LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 5 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 47 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, les programmes et initiatives fédéraux visant à soutenir la création de logements.
Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonsoir, honorables sénateurs et sénatrices. Je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu’aux Canadiens nous regardent sur sencanada.ca.
Je m’appelle Claude Carignan, je suis un sénateur du Québec et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’invite maintenant mes collègues à se présenter.
Le sénateur Forest : Bonsoir et bienvenue. Éric Forest, de la division du Golfe, au Québec
[Traduction]
La sénatrice Pupatello : Bonjour à tous. Je m’appelle Sandra Pupatello, et je suis une sénatrice de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Bonsoir. Pierre Dalphond, de la division De Lorimier, au Québec.
La sénatrice Galvez : Bonsoir et bienvenue à notre comité. Rosa Galvez, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Cardozo : Bienvenue à tous. Je m’appelle Andrew Cardozo, et je suis moi aussi un sénateur de l’Ontario.
La sénatrice Kingston : Joan Kingston, sénatrice du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Ross : Bienvenue à tous. Krista Ross, sénatrice du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Marshall : Je m’appelle Elizabeth Marshall, sénatrice de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
Le président : Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur les programmes et initiatives fédéraux visant à soutenir la création de logements.
Pour notre premier groupe de témoins, nous avons le plaisir d’accueillir Blair Feltmate, chef, Centre Intact d’adaptation au climat, Université de Waterloo, qui témoigne à titre personnel, ainsi que Mme Debbie Douglas, directrice générale du Conseil ontarien des agences servant les immigrants. Bienvenue à tous les deux. Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation. Nous allons commencer par une courte déclaration de quatre à cinq minutes par invité, après quoi nous aurons des questions. Nous allons commencer par M. Feltmate, qui sera suivi de Mme Douglas.
[Traduction]
Blair Feltmate, chef, Centre Intact d’adaptation au climat, Université de Waterloo, à titre personnel : Merci beaucoup. Je suis ravi d’être ici ce soir.
Pour ma présentation d’ouverture, je vais me concentrer sur les mesures que les propriétaires peuvent prendre pour protéger leur maison contre les inondations et les feux de forêt. Toutefois, avant d’aborder ces mesures correctives, je présenterai quelques faits qui illustrent l’impact des inondations et des feux de forêt sur le marché immobilier canadien, ce qui renforce l’importance des travaux que vous menez au Sénat.
Je vous ai montré un graphique, si vous avez eu l’occasion de le consulter, qui présente le profil des demandes d’indemnisation pour pertes catastrophiques assurées au Canada de 1983 à aujourd’hui. Vous pouvez constater que pour la période de 1983 à 2008, les sinistres assurés se situaient autour de 350 millions de dollars par an dans tout le Canada, alors qu’à partir de 2009, le total des indemnisations a atteint en moyenne environ 3 milliards de dollars par an. Ce qui importe le plus dans l’analyse de ces données, c’est la forme de la courbe. En effet, la courbe s’incurve vers le haut, principalement en raison des dommages causés par les inondations et les feux de forêt. Bref, la situation empire, et ce, de manière accélérée.
Pour mieux comprendre la situation, voici quelques faits spécifiques au risque d’inondation au Canada : 10 % du parc immobilier canadien, soit 1,5 million de maisons, n’est plus assurable contre les risques d’inondation. Cela signifie qu’un propriétaire sur dix ne peut pas assurer son plus gros investissement financier au Canada. Le coût moyen d’un sous-sol inondé au Canada est de 54 000 $. Si vous aviez un sous-sol inondé moyen sans assurance, le coût de la réparation serait très élevé. Au Québec, dans les communautés où le risque d’inondation dépasse 5 % au cours d’une année donnée, Desjardins a cessé de renouveler les prêts hypothécaires. Au cours des 12 dernières années au Canada, pour les maisons situées dans des communautés touchées par des inondations catastrophiques, la valeur moyenne de revente des maisons a chuté de 8 %, ce qui a modifié le ratio prêt-valeur des prêts hypothécaires. Cela s’est déjà produit.
En ce qui concerne les feux de forêt, les compagnies d’assurances State Farm et Allstate ont cessé de souscrire de nouvelles assurances-incendie pour les propriétés en Californie et en Arizona. Sans assurance-incendie, il est impossible pour un propriétaire d’obtenir un prêt hypothécaire, ce qui transforme la propriété en actif délaissé; autrement dit, la propriété perd toute sa valeur. Au Canada, nous devons comprendre que nous ne sommes pas à l’abri d’une situation similaire à celle que subit la Californie.
Maintenant que nous avons abordé certaines mauvaises nouvelles, passons aux bonnes nouvelles concernant les inondations, les feux de forêt et le marché immobilier canadien, en commençant par le retour sur investissement associé à l’adaptation. En effet, chaque dollar investi dans l’adaptation pour éviter un problème permet d’économiser entre 2 et 10 $ en pertes évitées par décennie.
Cela nous amène aux infographies que je vous ai présentées, à commencer par l’infographie intitulée « Trois étapes pour protéger efficacement votre maison contre les inondations ». Les renseignements présentés dans cette infographie sont basés sur les contributions de nombreux experts en la matière, notamment le Conseil canadien des normes, la Croix-Rouge canadienne et le Bureau d’assurance du Canada, dont vous avez reçu les représentants hier.
Dans la rangée supérieure de l’infographie, vous voyez les mesures qu’un propriétaire peut prendre pour protéger sa maison sans dépenser un seul dollar, et réduire ainsi son exposition aux inondations. Ces mesures peuvent être aussi simples que de vérifier le bon fonctionnement d’une pompe de puisard. La plupart des gens se rendent compte que leur pompe de puisard ne fonctionne pas lorsqu’ils ont un mètre d’eau d’égout dans leur sous-sol. Placer des couvercles en plastique sur les puits de fenêtre et installer des alarmes anti-inondation sont d’autres mesures simples et presque gratuites que les propriétaires peuvent prendre pour limiter les risques d’inondation. Pour un coût légèrement supérieur, de l’ordre de 500 $, une batterie de secours peut être connectée à une pompe de puisard afin de la maintenir en fonctionnement en cas de coupure de courant, très fréquente lors de tempêtes importantes.
En ce qui concerne les risques associés aux feux de forêt et l’infographie que je viens de vous présenter, de nombreuses mesures, dont certaines sont gratuites, peuvent être prises pour limiter l’exposition aux feux de forêt. Par exemple, on peut retirer les arbustes situés à quelques mètres du mur d’une maison et les remplacer par des matériaux non inflammables. Une autre mesure de précaution consiste à stocker le bois de chauffage loin de la maison et non à la porte arrière pour des raisons de commodité. À un coût légèrement plus élevé, la protection peut inclure l’installation de bardeaux métalliques ou en fibres de ciment résistant au feu, de revêtements extérieurs incombustibles, et l’abatage des grands arbres à aiguilles qui pourraient se trouver à proximité de la maison.
Ces infographies ont pour but d’inciter les propriétaires à prendre des mesures pour protéger leurs économies. Après avoir reçu ces infographies, 70 % des propriétaires prennent, dans les six mois, au moins deux mesures pour protéger leur maison qu’ils n’auraient pas prises autrement. Autrement dit, les gens sont prêts à prendre des initiatives pour protéger leur maison lorsqu’ils savent exactement quoi faire. En gros, si la plupart des propriétaires ne prennent pas les mesures adéquates, c’est tout simplement parce qu’ils ne savent pas quoi faire.
À l’heure actuelle, des infographies sur les risques d’inondation et d’incendie de forêt dans les zones résidentielles sont diffusées auprès des clients des grandes banques canadiennes, telles que RBC et BMO; les coopératives de crédit, comme la Meridian Credit Union; les mutuelles d’assurance générale, notamment Intact; et de nombreuses municipalités à travers le Canada. Ces infographies sont diffusées sur une base annuelle auprès d’environ 3,5 à 3,6 millions de foyers.
La mesure la plus rentable que le Canada pourrait prendre pour limiter les risques d’inondation et de feux de forêt est de lancer un programme national de sensibilisation sur la protection des maisons contre les inondations et les feux de forêt afin d’aider les Canadiens à protéger eux-mêmes leur propriété. La mise en œuvre de ce programme d’éducation pourrait inclure la publication d’infographies sur les sites Web du gouvernement du Canada, dans les communiqués des députés à leurs électeurs, dans les journaux, sur les panneaux d’affichage publics et sur les réseaux sociaux.
Bref, chaque jour où nous ne nous adaptons pas est un jour perdu.
Merci beaucoup pour votre attention.
Debbie Douglas, directrice générale, Conseil ontarien des agences servant les immigrants : Je tiens tout d’abord à vous remercier de m’avoir donné l’occasion de contribuer à votre étude.
Lors de ma présentation, je vais me concentrer sur l’expérience des organismes membres du Conseil ontarien des agences servant les immigrants, ou OCASI, dans leur travail visant à répondre aux besoins en matière de logement des immigrants et des réfugiés.
L’OCASI est l’organisme qui chapeaute les organismes au service des immigrants et des réfugiés en Ontario. Nous comptons plus de 250 organismes membres dans l’ensemble de la province. Nos membres comprennent des fournisseurs de logements qui viennent directement en aide aux personnes sans abri et à celles qui ont besoin d’un refuge d’urgence, comme les demandeurs d’asile et les survivantes de violence à caractère sexiste.
Nos organismes membres aident également les réfugiés, les immigrants, les travailleurs migrants et les étudiants étrangers à trouver et à conserver un logement abordable. Cela est devenu très difficile ces dernières années, en particulier pour ceux qui vivent dans de petites communautés rurales. Les familles d’immigrants et de réfugiés ont tendance à être plus nombreuses, et il est particulièrement difficile de trouver des logements locatifs abordables qui répondent à leurs besoins.
Nos organismes membres offrent également une vaste gamme de services qui sont souvent essentiels pour trouver et conserver un logement sécuritaire, abordable et adapté, notamment des services d’aide à l’établissement. Ils s’attachent principalement à aider leurs clients à trouver un logement locatif abordable, et non à devenir propriétaires.
Les réfugiés et les immigrants récemment arrivés sont plus susceptibles d’être locataires. Selon le recensement de 2021, 56,9 % des immigrants récents étaient locataires, contre seulement 24 % des personnes nées au Canada et des résidents de longue date issus de l’immigration.
Les immigrants et les réfugiés arrivés récemment font face à des taux de pauvreté nettement plus élevés que le reste de la population canadienne. En effet, le recensement de 2021 a révélé qu’un immigrant récent sur cinq vivait sous le seuil de pauvreté, par contraste avec 6 % au sein de la population née au Canada.
Au Canada, les personnes racisées sont confrontées à un taux de pauvreté de 14 %, contre 8,5 % pour les Canadiens non racisés. Les taux les plus élevés concernent les Arabes, avec environ 18 %, les Chinois, avec 15 %, et les Noirs, avec 13,9 %. Les immigrants et les réfugiés racisés sont confrontés à l’un des taux de pauvreté les plus élevés du pays, ce qui a un impact direct sur leur capacité à accéder à un logement et à le conserver.
Il existe un besoin critique de logements abordables, voire très abordables, au loyer proportionné au revenu afin de répondre aux besoins de ces populations. Le Conseil national du logement a déclaré que la Stratégie nationale sur le logement lancée par le gouvernement fédéral n’était pas suffisamment solide en matière de financement d’options de logement hors marché. Une vérification informelle auprès des organismes membres a montré que seuls deux organismes membres du Conseil ontarien des agences servant les immigrants ont bénéficié de la Stratégie nationale sur le logement. Il s’agissait dans les deux cas d’organismes YWCA, qui disposent déjà d’un budget important et d’une présence institutionnelle forte et de longue date au sein de leurs communautés. Nos membres nous ont fait savoir qu’ils ne pouvaient tout simplement pas s’inscrire dans la Stratégie nationale pour le logement et que, compte tenu de leur déficit économique et social relatif dans ce domaine, le seuil d’entrée était inaccessible, mais qu’ils étaient très intéressés par une participation au marché du logement.
