LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 29 octobre 2025
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 46 (HE), pour examiner, afin d’en faire rapport, les programmes et initiatives fédéraux visant à soutenir la création de logements.
Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonsoir et bienvenue à tous les honorables sénateurs et sénatrices, ainsi qu’à tous les Canadiens qui nous suivent sur sencanada.ca. Je m’appelle Claude Carignan, je suis un sénateur du Québec et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant demander à mes collègues de se présenter.
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la division du Golfe, au Québec.
Le sénateur Gignac : Clément Gignac, du Québec.
Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, division De Lorimier, au Québec.
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, Ontario.
[Français]
Le sénateur Boudreau : Victor Boudreau, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Ross : Krista Ross, Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Hébert : Martine Hébert, du Québec.
Le président : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur l’initiative fédérale visant à soutenir la création de logements.
Pour notre premier groupe de témoins ce soir, nous sommes heureux d’accueillir Ray Sullivan, directeur général, Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine, et Tim Ross, chef de la direction, Fédération de l’habitation coopérative du Canada. Merci d’avoir accepté de comparaître devant nous ce soir. Je vous cède la parole; vous avez quatre ou cinq minutes chacun, puis nous passerons à la ronde des questions. Nous avons une heure à passer ensemble.
[Traduction]
Ray Sullivan, directeur général, Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine : Merci, sénateur, et bonsoir, kwe, kwe. Merci à tous de m’avoir invité à comparaître devant le comité.
L’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine, l’ACHRU, est le porte-parole national du secteur du logement communautaire. Nous représentons les logements sociaux, à but non lucratif et coopératifs, ainsi que les fournisseurs de refuges, les chercheurs, les universitaires, les administrations municipales et tous ceux qui s’unissent pour renforcer le rôle du logement communautaire subventionné.
Il est maintenant largement reconnu que le retrait du gouvernement fédéral du logement communautaire au milieu des années 1990 a directement conduit à la crise actuelle du logement et des sans-abri. Il y a 30 ans, les gouvernements fédéraux conservateurs et libéraux ont cessé de financer la construction de nouveaux logements communautaires.
Nous faisons face aujourd’hui à un problème complexe et structurel. Il n’existe pas de solution miracle, mais il y a des initiatives stratégiques majeures qui permettront de résoudre la crise, et la première sur ma liste est un effort ciblé et délibéré pour augmenter dans la collectivité la part des logements subventionnés axés sur une mission. Je parle des logements appartenant à des fiducies foncières, à des organismes à but non lucratif, à des coopératives et à des organismes de logements sociaux. Cela inclut également les logements à but non lucratif construits par des groupes tels que Habitat pour l’humanité, qui témoignera plus tard dans la soirée.
Depuis trop longtemps, la politique fédérale est influencée par une théorie des vases communicants appliquée à l’offre de logements. La SCHL estime que, si nous parvenons à doubler le nombre de mises en chantier et à ajouter 3,5 millions de logements sur le marché dans la prochaine décennie, l’offre excédentaire entraînera une baisse des coûts du logement. Car ce n’est pas plus compliqué que l’offre et la demande, n’est-ce pas?
Cependant, il s’agit d’un exercice d’analyse économique, d’un exercice théorique, pas d’un remède concret. Pourquoi? Parce que le marché n’est pas disposé à créer une offre excédentaire ou capable de le faire, et c’est ce que nous constatons actuellement dans de nombreuses villes. Alors que les loyers et les prix de l’habitation se sont stabilisés dans bien des régions du pays — et je souligne que c’était le résultat que le gouvernement attendait de sa politique —, les promoteurs sur le marché privés hésitent et mettent les projets en veilleuse.
Il y aurait une offre excédentaire de logements locatifs haut de gamme dans certaines régions du pays. Dans certaines grandes villes, des appartements en copropriété restent invendus. L’analyse de la SCHL était un exercice théorique, et non une solution pratique et réaliste, car le marché se corrige de lui‑même, et il doit le faire de manière à rester rentable.
Oui, nous devons réduire les coûts de livraison et de construction des logements. Pour cela, il faut examiner de près les droits et redevances d’aménagement, ainsi que les coûts de construction et de main-d’œuvre. Le principe économique fondamental demeure toutefois : si nous dépendons d’un système axé sur le profit pour fournir à la population des logements convenables, ce qui est reconnu au Canada comme étant un droit de la personne, je le souligne, le marché privé ne peut pas créer rapidement une offre excédentaire, car cela réduit les bénéfices et empêche de trouver des investisseurs. C’est pourquoi les promoteurs privés réalisent des études d’absorption avant d’entreprendre de nouvelles grandes constructions : pour s’assurer qu’ils n’inondent pas le marché de nouveaux produits et, bien sûr, ils ajustent leurs calendriers en conséquence pour éviter ce résultat.
Quelle est donc la solution? La solution consiste à augmenter la part des logements communautaires subventionnés et axés sur une mission, afin d’aider à stabiliser le marché de l’habitation. Le cycle actuel et durable d’expansion et de contraction du développement immobilier résidentiel représente un obstacle à l’amélioration de la productivité économique, et le manque de logements abordables freine notre économie.
Il y a deux ans, nous avons publié une analyse que nous avons réalisée avec Deloitte Canada. Elle montrait que le simple fait d’augmenter l’offre de logements communautaires subventionnés pour atteindre juste la moyenne de l’OCDE et du G7, soit 7 à 8 %, permettrait d’augmenter la productivité de 6 à 9 % par année où nous maintiendrions cette proportion de logements communautaires dans l’économie.
Du point de vue de l’augmentation permanente du PIB, cet investissement serait rentabilisé en moins de deux à trois ans. Cela correspond à la recommandation formulée en 2023 par la Banque Scotia de doubler l’offre de logements sociaux et à celle de la RBC en 2024 de quadrupler le rythme de construction de logements sociaux.
L’ACHRU demande au Canada de soutenir l’objectif de doubler la part des logements communautaires au cours de la prochaine décennie et, dans le même temps, de quadrupler l’offre de logements communautaires autochtones, c’est-à-dire de logements destinés aux Autochtones et gérés par eux. Une fois ces objectifs atteints, nous devons viser une part de marché de 20 %. Pour y parvenir, nous devons nous concentrer tout particulièrement sur les logements communautaires subventionnés, car leur construction répond directement aux besoins en matière de logement et soulage la pression sur le marché locatif. Elle aura, de plus, un effet d’entraînement positif sur l’ensemble du continuum du logement et rendra notre économie plus efficace et plus productive.
La Stratégie nationale sur le logement avait entre autres pour écueil qu’elle ne mettait pas l’accent sur les logements communautaires subventionnés. En fait, la plus grosse enveloppe est allée à un programme qui finançait de nouveaux logements sur le marché privé dont l’abordabilité était très limitée, très modeste et très temporaire.
Nous avons aujourd’hui l’occasion de redresser le cap. Nous sommes encouragés par l’engagement du premier ministre et du ministre du Logement à mettre principalement l’accent sur les logements subventionnés dans le programme Maisons Canada.
Je vous remercie.
[Français]
Tim Ross, chef de la direction, Fédération de l’habitation coopérative du Canada : Bonsoir et merci au comité de me recevoir ce soir dans le cadre de cette étude importante. Je m’appelle Tim Ross, chef de la direction, Fédération de l’habitation coopérative du Canada (FHCC), la voix nationale du logement coopératif.
La FHCC participe depuis longtemps aux politiques fédérales du logement, des premiers projets pilotes de la coopérative à la fin des années 1960 jusqu’à la coconception, au lancement et à la mise en œuvre du Programme du développement de coopératives d’habitation en juin 2024.
Déjà 423 millions de dollars de nouveaux projets ont été annoncés. Nous avons lancé des chantiers et nous remettons des logements clés en main à un rythme inégalé depuis des décennies. Nous sommes prêts à continuer.
Dans mes brèves remarques liminaires, je traiterai en premier lieu de la valeur des logements coopératifs; deuxièmement, de certaines considérations de démarrage pour Maisons Canada; troisièmement, de quelques risques potentiels ainsi que des solutions possibles.
Premièrement, sur la valeur des logements coopératifs, les coops logent plus d’un quart de million de personnes au pays. La demande augmente parce que les coops offrent une vie communautaire importante, l’abordabilité et la sécurité d’occupation. Dans un marché du logement qui laisse trop de gens derrière, les coops renforcent l’autonomie et le pouvoir d’agir sur leur vie.
Une étude récente montre que le coût d’un logement coopératif est de 400 à 500 $ de moins par mois pour les locataires, comparativement à des immeubles locatifs privés d’âge comparable. Que feriez-vous avec 400 à 500 $ de plus par mois?
[Traduction]
J’aimerais maintenant passer à des considérations relatives aux récentes annonces politiques concernant le lancement du programme Maisons Canada. Nous saluons bien sûr l’engagement continu du gouvernement fédéral à jouer davantage un rôle de premier plan dans la lutte contre la crise du logement, et nous nous réjouissons que le programme Maisons Canada se concentre sur la création, à un rythme plus rapide et à plus grande échelle, de logements communautaires et coopératifs abordables dont le besoin se fait cruellement sentir. Nous convenons aussi qu’il est prudent que le programme Maisons Canada définisse l’abordabilité en fonction du revenu des ménages plutôt que des moyennes du marché, car il existe un décalage entre les prix pratiqués sur le marché et ce que les gens peuvent se permettre.
Enfin, nous saluons l’engagement pris par le programme Maisons Canada de lancer le Fonds canadien de protection des loyers. Les logements les plus abordables aujourd’hui sont ceux qui sont déjà construits. Protéger la sécurité d’occupation des locataires, tout en augmentant le parc de logements à but non lucratif et coopératifs au Canada, est une solution gagnante pour tous.
À ce stade, je tiens également à souligner trois risques potentiels qui doivent être pris en compte. Premièrement, Maisons Canada est un tout nouvel organisme fédéral qui arrive dans les dernières années d’une Stratégie nationale sur le logement décennale. L’industrie et la collectivité ont investi des ressources importantes pour offrir une filière solide de nouvelles possibilités de logement fondées sur le paysage actuel en matière de politiques et de programmes. Pendant cette transition, nous devons veiller à envoyer des signaux clairs au marché, afin que les projets actuellement en cours, comme les plus de 4 000 nouveaux logements coopératifs de mon organisation en phase d’avant-projet, puissent se poursuivre sans retard ni interruption. Il est essentiel que le gouvernement fédéral clarifie un cadre d’investissement à long terme, afin de garantir que la construction de logements abordables se poursuive à grande échelle et sans interruption.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral a une occasion unique de clarifier sa position sur la continuité de mesures importantes qui garantissent la sécurité d’occupation aux ménages à faible revenu. Des programmes tels que l’Initiative fédérale de logement communautaire et l’Allocation canadienne pour le logement expireront dans quelques années à peine. Des centaines de milliers de ménages dépendent de ces aides au revenu pour la stabilité de leur logement. Afin de protéger les logements très abordables, ces mesures doivent être pérennisées et étendues à de nouveaux logements.
Troisièmement, il existe en matière de logement une énorme inégalité dans les résultats qui touche les ménages autochtones urbains, ruraux et nordiques. Malgré une enveloppe de 4 milliards de dollars en 2023 pour commencer à remédier à cette inégalité, les fonds semblent être bloqués dans les rouages du gouvernement et n’ont pas été déployés dans la communauté. J’exhorte le comité à user de son pouvoir en matière de rapport et de remise en question pour découvrir pourquoi il en est ainsi et ce qui peut être fait pour remédier à la situation. Je suis heureux de voir ce soir dans le groupe d’autres experts qui, je l’espère, éclaireront encore plus sur cette question.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de souligner tout l’intérêt des coopératives d’habitation dans le contexte des initiatives et programmes fédéraux actuels destinés à favoriser la création de logements. Je me réjouis de poursuivre la discussion. Merci.
Le président : Merci, monsieur Ross.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup de votre présence ce soir. Je commencerai par vous poser à tous deux une question d’ordre général. Le gouvernement fédéral a indiqué qu’il doit construire trois millions de logements supplémentaires d’ici 2031 ou 2035.
Vous vous intéressez tous deux à un certain segment de population. Savez-vous combien de logements sur ces trois millions sont destinés à la clientèle dont vous vous occupez? Combien en faudrait-il de plus? Avez-vous fait une évaluation qui vous permet de chiffrer le besoin et de dire qu’il vous faut tant de nouveaux logements d’ici 2031?
M. Sullivan : Je vous remercie de votre question, sénatrice.
Oui. En fait, la défenseure fédérale du logement a publié une étude qui analyse précisément ce besoin en matière de logement.
