LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 4 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), pour examiner, afin d’en faire rapport, les programmes et initiatives fédéraux visant à soutenir la création de logements.
Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour, honorables sénateurs et sénatrices. Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices et aussi à tous les Canadiens qui nous suivent sur sencanada.ca. Je m’appelle Claude Carignan, je suis un sénateur du Québec et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant demander à mes collègues de se présenter.
Le sénateur Forest : Bonjour, tout le monde. Éric Forest, de la division du Golfe, au Québec.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Kingston : Joan Kingston, Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Ross : Krista Ross, Nouveau-Brunswick.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, du Québec.
La sénatrice Oudar : Manuelle Oudar, du Québec. Je remplace aujourd’hui la sénatrice Hébert.
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.
Le sénateur Gignac : Clément Gignac, division de Kennebec, au Québec.
Le président : Honorables sénateurs, nous continuons aujourd’hui notre étude sur les initiatives et programmes fédéraux visant à soutenir la création de logements.
Nous sommes heureux d’accueillir Kevin Lee, chef de la direction, Association canadienne des constructeurs d’habitations, ainsi que Jeffrey Hudson Rankin, professeur, titulaire de la chaire de recherche en génie civil et directeur exécutif du Centre de recherche sur la construction hors site, Université du Nouveau-Brunswick. Nous accueillons également, du Bureau d’assurance du Canada, Liam McGuinty, vice‑président, Affaires fédérales, et Margot Whittington, gestionnaire, Politique climatique.
J’ai utilisé mon pouvoir discrétionnaire de président pour regrouper les deux groupes de témoins. Nous devions accueillir deux groupes pour une durée d’une heure chacun. Un groupe s’est désisté, alors j’ai invité le Bureau d’assurance du Canada à se joindre au premier groupe. Nous pourrons nous rendre à la limite de deux heures si nous avons assez de questions et de commentaires. Cela nous assurera une plus grande flexibilité et nous évitera de créer de la pression sur nos témoins afin de bien avoir leur point de vue. J’invite donc MM. Lee, Rankin et McGuinty à prononcer leurs déclarations préliminaires. Vous avez un maximum de cinq minutes chacun.
[Traduction]
Kevin Lee, chef de la direction, Association canadienne des constructeurs d’habitations : L’Association canadienne des constructeurs d’habitations, l’ACCH, représente plus de 8 500 entreprises membres dans tout le pays, dans la construction résidentielle, l’aménagement foncier et la rénovation, ainsi que les fournisseurs et prestataires de services qui soutiennent le secteur de la construction résidentielle. Les membres de l’ACCH sont principalement de petites entreprises qui construisent des immeubles de faible hauteur, de hauteur moyenne et de grande hauteur destinés à la vente ou à la location.
L’ACCH vient de publier les résultats de son indice du marché de l’habitation pour le troisième trimestre de 2025. Cet indice est un indicateur avancé de la santé actuelle et future du secteur de la construction résidentielle. Or, il laisse apparaître de nouvelles perspectives historiquement basses pour ce qui est des mises en chantier, quel que soit le type de logements destinés à la propriété. Ces résultats médiocres laissent présager une nouvelle baisse du nombre des mises en chantier.
Le nombre de mises en chantier de logements destinés à la propriété continue de baisser à l’échelle nationale. En 2021, 70 % des mises en chantier concernaient des logements destinés à la propriété, contre seulement 50 % aujourd’hui. En Ontario, depuis 2021, elles ont baissé de 30 000 unités en cumul annuel. Cela tient au manque de confiance des consommateurs à l’heure actuelle, mais aussi à l’augmentation des coûts de construction et à la fiscalité punitive à tous les paliers de gouvernement, quand bien même le gouvernement a déclaré qu’il faut construire plus de logements pour remédier à la pénurie de logements au Canada. Pour dire les choses simplement, nous ne pouvons pas doubler le nombre de mises en chantier de logements, si le Canada n’a pas les moyens de permettre aux Canadiens d’acheter des logements.
Le Rapport sur l’offre de logements, automne 2025 de la Société canadienne d’hypothèques et de logement le confirme en déclarant :
... le recul des mises en chantier de logements avec entrée privée dans les marchés où les coûts sont élevés [...] pourrait se traduire à plus long terme par une baisse des taux d’accession à la propriété et un ralentissement prolongé des mises en chantier d’habitations.
L’objectif de cette étude étant d’examiner la création de logements, il est important de faire la distinction entre les logements abordables et l’accessibilité du logement. Le logement abordable désigne généralement les logements subventionnés dont le loyer est inférieur à celui du marché. L’accessibilité du logement, en revanche, concerne les logements au prix du marché que les gens peuvent se permettre de louer ou d’acheter par eux-mêmes. Dans le contexte actuel de crise du logement, tout le continuum du logement est sous tension.
Nous devons soutenir les personnes qui ont un besoin impérieux de logement et fournir des logements locatifs à la portée des Canadiens. Cependant, les Canadiens veulent aussi, et à bon droit, pouvoir un jour acheter leur propre logement, s’ils ont un bon emploi et travaillent dur. Or, le Canada ne peut pas doubler le nombre de mises en chantier si le pays ne peut pas tirer parti du pouvoir des familles canadiennes d’investir dans l’achat de leur propre logement.
Le gouvernement doit aussi recentrer l’accessibilité du logement sur les propriétés au prix du marché, car les politiques et les conditions du marché font s’éloigner ce rêve.
Cela m’amène à parler du programme Maisons Canada, qui se concentrera sur les logements subventionnés. Il est certes important de construire plus de logements hors marché, mais il est essentiel aussi que, parallèlement, le gouvernement déploie de réels efforts pour améliorer l’accessibilité du logement bien au-delà du programme Maisons Canada, afin de doubler le nombre de mises en chantier de logements au prix du marché, où vivent 95 % des Canadiens. Pour mettre les choses en perspective, le programme Maisons Canada s’est fixé pour objectif une première tranche 4 000 logements. C’est une bonne chose pour les logements subventionnés, mais cela représente moins de 1 % des 500 000 logements de tous types que nous devons construire chaque année, selon le gouvernement.
On estime que le programme Maisons Canada pourrait construire jusqu’à 45 000 autres logements sur les terres de la Couronne par la suite. Encore une fois, c’est une bonne chose pour les logements subventionnés, mais cela représente moins de 1 % des 5 millions de logements que la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL, estime nécessaires au cours des 10 prochaines années. Bien au-delà du programme Maisons Canada, il faudra des changements politiques continus pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement fédéral.
La dynamique créée par des initiatives fédérales précédentes, comme le Plan du Canada sur le logement de 2024 — qui prévoyait des mesures politiques importantes pour soutenir l’accession à la propriété —, s’est essoufflée en 2025, le gouvernement se concentrant plutôt sur les logements subventionnés. Par exemple, l’exonération de la TPS promise aux primo-accédants n’a toujours pas été adoptée, ce qui, depuis quelques mois, met des acheteurs sur la touche et freine la construction. Il est essentiel d’adopter sans tarder le projet de loi C-4 et d’élargir l’exonération de la TPS à tous les acheteurs, surtout dans des provinces comme l’Ontario, où quelque 64 % des constructeurs licencient actuellement des travailleurs.
En outre, il est urgent de réformer les taxes d’aménagement locales, qui ont augmenté de plus de 700 % au cours des 20 dernières années. Les provinces et les municipalités doivent tenir leur engagement de réduire les taxes d’aménagement et il doit s’y ajouter des mesures destinées à inciter les municipalités à adopter à l’avenir d’autres modèles de financement, afin de remplacer les taxes d’aménagement qui pèsent injustement sur les acheteurs d’habitations neuves tout en profitant au reste de la collectivité.
Parmi les autres mesures nécessaires figure celle qui concerne le test de résistance hypothécaire, qui n’est toujours pas prise. Ne pas soutenir comme il faut les travailleurs dont le secteur a besoin et ne soutenir que les syndicats et les métiers Sceau rouge continue de poser un problème, tout comme le système d’immigration, qui ne permet pas de faire venir les personnes compétentes pour construire des logements.
Il faut arrêter de modifier sans cesse le Code national du bâtiment, car tous ces changements rendent des logements déjà de bonne qualité encore plus coûteux. L’accessibilité doit être ajoutée comme objectif fondamental du Code national du bâtiment. Et si le passage à une construction davantage préfabriquée peut contribuer à la productivité, il est crucial de comprendre quels sont les véritables obstacles à un investissement accru dans ce domaine et les éliminer. À ce sujet, je renvoie le comité à la stratégie de transition sectorielle de l’ACCH.
Ce ne sont là que quelques-uns des domaines essentiels qui doivent être traités pour vraiment augmenter l’offre de logements. Sans une amélioration continue des politiques de soutien aux logements au prix du marché, y compris à l’accession à la propriété, l’incapacité d’acheter entraînera une forte baisse de la construction de logements, accentuera la pression sur les logements locatifs et sociaux, et creusera le fossé entre la minorité qui peut accéder à la propriété et ceux qui ne le peuvent pas.
Je vous remercie encore de m’avoir invité et d’avoir entrepris cette étude. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Jeffrey Hudson Rankin, professeur et chaire de recherche en génie civil, et directeur exécutif du Centre de recherche sur la construction hors site, Université du Nouveau-Brunswick, à titre personnel : Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant le comité aujourd’hui. J’apprécie l’occasion qui m’est donnée et je suis heureux d’apporter mon écot.
Je concentrerai mes observations préliminaires sur un aperçu de mon point de vue et de quelques-unes des organisations que je représente.
Je suis professeur de génie civil et titulaire d’une chaire de recherche en génie et gestion de la construction, ainsi que directeur exécutif d’un centre de recherche à l’Université du Nouveau-Brunswick, l’UNB. Je préside actuellement la Société canadienne de génie civil.
Mon expérience professionnelle concerne les pratiques de construction de bâtiments. Au début de ma carrière, j’ai fait partie de l’équipe de conception et de construction qui a réalisé le pont de la Confédération. Le lien avec les sujets traités aujourd’hui est que ce projet figure parmi les premiers partenariats public-privé au Canada. Il a mis à profit une approche manufacturière dans la conception et la construction et a donné lieu à des innovations importantes pour la réalisation d’un grand ouvrage d’infrastructure publique.
Mon doctorat à l’Université de Colombie-Britannique portait sur les technologies numériques dans la construction, et j’ai plus de 25 ans d’expérience dans la recherche industrielle sur l’adoption et la mise en œuvre de pratiques et de technologies de pointe. Mon point de vue aujourd’hui est donc celui d’un chercheur en génie civil.
Le Centre de recherche sur la construction hors site de l’Université du Nouveau-Brunswick, l’OCRC, qui a été créé en 2018, a un comité consultatif composé de professionnels qui représentent quelques-uns des plus grands promoteurs, entrepreneurs généraux, concepteurs et fabricants de l’industrie de la construction de bâtiments du Canada. L’OCRC a collaboré et collabore avec plus de 70 organisations partenaires de l’industrie sur des sujets liés à la construction hors site, notamment dans les technologies numériques, la conception, les processus de fabrication et de construction et les produits de construction.
Le centre travaille en constante collaboration avec des chercheurs et des associations de l’industrie à l’échelle nationale et internationale. De plus, il soutient la coordination d’une commission de travail, au sein de l’International Council for Research and Innovation in Building and Construction mandaté par l’ONU, afin de partager les leçons apprises dans le monde en matière de construction hors site.
La Roadmap to Transform the Canadian Construction Industry through Industrialized Construction, Research and Innovation, publiée en avril de cette année en partenariat avec le Conseil national de recherches Canada, le CNRC, est un exemple du travail accompli par le centre à une échelle nationale. Cette feuille de route propose 22 solutions aux obstacles relatifs aux cadres stratégiques et réglementaires, aux modèles d’approvisionnement, aux services financiers et d’assurance, à la sensibilisation et à la collaboration, aux capacités et aux compétences en matière de construction hors site, ainsi qu’à la recherche et au partage de données.
Beaucoup au gouvernement fédéral mentionnent cette feuille de route, et nous mettons en œuvre certaines des solutions proposées. Nous menons aussi un exercice plus complet sur l’offre de logements dans les provinces de l’Atlantique, en collaboration avec les associations de constructeurs, les offices de logement et les écoles d’ingénieurs de toutes les provinces de la région.
La Société canadienne de génie civil, la SCGC, est une société savante à but non lucratif créée pour définir et maintenir des normes élevées en matière de pratique du génie civil au Canada. Elle compte parmi ses membres des spécialistes et des chercheurs. La SCGC est également un organe de liaison national pour une cinquantaine de chercheurs universitaires en génie et gestion de la construction au Canada.
Ces chercheurs ont formé un groupe de travail appelé Rethinking Construction in Canada, afin de s’exprimer d’une seule voix au sujet de l’approvisionnement, de la transformation numérique, de la robotique et de l’industrialisation au sein de l’industrie de la construction.
Dans leur réponse au document Maisons Canada : Guide de sondage du marché, ils soulignent les possibilités de soutenir l’innovation axée sur la recherche pour ce qui est des autres solutions d’approvisionnement et de réalisation de projets, ainsi que des méthodologies et technologies innovantes en matière de processus et de produits, afin d’aider à surmonter les insuffisances des approches conventionnelles de la construction en accélérant l’innovation.
On ne saurait trop insister sur le fait que, pour répondre aux besoins en matière de logement au Canada et, plus largement, pour réaliser les projets d’intérêt national, il faut transformer en profondeur la manière dont nous concevons, construisons et livrons les infrastructures. Autrement dit, la tâche est complexe. Cependant, d’après notre examen de l’information publiée sur le programme Maisons Canada et nos interactions avec les personnes qui y participent jusqu’ici, nous sommes optimistes sur bon nombre des orientations indiquées. Le centre de recherche de l’UNB et la Société d’ingénierie civile entretiennent des relations continues avec des entités fédérales afin d’apporter leur soutien à mesure que les objectifs du programme Maisons Canada prennent forme.