Nous avons besoin que les trois ordres de gouvernement participent à la recherche de solutions concrètes. Nous aimerions vous soumettre les recommandations suivantes : encourager tous les ordres de gouvernement à financer la mise en place de solutions de logement à court terme adaptées aux demandeurs d’asile qui arrivent, notamment des services d’établissement et des solutions de logement permanentes; promouvoir une initiative fédérale-provinciale qui inclut également les municipalités afin de financer des subventions au logement destinées aux nouveaux arrivants et liées aux services d’établissement. L’Allocation d’aide au logement Canada-Ontario constitue un bon modèle; veiller à ce que les politiques éliminent les obstacles liés au statut d’immigrant; recueillir des données ventilées afin d’aider à identifier et à mieux traiter les inégalités; et enfin, soutenir les modèles qui offrent à la fois stabilité et flexibilité, permettant aux immigrants et aux réfugiés de réaliser rapidement leur potentiel économique et social.
Bien que cette étude se concentre sur le gouvernement fédéral, nous soulignons que les gouvernements provinciaux ont également une influence considérable par le biais de lois et de politiques sur le contrôle des loyers et les rénovictions, ainsi que par l’augmentation du salaire minimum provincial à un niveau suffisant pour vivre et l’application des lois sur l’emploi afin de prévenir le vol salarial, autant de mesures qui ont un impact direct sur l’accès au logement. Toutes ces mesures ont une incidence sur la manière dont les personnes les plus marginalisées peuvent accéder plus facilement au logement.
Merci à tous pour votre attention.
[Français]
Le président : Merci beaucoup. Nous allons commencer la période des questions.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : J’ai des questions pour nos deux invités, et je vais commencer par M. Feltmate.
Monsieur Feltmate, ce que vous avez dit m’a grandement intéressé, car nous avons entendu certains témoins issus du secteur des assurances parler des inondations, comme vous l’avez mentionné. Vous avez fait quelques suggestions concernant les programmes de sensibilisation. Vous avez fait quelques suggestions qui, une fois entendues, m’ont semblé logiques. Ne plantez pas d’arbustes près de votre maison. Eh bien, je vais devoir refaire mon jardin. Selon vous, qui devrait être chargé de mettre en œuvre un tel programme de sensibilisation? Bref, je trouve qu’il s’agit d’une excellente idée.
M. Feltmate : La formation consiste vraiment à mettre les infographies entre les mains des propriétaires, car, franchement, elles sont conçues de telle manière que lorsqu’on les consulte, on trouve sur une page 15 mesures à prendre pour limiter les risques d’inondation et d’incendie de forêt pour une maison, et elles peuvent être comprises en 45 secondes à une minute. Elles ne nécessitent pas de lecture. Elles sont compréhensibles instantanément. En gros, le défi consiste simplement à les mettre entre les mains des propriétaires.
Qui sera responsable du déploiement d’un tel programme de sensibilisation? Je dirais que nous devons évidemment impliquer le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, ainsi que les municipalités. Nous avons probablement 30 ou 40 municipalités, quelque chose comme ça, à travers le Canada à l’heure actuelle. Lorsque les maires verront les infographies, je vous garantis qu’ils souhaiteront en obtenir de nombreuses copies afin de les transmettre à leurs concitoyens. Nous avons quelques-unes des grandes banques. Si vous contractez un prêt hypothécaire auprès de la Banque Royale aujourd’hui, vous recevez ces infographies dans le dossier de clôture.
La sénatrice Marshall : Qu’en est-il des compagnies d’assurances? J’ai déjà reçu la visite d’un représentant de ma compagnie d’assurances qui a inspecté toutes les pièces de ma maison. Je ne me souviens pas que cet agent n’ait jamais soulevé la question des arbustes et des arbres dans mon jardin.
M. Feltmate : Cela dépend. Par exemple, je sais qu’Intact Financial, qui est de loin la plus importante mutuelle d’assurances multirisques au pays, diffuse ce type de renseignements à grande échelle. D’autres assureurs agissent également dans ce sens, notamment Desjardins, Co-operators et d’autres grands assureurs. N’oubliez pas qu’il existe 160 compagnies d’assurances de dommages au Canada, mais que 15 d’entre elles contrôlent 65 % du marché. Les grands acteurs continuent de diffuser ce genre de renseignements précieux. Soit dit en passant, cela est dans l’intérêt de tous. Il est évidemment avantageux pour le propriétaire de ne pas subir d’inondation ou d’incendie, et c’est également au bénéfice de la compagnie d’assurances. Bref, la diffusion de ce type de renseignements est bénéfique pour tout le monde.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup, monsieur Feltmate.
Madame Douglas, quels sont les défis auxquels vous êtes confrontée pour aider les nouveaux arrivants à se trouver un logement? Je sais que même les personnes qui ont vécu toute leur vie au Canada ont des difficultés. Vous dites qu’il y a maintenant de nouveaux arrivants dans le pays. Ils ont des familles plus nombreuses et ne sont probablement pas familiarisés avec la culture. Comment vos organismes membres s’y prennent-ils pour trouver des logements à ceux qui en ont besoin?
Mme Douglas : Il s’agit d’une excellente question.
Les immigrants qui arrivent au Canada en tant que résidents permanents disposent déjà bien entendu de certaines ressources, mais lorsqu’ils trouvent un logement, les propriétaires leur demandent parfois jusqu’à six mois de loyer, de sorte que les fonds qui devraient leur permettre de subvenir à leurs besoins pendant un an ou deux pendant qu’ils s’installent sont consacrés au logement, ce qui fait que les nouveaux immigrants se retrouvent dans une situation de grande pauvreté dès leur arrivée, avant même d’avoir pu s’installer et démarrer leur nouvelle vie. C’est pourquoi nous pensons qu’il est extrêmement important, dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement, d’examiner les types d’aide qui peuvent être accordés aux immigrants au cours des deux premières années suivant leur installation.
Pour nous, cependant, les populations qui rencontrent le plus de difficultés sont celles qui demandent l’asile. Elles arrivent dans le pays, sont orientées vers notre système municipal d’hébergement, puis se retrouvent dans une situation très difficile, car, tant qu’elles n’ont pas déposé de demande, elles ne reçoivent pas de permis de travail et ne peuvent donc pas travailler. Elles bénéficient alors de l’aide sociale, mais nous savons qu’avec le prix actuel des loyers, c’est tout à fait impossible.
La sénatrice Marshall : Ces personnes ne disposent pas des ressources adéquates, je comprends.
Mme Douglas : Exactement. Les propriétaires demandent aux nouveaux arrivants plusieurs mois de loyer, alors qu’ils n’ont même pas d’antécédents en matière de crédit.
Sur le court terme, nous proposons de s’inspirer des modèles existants à travers le pays, comme l’Allocation d’aide au logement Canada-Ontario. Il s’agit d’une prestation transférable que les municipalités peuvent accorder à des particuliers, qui peuvent ensuite louer un logement. Dans certains cas, cette prestation peut être versée pendant un an. Nous pensons que ce modèle peut être suffisamment assoupli pour que les municipalités de différentes régions du pays puissent mettre en place ce programme...
La sénatrice Marshall : Mais il est question de l’Ontario, alors qu’au sein des autres provinces...
Mme Douglas : Oui, mais il s’agit d’un modèle qui peut être adapté selon la province, le territoire ou la municipalité.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci beaucoup de votre présence ici.
Madame Douglas, dans votre mémoire prébudgétaire devant le Comité des finances de la Chambre des communes, vous proposiez de reconfigurer la stratégie du logement, particulièrement pour les gens les plus vulnérables. Quelles sont vos principales recommandations?
[Traduction]
Mme Douglas : Comme je l’ai dit dans mon exposé, bon nombre de nos agences membres sont très intéressées par la construction de logements abordables. Dans sa forme actuelle, la stratégie en matière de logement impose tellement d’obstacles aux agences — notamment la nécessité de disposer d’un soutien financier pour se lancer dans ce domaine — qu’il faudrait mettre en place d’autres mesures pour favoriser la mise en relation avec un constructeur immobilier privé bénéficiant du soutien financier d’une banque et ainsi permettre la construction de coopératives et de logements à loyer indexé sur le revenu des clients de ces agences. La stratégie actuelle en matière de logement ne le permet vraiment pas. Comme je l’ai dit, seules 2 de mes 250 agences membres — nommément les YWCA, qui sont les deux plus importants organismes qui disposent de fonds privés importants et qui organisent des collectes de fonds — ont pu se lancer dans ce domaine et construire des logements destinés aux femmes et aux femmes fuyant la violence.
Si nous pouvons étendre ces modèles, si nous pouvons offrir des mesures incitatives aux investisseurs privés pour les amener à créer des projets privés-publics qui profitent ensuite aux nouveaux arrivants, cela contribuera grandement à répondre aux besoins en matière de logements abordables, de logements vraiment abordables, s’entend.
[Français]
Le sénateur Forest : Est-ce que vous faites des démarches en faveur d’une meilleure adéquation entre l’offre de logements et la réalité des nouveaux arrivants? Comme vous l’avez mentionné, ils ont souvent une famille plus nombreuse. Ils veulent s’installer autour des centres-villes pour éviter d’avoir une automobile et profiter des transports en commun. On s’aperçoit que l’adéquation n’est souvent pas là pour ce qui est des logements adaptés pour ce type de famille.
La SCHL, dans le cadre du nouveau programme Maisons Canada, devrait-elle prévoir des mesures incitatives pour la construction de ce type de logements dans des milieux plus adaptés pour ces familles fragilisées?
[Traduction]
Mme Douglas : L’un des exemples que nous avons examinés est celui d’une communauté noire de la Nouvelle-Écosse qui a pu obtenir des terrains de la municipalité et bénéficier de prêts à faible taux d’intérêt pour construire des logements. Parallèlement à cela, ils ont réussi à trouver des propriétaires disposant d’espaces disponibles qui, à titre fiduciaire, ont permis à certaines des familles les plus nombreuses d’utiliser leurs maisons en attendant la construction des nouveaux logements.
Nous avons fait pression sur les municipalités pour qu’elles autorisent la conversion de maisons en quadruplex. Nous constatons beaucoup de résistance de la part des voisins. C’est l’habituel réflexe du « pas dans ma cour ». Ce sont les types de logements dont nous avons besoin pour accueillir les familles multigénérationnelles. Non seulement les familles immigrées ont tendance à avoir plus d’enfants, mais elles ont aussi tendance à vivre dans des familles multigénérationnelles, de sorte qu’une famille peut compter sept ou huit personnes. Si l’on autorisait la conversion des maisons sans trop de formalités en matière de zonage et autres, cela contribuerait grandement à répondre à certains de nos besoins immédiats en matière de logement.
[Français]
Le sénateur Forest : Monsieur Feltmate, l’utilisation du bois canadien est non seulement une politique très importante, mais c’est aussi une bonne chose pour l’émission de carbone. En ayant recours au bois canadien, pensez-vous que l’on peut réaliser cet objectif sans avoir trop d’impact sur l’abordabilité du coût des maisons, qui est un enjeu majeur pour les jeunes familles d’aujourd’hui?
