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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 18 novembre 2025

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, toute question concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général et d’autres questions financières; et pour examiner, afin d’en faire rapport, les programmes et initiatives fédéraux visant à soutenir la création de logements.

Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, honorables sénateurs.

Afin d’assurer le bon déroulement des travaux des comités, les directives suivantes doivent être respectées par tous les participants afin de prévenir les incidents acoustiques.

Je vous invite à consulter les cartes placées sur les tables dans la salle de comité pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son. Les oreillettes doivent être gardées à l’écart de tous les microphones en tout temps. Il ne faut pas toucher aux microphones. Leur activation et leur désactivation seront contrôlées par l’opérateur de console. Évitez de manipuler votre oreillette lorsque le microphone est activé. L’oreillette doit rester sur l’oreille ou être déposée sur l’autocollant prévu à cet effet à chaque place. Merci à tous pour votre coopération.

Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices ainsi qu’à tous les Canadiens qui nous suivent sur sencanada.ca. Mon nom est Claude Carignan, je suis un sénateur du Québec et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’invite mes collègues à se présenter.

Le sénateur Forest : Bonjour, bienvenue. Éric Forest, division du Golfe, au Québec.

Le sénateur Gignac : Bonjour. Clément Gignac, du Québec.

Le sénateur Dalphond : Bonjour. Pierre J. Dalphond, division De Lorimier, au Québec.

La sénatrice Oudar : Bonjour. Manuelle Oudar, du Québec.

Le sénateur Cardozo : Bonjour. Andrew Cardozo, de l’Ontario.

[Traduction]

La sénatrice Ross : Bonjour à tous. Krista Ross, du Nouveau‑Brunswick.

La sénatrice Kingston : Joan Kingston, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Hébert : Martine Hébert, division de Victoria, au Québec.

Le président : Pour notre premier panel, nous avons le plaisir d’accueillir, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Annie Boudreau, contrôleure générale du Canada, Martin Krumins, contrôleur général adjoint, Secteur de la gestion financière, et Blair Kennedy, directeur exécutif, Politiques comptables et rapports. Enfin, du ministère des Finances Canada, nous accueillons Gina Clark, directrice générale, Analyse et prévisions budgétaires, et Thomas Larouche, directeur général, Budget et opérations gouvernementales.

Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd’hui. Nous allons maintenant entendre les déclarations préliminaires de Mme Boudreau.

Annie Boudreau, contrôleure générale du Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Bonjour. Merci, monsieur le président. Je suis très heureuse d’être ici aujourd’hui avec vous.

Avant de commencer mon discours, je tiens à reconnaître que nous sommes réunis aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Mes commentaires porteront sur mon rôle au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, plus particulièrement en ce qui concerne les questions financières, et mon engagement à l’égard de la gestion responsable et transparente des fonds publics.

Monsieur le président, en tant que contrôleure générale du Canada, je suis responsable de l’orientation et de la direction pangouvernementales en matière de gestion financière, ce qui comprend, entre autres, l’approvisionnement et les biens immobiliers.

Mon ministère établit le cadre administratif décrivant comment les organisations devraient gérer leurs biens immobiliers. Ils sont responsables de veiller à ce que leurs biens immobiliers répondent à leurs besoins opérationnels et soient gérés efficacement.

Cela requiert de déterminer quels sont les biens nécessaires, comment ils sont entretenus, et quand et comment ils sont aliénés lorsqu’ils ne sont plus requis. Pour ce qui est du processus d’approvisionnement, il s’agit d’une responsabilité partagée à l’échelle du gouvernement. Tous les ministères et organismes ont le pouvoir de conclure des contrats jusqu’à certains montants.

Services publics et Approvisionnement Canada et Services partagés Canada agissent comme fournisseurs de services communs pour les contrats importants ou complexes, tandis que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada maintient la politique en vertu de laquelle les activités d’approvisionnement doivent être gérées.

[Traduction]

Monsieur le président, comme les membres du comité le savent, les Comptes publics du Canada est le rapport annuel des finances du gouvernement fédéral pour l’exercice financier écoulé.

La préparation du rapport des Comptes publics du Canada implique différents intervenants. Mon bureau détermine la manière dont les renseignements financiers sont enregistrés et communiqués au sein du gouvernement. Nous fixons également les exigences en matière de divulgation que les ministères doivent respecter afin de garantir la transparence et la reddition de comptes.