En supposant que le programme Maisons Canada serve d’organisme catalyseur doté de conseillers, la communauté canadienne de l’ingénierie et de la recherche en construction peut apporter sa vision globale et à long terme de la planification, de la conception, de la fabrication, de la construction et de la gestion des actifs d’infrastructure. Nous continuerons de soutenir l’innovation, de recueillir et d’analyser des données, afin de réduire l’incertitude et les risques, de repérer et de partager des pratiques exemplaires, de mobiliser les connaissances et d’encourager la transformation nécessaire.
Je vous remercie.
Le président : Je vous remercie. Monsieur McGuinty?
Liam McGuinty, vice-président, Affaires fédérales, Bureau d’assurance du Canada : Bonjour. Je suis heureux d’être ici aujourd’hui au nom du Bureau d’assurance du Canada, le BAC. Notre association nationale représente la grande majorité des sociétés d’assurance habitation, automobile et entreprise du Canada. Notre pays devient un endroit plus risqué où vivre, travailler et s’assurer. Nous assistons à des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et de plus en plus graves.
L’année 2024 a été la pire année jamais enregistrée au Canada, avec des dommages assurés causés par des catastrophes naturelles dépassant les 9 milliards de dollars. Au cours des 20 dernières années, les sinistres annuels moyens assurés causés par des catastrophes naturelles ont augmenté de près de 370 %. Pour mettre les choses en perspective, l’inflation au cours de la même période était plus proche de 50 %.
L’été dernier, les phénomènes météorologiques extrêmes ont donné lieu à environ 220 000 demandes d’indemnisation en l’espace d’un mois. En comparaison, sur l’ensemble de l’année précédente, les Canadiens ont présenté 160 000 demandes d’indemnisation. Les assureurs multirisques canadiens sont conscients depuis plusieurs années des répercussions des phénomènes météorologiques violents. Ils ont alerté les gouvernements, proposé des solutions stratégiques et une tarification, géré les risques de catastrophes naturelles.
Parallèlement à l’augmentation des risques liés aux catastrophes naturelles, le Canada connaît une crise du logement. Si ces deux problèmes ne sont pas traités conjointement, il en coûtera des milliards de dollars au Canada.
Le lancement par le gouvernement fédéral du programme Maisons Canada, qui vise à construire 3,9 millions de nouveaux logements d’ici 2031, est ambitieux et bienvenu. Nous convenons que l’accessibilité du logement est essentielle, mais le logement le plus coûteux est celui que nous devons reconstruire. Un nouveau logement situé dans une plaine inondable n’est pas abordable, si les primes d’assurance atteignent des sommets. Un logement locatif subventionné dans une région sujette aux feux de forêt n’est pas abordable, si les familles sont contraintes d’évacuer chaque année et perdent leur maison et leurs biens dans un feu en plein été.
Selon l’Institut climatique du Canada, si nos politiques en matière de logement ne changent pas, le Canada pourrait finir par construire 540 000 nouveaux logements dans des zones à haut risque d’inondation et 220 000 autres dans des zones exposées à de graves feux de forêt. Il en résulterait jusqu’à 3 milliards de dollars de dommages matériels et de pertes supplémentaires par an. Cette situation représenterait, de plus, un risque immense pour la vie de Canadiens.
Que faut-il faire? Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de premier plan pour ce qui est de rendre le Canada plus résilient face aux changements climatiques. C’est le message du BAC et d’organisations telles qu’Un Canada résistant au climat, coalition nationale composée d’assureurs, de municipalités, d’organisations autochtones, d’ONG et d’organismes de recherche.
Les principales mesures que nous proposons sont simples. Premièrement, nous devons construire aux bons endroits et comme il faut. Au moment où le gouvernement fédéral se prépare à construire rapidement de nouveaux logements dans tout le pays, nous devons nous attacher à protéger les Canadiens. Cela signifie que les fonds fédéraux destinés au logement doivent être assortis de conditions bien définies. Il ne doit y avoir aucun financement fédéral pour de nouveaux logements situés dans des plaines à risque élevé d’inondation ou dans des zones à risque élevé de feux de forêt. Autrement dit, il ne doit pas y avoir de solutions à court terme qui créent des obligations à long terme. Il nous faut des codes du bâtiment nationaux et provinciaux modernisés qui tiennent compte de l’évolution du climat.
Deuxièmement, nous devons créer les conditions d’une construction intelligente des logements en investissant dans les infrastructures municipales. Le Canada souffre d’un énorme déficit infrastructurel chiffré à 270 milliards de dollars. Nous parlons de l’écart entre l’état actuel des infrastructures et les investissements nécessaires pour répondre aux demandes futures. Les municipalités possèdent et entretiennent la plupart des infrastructures du pays, mais leurs moyens financiers sont limités. Le gouvernement fédéral devrait augmenter sans tarder le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, le FAAC, destiné à aider les projets d’infrastructure publique à mieux résister aux catastrophes liées au climat.
Troisièmement et enfin, nous devons donner aux Canadiens les moyens de se protéger. Il va y avoir plus souvent des catastrophes naturelles.
Les Canadiens peuvent mieux se protéger s’ils comprennent mieux les risques auxquels ils sont exposés. Le gouvernement fédéral devrait donc mettre immédiatement en ligne son portail des cartes de zones inondables et l’élargir aux zones à risque élevé de feux de forêt et de grêle.
Ce portail servira de ressource aux Canadiens pour faire des choix éclairés quant à leur lieu de résidence. Le portail est prêt, il ne reste plus qu’à le lancer.
Je vous remercie de m’avoir invité à m’adresser à vous aujourd’hui. Nous attendons vos questions avec impatience.
[Français]
Le président : Merci beaucoup pour vos trois présentations.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Monsieur Lee, vous avez parlé de bien des sujets dans vos observations préliminaires. J’ai lu votre mémoire présenté dans le cadre des activités de consultation prébudgétaire. Il contenait de nombreuses propositions. La plupart d’entre elles sont du ressort du gouvernement fédéral, mais je doute qu’il soit question de tout dans le budget cet après‑midi. Vous serez donc comme nous : vous attendrez de voir ce qu’il contient. Pouvez-vous nous donner une idée de vos priorités?
M. Lee : Je vous remercie de votre question. La situation est fort complexe. Il n’y a pas de solution miracle. Nous devons l’aborder sous différents angles. Nous avons créé le problème à tellement d’égards que nous devons le résoudre. Pour répondre à votre question sur mes priorités, face à l’énorme crise du logement et à l’impact de la guerre commerciale qui pèse aussi sur la confiance des consommateurs, nous avons besoin de mesures qui auront un effet immédiat et durable.
Deux choses me viennent immédiatement à l’esprit. La première est l’exonération de la TPS et son élargissement à tous les acheteurs. Sous sa forme actuelle, elle aidera les primo‑accédants, mais ils ne représentent qu’une petite partie du marché. Nous devons l’élargir à tous les acheteurs, afin d’encourager la construction, de permettre aux acheteurs qui veulent mieux se loger de libérer leur logement d’entrée de gamme, et de permettre aux personnes âgées vivant dans des logements familiaux de déménager dans des logements plus petits, ce qui entraînera de nouvelles constructions et libérera des logements.
L’autre point important, que j’ai évoqué dans mes observations, est que les taxes d’aménagement ont considérablement augmenté dans la plupart des grands centres urbains canadiens. En Ontario, elles représentent aujourd’hui plus de 30 % du prix d’un logement neuf et il s’agit, pour l’essentiel, de droits d’aménagement.
Si l’on s’attaque immédiatement à ces questions, l’effet sur l’abordabilité sera direct et immédiat. Cela ne veut pas dire que les municipalités n’ont pas besoin de trouver d’autres sources de recettes. Malheureusement, elles utilisent les taxes d’aménagement pour taxer les nouvelles constructions de manière inéquitable, alors que ces taxes devraient être réparties sur l’ensemble de l’assiette fiscale.
Nous devons réduire ces montants, puis collaborer avec les municipalités pour trouver d’autres moyens — et ils sont nombreux — de réussir à financer leurs infrastructures sans imposer de fardeau aux nouveaux propriétaires. Ce sont là quelques-unes des priorités.
La sénatrice Marshall : Souhaitez-vous, par conséquent, que le projet de loi C-4 soit adopté dès que possible?
M. Lee : Le projet de loi C-4 doit être adopté sans tarder et, idéalement, élargi à tous les acheteurs. En tout cas, il doit être adopté sans tarder, car le fait qu’il n’ait pas été adopté au printemps a entraîné un ralentissement des ventes de logements neufs, et donc de la construction, tout au long de l’été, pendant une période catastrophique.
La sénatrice Marshall : Tout le monde attend. Monsieur Rankin, vous faites partie du groupe de génie civil. Je crois que vous avez qualifié les habitations modulaires dont tout le monde parle — ou du moins dont le gouvernement parle — de constructions hors site. Que dit la recherche à ce sujet? Ce type d’habitation résistera-t-il aux hivers canadiens? Je pense aux observations des assureurs.
Pouvez-vous nous donner des indications récentes sur l’aspect pratique des habitations modulaires et de la construction hors site?
M. Rankin : Bien sûr. Il n’y a essentiellement aucun changement dans les codes et les normes qui sont suivis pour répondre à ces critères. Il s’agit davantage du processus.
L’autre chose à clarifier, c’est qu’il existe toute une gamme de techniques d’automatisation ou de construction hors site. Quand les gens parlent de construction modulaire, ils font généralement référence à une boîte volumétrique, mais il existe d’autres étapes qui permettent de fabriquer les éléments d’une maison dans un environnement contrôlé.
Pour ce qui est des résultats généraux, ce type de construction accélère considérablement la livraison. Il offre un environnement plus sûr pour les travailleurs. Il est plus facile de contrôler ce processus, ce qui se traduit par un produit final de meilleure qualité.
La sénatrice Marshall : Êtes-vous en train de dire que le produit final de la construction sur site est aussi bon, voire meilleur, que celui obtenu avec la méthode traditionnelle de construction de logements?
M. Rankin : Il est aussi bon, c’est certain.
La sénatrice Marshall : Vous dites qu’il serait aussi bon, voire meilleur.
M. Rankin : Je dirai meilleur, mais encore une fois, comme nous concevons et construisons tous conformément au Code national du bâtiment et aux normes applicables aux logements, il n’y a donc aucune différence à cet égard. Cependant, il offre de meilleures possibilités.
[Français]
Le sénateur Forest : On dit souvent qu’un problème identifié est presque à 50 % résolu. Ma question s’adresse à MM. Lee et Rankin. Depuis 2020, les coûts de construction ont augmenté de 40 à 60 % pour les maisons unifamiliales selon les régions au Canada. Seulement en 2024-2025, l’augmentation a été de 10 à 13 %. Qu’est-ce qui motive cette augmentation? On sait que les coûts de construction d’une maison neuve peuvent être estimés à environ 50 % pour le coût de main-d’œuvre et à 50 % pour les matériaux. Pourquoi voit-on cette flambée incontrôlable des coûts de construction des résidences unifamiliales? Si le coût demeurait accessible, on ne vivrait pas la situation actuelle. Est‑ce le coût des matériaux ou la rareté de la main-d’œuvre qui explique cette augmentation si importante?
M. Lee : En réalité, c’est l’ensemble. C’est à la fois la main‑d’œuvre et les matériaux. Depuis 2021, à cause de la pandémie, tout a changé.
[Traduction]
Tout d’abord, le coût de main-d’œuvre a nettement augmenté, et presque tous les matériaux sont plus chers aussi, pour diverses raisons. Pendant la pandémie, nous avons beaucoup entendu parler de la hausse spectaculaire du prix du bois d’œuvre. Ce prix a quelque peu baissé, mais il n’est pas revenu à son niveau d’avant la pandémie.
Parallèlement, le prix de tous les autres matériaux de construction a augmenté à cause de problèmes de chaîne d’approvisionnement, du coût de main-d’œuvre et du coût des matières premières. L’indice du marché de l’habitation que nous publions chaque trimestre montre que le coût des matériaux pour une maison moyenne de 2 500 pieds carrés au Canada a augmenté d’environ 100 000 $.
C’est exorbitant, et il s’y ajoute les taxes municipales d’aménagement que je mentionnais plus tôt. Elles constituent un véritable problème. Nous avons à l’ACCH un conseil de la construction modulaire qui se concentre sur la construction hors site et en usine, mais tous les types de construction sont concernés. Comme la dit M. Rankin, il s’agit simplement d’une autre forme de construction. Il ne faut pas considérer les habitations modulaires comme un type de logement, mais comme un type de construction, car on peut tout bâtir hors site.
En tout cas, tous ces coûts ont augmenté et ils ne baissent pas.
[Français]
Le sénateur Forest : Actuellement, compte tenu de cette réalité des coûts qui augmentent beaucoup, est-ce que l’industrie de la construction est à la recherche de meilleures techniques de construction, de façons de récupérer des matériaux et d’efforts soutenus qui nous permettraient d’avoir un impact désinflationniste sur nos coûts?
[Traduction]
M. Lee : Le grand défi réside dans le fait que les constructeurs d’habitations, et même les promoteurs, sont généralement des assembleurs, et non des développeurs, de technologies.
Nous dépendons vraiment des fabricants de composants particuliers pour réaliser des économies importantes. Cela dit, on prend continuellement toutes sortes de mesures pour essayer de réduire les coûts de construction. De toute évidence, la taille des maisons est le premier élément que nous voyons diminuer au fil du temps. Il est possible de changer les matériaux, les finitions, etc., ce qui se passe aussi.