[Traduction]
M. Feltmate : Je ne suis pas certain que cela ferait une grande différence. Je ne sais pas si quelqu’un a vraiment fait ces calculs, mais je ne pense pas que cela ferait une grande différence.
Le sénateur Cardozo : Merci à vous deux d’être ici. Je vais commencer par quelques questions sur l’immigration, et j’aimerais que vous, Debbie Douglas, nous parliez un peu du débat sur l’immigration.
Au cours des deux ou trois dernières années, je crois que nous avons assisté à un renversement de l’opinion publique au sujet de l’immigration. Pendant plusieurs années, il y a eu un vaste consensus en la matière, mais ce consensus s’est quelque peu effrité ces deux dernières années. L’immigration a été largement tenue pour responsable de la pénurie de logements. Les universités et les collèges ont ouvert grand leurs portes, mais ils ne garantissent pas que les étudiants qu’ils admettent auront un logement, qu’ils viennent de l’étranger ou de la province voisine. J’aimerais connaître votre opinion sur le débat et savoir si les universités et les collèges ou les employeurs qui embauchent des travailleurs étrangers temporaires devraient faire davantage pour loger les personnes qu’ils font venir. Devrait-on construire plus dans ce domaine? Que pensez-vous du débat général actuel à cet égard?
Mme Douglas : L’un des événements les plus regrettables qui se soient produits ici au Canada est le changement d’attitude à l’égard de l’immigration et des immigrants. Pendant des décennies, les Canadiens s’entendaient pour dire que les immigrants avaient bâti notre économie et contribué à notre bien-être collectif. Lorsque la crise du logement a frappé, la rhétorique a malheureusement changé : nous accueillions trop d’immigrants, trop de personnes temporaires, trop d’étudiants étrangers — comme vous le dites, sénateur, on entend désormais dire que le pays a ouvert ses portes à trop de gens.
Mon argument est que pendant plus de 30 ans, nos gouvernements fédéral et provinciaux se sont abstenus de construire des logements. Nous avons cessé de bâtir de nouveaux logements, ce qui a bien sûr créé une pénurie. Parallèlement, les provinces ont plaidé auprès du gouvernement fédéral pour qu’il augmente le nombre d’étudiants étrangers, alléguant que cela contribuait à compenser la baisse de contribution des provinces à l’enseignement supérieur. Les étudiants étrangers paient trois ou quatre fois plus de frais de scolarité que nous, Canadiens, et cela est devenu une source de revenus pour les universités et les collèges. Pendant un certain temps, la voie était ouverte à tous, et pas seulement dans nos collèges et universités publics. Nous avons également autorisé les collèges et universités privés à profiter de la manne, y compris les collèges professionnels — et loin de moi l’idée de dénigrer les collèges professionnels — dont les diplômes ne menaient souvent nulle part. Certaines provinces, comme l’Ontario, ont établi des liens entre nos établissements publics et ces collèges privés afin d’augmenter le nombre d’étudiants étrangers admis, ce qui leur a permis de réduire les paiements de transfert aux collèges et universités et de baser les budgets de ces derniers sur le nombre d’étudiants étrangers qu’ils accueillaient.
Si nous voulons augmenter le nombre de travailleurs étrangers temporaires, y compris ceux qui ne sont pas hautement qualifiés — par exemple, lorsque nous avons ouvert nos portes aux travailleurs étrangers temporaires qui acceptaient de travailler dans des endroits comme Tim Hortons —, nous devons nous attendre à ce que les employeurs leur fournissent une place pour rester. Il en va de même pour ceux qui viennent dans le cadre du programme des travailleurs agricoles saisonniers. Les agriculteurs sont censés fournir un logement, et je pourrais en dire long à ce sujet. Les logements sont inadéquats et les inspections insuffisantes. Toutes ces questions sont très préoccupantes, mais l’idée générale est que si vous faites venir des gens pour travailler pour vous, vous avez la responsabilité de vous assurer qu’ils sont logés.
Il en va de même pour les étudiants étrangers : si nous faisons venir des étudiants étrangers et si nous finançons notre système d’enseignement supérieur grâce à eux, ils devraient pouvoir venir chez nous en sachant qu’ils disposeront de logements propres et adéquats. Or, ce n’est pas du tout ce qui s’est passé jusqu’ici. Les étudiants sont contraints de partager des chambres. Souvent, ils louent un lit — « je dors le matin, tu dors la nuit » — sans qu’il y ait le moindre contrôle, d’où cette conversation.
Je dis tout cela en précisant que nous ne pouvons pas imputer la crise du logement ou du coût de la vie aux immigrants, y compris aux étudiants étrangers. C’est nous qui avons créé notre crise du logement. Nous n’avons pas prêté suffisamment attention aux capacités d’absorption de notre système. Malheureusement, tous les Canadiens ont absorbé et relayé le discours voulant que les travailleurs étrangers temporaires, les étudiants étrangers et les immigrants soient en quelque sorte responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons en matière de logement et de logements abordables.
La sénatrice Ross : Madame Douglas, en juin 2022, le gouvernement fédéral a interdit l’achat de logements aux personnes qui n’étaient pas des résidents permanents ou des citoyens canadiens, sauf dans certaines situations où des exemptions pouvaient être accordées, comme pour certains étudiants, certains étudiants étrangers, les détenteurs de certains types de permis de travail et les diplomates, je crois. Ces achats devaient se faire en dehors des régions d’agglomération de recensement ou des régions métropolitaines de recensement. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure cela a pu avoir une incidence sur la capacité d’achat de ceux qui auraient pu ou auraient été en mesure d’acheter? Cette mesure a maintenant été prolongée de deux ans, soit jusqu’en janvier 2027.
Mme Douglas : Cette loi a été adoptée afin de freiner la marchandisation du logement. On croyait que des étrangers achetaient nos logements et qu’il s’agissait d’un phénomène de spéculation qui faisait grimper le coût du logement, et c’était en partie vrai. Toutefois, nous savons aussi que certains de nos grands propriétaires, qui sont Canadiens, achètent eux aussi des logements et font grimper les prix. Ils recherchent des quartiers où les logements sont plus abordables — souvent dans certains de nos quartiers les plus pauvres —, achètent ces logements, expulsent les locataires et font grimper les prix. Malgré les lois adoptées en 2022, nous sommes toujours aux prises avec cet aspect de la crise du logement, car nous n’avons rien fait pour mettre fin à la marchandisation généralisée du logement. Le logement est donc devenu une marchandise plutôt qu’un toit auquel on a droit et ce genre de choses. Si nous prolongeons cette disposition jusqu’au terme des deux années proposées sans construire de nouveaux logements, la situation perdurera.
La sénatrice Ross : Qu’en est-il de l’idée selon laquelle cela n’incluait pas les logements de quatre pièces ou plus, mais seulement ceux de trois pièces ou moins?
Mme Douglas : Je ne savais pas cela. Pour moi, je ne pense pas que la taille du logement fasse une grande différence. Ce que nous devions faire, et ce que nous devons encore faire, et cela concerne aussi les provinces, c’est trouver des moyens d’arrêter la marchandisation du logement, et l’un des meilleurs moyens d’y parvenir est de veiller à ce que nous ayons des mesures législatives sur le contrôle des loyers dans tout le pays.
La sénatrice Ross : Au Nouveau-Brunswick, un plafond de 3 % a été mis en place pour les loyers, mais j’entends beaucoup de propriétaires dire que leurs coûts augmentent plus rapidement que 3 %. Qu’il s’agisse des factures d’électricité ou d’autres dépenses, leurs coûts augmentent de plus de 3 %. Comment réagissez-vous à cela?
Mme Douglas : Je ne veux pas débattre avec des propriétaires individuels. D’après notre expérience, nous savons que la plupart des propriétaires ne prennent pas en charge les coûts des services publics. Ce sont les locataires eux-mêmes qui doivent les assumer. Une fois la maison construite, le propriétaire est essentiellement responsable de choses comme l’assurance, mais même l’assurance du contenu est à la charge des locataires.
En réalité, les propriétaires qui s’opposent au contrôle des loyers veulent être en mesure de demander des loyers exorbitants afin que les logements locatifs soient attribués aux plus offrants et à ceux qui en ont les moyens. Cette dynamique pousse les personnes qui gagnent moins d’argent, les plus démunies, vers ce que nous appelons souvent des ghettos ou des situations bien pires encore. C’est à ce moment-là que nous commençons à voir des situations où deux ou trois familles sont forcées de partager une maison, en particulier dans les grands centres urbains, ce qui est malsain pour tout le monde.
La sénatrice MacAdam : Monsieur Feltmate, selon l’Institut climatique du Canada, depuis 2023, les catastrophes liées au climat ont causé à l’économie du Canada atlantique plus de 750 millions de dollars de pertes assurées. CLIMAtlantic indique également que la fréquence et la gravité des événements extrêmes ont entraîné des pertes cumulées disproportionnées, certaines provoquant de l’insécurité en matière de logement. Hier, nous avons également entendu le Bureau d’assurance du Canada se prononcer à cet égard. Témoignant devant notre comité, ses représentants ont réclamé la tenue d’un sommet national sur la résilience, suggérant que le sommet national sur la lutte contre le vol de voitures, qui s’est tenu précédemment et qui comportait un plan d’action clair et des mécanismes de responsabilisation, pourrait servir de modèle. Êtes-vous d’accord pour dire qu’un sommet national serait bénéfique pour soutenir le secteur du logement? Le cas échéant, quels seraient selon vous les éléments clés d’un tel sommet?
M. Feltmate : Nous pourrions organiser un sommet national, et cela serait probablement bénéfique. Cela dit, notre pays dispose déjà de nombreuses politiques en matière de protection contre les phénomènes météorologiques extrêmes, et ces politiques s’appliquent à l’ensemble du Canada, y compris aux provinces maritimes.
Par exemple, en 2016, le Canada avait mis de l’avant le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Le document explicatif contenait de nombreuses réflexions sur l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Le chapitre 4 était consacré à l’adaptation aux changements climatiques et proposait des mesures très précises qui auraient pu être prises pour limiter l’ampleur des dégâts subis en Nouvelle-Écosse en 2023 et, plus largement, à l’échelle du pays. Le document a été publié en 2016, et moins d’un an plus tard, il dormait déjà sur les tablettes. Personne n’en a fait quoi que ce soit.
Puis, en 2018, nous avons eu le Groupe d’experts sur les résultats de l’adaptation et de la résilience aux changements climatiques. Ce groupe était composé de vingt-deux membres venus des quatre coins du pays, des experts en matière de risques d’inondations, de feux de forêt, etc., qui se sont penchés sur les meilleures pratiques à mettre en œuvre pour amorcer l’adaptation. Six mois plus tard, ce document était lui aussi mis de côté.
Depuis 2023, nous avons la Stratégie nationale d’adaptation. Il s’agit d’un document assez intéressant qui présente 26 objectifs à atteindre pour atténuer les risques d’inondation au Canada. Aujourd’hui, ce document n’est peut-être pas complètement caduc, mais il ne manque pas grand-chose pour qu’il le soit.
En fin de compte, le Canada est riche pour ce qui est des politiques, mais pauvre sur le plan des actions. À mon avis, nous n’avons pas besoin d’autres études. Nous savons exactement ce qu’il faut faire. Nous connaissons les problèmes et nous connaissons les solutions. Le hic, c’est que nous ne déployons pas assez rapidement ces solutions à ces problèmes. Les problèmes suivent une courbe abrupte alors que nous suivons une courbe anémique, et les lignes s’éloignent l’une de l’autre. Je crois qu’il faut que nous nous adaptions très rapidement.