Ce que l’on appelle les « besoins impérieux en matière de logement » fait partie des indicateurs courants des besoins en matière de logement, mais en sont exclues les personnes sans domicile, incarcérées ou placées dans des établissements. Ce rapport estime à 4,3 millions le nombre de logements nécessaire pour les ménages à faible et très faible revenu.
Le défi réside en partie dans le fait qu’il ne s’agit pas seulement de construire de nouveaux logements, comme l’a souligné M. Ross. Il faut aussi pouvoir arrêter de perdre des logements locatifs abordables qui existent sur le marché privé.
Dans tout le pays, pour chaque nouveau logement abordable pour les ménages à revenu faible ou modeste construit avec une aide publique, nous perdons neuf logements sur le marché privé à cause de la perte de loyers abordables ou de la perte totale de ce parc immobilier. Il s’agit donc d’une combinaison de ces deux éléments.
La sénatrice Marshall : À titre d’exemple, de combien de nouveaux logements coopératifs avons-nous besoin? A-t-on chiffré ce besoin?
M. Ross : Nous confirmons certainement les chiffres cités par M. Sullivan, en soulignant que nous avons besoin à la fois de logements abordables à but non lucratif et de logements coopératifs. Les deux types de logements aident à répondre aux besoins des Canadiens.
Nous savons aussi qu’on manque beaucoup de logements avec services de soutien dans les collectivités, c’est-à-dire de logements et de services nécessaires pour lutter contre le sans-abrisme.
À l’heure actuelle, nous avons besoin d’une combinaison de types de logements. Les coopératives de logement et les logements à but non lucratif représentent une partie des chiffres cités par M. Sullivan.
Je ne vais pas entrer dans une rivalité et dire qu’il devrait y avoir plus de logements coopératifs que de logements à but non lucratif. Les deux types de logements sont importants pour remédier à la pénurie de logements abordables.
La sénatrice Marshall : Existe-t-il un chiffre? Le gouvernement fédéral dit que nous avons besoin de 3,5 millions de logements supplémentaires. Sur ces 3,5 millions, quelle serait, par exemple, la part des logements coopératifs? Combien de ces logements seraient des logements communautaires subventionnés? Est-ce que ce nombre se décompose ainsi? J’essaie de comprendre. J’ai une autre question après cela. Je cherche à avancer.
M. Ross : Plusieurs objectifs nous permettraient d’aller dans la bonne direction. Je suis désolé, je n’ai pas de chiffre précis. Je dirai autant que possible, car je crois en la valeur des logements coopératifs et à but non lucratif.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci de votre présence ici. Monsieur Sullivan, je sais que des municipalités font partie de vos membres, et elles sont des actrices clés incontournables quant au défi de la création de nouveaux logements sociaux et de la rénovation urbaine. Quels sont les enjeux auxquels font face les municipalités par rapport aux programmes gouvernementaux pour que ces programmes soient pleinement efficaces?
M. Sullivan : Merci de la question.
[Traduction]
Les municipalités sont un élément fondamental de l’équation et jouent un rôle important en tant que coordinatrices du système dans bien des régions du pays. On les pousse, en particulier dans certaines provinces, à examiner les redevances d’aménagement et à voir qu’elles freinent la construction de logements supplémentaires. C’est un problème parce que les sources de revenus des municipalités sont limitées pour financer les infrastructures et les services.
C’est aussi un défi dans notre système fédéral, car lorsqu’un ordre de gouvernement investit dans le logement avec services de soutien, cela permet à un autre ordre de gouvernement de beaucoup économiser en soins hospitaliers, en système judiciaire, etc.
Pourtant, on sait très bien que l’investissement rapporte. L’étude At Home-Chez Soi, qui fait référence en la matière, se penche sur cette question. Chaque dollar dépensé dans le logement avec services de soutien intensifs fait économiser 2 $ ailleurs. D’autres études concluent à un taux de rendement encore plus élevé.
Les municipalités sont en première ligne dans cette crise, mais ce n’est pas l’ordre de gouvernement qui bénéficie de ce rendement de l’investissement. Il faut donc une approche coordonnée entre les trois ordres de gouvernement — quatre, si j’ajoute les gouvernements autochtones.
C’est un des éléments qui auraient pu être renforcés dans la Stratégie nationale sur le logement : faire participer la Fédération canadienne des municipalités à l’élaboration d’une nouvelle entente pour les municipalités qui les aide à s’engager sur ces questions, mais aussi faire beaucoup plus participer les provinces et les territoires, aux côtés du gouvernement fédéral — en particulier lorsqu’il s’agit de logements avec services de soutien et très abordables.
[Français]
Le sénateur Forest : Quand vous parliez de logement communautaire hors marché un peu plus tôt, quel genre de logement cela définit-il?
[Traduction]
M. Sullivan : Il s’agit de toute forme de logement offert en dehors du marché spéculatif. Cela inclut les logements détenus et gérés par des organismes à but non lucratif et des coopératives ainsi que les logements sociaux lorsque la motivation et l’objectif sont l’abordabilité et la sécurité d’occupation, pas le profit pour les investisseurs.
Ce type de logement est moins sensible aux cycles économiques qui conduisent en ce moment à un cycle d’expansion et de contraction dans le secteur de la construction résidentielle. Il offre un filet de sécurité stable aux locataires individuels et aux ménages, mais aussi une stabilité face aux fluctuations du marché dans son ensemble.
Nous le voyons dans des pays européens et ailleurs où ce type de logement a un effet positif. Au Québec, où la proportion de logements communautaires est plutôt de 8 à 9 %, nous voyons comment cela atténue certains des aspects les plus aigus de la crise du logement et du sans-abrisme par rapport à d’autres provinces où le pourcentage est nettement plus faible.
[Français]
Le sénateur Forest : Votre organisme réussit-il à faire l’adéquation entre les besoins? Quand on construit des logements communautaires, on a souvent tendance à faire des trois et demi ou des quatre et demi, alors qu’il y a des besoins importants pour les familles et qu’il faudrait construire des cinq et demi.
Est-ce qu’on réussit à viabiliser les projets? Devrait-il y avoir des mesures incitatives, notamment avec le programme Maisons Canada, qui permet d’avoir des logements où il y a une meilleure adéquation entre la demande et l’offre et de densifier l’habitation en milieu urbain pour éviter d’avoir deux autos, par exemple?
M. Sullivan : Merci de la question.
[Traduction]
M. Sullivan : C’est une question importante, qui répond en partie à celle de la sénatrice Marshall aussi.
Le groupe Housing Assessment Resource Tools de l’Université de la Colombie-Britannique a réalisé une analyse détaillée, à l’échelle du Canada et province par province, du niveau d’abordabilité nécessaire, par taille de ménage, par logement, dans tout le pays. Ces chiffres sont disponibles et peuvent être consultés.
Oui, les programmes eux-mêmes doivent également créer des incitations pour favoriser les bons types de densification et la construction d’appartements adaptés aux familles ainsi qu’aux personnes seules.
La sénatrice Ross : Merci à vous deux de vos exposés. Ma question s’adresse à M. Ross.
Les initiatives de logement coopératif sont-elles faciles ou simples à mettre en œuvre? D’où viennent vos clients qui y vivront un jour? S’agit-il de personnes qui vivaient avant dans d’autres types de logement ou de personnes sans logement?
Je viens de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, comme vous le savez. Nous ne voyons pas autant de projets de coopératives d’habitation que nous le pourrions. Que pouvons-nous faire pour en avoir davantage? Les échéanciers sont-ils les mêmes que pour les projets commerciaux? Les promoteurs privés ou les entreprises peuvent-ils également s’engager dans ce type de projets coopératifs? Désolée, il y avait 10 questions. Allez-y.
M. Ross : Je vais essayer de répondre autant que possible.
Il est relativement facile de créer une coopérative dans la mesure où les coopératives ont leurs propres statuts et leur propre loi constitutive. Notre organisation offre cette compétence. En fait, elle est actuellement déployée sur le terrain à Fredericton où se présente une nouvelle possibilité de construction. Nous voulons régler le problème du manque de coopératives à Fredericton.
Pour ce qui est des échéanciers, les difficultés sont souvent les mêmes pour tous les types de logements.
Ce qui distingue les coopératives d’habitation, c’est que la collectivité participe à la création de la coopérative. Nous ne voulons pas seulement construire quatre murs et un toit, mais aussi créer un fort sentiment d’appartenance à la collectivité et d’appropriation du projet.
Nous travaillons également en partenariat avec des entreprises et des promoteurs immobiliers. En fait, un des plus grands projets coopératifs actuellement en cours au Canada est le fruit d’un partenariat très solide avec un promoteur immobilier. Nous travaillons en partenariat avec le secteur privé pour tous nos bâtiments, et nous parvenons souvent à attirer des investissements de la collectivité pour soutenir le développement des coopératives d’habitation.
La sénatrice Ross : Vous avez répondu à toutes les questions. Merci.
J’ai également quelques questions pour M. Sullivan. Pouvez-vous me donner une idée du nombre de logements subventionnés que vous gérez et du nombre qu’il devrait y avoir? Là encore, d’où viennent vos clients? Sont-ils sans logement? Sont-ils mal logés? Qui cherchez-vous à aider en ce moment? Si vous deviez dire que le gouvernement fédéral devrait modifier sa politique, apporter un changement qui ferait bouger les choses, quel serait‑il?
M. Sullivan : C’est une excellente question. Merci beaucoup. L’offre actuelle de logements communautaires subventionnés est d’environ 750 000 logements au total pour l’ensemble du pays, et elle augmente en chiffres bruts depuis plusieurs années avec l’appui de la Stratégie nationale sur le logement. Cependant, en pourcentage de l’offre totale de logements, elle n’augmente pas. En fait, il se pourrait même qu’elle diminue, et nous préparons une étude que nous publierons à la fin du mois de novembre pour documenter précisément ce phénomène.
Les locataires et les résidents de ces logements communautaires subventionnés viennent de tous les horizons. Certains de nos logements sont des logements à revenus mixtes, autrement dit certains sont à des loyers très abordables et subventionnés, mais d’autres à des loyers proches du marché et du marché intermédiaire, et toute la gamme entre les deux.
Dans certains cas, des organismes à but non lucratif offrent également un soutien supplémentaire et des services complets pour aider les personnes à mener une vie autonome dans la collectivité, ce qui pourrait autrement s’avérer difficile. Dans d’autres cas, il s’agit simplement d’un loyer que les gens peuvent se permettre et qui est proche de celui du marché.
Une des différences importantes tient non seulement à l’abordabilité du loyer, mais aussi à la sécurité d’occupation, qui est beaucoup plus grande dans le secteur à but non lucratif et le secteur coopératif que sur le marché privé. Une recommandation au gouvernement serait de fixer des objectifs précis en ce qui concerne la part de l’offre de logements communautaires subventionnés.
La sénatrice Ross : Je vous remercie.
Le sénateur Cardozo : Je voudrais approfondir un peu la question de ma collègue, la sénatrice Ross, en vous posant une question, monsieur Ross. Il y a tellement de Ross. J’essaie de m’y retrouver.
Pouvez-vous m’en dire plus sur le fonctionnement d’une coopérative? Est-ce qu’un groupe de personnes vient vous voir, ou est-ce que vous allez vers les gens pour les recruter et les inciter à s’engager dans une coopérative?
M. Ross : C’est un peu des deux. Nous trouvons qu’en ce moment, il est très difficile de construire des logements, en particulier dans le contexte actuel. Au Canada, la majorité des coopératives et des organismes à but non lucratif qui ont été créés dans les années 1970 et 1980 fonctionnent à très petite échelle. Nous cherchons à présent à élargir le portefeuille existant de coopératives d’habitation et à regrouper les actifs existants, car cela crée une base plus solide pour la poursuite des activités et le développement continu. Nous allons donc dans les collectivités et nous recherchons des terrains et des possibilités d’aménagement là où nous savons qu’il en existe, puis nous faisons participer la collectivité au projet. Parfois, des groupes communautaires se demandent comment créer une coopérative d’habitation. Ils nous appellent et nous les aidons à concrétiser leur souhait de devenir membres de coopératives d’habitation.
Le sénateur Cardozo : À quel moment faites-vous appel aux fonds publics, et y a-t-il des fonds publics destinés aux coopératives d’habitation aux trois paliers de gouvernement?
M. Ross : Non, je ne dirais pas qu’il existe à tous les paliers des programmes de soutien expressément pour les coopératives. Ce qui est important, notamment au palier fédéral, c’est de s’assurer qu’il existe une source de financement de la construction et de financement de rachat qui soit durable, à long terme, presque permanente. Sans cela, il est vraiment difficile de mettre en place le reste.
