LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 8 octobre 2025
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 51 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, toute question concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général et d’autres questions financières; et à huis clos, pour l’étude d’un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices, ainsi qu’à tous les Canadiens qui se joignent à nous sur sencanada.ca. Je suis Claude Carignan, sénateur du Québec et président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant demander à mes collègues de se présenter.
La sénatrice Hébert : Bonsoir. Martine Hébert, du district de Victoria, au Québec
[Traduction]
La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Ross : Krista Ross, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Kingston : Joan Kingston, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Bienvenue. Je suis le sénateur Loffreda de Montréal, Québec
[Français]
La sénatrice Galvez : Bienvenue. Rosa Galvez, du Québec.
Le sénateur Gignac : Bonsoir. Clément Gignac, du Québec.
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.
Le président : Merci, chers collègues. Nous poursuivons notre étude consacrée à une mise à jour générale de la situation financière et économique du pays. Nous avons eu une petite consultation avec les membres de la direction et nous avons décidé de joindre nos deux groupes, car il y avait un absent qui devait participer au premier groupe et nous avions un problème technique avec notre témoin qui est à Hong Kong. Ils sont en train d’essayer de régler le problème, mais je pense que ce serait préférable de le reporter pour être équitable envers le témoin. On a offert à M. Aubin de se joindre au premier groupe, ce qui lui permettra soit de voir les Blue Jays, soit de voir le match du Canadien, selon ce qu’est son sport préféré, plus rapidement.
Je vous invite à accueillir DT Cochrane, économiste principal du Congrès du travail du Canada, et Steve Aubin, associé, Audit et certification, Services-conseils en comptabilité et informations financières, Deloitte.
[Traduction]
DT Cochrane, économiste principal, Congrès du travail du Canada : Bonsoir. Merci de nous inviter à vous parler des finances du gouvernement du Canada et de l’état de l’économie canadienne d’un point de vue axé sur les travailleurs.
Le Congrès du travail du Canada, ou CTC, est la plus importante organisation syndicale au pays. Nous représentons des syndicats comptant plus de trois millions de membres dans presque tous les secteurs de l’économie. L’économie du Canada va mal. Nous devrions tous entendre les alarmes tonitruer : un taux de chômage de 7 %, un taux de chômage des jeunes à 14 %, voire plus, à 25 %, pour les jeunes noirs et arabes, des prix d’épicerie et des loyers qui continuent d’augmenter de plus de 3 % et 5 % respectivement, une activité économique en baisse chaque mois du deuxième trimestre, une production manufacturière en baisse de 8 % depuis 2022, une baisse de 10 % de l’investissement des entreprises dans l’équipement et la machinerie au deuxième trimestre et une productivité inférieure à celle à la fin de 2019.
Il n’y a pas que la guerre commerciale à blâmer. Elle aggrave des problèmes qui existaient déjà, comme le faible nombre d’embauches et le sous-investissement dans la capacité productive. Ces problèmes et d’autres sont le fruit d’idées naïves sur la gouvernance économique qui justifiaient de mauvaises politiques économiques. Des économistes orthodoxes ont convaincu les gouvernements que le marché devait dicter l’économie le plus possible.
Par exemple, on a promis aux Canadiens que la baisse de l’impôt sur le revenu des sociétés augmenterait les investissements, améliorerait la productivité, diversifierait l’économie et créerait davantage de bons emplois. Aucune de ces promesses ne s’est concrétisée. En fait, les investissements productifs ont baissé.
Ces politiques économiques mal avisées ont plutôt facilité une concentration accrue des entreprises. La dépendance accrue à l’égard d’une seule exportation et d’un seul partenaire commercial a évidé notre secteur de la fabrication, accru la précarité des emplois, aggravé l’inégalité des revenus et de la richesse et, récemment, n’a pas permis de lutter contre une crise d’abordabilité exacerbée par la recherche du profit.
Certains des messages associés à l’idéologie promarché alimentent la panique au sujet du déficit et de la dette du gouvernement fédéral. Cette panique est causée par un malentendu courant. La dette fédérale correspond à l’argent que le gouvernement a injecté dans l’économie et qui n’a pas encore été imposé. L’argent demeure dans l’économie en tant qu’élément essentiel de notre infrastructure financière. Nous devons composer avec de multiples crises concurrentes comme celles du logement, des soins de santé, du commerce et du chômage, entre autres.
Le gouvernement fédéral doit accepter que lui seul est en mesure d’exercer un leadership économique responsable sur le plan démocratique. Le fait de renoncer à ce rôle en raison d’une crainte infondée à l’égard du déficit constitue un manquement à son devoir. Au lieu de l’austérité à venir que nous annonce le premier ministre Carney, il faut investir massivement dans l’infrastructure physique et sociale nécessaire à une économie juste, stable, novatrice et durable.
Le gouvernement doit renforcer le filet de sécurité sociale, ce qui comprend de soutenir davantage les personnes en situation de handicap, les travailleurs au chômage et les retraités dont les revenus fixes sont inadéquats, d’élargir les soins de santé publics en prolongeant l’assurance-médicaments et les soins dentaires et en donnant accès aux services de santé mentale, de financer davantage les services de garde d’enfants et tous les niveaux d’éducation, de bâtir des logements hors marché afin de garantir à chacun un logement abordable, de réparer et de faire croître les systèmes de transport du Canada, à savoir les ponts, les routes, les chemins de fer, les ports et le transport en commun interurbain et urbain, de financer une stratégie industrielle écologique afin de rendre notre économie intensive en émissions carboneutres et de maintenir les services publics requis pour coordonner avec efficacité ce travail d’édification de nation.
Si ce travail est bien fait, il générera des actifs précieux, créera de nombreux bons emplois, réduira l’incertitude dans le secteur privé et améliorera généralement le bien-être. Il faut toutefois payer un fort prix. Les craintes relatives au déficit sont mal à propos, mais le gouvernement doit veiller à ce que l’argent dépensé continue de circuler. Des sociétés puissantes détournent cet argent vers les fortunes démesurées des ultrariches, qui l’utilisent pour exercer une influence excessive sur la culture et la politique.
Il faut imposer des taxes et des impôts pour garantir une gestion budgétaire adéquate. Ainsi, chacun contribuera à la fourniture de biens et de services publics et on réduira le pouvoir non mérité et antidémocratique qu’exerce l’élite ultrariche.
Voilà pourquoi il faut imposer la taxe sur les services numériques, imposer entièrement les gains en capitaux, rehausser le taux d’impôt sur le revenu des sociétés, imposer les profits excessifs et mettre en œuvre une taxe sur la richesse.
Nous mettons à l’essai des idées économiques orthodoxes depuis quatre décennies. Cette expérience s’est soldée par un échec. Ce sont les travailleurs qui en paient le prix, tandis que les sociétés et leurs propriétaires deviennent plus puissants. Nous ne nous en sortirons pas en suivant les mêmes politiques que celles qui nous ont mis dans cette situation.
Merci.
