, ou peut-être que mon commentaire était facétieux lorsque j’ai affirmé que nous devions créer plus de liens avec la collectivité, un peu comme ce que Mme Wildeman a mentionné en parlant du fait que l’argent du centre de rétablissement Shepody était consacré à des placements à l’échelle provinciale. Il s’agit de verser des fonds au profit de la collectivité, de l’Institut Pinel à Montréal, et des ressources communautaires où les interventions ne sauraient être subordonnées aux activités.
Le sénateur Prosper : J’aimerais commencer par vous remercier de votre présence aujourd’hui, et de vos témoignages. J’imagine que nous aurions aimé avoir de bonnes nouvelles, mais comme vous l’avez expliqué, depuis un bon moment, nous sommes en butte à cette réalité. Je tiens toutefois à reconnaître votre détermination à changer la donne, ici.
Pour en revenir à ce que vous avez mentionné concernant les collectivités, madame Wildeman, vous avez évoqué les soutiens communautaires. Vous avez parlé du potentiel ou de la possibilité que le tiers du budget du SCC peut-être soit consacré à des initiatives communautaires menées par les Autochtones.
Madame Watt, vous avez aussi parlé de la collectivité.
Pouvez-vous nous expliquer ce que sont ces initiatives communautaires? Quelles en sont les approches? En existe-t-il déjà? Sinon, décrivez-nous à quoi ressembleraient certaines de ces initiatives.
Mme Wildeman : Je suis contente que vous ayez posé la question. En tant que directrice de la Health Justice Institute, j’ai eu la chance de faire équipe avec la titulaire de la chaire du chancelier en droit et politique autochtones, la professeure Naiomi Metallic, pour organiser en collaboration un événement que nous avons baptisé « Mesures de soutien aux personnes handicapées menées par les Autochtones sur les territoires des Abénakis ». L’événement a duré toute la journée et a rassemblé des personnes qui ont fait part de leur travail. C’était extraordinaire, et même si certains manquaient de temps ou de ressources pour parler de leur travail ou échanger avec les autres, c’était significatif. Je ferai volontiers part du rapport que nous avons rédigé à la suite de cet événement au comité, plus tard.
Le Wabanaki Council on Disability était présent. Il me semble que Conrad Saulis avait déjà comparu devant votre comité auparavant. L’organisme avait, en partie, parlé des conceptions assez profondes ayant trait à l’incapacité, et a ramené à l’essentiel ce qu’est un handicap, et ce que cela signifie de soutenir des personnes en situation de handicap.
Mis à part le Wabanaki Council on Disability, des représentants d’autres organisations et initiatives sont également intervenus, et parmi ces organisations et initiatives, certaines existent depuis très longtemps. Je suis certaine que vous connaissez l’existence de Mawita’mk. Rosie Sylliboy en est la directrice administrative, et cela fait très longtemps que l’organisme offre des mesures de soutien dans un cadre résidentiel aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale assez chroniques, et d’autres handicaps. Mme Sylliboy a également parlé du travail que l’organisme effectue.
Nous avons également rencontré des représentants du centre de guérison Diamond Bailey, une organisation associée à un centre d’amitié. Les résidents bénéficient d’un séjour de soutien de courte durée en milieu résidentiel dans un cadre urbain. Souvent, il s’agit de personnes qui ont été criminalisées, qui ont consommé des substances ou qui ont reçu des traitements en raison de problèmes de santé mentale. On fait beaucoup porter l’accent sur le retour à la terre, mais je dois dire qu’on entend souvent bon nombre de ces personnes dire, « Nous n’avons pas de terre. Nous avons cet établissement merveilleux, mais nous n’avons pas accès à la terre. » Donc, c’est plutôt le manque de ressources dont il est question.
Nous avons eu beaucoup d’autres exemples : des personnes qui soutiennent les jeunes, des personnes qui soutiennent les jeunes dans le système éducatif d’Eskasoni; il y a beaucoup de partages. Mais ce qui revenait tout le temps, c’était le manque de ressources pour continuer de préserver la créativité et l’imagination qui caractérisent ces initiatives.
D’autres événements de ce genre seront organisés à l’avenir. Ce que j’en ai retenu, c’est qu’il s’agit précisément des genres d’initiatives qui méritent un financement par l’entremise des accords en vertu des articles 81 et 84. Je pense que cela paraît un peu effrayant, car on dirait qu’on va relâcher des personnes qui n’ont pas été bien servies — parmi elles, certaines ont passé des décennies dans le système de justice pénale — et les relâcher au sein des collectivités. Mais selon moi, ce n’est pas la bonne approche. Ce qu’il faudrait faire, c’est de demander aux personnes qui disposent d’une incroyable expertise et somme de connaissances en la matière ce qu’il convient de faire.
Merci.
Le sénateur Prosper : Merci.
Mme Watt : Comme je vous l’ai précédemment expliqué, sénateur Prosper, en vertu des articles 81 et 84... si nous reconnaissons que les prisons sont des environnements contre-thérapeutiques, le fait de permettre à ces personnes de réintégrer les collectivités, surtout à des personnes autochtones de réintégrer leurs communautés, est une approche thérapeutique qui mérite d’être mieux explorée, et, qui n’a pas été suffisamment mise en pratique.
La sénatrice Simons : Ma question s’adresse à M. Sapers, qui, il était une fois, dans une autre vie, était mon député provincial.
Dans vos observations liminaires, vous avez parlé du refus des services correctionnels de respecter la règle de droit immuable, et d’obéir à des ordres directs, et ce que vous avez décrit était assez déprimant. Êtes-vous certain que toute modification que nous pourrions apporter à ce projet de loi, une fois adopté, sera effectivement respectée?
M. Sapers : Merci d’avoir posé la question, madame la sénatrice. Vous avez visé dans le mille.
Le problème avec le SCC est d’ordre culturel. Les membres ont tendance à s’opposer à la surveillance, à s’unir et se défendre contre les critiques, et à rendre les choses plus compliquées qu’elles ne devraient l’être.
Nous avons essayé bon nombre d’approches en ce qui concerne la surveillance. Par exemple, récemment, nous avons nommé ces DEI. Mais, cela ne fonctionne pas. Il se peut que, avec la surveillance judiciaire, les choses changent, ou non, mais au moins, les choses seraient plus transparentes et publiques.
Un jour ou l’autre, le public et les gouvernements qu’il élit devront agir avec plus de fermeté pour obliger le Service correctionnel du Canada à respecter ses responsabilités légales et le cadre stratégique. Mieux vaut trop de transparence que pas assez, et il en va de même pour la reddition de comptes. Je crois que le projet de loi S-205 est porteur d’espoir, car l’accent sera davantage mis sur la reddition de comptes et la transparence.
Je vais m’arrêter ici.
La sénatrice Simons : Le paragraphe 2 de l’article 33 mentionne ce qui suit :
Sauf si une cour supérieure l’autorise en vertu du paragraphe 3, cette incarcération ne peut durer plus de 48 heures.
Pensez-vous que ce paragraphe est assez définitif? Est-ce qu’il sera véritablement respecté? Si oui, a-t-on besoin de prévoir un amendement afin de faciliter un examen ultérieur?
Selon ce qui est écrit, si la cour affirme qu’après 48 heures la personne peut être libérée, il n’y a pas de fin, ou un autre moment où la cour intervient pour dire : « D’accord. Vous avez passé suffisamment de jours là. »
M. Sapers : Effectivement. J’y ai pensé. Je n’ai pas de réponse parfaite.
Je pense que ce qui se passerait, en pratique, c’est que Service correctionnel Canada tenterait d’éviter, dans la mesure du possible, ce genre de surveillance judiciaire. Je pense qu’il se peut qu’il soit plus proactif, et que l’on voie moins de personnes se faire incarcérer dans ces conditions.
Par ailleurs, on s’inquiète du fait que le SCC continuera de trouver des moyens d’isoler les personnes qui sont un peu en marge des lois. Il faut qu’une combinaison de choses soit mise en place, comme le Bureau de l’enquêteur correctionnel, les DEI, et les visites parlementaires afin d’augmenter la surveillance des activités du SCC.
Je crois qu’il est temps que nous essayions différentes approches. J’ajouterais qu’il n’est pas uniquement question de la surveillance des politiques existantes. Je pense que d’autres réformes structurelles s’imposent.
Le projet de loi S-205 mentionne le fait qu’il faut tirer parti des lois existantes afin que les personnes qui composent avec des problèmes de santé, y compris des problèmes de santé mentale, soient essentiellement soignées dans des environnements de soin.
Il faut qu’il y ait un changement structurel qui veillerait à ce que les personnes malades soient dirigées vers des systèmes de soins de santé. Qu’on laisse le système carcéral gérer les prisons, et qu’on laisse les autorités sanitaires gérer les systèmes et les organisations de soins de santé.
Cette tendance visant à faire en sorte que ce ne soit plus les services correctionnels qui assurent les soins de santé est significative, et le SCC représente l’un des derniers obstacles. Il ne s’agit pas uniquement de la surveillance. Il ne s’agit pas uniquement de ce que le projet de loi S-205 peut apporter : d’autres changements structurels nécessaires s’imposent.
Si je peux simplement revenir à la question précédente ayant trait aux occasions liées aux programmes et services autochtones et au transfert des pouvoirs, en 2013, j’ai publié un rapport intitulé, Une question de spiritualité : Les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, lequel soulignait les problèmes, et a émis des recommandations raisonnables d’améliorations. Dix ans plus tard, le bureau, sous la direction de M. Zinger, a publié un rapport intitulé, Dix ans depuis Une question de spiritualité, lequel souligne exactement les mêmes problèmes, et est contraint de répéter certaines des mêmes recommandations.