Le sénateur Cardozo : Donc, le modèle repose sur des prêts. Personne ne vous accorde de subventions?
M. Ross : Il existe certainement des subventions, et elles sont importantes pour compenser les frais d’exploitation ou les coûts de construction, afin que les frais de logement ou les loyers de départ soient plus abordables pour les utilisateurs finaux, pour les membres.
Le sénateur Cardozo : Je voudrais demander simplement quel est le moyen le plus simple de fournir un logement à toutes les personnes qui n’en ont pas aujourd’hui. Existe-t-il un moyen peu coûteux de le faire pour toutes les personnes qui vivent dans des campements?
M. Ross : C’est une bonne question. J’aimerais qu’il y ait une réponse simple, mais pour l’instant, le Canada ne dispose d’aucune source de financement durable à long terme pour construire des logements communautaires à grande échelle. Si nous décidons de nous concentrer sur cette lacune pour y remédier, nous pourrons commencer à bâtir le reste, en particulier pour rattraper le retard pris face à la prévalence croissante du sans-abrisme et des campements dans toutes les collectivités. Mais le sans-abrisme est fondamentalement un problème de logement.
M. Sullivan : Il y a un mois, notre organisme terminait un voyage d’études à Helsinki, en Finlande. La Finlande est un des seuls pays développés à avoir effectivement mis fin au sans-abrisme chronique. Nous avions beaucoup à apprendre des Finlandais. Les facteurs qui génèrent le sans-abrisme en Finlande sont les mêmes que ceux qui génèrent le sans-abrisme au Canada, et les moyens de sortir les gens du sans-abrisme en Finlande sont les mêmes qu’au Canada.
En fait, ils continuent de travailler sur ce problème et ne s’arrêtent pas. Ils ont constaté qu’ils dépensent moins d’argent par personne aujourd’hui qu’il y a 15 ans, avant d’engager cet effort, car les urgences, le système judiciaire, toutes les autres composantes de la société coûtent moins cher parce que les gens sont logés. Le programme repose sur l’offre. Les Finlandais construisent beaucoup de logements avec services de soutien et ils les dotent de ressources selon des ratios. Ainsi, ils comptent une infirmière pour trois ou quatre personnes, alors qu’au Canada, c’est une infirmière pour 12 à 15 personnes. Ils dépensent donc plus pour que cela fonctionne, mais cela leur coûte en fait moins à long terme. Ils ont fermé des refuges. Ils ont un refuge dans la ville d’Helsinki qui compte 55 lits environ et où il y a toujours de la place.
[Français]
La sénatrice Hébert : Monsieur Ross, dans votre présentation, vous avez fait allusion à la création de la nouvelle agence, Maisons Canada. Monsieur Sullivan, dans des correspondances que vous avez adressées notamment au ministre des Finances, vous parliez de plusieurs programmes et fonds qui existent pour toutes sortes de constructions et de clientèles en matière de logement.
Considérant l’urgence, l’ampleur et la diversité de la problématique à l’échelle canadienne, cela n’aurait-il pas été plus efficient pour le gouvernement de créer un genre d’entité qui regrouperait l’ensemble de ces programmes et fonds, un peu à l’image de ce qui vient de se faire dans le secteur de la défense et de ce qui se fait aussi avec la création du Bureau des grands projets? Serait-ce quelque chose qui aurait aidé ou qui pourrait aider?
M. Sullivan : Merci pour la question.
[Traduction]
D’après ce que j’ai compris, le programme Maisons Canada a pour rôle de regrouper autour de lui toutes les ressources qui sont principalement axées sur les logements communautaires subventionnés. Cela signifie que certains programmes qui étaient ou sont toujours à la SCHL pourraient être transférés au programme Maisons Canada.
Cette transition est très importante pour nous. Constituer un dossier de demande auprès de la SCHL coûte autour de 300 000 ou 400 000 $. Il faut être très avancé dans son projet avant de pouvoir présenter une demande, et on n’obtient pas d’engagement signé ni de taux d’intérêt fixe de la SCHL tant que l’on n’a pas réellement commencé la construction, ce qui fait peser un risque important sur le promoteur à but non lucratif. Ce sont là quelques-uns des rééquilibrages des équations de risque que nous espérons voir avec le programme Maisons Canada, de même qu’une plus grande souplesse en matière de prêts.
Cependant, le Fonds pour le logement abordable de la SCHL a été recapitalisé dernièrement, ce qui est fantastique. Cela le mènera probablement jusqu’au premier trimestre de l’année prochaine. Le programme Maisons Canada sera-t-il suffisamment prêt pour assurer une transition en douceur, ou ces projets se retrouveront-ils dans une impasse à la fin de son financement? C’est une préoccupation.
M. Ross : Je partage cette préoccupation. Je le répète, dans le cadre de cette transition, certains projets ont fait l’objet d’investissements importants en matière de faisabilité et de pré‑développement. La période de candidature pour la deuxième ronde du Programme de développement de coopératives d’habitation, dans le cadre de la série de programmes existants, s’est terminée à la fin de l’été. Nous savons que le budget disponible pour ce programme est insuffisant pour répondre à toute la demande admissible. Il y a donc plus de demandes admissibles au financement que de fonds et de financement disponibles. Il serait certainement souhaitable de trouver un moyen de regrouper les programmes et de créer un guichet unique avec le gouvernement fédéral, afin de simplifier l’accès aux investissements. Cela doit se faire en temps opportun, car pendant que les promoteurs attendent une réponse à leur demande, les coûts augmentent, les conditions changent et les projets risquent de devenir non viables après tous ces investissements dans leur faisabilité et leur pré-développement.
La sénatrice Galvez : Selon le rapport Tout le monde compte 2024, près de 60 000 personnes étaient sans abri au cours d’une nuit donnée. C’est horrible! Ce sont des données révoltantes. Si ma collègue, la sénatrice Pate, qui siégeait autrefois à ce comité, était ici, elle demanderait probablement comment ces personnes sans abri peuvent accéder à d’autres services que les refuges. Cela rejoint la question du sénateur Cardozo : allons-nous vers eux ou viennent-ils vers nous? Cela rejoint également la question de la sénatrice Marshall : sur ces 3 millions de personnes, combien faut-il en aider pour faire baisser ces statistiques?
M. Sullivan : Merci. Jusqu’à présent, les études démontrent que 80 % ou plus des sans-abri peuvent, en quelques mois, se remettre sur pied, stabiliser leur situation et trouver un logement. Plus de 80 %.
La sénatrice Galvez : Quatre-vingts pour cent.
M. Sullivan : Le problème actuel réside dans le fait qu’il n’y a plus sur le marché privé de logements abordables et accessibles, comme ceux que les gens pouvaient trouver auparavant, et que le rythme de construction de logements coopératifs et à but non lucratif n’a pas suivi la croissance démographique en ce qui concerne l’offre globale de logements. Il est donc plus difficile qu’auparavant de sortir de l’itinérance, et les personnes concernées se retrouvent alors dans une situation difficile et doivent faire face à ces défis.
La sénatrice Galvez : La situation à Ottawa me frappe particulièrement. Je vis à Lévis, au Québec. Je suis arrivé du Pérou à la fin des années 1980 et j’ai découvert le vaste mouvement coopératif, ce qui était très agréable. Nous résidons ici à Ottawa trois jours par semaine, et il est surprenant de voir ces riches condominiums, dont le loyer s’élève à 5 000 $, et à l’autre coin de la rue, il y a des refuges et des personnes sans abri. La municipalité ne peut-elle pas s’organiser? Selon vous, que se passe-t-il?
M. Sullivan : C’est un phénomène qui, il y a 10 ans, n’existait que dans les grandes villes et qui se manifeste aujourd’hui dans les petites villes et les petites localités qui n’avaient jamais connu auparavant ce genre de sans-abrisme visible. On trouve des campements dans les petites villes de tout le pays. À bien des égards, cela ressemble à un jeu de chaises musicales. Lorsque la musique s’arrête, ce sont les personnes qui ne peuvent pas se déplacer rapidement et qui ne réagissent pas assez vite qui se retrouvent sans chaise et sont éliminées du jeu. C’est ce qui se produit. Les communautés racisées, les personnes ayant un emploi précaire — et certaines d’entre elles peuvent être des personnes souffrant de dépendance ou de maladie mentale et ayant des difficultés à trouver un emploi rémunérateur — même les personnes ayant un emploi stable et peu rémunéré se retrouvent exclues du système parce qu’il n’y a pas d’offre à un niveau qu’elles peuvent se permettre.
[Français]
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais vous parler des coopératives. Vous pensez qu’il faut doubler le nombre d’unités. Je l’ai vu dans l’un de vos rapports : la FHCC dit qu’il faut bâtir de nouvelles coopératives d’habitation et doubler le nombre de logements non privés d’ici 2030. Quels sont les obstacles financiers et réglementaires que vous devez vaincre pour arriver à ce résultat?
M. Ross : Merci de la question.
[Traduction]
En ce qui concerne les obstacles, le principal est le suivant : tout d’abord, il a fallu un certain temps pour que le secteur communautaire et celui du logement subventionné reprennent pied. Nous avons eu 30 ans de désengagement fédéral dans la création de logements communautaires et coopératifs. Il a fallu un certain temps pour recréer cette capacité de développement et relancer la machine, mais nous sommes maintenant pleinement opérationnels. Nous avons été agréablement surpris de constater que le nombre de demandes admissibles au Programme de développement du logement coopératif est en réalité beaucoup plus élevé que le budget fédéral alloué pour le financement et les subventions disponibles. Nous cherchons donc à surmonter cet obstacle.
Un autre obstacle dans l’ensemble des programmes fédéraux est le manque de soutien pour la création de logements très abordables.
[Français]
Comme les coopératives, où il y a une mixité des membres.
[Traduction]
La grande majorité du financement fédéral est consacrée à un programme de prêts pour la construction d’appartements, et nous avons effectivement besoin de plus d’appartements. Cependant, au cours des décennies précédentes, les programmes comprenaient également une aide au loyer en fonction du revenu, afin de créer des collectivités à revenus mixtes.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : L’une des critiques que l’on fait beaucoup au mouvement des habitations coopératives, c’est que l’on y loge des riches. Il y a des gens à revenu très élevé qui vivent dans des habitations coopératives qui devraient servir à des gens qui ont des besoins particuliers. Comment répondez-vous à cette critique? Avez-vous des règlements? Contrôlez-vous vraiment qui sont les gens qui veulent vivre dans les habitations coopératives?
[Traduction]
M. Ross : Notre interprétation des données démographiques ne corrobore pas l’idée que les coopératives d’habitation comptent un grand nombre de personnes fortunées. Les revenus moyens dans les coopératives d’habitation sont très modestes.
La sénatrice Miville-Dechêne : Quels sont-ils?
M. Ross : En moyenne, entre 40 000 et 50 000 $ par an, selon des données récentes.
Il est important, dans la manière dont nous construisons des logements et des communautés, de garantir l’inamovibilité et de créer des communautés diversifiées. Nous estimons qu’il est avantageux que, dans une coopérative, un professionnel comme un comptable, qui a peut-être commencé comme parent célibataire sans beaucoup d’éducation, ait pu stabiliser son logement et contribue désormais à la gouvernance de sa coopérative. Nous pensons que c’est un élément important qui ne nuit pas au modèle, car il favorise l’inclusion sociale et offre des débouchés aux ménages en quête de débouchés.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. Ma première question s’adresse à M. Ross.
Quand on parle de 3 200 logements coopératifs dans l’annonce faite en juin 2024, on semble dire qu’il y a un milliard de dollars de prêts et 500 millions de dollars de subventions. Pour ce dernier montant, soit 500 millions de dollars de subventions pour 3 200 logements, cela fait environ 150 000 $ de subventions par unité. Ma question est la suivante : 150 000 $, à Toronto, ce n’est pas beaucoup, mais à Moncton ou à Québec, c’est mieux. Comment cela fonctionne-t-il pour la distribution régionale? Le gouvernement fédéral vous impose-t-il des objectifs par province? Est-ce par tête? Est-ce vous qui prenez les décisions?
M. Ross : C’est une très belle question.
[Traduction]
En résumé, le programme dispose d’un cadre de notation concurrentiel. Il existe effectivement des différences considérables entre les marchés. L’objectif des contributions financières est d’abord de rendre les projets viables, puis de relever le niveau d’abordabilité initial pour les ménages. Les décisions concernant les allocations régionales et la proportion de la contribution par rapport au financement alloué aux projets sont en partie dictées par des critères préétablis. Il convient donc de se demander quels sont les critères nécessaires pour rendre un projet viable dans le cadre du programme. Il serait judicieux de poser des questions plus précises à ce sujet à la SCHL, car celle‑ci est responsable de l’administration, de la souscription et des allocations dans le cadre du programme également, mais ce sont là quelques facteurs généraux qui peuvent être utiles.