L’autre grand défi est que le code du bâtiment continue de rendre la construction de plus en plus coûteuse. Nous pouvons discuter des améliorations à apporter pour construire de meilleures maisons de toutes sortes de façons, mais nous devons nous assurer de trouver un équilibre entre l’abordabilité et les autres aspects positifs que nous essayons d’atteindre, et veiller à le faire de la bonne manière.
[Français]
Le sénateur Forest : Vous parliez plus tôt des redevances aux municipalités. L’un des gros problèmes qui existent, c’est que les municipalités ne touchent que 7 % de tous les impôts au Canada. Ce sont les municipalités qui fournissent et gèrent les rues, les infrastructures et les équipements communautaires pour attirer les gens qui viennent s’y installer. Comment pouvons‑nous faire en sorte que, en enlevant la redevance, le promoteur n’aille pas chercher l’écart qui vient de se libérer? Ultimement, c’est le promoteur qui récupérera cet écart de profit, donc on n’est pas plus avancé.
[Traduction]
M. Lee : J’entends souvent dire cela. Vous n’êtes, en effet, pas le seul à le dire. Je pense que c’est un point de vue très regrettable.
En réalité, c’est le marché qui s’en charge tout naturellement. Il n’est pas vrai que les promoteurs facturent plus cher dans les endroits où les taxes d’aménagement ne sont pas élevées, parce qu’il n’y a pas de taxes d’aménagement. À l’heure actuelle, ce que l’on constate avec des taxes d’aménagement élevées, c’est une baisse des mises en chantier de logements. C’est une équation du type oui ou non. Il faut que les taxes d’aménagement baissent, et ce sera autant de moins sur le prix des maisons, et nous pourrons construire plus de logements.
Maintenant, la solution, bien sûr, si l’on veut vraiment que cela se produise, serait de ne pas facturer ces taxes d’aménagement aux promoteurs, car ils ne les paient pas de toute façon. Ce sont les acheteurs qui les paient. Le promoteur ne fait que les avancer. Si les municipalités souhaitent réellement s’attaquer à ce problème qu’elles facturent toutes les taxes d’aménagement directement aux acheteurs, ce qui, au fait, permettrait aux Canadiens de voir combien les municipalités taxent les acheteurs d’habitations neuves.
Cela réglerait le problème. Le résultat ne serait pas très différent, si ce n’est probablement que les municipalités seraient fortement incitées à trouver d’autres moyens de financer leurs projets. Et comme vous l’avez souligné, les municipalités ont beaucoup à payer en ce qui concerne les infrastructures, mais ce ne devrait pas être à la charge des acheteurs d’habitations neuves, comme c’est le cas actuellement. Ce devrait être réparti sur l’ensemble de l’assiette fiscale.
[Français]
Le président : Nous aurons du temps pour la deuxième ronde. Il est l’ancien président de l’Union des municipalités du Québec; c’est comme si vous aviez un chef syndical devant vous, mais pour les municipalités.
[Traduction]
Le sénateur Cardozo : J’ai quelques questions. Cette discussion est très importante.
Monsieur McGuinty, vous avez dit que le gouvernement et la société doivent se concentrer sur les problèmes liés aux changements climatiques. Je comprends votre point de vue pour ce qui est de construire dans des plaines inondables, mais je pense que vous endossez un rôle plus difficile en disant qu’il ne faut pas construire dans les zones où il y a des risques de feux de forêt ou de brousse, car cela revient à dire, par exemple, de ne pas reconstruire à Fort McMurray ou à Lytton.
Cela dit, ma question porte plus sur la manière dont vous présentez cet argument aujourd’hui, alors que l’on semble moins parler des changements climatiques, et que nous reléguons en quelque sorte le sujet au second plan pour nous concentrer sur la croissance économique, quelle qu’elle soit, sans tenir compte des changements climatiques.
M. McGuinty : Merci, sénateur, pour votre question. Je vais répondre d’abord à la première partie.
Vous avez tout à fait raison. La délimitation des plaines inondables est plus nette, mais il y a tout simplement plus de zones à haut risque d’incendie de forêt qu’auparavant. Il y a deux ans, les incendies au Canada ont détruit, en hectares perdus, une superficie équivalente à celle du Royaume-Uni.
Je pense que la distinction importante est de veiller à prendre des mesures d’atténuation si nous voulons construire dans des zones à haut risque d’incendie de forêt, comme les collectivités FireSmart, les coupe-feu et autres. Il est certain que le gouvernement peut prendre des mesures d’atténuation.
Votre deuxième question est pertinente, et c’est une question à laquelle se frottent plusieurs parties prenantes. Pour le logement, notre message est relativement simple : il faut payer la note à un moment ou à un autre, que ce soit dès le départ ou dans les primes d’assurance habitation à terme. On commence déjà à le voir, surtout dans les zones à haut risque et les zones sinistrées du Canada, notamment dans l’Ouest canadien. Dans certaines régions, les primes d’assurance habitation ont augmenté de 50 % l’année suivante.
On voit des changements dans la couverture, des réductions, franchement, et si la tendance se poursuit — et j’ai mentionné les recherches de l’Institut climatique du Canada —, ce genre de problèmes ne fera que s’aggraver.
Ce sont des décisions en matière de politique publique qui déterminent où nous voulons répartir ces coûts, mais en fin de compte, ils seront supportés par quelqu’un qui est presque toujours le consommateur.
Le sénateur Cardozo : Trouvez-vous qu’il est plus difficile d’avoir cette discussion ces jours-ci? Dans de nombreux domaines, qu’il s’agisse des services sociaux ou autres, on peut dire : « Si nous ne faisons rien maintenant, les coûts seront plus élevés à l’avenir », mais les gens ne veulent tout simplement pas parler de le faire maintenant.
Trouvez-vous difficile ce type de discussion? Trouvez-vous difficile de faire valoir cet argument à long terme?
M. McGuinty : Je pense qu’il y a actuellement un courant de pensée qui mise sur la construction. On l’entend de la part du gouvernement fédéral, mais je pense qu’il est important que nous et les autres parties prenantes — j’ai fait référence à la coalition Un Canada résistant au climat — continuions d’insister sur les ramifications à long terme.
Je ne pense pas que ce soit nécessairement une conversation difficile. Je pense qu’elle est intuitive une fois que les gens y réfléchissent un peu.
Le sénateur Cardozo : En ce qui concerne la présentation de cet argument, je n’ai pas entendu toute la discussion qui a eu lieu, mais je n’avais jamais entendu cet argument qui est extrêmement logique et raisonnable.
Lorsque vous présentez cet argument au gouvernement, les gens vous écoutent-ils?
M. McGuinty : Nous avons été très encouragés par l’engagement pris dans le programme électoral libéral fédéral au début de l’année, qui évoquait la conditionnalité des fonds fédéraux lorsqu’il s’agit d’éviter les zones à haut risque. Notre souhait pour le moment, et ce que la coalition Un Canada résistant au climat recherche, c’est une forme d’officialisation de cet engagement, dans le budget ou ailleurs.
Il ne s’agit pas seulement d’une question relevant du gouvernement fédéral, mais d’une question d’aménagement du territoire. Il s’agit du code du bâtiment. Tous les ordres de gouvernement doivent se réunir pour en discuter, et c’est pourquoi nous avons appelé à une approche globale de la société pour favoriser la résilience.
Le sénateur Cardozo : Monsieur Lee, vous avez parlé de l’immigration et de la façon de mieux attirer les bonnes personnes. Avez-vous réussi à faire venir de nombreux travailleurs grâce à l’immigration au cours des dernières années, et êtes-vous préoccupé par les réductions actuelles en matière d’immigration?
M. Lee : Non, nous n’avons pas réussi à recruter les bons travailleurs pour construire des maisons par la filière de l’immigration. Le système de points utilisé dans le cadre de l’immigration favorise en effet les personnes hautement qualifiées et diplômées. Vous savez, le Canada recherche les meilleurs talents au monde, ce qui est une bonne chose pour de nombreux emplois au Canada, mais ce n’est pas le cas pour beaucoup d’autres emplois au Canada.
Je ne sais pas si vous connaissez le système de niveaux en matière d’immigration. Nous avons principalement besoin de travailleurs de niveau inférieur, qui ne peuvent pas vraiment passer par la filière de l’immigration économique. Les programmes provinciaux sont un peu plus efficaces pour les faire venir, mais nous devons vraiment changer le programme national, non pas pour augmenter le nombre total d’immigrants, mais pour multiplier les catégories de travailleurs qui peuvent aider à construire des maisons au Canada.
Le sénateur Cardozo : Vous dites que le processus actuel se concentre davantage sur les études universitaires, par exemple, et non sur les métiers.
M. Lee : Exactement, et cela inclut les métiers les plus qualifiés, par exemple, qui ont parfois du mal à répondre aux exigences au Canada. Nous ne pouvons pas faire venir des personnes qui pourraient gravir les échelons du système, qui pourraient arriver avec une scolarité moins élevée, mais qui, avec un peu d’expérience, pourraient se faire une place dans la construction résidentielle et apporter une contribution très positive à l’économie.
Le sénateur Cardozo : Êtes-vous en mesure de délivrer le Sceau rouge aux nouveaux arrivants?
M. Lee : Non, certainement pas. Ce serait un exemple parfait.
De plus, dans la construction résidentielle, le gouvernement met actuellement l’accent sur les métiers frappés du Sceau rouge et la collaboration avec les syndicats pour construire davantage de logements. À l’extérieur du Québec, seulement 10 % des travailleurs de la construction résidentielle au Canada sont syndiqués. Bien que nous fassions appel à des apprentis et à des compagnons, la grande majorité de nos travailleurs ne sont ni l’un ni l’autre, et les chemins vers une carrière prospère dans la construction résidentielle ne passent pas vraiment par le Sceau rouge, sauf pour quelques métiers précis.
Nous devons vraiment repenser la manière dont nous fournissons correctement de la main-d’œuvre au secteur résidentiel.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie.
La sénatrice Ross : Ma question s’adresse à M. Rankin. Je voudrais savoir ce que vous considérez comme les meilleurs gains d’efficacité, pour les coûts et la main-d’œuvre — en matière d’activités hors site.
J’aimerais que vous nous donniez aussi une idée du travail que vous faites. À ce stade, s’agit-il plutôt d’une approche théorique, ou êtes-vous réellement en mesure d’aider le secteur à commercialiser ses produits et à construire des maisons, compte tenu de la pénurie que nous connaissons?
M. Rankin : Merci pour cette question. Pour répondre à la première partie de votre question, sur l’efficacité, je vais éviter la question des coûts et dire que le véritable avantage réside dans la rapidité de livraison.
Comme je l’ai mentionné, il y a une certitude pour ce qui est de la qualité du produit et de son coût. Cependant, quant à savoir si cela est compétitif pour ce qui est des coûts initiaux, l’industrie n’est pas nécessairement assez mature pour répondre à cette question, mais tout semble indiquer que oui.
Quant à savoir si notre travail est théorique, j’ai mentionné que, depuis la création du centre de recherche, nous avons travaillé avec 70 partenaires de l’industrie. Il s’agit notamment de fabricants hors site, de personnes qui cherchent à augmenter l’efficacité du processus de fabrication, à comprendre les investissements nécessaires, la séquence appropriée pour l’adoption des technologies numériques, de l’automatisation et de la robotique, et la répartition appropriée entre ce que vous faites dans le scénario de fabrication et ce que vous faites sur place. Ce sont là autant de questions auxquelles nous sommes confrontés, tant au niveau de chaque participant individuel de l’industrie qu’au niveau de l’industrie dans son ensemble.
Comme industrie, nous savons que nous devons essentiellement construire deux fois plus vite que jamais pour ce qui doit être livré dans le domaine du logement et d’autres projets d’infrastructure. Nous devons trouver une façon différente de faire les choses.
La sénatrice Ross : Cette question s’adresse à vous tous. Monsieur Lee, en réponse à la question de Mme Marshall, vous avez dit qu’il n’y avait pas de solution miracle. Cependant, compte tenu de la pénurie de logements de toutes catégories de prix, tant pour la location que pour l’accession à la propriété, et compte tenu de la baisse des mises en chantier que vous avez mentionnée, monsieur Lee, ainsi que des licenciements de travailleurs de la construction et, comme l’a mentionné M. McGuinty, de la construction de logements dans des zones à risque, quelle est, selon vous, la première chose que le gouvernement doit faire pour combler ce déficit?
M. Lee : Nous devons nous défaire de l’idée qu’il n’y a qu’une seule solution. Nous devons aborder le problème sous tous les angles, qu’il s’agisse du code du bâtiment ou de l’augmentation de la productivité. Lorsqu’on envisage de modifier le code du bâtiment pour lutter contre le changement climatique, c’est important, mais la manière de le faire l’est tout autant. En effet, les consommateurs paieront la note, mais la question est de savoir comment. Est-ce que cela concernera l’ensemble de la collectivité assurée ou chaque maison individuellement? Si cela concerne chaque maison individuellement, le coût sera très élevé, car la tornade ne s’abat pas sur toutes les maisons.
La question est donc la suivante : comment trouver cet équilibre? Nous travaillons également sur ce point. Comment déterminer ce qui doit figurer dans le code? Qu’est-ce qui doit être couvert par l’assurance? Qu’est-ce qui doit être couvert à l’échelle locale face aux incendies de forêt et aux inondations? On ne veut pas construire dans les plaines inondables, et si on le fait, on doit prendre des mesures importantes. Il s’agit d’aborder la question sous plusieurs angles. La réponse est qu’il n’y a pas une seule solution. Il faut se concentrer sur ce sujet en permanence et se concentrer sur l’ensemble du continuum.