Steve Aubin, associé, Audit et Certification, Services-conseils en comptabilité et information financière, Deloitte : Merci, monsieur le président et distingués membres du comité. Je m’appelle Steve Aubin et je suis associé chez Deloitte Canada. Je suis un comptable professionnel agréé qui compte plus de 27 années d’expérience en comptabilité et en rapports financiers.
Je tiens à être clair dès le départ : je ne suis pas un expert en politiques. Le point de vue que je vous présente aujourd’hui se fonde uniquement sur mes antécédents en comptabilité et en établissement de rapports.
Je suis heureux de vous faire part de mon point de vue et j’espère qu’il aidera à éclairer le comité dans ses délibérations. Mon exposé portera sur la proposition du gouvernement de séparer les charges de fonctionnement et les dépenses d’investissement en capital.
Je propose d’aborder trois sujets : premièrement, ce que nous savons réellement sur la politique proposée, deuxièmement, la façon dont la définition du terme « dépense en capital » convient au cadre d’établissement de rapports financiers du gouvernement du Canada et finalement, mes éléments à prendre en considération en ce qui concerne l’établissement de rapports.
[Français]
Commençons par ce que nous savons. À l’heure actuelle, nous ne disposons pas encore de tous les détails sur la façon dont le gouvernement entend mettre en œuvre ce changement. Cependant, en nous appuyant sur les informations publiées lundi dernier sur le site du ministère des Finances du Canada, on constate manifestement un virage dans la stratégie budgétaire. Le gouvernement souhaite distinguer les investissements en capital des dépenses opérationnelles et élargir la définition des dépenses considérées comme « en capital » pour fins budgétaires.
De plus, M. Champagne a précisé que ce changement va bonifier et non remplacer l’information financière existante. En résumé, il s’agit d’un changement de politique budgétaire, et on ne s’attend pas à ce que cela modifie la façon dont les Comptes publics du Canada sont préparés.
[Traduction]
Le terme « investissement en capital » n’est pas officiellement défini dans les principes comptables généralement reconnus, les PCGR ou GAAP, en anglais, que le gouvernement du Canada suit dans la préparation de ses comptes publics et de son budget.
Selon les PCGR, on met l’accent sur les immobilisations. Il s’agit d’actifs qui proviennent de dépenses engagées pour acquérir ou développer des biens qui offrent des avantages économiques futurs pendant plus d’un an et que le gouvernement contrôle. Parmi les exemples typiques, notons les terrains, les bâtiments et l’équipement détenus par le gouvernement.
En revanche, la catégorie proposée d’investissement en capital a un champ d’application plus large. Elle comprend les immobilisations actuellement définies en vertu des PCGR, ainsi que des dépenses comme les subventions et d’autres incitatifs qui contribuent à la création d’immobilisations dans le secteur privé et dans d’autres ordres de gouvernement. À l’heure actuelle, elles sont engagées pendant l’année où la subvention est accordée.
L’approche budgétaire proposée envisage de présenter cet investissement en capital en tant que catégorie distincte à des fins de budgétisation. À cette étape, il semble que le gouvernement entend renommer les charges de fonctionnement en investissement en capital tout en continuant d’inclure ces montants dans le calcul de la cible budgétaire.
J’en viens finalement aux considérations relatives à l’établissement de rapports. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous ne nous attendons pas à ce que ce changement de politique modifie la façon dont les comptes publics sont préparés.
Nous nous attendons toutefois à ce que le budget de novembre définisse clairement l’investissement en capital et qu’il établisse un cadre stratégique robuste et transparent qui garantit que seules les véritables mesures d’investissement sont saisies.
Enfin, nous nous attendons à ce que le gouvernement explique et rapproche clairement tout écart entre le budget et les comptes publics, y compris la façon dont le déficit budgétaire et le déficit des comptes publics sont calculés.
[Français]
En conclusion, nous considérons la proposition du gouvernement comme un choix politique budgétaire. Cependant, il demeure essentiel de préserver la transparence et la reddition de comptes dans la façon dont ces décisions seront intégrées aux Comptes publics du Canada.
Je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui.
Le président : Merci. Nous passons aux questions. Nous allons accorder cinq minutes à chaque sénateur.
Le sénateur Forest : Merci d’être avec nous aujourd’hui. Ma première question s’adresse à vous, monsieur Cochrane. Nous parlons beaucoup d’efforts de diversification du commerce en vue de trouver de nouveaux marchés, compte tenu de la situation que nous vivons avec nos voisins du Sud.
L’Europe est un marché important pour réduire notre dépendance aux États-Unis, mais les membres du marché commun sont particulièrement sensibles au bilan carbone des produits qu’ils importent. Ils ont une taxe carbone aux frontières. Est-ce réaliste de croire que l’Europe est une réelle alternative aux États-Unis, alors que nous savons que nous avons beaucoup d’efforts à faire pour réduire l’empreinte carbone de nos produits?
[Traduction]
M. Cochrane : Nous devons absolument trouver d’autres partenaires commerciaux. Selon un dicton, le meilleur moment pour planter un arbre, c’était il y a 20 ans et le deuxième meilleur moment, c’est maintenant. Il en est de même pour la diversification de nos partenaires commerciaux.
Nous disons depuis plus d’un siècle que nous devons trouver d’autres partenaires commerciaux. Il faut que cela se passe. Et cela prendra du temps. Il nous faudra beaucoup de temps avant d’accéder à une clientèle qui se rapproche de près ou de loin à celle des États-Unis. Même si nous faisions progresser rapidement des accords commerciaux avec l’Europe, nous ne serions même pas près d’obtenir l’accès dont nous avons besoin.
Cela étant dit, on constate que tous les secteurs se dirigent clairement vers des économies post-carbone. Tout le monde sait que cette transition sera difficile, mais elle est en cours. Le Canada était l’un des chefs de file dans cette transition à un moment donné. Il ne fait aucun doute que nous avons régressé sur ce front et nous avons perdu un certain avantage.
Il y avait une certaine régression mondiale à l’égard des changements climatiques et des politiques climatiques. Nous aurions dû continuer d’être une voix dans la marche vers une économie post-carbone. C’est une possibilité; ce n’est pas une menace. Nous devons saisir cette possibilité, reconnaître les risques en jeu et aller de l’avant, comme nous l’avons fait avec l’effort de guerre pendant la Deuxième Guerre mondiale. Nous n’avons pas régressé face aux menaces pour notre économie; nous sommes allés de l’avant et nous en sommes sortis beaucoup plus forts.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci.
Bonsoir, monsieur Aubin. Dans une récente note économique, votre économiste en chef a écrit ceci :
Le Canada est en bonne position pour éviter une récession théorique, en partie grâce aux exemptions en vertu de l’ACEUM.
On comprend la grande incertitude que provoque à l’heure actuelle le président Trump. Quelles sont les autres menaces sur la croissance économique du Canada?
[Traduction]
M. Aubin : Je connais l’article, mais cela dépasse mon domaine d’expertise. Cela porte beaucoup plus sur les politiques et la situation économique et je ne serai pas en mesure d’en parler aujourd’hui. Si vous avez des questions, je serai ravi de vous revenir à ce sujet.