Le receveur général à Services publics et Approvisionnement Canada, ou SPAC, compile les données financières soumises par les ministères et organismes afin de s’assurer qu’elles sont cohérentes et complètes, et produit également les états consolidés définitifs.

Le ministère des Finances valide les renseignements financiers et s’assure qu’ils correspondent aux rapports économiques généraux et aux objectifs de planification budgétaire.

La publication de ce type de renseignements permet de garantir que les décisions en matière de dépenses sont soumises à un examen minutieux, afin que les parlementaires puissent exercer leur rôle de contrôle et que les contribuables canadiens puissent vérifier comment le gouvernement utilise leurs impôts.

Je tiens à assurer les membres du comité que nous nous efforçons constamment d’améliorer les comptes publics, tant en ce qui concerne la qualité des renseignements qu’ils fournissent que l’efficacité de leur production et de leur publication. L’objectif est de garantir la fiabilité, l’actualité et l’utilité des données. Des progrès continuent d’être réalisés.

Par exemple, au cours de l’exercice financier actuel, nous avons mis en place de nouvelles certifications pour les directeurs financiers, amélioré les contrôles sur les états des flux de trésorerie, renforcé la composition de plusieurs comités importants de surveillance comptable et dispensé une formation obligatoire à la communauté.

Ces mesures garantissent la conformité des renseignements financiers contenus au sein du rapport des Comptes publics du Canada.

[Français]

Cependant, s’il y a une chose qui ne changera pas, monsieur le président, c’est l’engagement à l’égard de l’objectivité et de l’intégrité des états financiers. Le nouveau Cadre de budgétisation des investissements en capital améliorera les rapports financiers actuels, mais ne les remplacera pas.

Les états financiers consolidés inclus dans les Comptes publics du Canada ne subiront aucune modification à la suite de l’adoption du nouveau Cadre de budgétisation des investissements en capital et continueront de respecter en tous points les normes comptables pour le secteur public.

Comme toujours, monsieur le président, nous continuerons à accueillir les points de vue des parlementaires, y compris les membres de ce comité, pour poursuivre l’amélioration des Comptes publics du Canada.

Je vous remercie de votre temps. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Les dispositions d’actifs relèvent-elles de votre mandat?

Mme Boudreau : Oui. Nous avons les règles administratives qui soutiennent les actifs immobiliers.

Le président : Les dispositions également?

Mme Boudreau : Oui.

Thomas Larouche, directeur général, Budget et opérations gouvernementales, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur le président, de votre introduction et de l’invitation à comparaître devant le comité aujourd’hui.

Mes notes d’allocution porteront sur la nouvelle approche budgétaire que le gouvernement a introduite dans le budget de 2025, ce qui est sûrement un sujet d’intérêt étant donné la question à l’étude aujourd’hui.

[Traduction]

Aujourd’hui, je vais vous présenter les grandes lignes de la nouvelle approche du gouvernement en matière de budgétisation des dépenses en capital, qui a été annoncée pour la première fois le 6 octobre et détaillée dans l’annexe 2 du budget de 2025.

Le Cadre de budgétisation des investissements en capital vise à établir une méthode cohérente et transparente pour classer les dépenses publiques qui contribuent à la formation de capital, également appelées investissements en capital dans le budget.

Le gouvernement fédéral a adopté ce cadre parce que les investissements en capital sont les fondements de la croissance économique et que l’économie canadienne a rencontré des difficultés à cet égard, en particulier en ce qui concerne le capital des entreprises.

Si l’on examine la dernière décennie, on constate que les investissements des entreprises ont augmenté de façon constante aux États-Unis, mais sont restés pratiquement inchangés au Canada. Dans une économie mondiale de plus en plus marquée par l’évolution des dynamiques commerciales, cet écart pèse sur la compétitivité et la résilience du Canada.

Comme annoncé dans le budget de 2025, l’adoption du Cadre de budgétisation des investissements en capital vise à inverser cette tendance, et à faire des investissements en capital une priorité.

[Français]

Des approches similaires ont été adoptées dans plusieurs économies avancées, notamment au Royaume-Uni et à Singapour. Ces approches sont similaires, mais non identiques, puisque le Cadre de budgétisation des investissements en capital constitue une approche conçue au Canada et adaptée à la réalité fédérale, donc du gouvernement fédéral.