C’est ce que je voulais dire tout à l’heure. Le programme Maisons Canada n’est pas conçu pour construire 5 millions de maisons, mais 4 000 maisons, et jusqu’à 50 000 sur des terrains fédéraux. C’est bien pour les logements subventionnés par l’État. Cependant, on est loin des 5 millions — c’est moins de 1 % —, il faut donc examiner quelles autres mesures nous pouvons prendre pour le logement locatif et comment nous pouvons permettre aux Canadiens d’acquérir une maison. La raison en est que s’ils ne peuvent pas le faire, nous n’y parviendrons jamais. Nous ne pouvons pas y parvenir grâce aux subventions gouvernementales. Nous devons redresser le marché.
M. Rankin : Je suis plutôt d’accord avec M. Lee. Il est difficile de répondre s’il n’y a qu’une seule réponse, car nous devons en envisager plusieurs. En plus de ce que M. Lee, en ce qui concerne le rôle du gouvernement fédéral, celui-ci peut, entre autres, apporter de la certitude au marché.
Si vous apportez de la certitude au marché, celui-ci trouvera le moyen d’y répondre le plus efficacement possible. Cela vaut pour la capacité de faire des investissements à long terme afin de changer notre façon de faire les choses. Je sais que je m’emballe en parlant d’automatisation et d’approches hors site, mais ces solutions nécessitent des investissements importants, et personne ne les fera s’il n’y a pas de certitude sur le marché en fin de compte.
Pour rebondir sur ce que disait M. Lee, le programme Maisons Canada est l’occasion de montrer comment cela peut être fait, mais cette démonstration doit s’accompagner d’une réflexion sur les leçons apprises. Si cela fait partie du programme, cela peut grandement contribuer à sensibiliser le reste du secteur aux possibilités d’augmenter son efficacité.
Margot Whittington, gestionnaire, Politique climatique, Bureau d’assurance du Canada : Je vous ai entendu soulever un point, mais pour nous, le plus important est de garantir que les maisons sont construites aux bons endroits et de la bonne manière. Nous devons veiller à ce qu’elles ne soient pas construites dans des zones à haut risque d’inondation et d’incendie de forêt et qu’elles soient conçues dès le départ pour être résilientes. Cela permettra de réduire les coûts à long terme.
La construction peut coûter un peu plus cher au départ. Cependant, il est essentiel de veiller à ce que ces maisons soient résilientes, car cela aidera les propriétaires à l’avenir, en leur évitant d’avoir à reconstruire leur toit ou leur maison en cas de catastrophe naturelle. Nous savons qu’investir dans ces coûts aujourd’hui permettra de réaliser des économies à long terme. Je dirais que c’est l’élément le plus important pour nous.
[Français]
Le sénateur Gignac : Ma question s’adresse à M. Lee. Monsieur Lee, votre association compte 8 500 membres dans tout le Canada. Pouvez-vous me parler davantage des différences d’une province à l’autre et d’une région à l’autre par rapport aux frais gouvernementaux? Dans une étude de la SCHL, on montrait que les frais gouvernementaux au Québec peuvent représenter, en moyenne, 24 $ du pied carré, alors qu’on parle de 70 $ du pied carré pour Vancouver et de 85 $ pour Toronto; il s’agit d’une grande différence dans les frais gouvernementaux selon la région. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur le raisonnement derrière cela?
M. Lee : Je suis heureux que M. Forest soit de retour, parce que le Québec est le meilleur.
[Traduction]
Si nous parlons des coûts imposés par le gouvernement à l’échelle municipale, tout d’abord, le Québec a les logements les moins chers au Canada. C’est un point de départ, et la question est de savoir pourquoi. C’est une bonne question, car les matériaux coûtent à peu près le même prix, et le Québec est fortement syndiqué, ce qui entraîne souvent des coûts de main‑d’œuvre légèrement plus élevés. Cependant, les droits d’aménagement sont très faibles, voire inexistants dans bien des cas, dans la province de Québec. C’est l’exemple parfait d’une taxation adéquate pour les infrastructures. Vous ne la faites pas peser sur l’acheteur individuel, mais vous répartissez ces taxes sur l’ensemble de l’assiette fiscale, car c’est toute la société qui en bénéficie.
Cela peut donc provenir des taxes foncières ou des services payants, comme les routes à péage, l’aqueduc ou les eaux usées. L’autre élément important est que la province de Québec autorise ses municipalités à financer les infrastructures par emprunt. Plutôt que de financer de nouvelles infrastructures par un prêt hypothécaire de 25 ans accordé à un acheteur immobilier, vous financez ces infrastructures sur 50 ou 75 ans, ce qui correspond à leur durée de vie. Vous le faites à un taux beaucoup plus bas, car les municipalités, en collaboration avec la province, peuvent obtenir des taux d’intérêt bien plus avantageux que les taux hypothécaires.
Les prix sont plus avantageux au Québec. Des provinces comme l’Ontario — qui commence enfin à se pencher sur la question — et la Colombie-Britannique sont les pires contrevenants en matière de droits d’aménagement. On parle de centaines de milliers de dollars en droits d’aménagement sur les logements. Cela doit changer.
Lorsque nous disons que nous avons besoin d’autres modèles pour mieux financer les infrastructures plutôt que les droits d’aménagement, le modèle québécois est le modèle à suivre, même si je dois dire que Montréal commence à s’engager dans cette voie. En fait, Calgary et Edmonton, où les droits d’aménagement ont toujours été moins élevés, commencent à s’engager dans cette voie. Le message est le suivant : ne faites pas la même erreur. Ne faites pas ce qu’ont fait l’Ontario et la Colombie-Britannique. Dans ces provinces, les gens n’ont pas les moyens d’acheter une maison. Tenez-vous-en à l’approche du Québec.
[Français]
Le sénateur Gignac : Merci de votre réponse, monsieur Lee. Je suis heureux que ma question ait servi à tendre une branche d’olivier à mon collègue, le vice-président du comité.
[Traduction]
Comme ancien président de l’International Housing Association, vous avez probablement d’autres idées ou connaissez d’autres bonnes pratiques. L’accessibilité au logement touche non seulement le Canada, mais de nombreux autres pays. Avez-vous vu d’autres pays confrontés au même problème adopter des mesures audacieuses? Si oui, lesquelles?
M. Lee : Il est intéressant de noter qu’avant l’arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, au cours des deux dernières années, sous la direction du ministre Fraser, lorsque nous avons mis en place le nouveau Plan pour le logement au Canada, nous avons pris de nombreuses mesures positives et fait des progrès dans plusieurs directions.
Vous avez raison, les défis auxquels nous sommes confrontés ne sont pas inédits. Les États-Unis sont confrontés à des défis très similaires, même si, dans bien des cas, leurs approches en matière de droits d’aménagement sont plus efficaces, comme nous venons de le mentionner. L’Australie ressemble beaucoup au Canada : peu d’habitants, un vaste territoire et deux villes très chères où les droits d’aménagement sont très élevés.
Nous avons commencé à prendre des mesures pour tenter de résoudre le problème des droits d’aménagement. Il s’agit d’un débat national, et nous savons que nous devons nous attaquer à une grave pénurie de logements. Nous devons améliorer les codes du bâtiment. C’est l’un des éléments qui font grimper le coût du logement. Nous devons attirer la bonne main-d’œuvre au Canada. C’est un autre élément important.
L’augmentation de la productivité et de la fabrication en usine est une bonne idée. Certains pays l’ont très bien fait, mais ils ont également bénéficié d’importants investissements publics il y a longtemps, à une autre époque. Lorsque nous examinons le Canada et la productivité, nous devons être réalistes face à notre situation actuelle et aux risques. L’une des principales raisons pour lesquelles nous n’avons pas plus de constructions préfabriquées au Canada — ce n’est pas une technologie nouvelle, elle est émergente et a beaucoup de potentiel — est qu’elle nécessite des frais généraux énormes. C’est un investissement important. À l’heure actuelle, au lieu de parler de licenciements en raison du ralentissement, nous parlerions de fermetures d’usines. D’ailleurs, une usine a fermé plus tôt cette année à Kelowna en raison d’un manque de ventes. Nous devons réduire les risques liés aux investissements et créer une filière, comme Jeffrey Rankin l’a mentionné, afin d’avoir plus de certitude.
Maisons Canada se concentre sur la fabrication en usine, ce qui apportera une certaine certitude aux usines qui s’engageront dans cette voie, mais nous devons faire beaucoup plus. Nous tirons actuellement des leçons de ce qui se fait dans le monde entier. Au Canada, nous nous sommes améliorés au cours des deux dernières années. Nous devons reprendre cette voie, et je pense que nous irons dans la bonne direction.
Le sénateur Dalphond : Merci pour vos exposés. Il semble que les choses bougent. L’Ontario a un nouveau projet de loi — le projet de loi 17, si je ne me trompe pas — qui permettra aux municipalités, comme au Québec, de financer par l’entremise d’une société municipale ou d’un autre type de véhicule au lieu d’exiger des droits d’aménagement. L’utilisateur paiera des frais pour couvrir la dette à une entité distincte. Le gouvernement fédéral a réduit la TPS/TVH sur l’achat d’une maison pour les nouveaux acheteurs. Ceux-ci ne représentent que 5 % du marché, mais cette proportion pourrait augmenter.
Selon une étude de Statistique Canada, l’un des principaux problèmes est la faible productivité dans l’industrie de la construction. Elle n’est pas due au gouvernement, mais aux constructeurs eux-mêmes et à la main-d’œuvre. Que faites-vous pour remédier à ces problèmes? Que pourrait-on faire?
Je note également que le professeur Rankin mène des recherches sur toutes ces questions. Devrions-nous vraiment remodeler l’industrie de la construction pour employer davantage de composants préfabriqués qui sont assemblés sur place? Devrions-nous chercher un autre type de main-d’œuvre? Je suis surpris d’apprendre qu’ailleurs qu’au Québec, la main-d’œuvre n’est pas vraiment syndiquée. Au Québec, elle est syndiquée, ce qui doit la rendre plus coûteuse, mais peut-être aussi plus fiable, et davantage formée et supervisée. Je ne sais pas.
M. Lee : L’une de nos missions consiste à démystifier la perception de la productivité dans le secteur résidentiel. On dit que la productivité a baissé depuis la pandémie. C’est complètement faux. C’est vrai à l’échelle macroéconomique, si l’on prend le nombre de maisons et l’investissement économique dans le logement et qu’on le divise par le nombre de travailleurs. C’est le cas parce que la situation a été très mauvaise ces dernières années, mais nous n’avons pas licencié de travailleurs dans le secteur de la construction résidentielle. On commence à le faire maintenant. Nous n’avions pas licencié de travailleurs parce que, si on le fait, ils partent et ne reviennent peut-être pas. Le secteur de la construction résidentielle va essayer de garder ses travailleurs aussi longtemps que possible.
On a constaté une forte augmentation de la productivité dans le secteur de la construction résidentielle en 2021, mais ce n’est pas parce que nous avons soudainement trouvé le moyen de construire des logements plus rapidement avec moins de personnel. Nous avions le même nombre de personnes qui travaillaient beaucoup plus, qui faisaient beaucoup plus, et c’est pourquoi on constate cette augmentation. Depuis, on constate une forte baisse de la productivité, car nous conservons nos travailleurs tout en construisant moins. Si nous prenons la période de 2012 à 2022, la productivité dans le secteur de la construction résidentielle a augmenté de 14 %, ce qui rivalise avec n’importe quel secteur manufacturier. Ce n’est pas la situation désastreuse dont les gens parlent.
Cela dit, pouvons-nous faire plus? Pouvons-nous automatiser davantage? Pouvons-nous fabriquer davantage en usine? Oui, mais cela nous ramène à la question de savoir comment réduire les risques, comment créer une filière et comment soutenir cette transition. Jeffrey Rankin et notre groupe y travaillent. Il y a des possibilités, mais nous devons comprendre les réalités du passage à une productivité plus élevée, réduire certains risques, soutenir les investissements et créer une filière avec des certitudes afin que l’industrie puisse investir.
M. Rankin : Je suis d’accord avec tout ce que M. Lee a dit. La productivité dans l’industrie de la construction peut être un sujet délicat. L’un des autres aspects de cette question est que la productivité est un rapport entre les intrants et les extrants. Les extrants d’aujourd’hui sont très différents de ceux d’il y a 20 ans. D’autres témoins ont évoqué le code du bâtiment et les aspects liés au changement climatique.
Le bien livré, si l’on prend l’exemple d’une maison, a beaucoup plus de valeur aujourd’hui qu’il y a 20 ans, mais la mesure reste le nombre de travailleurs par maison, sans tenir compte de la valeur de ce bien. Donc, oui, il est possible d’augmenter la production, mais il y a aussi un contre-argument selon lequel la productivité, si l’on calcule les chiffres d’une manière différente, est en fait aussi bonne que dans d’autres secteurs.
Le sénateur Dalphond : Si je comprends bien, vous contestez la façon dont Statistique Canada estime la productivité, c’est-à-dire le nombre d’heures et la production. On dit qu’elle est en baisse depuis 2017, par heure, et qu’il y a moins de résultats. Par contre, dites-vous qu’on ne tient peut-être pas suffisamment compte des résultats et que nous sommes passés de résultats simples à des résultats plus complexes?
M. Rankin : Oui. Je ne conteste pas les chiffres de Statistique Canada ni la façon dont ils sont établis, mais il vaut la peine d’examiner la question sous un angle différent.