Nous devons sortir de ce cycle, et demander sérieusement des comptes au SCC. La supervision et la surveillance du tribunal sont une première étape.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup.
La sénatrice Saint-Germain : Bienvenue à toutes et à tous, et je souhaite particulièrement la bienvenue à Howard Sapers, avec qui j’ai travaillé.
Premièrement, je vais donner un peu de contexte. Pendant plus de 10 ans, j’ai travaillé à titre de protectrice du citoyen au Québec, et j’ai supervisé les 19 centres correctionnels du Québec, y compris l’hôpital, et les établissements de santé mentale. Je cernais bon nombre des problèmes concernant le respect des droits résiduaires des détenus. Je tiens également à souligner le fait que dans les établissements de santé mentale, il y a bon nombre de lacunes concernant les droits des personnes qui vivent ou qui composent avec des problèmes de santé mentale.
Ma première question s’adresse à vous, madame Watt, et les définitions de « santé mentale » ou « personne souffrant de troubles mentaux invalidants » utilisées dans le projet de loi S-205 me préoccupent, tout comme « refuse d’interagir avec les autres », « commet des actes d’automutilation », « présente des symptômes de surdose de drogue », et « présente des signes de détresse émotionnelle ou un comportement qui donne à penser qu’il a un urgent besoin de soins de santé mentale ».
Pensez-vous qu’avec une définition aussi large, nous allons participer au renvoi d’une proportion trop grande de détenus au tribunal, ou à l’hôpital, surtout à l’hôpital psychiatrique, jusqu’à ce que cela devienne ingérable, sachant qu’il n’y a aucune garantie supplémentaire que leurs droits seront respectés durant ce — je dirais — temps de transition, et parfois plus que ce temps de transition?
J’aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez.
Mme Watt : Merci de poser cette question.
Ma réponse serait que c’est pour cette raison nous avons besoin, dans tout le système, que ceux qui prennent des décisions soient qualifiés. Vous avez décrit un large spectre de symptômes, et même dans la formulation, on est aux prises avec les mots. S’agit-il d’un trouble mental? D’une maladie mentale grave? D’un défi en matière de santé mentale? Les professionnels ont défini des façons d’examiner ces problèmes. Il y a des seuils que nous devons atteindre pour pouvoir poser un diagnostic.
J’imagine que je dirais que le fait de mettre à la disposition du SCC des gens qui peuvent faire ce genre d’évaluations quant au facteur de risque de l’individu, préciser le diagnostic de l’intéressé, offrir des pistes de traitement à son égard... ces compétences sont essentielles et pourraient aider à apporter davantage de clarté.
On ne peut pas s’attendre à ce que les gens regardent l’ensemble de symptômes que vous venez de me décrire et qu’ils soient en mesure de déterminer clairement la marche à suivre. Comme vous le dites, cela deviendrait ingérable très rapidement, à moins d’avoir une définition très précise.
Voilà à quoi servent les professionnels qualifiés. C’est leur travail. Donner au SCC l’autonomie, les ressources et un accès à ces professionnels qualifiés pourrait être très bénéfique pour lui. En fait, bien sûr, cela serait très bénéfique pour le SCC.
Si je peux me permettre d’ajouter une chose : j’aime la question, car elle rend compte de la situation au sein des prisons. C’est compliqué.
À la suite de la mort d’Ashley Smith en incarcération, beaucoup d’argent a été injecté dans le SCC afin d’identifier les gens qui pourraient être à risque, tout comme l’était Ashley Smith. Des évaluations complètes ont été menées pour préciser avec soin les diagnostics et orienter le traitement, et ce, d’une manière qui n’existait pas auparavant et cela n’a été mis en place que pour un court laps de temps. Cela a été possible. Cela a effectivement été possible.
J’estime qu’il y a des façons de le faire, mais vous devez avoir les bonnes personnes en place pour atteindre cet objectif.
La sénatrice Saint-Germain : Merci beaucoup.
La vice-présidente : Cependant, je souhaiterais poser une question liée à ce qu’a demandé la sénatrice Saint-Germain. La définition qu’elle a lue est en vérité ce qui est à l’étude dans le projet de loi.
Compte tenu de la situation très large que vous venez de qualifier ainsi, comme étant très large, craignez-vous qu’elle soit définie de façon trop englobante et que cela pourrait ensuite engendrer des problèmes?
Mme Watt : Je crois qu’il est crucial de clarifier la définition, et je ne suis pas certaine de l’origine de cette définition, mais je suis d’avis qu’il est toujours important d’avoir une définition claire.
Lorsque vous gérez des cas complexes liés à la santé mentale, cela va toujours représenter un défi, d’une manière ou d’une autre, mais je crois que clarifier la définition pourrait être important.
Vous avez dit autre chose. Vous avez parlé de clarification de la définition, et ensuite, qu’est-ce que vous venez de dire?
La vice-présidente : Si elle est trop englobante — et qu’elle provient en fait de l’article 37.11 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition —, si cela pourrait engendrer des problèmes du fait que cette définition est trop englobante, elle s’appliquerait à trop de personnes?
Mme Watt : Bien, la clarification de la définition serait tout aussi importante que la disponibilité de personnes en mesure de poser des diagnostics ou de mener des examens au moment de l’incarcération.
Encore une fois, un des éléments que j’ai mentionnés à d’autres personnes a trait à l’usage du terme « professionnel de la santé » dans la loi. Encore une fois, un « professionnel de la santé » est qualifié, et, dans la plupart des cas, a une formation en santé mentale, mais je privilégierais tout de même le terme « professionnel de la santé mentale qualifié ».
Une définition précise avec des qualifications précises pourrait aider à clarifier la situation.
La vice-présidente : Merci. Je comprends.
Je voudrais également m’adresser brièvement à Me Spratt. Merci beaucoup de vos observations préliminaires, dans lesquelles vous avez discuté des façons dont le projet de loi pourrait possiblement être amélioré. Une de vos suggestions avait trait avec la gestion du problème de la divulgation, dont vous avez parlé.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus là-dessus? Parce que je crois que vous abordiez là un sujet assez important.
Me Spratt : La meilleure analogie à utiliser est que, sans un bon processus de divulgation, toute cette supervision judiciaire est comme un extincteur placé en cas d’incendie derrière du verre incassable. C’est beau à regarder, mais c’est pas mal inutile.
Tout tient à une divulgation opportune, parce qu’une correction opportune de ces problèmes, surtout lorsqu’on parle d’individus qui pourraient être en train de vivre une crise de santé mentale en raison des affections dont ils souffrent, est très importante. Bien sûr, un juge jouira d’un droit inhérent à demander cette divulgation, alors cela pourrait être un peu redondant, mais je souhaiterais que la divulgation se fasse avant la comparution devant un juge. Cela revient à un bon usage du temps du tribunal. C’est une bonne façon de faire les choses. C’est pour cela que nous avons un processus de divulgation proactif.
Un mécanisme qui permettrait une divulgation proactive lorsqu’une telle demande est soumise, qui ferait en sorte que cette divulgation soit prête à être transmise à l’avocat de la défense, ou à un avocat, tout simplement, mènerait à un usage plus efficace du temps du tribunal; cela nous permettrait également de cerner les problèmes, et, surtout, si l’on se penche sur les éléments de preuve de M. Sapers, nous permettrait de déterminer si des éléments sont retenus ou s’il y a une mauvaise identification intentionnelle afin de contourner les exigences propres à la définition ou des choses du genre.
La divulgation est un élément capital, un élément essentiel. Tout part de là.
[Français]
La sénatrice Oudar : D’abord, merci à vous quatre d’être ici et de nous éclairer de votre expertise. Ma première question s’adresse à Me Spratt et elle concerne les pouvoirs des tribunaux. La loi prévoit un mécanisme d’autorisation judiciaire qui fait intervenir les tribunaux et qui les amènerait à évaluer les risques institutionnels, les problématiques liées à la sécurité, les besoins en santé mentale et même le comportement quotidien d’un détenu. Ces fonctions relèvent habituellement du SCC, mais pas de l’expertise des tribunaux ni du droit constitutionnel. Que dites-vous à ceux qui affirment que le projet de loi risque de conférer aux tribunaux un rôle opérationnel qui dépasse leurs compétences institutionnelles et pour lequel ils seraient appelés à trancher sur des questions sur lesquelles ils n’ont pas de compétences ni d’expertise?
[Traduction]
Me Spratt : Je ne crois pas que le fait d’avoir recours aux tribunaux pour une partie de cette surveillance et de la gestion des peines dépasse moindrement leur compétence constitutionnelle, mais je suis d’avis qu’accorder ce pouvoir aux tribunaux respecte les pouvoirs constitutionnels des tribunaux ainsi que leur compétence constitutionnelle d’imposer des peines et de s’attendre à ce que la peine soit administrée et purgée conformément à la loi.
En vérité, les tribunaux ont quand même passablement d’expérience dans la gestion de problèmes de santé mentale. Il n’est pas surprenant de constater que nombre des personnes accusées qui comparaissent devant un tribunal souffrent de problèmes de santé mentale. Ce sont ces problèmes qui engendrent beaucoup des crimes que nous voyons. Les tribunaux, par exemple, s’occupent d’audiences avec des nombreux criminels dangereux, tiennent les gens criminellement responsables et tiennent des audiences de détermination de l’aptitude.
Toutefois, vous avez raison lorsque vous affirmez qu’un juge n’est pas nécessairement un professionnel de la santé mentale, mais grâce à la divulgation des rapports, nous nous penchons sur ces rapports institutionnels assez souvent. Et les tribunaux peuvent également recevoir des témoignages de la part d’experts.