[Français]
Le sénateur Forest : Vous êtes plutôt dans le domaine politique?
M. Aubin : Non, plutôt la comptabilité, la transparence et la reddition de comptes.
Le sénateur Forest : À ce moment-là, au chapitre des restrictions budgétaires, je suppose que cela peut se matérialiser dans la fiscalité canadienne. Est-ce que vous auriez des suggestions à faire sur cet aspect?
[Traduction]
M. Aubin : Encore une fois, je ne peux pas vraiment parler des politiques en soi. Je suis ici pour parler de la classification entre les charges de fonctionnement et les dépenses d’investissement en capital que propose le gouvernement.
[Français]
Le sénateur Forest : Parlez-nous un peu de la classification. Je vais réussir à avoir une réponse.
M. Aubin : En fait, nous avons très peu d’information jusqu’à maintenant sur la classification.
Ce à quoi l’on s’attend au mois de novembre, et ce qui est vraiment important sur le plan de la transparence de la comptabilité, c’est que le gouvernement définisse très clairement les termes « capital investment » et qu’il produise l’information relative aux réconciliations, pour que les gens sachent quelle information se rattache aux comptes publics.
À l’heure actuelle, M. Champagne parle d’une information supplémentaire. Si c’est une information supplémentaire, on s’attend à ce qu’elle soit réconciliée avec ce que l’on reçoit actuellement.
[Traduction]
La sénatrice Ross : Ma question s’adresse à vous, monsieur Cochrane. Merci à vous deux d’être ici ce soir.
J’ai été, tout comme vous, alarmée par les taux de chômage chez les jeunes dont nous venons d’entendre parler. À quoi attribuez-vous cela? Est-ce lié aux lacunes au niveau des compétences? Pensez-vous que cet impact est en partie causé par l’intelligence artificielle, ou l’IA?
Vous avez aussi mentionné que le taux de chômage des jeunes noirs et arabes s’établissait à 25 %. Vous n’avez pas parlé des jeunes autochtones, qui forment la population de jeunes à la croissance la plus rapide — quatre fois plus rapide que tous les autres jeunes au pays. Quel lien établissez-vous entre ces données et cette situation?
M. Cochrane : Une absence d’embauches en raison de l’incertitude répandue est le principal facteur du chômage dans toutes les catégories. Chaque fois que le chômage augmente, il le fait toujours plus rapidement parmi les groupes marginalisés. Et il augmentera toujours plus rapidement dans le groupe des personnes occupant un emploi précaire, y compris les jeunes, les personnes de couleurs et les Autochtones. Il y a toujours un écart, qui se creuse à mesure que le chômage augmente. Tout le monde le sait, l’emploi suit le principe du « dernier arrivé, premier parti ». Les dernières personnes à être embauchées lorsque les marchés du travail sont serrés auront tendance à être les premières à perdre leur emploi lorsque ces marchés se relâchent.
L’un des aspects réellement uniques de la situation d’emploi actuelle, c’est à quel point elle est dictée par l’incapacité de ceux qui entrent pour la première fois sur le marché du travail ou qui y retournent de se trouver un emploi. On croit que le taux de chômage augmente à cause de la guerre commerciale, qui fait en sorte que des gens perdent leur emploi — et il ne fait aucun doute que c’est ce que l’on commence à constater. Cependant, le chômage était en hausse avant le début de la guerre commerciale. Il augmentait parce que les gens qui entraient sur le marché du travail étaient incapables de trouver un emploi.
L’une des autres conséquences est que le chômage à long terme augmente vraiment très rapidement. Le fait d’être au chômage pendant une période prolongée est l’une des pires choses qu’une personne puisse endurer. Cela a des conséquences sur les personnes qui se font sentir tout au long de leur vie.
Vous avez tout à fait raison de dire que les jeunes autochtones, les Autochtones en général, seront touchés par ce qui se passe dans nos marchés du travail. À mon avis, le problème ne réside pas dans les lacunes au niveau des compétences, mais bien dans l’incertitude. C’est une incertitude totalement justifiée pour le secteur privé, qui est réticent à embaucher parce qu’il ignore vers où l’économie se dirige. Nous suivions une direction vers une économie post-carbone. Cette direction a été en quelque sorte effacée. La guerre commerciale crée davantage d’incertitude. Dans quels domaines cet investissement sera-t-il vraiment réalisé? Ce n’est pas tout à fait clair. Alors, investiriez-vous dans l’embauche dans une telle situation? Je ne le crois pas.
L’IA est-elle une partie du problème? Un peu, peut-être, mais c’est une distraction. C’est un peu un ajout, où certains employeurs pourraient se dire « Bien, l’IA pourrait-elle exécuter ce travail à l’avenir? ». Encore une fois, ce n’est pas tout à fait clair, compte tenu de tout le battage entourant l’IA.
La sénatrice Ross : Je sens, en plus de votre exposé sur le chômage, une certaine sympathie, peut-être, envers la communauté des petites entreprises, qui doit composer avec une grande incertitude. Vous avez aussi beaucoup parlé de l’imposition des sociétés et de l’augmentation des paiements que les entreprises devraient elles aussi verser. Comment faites-vous concorder cela avec les incertitudes et les défis auxquels les entreprises se heurtent dans cette économie difficile?
M. Cochrane : Disons que le gouvernement dépense le genre de fonds qu’il devrait dépenser à mon avis. Les entreprises fourniront une grande partie des produits et services dont le gouvernement a vraiment besoin.
Les entreprises ont davantage besoin de recettes que d’incitatifs fiscaux. Le gouvernement peut être la source de ces recettes parce qu’il offrira des contrats afin de bâtir les ponts, d’élargir les ports, de construire les routes et d’ériger les hôpitaux.
Les fournisseurs de soins supplémentaires que vous avez embauchés dépensent leurs revenus. Si vous mettez l’argent dans les poches de personnes ayant un revenu relativement bas, cet argent a un effet multiplicateur parce qu’elles le dépensent dans leur économie. Les petites entreprises, les restaurants et les entreprises locales où les gens dépensent leur argent profiteront de l’injection de cet argent. Cependant, cet argent est détourné à mesure qu’il circule vers les sociétés les plus importantes et les plus puissantes, celles qui peuvent choisir d’augmenter leurs marges de profit au lieu d’accroître leur volume de production. C’est exactement ce que nous avons vu pendant la période d’inflation élevée.
Il faut augmenter l’impôt des plus grandes et des plus puissantes sociétés afin de remettre cet argent entre les mains du public, dans l’économie, où il peut continuer d’avoir cet effet multiplicateur. Au lieu que cet argent devienne concentré et que nous devions l’emprunter, il faut l’imposer et le retourner là où il peut continuer d’avoir des effets positifs.