Pourrions-nous tenir une autre réunion? Je présume que oui. Cela ne ferait probablement pas de mal. En fait, ne pas en tenir une ferait du mal dans le sens où plus nous attendons, plus cela coûtera cher, car les problèmes, eux, ne s’arrêtent pas, point à la ligne.
C’est à l’échelon municipal que nous obtenons des résultats positifs. Les municipalités canadiennes sont à l’avant-garde de la préparation à l’égard des conditions météorologiques extrêmes. Le secteur des assurances l’est, tout comme les banques. Le gouvernement fédéral n’est pas au rendez-vous. Regardez le budget d’hier. Il ne contient à peu près rien sur l’adaptation.
Je suis allé un peu au-delà de votre question.
La sénatrice MacAdam : Aucun problème. Je vous remercie.
Pour les 20 secondes qu’il me reste, j’aimerais vous poser une question sur vos infographies. Je les ai consultées. Elles sont très intéressantes. Dans quelle mesure pensez-vous que les Canadiens sont préparés à cet égard? Quelle est l’étendue des connaissances en matière de climat que vous observez chez les résidents et les propriétaires?
M. Feltmate : Sans ces infographies, les connaissances sont assez limitées, mais dès qu’ils les reçoivent, les gens passent à l’action. Nous avons mené des tests approfondis au Nouveau-Brunswick, au Québec, en Ontario et en Saskatchewan avec la Croix-Rouge afin d’observer les mesures que prenaient les gens qui avaient reçu les infographies par rapport à ceux qui ne les avaient pas reçues. Comme je l’ai mentionné dans mon exposé, en six mois, 70 % des propriétaires prennent au moins deux mesures pour protéger leur maison contre les inondations ou les feux de forêt, mesures qu’ils n’auraient pas prises autrement. La connaissance est donc limitée, mais elle s’améliore, et ce système fonctionne. Au fil des ans, j’ai réalisé que les brochures, les rapports et autres documents similaires ne fonctionnent pas. Les gens ne les lisent pas. Si vous voulez que les gens agissent, vous devez leur présenter des documents qu’ils peuvent comprendre en 45 à 60 secondes et qui leur permettent de se dire : « J’ai compris, je vais le faire. » Si vous leur demandez de lire trois pages, ils ne le feront pas.
La sénatrice Kingston : J’aimerais parler des réfugiés avec Mme Douglas.
J’ai une certaine expérience des programmes communautaires, et je m’inquiète pour les familles nombreuses, car de nombreux réfugiés sont accompagnés de grandes familles. J’aimerais vous poser la question générale suivante : en tant que représentante d’organismes communautaires locaux qui s’occupent de ces questions, êtes-vous préoccupée par le fait que la gestion des programmes de logements abordables va passer de la Société canadienne d’hypothèques et de logement à Maisons Canada?
Mme Douglas : Je vous remercie de votre question.
Nous essayons encore de comprendre la relation entre ces deux entités. Je dois dire que nous avons été pris au dépourvu lorsqu’ils ont créé l’agence Maisons Canada au lieu d’élargir la portée de la SCHL, si cela s’avérait nécessaire. Nous espérons que la SCHL continuera de jouer un rôle actif dans ce domaine, mais nous espérons également que Maisons Canada tiendra compte des besoins des réfugiés et du fait que, lorsqu’ils envisagent la construction... nous avons cessé d’employer le terme « logement social ». Nous envisageons la construction de logements abordables, et nous espérons qu’ils prêteront également attention à l’adéquation des logements, c’est-à-dire à la taille des logements et à la façon dont ils sont construits. Prenons-nous en compte les questions liées aux handicaps, par exemple? Nous sommes attentifs à ce qui va se passer entre ces deux entités à mesure que le mandat de Maisons Canada sera mis en œuvre.
La sénatrice Kingston : Ce qu’ils disent pour le moment au sujet de l’agence Maisons Canada, c’est qu’ils vont se pencher sur la question des logements abordables et très abordables, ainsi que sur les types de logements subventionnés. Je me demande simplement si vous ou votre secteur planifiez de répondre aux besoins de la population de réfugiés, en particulier en ce qui concerne les familles nombreuses, entre autres choses.
Mme Douglas : Absolument. Quand je parlais de la possibilité de construire des logements, je ne songeais pas seulement à des immeubles à plusieurs étages, mais aussi à des quadruplex, de sorte que même si une famille compte huit ou neuf personnes ou qu’il s’agit de familles multigénérationnelles, vous pouvez les loger dans deux ou trois espaces de vie distincts à l’intérieur de ce qui reste une maison familiale. Ce sont là les types de modèles que, je l’espère, cette nouvelle entité appelée Maisons Canada envisagera de construire pour les réfugiés et d’autres familles également.
La sénatrice Kingston : Je vous remercie.
La sénatrice Hébert : Madame Douglas, je vous remercie infiniment du travail que vous accomplissez. Je tiens à vous rassurer : tous les Canadiens ne croient pas à cette thèse choquante selon laquelle les immigrants seraient responsables de la crise du logement que nous traversons actuellement. Je suis tout à fait d’accord avec vous à ce sujet. Vous avez également tout à fait raison de nous rappeler l’importance de l’immigration, non seulement pour enrichir notre société en général, mais aussi pour stimuler notre économie. Je crois que nous sommes sur le point de constater à quel point elle est importante, compte tenu des mesures qui ont été annoncées dans le budget par rapport aux travailleurs étrangers temporaires. À partir de 2026, notre économie, nos entreprises et toutes les régions du Canada vont effectivement perdre 300 000 travailleurs étrangers temporaires.
J’aimerais savoir ce que vous pensez de l’agence Maisons Canada. Avez-vous eu des discussions avec les responsables de cette agence? Avez-vous eu l’occasion de discuter de ces questions avec eux? Savez-vous si un certain nombre de logements seront construits pour les immigrants ou réservés à leur usage, entre autres choses?
Mme Douglas : Nous n’avons conclu aucun accord officiel. Je n’ai pas eu l’occasion de m’entretenir avec Mme Bailão depuis sa nomination. J’étais membre de son comité du logement lorsqu’elle a élaboré le plan de 2030 pour la Ville de Toronto. Elle et moi avons une longue histoire en tant que membres du conseil d’administration de la Société de logement communautaire de Toronto. Je sais qu’elle est très consciente de notre position concernant la nécessité de construire des logements pour les immigrants et les réfugiés et, dans l’intervalle, de veiller à ce qu’il y ait des programmes tels que l’Allocation d’aide au logement Canada-Ontario.
Le programme d’aide au logement provisoire, ou PALP, prendra malheureusement fin en 2027, comme l’a confirmé la publication du budget hier. Le programme a aidé les municipalités, en particulier les plus grandes d’entre elles comme Toronto, à soutenir les réfugiés et les demandeurs d’asile pendant leur passage dans nos refuges et nos logements de transition. Le nouveau centre d’hébergement pour réfugiés de la région de Peel est un bon exemple de construction de logements de transition pour ces personnes.
Nous aurons sans aucun doute des discussions sérieuses avec les responsables de la nouvelle entité au sujet de la manière dont elle travaille avec les collectivités et les agences de mon conseil afin de construire des logements pour les immigrants et les réfugiés.
La sénatrice Hébert : Dans ce sens, savez-vous si l’agence Maisons Canada mettra en œuvre des projets non seulement pour les immigrants, mais aussi pour la construction d’appartements, et si elle sera en mesure de répondre aux besoins dont vous avez parlé, c’est-à-dire les besoins des familles plus nombreuses, les besoins de pièces supplémentaires et d’autres choses encore?
Mme Douglas : C’est certainement une option envisageable. Nous prêtons attention au fait que les maisons préfabriquées en usine sont de plus en plus populaires, et nous estimons que c’est l’une des solutions que nous pouvons envisager pour garantir la construction de logements de taille adéquate.
L’un des défis consiste à trouver des terrains, en particulier dans les grands centres urbains où la plupart des immigrants ont tendance à s’établir. Cela fait partie des tensions auxquelles nous faisons face. Où pouvons-nous trouver des terrains au lieu de chercher à utiliser le parc de logements actuel et à le réaménager en espaces plus grands pour accueillir des familles immigrées multigénérationnelles plus nombreuses? J’espère que la priorité sera donnée aux immigrants et aux réfugiés.
Nous avons également proposé qu’un certain pourcentage des logements soit réservé aux femmes et aux familles monoparentales dont le chef est une femme, qui ont tendance à être plus touchées par la pauvreté, ainsi qu’aux femmes qui fuient la violence. Nous espérons pouvoir discuter de ces questions avec les responsables de Maisons Canada, notamment en ce qui concerne certaines populations particulières et la manière dont nous pouvons garantir que ceux qui travaillent avec ces populations auront la possibilité d’avoir accès au secteur de la construction de logements.
La sénatrice Hébert : Je vous remercie.
La sénatrice Galvez : Vous avez raison. Après avoir lu le budget du « Canada fort », j’ai écrit une lettre d’opinion dans laquelle je disais que le budget prévoyait un investissement de 40 millions de dollars sur deux ans pour mettre en œuvre un programme appelé Groupe de jeunes pour le climat en vue de former de jeunes Canadiens à réagir à la situation d’urgence climatique. Le budget prévoit également un investissement de 257 millions de dollars sur 40 ans pour permettre au ministère des Ressources naturelles de louer quatre avions et de renforcer ses capacités aériennes de lutte contre les incendies, ainsi que 55 millions de dollars pour le ministère de la Sécurité publique. C’est tout ce qui est prévu, et ce n’est rien du tout.
Vous nous montrez ce graphique qui est vraiment incroyable et qui me donne des cauchemars. L’année prochaine, il y aura trois ou quatre autres phénomènes météorologiques extrêmes. Ils coûteront plus que les 9,1 milliards de dollars mentionnés. Rien n’est prévu. Les stratégies que nous mettons en place échouent, et il n’y a rien d’autre. Quels dommages cela causera-t-il à l’économie? Quels dommages cela causera-t-il aux logements que nous devons construire en raison de la crise du logement?
M. Feltmate : En ne nous préparant pas aux conditions météorologiques extrêmes, nous mettons beaucoup... Soit dit en passant, ce graphique montre les pertes assurées.
La sénatrice Galvez : Oui, les pertes assurées seulement.
M. Feltmate : Pour chaque dollar de perte assurée, il y a entre 3 et 4 $ de pertes non assurées qui doivent être prises en charge par les gouvernements, les entreprises ou les propriétaires d’habitations.
À mon avis, nous devons mobiliser des moyens d’adaptation au climat afin de ne pas avoir à payer pour reconstruire un sous-sol qui a été inondé et qui n’aurait pas dû l’être en premier lieu. À un coût moyen de 54 000 $ par maison, car c’est là le coût moyen de la rénovation d’un sous-sol inondé, voilà de l’argent qui aurait pu servir à financer davantage de lits dans les hôpitaux. Cet argent aurait pu être utilisé pour soutenir les enseignants dans les écoles ou à d’autres fins. Il aurait pu faire beaucoup de bien. Comme nous ne mobilisons pas des moyens d’adaptation au climat, nous gaspillons de l’argent pour corriger des problèmes qui n’auraient pas dû se produire en premier lieu.
De nos jours, certaines personnes subissent deux ou trois inondations de leur maison au fil du temps, car nous ne travaillons pas non plus à l’échelle communautaire pour déterminer où l’eau va s’écouler lorsque de grosses tempêtes frappent et pour délimiter son parcours. Une fois que nous savons cela, nous pouvons utiliser des bermes, des canaux de dérivation, des bassins de retenue, des citernes, des rigoles de drainage et des revêtements perméables. Nous pouvons prendre de nombreuses mesures dans les quartiers pour diriger l’eau vers des endroits sûrs, pour protéger les personnes et les biens et pour économiser l’argent qui aurait autrement été dépensé pour corriger des problèmes après une inondation, un incendie de forêt ou tout autre événement.