Alors un tribunal est un excellent endroit pour accueillir quelqu’un qui est impartial et neutre et qui est en mesure d’appliquer ces principes constitutionnels. Cela relève de son champ d’expertise d’entendre un large éventail d’opinions et de preuves sur un enjeu et de prendre une décision opportune. Ce n’est pas nécessairement très différent de ce que nous observons dans certaines de ces audiences dont j’ai parlé plus tôt, comme des audiences avec des criminels dangereux. Nous recevons des caisses de dossiers correctionnels. Nous recevons des témoignages de la part de psychiatres et de psychologues légistes. Nous recevons des témoignages de la part des professionnels de la santé. Et bien que le tribunal ne soit pas composé de professionnels de la santé, il s’agit d’experts lorsqu’il s’agit d’examiner en détail la preuve et d’y appliquer un cadre constitutionnel, ce qui est, je crois, ce que tout le monde souhaite, savoir que des peines soient purgées de manière conforme à la loi afin que l’on puisse obtenir les meilleurs résultats possibles pour nos collectivités.
[Français]
La sénatrice Oudar : Ma prochaine question s’adresse à M. Sapers.
J’aimerais vous entendre au sujet du rôle des organismes communautaires, si vous voulez bien partager vos réflexions avec nous. Ces organismes jouent quand même un rôle important dans la réinsertion des personnes marginalisées, même si l’on trouve parfois que leurs actions se heurtent à de nombreux obstacles juridiques et systémiques qui limitent leur efficacité, particulièrement auprès des populations racisées, autochtones ou à faible revenu. Pensez-vous que des barrières juridiques ou systémiques existent actuellement? Que devrait faire le comité? Est-ce que des modifications législatives seraient nécessaires pour faciliter leur rôle?
[Traduction]
M. Sapers : J’espère avoir plus de 30 secondes de parole. Le rôle des collectivités dans les services correctionnels remonte au tout début des services correctionnels communautaires. Saviez‑vous que les premiers agents de libération conditionnelle étaient en fait des personnes qui travaillaient pour l’Armée du Salut? L’enjeu central a toujours été de savoir comment nous pouvons avoir une certaine porosité entre les établissements correctionnels et les organismes communautaires? La meilleure manière d’assurer cela est d’avoir des organisations communautaires qui font du travail de sensibilisation, qui vont directement dans les établissements et qui travaillent main dans la main avec les gens qui font réellement fonctionner le système, aident à préparer les gens en vue de leur libération et les aident à se réinsérer au sein de la communauté, leur fournissent du soutien et dirigent et offrent des programmes pour les soutenir.
On a des organisations qui accomplissent ce genre de travail depuis des décennies, comme la Société Elizabeth Fry, la Société John Howard, la St. Leonard’s Society et la Société 7th Step Canada. Le problème est que ces organisations sont souvent traitées comme juste des fournisseurs et non des partenaires. La mesure dans laquelle celles-ci sont invitées à mener leurs activités au sein des établissements varie d’un établissement à l’autre, même au sein du même établissement de temps à autre.
Et je reçois encore des rapports de la part d’avocats de l’aide juridique qui n’ont pas eu accès à leurs clients au sein des établissements, et qui ont été confrontés à des problèmes de divulgation, comme en a parlé Me Spratt. J’entends tout le temps des histoires à propos de communications qui sont refusées, de problèmes d’accès à des téléphones, de lettres qui ne se rendent pas hors de l’établissement ou de pièces de correspondance qui ne se rendent pas jusqu’aux prisonniers.
La vice-présidente : Merci.
M. Sapers : Des groupes de bénévoles.
La vice-présidente : Je vais devoir vous arrêter là. Nous sommes déjà rendus à six minutes.
Le sénateur K. Wells : Merci à nos témoins. J’apprécie sincèrement votre expérience et votre expertise quant aux enjeux dont nous parlons. Nous avons eu quelques discussions lors des audiences de notre comité quant à la situation des personnes trans ou de diverses identités de genre qui sont incarcérées et au fait que les circonstances de leur incarcération sont telles qu’elles n’ont d’autre choix que d’aller dans des UIS.
Nous attendons actuellement de recevoir des données de suivi de la part de Service correctionnel Canada, mais je me demande si un des témoins avait quoi que ce soit à ajouter au sujet des expériences que vivent des personnes transgenres et de diverses identités de genre en lien avec ce que propose le projet de loi en s’appuyant sur son propre vécu.
M. Sapers : Bien, nous continuons certainement à dresser une liste des problèmes. Le SCC a tout de même fait quelques grands pas vers l’avant il y a quelques années en changeant sa politique concernant la manière dont le genre était décrit et la manière dont les gens seraient logés, mais il reste tout de même beaucoup de travail à faire.
Comme vous le soulignez à juste titre, nous sommes arrivés à la conclusion que les personnes de diverses identités de genre se retrouvent isolées. Il ne s’agit pas que des UIS : leurs mouvements et possibilités d’association sont aussi limités.
Nous remarquons également qu’ils sont souvent victimisés lorsqu’ils se trouvent au sein d’un établissement. On ne leur offre clairement pas le niveau de sécurité et de protection que l’on pourrait.
Ce projet de loi offrira certainement, comme je l’ai dit plus tôt, de meilleures occasions au chapitre de la transparence et de la supervision judiciaire des personnes allant dans les UIS, et cela inclurait, bien sûr, la surreprésentation des personnes de diverses identités de genre au sein des UIS, mais il s’agit encore une fois d’un enjeu culturel. Service correctionnel Canada a fait du progrès comme je l’ai dit. Je souhaite véritablement le féliciter à ce sujet, mais il ne peut pas se vanter d’avoir fait tout ce qu’il y avait à faire.
Il y a des problèmes liés au personnel, à la formation et à la supervision; ces enjeux sont beaucoup plus nombreux que ceux ayant trait à la loi. Vous pouvez encadrer légalement les UIS, mais vous ne pouvez pas faire que ce service respecte davantage les règles. Je crois que nous obtiendrions le même résultat si nous comptions instaurer une solution législative visant spécifiquement à créer de meilleures conditions pour les prisonniers de diverses identités de genre. Nous pourrions nous rendre jusque-là, mais je crois que nous devrions travailler sur l’aspect culturel d’abord.
Mme Wildeman : J’ai un mot à dire rapidement. Comme nous l’avons vu, ce projet de loi oblige le commissaire à cerner des organisations communautaires avec lesquelles il est possible de signer un contrat afin de soutenir les gens durant leur peine ainsi que la libération conditionnelle, afin qu’ils puissent se réinsérer dans la communauté. Compte tenu du fait qu’il existe nombre d’organisations très engagées à travailler avec les personnes transgenres et non binaires qui sont criminalisées, celles-ci ne rateraient pas l’occasion de mettre en place quelque chose qui pourrait réellement leur venir en aide au lieu de tout simplement les isoler.
Le dernier élément que je souhaiterais mentionner est qu’avec l’East Coast Prison Justice Society, nous avons aidé des personnes transgenres à faire la transition du système provincial au système fédéral, et cela a été extrêmement difficile. Ces personnes sont détenues dans des centres de réception fédéraux, des endroits où l’évaluation de risque est imposée et où ces personnes sont détenues en isolement cellulaire. Nous avons eu une réelle difficulté avec notre groupe et d’autres groupes communautaires, y compris des groupes plus spécifiques aux personnes trans et non binaires, à avoir accès au processus de discussion concernant l’endroit où une personne sera placée, où sont abordées toutes ces sortes d’analyses de sécurité et le reste — et la politique que M. Sapers a mentionnée — avant que toutes ces mesures soient prises. Alors, à mes yeux, à l’heure actuelle, le secteur communautaire est écarté à ce stade-là, et le projet de loi répond, « Non, le secteur communautaire a un rôle important à jouer dans ces conversations. » Merci.
Mme Watt : Dimanche dernier, j’ai accepté l’appel d’un détenu d’un établissement fédéral à sécurité maximale. Ce détenu est une personne de diverses identités de genre qui vit une relation avec un homme transgenre à qui il est marié. Les problèmes sont nombreux. Je pense que M. Sapers et Mme Wildeman peuvent tous deux le confirmer. Le Service correctionnel du Canada a besoin de surveillance. J’aime l’idée que davantage d’organisations communautaires offrent du soutien, parce que, selon moi, cela ajoute du stress, de la pression, de la peur et de l’intimidation, qui peuvent faire partie de la culture.
La vice-présidente : Merci de la réponse.
Le sénateur Dhillon : Merci aux témoins d’être ici aujourd’hui et du travail que vous continuez d’accomplir et de faire avancer. Ma première question s’adresse à M. Spratt — je vais peut-être vous laisser répondre au comité par écrit — et c’est simplement pour faire suite à ce que vous, ainsi que la sénatrice Batters et la sénatrice Saint-Germain, avez dit. La divulgation... je crois que vous avez bien traité ce sujet et que vous le comprenez bien, mais vous avez également parlé de l’avis à donner quand certains événements se produisent, des éléments déclencheurs, de l’endroit où cet avis serait envoyé, et des conséquences de celui-ci et de ce à quoi ressemblerait le processus. Si vous voulez bien envoyer cela au comité, ce serait utile. Vous aviez laissé entendre que des amendements à ce chapitre pourraient être envisagés.
Me Spratt : Oui. L’avis est également très important, parce qu’il y a un cycle automatique qui s’enclenche dans lequel plus une personne est isolée — qu’on appelle cela isolement cellulaire ou unité d’isolement structurée ou qu’il s’agisse d’une de ces solutions de rechange improvisées —, plus il est difficile pour elle d’avoir accès à la collectivité et à son conseil et d’avoir des contacts avec l’extérieur. Souvent, plus la situation est grave, moins nous avons d’information.