Le sénateur Gignac : Merci. Je ne suis pas certain d’avoir bien saisi votre conversation avec la sénatrice Hébert. Passons-nous maintenant de la SCHL à Maisons Canada, qui se chargera désormais de ce programme? Cela signifie-t-il que rien ne se passera pendant trois ou quatre mois, jusqu’à ce que la Loi d’exécution du budget soit acceptée? Le programme sera-t-il suspendu pendant trois ou quatre mois?
M. Ross : Nous espérons que ce ne sera pas le cas. Il est essentiel que ce ne soit pas le cas. Nous croyons comprendre que la SCHL continuera d’administrer le Programme de développement de coopératives d’habitation ainsi que d’autres programmes nationaux de logement jusqu’à leur date d’expiration. La plupart des programmes prennent fin en 2028.
Cependant, cela suscite une grande incertitude, car, comme je l’ai mentionné, la demande est plus importante que ne peut gérer le programme actuel, ce qui signifie que l’on a besoin de plus de ressources tout de suite. Or, les gens prennent actuellement des décisions sur la conception des projets, et nous ne connaissons pas les critères d’investissement.
Le sénateur Gignac : Très bien. Revenons à M. Sullivan. Quel est le secret du Québec? Il semble que le Québec compte beaucoup plus de coopératives d’habitation. Est-ce parce que le gouvernement québécois a égalé les fonds versés par le gouvernement fédéral? Pourriez-vous nous l’expliquer? Dans votre introduction, vous avez mentionné que le Québec était différent des autres provinces.
M. Sullivan : Au milieu des années 1990, lorsque le gouvernement fédéral a cessé de soutenir le logement communautaire, seules deux provinces ont réussi à maintenir une partie de cet élan : la Colombie-Britannique et le Québec. Elles disposent donc aujourd’hui d’un secteur du logement communautaire beaucoup plus développé qu’ailleurs.
Le Québec a aussi une longue tradition de solidarité et de coopération. Il a mis en place une infrastructure très bien dotée et bien conçue pour soutenir les capacités du secteur, avec plusieurs fédérations qui coordonnent conjointement leurs travaux. C’est un élément important. Cependant, en fin de compte, c’est parce qu’il n’a pas eu à se remettre de la pénurie d’investissements que presque toutes les autres provinces ont connue à partir du milieu des années 1990 et pendant au moins 20 ans après cela.
Le sénateur Gignac : Merci.
Le sénateur Dalphond : Je ne sais pas si vous suivez notre travail, mais la Société canadienne d’hypothèques et de logement entend construire 3 millions de logements supplémentaires au cours des 10 prochaines années.
Le directeur parlementaire du budget estime que cela représente un montant de 1,5 million de dollars. Il m’a fallu un certain temps pour comprendre pourquoi il y avait un tel écart. Cet écart s’explique par le fait que les entreprises veulent disposer d’un excédent et créer un taux d’inoccupation d’environ 12 %. Cela fera baisser les loyers, car les lois du marché feront en sorte que les prix diminuent; il y aurait donc davantage de logements abordables sur le marché.
Je déduis de vos propos que ce n’est pas exactement la stratégie que vous privilégiez. Vous préféreriez que nous investissions la majeure partie, voire la totalité, des 13 millions de dollars destinés à Maisons Canada dans le logement social, les coopératives d’habitation et les logements de transition, et que nous nous intéressions davantage à la question sociale qu’au marché. Ai-je bien compris votre pensée?
M. Sullivan : Oui, et fondamentalement, cette analyse de la SCHL est un exercice théorique. Si le taux d’inoccupation était de 12 %, le marché ne continuerait pas à fournir de nouveaux logements. Soyons clairs : le marché privé fournira des logements à la grande majorité des Canadiens. Le gouvernement doit concentrer son attention sur les segments du marché qui ne peuvent être desservis par les promoteurs privés, à savoir les personnes à faible ou modeste revenu. Je suis convaincu que Maisons Canada doit se concentrer plus particulièrement sur cet aspect et fixer des objectifs en conséquence.
Il s’agit également d’une sorte d’investissement anticyclique. Lorsque le marché privé ralentit, nous ne souhaitons pas mettre les entreprises de construction au chômage. Nous ne voulons pas perdre les chaînes d’approvisionnement que nous avons mis tant d’efforts à mettre en place. Nous pouvons donc investir à ces moments-là, de manière anticyclique, dans des logements sociaux et abordables.
Le sénateur Dalphond : Ma prochaine question concerne le logement social. Concentrons-nous sur ce sujet, en particulier sur le modèle coopératif. Je crois comprendre que les membres de la coopérative paient environ les deux tiers du loyer du marché pour un logement plus ou moins équivalent. Dans les modèles de coopératives, y a-t-il une marge de manœuvre pour que les personnes à revenu plus faible paient moins et que les personnes à revenu plus élevé paient un peu plus. Cela permettrait que le loyer représente 60 % du loyer du marché pour l’ensemble, mais seulement 30 % pour certains. Ou avons-nous besoin d’un programme spécial pour financer ceux dont les revenus sont si faibles qu’ils ne peuvent même pas se permettre de payer 60 % du loyer du marché?
M. Ross : C’est exact. À l’heure actuelle, la majorité des ménages vivant dans des coopératives d’habitation paient un loyer économique équilibré. Quel est le coût global de l’opération, compte tenu du financement, du renouvellement du capital et des opérations? C’est pourquoi vous bénéficiez d’une abordabilité relative par rapport au marché. Ainsi, il est encore plus facile de garantir que les coopératives sont ouvertes et accessibles aux ménages qui ont des difficultés encore plus grandes.
À l’heure actuelle, les coopératives sont accessibles et réalisables grâce à l’existence de programmes comme l’Initiative fédérale de logement communautaire, qui offre une subvention aux ménages pour combler la différence entre ce que leur faible revenu leur permet et un loyer économiquement rentable.
Votre question est la suivante : pouvons-nous parvenir à une certaine forme de subventionnement croisé? Il est très difficile d’y parvenir aujourd’hui au Canada en raison de la taille moyenne des coopératives d’habitation, qui sont très petites. Une coopérative d’habitation moyenne au Canada compte aujourd’hui 40 logements. Si certains ménages paient un peu plus pour subventionner leurs voisins, ce n’est pas toujours très viable. Nous craignons également que, si les coopératives subventionnent elles-mêmes ou contre-subventionnent les ménages à faible revenu, cela mette aussi l’actif en péril, car on prive alors l’actif des revenus nécessaires à une bonne gestion et à une coopérative durable et en croissance.
Cependant, si l’on prend l’exemple de l’Europe, c’est ce que font les fournisseurs de logements sociaux et coopératifs, car ils fonctionnent à une échelle de plusieurs dizaines de milliers d’unités, ce qui crée une dynamique permettant une certaine contre-subvention. Dans la situation actuelle, avec un portefeuille très restreint et fragmenté, cela peut être difficile et poser certains problèmes.
Le sénateur Dalphond : [Difficultés techniques] subvention de loyer pour les personnes qui sont [difficultés techniques].
M. Ross : Oui, sans la continuité d’un programme tel que l’Initiative fédérale de logement communautaire, les ménages à faible revenu risqueraient d’être évincés des logements communautaires pour des raisons économiques.
[Français]
Le sénateur Boudreau : Bienvenue à nos deux invités, et en particulier à M. Ross, un ancien collègue du Nouveau-Brunswick. Vous faites tellement du bon travail qu’Ottawa est allé vous chercher au Nouveau-Brunswick.
J’ai une question pour M. Ross et ensuite, si j’ai le temps, une autre pour M. Sullivan. La création d’une nouvelle agence fédérale pour le logement n’aurait pas nécessairement été mon premier choix. Cependant, c’est ce que le gouvernement a annoncé. J’aurais mis la priorité sur les programmes, les partenariats et la mise sur pied de projets.
Je pense que mon collègue le sénateur Gignac est très optimiste lorsqu’il affirme que cela prendra de trois à quatre mois. J’ai l’impression que cela prendra beaucoup plus de temps.
Par ailleurs, lorsqu’on entreprend une démarche comme celle‑là, on cherche à rapatrier tous les programmes et à créer une nouvelle entité. C’est peut-être l’occasion de se pencher sur certaines lacunes ou certains défis des programmes existants.
Selon vous, quels sont les trois plus importants défis auxquels fait face le marché de l’habitation coopérative avec les programmes existants, et que pourrait-on changer grâce au remaniement du programme?
M. Ross : Je vous remercie pour la question. Tout d’abord, la FHCC recommande vraiment de faire une recapitalisation du Programme de développement de coopératives d’habitation. Comme je l’ai mentionné, il y a plus de demandes, mais les budgets ne suffisent pas à combler la demande actuelle. Donc, une solution potentielle serait de recapitaliser le Programme de développement de coopératives d’habitation.
[Traduction]
Il est également important d’éclaircir un autre point : en attendant la mise en place de Maisons Canada, quelle est la position du gouvernement fédéral concernant la continuité de l’aide au logement pour les ménages à faible revenu? Certes, le programme arrive à échéance en 2028, ce qui peut sembler laisser beaucoup de temps pour trouver une solution. Cependant, compte tenu de la lenteur du gouvernement, ce n’est en réalité pas le cas.
Il convient également de noter que les fournisseurs de logements gèrent les risques liés à l’incertitude qui entoure la fin de ce programme. Ils sont tenus d’assurer la viabilité de la coopérative ou de l’organisme à but non lucratif. Si un locataire bénéficiant d’une aide au loyer déménage ou quitte son logement, ils pourraient décider de ne pas attribuer ce logement à une personne bénéficiant d’une aide au loyer, dans le cadre de leur gestion des risques, car ils ne savent pas s’ils pourront continuer à offrir ce degré d’aide à ce ménage lorsque le programme prendra fin. Nous souhaitons vivement que cette question cruciale soit prise en compte, car nous manquons déjà cruellement de logements très abordables et nous devons préserver tous ceux que nous avons au Canada.
Le sénateur Boudreau : Monsieur Sullivan, dans l’Énoncé économique de l’automne 2024, on promettait de prolonger l’Initiative fédérale de logement communautaire, un programme qui protège la sécurité du logement et prévient le sans-abrisme de certaines des personnes les plus vulnérables de notre société. Je me demandais simplement où en était ce programme. Pourriez-vous nous renseigner à ce sujet?
M. Sullivan : Dans le cadre de l’Initiative fédérale de logement communautaire et de l’Allocation canadienne pour le logement, 350 000 ménages dans tout le pays bénéficient de ces suppléments au loyer. Le financement de ces mesures prend fin dans quelques années. Comme l’a mentionné M. Ross, c’est une période très courte en années gouvernementales. Cela doit absolument être une priorité. Le système ne peut absorber un changement d’une telle ampleur en si peu de temps. Certaines de ces allocations sont versées par les provinces et les territoires, et les négociations doivent commencer immédiatement pour assurer la continuité.
J’ai, moi aussi, trois initiatives importantes à proposer à Maisons Canada, si vous voulez bien les entendre. Premièrement, ce programme doit disposer d’une plus grande souplesse sur le plan des prêts, ce que la SCHL n’avait pas. Deuxièmement, il doit adopter une approche différente en matière de risque, car nous ne pouvons pas résoudre un problème systémique sans prendre de risques. Troisièmement, il doit mettre davantage l’accent sur les logements communautaires subventionnés.
Le directeur parlementaire du budget a démontré que la Stratégie nationale sur le logement n’avait pas eu d’impact mesurable sur la réduction des besoins fondamentaux en matière de logement, en partie parce qu’elle ne se concentrait pas spécialement sur l’abordabilité immédiate offerte par les organismes à but non lucratif et les coopératives.
La sénatrice Marshall : J’ai une question pour M. Ross. J’aimerais avoir une idée de la période prévue pour la construction de logements coopératifs. Nous avons parlé du budget de 2022. Un montant de 1,5 milliard de dollars a été approuvé pour 6 000 unités.
Pouvez-vous nous dire si les 6 000 logements ont effectivement été construits et sont occupés? Ou bien, après trois ans, attendons-nous toujours que ce programme aboutisse?