La sénatrice Kingston : Je demanderai à M. Cochrane de faire part de ses réflexions sur quelque chose qui nous a été présenté. La première sous-gouverneure de la Banque du Canada a comparu ici il y a environ un an afin de parler du niveau de productivité en baisse du Canada par rapport à celui des États‑Unis et d’autres pays. Elle a mentionné un certain nombre de domaines, mais elle a dit que les freins à la croissance des entreprises devaient être éliminés. Elle a aussi parlé du niveau d’investissement des entreprises, de la machinerie, de l’équipement et de la propriété intellectuelle, ainsi que de l’absence de certitude en matière de politique en ce qui concerne les approbations et les mesures incitatives réglementaires et la croissance à faible productivité.
Je suis certaine que vous avez une opinion à ce sujet, mais à quoi attribue-t-on principalement le manque d’investissement des entreprises dans la machinerie, l’équipement et la propriété intellectuelle? Parce que c’est en quelque sorte l’envers de la croissance de la main-d’œuvre dans certains secteurs de la population active. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
M. Cochrane : D’accord. Vous n’arrivez pas à trouver les travailleurs dont vous avez besoin. J’ai été très dur avec la théorie économique orthodoxe, mais elle énonce toutefois que si l’on n’arrive pas à trouver de travailleurs au salaire que l’on offre, on doit donc offrir un salaire plus élevé. Tous ces employeurs disent ensuite « Nous ne trouvons pas de travailleurs. Nous devons avoir accès à des travailleurs occupant un emploi précaire et qui ne jouiront pas vraiment de tous les droits liés au travail afin qu’ils viennent travailler au salaire que nous sommes prêts à offrir. » Cela mine entièrement la théorie même que le gouvernement est censé respecter.
Si ces entreprises devaient faire peu importe ce que la théorie économique orthodoxe leur disait de faire — offrir un salaire plus élevé —, bon, bien, c’est bon pour les travailleurs, parce qu’elles ont augmenté le salaire que les travailleurs peuvent exiger. Ces entreprises pourraient en fin de compte déterminer que cela devient trop dispendieux et c’est à ce moment-là qu’elles commencent à investir dans des technologies permettant d’économiser de la main-d’œuvre. C’est à ce moment-là aussi qu’elles commencent à acheter la machinerie et l’équipement qui augmentent vraiment la productivité.
Il peut sembler étrange pour l’économiste d’une organisation syndicale de parler de cela, mais nous avons réellement affaire à un cercle vertueux. Lorsque l’on dote ces travailleurs de machines et d’équipement novateurs, plus récents et améliorés, leur productivité augmente. Cela libère de la main-d’œuvre, qui peut ensuite aller travailler dans d’autres secteurs de l’économie, car ces travailleurs demeurent très prisés. Ils peuvent créer ces machines et ce matériel nouveaux et occuper tous les autres emplois qui sont associés à cela.
Nous avons complètement miné ce processus en mettant en œuvre un programme qui a permis aux entreprises d’embaucher une main-d’œuvre peu dispendieuse au lieu de réaliser les investissements dont nous avions vraiment besoin. Le fait d’injecter plus d’argent dans l’économie aiderait aussi à encourager davantage d’investissements dans la machinerie et l’équipement.
Avec tout le respect que je lui dois, la sous-gouverneur plaide en fait en faveur d’un rafistolage du processus. Le niveau de productivité le plus élevé de loin a été atteint pendant la Deuxième Guerre mondiale, alors que les dépenses du gouvernement s’établissaient à près de 50 % du produit intérieur brut. À ce moment-là, notre productivité est partie en flèche et n’avait rien à voir avec ce qu’elle est aujourd’hui. Ce genre de leadership et de stimulation de l’économie a eu des répercussions qui se sont fait sentir pendant des décennies. De nouvelles technologies et de toutes nouvelles industries en sont nées. Il ne s’agissait pas d’un rafistolage de la réglementation.
La sénatrice Kingston : ... dans la population active également. Merci.
[Français]
La sénatrice Hébert : Ma question s’adresse d’abord à M. Aubin. Vous avez défini plus tôt ce qui passerait dans les dépenses en immobilisations du gouvernement. Vous avez parlé des subventions pour les entreprises en ce qui a trait à différents programmes d’investissement du gouvernement, notamment les programmes sur les logements. J’aimerais vous entendre à ce sujet; c’est peut-être une formalité, mais elle est quand même importante. Il y a des équipes, il y a des gens, il y a des dépenses de fonctionnement associées à l’administration de ces programmes.
Pensez-vous que le gouvernement devrait, dans sa présentation budgétaire, distinguer ces montants qui seront consentis des dépenses en immobilisations? Ma question est importante, car cela peut faire en sorte que certains organismes ou ministères soient soustraits aux efforts de compressions budgétaires ou aux efforts de gains d’efficience que devront faire plusieurs ministères et organismes.
M. Aubin : C’est une bonne question. Pour résumer, les dépenses en immobilisations comprendront-elles les coûts administratifs au lieu de comprendre seulement les dépenses qui vont directement au secteur privé? Je dis que c’est une bonne question, parce que nous n’avons pas assez de détails actuellement.
La sénatrice Hébert : Quelle est votre opinion à vous?
M. Aubin : Mon opinion à moi?
La sénatrice Hébert : Est-ce que cela devrait l’être?
M. Aubin : C’est vraiment une question de politique; selon les principes comptables établis, les coûts administratifs comme ceux-là seraient une dépense.
La sénatrice Hébert : De fonctionnement.
M. Aubin : Oui, effectivement.
La sénatrice Hébert : Ma deuxième question s’adresse à M. Cochrane; je suis l’une de ces économistes orthodoxes naïves dont vous avez parlé un peu plus tôt.
Monsieur Cochrane, dans ma carrière, j’ai eu la chance d’être une voix pour les PME canadiennes et de siéger à plusieurs comités gouvernementaux, qui étaient représentés par des syndicats, des représentants d’entreprise et d’autres acteurs de la société civile. Or, j’ai pu constater la richesse de cette collaboration. Nous nous dirigeons vers une reconstruction de l’économie canadienne qui exigera que tout le monde mette de l’eau dans son vin, tant les employeurs que le gouvernement et l’ensemble des acteurs de la société. Que feront les syndicats pour participer à cette agilité collective, qui est dans l’intérêt de tout le monde, tout en favorisant le dialogue social dans le processus?
[Traduction]
M. Cochrane : Merci beaucoup de la question. Les syndicats sont un contrepoids essentiel dans notre économie. Lorsque les syndicats étaient plus forts, l’inégalité du revenu et de la richesse était beaucoup plus basse qu’elle ne l’est maintenant. Étant donné que les syndicats sont devenus moins puissants dans notre économie, ils sont moins en mesure de contrer le pouvoir des employeurs.
Les syndicats ont joué un rôle crucial dans la progression d’un grand nombre de politiques liées à l’équité en matière d’emploi et de politiques générales sur l’équité en matière de travail. Par exemple, les personnes en situation de handicap affichent des taux disproportionnellement élevés de représentation syndicale parce que ces personnes ont un meilleur accès aux emplois pour lesquels des syndicats veillent à l’application des principes d’équité en matière d’emploi. Ce n’est toutefois pas adéquat. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste à un niveau inacceptable, mais les syndicats ont joué un rôle essentiel, qui a permis de combler l’écart que nous avons réussi à combler.