Le sénateur Dhillon : D’accord. Si le comité le veut bien, il nous serait utile d’avoir une liste des occasions où cet avis permettrait de mieux réagir à ces problèmes.
Ma prochaine question s’adresse à M. Sapers et à vous aussi, maître Spratt. L’une des préoccupations dont les représentants du SCC nous ont fait part, c’est que... en fait, deux ou trois choses. Premièrement, il n’y a pas suffisamment de temps : 48 heures ne suffiront pas pour communiquer avec l’appareil judiciaire, avoir une réponse et effectuer également une évaluation du niveau de menace pour lequel le détenu est détenu, et c’est dans leur intérêt. Nous n’avons simplement pas le temps d’effectuer l’évaluation, d’aller devant le tribunal, etc. Il y a donc cet aspect.
La deuxième partie de la question à laquelle je vous laisserais répondre ici concerne le fardeau que cela imposera au système judiciaire. Pensez-vous que le type de divulgation, le type d’avis et ce que nous demandons ici concernant les 48 heures alourdiront le fardeau du système judiciaire? Pensez-vous ou souhaitez-vous qu’il soit possible de créer un système judiciaire responsable du système correctionnel et des problèmes des détenus séparément? Je sais que cela est complètement hors de propos, mais je pensais qu’il valait mieux poser la question, étant donné que, s’il y a des pressions à ce chapitre, comment justifierait-on alors une partie de ce travail supplémentaire?
Me Spratt : Oui, cela va évidemment créer du travail supplémentaire, parce qu’on utilise des ressources judiciaires, mais il est étonnant de voir ce que les tribunaux peuvent accomplir quand cela devient une priorité. Quand une situation nécessite une surveillance, qu’il y a de potentiels actes de violence et de préjudice très graves, qui auront des effets à long terme et qui, dans la plupart des cas, finiront par avoir des conséquences sur la collectivité, c’est une bonne utilisation des ressources. En particulier si le juge qui a prononcé la peine gère en quelque sorte cela, cela allège le fardeau, car les juges arrivent à la décision parce qu’ils ont certaines informations. C’est incroyable de voir à quelle vitesse on peut accélérer les procédures judiciaires quand c’est une priorité. Je dirais que, si vous vous préoccupez de la sécurité de la collectivité, des droits de la personne et de la bonne application légitime d’une peine, je pense que ce serait une priorité pour toutes les parties concernées.
M. Sapers : Madame la présidente, j’aimerais répondre à la première partie de la question, concernant les représentants du SCC qui disent qu’il n’y a pas suffisamment de temps; j’aimerais rappeler au comité que la loi prévoit actuellement que le SCC écarte toutes les autres options avant de transférer quelqu’un dans une UIS, ce qui signifie qu’il a déjà effectué les évaluations, les évaluations des risques, les évaluations de la compatibilité, et cetera, avant le placement.
La loi exige également que le SCC effectue maintenant un examen après 24 et après 48 heures. Cela sert également à vérifier si on a atténué les risques et si l’on a mis en œuvre des plans, c’est-à-dire la partie structurée d’une UIS. C’est donc un peu trompeur de dire que le SCC n’aurait pas le temps d’effectuer une évaluation alors que, après 48 heures, il a déjà au moins trois points de contact, a effectué des évaluations et a examiné la gestion de cas de cette personne.
La sénatrice Pate : Merci à tous les témoins. J’aimerais revenir un peu sur cette question. M. Sapers vient de soulever une question que j’allais poser, mais la loi exige actuellement d’effectuer une évaluation. J’ai deux ou trois questions. Je vais les poser, et, si nous manquons de temps, vous pourrez fournir une réponse par écrit.
Madame Watt, l’une des réalités, c’est que la disposition dont nous parlons est en fait... Cette définition est l’élément déclencheur de l’obligation pour le système correctionnel d’effectuer une évaluation de la santé mentale pour déterminer si une personne peut être placée dans une UIS. Comme vous le savez sans doute, on n’avait pas établi qu’Ashley Smith avait des problèmes de santé mentale avant son décès. C’est pendant l’enquête que l’on a évalué ces comportements et recueilli une partie des informations. Je crois que vous faites partie des assez nombreux psychologues et psychiatres qui ont fréquemment fait appel aux défenseurs de la Direction de la sécurité des affaires internes, quand vos instructions visant à mettre fin à l’isolement d’une personne ou à lui fournir un traitement n’ont pas été respectées. Je ne sais pas si vous pouvez nous en dire davantage à ce sujet.
La dernière fois que vous êtes venu ici — et je crois que vous en avez également parlé, maître Spratt — vous avez dit que 48 heures est un délai raisonnable, compte tenu des conditions de mise en liberté sous caution qui exigent actuellement beaucoup moins de temps que cela et, selon le Service correctionnel, les chiffres actuels se rapprochent d’un maximum de 1 800 personnes que l’on place aujourd’hui dans les UIS. Un maximum de 1 800.
En ce qui concerne les ressources provenant de la collectivité, madame Wildeman, dites-nous davantage sur le fait que, si j’ai bien compris, l’enquêteur correctionnel du Canada et la West Coast Prison Justice Society recommandent que les ressources actuellement affectées à l’incarcération des personnes soient transférées dans la collectivité et, dans le cas de Shepody, que les ressources affectées à la construction d’un nouveau centre y soient vraiment affectées. L’enquêteur correctionnel a dit que, si les responsables du Service correctionnel étaient allés dans chacun des centres de traitement et avaient offert à l’autorité sanitaire provinciale externe 50 ou 25 millions de dollars, selon la manière dont on répartit le montant, cela pourrait être très différent de ce qui est actuellement proposé, ce qui revient à dire que les provinces doivent fournir cela. Si vous avez des commentaires sur l’un de ces points, je serais très heureuse de les entendre. Merci.
Mme Watt : Dans mon dernier livre, j’ai écrit un chapitre dédié à Ashley Smith et à ce qui a mal tourné dans l’affaire d’Ashley Smith, selon mon avis professionnel. Ce que je dis, c’est qu’il suffit de regarder les photos où elle est ligotée et bâillonnée pour voir les défaillances du système dans cette affaire.
Pour répondre au point que vous avez soulevé, Ashley Smith a été traitée comme si elle avait un problème de comportement. Le problème était son comportement, et les intervenants voulaient la forcer à changer de comportement. Bien sûr, cela ne fonctionne pas. Il aurait dû être évident qu’elle avait besoin d’une évaluation complète de son état de santé mentale. D’ailleurs, cela aurait dû être évident avant qu’elle n’entre dans le système fédéral.
Me Spratt : Quarante-huit heures, c’est long. Cela laisse suffisamment de temps pour remplir des demandes et comparaître devant un juge. Les tribunaux peuvent agir rapidement. Il est à espérer que la surveillance d’une cour supérieure qui examine la possibilité de proroger le délai peut également se faire rapidement.
On espère que ce genre de surveillance permettrait de réduire le nombre de cas qui nécessitent cette surveillance. Il est étonnant de voir à quel point les gens peuvent être raisonnables, parfois, quand ils doivent expliquer leurs décisions et les justifier en s’appuyant sur des preuves. Quand on regarde au-delà du délai de 48 heures, on peut assurer rapidement cette surveillance judiciaire, et il pourrait y avoir moins de cas exigeant ce genre d’examen.
Mme Wildeman : En ce qui concerne les soutiens communautaires, j’ai déjà parlé de la vaste expertise et de l’expérience incroyables des fournisseurs autochtones de services de soutien aux personnes en situation de handicap. C’est un excellent point de départ. Il est logique d’y consacrer des ressources.
Je devrais mentionner les auteurs du rapport, les Prisoners’ Legal Services de la West Coast Prison Justice Society, et leur rapport est intitulé Decarceration through Self-Determination, c’est-à-dire la désincarcération grâce à l’autodétermination. C’est un excellent rapport, car il réunit les histoires de nombreuses personnes qui ont été placées en isolement prolongé et décrit le type de traitement dont nous parlons aujourd’hui, pour les Autochtones. J’ai parlé de Joey Toutsaint et de Ricky Leslie, une autre personne qui a tenté d’invoquer le droit à l’habeas corpus dans le contexte des UIS. Les gens parlent de leurs expériences, et les liens se font grâce aux ressources communautaires.
Je mentionnerais le nom d’une autre personne, Warren. Je crois que vous avez déjà parlé de l’affaire Warren au comité. C’est une personne qui a à la fois des déficiences intellectuelles et des problèmes de santé mentale qui, encore une fois, a souffert, et qui a longtemps livré bataille au sein du SCC. J’ai aujourd’hui examiné l’affaire et la décision de la juge Pomerance. Les preuves qui ont été présentées concernant le défaut du SCC d’intervenir dans ce cas de déficiences intellectuelles et problèmes de santé mentale concurrents sont dévastatrices. J’étais anéantie après avoir lu cela.
Cette personne n’aurait peut-être pas eu de problème dans un hôpital, mais il aurait été encore mieux qu’elle reçoive des services communautaires axés sur son intégration dans la société. Ce n’est pas comme si elle avait un trouble psychiatrique qui se traite. Elle a une déficience intellectuelle qui ne se traite pas et qui ne disparaîtra pas. Je m’arrêterai là. Ce plan de réinvestissement a tellement de potentiel.
Me Spratt : Je suis d’accord pour dire que ce cas-ci montre que les tribunaux ont l’expertise et la capacité de gérer ces situations, et qu’ils veulent le faire.