Je suis désolé d’aborder des aspects théoriques, mais si l’on examine la productivité dans l’agriculture, un épi de maïs d’il y a 20 ans est pratiquement le même qu’aujourd’hui. On peut facilement mesurer la quantité de ressources nécessaires à la production de cet épi de maïs, mais une maison aujourd’hui est très différente de ce qu’elle était en 2017, et ce, pour de bonnes raisons. La valeur de ce bien, sa longévité, ce qu’il apporte à l’utilisateur final, sont bien plus importantes.
La sénatrice MacAdam : Ma question s’adresse à M. Lee. J’ai remarqué sur votre site Web que vous êtes à la tête de votre conseil interne de la construction modulaire. Pouvez-vous me dire quels sont les taux d’adoption actuels de la préfabrication et des nouvelles technologies parmi les constructeurs de maisons canadiens?
M. Lee : Oui. Lorsque l’industrie était en plein essor en 2021, environ 30 % de nos membres utilisaient une forme ou une autre de préfabrication. Avec la construction entièrement modulaire, cela représente moins de 5 % du secteur, probablement moins de 3 %. Cela passe en grande partie par la production de panneaux. Il est certain que l’on s’oriente davantage vers la construction hors site. Il s’agit en partie de construire des panneaux, des panneaux muraux, des panneaux de plancher, dans un espace clos, ce qui est encore un peu plus efficace. Il est plus facile de faire face aux conditions météorologiques, ce qui permet de gagner en productivité.
Ensuite, on peut passer à un niveau d’automatisation complet. Seules quelques usines au Canada le font vraiment à ce degré.
Nous envisageons l’avenir de la construction en usine comme la création d’un environnement où, idéalement, un jour, tout comme aujourd’hui, vous n’appelez pas un menuisier pour venir sur votre chantier afin de fabriquer toutes vos armoires de cuisine à partir de zéro. Vous contactez le cuisiniste qui vous envoie les éléments à installer.
Avec le temps, nous devons parvenir à surmonter bon nombre de ces obstacles qui sont bien réels dans le marché. Ce n’est pas un problème de technologie ni d’aversion au risque de la part de l’industrie, mais bien d’un problème lié aux enjeux commerciaux, aux investissements et aux risques. Si nous parvenons à surmonter cela, alors idéalement, ces usines ne se contenteront plus de produire des modules destinés à un petit groupe d’installateurs. Elles fourniront véritablement des composants sous forme de panneaux ou de modules complets aux constructeurs de maisons.
Nous en sommes encore loin à l’heure actuelle. La stratégie de transition sectorielle de notre association traite de nombreux obstacles réalistes qui, d’après mon expérience au sein de l’International Housing Association, ne sont pas propres au Canada. Les États-Unis et l’Australie sont exactement dans la même situation. Des pays comme la Norvège et la Suède, qui ont réalisé des investissements différents à des moments différents, ont beaucoup plus recours à la fabrication en usine, mais ils ne sont pas confrontés aux mêmes défis géographiques et leur population est plus circonscrite.
Le potentiel est énorme, mais, pour revenir à votre question initiale, l’adoption est très faible. Ce sont là les obstacles que nous devons surmonter pour faire avancer les choses dans cette direction.
La sénatrice MacAdam : Alors que l’industrie continue d’évoluer ou tente d’évoluer dans cette direction, dans quelle mesure le Canada est-il prêt en ce qui concerne la chaîne d’approvisionnement canadienne et la capacité d’acheter canadien? Nous essayons d’aller dans cette direction, alors pouvez-vous nous donner votre avis à ce sujet?
M. Lee : Oui. Nous vivons une époque pour le moins étrange, où le monde, grâce au libre-échange et à de nombreux accords commerciaux, a vraiment permis aux pays de se spécialiser. Certes, le marché nord-américain était très homogène en matière de construction résidentielle. On trouve des endroits au Canada où la fabrication de cloisons sèches est assurée localement. Ailleurs au Canada, il n’est pas logique de le faire. On les importe des États-Unis parce que c’est plus proche et plus facile. C’était ainsi dans beaucoup de domaines.
Nous vivons donc une période de transition où, oui, nous voulons maximiser le contenu canadien dans le logement, mais, par ailleurs, nous avons besoin de partenaires commerciaux fiables. Si le niveau de vie mondial a pu s’améliorer au fil du temps, c’est parce que les pays ont pu se spécialiser.
Par exemple, nous avons deux très petits fabricants de chaudières au Canada. Je ne pense pas qu’il soit temps d’investir dans toute une industrie de chaudières au Canada. D’autres pays peuvent fournir de bons équipements de chauffage. Il s’agit en réalité de créer de meilleures relations commerciales, de diversifier nos relations commerciales à travers le monde et de nous concentrer sur les choses que nous pouvons et devons mieux faire au Canada comme valeur ajoutée. Nous pouvons nous concentrer stratégiquement sur ces aspects.
Le bois massif serait un bon exemple où nous avons plus de valeur à ajouter. Le défi avec le bois massif est qu’il reste plus cher que la construction conventionnelle en acier et en béton. Si nous voulons utiliser davantage le bois massif, notre message principal est que nous devons travailler ensemble pour réduire ce coût, car il s’agit d’un produit canadien à forte valeur ajoutée. Nous voyons la construction de bâtiments en bois de grande hauteur faire son entrée dans le code du bâtiment; nous pourrons un jour construire des immeubles de 12 étages en bois, ce qui serait formidable. Il nous suffit de réduire les coûts.
La sénatrice MacAdam : En ce qui concerne le Code national du bâtiment et le changement climatique, quels commentaires votre organisation fournit-elle au système d’élaboration du code?
M. Lee : Nous sommes très investis. Pour répondre à la question précédente à savoir si certains éléments sont intégrés dans le code, oui, ils le sont. Le code comporte de nombreux éléments liés à la résilience et à l’adaptabilité au changement climatique ainsi qu’à l’atténuation de ces impacts.
Nous avons des inquiétudes dans certains domaines. On discute de l’insertion dans le code du bâtiment d’éléments comme le carbone intrinsèque. La science, les mesures et les avantages ne sont pas encore au point. C’est généralement ainsi que l’on mesure les choses dans le code. Nous sommes très investis dans les activités liées à la résilience.
Comme je l’ai dit, il s’agit de trouver le juste équilibre. Comment faire les bons choix dans les nouvelles constructions, qui ne seront pas trop coûteux et qui offriront le meilleur rapport qualité-prix pour la prévention et la lutte contre les défis posés par les événements climatiques? Nous ne disons pas non plus que nous irons jusqu’à créer un énorme problème d’accessibilité financière, car il existe d’autres moyens de traiter cette question. Le secteur des assurances a évidemment toujours un rôle à jouer à cet égard au Canada. C’est le juste équilibre que nous recherchons, et c’est pourquoi nous affirmons que si nous nous concentrons sur l’accessibilité financière dans le code du bâtiment — ce qui n’est pas le cas au Canada, car ce n’est pas un objectif fondamental du Code national du bâtiment —, nous prendrons des décisions plus équilibrées.
La sénatrice Kingston : Je veux approfondir le sujet que ma collègue, la sénatrice MacAdam, a abordé, mais j’aimerais également entendre les commentaires de M. Rankin, de Mme Whittington et de M. Lee, car j’aimerais en savoir plus sur le carbone intrinsèque. Je ne sais pas grand-chose à ce sujet.
Comment l’intégration de la résilience climatique dans la conception des logements et la planification des infrastructures peut-elle contribuer à atténuer les répercussions financières des phénomènes météorologiques extrêmes sur les propriétaires et les assureurs? En ce qui concerne Maisons Canada — et je me tourne vers vous, monsieur Rankin, car je pense que vous serez amené à traiter assez souvent avec les responsables de Maisons Canada —, comment peuvent-ils montrer la voie en matière de nouvelles constructions résilientes au changement climatique à une échelle plus globale? À l’heure actuelle, les assureurs sont davantage préoccupés — et c’est compréhensible — par les endroits les plus à risque, mais le réchauffement climatique touche toutes les régions, et je pense que pour construire aujourd’hui en vue de l’avenir, il faudrait modifier le code du bâtiment. Pouvez-vous nous dire ce qu’il faut faire pour construire des bâtiments résilients au changement climatique et abordables? Je vais ouvrir le débat à partir de là.
Mme Whittington : Il existe différentes études et différents chiffres, mais l’un des chiffres que nous avons déjà cités provient de l’Institut climatique du Canada. Pour chaque dollar investi dans l’adaptation, on finit par économiser 14 $ à long terme. Des études similaires existent pour l’efficacité énergétique. Ce n’est pas notre priorité, mais, en général, les recherches montrent que si l’on investit dans ces domaines dès le début, lors de la construction, on finit par économiser de l’argent et on n’a pas à rénover la maison par la suite. Au final, cela permet de réduire les coûts.
Il est important de veiller à faire connaître les risques et à sensibiliser les gens aux risques auxquels sont exposées leurs maisons, là où elles se trouvent. Quels risques leur pendent au nez? Comment peuvent-ils s’assurer que leurs maisons sont résistantes, en connaissant les risques auxquels ils sont exposés et en veillant à ce que leurs maisons soient prêtes à y faire face?
Cela inclut des éléments tels que des toitures résistantes à la grêle si vous vivez, par exemple, à Calgary ou dans ce qu’on appelle « Hailstorm Alley », le corridor de grêle, des endroits comme celui-ci; s’assurer que les maisons sont dotées de revêtements et de toitures résistants au feu; et la résistance aux inondations. Il est possible d’installer de nombreux mécanismes anti-inondation, tels que des pompes de puisard, dans une maison si celle-ci présente un risque élevé d’inondation, etc.
Il existe des moyens de s’assurer que les maisons sont construites de manière à être plus résistantes.
M. Rankin : Peut-être plus précisément dans le cadre du programme Maisons Canada, je suggérerais que cela soit intégré dans le processus d’approvisionnement, de manière très explicite, dans les caractéristiques que vous fournissez pour une maison. Cela ne se limite pas aux coûts initiaux ou, autrement dit, à l’accessibilité financière, mais cela consiste à examiner la valeur à long terme de ce qui est fourni, et il faudrait donc un leadership dans ce sens.
Dans la foulée et pour approfondir la question de l’assurance, les primes d’assurance augmentent avec l’augmentation du risque ou de l’incertitude dans le processus. À l’aube de cet exercice, je pense qu’une réelle occasion s’offre à nous de saisir les données et les pratiques et de réduire l’incertitude à l’égard des résultats globaux.
Cela peut répondre à certaines préoccupations liées à l’accessibilité financière. Si vous comprenez ce que vous fournissez, vous pouvez réagir en conséquence dans votre processus.
M. Lee : J’ai beaucoup parlé de la résilience au changement climatique. Je vais maintenant aborder la question du carbone intrinsèque que vous avez soulevée.
Tout d’abord, en ce qui concerne l’atténuation des impacts du changement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ou GES, le Code national du bâtiment prévoit cinq niveaux d’efficacité énergétique. Il appartient aux provinces de décider du niveau qu’elles souhaitent atteindre, et elles choisissent différents niveaux en fonction de leur état de préparation.
L’un des problèmes est que le cinquième niveau va trop loin. Nous avons certifié plus de 2 000 maisons à consommation d’énergie nette zéro et prêtes à la consommation d’énergie nette zéro au Canada, et lorsque nous avons participé aux consultations à ce sujet, nous avons déclaré : « Le niveau 5 va trop loin; il sera beaucoup trop coûteux pour un rendement quasi nul. »
Encore une fois, sans prise en compte du facteur de l’abordabilité dans le code, cela n’a pas vraiment été analysé. Il s’agissait simplement d’un chiffre choisi sur la base d’autres programmes. Nous avons dit tout cela en nous basant sur notre expérience.
Nous avons également dit qu’une fois que l’on commence à s’intéresser au carbone intrinsèque, c’est-à-dire la quantité de carbone contenue dans les produits lors de leur installation, au fil de leur fabrication et de leur transport, si l’on installe trop d’isolant et qu’on épaississait trop les murs, cela représente beaucoup de carbone intrinsèque, et on ne pourra jamais en récupérer le coût en économies de gaz à effet de serre grâce aux économies opérationnelles réalisées au cours du cycle de vie.
Il faut vraiment tenir compte de ces deux aspects et, comme vous pouvez l’imaginer, la science du carbone intrinsèque n’en est qu’à ses débuts. Comment diable gérer le transport quand on ne sait parfois même pas d’où proviennent les matériaux? Cela repose sur l’optimisation de la chaîne d’approvisionnement, qui évolue au fil de l’année.
Nos préoccupations portent sur la manière de procéder de manière vraiment intelligente et de ne pas précipiter les choses. Tout ce qui touche au changement climatique est précipité. Il y a une crise du changement climatique, mais il y a aussi une crise du logement abordable, nous devons donc traiter ces deux questions ensemble de manière intelligente.
Au lieu de cela, le carbone opérationnel et les GES sont traités séparément du carbone intrinsèque, et comme je l’ai dit, si vous considérez les deux ensemble, vous prendrez des décisions différentes, plus intelligentes, meilleures pour l’environnement et en fait moins coûteuses pour les acheteurs.
C’est le travail que nous devons faire pour éviter toute précipitation. La pression politique sur le système de codes est actuellement telle qu’il est en train de s’effondrer. Nous ne menons pas les recherches nécessaires. Nous n’évitons pas les conséquences imprévues.
L’un des défis liés au réchauffement climatique est ce qu’on appelle la surchauffe. Les maisons très écoénergétiques retiennent beaucoup mieux la chaleur, et lorsque vous avez un dôme de chaleur au-dessus du Lower Mainland et de la Colombie-Britannique, et que les températures dans les logements augmentent au point de devenir vraiment malsaines, vous n’avez pas fait votre travail. Nous avions en fait dit que c’était un problème potentiel. Nous avons déjà construit ces maisons, mais cela a été ignoré et précipité.