C’est également vrai pour tous ces groupes marginalisés. Il faut que les syndicats aient une voix forte au sein de notre économie parce qu’ils ont réellement été la voix de l’équité, la voix qui garantit une répartition élargie des avantages que génère la croissance économique. Nous avons aussi vu notre productivité connaître une croissance exceptionnelle au cours des 40 dernières années, pourtant, au cours de cette même période, le pouvoir d’achat réel des 70 % de travailleurs qui ont des revenus moins élevés n’a pas augmenté. Ainsi, la Banque du Canada fait preuve d’hypocrisie quand elle dit qu’il faut accroître la productivité pour verser un salaire plus élevé aux travailleurs. À quoi se sont établis ces salaires au cours des 40 dernières années, quand la productivité augmentait? Les syndicats ont un rôle essentiel à jouer pour veiller à une répartition plus équitable du produit social.
[Français]
La sénatrice Galvez : Bonsoir. Ma première question s’adresse à M. Cochrane. Vous avez mentionné que nous avons besoin d’aller rapidement vers la transition et que le Canada est en retard.
[Traduction]
Vous avez publié plusieurs articles sur le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain et les droits des peuples autochtones. Vous avez aussi écrit sur le déversement de pétrole de la plateforme Deepwater Horizon. Nous avons maintenant le projet de loi C-5, qui proposera des projets d’intérêt national. Quels seront vos critères pour un projet d’intérêt national qui nous permettront de faire cette transition que nous devons faire, comme vous l’avez dit? C’est impératif.
M. Cochrane : C’est une grosse question. Quels sont les principes exacts que je suggérerais? Celui pour lequel je plaiderais immédiatement serait d’y rattacher des conditions de travail. Ces projets doivent créer de bons emplois. Je crois que nous devrions aussi regarder vers l’avenir, et ces projets devraient nous mener vers une économie carboneutre, reconnaissant ainsi que l’économie du carbone est révolue. Je ne dis pas qu’elle disparaîtra aujourd’hui ou demain, mais nous devons faire cette transition.
Donc, quel avenir l’économie du Canada a-t-elle? C’est une question ouverte, mais elle est stimulante et très déconcertante à la fois. Le monde offre tant de possibilités. Partout où nous regardons, nous voyons qu’il y a énormément de travail à faire. Confiez ces emplois aux travailleurs. Avant la Deuxième Guerre mondiale, l’industrie de l’aviation du Canada était essentiellement inexistante. À la fin de cette guerre, nous avions produit 11 000 avions. Nous avons mis sur pied cette industrie en quelques mois seulement — pas des années, mais bien des mois. Nous sommes passés de rien à quelque chose d’incroyablement productif.
Nous pouvons le refaire. Il faut seulement avoir du leadership. Il ne s’agit pas ici de créer des partenariats avec des entreprises privées, qui nous diront ce que nous voulons entendre et nous livrerons le train léger sur rail d’Ottawa et toute sa grandiose réussite. Il s’agit ici d’accomplir des choses vraiment impressionnantes. Il y a des gens qui ont de grandes idées sur les choses impressionnantes que nous pouvons faire pour bâtir l’économie de l’avenir.
La sénatrice Galvez : Monsieur Aubin, nous nous inquiétons du changement apporté à la présentation du budget et de cette nouvelle terminologie, ainsi que de la nécessité d’avoir des définitions et d’expliquer l’investissement en capital.
Vous avez expliqué brièvement la façon dont cela influence la façon dont nous comptabilisons le déficit. L’autre élément qui m’inquiète beaucoup, c’est que le gouvernement, par exemple, a acheté un oléoduc, TMX, et l’a classé en tant qu’investissement. Cependant, des années plus tard, nous nous sommes rendu compte que ce n’est pas un investissement, mais bien une dépense, et que nous ne récupérerons pas cet argent. Dans mon dictionnaire, c’est une subvention au secteur de l’exploitation pétrolière et gazière.
Étant donné que nous voulons accroître la reddition de comptes et la transparence, comment peut-on interpréter cela avec le projet de loi C-5 et les nouveaux projets qui pourraient éventuellement devenir des biens abandonnés?
M. Aubin : Je ne peux pas parler de la politique en soi sur ce point, mais je répondrai ce qui suit à votre question sur la façon dont cela influencera le déficit. D’après ce que je comprends, il est proposé de continuer de calculer le déficit de la même façon, mais de catégoriser différemment certaines dépenses dans le budget. Il y aura une transparence, en ce sens où le calcul du déficit demeurera le même. Il y aura une certaine reclassification et, à l’heure actuelle, le gouvernement propose en fait de rapprocher ces classifications de sorte que nous sachions comment elles se comparent à notre façon de procéder aujourd’hui.
Il faudra attendre au mois de novembre pour voir ce que le gouvernement présentera, comment il définira les investissements en capital et comment il rapprochera les définitions pour voir si les critères de transparence et de reddition de compte sont respectés. Pour l’instant, il est proposé de calculer le déficit de la même manière.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adresse à M. Cochrane.
J’essaie de suivre votre raisonnement. Vous avez dit que dans l’économie classique, si les employeurs n’arrivent pas à trouver de la main-d’œuvre, c’est parce qu’ils n’offrent pas assez d’argent. Ils n’ont qu’à augmenter les salaires et tout se réglera de façon magique. Il me semble que notre économie est beaucoup plus compliquée que cela.
Je reviens sur un sujet dont il a été question à maintes reprises à ce comité : les travailleurs étrangers temporaires. J’ai parlé avec plusieurs entreprises en région. Il n’y a pas de jeune main‑d’œuvre. On embauche donc des travailleurs étrangers temporaires. Vous disiez qu’on va au plus bas niveau et qu’on embauche n’importe qui. Cependant, ces travailleurs sont plutôt essentiels dans notre économie. Je ne sais pas si je vous ai mal compris, mais il me semble que votre raisonnement est trop uniforme sur les problèmes de main-d’œuvre. Il me semble qu’il y a plusieurs problèmes et qu’il y a bel et bien des pénuries dans certaines régions. Ce n’est pas qu’une question de salaires que les capitalistes offrent aux ouvriers, à moins que je me trompe.
[Traduction]
M. Cochrane : Je serais la dernière personne à avancer que l’économie n’est pas beaucoup plus complexe que ce qu’elle est dans les théories économiques orthodoxes. Elle l’est sans aucun doute. C’est le fond de mon argument. Selon la théorie économique orthodoxe, les revenus sont en fin de compte déterminés par la productivité individuelle de chacun. J’avancerai que les revenus sont en fin de compte déterminés par le pouvoir de chacun, et ce pouvoir s’accompagne d’une panoplie de déterminants complexes.
Lorsque j’exprimais mon soutien à l’égard de la théorie économique orthodoxe, je voulais réellement faire ressortir la décision stratégique prise quand nous penchons du côté de la théorie économique orthodoxe et quand nous nous en éloignons. Lorsqu’elle sert certains intérêts, c’est le marché qui prime. Dans le cas contraire, ignorons la façon dont le marché est censé fonctionner.