La vice-présidente : Merci. Je tiens à remercier tous les témoins d’avoir pris le temps de venir ici avec nous aujourd’hui, d’avoir partagé leur expertise et d’avoir répondu à nos questions.
Honorables sénatrices et sénateurs, nous allons maintenant passer au point suivant à l’ordre du jour d’aujourd’hui et discuter de l’ébauche de rapport sur la Loi sur l’abrogation des lois pour l’année 2025. Vous avez dû recevoir la copie de l’ébauche de rapport plus tôt aujourd’hui. Je crois qu’une version définitive vous a été distribuée. Avant d’en discuter, la sénatrice Pat Duncan nous a rejoint. Je crois qu’elle est agente de liaison au Bureau du représentant du gouvernement. Est-ce bien son titre? Elle souhaite nous présenter quelques observations. Vous avez la parole, sénatrice Duncan.
La sénatrice Duncan : Merci. Je parraine moi aussi cette motion devant le Sénat. Après avoir examiné le rapport et participé aux réunions, j’aimerais formuler une observation.
À la page 3, le comité encourage le gouvernement à fournir une déclaration indiquant les raisons. Puis, au dernier paragraphe et à la page 4, il énumère d’autres informations importantes qu’il a demandées durant la discussion. Je sais que certains membres du comité n’y siègent pas depuis longtemps et qu’ils ne sont pas familiarisés avec ce processus. J’aimerais souligner que ce n’est que la troisième fois que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles examine la Loi sur l’abrogation des lois.
Je suis contente que l’on ait demandé de l’information supplémentaire, c’est de l’information que je cherchais souvent à obtenir moi aussi. J’aimerais en dire davantage sur le processus qui sert à obtenir cette information. Le gouvernement mentionné dans ce paragraphe du rapport est le ministère de la Justice, qui doit s’adresser à tous les ministères énumérés. Il présente un rapport au début de l’année. Il s’adresse à tous les ministères et dit : « Très bien, donnez-nous les raisons et l’information. Pourquoi voulez-vous faire cela? » Puis, il présente un rapport au Sénat. Beaucoup de temps sépare les deux rapports. Parfois, les choses évolueront, et cette loi sera abrogée, ou d’autres choses arriveront.
Je voulais vous expliquer comment cela se passe. Ceux qui ont travaillé au gouvernement savent ce qui se passe quand un ministère, comme le ministère des Finances ou de la Justice, dit qu’il a besoin de plus d’information. Cette information reste sur le coin d’un bureau jusqu’à ce que quelqu’un commence à harceler tout le monde, comme cela arrive parfois dans certains gouvernements. Cela prend du temps. Le ministère de la Justice doit le faire. Ce qui me préoccupe, c’est que, puisque la liste d’information est longue et précise, elle pourrait retarder davantage le processus qui nous permettrait d’obtenir l’information.
Comprenez-moi bien, je respecte le travail du comité et ce qu’il demande. Je ne fais que vous encourager et expliquer le fonctionnement du processus. Si nous sommes très précis et normatifs, nous pourrions retarder le processus qui permettrait au comité d’obtenir l’information.
C’est une petite préoccupation et une observation dont je voulais vous faire part à cet égard. Il est important d’avoir toute l’information. Merci.
La vice-présidente : Je répondrais en disant que ce serait au gouvernement de présenter ces motions, comme il l’a fait ici. Il présente la motion seulement au moment où il a tout en main pour la présenter.
Les mesures qui ont été proposées plus spécifiquement sont des mesures dont nous avons parlé, après notre examen de la Loi sur l’abrogation des lois, et des questions soulevées en lien avec certaines de ces mesures.
Il est bien que le gouvernement ait exactement ce dont nous avons besoin et qu’il sache ce qu’il doit préparer avant de mettre la mesure en œuvre. Nous ne demandons pas un long exposé pour chaque mesure, mais cela donne un cadre plus concis à propos de ce dont nous avons besoin et qu’il doit nous fournir.
Une des mesures énumérées est un système de numérotation clair et harmonisé. Comme vous le savez, dans les réunions, quand nous avons traité cette question, nous avons examiné trois rapports différents. Nous ne savions pas vraiment ce que nous traitions.
Je pense que ce sera bien que le gouvernement ait cette information pour qu’il sache exactement ce dont il est question.
La sénatrice Duncan : Merci. Permettez-moi de répondre; quand nous parlons du « gouvernement », nous parlons de la bureaucratie, à savoir les fonctionnaires du ministère de la Justice qui préparent cette information. Une de mes préoccupations, c’est qu’il pourrait être difficile d’obtenir une explication des coûts ou du budget. Cela pourrait retarder le processus, par exemple. C’est un exemple qui montre que la liste peut être très normative.
Encore une fois, je comprends pourquoi on a besoin de l’information. Je dis seulement que, dans certains cas, il pourrait être difficile de l’obtenir si c’est une liste normative. Il est important d’envoyer un signal au ministère de la Justice et à tous ses fonctionnaires pour leur dire de quoi nous avons besoin. J’abonde tout à fait dans votre sens.
Je pense que le gouvernement devrait comprendre que, s’il n’arrive pas à obtenir de l’information, c’est parce que la liste est précise et normative.
La vice-présidente : Bien sûr. C’est le gouvernement. C’est lui qui demande d’abroger, d’adopter ou de retarder une loi. C’est le genre de chose que nous avons entendues, dans notre comité, et nous avons besoin de meilleures informations pour faire le genre d’études qui nous permettra de traiter ce dossier comme il se doit chaque année.
C’est quelque chose d’important, quelque chose que je défends souvent parce que c’est quelque chose que nous faisions régulièrement, en Saskatchewan. J’ai remarqué que cela pourrait aussi être utile de le faire à l’échelon fédéral.
Nous allons maintenant discuter avec les membres du comité pour savoir si le rapport leur convient ou s’ils ont des commentaires à faire.
La sénatrice Simons : Merci à tous ceux qui ont participé à la production de ce rapport.
La sénatrice Duncan a soulevé une question intéressante. Selon moi, il n’y a qu’une seule chose qui pourrait être problématique. Le reste est assez simple; une explication en langue claire, une indication sur l’intention d’abroger ou non, une justification, des échéanciers, le nom des témoins, tout cela devrait être assez simple et ne pas demander de travail.
Toutefois, une chose qui attire mon attention, c’est l’explication des coûts ou du budget liés aux implications financières de l’abrogation ou du report de chaque mesure. Cela pourrait être plus délicat, parce que, dans bien des cas, on n’en connaît pas vraiment les coûts. Combien a coûté la décision de ne pas abroger le traité d’interdiction complète des essais nucléaires? Je ne me souviens pas que la question ait été soulevée pendant nos discussions.
Je me demandais si la direction, ou quiconque a participé à la rédaction du rapport, pourrait fournir une explication. C’est quelque chose qui me préoccupe un peu parce que, selon moi, ce critère pourrait exiger davantage d’efforts que les autres.
La vice-présidente : Le président a demandé précisément à ce que cette information soit incluse, et il n’est pas ici pour donner des explications détaillées, mais à mon avis, c’était une demande raisonnable quand il l’a présentée. Je me souviens que l’on discutait de certaines mesures, dont l’explication des coûts ou du budget.
La sénatrice Simons : Oui. Je le demande pour toutes les mesures, je crains que nous allions envoyer quelqu’un dans un trou noir sans fin à la recherche d’une réponse.
Parfois, il n’y aura pas de réponse facile. Combien cela coûte‑t‑il de ne pas avoir adopté quelque chose? Parlons-nous des coûts des occasions perdues? C’est la seule chose que j’aimerais souligner. Je vois monsieur le sénateur Tannas hocher la tête.
Le sénateur Tannas : Je me pose la même question. Sur ce point, je crois que nous devrions ajouter à la note, à la toute fin : « Si c’est approprié pour la décision d’abroger ou de reporter la mesure. »
Si ce n’est pas pertinent, c’est-à-dire si ce n’est pas applicable, on n’a pas à le faire. Il suffit d’indiquer S.O. dans la boîte et de poursuivre.
Je dirais, sénatrice Duncan, pour en revenir à ce qu’a dit la sénatrice Batters, que c’est la troisième fois. La première fois... Sommes-nous à huis clos ou en public?
La vice-présidente : En public, bien entendu.
Le sénateur Tannas : Nous sommes en public. D’accord. Je voulais le savoir.
La première fois que des gens ont comparu, c’était lors d’une réunion publique, et la seule réponse que l’on a eue, c’était : « Nous poursuivons les consultations. » Nous avions des projets de loi qui dataient de 50 ans, et ils continuaient les consultations. Voilà l’effort qu’ils ont fourni la première année. Nous les avons ouvertement critiqués. L’année dernière, quand ils sont revenus, ils avaient fait un meilleur travail.
Cette fois-ci, je pense que leur travail est encore meilleur. Nous touchons à quelque chose qui... Aujourd’hui, nous sommes plus avertis et nous voulons en faire plus. Je pense que tous ces points sont excellents. J’aime savoir que quelqu’un s’occupe maintenant du dossier; il s’agit de Mme Côté, n’est-ce pas? Voilà! Elle a dit qu’elle souhaitait vraiment poursuivre le programme d’amélioration de la qualité. Elle a effectivement dit qu’ils continueraient de s’améliorer.
Je pense qu’il est un peu tôt pour commencer à leur trouver des excuses. Je sais que ce n’est pas ce que vous essayez de faire. Vous vouliez signaler ce point précis, ce point qui pourrait être problématique. Je suis d’accord. Je pense que nous devrions régler cela. Excusez-moi, mon intervention a été longue. Merci.