Soit dit en passant, nous savons que le programme Intelli-feu permet de réduire de 50 à 75 % des dommages causés par les incendies de forêt, lorsqu’il est appliqué à l’échelle communautaire et résidentielle.
La sénatrice Galvez : Madame Douglas, les témoins précédents nous ont dit que la crise du logement abordable est différente de la crise de l’abordabilité. Partagez-vous cet avis? Quelle est votre compréhension de ces deux enjeux?
Mme Douglas : Lorsque nous parlons de la crise de l’abordabilité, nous examinons la vie quotidienne des gens, le coût de l’alimentation, des transports, de l’éducation et des choses de ce genre, étant donné que les provinces se sont abstenues de financer correctement l’enseignement supérieur.
L’abordabilité du logement est une question différente. Nous ne manquons pas de logements dans de nombreuses régions du Canada. Ce qui manque, ce sont des logements de taille adéquate. Comme vous le savez, si vous examinez bon nombre des immeubles en copropriété du centre-ville de Toronto, et probablement même du centre-ville d’Ottawa, vous constaterez que ces petits cubes qui coûtent 3 000 $ ou 4 000 $ par mois ne sont abordables pour aucune personne que je connais. Ces logements sont si petits que les familles normales ne peuvent pas y vivre. Voilà pourquoi nous devons construire des logements adéquats et vraiment abordables.
Le sénateur Dalphond : Les questions que je souhaite poser vous sont principalement destinées, madame Douglas.
Pour revenir à la question de ma collègue, l’abordabilité est une chose, et elle est liée à la situation globale sur le marché, qui tient compte des salaires et de tous les autres facteurs. Quel que soit le niveau d’abordabilité, il existe un seuil à partir duquel certaines personnes ne peuvent pas avoir accès à un logement ou à un appartement convenable parce qu’elles gagnent trop peu d’argent, en raison de limites personnelles ou de discrimination, ou pour toute autre raison.
Dans le cadre des discussions budgétaires, j’ai constaté que l’agence Maisons Canada disposerait d’un budget pouvant atteindre 16 milliards de dollars pour construire des logements sociaux ou des coopératives d’habitation à l’intention des itinérants. Approuvez-vous cette idée et le fait que cette société d’État se concentrera non pas sur les problèmes liés au marché, mais plutôt sur des personnes qui ne peuvent pas participer activement au marché?
Mme Douglas : Nous devons le faire. Nous devons construire des logements, et nous devons le faire rapidement. Nous devons également examiner les logements actuels et réfléchir à la manière dont nous pouvons les transformer en logements adaptés aux besoins des gens. Les salaires n’ont pas suivi l’augmentation du coût de la vie. Nous savons que notre économie est de plus en plus axée sur les services. Nous savons que les femmes et, en particulier, les ménages dont le chef est une femme, sont surreprésentés dans les niveaux de pauvreté. Les femmes représentent 80 % de l’économie des soins; elles sont amplement sous-payées et bénéficient de très peu d’avantages sociaux. Les 16 milliards de dollars ne suffisent pas, mais c’est un point de départ pour pouvoir construire des logements dans lesquels les gens peuvent vivre. Personne ne devrait avoir à consacrer 60 % ou 70 % de ses revenus à son logement. Personne ne devrait avoir à décider chaque mois s’il va nourrir ses enfants ou payer son loyer. Et il ne faut surtout pas que ces personnes soient malades ou handicapées.
J’espère vous avoir convaincu de l’extrême urgence de cet enjeu. Nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à débattre du type de logement à construire, et nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir des chicanes de compétence entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les municipalités. Nous devons construire des logements adéquats et vraiment abordables, afin que personne ne consacre plus de 30 % de ses revenus à son logement. Nous devons veiller à ce que le logement soit considéré comme un droit et non comme un privilège. Enfin, nous devons trouver le moyen de mettre fin à la financiarisation du logement en mettant en place un contrôle des loyers vraiment efficace et strict, afin que les propriétaires ne puissent prétendre rénover des logements dans le seul but d’expulser les locataires et de hausser les loyers pour les nouveaux arrivants. Il existe un certain nombre de recommandations que le gouvernement peut mettre en œuvre pour garantir la disponibilité et l’adéquation des logements.
Le sénateur Dalphond : Je suppose que ce serait une bonne utilisation des terres publiques.
Mme Douglas : Absolument.
Le sénateur Dalphond : Parce que ce serait plus rapide que de modifier le zonage, d’acheter le terrain, et cetera. Je crois que le projet Arbo Downsview à Toronto, qui a été annoncé il y a deux semaines, constituera une première étape dans cette voie.
Mme Douglas : Ce sera un pas dans la bonne direction, mais nous avons également été enthousiasmés lorsque de nombreux employés de la fonction publique d’Ottawa ont commencé à travailler à domicile. Nous pensions que bon nombre des immeubles appartenant au gouvernement fédéral pourraient être convertis en logements très abordables. Dans le cas du projet Downsview dont vous parlez, il s’agit d’immeubles appartenant au gouvernement, n’est-ce pas? Toutefois, lorsque nous amorçons ces nouveaux projets de construction, nous devons nous assurer que nous faisons les choses correctement dès le départ.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie.
La sénatrice Ross : La question suivante vous est également destinée, madame Douglas. On dit que les locations à court terme ou de type Airbnb occupent beaucoup d’espace qui pourrait être utilisé pour des logements à long terme. Ces locations réduiraient donc considérablement le parc de logements. Certains estiment qu’il faudrait mettre en place une réglementation plus stricte à cet égard, alors que d’autres personnes pensent qu’il est trop difficile de réglementer ce secteur. D’autres encore affirment que ces locations sont bénéfiques pour le tourisme et l’économie. J’ai lu que Barcelone allait interdire toutes les locations à court terme d’ici 2028, et New York a désormais mis en œuvre des règles d’enregistrement assez strictes, tout comme certaines régions du Canada. Que pensez-vous de cet enjeu?
Mme Douglas : Si nous autorisons les locations Airbnb, nous devons alors envisager de les taxer comme nous taxons les hôtels, afin que les caisses publiques puissent bénéficier d’une partie des revenus générés. Les municipalités doivent prêter attention au fait que, de plus en plus fréquemment, des espaces qui pourraient être de bons logements locatifs sont transformés en logements à court terme. Je ne crois pas adhérer à l’argument selon lequel ces locations favorisent d’une manière ou d’une autre le tourisme, par exemple. Je suis en fait favorable à une limitation du nombre de logements pouvant être achetés et utilisés pour des locations à court terme. Je suis favorable à un durcissement de la réglementation dans ce domaine.
La sénatrice Ross : Comme des règlements qui exigent que ces logements soient occupés par leur propriétaire?
Mme Douglas : Exactement.
La sénatrice Ross : Je vous remercie.
[Français]
Le président : Merci beaucoup aux témoins. C’était extrêmement intéressant. Les sénateurs et sénatrices auraient encore beaucoup de questions à poser, mais on a une limite de temps. Merci de vos excellentes réponses et de votre générosité.
Nous sommes heureux d’accueillir, pour notre deuxième groupe de témoins ce soir, Carolyn Whitzman, chercheuse principale en matière de logement, School of Cities, Université de Toronto. Nous accueillons également par vidéoconférence Marc Lee, économiste principal du Centre canadien de politiques alternatives.
Bienvenue. Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation. Nous allons maintenant vous demander de faire des déclarations liminaires de quatre à cinq minutes chacun, après quoi nous passerons à la période des questions. Nous allons commencer avec Mme Whitzman.
Carolyn Whitzman, chercheuse principale en matière de logement, School of Cities, Université de Toronto : Merci, honorables sénateurs.
[Traduction]
Je vous remercie de m’avoir invitée à comparaître devant le comité ce soir.
En 1972, on a achevé la construction de 232 227 logements au Canada. En 2024, la construction d’environ 210 543 logements a été achevée dans les régions métropolitaines du Canada. Nous ne pouvons en estimer le nombre que pour 2024, étant donné que nous ne suivons plus le nombre de constructions achevées dans les régions non métropolitaines. Si une construction n’est pas achevée, elle ne compte pas. Nous ne savons pas vraiment combien de logements subventionnés par les contribuables dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement ont réellement aidé ceux qui en avaient le plus besoin. Parallèlement à cela, nous construisons moins de logements qu’il y a 50 ans, alors que la population canadienne était deux fois moins importante qu’aujourd’hui et que la taille des ménages était nettement plus grande.
Cependant, il n’y a pas que le total agrégé qui compte. En 1972, 25 % des constructions achevées — soit 45 000 logements cette année-là — étaient des logements hors marché, soit des logements fournis par les autorités publiques, les coopératives et les organismes à but non lucratif dont la mission est d’offrir des logements abordables à long terme, et non de maximiser les profits. Dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement, entre 2 % et 3 % des logements achevés sont des logements hors marché, c’était moins de 7 000 logements en 2024. C’est bien en deçà du nombre nécessaire pour répondre aux besoins des ménages à revenu très faible, faible et modéré. Il s’agit là d’une mauvaise utilisation des 88 milliards de dollars consacrés à cette stratégie, dont les objectifs étaient de réduire l’itinérance et la pénurie de logements, mais qui ont principalement aidé les promoteurs immobiliers à créer des logements accessibles uniquement aux ménages à revenu élevé. En réalité, le Canada enregistre toujours une perte nette de logements abordables pour les ménages à faible revenu avec la Stratégie nationale sur le logement, puisqu’il a perdu neuf logements à moins de 1 000 $ par mois pour chaque nouveau logement construit à ce prix entre 2016 et 2021.
La question fondamentale qui se pose au sujet de la politique du logement est : qui a besoin de quel type de logement, où et à quel coût? Dans le cadre de mon travail pour le défenseur fédéral du logement, j’ai évalué les besoins en matière de logement au Canada. Plus de 4,4 millions de ménages vivent dans des logements inabordables, surpeuplés et mal entretenus, et 3 millions d’entre eux sont des ménages à revenu faible ou très faible, inférieur à 50 % du revenu médian des ménages de la région. De ce nombre, 1,7 million de ménages ont un besoin officiellement reconnu de logement et au moins 1,3 million d’étudiants de niveau postsecondaire ne sont pas pris en compte dans les statistiques sur les besoins en matière de logement, mais nous savons que seulement 10 % des 2,3 millions d’étudiants vivent en résidence.
De plus, le nombre d’itinérants est inconnu, mais il s’élève au moins à 250 000. L’Ontario, qui dispose du décompte nominatif le plus précis, comptait 81 515 itinérants en 2024, une population équivalente à celle d’une ville de taille moyenne comme Peterborough. Au moins 400 000 des 700 000 personnes qui vivent dans des logements collectifs — maisons de chambres, chambres individuelles, logements supervisés, résidences pour personnes âgées, etc. — là encore, nous en savons très peu sur leurs besoins, et encore moins sur la meilleure façon d’y répondre. Si l’on ne comptabilise pas les gens, ils ne comptent pas. Il y a également au moins un demi-million d’adultes qui vivent en colocation ou avec leur famille pour des raisons financières, et des centaines de milliers de ménages, notamment de jeunes adultes, qui quittent les villes où le coût de la vie est élevé, comme Toronto et Vancouver, principalement parce qu’ils ne trouvent pas de logement adéquat à prix abordable.