Ce n’est pas la même chose qu’offrir des salaires plus élevés, j’en conviens. Cependant, à ce sujet, pensons à Loblaws et à la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Lorsque le président‑directeur général du supermarché a comparu devant le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes, les fournisseurs d’aliments ont indiqué dans leurs témoignages à quel point ces grandes chaînes de supermarchés les traitaient mal. C’était avant la pandémie. Pendant ce temps, les marges de profit de Loblaws ont grimpé. Cette augmentation ne s’est toutefois pas traduite par une augmentation des prix pour les consommateurs. Alors, comment y est-elle parvenue? En marchant sur les pieds de ses fournisseurs et en exerçant une pression à la baisse sur le revenu que ceux-ci pouvaient tirer. Comment les fournisseurs ont-ils répondu? Ils doivent le transférer le long de la chaîne, ce qui signifie qu’ils veulent transférer cette perte de revenus à leurs travailleurs. Ils ne sont pas prêts à augmenter les salaires parce que leurs marges de profits commenceront à baisser.
Alors, quelle est la solution? L’accès à une main-d’œuvre peu dispendieuse en est une. C’est réellement un processus de pouvoir dans chaque direction. Qui sont les gagnants? Qui sont les perdants? La réponse est assez claire selon moi. Il suffit de regarder la répartition du revenu et les endroits où la richesse s’est concentrée pour voir qui sont les gagnants.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je ne crois pas que ce soit aussi vrai quand on parle des PME qui essaient de survivre et d’avoir une marge de profit convenable. Vous décrivez l’économie comme si on était encore au XIXe siècle. Il y a quand même une évolution, me semble-t-il. Vous décrivez les grandes entreprises, mais ce n’est pas partout comme ça. Il y a des PME qui font vivre le Québec et qui offrent des conditions de travail convenables. Cependant, elles n’arrivent pas à trouver des employés, et on leur dit maintenant que les travailleurs étrangers temporaires doivent partir. Qu’en pensez-vous? Êtes-vous d’accord avec les politiques qui font qu’on veut se débarrasser des travailleurs étrangers temporaires?
[Traduction]
M. Cochrane : Je ne peux pas parler des détails de ce programme précis pour l’instant. La transition fera mal, je l’avoue. J’ai beaucoup de sympathie pour les petites et moyennes entreprises, ou PME, qui ont été la cible de pressions de leurs propres clients alors que ce sont les grandes sociétés qui peuvent refuser de payer les prix parce qu’elles sont des monopsonistes. Elles sont la seule possibilité qui existe. Vers qui ces PME sont‑elles censées se tourner si on leur dit qu’on n’offrira pas leurs produits? Ça me touche. Il faut faire ce rajustement parce que nous ne pouvons pas continuer de permettre à ces entreprises de demeurer viables parce qu’elles ont accès à des travailleurs qui occupent des emplois précaires.
Il faut apporter des réformes importantes au Programme des travailleurs étrangers temporaires afin de donner à ces travailleurs un plus grand pouvoir de négociation. Il faut que ces salaires augmentent. Il est difficile de trouver une solution à cette question pour les entreprises dont les marges ont été réduites au point où elles ne peuvent plus survivre.
Le sénateur Loffreda : Merci, messieurs Cochrane et Aubin, d’être ici ce soir.
Ma question s’adresse à vous, monsieur Cochrane. J’ignore si j’aurai le temps de poser une question à M. Aubin. Monsieur Cochrane, vous plaidez en faveur d’une augmentation de l’impôt des sociétés et des détenteurs de capital afin de financer des programmes sociaux, que vous avez mentionnés. Ce sont d’excellents programmes sociaux. Étant donné que le capital est mobile et qu’il va là où son traitement est le plus efficace — je crois que vous serez d’accord avec moi sur ce point —, selon vous, comment le Canada concurrencera-t-il pour l’investissement et le capital, qui sont essentiels à la création d’emplois, à l’innovation et à la création de richesse, si vos recommandations étaient mises en œuvre? Je crois que, la plupart du temps, ce sont les entrepreneurs, et pas le gouvernement, qui créent la richesse. Si nous augmentons les impôts tandis que d’autres administrations les réduisent ou offrent des mesures incitatives, ne nous exposons-nous pas à un exode du capital et du talent, ce qui nuira en fin de compte aux programmes sociaux que vous voulez renforcer comme vous l’avez mentionné?
Vous avez dit qu’il faut réaliser des investissements à cause de la guerre commerciale et des incertitudes qui planent. Quels investissements recommanderiez-vous pour compenser vos augmentations d’impôt? Au Canada, le taux d’imposition des sociétés le plus élevé est de 31 %; il s’établit à 54 % pour les particuliers. On peut faire la comparaison avec bon nombre d’États américains — si vous me le permettez, je suis comptable professionnel agréé de l’Université de l’Illinois — comme l’Alaska, la Floride, le Nevada, le New Hampshire, le Dakota du Sud, le Tennessee et le Wyoming qui n’imposent aucun impôt, et c’est sans compter les mesures incitatives liées à l’impôt sur le revenu des particuliers que l’on offre aux États-Unis.
Je suis d’accord avec vous sur un point. Le rendement du capital investi se récolte ici, tandis que le rendement du travail se récolte là-bas. Je ne suis toutefois pas convaincu que vous ayez la bonne formule ici. Vous n’avez toutefois pas dit, entre autres, qu’un entrepreneur risque chaque jour de perdre tout ce qu’il détient. Souvenez-vous de cette phrase. En affaires, on trouve la formule de rendement du risque suivante : plus le risque est élevé, plus le rendement l’est. Je ne vois pas où vous allez avec tout cela.
Pour conclure, je citerai Margaret Tatcher :
Le problème avec les gouvernements socialistes, c’est qu’ils finissent toujours par avoir dépensé tout l’argent des autres.
Que pensez-vous de tout cela?
M. Cochrane : Lorsqu’il est question de dépenses fédérales, Margaret Tatcher a tout faux parce que le gouvernement...
Le sénateur Loffreda : Je ne veux pas parler de Margaret Tatcher. Je voulais seulement partager la citation. Parlez-moi des autres éléments que j’ai mentionnés.
M. Cochrane : D’accord. Le gouvernement fédéral ne dépense pas l’argent des autres. Il dépense son argent. Il crée l’argent. Notre économie n’est pas fondée sur le principe « imposer et dépenser », mais plutôt sur le principe « dépenser et imposer ». Le gouvernement fédéral dépense l’argent, puis l’assujettit à un impôt. Cet argent dépensé au pays peut faire tout ce que l’argent fait...
Le sénateur Loffreda : L’économie fondée sur le principe « imposer et dépenser » du Canada entraîne des problèmes de productivité et de concurrence. Nous devons attirer les investissements. Croyez-vous que nous le ferons en imposant et en dépensant les dépenses publiques?
M. Cochrane : Vous craignez l’exode des capitaux.
Le sénateur Loffreda : L’exode des capitaux suscite une vive crainte. Nous le constatons en ce moment même.