Nous devons veiller à revenir à une application correcte du code du bâtiment, en tenant compte de l’accessibilité financière et en évitant les risques imprévus. Nous n’allons pas résoudre la crise du changement climatique au cours des cinq prochaines années. C’est un travail de longue haleine, mais nous pouvons vraiment commettre de graves erreurs en matière de logement si nous précipitons les choses sans les faire correctement.
[Français]
La sénatrice Oudar : Ma question porte sur les retards, les obstacles techniques et la bureaucratie. Je commence par M. Rankin. Dans votre allocution, vous avez dit que vous étiez optimiste sur la mise en œuvre du programme Maisons Canada. Je veux d’abord vous entendre là-dessus.
La réalité nous montre que même quand les fonds fédéraux sont disponibles, malheureusement, il y a plusieurs retards qui peuvent être attribuables à des obstacles techniques ou réglementaires qui ralentissent la construction. Parfois, certains vont dire que c’est en raison des processus d’appel d’offres ou des normes techniques fédérales. J’aimerais vous entendre là‑dessus. Ensuite, monsieur Lee, si vous voulez compléter, comment peut-on accélérer le processus et diminuer la bureaucratie sans affecter la qualité? Avez-vous des exemples concrets? Nous sommes tous d’accord sur la théorie, mais concrètement, que peut faire le Canada pour réussir à faire cela et comment chacun peut-il collaborer à ces efforts?
[Traduction]
M. Rankin : C’est l’un de mes défauts : je suis toujours optimiste.
Je pense que vous avez compris l’essentiel de ce que j’essayais de dire. Le programme Maisons Canada est l’occasion d’examiner ou de remettre en question bon nombre de ces obstacles. Nous devons donc changer notre façon de faire. Nous devons repenser notre manière de passer des marchés pour les projets.
J’ai mentionné le pont de la Confédération dans mon intervention. Il s’agit d’une méthode d’approvisionnement qui rassemble les concepteurs, les fabricants, les entrepreneurs et les utilisateurs finaux dès le début du processus.
Je pense que le programme Maisons Canada offre une occasion d’exercer un leadership pour étudier d’autres méthodes d’approvisionnement afin de surmonter certains défis, qu’ils soient réglementaires ou autres.
Je ne sais pas si cela faisait partie de votre question, mais, à titre d’exemple, M. Lee parlait des GES intrinsèques et opérationnels — et sans vouloir vous contredire, des recherches sont en cours pour tenter de résoudre cette question.
Comme Kevin Lee l’a dit, c’est assez compliqué. Lorsque vous essayez de les quantifier tout au long de la chaîne d’approvisionnement pour obtenir un chiffre raisonnable, ce chiffre sera quelque peu incertain.
Encore une fois, c’est une autre occasion pour Maisons Canada de faire preuve de leadership en les quantifiant ou en montrant comment on peut les quantifier.
M. Lee : Je pourrais ajouter que, pour ce qui est de la lourdeur administrative, nous devons agir à l’échelle fédérale et éviter, de divers moyens, de créer encore plus de paperasserie.
Au cours des dernières années, nous avons eu de nombreux échanges avec l’Agence du revenu du Canada, ou ARC, le ministère des Finances et Environnement et Changement climatique Canada. D’autres initiatives qui, selon eux, n’ont aucune incidence sur le logement, mais ont en réalité des répercussions importantes sur ce secteur et créent des lourdeurs administratives pour les petites entreprises. Cependant, les plus grandes lourdeurs administratives se trouvent incontestablement à l’échelle municipale.
Nous parlons de la façon dont, à l’heure où nous essayons de développer les échanges commerciaux dans tout le Canada et de supprimer les barrières commerciales interprovinciales, nous sommes en réalité confrontés à des barrières commerciales intermunicipales. Même si une province dispose d’un code du bâtiment unique, les responsables municipaux peuvent en avoir des interprétations différentes. L’une des mesures que nous préconisons est la création d’un centre national d’interprétation du Code national du bâtiment afin de mieux garantir la cohérence des interprétations. Nous collaborons avec l’Alliance of Canadian Building Officials’ Associations, ou ACBOA, qui appuie également cette initiative, car un centre national d’interprétation du code réduirait la charge de travail des responsables municipaux de la construction — qui n’auraient plus à prendre autant de décisions — et, surtout, réduirait la responsabilité des municipalités, qui est souvent une préoccupation lorsqu’il s’agit d’interpréter les codes du bâtiment.
Ensuite, pour des considérations de zonage et de règlements municipaux, il y aura également des exigences très différentes pour chaque maison. C’est l’un des points dont nous avons débattu à propos de l’augmentation de la productivité et de la construction en usine. Lorsque l’on ne peut pas construire la même maison dans deux villes voisines en raison du zonage et des règlements municipaux, même si le climat et tout le reste sont exactement les mêmes, on aura créé une lourdeur administrative inutile. Il incombe aux autorités provinciales de collaborer avec les municipalités pour supprimer les règlements municipaux contradictoires et les obstacles liés au zonage qui empêchent nos usines de fonctionner.
L’exemple le plus grave dont j’ai entendu parler il y a quelques semaines concernait la rénovation de maisons jumelées. Il s’agissait de deux mêmes maisons, mais jumelées, et donc deux responsables différents de la construction étaient concernés. Ils ont effectué les travaux de rénovation d’un côté, et ceux-ci ont été jugés acceptables; ils ont effectué exactement les mêmes travaux de rénovation de l’autre côté, et ceux-ci ont été jugés inacceptables par le responsable de la construction dans la même ville. Ce sont là des problèmes que nous devons éliminer.
Une autre mesure à laquelle le gouvernement s’est engagé, et que nous avions demandée, consiste à éviter le chevauchement des tâches entre ce qui est fait en usine pour la construction modulaire et ce qui est inspecté sur place par les fonctionnaires municipaux. Cela figurait dans le programme électoral du gouvernement tout au long de la campagne électorale. Nous souhaitons que cela se concrétise. Il existe une norme de l’Association canadienne de normalisation, ou ACNOR, qui doit être respectée, mais nous avons besoin de plus de clarté afin que les fonctionnaires municipaux n’aient pas l’impression de devoir réinspecter des éléments qu’ils n’ont pas pu voir parce qu’ils ont été produits en usine. Cette norme a pour seul objectif de garantir la conformité avec le code du bâtiment. Une fois les matériaux arrivés sur le chantier, il n’est plus nécessaire de se préoccuper de ces aspects; il suffit de se concentrer sur la finition, qui se fait sur place. Il y a donc beaucoup à faire sur le plan réglementaire et administratif, comme vous l’avez souligné, mais cela peut être résolu si nous collaborons. Dans de nombreux cas, ce sont les différences qui posent un problème.
[Français]
La sénatrice Oudar : Je suis tout à fait d’accord avec vous. Je vais laisser mon temps de parole à mes autres collègues.
La sénatrice Miville-Dechêne : C’est une question pour M. McGuinty. Votre article sur la crise d’assurance en Californie prévient qu’une crise similaire pourrait se produire au Canada. Les programmes fédéraux, comme on en a déjà parlé, visaient à stimuler la création de logements. Vous en avez parlé plus tôt, mais qu’est-ce que le Bureau d’assurance du Canada recommande? Devrait-il y avoir une évaluation obligatoire du risque d’assurance futur lié aux catastrophes, afin de ne pas construire de logements qui sont extrêmement coûteux à assurer ou maintenir? Ma question porte sur vos efforts. Oui, c’est bien de faire du lobbying pour que les choses changent, mais que demandez-vous exactement?
M. McGuinty : Merci pour la question.
[Traduction]
La Californie est une sérieuse mise en garde pour les gouvernements. Pour replacer les choses dans leur contexte, la Californie est en proie à une crise de l’assurance. Pas moins de 3,6 millions d’assurés californiens n’ont pas vu leur contrat renouvelé au cours des dernières années. Leur assureur de dernier recours a connu une croissance fulgurante de 300 % au cours des dernières années. Trois facteurs ont conduit à cette crise : premièrement, l’augmentation du risque d’incendies de forêt, que nous voyons au Canada; deuxièmement, la suppression des taux d’assurance, ce qui n’existe pas ici au Canada; et troisièmement, des mesures publiques inadéquates, telles que la construction dans les zones périurbaines sans mesures d’atténuation appropriées, l’insuffisance des codes de construction, etc. Tout cela est couvert dans le rapport que vous avez mentionné.
Heureusement, nous n’en sommes pas là au Canada, mais je tiens à être très clair sur ce que nous observons déjà au Canada, en particulier en matière d’assurance habitation. Depuis plusieurs années, les tarifs ont augmenté deux fois plus que l’inflation. Depuis deux ans, ce secteur d’activité n’est plus rentable dans l’ensemble de l’industrie.
Nos avocats sont mécontents lorsque nous faisons des projections tarifaires, je m’abstiendrai donc de le faire. Toutefois, si ces tendances se poursuivent, il est probable que l’assurance habitation devienne un véritable défi. Il n’y aura pas de problème de disponibilité, mais plutôt un problème d’abordabilité, en particulier si vous résidez dans une zone à haut risque.
Nous construisons dans une région de l’Alberta appelée Hailstorm Alley. Chaque année, les pertes s’élèvent à environ 1 milliard de dollars dans cette région lorsque la grêle frappe les revêtements en vinyle et les matériaux de toiture inadéquats. L’Institut climatique du Canada a signalé que nous construirons des centaines de milliers de maisons dans des zones inondables au cours des cinq prochaines années.
Mon message est que nous devons d’abord réfléchir aux règles d’aménagement du territoire, qui relèvent de la compétence provinciale, et, ensuite, à l’échelle fédérale, lier le financement à la garantie que nous ne construisons pas dans des zones à haut risque. Nous avons été heureux de voir cela dans le programme fédéral. Nous aimerions voir un engagement officiel. Aujourd’hui, le budget fédéral offre une bonne occasion. Vous entendrez probablement de plus en plus parler de cela de la part d’organisations comme la nôtre.
Il est également possible que les autres témoins ne soient pas du même avis en ce qui concerne les codes du bâtiment.
Nous avons eu un cycle de cinq ans après l’adoption du Code national du bâtiment du Canada 2020. Il peut falloir encore cinq ans aux provinces pour mettre à jour leur code. Nous souhaitons que les codes provinciaux tiennent compte des risques particuliers qui existent dans chaque région. La situation en Colombie-Britannique et les risques qui y existent sont complètement différents de ceux de l’Alberta et de l’Ontario. Nous estimons qu’il est approprié d’intégrer une dimension régionale dans les codes du bâtiment.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous m’avez parlé des lieux où il ne faut pas construire, mais votre collègue a parlé de la façon de construire. Est-ce que ça devrait être la même chose? Est-ce qu’il devrait y avoir une manière obligatoire d’intégrer des matériaux qui peuvent mieux résister face à des événements climatiques extraordinaires?
[Traduction]
M. McGuinty : Nous attendons de voir ce que donnera le modèle du Code national du bâtiment prévu pour la fin de l’année et ce qui sera adopté par les provinces, mais nous sommes optimistes. Nous commençons à observer des changements visant à reconnaître l’importance d’intégrer la résilience dans les codes du bâtiment. De plus, les assureurs offrent un certain nombre de mesures incitatives, mais aussi de mesures dissuasives, en fonction des matériaux utilisés pour la construction d’une maison. Si votre maison est située dans une zone à haut risque d’inondation et qu’elle ne dispose pas de mesures d’atténuation adéquates, vous pouvez vous attendre à ce que cela se répercute sur votre couverture et vos primes. On constate des changements rapides dans tout le Canada sur le plan de la couverture et des primes d’assurance habitation et, pour revenir à votre question initiale sur la Californie et aux tendances observées aux États-Unis, je pense que d’ici quelques décennies, l’assurance habitation sera un sujet de conversation très brûlant.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : En ce moment, est-ce qu’il a des maisons que vous refusez d’assurer au Canada?
[Traduction]
M. McGuinty : En ce qui concerne l’assurance habitation, il ne se pose pas de problème de disponibilité au Canada. Il est possible de souscrire une assurance habitation, et les incendies de forêt sont couverts par cette police d’assurance. Cependant, si la tendance se poursuit, on pourrait arriver à une situation où, dans certaines régions du pays, même s’il n’y aura pas de problème de disponibilité, il y aura un problème d’abordabilité que certains interpréteront comme un problème de disponibilité.
La sénatrice Galvez : Je suis très heureuse que nous ayons cette discussion, car, depuis les nombreuses années que je siège à ce comité, nous parlons de plus en plus des répercussions du réchauffement climatique au Canada.
Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète, et l’Arctique se réchauffe cinq à sept fois plus vite que le reste de la planète.
Nous n’avons pas réagi lorsque nous avons appris cela, il y a 20 ans. Aujourd’hui, nous prenons conscience de cette situation et nous allons investir des fonds considérables dans la construction de nouveaux logements. Nous en aurons la confirmation dans les prochaines heures; nous disposerons du budget nécessaire. Nous déterminerons le montant des fonds à investir pour lutter contre ces crises du logement et de l’abordabilité.
Mais je vois que la tendance va croissant. Je constate chaque année l’évolution de vos pertes d’assurance, qui s’élèvent à 9,1 milliards de dollars, à l’heure actuelle. Vous affirmez que, si nous ne construisons pas mieux et aux bons endroits, nous pourrions subir des pertes de 3 milliards de dollars, comme vous l’avez indiqué dans votre exposé, en raison des dommages prévus.