[Traduction]

Permettez-moi d’expliquer brièvement comment les investissements en capital sont définis aux fins du présent cadre. En général, les dépenses publiques ou les incitations fiscales qui ont un lien clair avec la formation de capital dans le secteur public ou privé et qui sont assorties d’une condition ou d’une exigence d’investir les fonds reçus dans des immobilisations sont considérées comme des investissements en capital. Il s’agit là d’une définition générale.

Cette définition, dont les détails figurent à l’annexe 2 du budget de 2025, comprend les transferts en capital, qui représentent un peu moins de la moitié de tous les investissements en capital. Les transferts fédéraux aux provinces, aux territoires et aux communautés autochtones pour des investissements majeurs dans les infrastructures constituent un exemple de transferts en capital. Cela comprend également les incitatifs fiscaux axés sur le capital, qui visent à encourager la formation de nouveau capital. Parmi les exemples, citons l’amortissement accéléré et les crédits d’impôt à l’investissement dans l’économie propre du Canada.

La définition des « investissements en capital » dans le présent Cadre de budgétisation des investissements en capital s’étend également au coût des immobilisations détenues ou contrôlées par le gouvernement fédéral, amorties sur leur durée de vie utile. Au total, ces trois catégories couvrent environ 80 %, soit la grande majorité de tous les investissements en capital prévus en 2028-2029, selon les projections du budget de 2025.

S’il est important de réaliser des investissements en capital, il faut toutefois fixer des limites. Il est nécessaire de disposer de certains repères pour orienter ou guider la politique budgétaire. C’est pourquoi le budget de 2025 a annoncé deux cibles budgétaires. La première cible budgétaire consiste à équilibrer les dépenses de fonctionnement courantes et les recettes d’ici 2028-2029, alors que la seconde cible budgétaire est de stabiliser le ratio de la dette au PIB.

Les dépenses de fonctionnement courantes correspondent à toutes les dépenses qui ne sont pas classées comme des investissements en capital. L’engagement pris dans le budget est de veiller à ce que ces dépenses soient équilibrées par les recettes dans trois ans, c’est-à-dire en 2028-2029 et chaque année par la suite. Cela signifie qu’à partir de 2028-2029, le déficit prévu ne sera dû qu’aux investissements en capital.

Le deuxième pilier budgétaire consiste à maintenir une baisse du ratio déficit-PIB. Cela impose une limite maximale aux dépenses déficitaires, quel que soit leur type. Dans cette optique, le budget de 2025 prévoit que le ratio déficit-PIB passera de 2,5 % en 2025-2026 à 1,5 % en 2029-2030.

[Français]

Le Cadre de budgétisation des investissements en capital continuera d’être appliqué dans les budgets fédéraux à venir et les autres documents pertinents, tout en préservant — comme ma collègue la contrôleure générale l’a indiqué — la comparabilité avec les Comptes publics, renforçant ainsi la cohérence et la crédibilité de l’information financière.

Merci, monsieur le président. Ma collègue et moi répondrons avec plaisir aux questions du comité au nom du ministère des Finances.

Le président : Merci beaucoup.

Donc, vous aurez compris qu’on était dans la partie portant sur la mise à jour économique et les prévisions budgétaires, et non pas dans la partie portant sur Maisons Canada pour ce panel.

Je vais inviter mes collègues à poser des questions. Je sais que les questions seront nombreuses.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Ma première question s’adresse à Mme Boudreau. Elle porte sur les passifs éventuels, qui ont été quelque peu abordés dans le document budgétaire. Les passifs éventuels ont une incidence importante sur le déficit. Je sais qu’en 2022-2023, ils ont augmenté le déficit de 26 milliards de dollars. Puis, en 2023-2024, ils l’ont augmenté de plus de 16 milliards de dollars, mais les comptes publics contiennent très peu de renseignements à ce sujet. Je sais que le gouvernement a reconnu qu’il y avait un problème concernant les passifs éventuels, car en décembre dernier, dans la mise à jour budgétaire, il a déclaré que le gouvernement s’était engagé à convoquer un groupe de travail composé d’experts afin de le conseiller sur la comptabilisation des passifs éventuels futurs du budget de 2025, qui, selon nous, devait être déposée en mars ou avril. J’ai pris connaissance de ce type de déclarations, mais je n’ai rien vu de concret ensuite.