M. Ross : L’annonce de 2022 avait été ajoutée au budget, mais cela ne s’était pas immédiatement traduit par un programme. Le programme n’a été lancé qu’en juin 2024. Je tiens à féliciter la SCHL et le gouvernement fédéral, car, une fois le programme lancé, la période de dépôt des demandes a été ouverte et les engagements ont été pris relativement rapidement. Un montant de 423 millions de dollars avait déjà été engagé l’année dernière, et le deuxième cycle a été ouvert durant l’été. Nous attendons avec impatience la réponse à ce deuxième cycle de candidatures, qui s’est terminé à la fin du mois d’août.
La sénatrice Marshall : Des unités ont-elles déjà été construites?
M. Ross : Il y a, à l’heure actuelle, quelques projets avec des unités qui ont été développés en Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Marshall : Bien.
M. Ross : De nombreux travaux de construction sont en cours.
La sénatrice Marshall : Cela prend du temps.
M. Ross : Oui.
[Français]
Le président : Cela conclut donc la première partie de notre réunion. Je remercie les témoins pour leurs précieux conseils et leurs témoignages.
Honorables sénateurs, nous sommes heureux d’accueillir, pour notre deuxième groupe de témoins, Pedro Barata, président et chef de la direction, Habitat pour l’humanité Canada, et Alana Lavoie, directrice principale, Politiques gouvernementales, Habitat pour l’humanité Canada. Nous accueillons également Lois Duke, vice-présidente, conseil d’administration, Jocelyn W. Formsma, cheffe de la direction, et Stacey Howse, directrice générale, First Light : St. John’s Friendship Centre. Elles sont toutes de l’Association nationale des centres d’amitié.
Merci d’avoir accepté notre invitation. Nous allons maintenant entendre vos déclarations préliminaires, Monsieur Barata, vous avez la parole.
Pedro Barata, président et chef de la direction, Habitat pour l’humanité Canada : Merci et bonsoir à tous.
[Traduction]
C’est un plaisir d’être ici et de m’adresser à vous tous aujourd’hui. Comme vous l’avez entendu, le système de logement du Canada se trouve à la croisée des chemins, et, ensemble, nous avons la possibilité de garantir aux Canadiens l’accès au logement dont ils ont besoin et qu’ils souhaitent. Habitat pour l’humanité Canada est un organisme de bienfaisance pancanadien fondé en 1985. Nous sommes présents dans toutes les provinces et dans le Nord. Nous construisons des maisons, nous bâtissons des communautés et nous donnons de l’espoir. Notre travail comprend la construction, la réparation, le financement et la formation professionnelle des jeunes qui se lancent dans les métiers spécialisés, ainsi que la défense des politiques. Nous faisons partie du réseau Habitat pour l’humanité International et nous construisons des maisons et offrons des possibilités dans plus de 70 pays.
Nous sommes également fiers d’être membres de l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine. Nous devons répondre à la diversité des besoins en matière de logement des Canadiens, et nous devons avoir une approche écosystémique, comme l’ont décrit précédemment Ray Sullivan et Tim Ross.
Depuis 2019, plus de 40 filiales d’Habitat dans le pays ont aidé collectivement plus de 5 000 personnes, dont près de 4 000 enfants. Nous sommes déjà en avance en matière de construction de logements écoénergétiques, accessibles et abordables. Ces logements restent abordables pour de futures familles, car nous avons la possibilité de les racheter, de sorte que chaque logement vendu par Habitat offre une telle possibilité à une autre famille, créant ainsi un cercle vertueux.
Nous tirons parti du financement fédéral, et ce, depuis 2019, dans un rapport d’au moins 2 pour 1. Nous débloquons des investissements provinciaux, municipaux et privés grâce à des investissements privés dans la construction et le financement hypothécaire pour les familles propriétaires de leur logement. Nous recueillons des fonds et générons également des revenus assez importants au moyen de notre entreprise sociale ReStore, présente dans tout le pays; nous en avons une centaine. En fait, ces magasins couvrent tous nos coûts d’exploitation. Tous ces projets ont généré plus de 300 millions de dollars en activités de construction et plus de 40 millions de dollars en recettes fiscales depuis 2019.
Habitat pour l’humanité suit attentivement l’évolution du rôle du gouvernement fédéral dans le domaine du logement, en particulier celui de la nouvelle agence dont vous avez parlé, Maisons Canada. Nous saluons son mandat explicite en matière de logements subventionnés, mais nous souhaitons également que les logements subventionnés ne se limitent pas aux logements locatifs. L’accession à la propriété reste un objectif déterminant pour les Canadiens. Il y a quelques semaines à peine, un sondage Abacus a révélé que 65 % des locataires, c’est-à-dire des personnes qui ne sont pas propriétaires, souhaitent devenir propriétaires un jour, y compris les jeunes familles. En effet, 86 % des jeunes âgés de 18 à 29 ans et 80 % des familles ayant de jeunes enfants rêvent toujours d’acquérir une propriété.
Si l’on incluait l’abordabilité de l’accès à la propriété dans le mandat de Maisons Canada, on comblerait une lacune importante en matière de politique, car cela offre une stabilité, une sécurité financière et, bien sûr, des avantages intergénérationnels. Notre modèle — et nous avons mené cette étude avec Deloitte — montre que les ménages Habitat augmentent leurs revenus d’emploi de 28 % par rapport aux locataires sur la même période et pour le même genre de famille.
Nos logements Habitat génèrent 35 millions de dollars de retombées économiques annuelles et contribuent à l’amélioration des résultats en matière de santé et d’éducation. Compte tenu du temps qui nous est imparti, nous avons quelques recommandations clés pour Maisons Canada.
Tout d’abord, nous aimerions que le cadre d’investissement de Maisons Canada comprenne l’accès à la propriété à un prix abordable. Nous aimerions également travailler avec Maisons Canada sur une approche de portefeuille afin de nous éloigner des approbations de projet individuelles et de déléguer la responsabilité des investissements à des partenaires de confiance.
Ensuite, nous recommandons également que Maisons Canada offre des solutions de financement souples pour que ses contributions puissent, grâce à des prêts à faible taux, des garanties et un partage du capital, véritablement servir de catalyseurs pour le financement initial de constructions modulaires innovantes et une combinaison souple des fonds fédéraux, provinciaux et municipaux.
Enfin, il est également primordial que, dans le cadre des activités de Maisons Canada, nos critères d’investissement reposent sur l’impact et non la complexité. Nous devons définir des objectifs précis en matière d’abordabilité et des engagements à l’échelle du portefeuille, tout en laissant une certaine marge de manœuvre aux régions dans la détermination de l’abordabilité. Nous devons également tenir compte d’autres paramètres, non seulement le nombre de logements construit, mais aussi l’accès pour les populations défavorisées, l’impact économique local et la durabilité, et veiller à construire des logements pour les familles qui ont des enfants. En moyenne, un logement Habitat accueille 2,8 personnes.
Pour conclure, il est indispensable de renforcer les capacités du secteur. Comme l’a mentionné Tim Ross précédemment, le secteur des logements subventionnés a stagné pendant 30 ans. Toutefois, nous avons accompli des progrès considérables pour retrouver notre équilibre, et devons maintenir cette dynamique, investir dans le secteur et garantir l’accès aux outils de financement et aux aides, ce qui sera déterminant pour l’avenir. Je vous remercie.
Le président : Merci.
Lois Duke, vice président, Conseil d’administration, Association nationale des centres d’amitié : Bonsoir, honorables sénateurs. Je m’appelle Lois Duke. Je suis originaire de la Première Nation Foothills, située à Kelly Lake, en Colombie-Britannique. Je suis également vice-présidente de l’Association nationale des centres d’amitié.
Je suis accompagnée de Stacey Howse, directrice générale du centre de l’amitié First Light à Terre-Neuve et membre du conseil d’administration de l’Association nationale des centres d’amitié, ainsi que de notre cheffe de la direction, Jocelyn Formsma.
Nous vous remercions de nous offrir cette occasion de faire en sorte que la Stratégie nationale sur le logement prenne en compte les Autochtones en milieu urbain.
L’Association nationale des centres d’amitié, l’ANCA, a été créée en 1972 pour représenter les centres d’amitié et les associations provinciales et territoriales de tout le Canada. Aujourd’hui, elle regroupe plus de 100 centres d’amitié locaux et associations provinciales et territoriales qui offrent des programmes et des services aux Autochtones vivant en milieu urbain, rural et éloigné. Plus de 60 % des Autochtones du Canada vivent en milieu urbain, mais le logement de ce groupe reste le volet que le système de logement finance le moins.
Les Autochtones sont une fois et demie plus susceptibles d’avoir besoin d’un logement et huit fois plus susceptibles de se retrouver sans abri que les ménages non autochtones. Pour vous donner une idée, j’ai cinq frères et sœurs, dont trois ont vécu le sans-abrisme. Ma sœur est actuellement dans l’impossibilité de s’en sortir. Mon frère tente de s’en sortir grâce à certaines aides dans la ville de Grande Prairie, et mon plus jeune frère est décédé en 2013.
Depuis des décennies, le mouvement des centres d’amitié comble ces lacunes qui sont attribuables à la compétence et aux politiques. Afin de faire progresser ce travail, nous recommandons ce qui suit :
Premièrement, que Maisons Canada établisse un partenariat direct avec Logement Coopératif National Autochtone Inc., ou NICHI, pour la conduite de projets de logement destinés aux populations autochtones en milieu urbain, rural et nordique.
NICHI est le plus grand réseau de logement dirigé par des Autochtones, qui a été fondé en collaboration avec l’ANCA et qui regroupe plus de 100 fournisseurs de logements autochtones offrant des logements abordables. Il a réussi à obtenir les résultats que Maisons Canada vise à atteindre. En 2023-2024, il a distribué 275,2 millions de dollars à 74 organismes autochtones dans tout le Canada, créant ainsi plus de 3 800 logements. Les échéances de livraison ont été rapides, certains membres de la communauté ayant reçu les clés de leur nouveau logement dans les huit mois suivant l’attribution des fonds.
Deuxièmement, l’ANCA recommande que Maisons Canada adopte une définition nationale réaliste de ce qu’est l’abordabilité du logement. La définition actuelle ne reflète pas les coûts réels que les familles autochtones doivent supporter, notamment les services de garderie, le transport, l’alimentation ou les services publics. De nombreux programmes de logement considèrent que des logements sont abordables alors qu’en réalité, ils restent inaccessibles pour les Autochtones.
Troisièmement, l’ANCA recommande que des terres fédérales soient transférées à des fournisseurs de logement autochtones afin d’accélérer les projets de développement. L’accès à la terre demeure un obstacle important à la construction de logements abordables pour les communautés autochtones urbaines. Dans bien des cas, les terres fédérales sont louées plutôt que transférées. En donnant aux Autochtones la priorité en ce qui concerne l’accès aux terres fédérales, on permettra la mise en chantier et la construction de logements adaptés à la culture et rentables, comme le prouvent les premiers résultats obtenus par NICHI.
Quatrièmement, l’ANCA recommande que le Canada investisse dans une stratégie pour la main-d’œuvre autochtone urbaine. La crise nationale du logement peut être l’occasion de former et d’employer des Autochtones pour construire les logements dont nos collectivités ont besoin. Le mouvement des centres d’amitié possède une vaste expérience dans la mise en œuvre de programmes d’emploi et d’acquisition de compétences, malgré le manque d’accès aux programmes fédéraux existants. Il faut tirer parti de l’expérience de ce mouvement pour co-élaborer une stratégie pour la main-d’œuvre autochtone urbaine dans le domaine du logement.
Cinquièmement, l’ANCA recommande que le Canada fournisse un financement opérationnel durable et pluriannuel pour les services de soutien complets dirigés par les Autochtones. Les centres d’amitié offrent des programmes essentiels en matière de logement et de lutte contre l’itinérance dans leurs collectivités. Malgré le succès de ces efforts, le financement reste à court terme et imprévisible, ce qui rend difficile le maintien des services. Les centres d’amitié doivent continuer à fournir ces services de soutien essentiels.
Sixièmement, l’ANCA recommande que le Canada réponde aux appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées par des mesures immédiates en matière de logement.
Je porte du rouge aujourd’hui en l’honneur de ma grand-mère assassinée en 1961.
L’enquête nationale a désigné le logement comme un élément clé pour la sécurité dans son rapport final.
En 2021, le Canada a annoncé un investissement de 724 millions de dollars dans l’Initiative de maisons d’hébergement et de logements de transition pour les Autochtones. Début 2025, moins de 20 % de cette somme avait été dépensée et seuls deux refuges avaient été construits dans tout le pays. Il est impératif que le Canada débloque immédiatement les fonds restants afin d’assurer la sécurité des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre autochtones.