M. Cochrane : Cet argument est bien étayé. Lorsque vous parlez d’exode des capitaux, de quoi est-il question au juste? Il est question de propriétaires d’actifs qui décident de vendre un actif au Canada pour en acheter un autre ailleurs. L’actif, l’actif productif, existe encore ici.
Ainsi, le fait que ces propriétaires décident d’investir dans un actif ailleurs, où ils peuvent obtenir un rendement supérieur, n’élimine pas en fait le capital productif, ce qui nous préoccupe réellement ici. C’est l’un des éléments importants dont nous ne parlons pas dans cette discussion sur les gains en capitaux et sur l’incidence qu’il aura sur l’investissement. De quel genre d’investissement est-il question ici? La majeure partie des investissements qui génèrent les meilleurs rendements sont l’achat et la vente d’actifs financiers sur le marché secondaire. Quelle incidence cela a-t-il concrètement sur la productivité canadienne? Si nous parlons de construire des usines et des hôpitaux, il s’agit de choses qui sont produites ici et qu’il est difficile de sortir du pays.
Le spectre de l’exode de capitaux dépend réellement du fait que l’on cache la différence entre les actifs productifs et les actifs financiers. Nous devons analyser tout cela avant de pouvoir réellement parler de l’incidence qu’auront des impôts plus élevés sur l’investissement et sur le sens de tout cela parce que l’argent dépensé dans l’économie peut être utilisé à des fins d’investissement. Il n’est pas nécessaire d’aller voir des investisseurs étrangers et de leur dire « Nous vous promettons un rendement de 10 % si vous avez l’obligeance de nous donner de votre argent pour construire cette usine. » Oh, nous avons obtenu un gros contrat du gouvernement. Nous avons un immense apport de revenu qui nous permet très certainement de croire que nous pouvons réellement financer ces projets à même nos flux de trésorerie et en empruntant auprès de nos banques nationales. Nous n’avons pas besoin de compter sur le capital étranger comme on nous l’a dit.
Si je pouvais parler de l’aspect entrepreneurial...
[Français]
Le président : Votre temps de parole est écoulé. Vous avez beaucoup de passion.
[Traduction]
Le sénateur Gignac : Bienvenue à nos témoins. Ma question s’adresse à M. Cochrane. Le produit intérieur brut, ou PIB, par habitant au Canada n’a rien fait depuis la dernière décennie et nous sommes aux prises avec un problème de productivité. Au cours du deuxième trimestre, les entreprises américaines ont investi en moyenne 12 000 $ par employé. Au Canada, pour la même période, nous parlons de 4 000 $ par employé. Avez-vous des suggestions ou des propositions à faire pour accroître l’investissement et ainsi accélérer la productivité?
M. Cochrane : La dette par habitant aux États-Unis est d’environ 100 000 dollars américains. Au Canada, elle s’établit à environ 70 000 dollars américains. Je ne suggère pas que nous pourrions arriver au même montant que les États-Unis. Je dirais toutefois que nous sommes inefficacement sous-endettés au niveau du gouvernement parce que cela donne lieu aux actifs financiers qui deviennent bel et bien des investissements dans l’économie. Les États-Unis font mieux que le Canada entre autres parce que les gouvernements ont en fait créé plus d’argent et augmenté la dette, le contraire étant ces actifs dans le côté non gouvernemental de l’industrie. Ce sont des réflexions parfaites.
La dette fédérale reflète parfaitement la valeur financière nette du reste de l’économie. Cet argent est utilisé pour toutes sortes de choses, y compris à des fins d’investissement. Nous l’avons constaté dans la productivité plus élevée des États-Unis. Étant donné que nous sommes une économie plus petite et différente, le gouvernement a, selon moi, un rôle encore plus important à jouer afin d’indiquer les directions que nous suivrons afin de donner aux entreprises la certitude que « si nous investissons dans la production de ces biens dans ces secteurs, nous sommes convaincus qu’au cours de la prochaine décennie, nous aurons une clientèle qui achètera nos extrants et que nous disposerons ainsi d’un soutien pour trouver de nouveaux clients ». Nous avons en fait besoin d’un appui à la diversification. Nous devons avoir des partenaires commerciaux et des secteurs plus diversifiés. Nous disons aussi depuis plus d’un siècle que les gouvernements doivent ouvrir la voie vers la diversification. C’est ainsi que nos investissements prendront de l’ampleur.
Le sénateur Gignac : Le nouveau directeur parlementaire du budget, ou DPB — une entité indépendante et non partisane —, a suggéré que la situation à l’échelle fédérale est déjà insoutenable. Dois-je en conclure que vous êtes en désaccord avec cette affirmation?
M. Cochrane : Oui, parce que le DPB n’inclut pas dans ses calculs l’effet multiplicateur de ces dollars. Il ne s’agit pas seulement de la façon dont il modélise ce genre de choses, de sorte qu’elles ne tiennent pas compte de l’incidence que la dette plus élevée aura sur le dénominateur, qui correspond à la production totale du gouvernement.
Le DPB produit en fait des données qui montrent, par exemple, que chaque dollar dépensé dans le logement génère 1,50 $ d’activité économique d’ici la cinquième année. Nous pouvons augmenter le dénominateur plus que le numérateur si nous dépensons correctement cet argent.
[Français]
Le sénateur Gignac : Ma prochaine question s’adresse à M. Aubin. Deloitte est quand même une grande entreprise. Je sais que ce soir, vous devez peut-être limiter quelque peu vos interventions, mais avec toute l’incertitude que l’on vit actuellement aux États-Unis, est-ce que... Vous êtes quand même associé et vous vous occupez de services-conseils. Vos clients pensent-ils de plus en plus à déménager leurs installations aux États-Unis, à cause de toute l’incertitude que l’on connaît? Sans dévoiler de chiffres, est-ce que vous avez plus de demandes sur la relocalisation de la production aux États-Unis?
[Traduction]
M. Aubin : Je n’ai pas de connaissances directes à ce sujet. Nos clients nous disent tous qu’il faut investir davantage au Canada et que nous accusons un retard à cet égard. C’est un thème récurrent à l’heure actuelle.
En ce qui concerne un déménagement aux États-Unis, je n’ai aucune information détaillée à cet égard, mais cela dépend beaucoup du secteur dans lequel l’entreprise mène ses activités, du type d’industrie et de la façon dont le capital est acheminé. Je n’ai malheureusement aucun chiffre à vous présenter.
La sénatrice MacAdam : Monsieur Cochrane, dans le mémoire que vous avez présenté pour les consultations prébudgétaires, vous en appelez à des investissements importants dans l’adaptation aux changements climatiques. Pouvez-vous nous expliquer de façon plus détaillée pourquoi il est important selon vous d’améliorer le climat économique? Pouvez-vous parler du niveau et des types d’investissements qui sont les plus opportuns selon vous à l’heure actuelle ou nous faire part de vos suggestions à cet égard?