Le budget de 2025, présenté il y a quelques semaines, a repris cet engagement. Il stipule que « des mesures sont en cours pour gérer cette incertitude grâce à une meilleure visibilité et une meilleure surveillance des passifs éventuels importants [...] ». Et il ajoute : « [...] des experts sont également sollicités pour améliorer la communication publique [...] ». Pouvez-vous nous informer de l’évolution de la situation concernant les passifs éventuels, car le gouvernement semble réticent à traiter cette question, même s’il reconnaît qu’il y a un problème?

Mon autre question est la suivante : pourquoi le gouvernement a-t-il besoin d’engager des experts? Vous êtes comptable professionnelle. Nous bénéficions déjà des services de la vérificatrice générale, du directeur parlementaire du budget, des fonctionnaires compétents et professionnels du ministère des Finances, ainsi que de plusieurs experts tout aussi compétents et professionnels au Conseil du Trésor. Dans ce contexte, pourquoi avons-nous besoin d’embaucher des consultants externes pour traiter la question des passifs éventuels? Pouvez-vous nous donner des nouvelles et nous expliquer ce qui se passe?

Mme Boudreau : Merci beaucoup pour cette question. Je vais vous fournir quelques sources de renseignements à ce sujet, et mes collègues du ministère des Finances pourront ajouter quelques précisions.

Comme vous le savez et comme vous l’avez dit, les passifs éventuels sont extrêmement complexes. Il s’agit de l’une des transactions les plus complexes au sein des comptes publics. Quant à la raison pour laquelle nous devons consulter des experts, sachez qu’une grande partie des passifs éventuels dans les comptes publics est liée aux revendications autochtones. Afin d’obtenir des informations précieuses et d’essayer de comprendre le passé et l’avenir, nous estimons qu’il est important que des personnes qui connaissent le sujet, comme les Autochtones, fassent partie de ces experts. C’est un élément parmi d’autres.

En ce qui concerne le deuxième élément, vous avez effectivement raison. En effet, nous bénéficions de l’expertise de la vérificatrice générale, ainsi que de celle des fonctionnaires du ministère des Finances, mais nous voulons également discuter avec les provinces et les territoires. Nous voulons savoir ce qui se passe sur le terrain. La province de la Colombie-Britannique a effectivement formulé certaines revendications...

La sénatrice Marshall : Désolée, je ne dispose que de quatre minutes.

Pourquoi cela prend-il autant de temps? Nous étions tous déjà au courant de la problématique il y a plusieurs années, mais pourtant, rien ne s’est passé au cours de la dernière année. Par ailleurs, votre bureau a pris un engagement en ce sens il y a un an. Aujourd’hui, donc un an plus tard, vous réitérez cette promesse. Il semble que rien ne se passe; il est encore question de faire appel à des experts. Qu’en est-il de la reddition de comptes et de la transparence promises maintes et maintes fois par le gouvernement? Vous avez même mentionné avoir recueilli plusieurs données pertinentes. Pour ma part, j’ai consacré des centaines d’heures à évaluer les passifs éventuels. En ce qui concerne le manque de données, ce qui est présenté sur les passifs éventuels est consternant. Monsieur le président, mes quatre minutes sont-elles déjà écoulées?

Le président : Il ne vous reste que cinq secondes.

La sénatrice Marshall : D’accord, je vais poursuivre lors de la deuxième série de questions. Je suis certaine que Mme Boudreau pourra nous donner une réponse.

[Français]

Le président : Merci. Je suis désolé, nous devons être équitables.

Le sénateur Forest : Merci de vos présentations.

Le ministre des Finances a affirmé que de la réduction de la masse salariale par attrition demeure un objectif important. Cependant, selon les syndicats, le budget indique clairement que certains postes seront supprimés.

Ma question s’adresse à Mme Boudreau.

Serait-il possible de clarifier la position du gouvernement à ce sujet? Si je comprends bien, la suppression de postes « si nécessaire » n’est donc pas actuellement dans les cartons?

Mme Boudreau : Merci de votre question, monsieur le sénateur.