En conclusion, la politique fédérale du logement doit refléter les réalités vécues par tous les peuples autochtones, y compris ceux qui vivent dans les zones urbaines, rurales et éloignées. Le mouvement des centres d’amitié, en collaboration avec des partenaires tels que l’organisation NICHI, a démontré que les solutions proposées par les Autochtones sont efficaces, efficientes et responsables. Lorsque nous disposons des ressources nécessaires pour prendre l’initiative, les familles emménagent dans des logements, les collectivités prospèrent et les progrès sont plus rapides.
Je terminerai par une citation du Dr Andrew Boozary : « Le logement, c’est la santé. »
Merci, mesdames et messieurs.
[Français]
Le président : Merci beaucoup, madame Duke. Nous allons commencer la période des questions avec la sénatrice Marshall.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Merci, monsieur Barata et madame Duke, pour vos déclarations liminaires. Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de logements que vous envisagez dans vos plans, comment vous êtes arrivés à ces chiffres et comment vous comptez réaliser ces plans? Je suppose qu’il ne s’agira pas d’un plan d’un an, mais d’un plan pluriannuel. J’essaie de me faire une idée de l’ampleur des chiffres dont vous disposez.
M. Barata : Je peux me lancer. Compte tenu de l’urgence, nous visons la construction immédiate de 1 000 logements prêts à être construits à travers le pays. Au cours des deux prochaines années, nous veillerons à la mise en place de cette filière, car nous prévoyons intensifier ces efforts au cours des 5 à 10 prochaines années. Nous pensons que, grâce à un nouveau partenariat avec Maisons Canada, notre ratio de deux pour un et l’outil de financement approprié de Maisons Canada, nous pourrons mobiliser 10 000 logements au cours des cinq prochaines années.
La sénatrice Marshall : Cela ferait 1 000 par an sur une période de 10 ans. C’est intéressant. Je vous remercie. Madame Duke?
Jocelyn W. Formsma, cheffe de la direction, Association nationale des centres d’amitié : Je peux répondre. À l’heure actuelle, selon les données dont nous disposons, environ 667 000 ménages autochtones vivent dans des zones urbaines, rurales et nordiques. Parmi ces ménages, 124 000 sont dans le besoin, dont 37 500 sans-abri au cours d’une année donnée. En réalité, nous ne connaissons pas l’ampleur des besoins, car le logement urbain pour les Autochtones n’a pas fait l’objet des mesures stratégiques nécessaires pour mener des recherches appropriées.
Par exemple, à l’ANCA, bon nombre de nos centres d’amitié membres offrent du logement depuis des décennies, et certains prennent conscience du problème et commencent à s’y intéresser. C’est pourquoi nous avons voulu nous associer à d’autres fournisseurs de logements pour les Autochtones en milieu urbain afin de fonder la NICHI, afin de disposer d’une entité centralisée spécialisée capable de mener des recherches approfondies pour comprendre l’ampleur du problème à l’échelle nationale. À l’heure actuelle, nous disposons de données fragmentaires ici en Colombie-Britannique, un peu ici dans cette ville et un peu là dans cette autre ville. Nous n’avons donc pas une vue d’ensemble des besoins à l’échelle nationale.
La sénatrice Marshall : Ce n’est pas quantifié. Que rechercheriez-vous pour la première année? Si un programme est mis en place, que rechercheriez-vous? Chercheriez-vous à obtenir l’approbation pour 1 000 ou 2 000 logements, même si vous ne disposez pas des données nécessaires? Il est assez courant d’être en quête de données adéquates. Que planifieriez‑vous, 1 000 ou 2 000 logements? D’où tireriez-vous votre chiffre?
Mme Formsma : Je peux dire que lorsque nous avons lancé les premiers appels de propositions et reçu 275 millions de dollars par l’entremise de la NICHI, nous avons reçu plus de 447 demandes, représentant un besoin de 2 milliards de dollars pour ce que nous avons appelé des projets urgents et prêts à démarrer.
Il s’agit de 447 demandes admissibles pour des projets pouvant démarrer dans un délai d’un an. Rien dans ces projets n’indiquait le besoin d’une étude de faisabilité ou d’une analyse de la situation à long terme sur plusieurs années. Cela vous donne une première idée. Nous n’avons pu financer que 74 de ces projets.
La sénatrice Marshall : Cela me donne une idée. Merci.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci beaucoup de votre présence, qui est très appréciée. Ma première question s’adresse à M. Barata.
Depuis la pandémie, les coûts de construction ont explosé, autant les matériaux que la main-d’œuvre. Si je comprends bien, vous devez vendre les maisons au prix courant. Comment serez‑vous en mesure de vous ajuster pour qu’on puisse protéger l’abordabilité et l’accessibilité aux maisons, si l’Agence du revenu du Canada vous oblige à les vendre au prix courant et s’il y a une forte appréciation du coût des maisons que vous mettez sur le marché?
M. Barata : Merci pour la question.
[Traduction]
L’un des avantages du modèle Habitat est son ancrage local : nos affiliés connaissent les conditions sur le terrain et entretiennent de bonnes relations, par exemple en matière d’approvisionnement et d’achat de matériaux, ce qui nous permet d’obtenir de nombreux dons de matériaux pour la construction des maisons. Nous faisons également appel à de nombreux bénévoles. Nous recrutons des bénévoles, non pas pour construire toute la maison, mais pour aider là où ils le peuvent, ce qui réduit également notre budget, ainsi que des entrepreneurs très généreux qui aiment nous offrir des dons de matériaux ou une main-d’œuvre à prix réduit. À cela s’ajoute notre capacité à obtenir des terrains, principalement auprès des municipalités qui comprennent qu’il existe un besoin énorme à l’échelle locale de disposer de terrains à usage public qui peuvent nous être cédés gratuitement ou à très faible coût. Cette urgence est également présente, ce qui constitue une autre source de réduction des revenus. Nous travaillons également avec des promoteurs immobiliers qui peuvent être soumis à des exigences de zonage inclusif et qui collaborent souvent avec nous pour mettre à disposition des terrains à coût réduit ou sans frais, parfois même des unités clés en main au coût de construction.
Nos affiliés connaissent la situation sur le terrain; ils ont les relations nécessaires pour trouver toutes les économies possibles afin de réduire les coûts au maximum.
Avec Maisons Canada, nous pouvons désormais obtenir des fonds à faible coût que nous pouvons utiliser pour construire plus rapidement, garantir le maintien de l’accessibilité financière et continuer à faire tourner cet argent, de sorte qu’au lieu de prendre en charge tous les coûts de construction, nous pouvons utiliser une partie de cet argent pour financer la construction d’autres logements.
Malgré les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement, au coût de la main-d’œuvre et à la pénurie de main-d’œuvre, qui sont tous des problèmes bien réels, nous sommes convaincus que nous avons la bonne formule pour atténuer certains d’entre eux.
[Français]
Le sénateur Forest : L’Agence du revenu du Canada, si je comprends bien, ne vous oblige pas à vendre. Vous pouvez vendre au prix coûtant de la maison, et non au prix du marché?
[Traduction]
M. Barata : J’aimerais céder la parole à ma collègue Alana Lavoie pour parler de la juste valeur marchande.
[Français]
Alana Lavoie, directrice principale, Politiques gouvernementales, Habitat pour l’humanité Canada : Je vous remercie de la question. L’un des défis de notre modèle, chez Habitat, est le fait que l’ARC nous oblige à le vendre au prix courant. Cela nous pousse à réduire les coûts de construction au meilleur de nos capacités, parce que cela nous aide avec les hypothèques et nos coûts internes, et cela nous aide aussi à garder des ressources pour d’autres projets. Oui, en effet, il faut qu’on le vende au prix courant.
Le sénateur Forest : Il y a beaucoup de bénévolat, les municipalités donnent des terrains, les constructeurs font très peu de profits, mais l’Agence du revenu recueille les profits? C’est cela, la réalité?
Mme Lavoie : C’est une discussion qu’on aimerait probablement avoir avec l’Agence du revenu.
Le sénateur Forest : C’est un constat que l’on fait ce soir.
Le président : Ils nous écoutent, habituellement.
Le sénateur Forest : Est-ce que j’ai encore du temps?
Le président : Non.
Le sénateur Forest : Je suis à crédit sur mon temps.
[Traduction]
Le sénateur Cardozo : Tout d’abord, si vous me le permettez, Jocelyn Formsma, j’aimerais prendre un moment pour vous remercier de vos services. Il s’agit probablement de votre dernière tâche officielle dans vos fonctions à l’ANCA. Vous avez été une dirigeante formidable pendant sept ans. J’ai eu la chance de vous connaître dans ce rôle et dans d’autres. Vous avez été une grande dirigeante. Je vous souhaite le meilleur dans vos projets. Merci pour votre rôle ici.
Mme Formsma : Merci.
Le sénateur Cardozo : J’ai quelques questions à vous poser concernant le rôle de l’ANCA par rapport à la National Indigenous Collaborative Housing Inc., la NICHI. Cela me rappelle l’université quand vous citez Nietzsche. Quelle est la relation entre l’ANCA et la NICHI? Est-ce une création de l’ANCA? Comment procède-t-elle pour construire ces logements?
Mme Formsma : Merci pour cette question. Essentiellement, tout a commencé lorsque la Stratégie sur le logement des Autochtones en milieux urbain, rural et nordique a été annoncée. Je n’ai probablement pas le chiffre exact, mais 4 milliards de dollars ont été réservés pour le logement en milieux urbain, rural et nordique.
Le gouvernement fédéral ne savait pas exactement comment il allait mettre en œuvre cette stratégie et envisageait de faire appel à la SCHL. Il a finalement décidé de réserver une partie des fonds à ce qu’il appelait les « groupes distincts » : les gouvernements des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Il restait alors une partie des fonds à attribuer.
À l’époque, en tant qu’ANCA, nous faisions partie d’un conglomérat d’autres associations de logement pour les Autochtones en milieu urbain, comme l’association de gestion du logement autochtone en Colombie-Britannique. Il y en a quelques-unes en Saskatchewan, qui sont davantage basées sur les municipalités. Il y en avait quelques-unes à l’échelle régionale au Manitoba, d’autres au Québec et dans tout le pays.
Nous faisions partie de ce groupe de défense qui disait : « Donnez-nous l’argent. » Ils ont répondu : « Quel est le mécanisme? Vous n’avez pas de mécanisme. » Nous avions proposé l’ANCA comme mécanisme potentiel. En fin de compte, ce n’était pas le bon mécanisme.
En nous réunissant pour créer la NICHI, nous avons établi un mécanisme permettant de créer une entité dirigée par ses membres, capable de recevoir des fonds et de les distribuer à travers le pays pour le logement des Autochtones en milieu urbain, ce que nous avons fait.
Quand nous avons lancé notre groupe, même s’il était nouveau, nous avions derrière nous des organisations qui existaient depuis plusieurs décennies. Nous n’avons pas pu obtenir les 3 milliards de dollars que nous espérions — cet argent est toujours bloqué quelque part —, mais nous avons pu recevoir un peu moins de 300 millions de dollars. C’est la statistique à laquelle mon collègue a fait référence : en neuf mois, certains des premiers locataires ont pu passer de la réception du financement à la remise des clés de leur nouvelle maison. C’est un record.
Le mécanisme fonctionne ainsi : nous avons formé un comité consultatif indépendant qui examine les propositions recevables qui sont filtrées par le personnel. L’ANCA siège désormais au conseil d’administration de la NICHI. Ce conseil est élu par les membres. À l’heure actuelle, environ 100 fournisseurs de logements urbains pour les Autochtones sont membres.
Les membres élisent le conseil d’administration qui ne participe pas aux décisions. Des conseillers indépendants examinent les propositions et recommandent les projets dont les promoteurs doivent généralement avoir fait leurs preuves en matière de fourniture de logements depuis un certain temps. Les projets doivent respecter certains critères. Ils sont ensuite classés par ordre de priorité. C’est cette liste qui a été approuvée.
La NICHI les a ensuite financés. Une fois leurs demandes de financement acceptées, ils se sont lancés dans la construction. Si les premiers projets ont été réalisés en neuf mois, la plupart d’entre eux étaient des constructions ou des rénovations rapides, et certains sont encore en cours. Les besoins restent importants.
Le sénateur Cardozo : C’est très utile. Merci.
Mme Formsma : C’était une longue réponse.
Le sénateur Cardozo : C’était une bonne réponse.
Le président : Question courte, réponse longue. Parfois, c’est une question longue et une réponse courte.