La vice-présidente : Non, ça va. Dites-moi si j’ai bien compris. Je voulais utiliser le mot « pertinent » plutôt que « approprié ».
Le sénateur Tannas : Pertinent, très bien.
La vice-présidente : Si c’est pertinent pour abroger ou reporter la mesure.
Le sénateur Tannas : La décision d’abroger ou de reporter.
La vice-présidente : Oui. Si c’est pertinent pour la décision d’abroger ou de reporter la mesure. D’accord. Très bien.
La sénatrice Saint-Germain : Tout d’abord, veuillez m’excuser. Excusez-moi d’avoir réagi comme une ancienne sous-ministre.
Moi aussi, ce qui me préoccupait le plus, c’était l’explication des coûts ou du budget. Je voulais moi aussi modifier cette partie. J’aime votre proposition, sénateur Tannas.
Je crois que la présentation est importante. J’aimerais parler des trois premiers points : un bref résumé de chaque mesure, une explication en langue claire, s’il le faut et une indication de l’intention du gouvernement de reporter l’abrogation de la mesure, et à quand, ou d’autoriser son abrogation. Nous aimerions regrouper ces trois points en un seul paragraphe pour donner l’impression que le travail est moins exigeant.
Je dirais que nous avons aussi des parties qui concernent les aspects logistiques ou techniques. Les noms et les titres des témoins, franchement, nous pouvons nous occuper de cela avec le greffier. Nous n’avons pas à les indiquer dans le rapport.
On parle d’un système de numérotation clair et harmonisé afin de faciliter la consultation par les membres. Je ne veux pas en rester aux anecdotes, dans ce rapport. Il y avait un problème. Je pense que c’était essentiellement une mauvaise communication — je ne blâme personne en particulier — entre le ministère de la Justice et la Bibliothèque du Parlement ou le greffier, mais ce n’est pas un gros problème, donc j’aimerais supprimer cela. Encore une fois, je supprimerais les noms et les titres des témoins. Nous recevons toujours cette information au préalable, donc je n’en parlerais pas.
Je crois réellement que les trois paragraphes suivants contiennent l’essentiel de nos observations et sont importants.
La vice-présidente : J’aimerais répondre rapidement à cela.
Cela a potentiellement entravé ou transformé considérablement la réunion que nous avons tenue. Ce rapport explique ce qui s’est passé au cours de l’étude menée pendant ces deux réunions. La nécessité d’un système de numérotation clair et harmonisé... En fait, le rapport de la Bibliothèque du Parlement était le meilleur. C’était au ministère de la Justice, et le Bureau du représentant du gouvernement au Sénat, le BRG, je crois, avait fourni quelque chose de différent. Je me trompe peut‑être, mais cela venait clairement du gouvernement, et je crois que la sénatrice Duncan a dit que cela venait du BRG. Ensuite, il y a eu celui de la Bibliothèque du Parlement. Nous avions trois versions différentes, ce qui était assez déroutant.
Ce rapport n’a pas pour objectif... Même s’il est instructif quant à la manière dont les réunions sur la Loi sur l’abrogation des lois se dérouleront à l’avenir, nous parlons ici du déroulement de ces deux réunions, et il s’agissait clairement d’un contretemps. Honnêtement, il n’y a pratiquement rien de plus facile pour le gouvernement que de fournir un système de numérotation clair et harmonisé ainsi que les noms et titres des témoins. Certains documents comportaient ces informations, d’autres non. Cela aussi a prêté à confusion.
Personnellement, je pense que cela reflète fidèlement certains problèmes que nous avons eus pendant ces deux réunions qui ont aussi fait l’objet de discussions quand nous avons eu à décider comment ce rapport serait rédigé. Voilà ce que j’avais à dire sur le sujet.
La sénatrice Saint-Germain : Si je peux me permettre, le plus important est que nous nous entendions pour modifier la mesure touchant à l’explication des coûts ou du budget. Sinon, nous donnerons l’impression de ne pas comprendre le fonctionnement du gouvernement. J’aime bien cet amendement. Je vous en remercie.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis d’accord avec la sénatrice Saint-Germain pour dire que nous n’avons pas besoin d’inscrire les noms et les titres des témoins. C’est inutile. Ils étaient tous présents. Parfois, ils n’étaient pas mentionnés, mais ils étaient présents. J’ai vu les noms.
Merci pour votre amendement. Je pense que c’est mieux ainsi. Je dirais, en réponse à la sénatrice Duncan, que dans le paragraphe qui précède la liste, il est écrit que le comité « recommande ». Nous ne disons pas qu’il faut le faire. Nous recommandons, et ce terme laisse une certaine marge de manœuvre pour tout ce qui figure sur cette liste. Je pense que le terme « recommande » est approprié, dans ce cas. Si c’était impossible, ils ne le feraient pas.
Bien sûr, vous connaissez peut-être mieux que moi la fonction publique, mais je pense que ce n’est pas exagéré. Je comprends ce que vous dites, mais en même temps, je ne crois pas qu’ils aient à s’inquiéter. Ce n’est pas grand-chose, et il s’agit d’une recommandation.
Le sénateur Dhillon : Merci. Toutes mes excuses de ne pas être présent, j’avais d’autres obligations. J’apprécie tout le travail accompli dans ce dossier par les honorables sénateurs. En tant que nouveau sénateur, je m’en remets entièrement à ceux d’entre vous qui sont ici depuis plus longtemps. Merci, sénateur Tannas.
Pour faire suite au commentaire de la sénatrice Duncan et à ce qui a été dit au sujet du mot « recommande », est-ce que cela veut dire que nous ouvrons une porte pour demander des informations, puis que nous partons, peut-être, sans obtenir ces informations, et on dira qu’il s’agissait de toute façon d’une recommandation et non pas d’une exigence? Je vous laisse réfléchir à la question.
Sénatrice Duncan, j’étais seulement curieux. Mis à part les implications financières, question que nous avons déjà abordée, y avait-il d’autres mesures qui, à votre avis, auraient pu ralentir ce processus? Était-ce la seule?
La sénatrice Duncan : D’une manière générale, cette liste est assez prescriptive. Elle est très précise. C’est ce que je voulais souligner. La question est de savoir si nous avons oublié quelque chose ou si tout y est.
Encore une fois, je soutiens entièrement cela. Je pense que le mot « recommande » est le bon choix. Il envoie un message fort aux fonctionnaires qui ont accompli un travail important. Ce travail a été précieux, comme l’ont souligné à plusieurs reprises les membres du comité lors des séances auxquelles j’ai assisté.
Je soutiens pleinement cette proposition. Je pense que l’amendement suggéré est tout à fait pertinent.
Le sénateur Dhillon : Merci, sénatrice Duncan.
Le sénateur K. Wells : Pour être bref, je soutiens pleinement l’amendement du sénateur Tannas. Je pense que c’est un bon amendement. Merci de l’avoir proposé.
Pour plus de clarté sur ce point budgétaire particulier, je me demandais si nous ne devrions pas préciser « les coûts » afin de définir plus clairement le sens réel des coûts, par rapport à ce que nous avons entendu, à savoir qu’il existe de nombreux types de coûts différents. Nous cherchons des chiffres en particulier. Je laisse le choix au groupe de décider s’il souhaite inclure des coûts spécifiques ou parler des coûts en général.
La vice-présidente : Il est fait mention plus loin des implications financières.
Le sénateur K. Wells : Peut-être que c’est suffisamment clair, alors. Merci.
La vice-présidente : Je crois que c’est assez clair.
[Français]
La sénatrice Oudar : Je vais faire un pas en arrière, parce que je suis nouvelle au comité. Cette Loi sur l’abrogation des lois m’a beaucoup étonnée. C’est un précédent, cela n’existe pas dans les autres provinces. On présume de la bonne foi du gouvernement, mais s’il laisse traîner une loi pendant 10 ans, elle est abrogée automatiquement.
Au Sénat, on voit seulement le dossier si le fonctionnaire ou les fonctionnaires demandent une prolongation; donc on ne voit jamais le dossier en vertu de la Loi sur l’abrogation des lois, si je ne m’abuse, s’il y a une abrogation automatique. Je trouve cela grave qu’on adopte des lois, qu’on passe parfois des mois et des années à consulter des groupes, à entendre des témoins et à faire tout le travail que l’on fait, et que finalement, le gouvernement ne fasse rien et que la disposition législative tombe automatiquement, sans que le Sénat ait quoi que ce soit à dire. J’ai compris la loi comme cela : dites-moi si je me trompe.
Je l’ai relue plusieurs fois et j’ai regardé les aspects constitutionnels la semaine dernière; j’ai regardé beaucoup de choses et j’ai lu la loi, qui est très courte. Je pense qu’un jour, il faudrait se questionner sur le bien-fondé de cette loi qui n’existe pas ailleurs. Pourquoi, finalement — et c’est peut-être ce qu’on devrait examiner —, existe-t-il des lois qui n’entrent jamais en vigueur et qui sont abrogées automatiquement?
C’est ce que je demanderais aussi dans le rapport, parce que si on n’a mis aucun effort dans une loi pendant 10 ans, alors qu’elle est passée par le Sénat, qu’on a reçu des groupes et entendu des personnes, il faut en être informé. J’ai été étonnée et j’en ai fait part à la sénatrice Duncan, mais je ne suis pas prête à faire une recommandation d’abrogation, parce qu’on n’a pas mesuré les répercussions d’une telle abrogation. Elle a peut-être son bien‑fondé dans l’historique.