Nous ne pourrons éradiquer l’itinérance et la pénurie de logements au cours de la prochaine génération que si, et seulement si, au moins 200 000 nouveaux logements sont acquis chaque année hors marché pendant les trois prochaines décennies. C’est possible. La France s’est fixé un objectif de 20 % de logements hors marché dans chaque municipalité en 2000, puis a porté cet objectif à 25 % dans la plupart des municipalités au plus tard en 2016. En France, en 2024, 15 % des locataires à faible revenu vivaient dans des logements inabordables. Au Canada, cette proportion est de 55 %, alors que le pays s’est engagé par voie législative à réaliser progressivement le droit à un logement adéquat pour tous.
Quels mécanismes peuvent fonctionner? Un financement fédéral à long terme et à faible taux, combiné à l’utilisation de terrains publics et à des innovations en matière de construction, a permis d’augmenter le nombre de logements sociaux au Canada dans les années 1970 et 1980. Si Maisons Canada pouvait étendre sa combinaison gagnante de grands et petits terrains publics, d’acquisitions et de nouvelles constructions, adopter une approche de gestion du portefeuille et l’utiliser pour augmenter la part des logements hors marché à 20 % du total, il suivrait les meilleures pratiques internationales en vigueur en France, en Autriche, au Danemark et en Finlande. La Finlande a pavé la voie pour éliminer l’itinérance grâce à ses logements hors marché à bas prix, assortis de services de soutien.
Nous avons besoin d’une nouvelle génération d’accords bilatéraux avec les provinces, les territoires, les municipalités et les régions pour créer des codes de zonage et de construction beaucoup plus souples afin de permettre partout la construction d’appartements de faible hauteur et de logements collectifs tels que des résidences pour étudiants, des logements supervisés et des résidences pour personnes âgées. Il faut que le financement soit conditionnel à la protection des locataires afin de stopper la disparition des logements locatifs à faible coût, pour mieux répondre aux besoins de tous les Canadiens.
Je vous remercie de votre attention ce soir.
Le président : Merci.
Marc Lee, économiste principal, Centre canadien de politiques alternatives : Je vous remercie de me donner l’occasion de me prononcer sur l’initiative Maisons Canada. Je pense qu’elle propose un modèle prometteur pour développer l’offre de logements neufs, mais il y a bien sûr de nombreux détails qui devront être précisés en cours de route.
Les défenseurs du logement demandent depuis des années aux gouvernements fédéral et provinciaux de stimuler la construction de logements hors marché, notamment de coopératives et d’autres logements publics, sociaux et sans but lucratif. C’est la forme de logement qui bénéficiait de soutien du gouvernement fédéral entre les années 1960 et le début des années 1990, souvent en partenariat avec les provinces et des organismes sans but lucratif.
C’est la promesse qui semblait se dessiner quand le gouvernement fédéral a lancé sa Stratégie nationale sur le logement en 2017. Huit ans plus tard, cette stratégie n’a guère permis de construire un grand nombre de logements hors marché, l’accent ayant été mis principalement sur des prêts à faible taux d’intérêt pour la construction de logements locatifs privés, avec des critères d’accessibilité financière assez faibles.
En fait, toute la difficulté du modèle des logements à but lucratif réside dans le fait qu’il se base sur ce que le marché peut absorber, tant pour la valeur marchande à la vente que pour les loyers sur le marché locatif. Il ne peut donc suffire à lui seul à fournir les logements abordables dont ont besoin les ménages à revenu faible ou moyen, et encore moins à éradiquer l’itinérance.
Je préférerais et préconiserais un modèle à but non lucratif ou public, car dans ce cas, un immeuble n’a besoin que de loyers au seuil de rentabilité, c’est-à-dire des loyers qui couvrent les coûts amortis de la construction, tels que les coûts du terrain, de la construction, les coûts matériels et immatériels, les frais de financement et d’aménagement, ainsi que les frais d’exploitation et d’entretien.
Premièrement, le fait de ne plus tenir compte des bénéfices des promoteurs immobiliers réduit automatiquement les loyers minimaux pouvant être demandés.
Deuxièmement, la politique publique peut également faire baisser chacun de ces coûts initiaux et, par conséquent, les loyers minimaux qui doivent être demandés.
Troisièmement, on peut même offrir des loyers encore plus abordables grâce à diverses subventions croisées, c’est-à-dire des loyers inférieurs à la moyenne pour certains ménages, qui sont compensés par d’autres qui paient des loyers plus proches du marché. Différentes combinaisons sont possibles, tant que le revenu locatif total d’un immeuble, d’un projet immobilier ou d’un portefeuille atteint le seuil de rentabilité. On peut alors considérer que le modèle à but non lucratif est économique en ce sens qu’il ne nécessite aucune subvention supplémentaire de la part des gouvernements.
Dans le modèle public que nous envisageons, le gouvernement fédéral pourrait également amortir ses investissements en capital sur de plus longues périodes, disons 50 ans au lieu de 25 ou 30 ans, afin de réduire les loyers nécessaires pour atteindre le seuil de rentabilité.
Il importe en outre que le gouvernement fédéral investisse dans les infrastructures communautaires, notamment dans la modernisation des réseaux d’aqueduc et d’égouts, qui sont inévitablement nécessaires lorsqu’on construit de nouveaux logements, surtout dans les zones à forte densité. À mon avis, il n’est pas particulièrement utile de blâmer les « empêcheurs de tourner en rond municipaux », parce que les administrations locales essaient simplement d’absorber les coûts supplémentaires des nouveaux projets immobiliers. Le gouvernement fédéral a incontestablement un rôle à jouer s’il souhaite que ces frais diminuent.
Pour des raisons environnementales et d’abordabilité, Maisons Canada devrait privilégier les logements de densité moyenne, les immeubles locatifs à unités multiples, principalement des constructions en bois, conformes à des normes d’efficacité énergétique élevées et intégrant des technologies propres comme les thermopompes électriques. Le Canada possède déjà beaucoup d’expertise en matière de construction écologique, et Maisons Canada pourrait miser là-dessus.
Maisons Canada place de grands espoirs dans les technologies de construction modulaire ou préfabriquée pour transformer l’industrie et le travail, grâce à une combinaison d’emplois en usine et d’emplois d’assemblage final sur le site. Selon des études récentes, les techniques de construction modulaire permettent de réduire les coûts de construction d’environ 20 % par rapport à la construction classique, ainsi que de raccourcir le temps de construction de près de la moitié. Pour réaliser de telles économies, il faut toutefois réaliser des économies d’échelle dans la production, ce qui est rendu possible par l’utilisation de conceptions normalisées préapprouvées, comme celles récemment publiées par la SCHL. Ce genre de mesures peut également contribuer à accélérer le processus d’approbation, ce qui est à l’avantage de tous.
Le gouvernement fédéral a également un rôle à jouer par des subventions à la formation et le soutien au développement des chaînes d’approvisionnement nationales. Par exemple, les équipements de chauffage, ventilation et climatisation sont en grande partie importés des États-Unis, mais nous pourrions considérablement accroître la production nationale dans ce domaine.
Si on fait les choses correctement, la construction de logements économiques, abordables et écologiques ne devrait pas entraîner de surcoût. La construction de ces logements à grande échelle permettrait également de réduire les pressions sur le marché locatif privé qui maintiennent les loyers à un niveau élevé.
Enfin, les parcelles de terrain fédérales détenues par la Société immobilière du Canada ont été intégrées à Maisons Canada; il s’agit d’un portefeuille de 88 propriétés fédérales jugées aptes pour la construction de logements. Compte tenu de l’ampleur des ambitions, il pourrait également être nécessaire d’envisager ultérieurement l’acquisition de nouveaux terrains publics pour la construction d’un plus grand nombre de logements. À terme, la construction de bâtiments publics sur des terrains publics grâce à Maisons Canada permettra de créer des actifs durables qui s’amortiront au fil du temps grâce aux revenus locatifs générés.
Avant de conclure, la grande question que je me pose est de savoir si Maisons Canada pourrait offrir rapidement des solutions aux nombreuses populations qui en ont tant besoin, notamment les communautés autochtones, les personnes handicapées, etc. C’est que les besoins sont grands. Compte tenu du ralentissement de la construction de nouveaux logements et de l’effondrement du modèle des copropriétés financées par les investisseurs, il pourrait être opportun d’élargir le programme de Maisons Canada pour donner du travail aux gens du bâtiment.
Pour commencer, il pourrait être pertinent de viser la construction de 4 000 unités réparties sur six sites, un peu pour démontrer la faisabilité du concept, mais surtout pour servir de projet pilote. N’oubliez pas que le seuil de référence au Canada pour la construction de nouveaux logements est plutôt de 200 000 unités par année. Le CCPA proposerait un budget fédéral alternatif pour la construction d’un million de nouveaux logements hors marché au cours de la prochaine décennie, afin de combler le retard accumulé et de répondre à la croissance démographique.
Je vais m’arrêter là. Je me réjouis de la discussion à venir.
Le président : Merci beaucoup.
Sénateurs, nous allons essayer de limiter les questions à quatre minutes chacune.
La sénatrice Marshall : Ma première question s’adresse à Mme Whitzman. Si je vous ai choisie pour répondre en premier, c’est parce que vous avez dit quelque chose à propos d’une question que je pose depuis quelques années. Vous avez mentionné ne pas parvenir à obtenir d’informations sur les mises en chantier. Je cherche ces informations depuis plusieurs années et j’ai soulevé la question à maintes reprises, mais je n’ai pas réussi à obtenir d’informations sur les mises en chantier. Vous avez affirmé que c’était très important. Trouvez-vous l’information voulue?
Mme Whitzman : Eh bien, sénatrice Marshall, le problème ne concerne pas tant les mises en chantier, qui donnent une idée des tendances, mais plutôt les logements achevés. Et en 2023...
La sénatrice Marshall : Ce sont les logements achevés, oui.
Mme Whitzman : ... la SCHL a cessé de publier des données sur les logements achevés dans les régions non métropolitaines. J’ai fait une demande et obtenu des données sur la construction de logements hors marché achevée, mais celles-ci ne comprennent pas de données pour Terre-Neuve, par exemple, sauf pour St. John’s. Il y a une zone métropolitaine dans chaque province, donc il y a des données sur Charlottetown, par exemple, même si ce n’est pas une zone métropolitaine à proprement parler, car elle n’est pas assez grande. Mais il est absolument inacceptable de ne pas disposer de données sur la construction de logements achevée.
L’autre chose qui me semble vraiment inacceptable, c’est que lorsqu’on investit pas moins de 88 milliards de dollars dans une stratégie nationale pour le logement, on voudrait connaître les loyers de tous les logements subventionnés, pas seulement ceux des 20 % qui sont prétendument abordables, mais qui ne le sont pas selon la définition même du gouvernement du Canada, qui veut que le loyer ne dépasse pas 30 % du revenu.
La sénatrice Marshall : J’ai lu votre article sur la nécessité d’augmenter le nombre de logements abordables, et vous mentionnez qu’il faudrait y investir 40 milliards de dollars par année. Vous recommandez que le gouvernement fédéral y consacre 40 milliards de dollars par année. Je me demandais si vous aviez reçu une réponse à ce sujet, parce que 40 milliards par année, c’est beaucoup, et même pour le lancement du programme Maisons Canada, on ne prévoit que 7 milliards de dollars sur cinq ans. Avez-vous reçu une réponse à votre recommandation de 40 milliards par année?