Un des aspects importants est le code du bâtiment. Tout comme vous, je suis ingénieure civile, j’ai donc siégé à de nombreux comités traitant de cette question. Nous accusons un retard en ce qui concerne les codes du bâtiment. Je sais que nous ne pouvons pas précipiter les choses, mais nous devons en même temps être — vous avez dit « intelligents », mais le terme approprié est « efficaces ».
Ces nouveaux groupes d’habitations se concentrent autour des grandes villes, qui bénéficient de moins en moins des infrastructures naturelles qui renforcent la résilience face à la montée du niveau de la mer ou aux phénomènes météorologiques extrêmes.
La question que je vous pose, monsieur Lee et monsieur Rankin, est la suivante : quelles mesures précises et concrètes vos secteurs prennent-ils pour répondre à ce problème? Avez‑vous déjà collaboré avant cette réunion? Vous connaissez-vous? Nous devrions adopter une approche horizontale, mais nous travaillons toujours en silos. Comment pouvons-nous intégrer tous ces éléments? Monsieur Rankin, si vous voulez bien commencer.
M. Rankin : Comment pouvons-nous collaborer plus efficacement? Permettez-moi de m’écarter quelque peu du sujet. Le défi réside dans la fragmentation de l’espace tout entier, et pas seulement au niveau des projets. Cependant, cela se répercute sur les différentes associations, que ce soit du côté de l’industrie ou celui de la recherche.
Je proposerai à M. Lee de déjeuner avec lui après cette réunion, mais nous travaillons ensemble. Honnêtement, pour prendre un exemple concret, la dernière plateforme mise en place au CNRC, dont l’objectif est de décarboniser le secteur de la construction à grande échelle, a en fait permis de rassembler un certain nombre d’acteurs afin d’entamer ces discussions. Elle s’intéresse à l’efficacité du processus réglementaire et cherche à trouver de meilleurs moyens de le numériser et de l’accélérer. Elle examine différentes façons d’aborder la question de la productivité. Elle étudie différentes façons de trouver de meilleures solutions sur le plan de la résilience climatique.
Encore une fois, sans vouloir trop m’éloigner du sujet, la situation est complexe. Compte tenu de la situation actuelle de notre pays, et sans exagérer, nous sommes véritablement en train de reconstruire l’ensemble de nos infrastructures. Nous avons l’occasion de bien faire les choses, dans la mesure du possible. Vous avez raison; cela sous-entend une meilleure collaboration entre toutes les parties.
M. Lee : Nous collaborons énormément sur ce projet. Je tiens également à préciser que le Code national du bâtiment prévoit toutes les variations régionales, comme les différents niveaux d’efficacité énergétique en fonction du climat. Dans la vallée du Bas-Fraser, par exemple, il faut tenir compte de la résistance aux séismes, ce qui n’est pas le cas ailleurs.
Quant à la collaboration au niveau de la résilience, nous avons accompli un travail considérable avec l’Institut de prévention des sinistres catastrophiques, financé par les assureurs, afin de déterminer les meilleures façons de faire face à la grêle, aux inondations, aux feux de forêt, aux vents violents, etc. Nous avons étudié un programme permettant éventuellement de classer les maisons avant l’entrée en vigueur du code du bâtiment sur ce type de question. Nous y sommes très engagés.
Nous nous efforçons également de trouver les moyens les plus efficaces de faire les choses. Nos dirigeants ont, par exemple, travaillé après les ouragans à Porto Rico, où l’on peut vraiment apprendre à gérer les vents violents. Nos bénévoles se sont rendus sur place pour aider à la reconstruction. Ils ont notamment appris qu’il existe de meilleures méthodes.
Vous avez peut-être entendu parler des attaches anti-ouragan pour lutter contre les vents violents, mais elles sont en réalité très délicates et difficiles à installer. Nous avons constaté que le simple fait d’insérer de longues vis de huit pouces dans la plaque supérieure et dans les fermes est une excellente solution. Cela devient un peu technique, mais vous avez demandé comment nous procédions. Vous devez vous assurer de ne pas fixer le toit uniquement à l’étage supérieur de la maison, sinon vous créerez ce que l’on appelle un « parapluie volant ». Il faut le fixer jusqu’aux fondations.
Ce sont là certaines des choses qu’il faut faire correctement. Nous collaborons étroitement dans ce domaine. Nous avons également beaucoup travaillé avec FireSmart pour mettre en place leur programme en Colombie-Britannique. Nous sommes conscients des défis à relever. Nous souhaitons nous assurer de procéder de manière intelligente, sans nous limiter au changement climatique à tout prix, même si la crise est réelle. Comment pouvons-nous procéder intelligemment?
L’autre point que je souhaite souligner est que le changement climatique coûtera de l’argent à la société, point final. Les choses ne seront pas moins coûteuses à cause du changement climatique, elles seront plus chères. La question qui se pose est la suivante : comment agir intelligemment? Comment répartir les coûts entre les personnes concernées? Les consommateurs devront probablement payer un peu plus cher pour leur logement. Le secteur des assurances devra déterminer comment appliquer ses connaissances scientifiques et les mettre en pratique. Le gouvernement aura un rôle à jouer dans tout cela. Comment agir intelligemment? Comment trouver un équilibre entre tous ces éléments?
[Français]
Le président : Je crois qu’il semble manquer de coordination.
Je ne suis pas un adepte des sommets, mais ne devrait-on pas tenir un sommet dans lequel tous les acteurs du milieu de la construction seraient réunis, soit les syndicats, les développeurs, les municipalités, les banques et les organismes de financement?
Nous n’avons pas beaucoup parlé des banques, mais elles sont frileuses quand vient le temps de financer le domaine de la construction. La SCHL prend 90 % des risques de financement des logements; ce n’est pas normal, c’est une société d’État.
Donc, il faudrait réunir l’ensemble des acteurs pour deux ou trois jours, sortir de ces rencontres avec un plan d’action dans chacun des domaines, que ce soit le domaine syndical, le domaine municipal, le secteur du financement et celui des développeurs pour arriver à travailler ensemble.
Il ne faudrait pas devoir s’arrêter au bout d’une année ou deux en disant que nous avons besoin d’avoir une certaine convergence, parce que l’un avance et l’autre recule, et que ce manque de convergence explique que les logements ne se construisent pas au rythme où on voudrait les avoir.
[Traduction]
M. Rankin : Je suis d’accord. Je crois avoir mentionné dans ma déclaration liminaire que nous sommes actuellement en train de mener un tel exercice avec les provinces de l’Atlantique. Je vous prie de m’excuser, mais je reviendrai vers ce comité avec quelques-uns des documents que j’ai mentionnés dans ma déclaration liminaire. L’un d’eux est la feuille de route. Les autres sont les réponses des différents organismes à l’étude de marché menée par Maisons Canada.
Je vous ai notamment mentionné un projet que nous menons actuellement et qui est financé par les agences de développement régional. Nous avons réuni les associations du secteur de la construction, les autorités chargées du logement, les universités et les écoles d’ingénieurs de toute la région de l’Atlantique.
Nous avons maintenant organisé les ateliers que vous avez mentionnés, un à Halifax, un à Moncton, un à Charlottetown et un à St. John’s. Nous sommes en train de mener cet exercice. Quels sont les obstacles sur les plans de la réglementation, du financement et de la productivité?
Nous passons également à l’étape suivante, qui consiste à trouver des solutions. Ces solutions nécessitent la collaboration de toutes les parties concernées.
Je serai ravi de partager ces résultats avec le comité dès que je les reçois. Je pense que nous visons février ou mars.
[Français]
Le président : J’aimerais bien les avoir.
Vous comprendrez que l’idée n’est pas seulement d’avoir des solutions, car on entend parler de plein de solutions. L’idée est de partir de là avec les acteurs du milieu qui signent un engagement de réaliser tout cela dans un délai précis. C’est sur le plan exécutoire.
M. Lee : Je comprends. J’aimerais bien si c’était aussi facile que cela : trois jours et on a toutes les solutions.
[Traduction]
Le fait est que c’est extrêmement complexe. Malgré ce que vous pouvez entendre ici, il y a probablement beaucoup plus de coordination et de coopération. Ce que vous entendez, ce sont des divergences d’opinion, ce qui est tout à fait normal dans ce genre de groupe.
Je le fais, bien sûr, tout le temps. Je participe à des réunions de groupe et à des consultations. La SCHL organise chaque automne une conférence, analogue à celle dont vous parlez, qui regroupe différents acteurs. De nombreuses discussions de ce type sont en cours et, comme vous le soulignez, il nous en faut beaucoup plus. Cependant, c’est très complexe, parce que nous avons parlé de résilience.
Comment concilier le code du bâtiment, les coûts, le secteur des assurances...? Et nous n’avons même pas encore abordé la question des 16 millions de logements existants qui se trouvent dans des zones très vulnérables. Parlons-en justement de la Hailstorm Alley.
À Calgary, un événement majeur vient de se produire, causant des dommages estimés à des millions, voire des milliards. Pour ce qui est de reconstruire mieux, il existe des bardeaux résistants à la grêle. Certaines compagnies d’assurance offrent des incitatifs pour les utiliser, mais tous les propriétaires ne les acceptent pas et continuent d’utiliser les mêmes bardeaux que ceux qui viennent d’être endommagés.
Je crois qu’il est essentiel, comme vous l’avez mentionné, que nous poursuivions le dialogue. Je considère que cette étude est vraiment importante, mais elle est complexe.
Nous pouvons tous convenir d’une chose : nous attendons le budget cet après-midi, et je peux vous garantir qu’il ne répondra pas à toutes les questions dont nous avons parlé aujourd’hui, car les ressources sont limitées et les opinions divergent.
Il nous faut poursuivre le dialogue. M. Hudson Rankin préfère voir le verre à moitié plein, et j’ai tendance à faire de même, même si ce n’est peut-être pas le cas aujourd’hui. Je pense sincèrement qu’il y a de nombreuses occasions à saisir. Nous devons simplement collaborer pour y parvenir.
[Français]
Le président : J’ajouterais une sous-question pour vous. Quel est le nombre de logements détruits par année, soit par incendie, soit par inondation? J’ai cherché cette information et je ne l’ai pas trouvée. On trouve le nombre de réclamations, mais on ne trouve pas le nombre de logements détruits.
[Traduction]
M. McGuinty : Je ne le sais pas de mémoire. J’ai le nombre de sinistres assurés. Nous allons vérifier si nous pouvons vous fournir ce renseignement. C’est un nombre qui augmente chaque année.
Je reviens sur le fait que nous avions demandé la tenue d’un sommet national sur la résilience. Nous y apporterions notre soutien et serions ravis d’y participer.
Je pense que l’un des modèles qui ont bien fonctionné à cet égard est le Sommet national pour lutter contre le vol de véhicules, qui était une véritable urgence il y a un an et demi. Ce qui a suivi — et je pense que c’est là où vous voulez en venir — était un plan d’action clair, les résultats attendus et la responsabilisation. Le gouvernement a suivi les progrès de ce plan de lutte contre le vol de voitures au cours des 18 derniers mois environ, et nous avons constaté une diminution réelle et notable du vol de voitures, en partie grâce à des baisses importantes au Québec et en Ontario, ainsi qu’à un véritable renforcement des capacités de l’ASFC au port de Montréal en particulier. Je pense que c’est certainement une idée qui mérite d’être explorée, et nous serions heureux d’y contribuer.
La sénatrice Marshall : Cette question s’adresse à M. McGuinty ou à Mme Whittington. De quelles statistiques disposez-vous concernant l’assurance habitation au Canada? Savez-vous combien de logements sont correctement assurés? Combien paient une prime pour une assurance contre les inondations? Combien se voient refuser une assurance dans les zones inondables? Quelle est la précision de ces données? Combien de maisons ne sont pas assurées? Je connais plusieurs personnes qui n’ont pas d’assurance habitation. De quelles statistiques disposez-vous?
M. McGuinty : Je vais commencer, puis, madame Whittington, vous pourrez peut-être approfondir le sujet.
Nous disposons de davantage de données sur l’assurance automobile, car c’est un produit réglementé; les tarifs sont réglementés. Nous en avons un peu moins sur l’assurance habitation, mais permettez-moi d’aborder la question comme suit : comme ce groupe le sait, si vous avez un prêt hypothécaire, vous devez souscrire une assurance habitation. Certaines personnes, une fois leur prêt hypothécaire remboursé, décident de ne plus souscrire à une assurance habitation. Nous ne disposons pas de ces chiffres, mais nous pouvons affirmer sans crainte que la grande majorité des propriétaires ont une assurance habitation au Canada.
Une partie de la population canadienne n’a pas accès à une assurance contre les inondations de surface. Il y a plusieurs années, il y a 10 ans, l’assurance contre les inondations de surface n’existait pas au Canada. Aujourd’hui, entre 90 % et 95 % des foyers peuvent souscrire une assurance contre les inondations de surface. On a observé un véritable regain d’intérêt de la part du secteur privé pour la fourniture de cette couverture. Il existe toujours un écart, que j’estime à 5 % ou 6 % des ménages qui n’ont pas accès à une assurance contre les inondations de surface. Nous pensons que cela pourrait être couvert par un programme national d’assurance contre les inondations, et nous en avons beaucoup débattu au cours des dernières années.
La sénatrice Marshall : Où se trouveraient ces zones? Serait‑ce en Alberta et dans la région de Calgary? Sont-elles réparties dans tout le pays?
M. McGuinty : Il y en a dans tout le pays, dans des zones à haut risque. Les différentes compagnies d’assurance définissent différemment ce qu’est un « haut risque ». Je pense que l’essentiel est que le nombre de foyers qui ne peuvent pas souscrire d’assurance contre les inondations de surface diminue, mais si votre foyer est considéré comme à haut risque, le coût sera relativement élevé.