La sénatrice a parlé aussi de l’historique. Je m’en tiens à mon commentaire sur le bien-fondé de cette loi sur lequel je me questionne, même au chapitre du droit constitutionnel, parce que le pouvoir appartient au Parlement, donc à la Chambre des communes et au Sénat, et non aux fonctionnaires. C’est comme si l’on remettait indirectement le pouvoir aux fonctionnaires de ne rien faire pendant 10 ans, et la loi est donc automatiquement abrogée.
Je ferme la parenthèse et je passe aux recommandations.
[Traduction]
La vice-présidente : Sénatrice Oudar, puis-je vous répondre rapidement à ce sujet? Notre étude portait non seulement sur le report des abrogations, mais aussi sur les mesures qui allaient effectivement être abrogées. Les deux étaient inclus. C’est en partie ce qui a rendu les rapports confus, car l’un ne mentionnait que les mesures dont l’abrogation était reportée, alors que l’autre contenait la liste complète des abrogations proposées ainsi que des reports. Les deux étaient incluses dans l’étude.
Oui, nous avons beaucoup parlé du gouvernement, des fonctionnaires et de la bureaucratie et de la manière dont ils gèrent cette question, mais en réalité, c’est à nous qu’il appartient d’agir. La motion est une motion du Sénat, donc du Parlement, et c’est pourquoi nous faisons cela. C’est pourquoi nous avons besoin de toutes ces informations pertinentes, car, oui, vous avez tout à fait raison : nous avons passé beaucoup de temps au fil des ans... Pour certaines de ces lois, j’étais en fait au Sénat au moment où une de ces lois a été présentée. Nous avons passé beaucoup de temps au début à étudier et à adopter cette loi, donc, quand elle n’est même pas mise en œuvre, nous devrions au moins recevoir une explication sur les raisons et sur ce qui se passera.
Je pense que c’est pourquoi le Parlement y a effectivement un rôle très important à jouer.
[Français]
La sénatrice Oudar : Permettez-moi de présenter un deuxième point. Je suis d’accord avec vous. Ce préambule m’amène à mon deuxième point : je partage tout à fait ce qui est contenu dans le rapport. Cela justifie justement qu’on ait la liste des demandes qui sont faites, donc le résumé, les explications et l’indication.
J’ai un point à ajouter sur lequel j’ai interrogé les fonctionnaires. Je suis assez à l’aise qu’on donne une indication par rapport au fait que le gouvernement propose de reporter l’abrogation ou non. Je pense qu’il faut savoir s’ils ont consulté les Canadiens et Canadiennes et ce qu’il en était. J’ai posé la question et on m’a répondu que non, il n’y avait pas eu de consultation, ce qui m’a étonnée. Je propose donc d’ajouter un point si la question du budget en préoccupe certains.
Parfois, les juristes ont la solution qui est d’ajouter, à la fin de la phrase, les mots « le cas échéant ». S’ils n’ont pas les explications financières, ce ne sera pas donné, mais si elles existent, ils seront obligés de les donner. Je vais laisser cela à la rédaction, mais j’étais encline à mentionner l’information que nous souhaitons avoir pour les membres du Sénat, pour que nous puissions prendre une décision éclairée en fonction des informations que nous aurons sur cet exercice au cours des prochaines années.
[Traduction]
La vice-présidente : Je me demandais si vous pensiez, sénatrice Oudar, que laisser le dossier de la consultation aux questions des sénateurs... Je sais que je n’ai peut-être pas soulevé la question aussi souvent, cette fois-ci, mais il y a eu d’autres années où cela a constitué une partie importante de mes questions à ce sujet. J’espère que les responsables du ministère nous regardent et entendent nos préoccupations.
Seriez-vous d’accord pour ne pas inclure cela spécifiquement, mais laisser cela pour les questions que nous posons aux témoins, aux fonctionnaires qui se présentent lorsqu’ils font l’une de ces choses? Seriez-vous d’accord avec cela?
La sénatrice Oudar : Oui.
La sénatrice Saint-Germain : Dans ma première intervention, madame la présidente, j’ai oublié de souligner une redondance dans notre rapport. Je vous renvoie à la page 3, au dernier paragraphe avant la liste, où nous disons ceci :
... le comité recommande qu’un document consolidé contenant les informations suivantes soit remis au greffier avant le début de l’étude :
Puis, à la page 4, au premier paragraphe après la liste :
Le fait de recevoir ces informations à l’avance dans un document consolidé facilitera grandement le travail du comité.
Nous exprimons exactement la même idée, et le sens est le même, mais formulé différemment. Je propose de supprimer le premier paragraphe après la liste, à la page 4.
La vice-présidente : Pourriez-vous répéter ce que vous aimeriez supprimer? Désolée.
La sénatrice Saint-Germain : À la page 4, le premier paragraphe après les puces :
Le fait de recevoir ces informations à l’avance dans un document consolidé facilitera grandement le travail du comité.
Une phrase qui, encore une fois, a la même signification que celle de la fin du dernier paragraphe de la page 3, avant la liste.
La vice-présidente : Je pense que la seule différence se trouve dans la dernière partie, celle que vous souhaitez supprimer, qui dit : « facilitera grandement le travail du comité ». Je pense que cela avait pour but de résumer les raisons pour lesquelles cela était nécessaire. Cela facilitera grandement le travail du comité.
La sénatrice Saint-Germain : C’est très redondant. Si nous voulons parler pour ne rien dire, nous pouvons garder la phrase.
La vice-présidente : Je pense que c’est important, car parfois les gens ne comprennent pas pourquoi nous faisons certaines choses. Nous ne voulons pas que les choses soient ennuyeuses. Nous essayons simplement de les faire.
Si nous supprimions cela, mais ajoutions ensuite, à l’endroit où il est écrit « avant le début de l’étude », nous pourrions ajouter une virgule, puis « puisque cela facilitera grandement le travail du comité », pour ensuite passer à la liste? Nous pourrions alors inclure les deux. Nous éviterions ainsi la redondance, tout en précisant la raison pour laquelle nous souhaitons avoir ces informations.
La sénatrice Saint-Germain : Ce qui est vraiment implicite. Nous ne parlons pas à des gens stupides. Je crois que j’ai été impressionnée par les fonctionnaires. Je crois qu’ils comprendraient...
La vice-présidente : Vous avez raison, mais c’est un document public, et je crois qu’il est important d’inclure ce que...
La sénatrice Saint-Germain : Les Canadiens ne sont pas stupides.
La vice-présidente : Non, bien entendu, ils ne sont pas stupides, mais il s’agit d’informations importantes à recevoir.
D’autres sénateurs ont peut-être un avis là-dessus?
Le sénateur Tannas : Pour moi, tout va bien. Je pense que nous pouvons être cordiaux, ou nous pouvons simplement passer aux choses sérieuses et laisser tomber.
Que ce soit supprimé ou non, cela me va.
J’avais cependant une autre préoccupation. La sénatrice Oudar m’a fait réfléchir lorsqu’elle a mentionné la possibilité que des projets de loi disparaissent sans que le comité ne les examine.
Avant l’adoption de ce projet de loi, un musicien a découvert à sa grande consternation que certains projets de loi n’étaient pas adoptés; Tommy Banks a exposé la chose et a dit : « C’est complètement fou », pas vrai? Il n’était pas avocat. Il a simplement dit : « Je n’arrive pas à le croire. » Je suis resté sans voix quand nous avons appris que des lois dormaient sur les tablettes, pendant des décennies, sans être adoptées, et qu’il n’existait aucun mécanisme pour les supprimer, si ce n’est que le gouvernement présente un autre projet de loi pour les abroger.
Cela a donné naissance à l’idée d’une abrogation automatique après 10 ans, une fois que le Sénat a été saisi d’une demande d’abrogation. Nous avons toujours la possibilité de recommander au Sénat qu’un projet de loi ne soit pas abrogé, mais nous ne l’avons tout simplement pas fait. À ma connaissance, nous avons suivi leur conseil dans tous les cas.
Aucun projet de loi ne disparaît sans que nous ayons pu le voir et en faire rapport; est-ce bien cela, madame la présidente?
La vice-présidente : C’est ce que j’ai compris, parce que comme je l’expliquais à la sénatrice Oudar, le rapport contient non seulement des mesures dont la prorogation sera reportée encore une fois, mais aussi celles qui seront désormais abrogées. Certaines de ces mesures se sont déjà retrouvées sur la liste, et certains des fonctionnaires qui sont venus témoigner ici ont dit qu’à leur avis, nous ne devrions pas voir cette mesure ou une autre sur notre liste l’an prochain; ils voulaient dire par là que nous ne prévoyons pas demander que son abrogation soit encore reportée. On nous dira simplement « d’accord, nous pensons que vous êtes maintenant prêt à l’abroger », car nous en avions, je crois, sept ou huit parmi les mesures de cette année.
Le sénateur Tannas : Merci.
La seule autre chose que je voulais dire, c’est que je crois qu’il serait utile — et cela s’adresse aux employés de la Bibliothèque et au greffier, qui seront ici alors que certains d’entre nous ne le seront pas, dans un an —, si nous consultons le Bureau du représentant du gouvernement pour obtenir ses commentaires et ses opinions, et que nous consultons la Bibliothèque, tout cela devrait tenir sur une seule page.
La vice-présidente : D’accord.
Le sénateur Tannas : Pourquoi ne pas rassembler les informations sur une seule page? Puis, si le BRG souhaite ajouter quelque chose, il le dit et la Bibliothèque dit ce qu’elle a à dire, et tout est sur une seule page. Ce serait fantastique. Cela nous éviterait d’avoir à feuilleter différents documents.