M. Cochrane : Oui. Nous savons que le climat évolue rapidement, ce qui entraînera diverses répercussions sur nous. Nous devons compter sur une infrastructure plus résiliente au climat. C’est pourquoi j’en ai appelé à la réparation et à l’agrandissement de l’infrastructure de transport du Canada. Il s’agit notamment de la rendre résiliente au climat. Lorsque nous parlons de transitions à faire, nous parlons des économies qui sont extrêmement dépendantes des industries intensives en émissions. Nous avons besoin d’injections massives d’argent afin de soutenir l’innovation et l’entrepreneuriat, comme le sénateur Loffreda l’a dit.
Selon moi, le fait de renforcer le filet de sécurité sociale en ferait plus pour encourager l’entrepreneuriat que presque tout ce que nous pourrions faire d’autre. On m’a dit que l’âge moyen d’un entrepreneur est de 53 ans. Contrairement à l’idée des jeunes effrontés dans le domaine de la technologie, c’est en fait une personne qui crée son propre filet de sécurité. Si son entreprise axée sur le risque échoue, il peut se replier sur quelque chose. Si nous avions un filet de sécurité sociale plus solide, un plus grand nombre de personnes pourraient devenir entrepreneurs parce qu’elles prendraient le risque et ne se retrouveraient pas à la rue en cas d’échec.
Quelle est l’économie de l’avenir de l’Alberta? Je n’ai pas de plan directeur pour cela, mais je fais grandement confiance aux Albertains et je sais qu’ils peuvent faire plus que de simplement siphonner du pétrole et l’expédier aux États-Unis. Il faut un soutien financier important pour y arriver de toutes les façons dont j’ai parlé.
Le développement d’une économie post-carbone résiliente au climat pour l’avenir représente une immense possibilité. Nous devons simplement la saisir en regardant vers l’avenir plutôt que vers le passé.
La sénatrice MacAdam : J’ai une question pour M. Aubin. J’ignore s’il s’agit d’un domaine que vous connaissez bien, dans le cadre de votre pratique, mais je veux parler des normes canadiennes de divulgation en matière de durabilité. Devez-vous composer avec elles dans le cadre de votre travail? Dans l’affirmative, j’ai deux questions à ce sujet.
M. Aubin : J’aimerais que Mme Steer soit ici parce que je crois qu’elle s’y connaît bien à cet égard. Je n’ai malheureusement aucune expérience dans ce domaine.
La sénatrice MacAdam : Merci.
[Français]
Le président : J’ai une question pour M. Aubin.
Vous dites que votre souhait serait que la comptabilité continue avec le plus de transparence possible pour qu’on puisse la « comprendre ».
Il y a une raison pour laquelle je suis avocat, et c’est que la comptabilité n’était pas ma force. Cependant, je sais que normalement, une dépense en capital, on doit l’amortir.
Est-ce que le gouvernement va amortir ces dépenses en capital? Quels choix fera-t-il pour les amortir? Est-ce que cela ira dans les dépenses? Est-ce qu’on va considérer l’employé qui travaille dans les rénovations d’un bâtiment déjà existant comme une dépense en capital, alors qu’un autre, qui est réceptionniste, sera considéré comme une vraie dépense d’opération? Si on prend un édifice comme celui-ci, par exemple, dirait-on que 15 % devraient être des dépenses en capital et 85 % des dépenses d’opération?
Je crains que votre souhait de transparence et de grande compréhension ne soit qu’un vœu pieux.
M. Aubin : Ce sont des inquiétudes importantes. Je veux revenir sur la question de la transparence. Au Canada, on est quand même dans un très bon contexte où le gouvernement prépare ses états financiers conformement aux principes comptables généralement admis, qu’on appelle GAPP en anglais.
[Traduction]
Si vous suivez les PCGR, ils sont conçus pour donner une idée fidèle du rendement et de la situation financière des flux de trésorerie. C’est notre fondement et c’est la raison pour laquelle les comptes publics sont préparés. Le budget suit cette même comptabilité.
Pour répondre à votre question sur le fait que ces investissements en capital ne sont habituellement pas capitalisés dans les états financiers, que feront-ils avec eux? Les capitaliseront-ils ou les dépenseront-ils encore? La proposition ne l’indique pas pour l’instant, ce qui signifie que nous ne pouvons pas en être certains. Cela sous-entend qu’ils continueraient d’être dépensés à des fins de budgétisation — le ministre Champagne dit qu’il s’agit seulement de renseignements supplémentaires et de classification, mais nous ne le savons pas encore. Cela reste réellement à voir.
Ce que je veux dire, c’est que peu importe la politique qui sera définie, nous devons comprendre très clairement ce qui correspond à des investissements en capital et ce qui est comptabilisé. Si cela s’écarte des PCGR, par souci de transparence, nous devons avoir ce rapprochement qui nous ramène à ce qu’est une présentation juste. Voilà les deux points principaux.
Votre inquiétude est fondée. Cela pourrait arriver. Nous ne savons pas encore. Nous n’avons pas suffisamment de renseignements.
[Français]
Le président : À la blague, je parlais plus tôt d’une PME canadienne, mais vous avez des bureaux partout dans le monde.
Est-ce qu’il y a d’autres pays dans le monde qui utilisent cette comptabilité de dépenses d’opération, de dépenses de capitalisation? Si oui, lesquels?
M. Aubin : Je ne suis pas un expert international en ce qui touche les autres gouvernements. Par contre, j’ai pris le temps, lors de ma préparation, de lire ce que la Grande-Bretagne et Singapour font, parce que ce sont deux pays qu’a mentionnés M. Champagne. Encore une fois, je ne suis pas un expert.
[Traduction]
Je serai prudent ici parce que les autres pays ont des systèmes différents. Nous devons faire preuve de prudence lorsque nous regardons ailleurs et nous garder de ne pas choisir uniquement les éléments qui font notre affaire.
[Français]
Ce qui se passe au Royaume-Uni, c’est que, effectivement, ils ont défini une catégorie qu’ils appellent « capital spending », qui inclut les subventions et les aides du gouvernement, qui vont créer un actif dans l’économie. Ce n’est donc pas un actif qui appartient au gouvernement, mais un actif dans l’économie.
C’est donc défini et c’est présenté comme ça dans leurs budgets. La définition est quand même assez semblable à ce que l’on propose ici.
Par contre, le traitement comptable est totalement différent là‑bas. À Singapour, ils ont aussi une notion de dépenses — encore une fois je ne suis pas un expert dans les affaires de Singapour — qu’ils appellent « development expense », qui inclut l’aide qu’ils accordent pour le développement d’infrastructures qu’ils disent « critiques ». Ces montants sont reportés dans cette catégorie. Ce sont les deux exemples que j’ai vus.
Le président : Merci beaucoup. Il est presque 20 heures. Nous allons conclure notre séance de ce soir.
Pour les gens qui nous écoutent sur sencanada.ca, cela met fin à notre réunion d’aujourd’hui. Nous aurons notre prochaine rencontre le 21 octobre, à 9 heures.
Je vais suspendre la réunion, afin de tenir une courte rencontre à huis clos pour examiner un mandat lié à une potentielle nouvelle étude.
(La séance se poursuit à huis clos.)