En ce moment, les ministères et les organisations sont en train de revoir leur besoin en personnel. Comme vous l’avez vu dans le budget, une revue a été faite cette année, un examen exhaustif des dépenses où on a demandé aux organisations de revenir avec des propositions, ce qui fait en sorte que certains programmes vont être diminués ou éliminés. Évidemment, en éliminant ces programmes, il y aura un impact sur le personnel responsable de livrer ces programmes.

Comme on l’a mentionné tout à l’heure, le budget a été déposé il y a deux semaines seulement et les organisations sont en train de revoir leurs plans pour savoir ce qui a été accepté lors de l’examen exhaustif des dépenses pour être en mesure de revenir avec un plan des ressources humaines à jour le plus rapidement possible.

Le sénateur Forest : Merci.

Monsieur Larouche, j’ai une question plus spécifique concernant le bois d’œuvre au Québec. L’industrie forestière traverse une tempête importante avec les tarifs douaniers et le débat sur le nouveau régime forestier au Québec. C’est une institution vitale dans beaucoup de régions au Québec et au Canada.

Au Québec, il y aurait 34 régions mono-industrielles forestières. La Fédération québécoise des municipalités et l’Union des municipalités du Québec ont fait une sortie pour demander un plan de sauvetage d’urgence pour cette industrie.

Y a-t-il certaines mesures qui existent pour aider cette industrie à faire face à cette crise sans précédent dans le budget?

M. Larouche : Merci, monsieur le sénateur. C’est une bonne question.

Dans le budget de 2025, plusieurs mesures visent à offrir un soutien à l’industrie. Ces mesures passent par l’entremise d’augmentations temporaires des bénéfices de l’assurance‑emploi pour les travailleurs. Je pense que la plupart de ces mesures sont en cours en ce moment et vont prendre fin d’ici mars 2026.

Il y a aussi des mesures générales de soutien à travers la Banque de développement du Canada et Exportation et développement Canada pour offrir un soutien général.

Je ne suis pas en mesure de repérer les mesures spécifiques pour le secteur forestier, parce que ce n’est pas mon domaine. Toutefois, je peux quand même vous assurer que plusieurs mesures de soutien ont été mises en place au cours des cinq derniers mois pour un soutien, ce qui couvrira également le secteur forestier.

Le sénateur Forest : Depuis le début de la crise que l’on a avec nos voisins du Sud, le premier ministre et le gouvernement disent qu’il faut favoriser l’achat local. Une des mesures qui pourrait aider cette industrie serait d’avoir des mesures qui incitent à construire en utilisant de plus en plus de bois. Précisément pour ce secteur, y a-t-il des éléments contenus au budget?

M. Larouche : Effectivement. Une annonce avait été faite avant le budget concernant la politique d’achat local « Achetez canadien ». Le budget confirme l’intention du gouvernement de mettre en place cette politique.

De fait, l’éventail d’achat est assez large. Les produits forestiers pourraient être visés par cette nouvelle politique.

[Traduction]

Le sénateur Cardozo : Ma question porte avant tout sur la façon dont la mise en place du Cadre de budgétisation des investissements en capital est susceptible de modifier la manière dont les deux ministères évaluent les nouvelles propositions de dépenses. Ma question de fond consiste à vous interroger d’abord sur le rôle de la vérificatrice générale dans tout ce contexte. Vous avez le contrôleur général et votre rôle auprès du reste du Conseil du Trésor; vous n’êtes pas le secrétaire du Conseil du Trésor, alors quelle est la nature de cette relation? En quoi votre rôle diffère-t-il de celui de la vérificatrice générale et du directeur parlementaire du budget?

Mme Boudreau : Il s’agit d’une excellente question pour replacer le contexte. Je vais essayer d’éclaircir mon rôle, en ce qui concerne les comptes publics, comme le directeur financier du gouvernement du Canada. Je fais donc parvenir aux ministères responsables des lignes directrices sur la manière de comptabiliser, par exemple, les passifs éventuels, les provisions pour créances douteuses, les recettes fiscales et autres éléments similaires. C’est nous qui fournissons les orientations en matière de principes comptables.

Ensuite, il incombe à la vérificatrice générale, ma collègue Karen Hogan, qui vérifie les comptes publics afin de s’assurer que les chiffres reflètent fidèlement la réalité. Son mandat est plus large. En ce qui concerne les comptes publics, c’est elle qui les examine et qui donne son avis dans le volume I des comptes publics.