La sénatrice Ross : Ma question s’adresse à Habitat pour l’humanité. Merci aux deux groupes pour leurs exposés.
Des familles ne sont pas assez pauvres pour bénéficier d’un logement subventionné, mais n’ont pas les moyens de payer un loyer au prix courant ni d’acheter dans le marché immobilier actuel.
Selon vous, quelles politiques pourraient être mises en œuvre pour aider ces personnes à trouver une solution abordable? Habitat pour l’humanité fait un travail remarquable d’un océan à l’autre. Je sais que vous avez réalisé plusieurs projets dans ma collectivité de Fredericton. Quel serait le facteur clé qui vous permettrait d’augmenter votre volume ou d’étendre vos activités?
M. Barata : Pour répondre à la première partie de votre question, sur la manière de combler certaines lacunes, nous avons dit au début qu’il est essentiel d’adopter une approche écosystémique et de reconnaître la diversité des besoins, selon l’endroit où vous vous situez sur le continuum, et de répondre à la diversité de ces besoins.
Comme Tim Ross l’a mentionné, je maintiens également que nous avons tendance à penser au logement du point de vue de l’offre. Le revenu fait partie de la solution au problème du logement. La Prestation canadienne pour le logement est un élément essentiel pour aider les ménages à faible et modeste revenu à combler l’écart entre leur loyer et leurs revenus. Nous ne consacrons pas assez de temps à réfléchir et à investir dans ce type de programme alors qu’il s’est discrètement révélé efficace.
Pour nous, avoir accès à davantage d’outils de financement, surtout ceux qui offrent des conditions avantageuses, nous permettra de réduire nos coûts.
Disposer dès le départ de certains de ces instruments dont nous savons qu’ils seront disponibles et que nous pourrons exploiter, et nous assurer qu’il y en a suffisamment pour nous permettre de démarrer rapidement signifie que nous réduisons notre investissement initial et que nous pouvons investir dans d’autres logements des fonds qui auraient autrement été consacrés à la construction.
Cela nous permet également de réduire le montant du premier prêt hypothécaire contracté par une famille, malgré les problèmes liés à la juste valeur marchande, ce qui signifie que nous pouvons abaisser les seuils d’accessibilité financière.
À l’heure actuelle, à l’échelle nationale, la réalité est qu’un ménage d’Habitat pour l’humanité dispose d’un revenu moyen de 60 000 à 90 000 $, et consacre 30 % de son revenu au remboursement de son prêt. Ce pourcentage peut descendre jusqu’à 22 % dans certaines collectivités. Nous aimerions pouvoir aider un plus grand nombre de personnes en ayant accès à des outils de financement à des conditions plus avantageuses.
Mme Formsma : Ma collègue, Stacey Howse, gère un immeuble d’habitation à St. John’s et elle pourrait également avoir un point de vue sur cette question.
Stacey Howse, directrice générale, First Light St. John’s Friendship Centre, Association nationale des centres d’amitié : À St. John’s, First Light est la seule organisation autochtone dans la capitale. Nous gérons 25 logements. Comme nos collègues Ray Sullivan et Tim Ross l’ont mentionné, les services globaux sont vraiment importants. Il ne suffit pas toujours de construire des logements et d’espérer que les personnes marginalisées réussissent à s’y installer. Les services globaux sont importants, et c’est ce que les centres d’amitié sont en mesure d’offrir en matière de santé mentale. Il ne s’agit pas seulement d’offrir des logements abordables, mais aussi d’apporter un soutien. Les centres d’amitié offrent un soutien complet en matière de santé mentale, d’aide juridique, de lutte contre la toxicomanie, de garde d’enfants et d’aide sociale. Les centres d’amitié apportent leur soutien afin que les logements soient abordables, mais aussi habitables à long terme.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup. Il s’agit d’une conversation et d’un sujet très importants. Nous avons beaucoup discuté des chiffres nécessaires pour le logement, et nous avons conclu qu’ils étaient insuffisants. Nous devons investir davantage d’argent et mettre en place davantage de mécanismes. C’est très clair.
J’aimerais vous interroger sur l’intersection entre ces besoins ruraux et les logements parfois modestes situés dans des zones difficiles où le réchauffement climatique a des répercussions. Il y a des incendies de forêt, des inondations et une humidité élevée. Comment surmontez-vous ces défis afin de créer des logements sûrs et sains à long terme pour cette partie de la société qui en a grandement besoin?
Mme Formsma : C’est un problème auquel nous sommes confrontés de manière assez aiguë en ce moment. Les centres d’amitié du Nord de l’Alberta ont non seulement répondu à l’urgence, comme les évacuations des établissements métis et des collectivités des Premières Nations, mais ils ont répondu aux incendies de forêt dans le sud des Territoires du Nord-Ouest. Cela impliquait parfois, par exemple, de charger une camionnette de fournitures et de se rendre dans les Territoires du Nord-Ouest pour apporter un soutien à leur territoire voisin.
En raison de l’évacuation, certaines personnes ont perdu leur maison, qui ne sera pas reconstruite immédiatement. Elles se retrouvent à venir en ville en urgence à cause des incendies de forêt et du changement climatique, mais elles ne pourront pas rentrer chez elles avant plusieurs années, voire jamais.
Certains centres d’amitié qui ont dû répondre à ces urgences font désormais face à une demande croissante de services de la part de personnes qui, au départ, avaient besoin de leurs services en urgence, mais qui vont désormais y vivre à long terme. Cela accentue la pression sur certaines contraintes en matière de logement, et nous ne pouvons pas l’anticiper. Nous essayons déjà de rattraper notre retard en matière de logement, et cela ajoute désormais une pression supplémentaire. Voilà certaines de nos constatations.
Mme Lavoie : En ce qui concerne la reconstruction, Habitat pour l’humanité a participé à la reconstruction en Nouvelle-Écosse après les incendies de forêt et a également soutenu des collectivités des Territoires du Nord-Ouest. Nous sommes de plus en plus consciencieux et proactifs dans notre façon de reconstruire, que ce soit en commençant à inclure les directives FireSmart dans nos constructions ou en garantissant des niveaux élevés d’efficacité énergétique ainsi que d’autres matériaux résistants, et en étant très consciencieux dans ce travail.
Nous voulons que les maisons comblent tous les besoins de ceux qui vont y vivre, ce qui implique de surveiller leur budget en réduisant leurs coûts et de veiller à créer des collectivités durables sur le plan environnemental, capables de faire face au changement climatique.
Mme Duke : J’aimerais ajouter que ma collectivité d’origine a été déplacée pendant 21 jours en raison des incendies de forêt cette année. Cela a représenté un coût énorme pour les membres de la collectivité qui y vivent encore. Ils ont perdu toute leur nourriture. Ils ont perdu leurs animaux. Les pertes ont été incroyables. Être déplacés dans une ville qui ne souhaite pas nécessairement les y voir est très stressant, et cela a été une période difficile pour les membres de ma collectivité.
Quand ils ont pu rentrer chez eux, ils ont retrouvé des lieux ravagés par le feu, la fumée, les cendres et la suie. Ce n’est pas idéal. Ce sont des éléments dont il faut probablement tenir compte dans les statistiques sur les Autochtones.
Madame Formsma, pouvez-vous expliquer les statistiques sur les Autochtones qui ne seront pas disponibles avant deux ans?
Mme Formsma : Mon collègue fait référence à l’Enquête sur les peuples autochtones, qui a lieu tous les deux ou trois ans. La décision a été prise de ne pas mener cette enquête cette année. Nous comprenons que c’est en raison du coût. Il pourrait y avoir d’autres facteurs. C’est ce que nous comprenons. Nous n’aurons pas de chiffres actualisés pour la population, en particulier la population autochtone urbaine, en raison de l’arrêt de cette enquête cette année.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais poursuivre la conversation sur le modèle d’affaires d’Habitat pour l’humanité. Je croyais — peut-être un peu naïvement — que les maisons que vous construisiez étaient justement pour les gens qui ne pouvaient pas se payer une maison au prix du marché. Or, ce n’est pas le cas. Quel est votre modèle d’affaires? Construisez‑vous des maisons pour ceux qui ont les moyens de s’en payer une? Expliquez-moi. Il me semble que quand je voyais le président Carter construire des maisons aux États‑Unis — évidemment, c’est une vision romantique —, je croyais qu’elles étaient revendues à un prix modéré.
[Traduction]
M. Barata : C’est vrai. Je pense que vous réagissez à la tranche de revenus de 60 000 à 90 000 $ que j’ai mentionnée. La réalité est que, si vous ne pouvez pas vous permettre de verser un acompte représentant au moins 20 % de la valeur de votre maison, et faire ensuite vos paiements réguliers, c’est une réalité qui se situe plus haut dans les tranches de revenus, ce que nous n’avons pas vu depuis des générations.
C’est pourquoi nous constatons que de plus en plus de Canadiens, surtout ceux de la prochaine génération qui ont un emploi et souhaitent fonder une famille, ne parviennent pas à joindre les deux bouts. Chaque maison Habitat est attribuée à une famille qui, sans cela, n’aurait pas accès à la propriété, et 40 % des maisons Habitat sont occupées par des mères qui dirigent une famille seules, pour lesquelles il serait très difficile de réunir les fonds nécessaires et de rendre cela abordable.
Les maisons d’Habitat constituent donc un pont entre la location et l’aspect social du système, permettant à terme d’accumuler le capital nécessaire pour verser un acompte et construire une maison. C’est exactement ce que nous voulons : offrir la possibilité de mettre un pied dans la porte, de constituer un capital et d’investir dans son avenir.
[Français]
Mme Lavoie : La famille ne paie jamais le prix total. Ils prennent une hypothèque et ce n’est jamais plus de 30 % à 34 % du coût total du prix du marché. C’est nous, chez Habitat, qui finançons l’autre partie. Eux, ils sont isolés des vrais coûts. C’est nous qui les absorbons.
La sénatrice Miville-Dechêne : Très bien. Excusez mon ignorance de votre concept.
Mme Lavoie : C’est un peu compliqué.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je voulais aussi vous poser une question rapide. Vous avez été très critique du projet de Maisons Canada qui, pour l’instant, fait des locations de maisons. Vous semblez dire qu’il faut construire des maisons que l’on achète. Est-ce qu’il n’y a pas là une tendance inexorable, étant donné le prix des maisons et comme on le voit en Europe, pour que les jeunes ne puissent plus acheter de maison et deviennent locataires? Est-ce qu’il ne faut pas se résoudre à cela?
[Traduction]
M. Barata : Merci pour cette question, madame. Pour être clair, nous avons besoin des deux. Nous avons besoin de logements locatifs, de propriété résidentielle et de logements sociaux, et nous devons aider les sans-abri. Nous avons besoin de toute la gamme, et nous espérons que le programme Maisons Canada couvrira tout ce spectre.
Nous ne sommes pas prêts à renoncer au rêve de l’accession à la propriété pour les Canadiens, en particulier pour la prochaine génération, et franchement, le Canada ne devrait pas y renoncer non plus. Quand vous demandez aux Canadiens ce qu’ils pensent de l’accession à la propriété, ils répondent de plus en plus souvent qu’elle est de plus en plus hors de portée. C’est presque comme un rêve que les gens ne peuvent pas réaliser, mais ils y croient toujours et veulent toujours y parvenir s’ils sont jeunes, ou ils veulent toujours que leurs enfants aient cette possibilité. Nous ne sommes donc pas prêts à y renoncer, et nous pensons que le Canada ne devrait pas y renoncer non plus. Nous disposons des outils nécessaires pour tirer parti de cette occasion et mettre en place une approche écosystémique globale.
[Français]
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Dalphond : J’aimerais poursuivre dans la même veine que les questions de la sénatrice Miville-Dechêne, parce que j’ai un peu de difficulté à comprendre le concept.
La municipalité vous donne un terrain, vous organisez ce qu’on appelait au Québec autrefois une corvée avec des bénévoles, des gens font des contributions, etc. Vous construisez une maison. La maison devient-elle votre propriété ou celle de la personne qui va l’habiter?
Mme Lavoie : Comme vous l’avez indiqué, on reçoit des terrains ou on achète des terrains. Ensuite, on construit des maisons avec des bénévoles ou des développeurs et des constructeurs. Ensuite, cela fonctionne exactement comme l’accession à la propriété pour tout le monde. En ce moment, le client prend une hypothèque de 30 % et nous avons une autre hypothèque qui s’applique au terrain, mais c’est la famille qui paie, qui prend la valeur nette de la maison et qui la développe. Il y a un petit partage à la fin quand ils décident de vendre la maison. De plus, Habitat peut racheter la maison pour la remettre à une deuxième ou même une troisième famille.