Mme Whitzman : Je serai ravie de vous envoyer un rapport que j’ai récemment rédigé pour la fondation Maytree, qui se fonde sur ce type de comptabilité. Tyler Meredith, membre de la fondation Maytree, en a parlé brièvement, tout comme mon collègue ici présent ce soir, Marc Lee. S’il s’agit d’un actif public et qu’on investit des fonds pour l’approuver, un terrain public transformé en logement, il sera comptabilisé différemment par le gouvernement.
La sénatrice Marshall : Monsieur Lee, vous avez dit que le modèle de Maisons Canada était prometteur. Le Centre canadien de politiques alternatives est une organisation de premier plan. Comment allez-vous surveiller le programme Maisons Canada pour vous assurer qu’il donne les résultats escomptés?
M. Lee : Pour l’instant, nous nous fions aux rapports du gouvernement, qui sont parfois plus fiables que d’autres. À plusieurs reprises, depuis le lancement de la Stratégie nationale sur le logement, il y avait des tableaux répertoriant les projets à travers le pays, que l’on pouvait consulter en détail. Je crois que ces documents ont été retirés du site Web du gouvernement du Canada. J’aimerais beaucoup que le gouvernement fédéral fasse preuve d’une plus grande transparence en ce qui concerne le logement en général. Quoi qu’il en soit, nous allons continuer de surveiller la situation.
Il est important de tester ces modèles, de voir ce qui fonctionne, puis de les reproduire à plus grande échelle. La clé, c’est la transposition à grande échelle. Ici, en Colombie-Britannique, où je vis, il y avait un programme appelé BC Builds, c’est un peu la même chose, un très bon modèle à but non lucratif, le gouvernement provincial fournissait des terrains et du financement à faible taux d’intérêt et faisait appel à d’autres partenaires. Il est actuellement au point mort, avec environ 5 000 logements en construction.
La sénatrice Marshall : Je pense que Mme Whitzman pourrait vous aider...
M. Lee : Mais n’oubliez pas que l’élément clé en matière de financement est que les revenus locatifs finissent par couvrir l’investissement initial, ce qui est un aspect très important.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci d’être ici.
Madame Whitzman, on peut financer la construction neuve, mais on oublie qu’on peut augmenter rapidement le nombre de logements hors marché en permettant à des OBNL et des coopératives d’acheter des logements existants. Est-ce une alternative que l’on devrait explorer? Les programmes fédéraux devraient-ils s’adapter pour permettre la transformation de logements existants en logements hors marché?
[Traduction]
Mme Whitzman : Oui, tout à fait, sénatrice.
Il y a trois aspects. Le premier concerne les nouvelles constructions, qui ont suscité beaucoup l’intérêt du gouvernement fédéral actuel, mais il y a aussi les acquisitions. Comme l’a mentionné M. Lee, l’aspect « nouvelles constructions » de BC Builds n’a pas été très important, mais il est assez impressionnant que le Fonds de protection des loyers de la Colombie-Britannique ait acheté la moitié des appartements sur le marché en Colombie-Britannique l’année dernière et ait ainsi pu sauver de nombreux logements qui risquaient de devenir inabordables. Le troisième aspect que vous avez mentionné est également très important, à savoir les rénovations. Les rénovations peuvent viser l’efficacité énergétique et l’accessibilité, mais elles peuvent également permettre des conversions, comme dans l’exemple de la conversion très réussie à Calgary d’immeubles à bureaux en logements, ou d’autres formes de conversion. Donc, s’il s’agit d’une crise — et nous sommes convaincus que c’est le cas — et s’il faut faire un effort de guerre, alors tous les aspects méritent notre attention, y compris les acquisitions, les rénovations, les modernisations et les nouvelles constructions, d’autant plus que les acquisitions et les rénovations sont généralement plus rapides que les nouvelles constructions.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci beaucoup.
Monsieur Lee, enlever la TPS pour l’achat d’une première maison semble être une mesure forte. Toutefois, je crains que, au lieu d’améliorer l’abordabilité, cela augmente la profitabilité pour les promoteurs. Y aurait-il d’autres manières d’avoir un impact plus important sur l’abordabilité pour les acheteurs d’une première maison?
[Traduction]
M. Lee : Je pense que la discussion entourant la TPS ressemble un peu à ce que nous entendons au sujet des frais d’aménagement à l’échelon municipal. On les présente souvent comme un coût qu’il faut payer et qui se répercute sur le prix. L’idée, c’est que si on parvient à réduire ces coûts, à éliminer la TPS ou ces frais municipaux, alors le prix des logements baissera forcément. Je crois que cette logique est en fait erronée, car le prix des logements est en grande partie déterminé par la demande. Il s’agit de savoir combien un ménage peut payer pour le capital et le prêt hypothécaire. Il y a un plafond au montant total qu’on peut consacrer à l’achat d’une maison. La répartition des composantes de ce coût n’a pas vraiment d’importance. Vous pourriez éliminer les frais municipaux, mais le résultat serait le même : des prix inchangés et des profits plus élevés pour les promoteurs ou les propriétaires fonciers initiaux dont les terrains ont pris de la valeur.
Encore une fois, dans un marché en stagnation, je ne pense pas que nous devrions appliquer la TPS pour l’achat d’une maison de toute façon, car ce n’est pas un bien de consommation ni un service au sens propre. Une maison possède des caractéristiques très différentes, proches d’un investissement à long terme. C’est à la fois un bien de consommation et un bien d’investissement pour les ménages. À mon avis, l’ajout de la TPS au prix d’achat d’une maison pose problème dès le départ, mais nous semblons y renoncer, surtout dans le cas des logements locatifs, des logements pour étudiants et tout le reste.
Le sénateur Cardozo : Merci à nos deux témoins.
Je vais vous poser une question qui ne vous plaira sûrement pas, mais je cherche une réponse simple. Nous comprenons que les solutions sont complexes, mais dans le cadre du programme Maisons Canada, quelle serait la façon la plus simple de venir en aide — ou, plutôt, de fournir un logement — aux personnes qui sont actuellement sans abri? Faut-il construire des maisons modulaires sur des terrains fédéraux? Faut-il faire des rénovations? Quel est le moyen le plus rapide de répondre aux besoins de ce groupe de personnes en situation d’urgence?
Mme Whitzman : Je suis désolée, sénateur Cardozo. Est-ce à moi que vous posez la question?
Le sénateur Cardozo : J’aimerais vous entendre tous les deux, alors vous pouvez y aller.
Mme Whitzman : Cela dépend du contexte et de l’endroit. La façon la plus efficace de lutter contre l’itinérance est certainement d’offrir des logements avec accompagnement ou des logements à loyer modique, assortis de services de soutien, au besoin. Cela peut se faire de plusieurs façons — et je suis désolée de ne pas pouvoir vous répondre en quelques mots. Il est possible de construire des maisons modulaires assez rapidement, comme nous l’avons vu grâce à l’Initiative pour la création rapide de logements. La conversion de logements est une autre option assez rapide, et nous l’avons également constaté dans le cadre de cette initiative. Nous pouvons envisager des acquisitions, combinées à des allocations ciblées pour le logement. Il est également important de garder à l’esprit que la prévention de l’itinérance est au moins aussi importante que la lutte contre l’itinérance, et à ce chapitre, il faut penser à la protection des locataires et aux banques d’aide au loyer. Il n’y a pas qu’une seule solution. Nous savons ce qui fonctionne, et nous devons en faire plus.
M. Lee : Je suis d’accord avec Mme Whitzman. Ici, en Colombie-Britannique, nous avons un modèle de logements modulaires temporaires : ce sont de petits immeubles de deux étages, dotés de 12 à 15 petits appartements, mais ils sont généralement installés sur des terrains destinés à être développés plus tard, peut-être pas avant quelques années, et chaque unité coûte habituellement 100 000 $.
Si la volonté politique est là — je pense que nous avons commencé à en construire lorsque Vancouver était l’hôte des Jeux olympiques de 2010 —, ces logements peuvent être construits très rapidement. En fait, si vous allez dans le Nord, vous ne verrez que des logements modulaires temporaires, non pas tant pour les personnes sans abri, mais pour les travailleurs des projets de gaz naturel liquéfié ou d’autres grands projets, qui sont logés dans des camps de travail. Nous savons comment nous y prendre. C’est une question d’argent et de volonté politique.
En fin de compte, je pense que beaucoup de personnes qui n’ont pas de logement au Canada ne traversent pas seulement une mauvaise passe. Elles sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, de toxicomanie et d’autres difficultés complexes. Il faut donc également prendre en considération le coût du soutien permanent qui s’y rattache. Ce n’est pas un problème lié strictement à la construction de logements.
Le sénateur Cardozo : Les logements modulaires fonctionneraient-ils mieux à Vancouver, où le climat est plus doux, qu’à Ottawa ou à Montréal, où il fait plus froid? De plus, quelle est la hauteur maximale possible pour un immeuble modulaire? Combien d’étages peut-il compter?
M. Lee : Votre question sur la limite maximale est pertinente, et c’est justement là que le Canada pourrait faire preuve d’innovation. Il est certainement possible de construire ce modèle à l’échelle nécessaire.
Mme Whitzman : Si vous me permettez d’intervenir, j’ai fait partie du groupe de travail fédéral sur la construction industrielle l’an dernier, et les gens croient à tort que les différents types de construction industrielle, comme les logements modulaires, ressembleront à ces petits abris temporaires que l’on voit près des écoles, par exemple. La construction industrielle peut être aussi efficace, voire plus efficace, car elle est réalisée en usine plutôt que sur place, comme tout le reste. Elle peut être tout aussi esthétique, et cetera. Ce ne sont pas de simples cabanes. Il s’agit de vrais logements. Ce qui était temporaire en Colombie-Britannique, c’était le bail foncier sous-jacent, et non les immeubles. Ces logements ne risquent pas de s’effondrer en cas de tempête, et ils sont parfaitement bien isolés. Je voulais apporter cette précision.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie. C’est utile.
La sénatrice Kingston : J’aimerais vous poser une question à tous les deux — et je vous remercie d’être des nôtres —, car je pense que vous auriez chacun un mot à dire.
D’après mon expérience auprès de personnes sans abri qui sont aux prises avec des problèmes importants, comme vous l’avez tous deux mentionné, c’est-à-dire des problèmes de santé mentale, de toxicomanie, et cetera, ces gens ont besoin de soutien dès le départ pour réussir à trouver un logement. Ce qui me préoccupe, c’est que, à tous les paliers de gouvernement, cet aspect semble être relégué au second plan, alors qu’il devrait être pris en considération dès maintenant, si nous voulons régler le problème qui préoccupe beaucoup de citoyens. Lorsqu’on voit des gens dans la rue et en détresse, on s’inquiète pour sa propre sécurité. En réalité, ce dont ils ont besoin, c’est d’un toit au-dessus de leur tête et de quelqu’un pour les aider à garder un logement. Je me demande quels conseils vous auriez à donner aux responsables du nouveau programme Maisons Canada quant à la façon de bien soutenir ce segment de la population, qui représente un peu le canari dans la mine de charbon. Cette situation crée de l’angoisse chez les Canadiens, qui n’aiment pas voir cela et qui veulent que les choses changent, mais qui ne savent pas vraiment comment s’y prendre. Il faut un plan qui va de pair avec les efforts déployés pour la construction de logements très abordables. Pourriez-vous chacun nous faire part de vos observations à ce sujet?