En ce qui concerne le Bureau du directeur parlementaire du budget, je crois comprendre qu’il évalue principalement le budget. Il a déposé un rapport la semaine dernière. Il examine également les prévisions budgétaires, c’est-à-dire tous les fonds dont les ministères ont besoin pour assurer leur fonctionnement. Il effectue davantage d’analyses. Ces deux organismes sont des agents du Parlement, et relèvent donc directement du Parlement.

Le sénateur Cardozo : Qu’en est-il de vos relations avec le reste du Conseil du Trésor et le ministère des Finances Canada?

Mme Boudreau : Je suis l’une des sous-ministres du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Je participe à toutes les réunions du Conseil du Trésor au cours desquelles les ministres du Conseil du Trésor examinent et analysent les demandes de financement. Je suis là pour fournir des conseils en matière de politiques d’approvisionnement, de politiques immobilières et, dans une certaine mesure, d’incidence sur le cadre financier, car nous examinons tous ces éléments.

En ce qui concerne ma relation avec le sous-ministre des Finances, pour les comptes publics, nous avons quatre signataires ou quatre personnes qui signent les comptes publics: le sous-ministre des Finances, le secrétaire du Conseil du Trésor, le receveur général et moi-même, qui suis le quatrième signataire des comptes publics. Bref, nous sommes tous constamment en relation les uns aux autres.

Le sénateur Cardozo : Vous avez évoqué le poste de receveur général. Quel est son rôle général?

Mme Boudreau : Le Bureau du receveur général relève de SPAC. Il est chargé de retirer les comptes publics ensemble. Pour tous les gros volumes que vous voyez — volume I, volume II et volume III —, ils ont mis tous les renseignements et veillé à ce qu’il soit cohérent. Nous pouvons transférer les renseignements adéquats d’une organisation à un autre organisme. Par ailleurs, nous travaillons en étroite collaboration avec eux, ainsi qu’avec nos collègues au ministère des Finances.

La sénatrice Ross : Merci aux témoins. Ma question s’adresse à Mme Boudreau.

Je sais que SPAC met en œuvre une stratégie de modernisation globale visant à donner la priorité aux fournisseurs canadiens, à la politique d’achat au Canada, à la diversité des fournisseurs, à la simplification des processus et à la gestion du rendement des fournisseurs. Je pense que cette stratégie, combinée à la création du nouveau Bureau des grands projets, entraînera des changements importants dans le domaine de l’approvisionnement.

Étant donné que les achats relèvent de votre supervision, comment ces changements accélérés et rationalisés ont-ils influé sur vos processus de supervision? Que devez-vous faire différemment pour garantir la transparence?

Dans quelle mesure votre bureau a-t-il participé à l’élaboration de la modernisation de Services publics et Approvisionnement Canada, et avez-vous participé à la création du Bureau des grands projets?

Mme Boudreau : Nous jouons un rôle clé. Nous travaillons en étroite collaboration avec Services publics et Approvisionnement Canada en matière de politiques. Vous vous souviendrez que la vérificatrice générale a effectué de nombreux audits sur les achats.

Si je peux résumer ses observations en une phrase, ce serait celle-ci: nous avons beaucoup de règles, et nous n’avons pas besoin d’en ajouter d’autres, mais les règles doivent être respectées. Je pense que cela résume parfaitement ce qu’elle a dit à de nombreuses reprises.

Mon groupe travaille en étroite collaboration avec SPAC pour harmoniser les règles en matière d’approvisionnement et pour rationaliser l’ensemble du processus. Lorsque les ministères comprennent et constatent cette rationalisation, ils peuvent agir plus rapidement en matière d’approvisionnement. Nous voulons nous assurer que les contrôles sont toujours en place. Nous ne voulons pas ajouter de contrôles supplémentaires, mais nous voulons accélérer le processus d’approvisionnement. C’est principalement mon rôle. Je suis responsable de la politique administrative et je travaille en étroite collaboration avec mes collègues de SPAC pour y parvenir.

La sénatrice Ross : En ce qui concerne le Bureau des grands projets, avez-vous participé à la création de cette nouvelle méthode de sélection des projets et à la mise en place de ce mode d’approvisionnement?

Mme Boudreau : Le Bureau des grands projets est ce que nous appelons un organisme de service spécial. Le Bureau des grands projets fait partie du Bureau du Conseil privé, ou BCP. Il ne s’agit pas d’une entité distincte, mais d’une division de ce ministère. Pour répondre à votre question, je n’ai pas participé à la décision concernant les projets à retenir. Cela ne relève pas de ma compétence.