La vice-présidente : C’est pourquoi la partie traitant du caractère « clair et harmonisé »...
Le sénateur Tannas : Je suis d’accord avec vous, sénatrice Batters. Merci.
La sénatrice Clement : Merci pour le rapport. Je suis d’accord avec tous les commentaires qui ont été faits, y compris celui de la sénatrice Saint-Germain sur la suppression de certains éléments.
Je crois réellement que c’est un bon processus. J’en suis à ma troisième année, et cela s’améliore chaque année. Quand je lis le rapport, je n’ai pas l’impression que c’est ce que nous disons. Donc, je l’apprécie. Je reconnais le visage de bien des bureaucrates qui sont revenus ici et qui ont fait mieux cette fois‑ci que l’an dernier, donc c’est bien. Je ne suis pas certaine que le rapport reflète réellement cette amélioration.
Bref, je crois que le rapport est bien et je ne vais pas essayer de chercher la petite bête. Peut-être que le fait de supprimer certaines choses témoignant de l’amélioration du ton du rapport, puisque je crois que dans l’ensemble, nous étions satisfaits des discussions, surtout pendant la deuxième réunion, sénatrice Batters...
La vice-présidente : Quand nous avions compris la nature des rapports.
La sénatrice Clement : ... qui représentaient une nette amélioration par rapport à l’an dernier. Je crois que nous devrions adopter une attitude un peu plus positive, car j’avais l’impression que cela se déroulait bien.
La vice-présidente : Honnêtement, ce n’était pas nécessairement d’une affaire officielle; c’était la coordination gouvernementale qui était le problème. Tous les fonctionnaires, oui, ont en fait été très utiles. Je suis d’accord avec ce qui a été dit, sur le fait que nous avons observé une amélioration du processus. Je crois simplement que nous devons nous assurer de la coordination du gouvernement, — nous assurer qu’il va déployer tous ses efforts pour faire avancer une motion de cette importance — c’est quelque chose —, et je le sais, ayant déjà été coprésidente du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation, le REGS, que cela peut durer des années. Nous avons besoin d’un mécanisme efficace pour gérer ce genre de problèmes.
Certaines personnes dans certains services y travaillent constamment. Quand ils vont mettre le processus en place, je crois que ce genre d’information leur serait utile.
Les fonctionnaires qui sont venus ici présenter leurs mesures ont fait du très bon travail. Ce que nous devons améliorer et ce que nous essayons d’offrir, ici, c’est que nous avons eu une réunion très confuse à cause potentiellement du manque de coordination globale au sein du gouvernement, mais il ne s’agit pas nécessairement des fonctionnaires de ces ministères particuliers qui ont fourni ici un long témoignage et nous ont donné de très bonnes réponses. Nous n’avions aucun désaccord avec eux, rien qui nous aurait amenés à dire « Non, nous ne pensons pas que ceci devrait être reporté » ou « Nous ne pensons pas que cela devrait être abrogé pour l’instant ». Je veux dire clairement aux fonctionnaires que nous sommes très reconnaissants de leur travail.
Nous voulons seulement...
La sénatrice Clement : Allons-nous dire cela?
La vice-présidente : Oui, on pourrait peut-être le dire.
La sénatrice Clement : Parce que le ton est...
La sénatrice Miville-Dechêne : Seulement pour souligner que, au fil du temps, les témoignages des fonctionnaires ont été plus obséquieux, ou quelque chose de...
La sénatrice Simons : Obséquieux — c’est l’un de mes mots.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis désolée, l’anglais n’est pas ma langue maternelle.
La sénatrice Simons : La plupart des anglophones ne comprennent pas que « obséquieux » est une terrible insulte. La plupart croient que cela veut dire autre chose. Le mot veut dire « hypocrite » ou...
La sénatrice Miville-Dechêne : Ce que j’essaie de dire, c’est que nous pourrions ajouter quelque chose comme : « Au fil des ans, nous avons remarqué qu’il y a eu... »
La vice-présidente : Des améliorations.
La sénatrice Miville-Dechêne : Oui, des améliorations...
La vice-présidente : Que pensez-vous de : « Le comité tient à noter que, comme cela fait déjà quelques années que le processus est en cours, nous avons constaté une amélioration, et nous voulons remercier tous les fonctionnaires qui ont aidé le comité à se préparer, qui ont comparu et qui nous ont aidés avec notre étude, et nous sommes impatients de poursuivre notre travail de manière efficace », ou quelque chose du genre.
La sénatrice Clement : Je trouve que c’est bien.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je n’y ai pas réfléchi. J’ai pensé à ce qui pourrait être mieux, mais, honnêtement, je n’y avais pas réfléchi, donc je vous remercie d’en avoir parlé.
La sénatrice Simons : J’aimerais faire remarquer une chose; nous avons corrigé la liste à puces sur les aspects financiers, mais il y a une répétition dans le paragraphe du milieu de la page précédente, la page 3, où il est écrit les « éléments financiers ». Je crois que l’on pourrait supprimer tout le paragraphe. On pourrait dire : « Votre comité encourage le gouvernement[...] »
La vice-présidente : Pourriez-vous nous dire où se trouve le paragraphe?
La sénatrice Simons : « Votre comité encourage le gouvernement à présenter, à l’avenir, une déclaration indiquant les raisons pour lesquelles les lois et dispositions énumérées dans le rapport annuel ne sont pas encore entrées en vigueur[...] » Nous n’avons pas besoin de le répéter. Cela concerne les coûts et les économies. Comme je l’ai déjà dit, c’est injuste de demander cela chaque fois.
Michaela Keenan-Pelletier, analyste, Bibliothèque du Parlement : Je dois souligner qu’à la fin du premier paragraphe, il est écrit « lorsqu’il dépose le rapport annuel ». Je crois donc que c’est l’échéancier qui diffère entre les deux. Dans le premier paragraphe, nous demandons toutes ces informations lorsque le rapport annuel est déposé, au début de l’année, et dans le deuxième paragraphe, cela dépend du renvoi du rapport et de la liste au comité. Donc, oui, je vois la redondance, mais je tenais à la souligner, pour mettre cela au clair.
La sénatrice Simons : Mais ce qui est important...
La vice-présidente : Ce n’est pas redondant. Le président a demandé que ce soit dans les deux paragraphes, puisque la partie initiale a été adoptée par le Sénat en mai et que nous recevons cela maintenant, en novembre.
La sénatrice Simons : Merci de cette précision; je comprends, maintenant. Toutefois, je m’oppose toujours à la phrase « les coûts ou les économies liés au report de l’entrée en vigueur ou à l’abrogation des lois ». Je trouve que cette exigence est injuste.
La vice-présidente : Que pensez-vous de « tout »? Cela indique ce que nous devrons dire plus tard, « le cas échéant. »
La sénatrice Simons : Le sénateur Tannas a signalé une mesure sur laquelle il avait travaillé; il s’agissait d’une revendication territoriale autochtone qui n’a jamais — pas une revendication territoriale, peu importe —, un traité moderne qui n’est jamais entré en vigueur. Comment calculez-vous les coûts et les économies liés à cela? Je crois que nos demandes ne sont pas cohérentes.
La vice-présidente : D’accord. Que pensez-vous de « les coûts et les économies pertinents »?
La sénatrice Simons : Je ne suis toujours pas convaincue que cela fonctionne.
Le sénateur Tannas : S’ils ne le font pas dans le rapport... Nous allons toujours renvoyer cela au comité, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à renvoyer, donc il y a une solution de rechange et un moment adéquat. Ils peuvent le faire soit en amont, soit lorsqu’ils se présentent devant le comité. En fait, ils pourraient devoir le faire deux fois; ils pourraient le faire dans le rapport initial, qu’ils ont déposé en janvier dernier, pour signaler leur intention, et à nouveau lorsqu’ils viennent ici. Est-ce que j’ai bien compris? Habituellement, le rapport est déposé au début de l’année.
La sénatrice Simons : Je sais que c’est difficile, puisque le président n’est pas présent et que c’est son idée, mais je ne comprends pas comment nous pourrions leur demander de faire cela pour chaque loi, dont certaines, comme je l’ai dit — qu’essayons-nous réellement de faire?
La vice-présidente : Le président a fait une demande très précise. Il n’est pas là, donc il ne peut pas fournir d’explications complètes à ce sujet.
Que diriez-vous, pour faciliter les choses — il est presque 18 h 20 et nous devons bientôt nous arrêter — de le conserver dans la deuxième partie et le retirer dans la partie dont nous discutons, en espérant que la question a été traitée. Êtes-vous d’accord?
Et cette autre section sur les noms et les titres des témoins — conviendrait-il aux sénateurs que nous retirions cette mesure particulière?
La sénatrice Simons : Oui, puisqu’ils ont des cartons d’identification lorsqu’ils sont ici.
La vice-présidente : D’accord. Puis, si les membres du comité sont d’accord, peut-être que le comité directeur pourrait ajouter un beau petit paragraphe pour remercier les fonctionnaires?
La sénatrice Clement : Pour continuer d’améliorer l’efficacité.
La vice-présidente : Oui, l’efficacité.
Compte tenu de tout cela, en gardant en tête les petits changements à apporter, vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter ce rapport?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : Merci. En tenant compte de ces changements potentiels, convient-il que le Sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à approuver la version finale du rapport, dans les deux langues officielles, tenant compte de la discussion d’aujourd’hui et en y apportant tous les changements requis sur le plan de la rédaction, de la grammaire ou de la traduction nécessaires?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : Convient-il que je dépose ce rapport au Sénat, d’ici le 4 décembre 2025, dans les deux langues officielles?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : Merci, chers sénateurs.
(La séance est levée.)