M. Lee : N’étant pas un expert en matière de logement pour les personnes qui souffrent de troubles mentaux complexes ou d’autres problèmes de santé, je m’abstiendrai de répondre à cette question. Toutefois, d’un point de vue macroéconomique, si nous construisons une grande quantité de nouveaux logements selon un modèle non marchand afin qu’ils soient beaucoup plus abordables que ce que nous avons actuellement, cela empêchera les gens de tomber dans l’itinérance. Une grande partie du problème s’explique par le fait que les personnes en situation d’itinérance ne forment pas un groupe fixe. Il y a des allers-retours fréquents. Il s’agit d’un groupe hétérogène, et je n’ai pas les réponses quant à la meilleure voie à suivre, mais nous savons que cela exige des services de soutien plus intensifs. Si nous pouvons agir en ce sens, tout en augmentant l’offre nécessaire pour prévenir l’itinérance à l’avenir, alors je pense qu’il sera possible d’éradiquer ce fléau au Canada en l’espace d’une décennie ou d’une génération.
Mme Whitzman : Sénatrice Kingston, je suis d’accord avec M. Lee. La Finlande a réussi, en grande partie, à éradiquer l’itinérance en une génération.
La réponse est assez simple. Il faut des accords bilatéraux. Ces services sont généralement financés par les provinces et les territoires. La Loi canadienne sur la santé, qui établit des normes minimales, s’est avérée un outil utile pour les accords bilatéraux avec le gouvernement fédéral, qui donne de l’argent en échange de services de base. Il faut intégrer cet aspect dans la prochaine génération d’accords bilatéraux que le gouvernement fédéral s’apprête à conclure. Je mène actuellement des travaux pour la défenseure fédérale du logement sur la teneur éventuelle de ces accords bilatéraux. Si le gouvernement fédéral finance les infrastructures et les coûts d’immobilisation, alors les provinces et les territoires doivent couvrir les frais d’exploitation nécessaires pour fournir les services de soutien essentiels. Que se passe-t-il si les provinces et les territoires ne collaborent pas? Dans ce cas, l’argent va aux municipalités et aux régions pour payer ces services essentiels. En fait, la réponse n’est pas compliquée. Le gouvernement fédéral est celui qui a le plus de moyens d’agir. Il a la capacité d’utiliser ses pouvoirs de dépenser à bon escient pour s’assurer que ces services sont fournis. Le hic, c’est qu’il ne l’a pas fait.
[Français]
La sénatrice Hébert : Madame Whitzman, vous avez parlé au début de votre allocution des ratés des programmes passés et du fait qu’on n’avait pas atteint les objectifs. Selon vous, qu’est-ce que cela prendrait pour réussir cette fois-ci?
J’aimerais entendre M. Lee par la suite, mais s’il y avait trois éléments incontournables ou trois ou quatre choses qu’il faut absolument mettre en place si l’on veut réussir, quelles seraient-elles?
[Traduction]
Mme Whitzman : La réponse comporte deux ou trois aspects, sénatrice Hébert. Il faut d’abord établir des objectifs très clairs. Le gouvernement fédéral parle d’objectifs pour l’offre totale, mais il doit aussi fixer des objectifs pour le logement hors marché. Un des objectifs recommandés est de faire en sorte que 20 % de tous les logements soient hors marché d’ici 2050. C’est ce que recommandent, entre autres, le Conseil national du logement et le Centre de transformation du logement communautaire. Cela a fonctionné en France. En 2000, le gouvernement national français avait établi des objectifs de 20 % pour toutes les municipalités. En 2016, il a fait passer ce taux à 25 % pour plusieurs municipalités. Paris a volontairement adopté un objectif de 30 %. Ces objectifs ont été atteints. Si vous avez des objectifs non seulement pour l’offre totale, mais aussi pour les logements les plus nécessaires, et si vous associez le tout au financement des infrastructures, comme c’était également le cas en France, vous obtiendrez de bons résultats. La France a doublé son offre. En fait, comme je l’ai dit dans mon exposé, la France compte beaucoup moins de locataires à faible revenu qui vivent dans des logements inabordables.
M. Lee : Parlant d’objectifs, notre budget fédéral alternatif propose, d’après un calcul approximatif, un million de nouveaux logements hors marché au cours de la prochaine décennie, à raison de 100 000 logements par année. Donc, 4 000 logements, c’est un bon début pour Maisons Canada, mais c’est beaucoup trop peu par rapport à l’ensemble des besoins. Encore une fois, si nous voulons prendre des mesures complémentaires, il y a beaucoup de choses que le gouvernement fédéral peut faire sur le plan des infrastructures. Par exemple, il peut couvrir les frais actuellement assumés par les municipalités, notamment pour la modernisation des réseaux d’eau et d’égouts et le développement des chaînes d’approvisionnement, afin de maximiser les avantages pour le Canada et les travailleurs canadiens, grâce à l’utilisation de produits fabriqués au Canada pour la construction de ces immeubles. Quand on y pense à cette échelle, un million de logements, c’est un projet ambitieux et un investissement générationnel. Toutefois, la construction de 4 000 logements d’ici l’an prochain, ou peu importe le délai, est loin d’être suffisante.
Le sénateur Dalphond : Vous avez parlé de différents modèles, mais qui gère ces 25 % de logements? Est-ce la ville? Est-ce un ministère ou les autorités sanitaires, ou est-ce administré selon un modèle coopératif comme celui qui est proposé ici?
Mme Whitzman : En France, sénateur Dalphond, c’est surtout fait par les offices municipaux d’habitation. Cela a toujours été une force en France. Il y a d’excellentes régies municipales et régionales du logement social. Les deux tiers des logements hors marché au Canada sont des logements sociaux. Ce que nous avons constaté, par exemple, en Autriche, au Danemark ou en France, c’est que le type d’entité — qu’il s’agisse d’une coopérative, d’une association à vocation non commerciale ou d’une régie — n’a pas vraiment d’importance, dans une certaine mesure. L’essentiel, c’est que ces organismes soient de bons promoteurs et de bons gestionnaires. La réponse courte à votre question, c’est qu’en France, il y a surtout des logements sociaux, y compris des logements supervisés. Au Canada, il pourrait s’agir, selon le contexte, d’une combinaison de logements. Tout organisme qui fait du bon travail mérite d’être soutenu.
M. Lee : Il y a beaucoup de place pour le secteur sans but lucratif dans la gestion du logement. Certes, en Colombie-Britannique, d’où je viens, c’est largement le cas, mais il y a certaines régions où ces logements pourraient aussi être gérés directement par le secteur public. L’élément central, c’est le modèle hors marché ou sans but lucratif : ainsi, lorsqu’un logement est remis en location ou qu’il est nouvellement construit, il suffit que le prix couvre les frais de développement, sans générer de profit. On ne cherche pas à obtenir des loyers du marché. C’est cette dynamique qui plonge généralement les gens dans des situations de logement plus précaires.
Le sénateur Dalphond : Quand la gestion est assurée par le gouvernement ou par la ville, les coûts afférents ont tendance à augmenter. Je crois qu’à Toronto, la solution proposée est de confier la gestion des projets, une fois terminés, à une société sans but lucratif.
M. Lee : Oui. Je pense qu’il est utile d’avoir une gamme variée de modèles. À mon avis, il faut éviter que tout soit géré par une seule entité. Il est en quelque sorte possible d’encourager un certain degré de concurrence pour les contrats, tout en prenant des mesures appropriées en matière de reddition de comptes et de transparence afin de permettre la vérification de ces logements.
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie.
La sénatrice MacAdam : Madame Whitzman, dans votre rapport intitulé Scaling up affordable housing through a “Build Canada Homes” proposal, publié en août 2025, vous soulignez que les logements hors marché en Autriche sont souvent cités comme un modèle mondial de logements à revenus mixtes, fondés sur les coûts, qui répondent efficacement aux besoins des ménages à faible revenu. Près de 60 % de la population vit dans des logements hors marché, qu’ils soient municipaux ou fournis par des associations d’habitation à but lucratif limité. Quelles leçons tirées du système de logements hors marché de l’Autriche pourraient être utilisées dans le contexte canadien?
Mme Whitzman : Je vous remercie, sénatrice MacAdam. C’est toujours très flatteur de savoir qu’on lit mes rapports. Je me ferai un plaisir d’envoyer une copie du rapport Maytree, qui est assez récent, et de celui que j’ai rédigé pour la défenseure du logement.
La principale leçon à tirer de l’Autriche, c’est que Vienne a commencé à construire des logements sociaux dès les années 1920, et elle continue depuis à en bâtir et à les maintenir en bon état. Résultat : aujourd’hui, l’Autriche ne consacre qu’environ 0,5 % de son PIB au logement. Je voudrais revenir à une question posée plus tôt par la sénatrice Marshall, à laquelle je n’ai pas eu l’occasion de répondre entièrement. Si vous prenez l’exemple de la France, qui a mené son propre projet colossal en doublant son parc de logements hors marché à partir d’un niveau déjà bien supérieur à celui du Canada, les dépenses au titre du logement représentent 2 % de son PIB, par rapport à 1,4 % en Angleterre et à environ 0,1 % au Canada.
Ce qu’il faut retenir des observations que M. Lee et moi avons formulées ce soir, c’est que si nous tenons vraiment à régler la crise du logement, nous devons augmenter le nombre de logements hors marché, et cela nécessitera un investissement générationnel et transformateur, comme le répète le premier ministre Carney, mais les fonds prévus dans le budget actuel à cet égard ne sont pas à la hauteur. Certes, le programme Maisons Canada est une bonne façon de tâter le terrain, mais j’espère que, d’ici un an ou deux, le nombre d’acquisitions, de nouvelles constructions et de rénovations augmentera considérablement.
Lorsque M. Carney était un simple citoyen, il faisait partie d’un groupe de travail appelé More and Better Housing, qui a présenté des chiffres très ambitieux. M. Lee parle de 1 million de logements en 10 ans. Dans mon rapport pour la défenseure du logement et dans mon livre, je propose environ 2 millions de logements hors marché en 10 ans. Voilà ce qu’il faudra viser, plutôt que 4 000 logements en 5 ans, soit l’objectif actuel de Maisons Canada.
M. Lee : Il est intéressant de constater que seulement environ 4 % du parc de logements au Canada est hors marché. Presque le tout a été construit avant 1995. Si l’on se souvient, il y a 30 ans, le gouvernement fédéral a renoncé à son rôle de soutien à la construction de nouveaux logements hors marché. Au cours des 30 dernières années, pas grand-chose n’a été construit. Les nouvelles constructions étaient attribuables, en grande partie, à des projets de condominiums privés et à d’autres marchés privés.
L’héritage des investissements effectués entre les années 1960 et 1990 est toujours présent aujourd’hui. Cela ne fait qu’étayer les propos de Mme Whitzman. Nous devons commencer à construire des logements et continuer à le faire sans relâche pendant au moins une génération. Il nous a fallu 30 ans pour nous retrouver dans ce pétrin. Nous ne nous en sortirons pas en quelques années, en construisant une poignée de logements. Nous avons vraiment besoin d’un effort soutenu. Le gouvernement fédéral doit insister là-dessus lorsqu’il s’agit de problèmes comme l’itinérance et d’autres impératifs à l’échelle du pays, parce qu’aucune province ne pourra y parvenir seule.
Le président : Je tiens à remercier nos témoins. C’était très utile et très intéressant. J’espère que nous aurons d’autres occasions de discuter avec vous, peut-être en personne. Ce serait merveilleux. Merci.
M. Lee : Merci beaucoup.
Mme Whitzman : Merci de nous avoir invités.
[Français]
Le président : Merci à tous. La prochaine réunion aura lieu le 18 novembre, à 9 heures, pour la suite de notre étude. Merci à toute l’équipe, soit les sténographes, les interprètes, les techniciens et les pages; votre travail est toujours apprécié.
(La séance est levée.)