La sénatrice Ross : Allez-vous participer à la surveillance de l’approvisionnement qui va se produire dans le cadre de ces projets?

Mme Boudreau : Absolument, car ils font partie d’un ministère, ce qui signifie qu’ils doivent respecter les politiques du Conseil du Trésor. Oui, lorsqu’ils ont besoin d’une couverture politique pour ce qu’ils essaient de faire, ils doivent s’adresser au Conseil du Trésor afin d’obtenir son approbation. Oui, mon équipe sera impliquée, car tous les organismes de service spéciaux doivent respecter les politiques du Conseil du Trésor.

La sénatrice Ross : Merci beaucoup.

La sénatrice Kingston : Ma question s’adresse à Mme Boudreau. Je pense à votre cadre de budgétisation des immobilisations. Il semble y avoir un parti pris de plus en plus marqué en faveur des infrastructures physiques en matière de dépenses publiques. Ce qui me préoccupe, c’est qu’il y a des choses que le gouvernement fédéral souhaite soutenir, comme les logements très abordables, et certaines d’entre elles s’adressent à des personnes qui ont à trouver et à conserver un logement sans bénéficier d’une infrastructure sociale pour les aider.

Dans le passé, le gouvernement fédéral s’est également impliqué dans ce domaine. Ma question est la suivante: voyez‑vous des dépenses consacrées à l’infrastructure sociale dans le cadre de l’accent mis sur l’infrastructure physique, et voyez-vous un problème à cela, étant donné que l’infrastructure physique nécessite souvent, dans mon domaine en tout cas, une infrastructure sociale pour la soutenir?

Mme Boudreau : Je vous remercie de la question. Je vais demander à mon collègue de Finances Canada de répondre à cette question, car ce cadre relève de son ministère. Je me permettrai d’ajouter quelque chose à la fin, si nous avons le temps.

M. Larouche : Merci beaucoup. C’est une excellente question. Dans le Cadre de budgétisation des investissements en capital, tel qu’il est présenté à l’annexe 2 du budget, on trouve une catégorie de dépenses qui englobe expressément les mesures destinées à augmenter le parc de logements.

Je vous renvoie au tableau A2.2 de l’annexe 2, qui précise les mesures qui sont comptabilisées à titre d’investissements en capital dans cette catégorie. En général, l’infrastructure est considérée comme un investissement en capital. Ainsi, l’infrastructure sociale ou tout autre type d’infrastructure — qu’il s’agisse de ponts ou d’aéroports — représente un investissement en capital, car c’est un bien immobilisé, peu importe s’il figure au bilan du gouvernement ou à celui d’une entité du secteur privé ou d’un autre ordre de gouvernement.

Plusieurs mesures sont comptabilisées à titre d’investissements en capital dans le secteur du logement. Mentionnons le Fonds pour le logement abordable, le Fonds pour accélérer la construction de logements, le Programme de prêts pour la construction d’appartements et le logement des Autochtones. Ce sont tous des investissements qui sont comptabilisés dans cette catégorie. Il s’agit de mesures existantes et, bien entendu, le budget en prévoit aussi de nouvelles pour le lancement du programme Maisons Canada. Tous ces éléments sont considérés comme des investissements en capital dans le cadre de budgétisation. En général, les investissements en infrastructure sont pris en compte, et vous trouverez plus d’information sur les éléments précis dans le tableau A2.2 du budget.

La sénatrice Kingston : Les fonds du programme Vers un chez-soi relevaient avant d’Emploi et Développement social Canada, mais ils ont été transférés à Infrastructure Canada il y a quelques années, et on semblait alors mettre moins l’accent sur le logement supervisé que sur les structures de logement proprement dites. C’est ce que j’essaie de comprendre. Comment vous assurez-vous que toutes les mesures prises pour augmenter l’offre de logements permettent aussi aux personnes ayant des besoins complexes d’y accéder réellement?

M. Larouche : Je vous remercie de cette observation. Le programme Vers un chez-soi n’est pas mon domaine d’expertise. Je peux toutefois m’engager à communiquer avec mes collègues qui gèrent le dossier du logement, et nous pourrons vous envoyer la réponse à la question de savoir dans quelle catégorie ces fonds sont comptabilisés ou de quel programme ils font maintenant partie.