Le sénateur Dalphond : Vous avez dit dans votre présentation que vous gardiez la maison pour la céder à quelqu’un d’autre dans la même situation. Je comprenais donc que vous étiez toujours propriétaire et que vous avez un droit de premier refus sur la maison. Lorsque vous exercez ce droit de premier refus, pour le propriétaire, c’est une vente qui est réputée à la juste valeur marchande et c’est là que le propriétaire est exempté de gain de capital.
Mme Lavoie : Oui.
Le sénateur Dalphond : C’est la résidence principale. Ils habitent et vendent leur résidence.
Mme Lavoie : Oui, absolument.
Le sénateur Dalphond : Je ne comprenais pas le problème fiscal.
Mme Lavoie : Ils sortent avec une portion de la valeur résiduelle; nous en prenons toujours une petite partie pour ajouter à nos fonds de l’humanité et nous créons un nouveau propriétaire.
Le sénateur Dalphond : Vous redevenez propriétaire; vous transférez votre droit de premier achat à quelqu’un d’autre qui l’achète directement.
Mme Lavoie : Oui.
Le sénateur Dalphond : Quelle est la difficulté que vous avez avec l’Agence du revenu du Canada? C’est une résidence principale qui est vendue, il y a un profit et le gain de capital est exempté d’impôt.
Mme Lavoie : Notre difficulté a trait aux règlements qui exigent de vendre la maison au coût du marché.
Le sénateur Dalphond : Oui.
Mme Lavoie : À la première famille. La maison passe d’Habitat pour l’humanité aux familles. Il faut le faire au prix courant, alors pour la famille, oui, quand elle la vend, il y aura des gains en capital. Pour le premier achat d’Habitat —
[Traduction]
Nous l’avons construite pour 300 000 $, et sa juste valeur marchande est, disons, de 430 000 $, mais comme nous sommes Habitat, nous aimerions la vendre à un prix plus proche du coût de construction, mais l’ARC...
Le sénateur Dalphond : La vendre au premier propriétaire...
Mme Lavoie : Oui, au premier propriétaire.
Le sénateur Dalphond : ... et le premier propriétaire — vous ne bénéficiez pas de l’exonération fiscale, peu importe, parce que...
Mme Lavoie : Non, nous n’en bénéficions pas.
Le sénateur Dalphond : ... vous ne l’habitez pas.
Mme Lavoie : Nous sommes un organisme de bienfaisance.
Le sénateur Dalphond : Je comprends la difficulté.
Il a été recommandé d’affecter des fonds au logement des Autochtones. Un budget d’un milliard de dollars sur cinq ans, ou de 4 milliards de dollars sur sept ans, a été prévu, mais cet argent n’a pas encore été dépensé. Ce groupe, Habitat, et d’autres avant lui recommandent que cet argent soit transféré à la National Indigenous Collaborative Housing Inc. Êtes-vous d’accord avec cette proposition? Je ne connais pas cette organisation. Je suis désolé.
Mme Formsma : Comme je l’ai dit, elle est nouvelle, mais elle est soutenue par des organisations qui existent depuis longtemps, y compris la nôtre. Nous en sommes donc membres; nous avons été élus. Je siège au conseil d’administration. Nous pensons que c’est le meilleur mécanisme pour construire rapidement des logements pour les Autochtones en milieu urbain, sous l’impulsion de la collectivité.
Le sénateur Dalphond : Merci.
Le sénateur Boudreau : Ma question s’adresse à Habitat. Dans ma vie antérieure, j’étais directeur général d’une municipalité du Nouveau-Brunswick, et nous avons mené un très bon projet avec Habitat. Tout s’est très bien passé. Je voudrais approfondir un peu un point que vous avez mentionné. Vous avez dit que la plupart des municipalités feront don du terrain pour que le projet puisse démarrer. Les petites municipalités n’ont pas beaucoup de terrains à donner, n’est-ce pas? Nous avons pu donner une parcelle de terrain. Nous avons construit un duplex, c’était formidable, et le projet s’est très bien déroulé.
Lorsque les municipalités présentent une demande dans le cadre de programmes fédéraux, le coût du terrain n’est jamais un coût admissible, n’est-ce pas? Donc, si une municipalité souhaitait présenter une demande dans le cadre d’un programme fédéral afin d’obtenir de l’aide pour acheter un terrain afin de pouvoir ensuite conclure un partenariat avec un organisme comme Habitat, verriez-vous une justification pour une exemption à cette règle ou à cette politique stipulant que le coût du terrain n’est pas un coût admissible dans le cadre de ces programmes fédéraux?
M. Barata : Cela ressemble à une question de ninja politique.
Mme Lavoie : Encore une fois, c’est une excellente question. Le rôle des municipalités ne peut être sous-estimé, pas plus que l’importance de ces partenariats. Nous avons obtenu de grands succès au Nouveau-Brunswick avec nos collègues là-bas.
Avec les municipalités, oui. Plus les coûts admissibles sont souples et plus les fournisseurs non commerciaux comme Habitat et d’autres ont la possibilité de créer une relation efficace avec la municipalité et le financement pourra être mis en œuvre pour y parvenir, mieux ce sera. Donc, oui, il serait formidable que les coûts du terrain soient admissibles, ou que les coûts d’immobilisations, les coûts des activités de préaménagement, soient admissibles. Il y a beaucoup à faire avant même de pouvoir dire : « Oui, construisons ce projet ». Ensuite, il y a évidemment les coûts standard de construction et d’investissement, que le gouvernement fédéral semble tout à fait disposé à financer, d’après ce que nous avons vu. Il y a évidemment les coûts de renforcement des capacités, tant chez le fournisseur que pour s’assurer que les municipalités sont bien outillées pour prendre le relais lorsque nous accélérons et intensifions le développement. Donc oui.
Mme Formsma : Nous sommes confrontés au même problème, à savoir que l’achat d’un terrain n’est pas considéré comme une dépense admissible. Nous pouvons donc acheter la cabane qui tombe en ruine sur le terrain, et peut-être que le terrain est inclus dans l’achat de la cabane. Je prends un exemple ridicule juste pour souligner que c’est aussi un problème pour nous.
Les autres critères d’admissibilité ne s’appliquent pas non plus à une situation où nous voulons construire en briques et en mortier — nous avons donc d’abord besoin du logement — mais nous avons également besoin de la main-d’œuvre qui soutient les locataires et veille à ce que ce logement reste sûr, et nous avons également besoin de logements avec services de soutien. Nous examinons également certains modèles, et nous avons des modèles en cours de construction ou déjà construits qui intègrent les entités de prestation de services directement dans les logements. C’est source de confusion, car les responsables ne savent pas dans quelle catégorie les classer. Nous parlons du logement comme d’un spectre, mais nous le considérons comme un réseau. Il ne s’agit pas simplement d’aller d’un point à un autre. Il s’agit en fait d’un réseau qui peut se manifester de nombreuses façons différentes et créatives, qui sont toutes admissibles.
M. Barata : Je sais que des fonctionnaires fédéraux ont comparu devant vous la semaine dernière et ont décrit la première phase, le déploiement, de la Société immobilière du Canada, les cinq ou six sites. Pour la première phase, il a été décidé que les 5 000 logements seront tous destinés à la location. C’est ainsi.
Cependant, nous savons que d’autres phases de la Société immobilière du Canada seront mises en œuvre. Les fonctionnaires fédéraux, lorsqu’ils ont comparu devant vous, ont déclaré qu’ils souhaitaient conserver la propriété de la plupart de ces terrains, mais il est possible que des exploitants à but non lucratif achètent certains de ces terrains. L’une des grandes occasions qui s’offrent à nous, alors que la Société immobilière du Canada continue de déployer ses options foncières, est de réserver une partie de la Société immobilière du Canada — pas forcément 50 % — qui serait disponible pour l’accession à la propriété abordable, car cela accélérerait notre modèle et serait dans l’intérêt de tous.
[Français]
La sénatrice Hébert : Ma question s’adresse à l’Association nationale des centres d’amitié. Je suis désolée, c’est un dossier que je ne connais pas très bien et que j’essaie de comprendre.
Quels sont les facteurs de succès que l’on devrait considérer avec le programme Maisons Canada pour que vous puissiez dire que cela vous aide dans votre mission et dans les objectifs que vous poursuivez? Autrement dit, avez-vous l’impression que Maisons Canada vous aidera à atteindre vos objectifs? Si oui, sous quelles conditions serait-ce le cas pour les communautés que vous représentez?
[Traduction]
Mme Formsma : Je demanderais également à Stacey Howse de donner son avis, car c’est elle qui gère les logements, comme je l’ai mentionné.
On compte plus de 100 centres d’amitié à travers le Canada, d’un océan à l’autre, dans chaque province et territoire. Nous sommes le plus grand fournisseur de services aux Autochtones du pays, offrant des services à plus d’un million de personnes chaque année. Nous avons constaté que la prestation de services et de programmes ne suffit pas; en fait, de plus en plus de centres d’amitié se lancent dans le logement, sur une base d’urgence, de transition et de soutien — pas vraiment au prix courant, mais au moins plus proche de celui-ci.
Nous craignons que si le programme Maisons Canada ne tient pas compte de la réalité des Autochtones en milieu urbain, nous risquions d’être complètement laissés pour compte. Nous servons la plus grande population autochtone en milieu urbain sans avoir accès aux ressources nécessaires pour répondre adéquatement à ses besoins, alors que la demande augmente.
Nous sommes optimistes, mais nous ne savons pas encore très bien comment nous nous inscrivons dans ce tableau.
Mme Howse : Je reviens aux services intégrés. Par exemple, nous avons conclu un accord opérationnel avec une autre organisation gérée par l’Église unie du Canada. Elle avait lancé un projet de logements dans ce qui est aujourd’hui l’un de nos sites, avec pour objectif de fournir des logements abordables. Cependant, elle s’est rapidement rendu compte que les personnes qui avaient besoin de logements abordables avaient d’autres besoins qu’elle n’était pas en mesure de combler; il y avait de nombreuses lacunes.
La situation était assez tendue. En tant qu’organisation autochtone travaillant avec des personnes en situation précaire, nous avons l’expérience de ces situations et nous savons que le facteur de réussite est le soutien global, le réseau, comme Jocelyn Formsma l’a mentionné. C’est exactement ce que les centres d’amitié sont en mesure de faire.
Mme Duke : J’aimerais ajouter qu’aujourd’hui, 60 % des Autochtones vivent en milieu urbain, et Statistique Canada prévoit que d’ici 2036, il y aura 1,5 million d’Autochtones en milieu urbain.
[Français]
La sénatrice Hébert : Merci.
Le président : Il reste deux minutes. Sénateur Cardozo, maintenant c’est moi qui vous cède mon temps de parole.
[Traduction]
Le sénateur Cardozo : Je tiens à revenir sur ce dernier point. En chiffres, pouvez-vous nous dire combien d’Autochtones vivent dans les centres urbains par rapport à ceux qui vivent dans les réserves?
Mme Duke : C’est 60 %.
Le sénateur Cardozo : Donc, 60 % des Autochtones vivent dans les centres urbains.
Mme Formsma : À l’échelle nationale. Dans certaines régions, ce pourcentage peut varier entre 50 et 85 %.
Le sénateur Cardozo : Ce serait le cas, par exemple, dans les villes de la Saskatchewan?
Mme Formsma : Oui, dans de nombreuses régions nordiques de la plupart des provinces, comme le nord de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan.
Le sénateur Cardozo : Merci.
Le président : Le dernier mot revient au sénateur Forest.
[Français]
Le sénateur Forest : Les Centres d’amitié autochtones du Québec recommandaient que l’ensemble des sommes prévues dans Maisons Canada soit consacré aux situations problématiques en milieu urbain. Est-ce que vous partagez cet avis?
[Traduction]
Mme Formsma : Je ne peux pas me prononcer explicitement sur la recommandation dont vous parlez. Je ne la connais tout simplement pas. Notre section locale au Québec, Le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec, dispose d’une branche dédiée au logement et construit actuellement des logements étudiants dans au moins trois ou quatre collectivités. Il s’agit de la Société immobilière du Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec, ou SIRCAAQ. Je vous invite à vous renseigner sur leurs recommandations concernant la réalité québécoise, car ils connaissent très bien ce milieu. Ils ont une très bonne expérience à faire valoir.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci beaucoup.
Le président : Cela met fin à notre séance d’aujourd’hui. Notre prochaine réunion aura lieu à 9 heures, le 4 novembre, une journée bien spéciale dans le monde des finances. Merci beaucoup aux témoins.
(La séance est levée.)