Le président : Veuillez m’excuser, sénatrice Marshall, mais je vais accorder deux minutes maximum si nous voulons respecter l’horaire.
[Français]
Le sénateur Forest : Je pense que l’idée d’avoir une coordination de l’intervention quant à l’impact sur les vols d’autos donne des résultats intéressants. J’adhère à l’idée du président, dans le sens où il y a des réalités qu’on n’imagine pas. Lors de la construction d’une nouvelle maison, la Fédération canadienne des municipalités évalue le coût des infrastructures à 107 000 $. On ne parle pas ici d’un coin de rue, d’un trottoir ou d’une conduite d’aqueduc. On se demande plutôt s’il est nécessaire d’agrandir l’usine de traitement des eaux usées ou s’il faut un nouveau système de traitement de l’eau potable.
Les citoyens qui habitent une ville ont déjà payé leurs propres installations. Est-ce qu’il est équitable de dire que le Québec est premier? Il est peut-être le premier pour les promoteurs, mais peut-être le dernier en ce qui concerne l’équité intergénérationnelle. Ceux qui habitent depuis longtemps dans une ville ont assumé le coût des installations et ils doivent payer pour les nouvelles constructions. Il y a tout de même une réflexion à faire sur le sujet, parce qu’on n’est pas conscient de l’impact que cela peut avoir.
La question que je voudrais poser concerne Maisons Canada. Souvent, les gouvernements fédéral et provinciaux ne consultent pas les municipalités, alors que ce sont elles qui accueillent les projets de construction de maisons et qui s’occupent des infrastructures. Le programme Maisons Canada devrait-il prévoir un volet qui soutient le développement des infrastructures requises pour la construction de nouvelles habitations?
[Traduction]
M. Lee : Il ne fait aucun doute que les investissements fédéraux dans les infrastructures sont essentiels; nous en avons besoin. Une des choses que nous avons soulignées, du point de vue de notre association, est que cela devrait également être lié aux résultats en matière de logement, afin que nous puissions prendre des mesures intelligentes dans ce domaine en même temps. Le gouvernement s’y est engagé ces derniers temps.
Encore une fois, si l’on reprend l’exemple du Québec, la manière dont la province et les municipalités se répartissent les coûts liés aux infrastructures est très judicieuse. La plupart des grands projets d’infrastructure, même s’ils sont locaux, sont pris en charge par la province. L’objectif est de répartir les coûts sur l’ensemble de l’assiette fiscale.
L’idée selon laquelle la croissance finance la croissance et que la prochaine génération devrait payer pour les choses parce qu’elles sont nouvelles est tout à fait erronée. La plupart des Canadiens vivent dans des maisons qui n’ont jamais dû payer de taxe d’aménagement.
Ces taxes ont augmenté progressivement de plus de 700 % au cours des 20 dernières années. En réalité, la plupart des gens n’ont pas contribué à leur financement; elles ont été prélevées sur l’ensemble de l’assiette fiscale.
La seule raison pour laquelle les centres-villes ont évolué de cette manière est que les municipalités ont bien compris que si elles augmentaient les impôts fonciers — qui constituent leur seule autre source de revenus —, elles ne seraient pas très populaires lors des élections municipales. La seule autre solution pour financer ces projets a donc été de ne pas augmenter suffisamment les taxes foncières et d’augmenter à la place les taxes d’aménagement.
Comme vous le soulignez, ce n’est pas une situation idéale pour les municipalités. C’est la raison pour laquelle nous discutons de la nécessité de trouver d’autres modèles de financement. Le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et tous les autres mécanismes qui doivent leur être mis à disposition des municipalités ont un rôle à jouer, car dans certaines provinces, elles n’y ont pas accès. Toutefois, l’idée qu’un nouveau centre communautaire ne serait utilisé que par les habitants de la collectivité concernée est tout à fait erronée. Il sera utilisé par des personnes de toute la ville. Il en va de même pour les eaux usées.
Si la logique était de ne leur faire payer que les nouvelles installations, elles devraient alors bénéficier d’un congé fiscal pendant quelques années, car elles viennent de payer pour l’ensemble des installations neuves. Nous devons donc plutôt répartir la charge de manière plus équitable entre tous.
La seule façon d’y parvenir et de rendre les logements plus abordables, en particulier dans les grands centres urbains, est de disposer de meilleurs modèles de financement que les taxes locales d’aménagement.
La sénatrice Ross : J’ai une question pour M. Lee. Je crois avoir compté trois fois le terme « crise du logement » dans vos observations d’aujourd’hui. Le directeur parlementaire du budget a publié un rapport il y a quelques mois indiquant que l’accessibilité du prix des logements s’était améliorée d’environ 20 % au cours des trois dernières années. Or, ce n’est pas ce que nous constatons, ce que nous entendons ou ce que nous vivons d’après ce que nous dit le public, ce que nous voyons dans les médias, etc. Les coûts augmentent. Pouvez-vous nous faire part de vos observations à ce sujet? Pensez-vous que nous nous dirigeons vers une correction importante du marché?
M. Lee : Quel genre de correction?
La sénatrice Ross : Une correction du prix des logements, comme celle qu’ont connue les États-Unis il y a quelques années.
M. Lee : Non, je ne pense pas que nous nous dirigeons vers une correction importante. Le fait est que la construction de maisons est coûteuse actuellement. Nous constatons plutôt que les Canadiens sont dans l’incapacité d’acheter des logements et que la tendance s’est orientée vers la construction de logements locatifs. La construction de ces logements deviendra également plus coûteuse avec le temps.
La crise du logement doit être résolue par les types de changements politiques dont nous discutons.
Je pense que c’est possible. Je ne pense pas que ce soit une cause perdue. Comme je l’ai dit, nous avons commencé à prendre de l’élan ces dernières années. Actuellement, l’accent est un peu trop mis sur les logements sociaux par rapport à l’ensemble du continuum. Nous devons nous pencher à nouveau sur la question de l’accession à la propriété. Les taux d’intérêt sont en baisse.
Je pense que la discussion serait différente si la guerre commerciale n’était pas en cours, mais c’est un vœu pieux. Cela a vraiment compliqué les choses. Nous serions toujours confrontés à une crise du logement, mais nous serions sur une meilleure voie.
Je ne pense pas que nous soyons confrontés à une correction importante des prix du marché, mais nous avons la possibilité d’aller dans différentes directions; nous devons simplement faire les bons choix en matière de politique.
La sénatrice Ross : Comment conciliez-vous cela avec ce que le directeur parlementaire du budget a rapporté en octobre?
M. Lee : Je ne vais même pas essayer, car toutes les autres données montrent que la situation est complètement différente. Une légère amélioration de l’abordabilité au beau milieu d’une crise d’abordabilité ne changera rien, comme vous pouvez le constater, notamment en Ontario et en Colombie-Britannique, où les chiffres sont très élevés.
D’ailleurs, il existe des endroits où l’accessibilité n’est pas si mauvaise. Le Canada atlantique en a bénéficié. Même si les prix des maisons ont augmenté, c’est toujours l’une des régions les plus abordables. Les Prairies se portent bien. L’Alberta offre une accessibilité très bonne. Edmonton, où les formalités administratives sont peu contraignantes et où il n’y a pas de taxe de vente provinciale sur le logement, est incroyablement abordable. Et comme nous l’avons mentionné, le Québec offre certains des logements les moins chers du Canada. J’ajouterai également que, compte tenu de la conjoncture actuelle, 80 % des mises en chantier au Québec cette année concernent des logements locatifs construits à cette fin, ce qui signifie qu’il reste des défis à relever en matière d’abordabilité.
Il y a des opportunités, mais aussi des défis. L’Ontario et le Québec, où les prix sont très élevés, sont confrontés à tous les autres facteurs qui aggravent la situation et la rendent vraiment difficile.
La sénatrice MacAdam : Je m’interroge sur le programme Maisons Canada, la nouvelle agence, et sur la manière dont elle pourrait contribuer à résoudre les problèmes auxquels vous êtes tous confrontés. Certains ont même déclaré que le programme Maisons Canada pouvait jouer un rôle de premier plan. Êtes‑vous plus optimistes quant à la résolution de ces problèmes grâce à la mise en place de cette nouvelle agence? Si oui, pourquoi? Qu’est-ce qui a changé? Nous avons déjà la SCHL et Logement, Infrastructures et Collectivités Canada. J’aimerais connaître votre avis sur ces questions.
M. Lee : Je peux commencer.
Nous devons replacer le programme Maisons Canada dans son contexte, et je ne pense pas que cela ait été fait correctement dans l’espace public. Maisons Canada ne nous aidera pas à construire les cinq millions de logements dont nous avons besoin au cours des prochaines années. Ce n’est pas ainsi qu’elle est structurée actuellement. À l’heure actuelle, elle est très axée sur les logements sociaux, ce qui est une bonne chose, car nous en avons besoin de plus. Elle soutiendra également d’autres initiatives. Elle tentera d’aider à la construction de maisons modulaires et préfabriquées, mais à une échelle très limitée, car il ne s’agit que d’un certain nombre de maisons.
Maisons Canada peut être bénéfique pour ce qu’elle va accomplir. Nous demandons depuis longtemps que les terres fédérales sous-utilisées soient libérées pour créer des logements. C’est une bonne chose, mais nous avons également besoin de toutes les autres mesures. Nous devons nous concentrer sur les logements au prix du marché — tous les grands changements politiques qui doivent être apportés et que j’ai mentionnés — en parallèle.
Maisons Canada ne résoudra pas la crise du logement. Elle permettra de résoudre une partie de la crise, et c’est une bonne chose, mais nous avons également besoin de beaucoup plus.
M. McGuinty : Je suis d’accord avec mon collègue. Maisons Canada est une bonne initiative. Du point de vue des assurances, avec les baromètres de risque, il est tout aussi important de discuter des conditions d’un investissement intelligent dans le logement, avec les baromètres de risque. Comme je l’ai mentionné précédemment, les fonds alloués aux municipalités qui sont à court d’argent et qui disposent de ressources ou d’outils financiers limités, comme le FAAC, sont essentiels et doivent être pris en compte en parallèle avec le programme Maisons Canada.
Ce matin, un article du Globe and Mail évoquait un nouveau programme Fonds Chantiers Canada. Nous verrons ce qu’il en ressortira, mais nous devons considérer le programme Maisons Canada dans son contexte, à savoir que nous avons besoin de conditions adéquates en matière de construction dans tout le pays. Cela signifie qu’il faut réfléchir à l’emplacement des bâtiments, mais aussi veiller à ce que nos municipalités disposent des conditions nécessaires pour construire de manière intelligente.
M. Rankin : C’est pourquoi je suis optimiste et je partage les autres observations. Cela ne résoudra pas tous nos problèmes, mais c’est l’occasion de réunir tous les acteurs afin d’examiner quelques exemples de projets et de déterminer ce qui est nécessaire à plus grande échelle. C’est pour cette raison que je suis optimiste à ce stade. Je pense vraiment qu’il s’agit d’une occasion unique.
La sénatrice Kingston : Ma question va dans le même sens.
Monsieur Rankin, étant donné que Maisons Canada considère l’accessibilité financière comme son élément principal et que ces maisons sont destinées aux personnes à faibles revenus, existe‑t‑il encore la possibilité — vous l’avez partiellement mentionné — de faire des choses vraiment bonnes pour la résilience climatique, plutôt que certaines des choses dont M. Lee a parlé et qui pourraient avoir des conséquences imprévues? Votre organisation et d’autres ont-elles la possibilité d’avoir un impact sur la construction de logements abordables qui soient également résilients face aux changements climatiques, et de faire ainsi progresser le reste du marché immobilier dans ce domaine?
M. Rankin : En un mot, oui. L’essentiel est de pouvoir quantifier cela et de lever les incertitudes pour les constructeurs, les assureurs et les financiers. Donc, oui.
Le sénateur Cardozo : J’ai une question rapide.
Monsieur Lee, nous avons brièvement évoqué les logements abordables. Qu’en pensez-vous, en particulier en ce qui concerne les coopératives d’habitation destinées aux peuples autochtones, tant dans les réserves qu’à l’extérieur de celles-ci? Quelles recommandations feriez-vous?
M. Lee : Ce sont là d’importantes questions de politique sociale qui ne relèvent pas vraiment de notre domaine. En tant qu’association, nous sommes certainement bien placés, tout comme nos députés, pour construire ce type de logements. Je dirais qu’il existe d’énormes possibilités pour la construction préfabriquée et modulaire, en particulier dans les régions nordiques et éloignées.
J’ai entendu parler de discussions sur le renforcement des capacités de construction de maisons dans les collectivités éloignées. Je pense que ce n’est pas la bonne solution, car la demande n’est pas suffisante pour construire beaucoup de logements. En revanche, il existe de nombreuses possibilités de rénovation et d’assemblage, comme nous l’appelons dans le monde de la construction modulaire, c’est-à-dire l’assemblage de maisons. Il serait judicieux de construire hors site, puis d’expédier les éléments dans les collectivités rurales et éloignées, y compris les collectivités autochtones, et de créer des capacités pour l’entretien continu, les rénovations et l’assemblage. Il existe certainement un plan visant à investir beaucoup plus dans les logements du Nord. Cette approche combinerait le meilleur de toutes les forces des différentes collectivités et des technologies à notre disposition.
[Français]
Le président : Merci beaucoup. Cela met fin à notre séance d’aujourd’hui. Monsieur Hudson Rankin et monsieur McGuinty, si vous pouvez nous envoyer les informations que vous nous avez suggérées d’ici une semaine, ce serait très apprécié.
Merci beaucoup à tous. Notre prochaine réunion aura lieu demain, le 5 novembre, à 18 h 45.
(La séance est levée.)