Pour ce qui est des détails sur les mesures en matière de logement qui sont comptabilisées à titre d’investissements en capital, là encore, c’est ce que je viens d’énumérer dans le tableau A2.2 du budget.

La sénatrice Kingston : Lorsque vous vous engagez à augmenter les investissements dans un domaine et à limiter ceux dans un autre, alors que les deux domaines sont intrinsèquement liés, je trouve cela préoccupant.

[Français]

La sénatrice Hébert : Ma question concerne les dépenses en capital et les dépenses de fonctionnement, la fameuse comptabilité. Pour administrer les programmes de dépenses en capital, que ce soit les crédits d’impôt, les nouvelles agences que l’on crée en défense ou les grands projets, cela commande des dépenses de fonctionnement. Les dépenses de fonctionnement liées à ces dépenses en capital sont-elles incluses dans les montants d’investissement en capital ou sont-elles séparées? Si elles sont incluses, quel pourcentage représentent-elles?

M. Larouche : C’est une bonne question.

En général, les dépenses de fonctionnement ne sont pas incluses. Dans la catégorisation qu’on fournit à l’annexe 2 du budget, on donne un peu le détail des dépenses qui sont comptabilisées comme dépenses d’investissement. Une grande partie de ces dépenses sont des transferts de capital; elles sont comptabilisées comme des transferts et n’incluent pas les fonctionnaires qui sont chargés d’administrer les programmes dans la fonction publique.

Dans certains programmes, il est parfois difficile de faire la différence entre les coûts de fonctionnement et les coûts en capital. Ce n’est pas impossible qu’il y en ait quelques-uns dans certains petits programmes. Toutefois, dans une mesure générale, l’idée était de ne comptabiliser que la partie transfert, et non les dépenses de fonctionnement. Cela ne veut pas dire que le gouvernement cesse de faire des dépenses de fonctionnement. Les dépenses de fonctionnement continuent. Simplement, la priorité est vers les dépenses d’investissement.

La sénatrice Hébert : Merci.

Monsieur Larouche, dans votre présentation, vous avez mentionné que les notions et les méthodes qu’on emploie au Canada pour distinguer les dépenses de fonctionnement diffèrent un peu de ce qui a été fait ailleurs. Auriez-vous quelques exemples concrets à nous fournir à cet égard, s’il vous plaît? Et quelle est la raison pour laquelle on a choisi cela?

M. Larouche : Oui. Comme j’ai mentionné, les motivations principales de cette approche sont d’identifier et de cibler les investissements qui permettent ou stimulent la formation de capital dans le secteur public, mais surtout le secteur privé.

Il y a des pays qui ont depuis un certain temps des approches similaires. Des exemples connus sont ceux du Royaume-Uni et de Singapour. Les provinces font cela depuis un certain temps également. On a un tableau dans le budget qui compare un peu l’approche fédérale avec les approches existantes dans ces économies avancées.

Au niveau des différences, je dirais qu’en majeure partie, il y a tout de même des similarités dans les principaux postes de dépenses, comme les transferts de capitaux en général. C’est comptabilisé comme dépenses d’investissement dans toutes ces approches, et cela représente la majeure partie des dépenses d’investissement.

La sénatrice Hébert : L’impôt aux entreprises est-il inclus dans les autres juridictions comme ici?

M. Larouche : Non. On fournit au graphique A2.1 une comparaison. On indique bien que les crédits d’impôt aux entreprises, qui sont le côté imposition, donc une dépense fiscale, ne sont pas comptabilisés comme dépenses d’investissement dans l’approche du Royaume-Uni et de Singapour ou même des provinces. Je ne sais pas si c’est utilisé dans d’autres pays, mais dans ceux qu’on a regardés, ce n’est pas utilisé. La raison pour laquelle le gouvernement le comptabilise, c’est parce que l’objectif n’était pas d’adopter exactement la même approche, mais d’identifier toutes les dépenses qui auraient un effet sur la formation en capital. Ces dépenses fiscales ont un coût fiscal, et ont un effet fort évident sur la création et la formation d’actifs dans le secteur privé, et ont donc été comptabilisées comme des dépenses d’investissement.

La sénatrice Oudar : Ma question s’adresse d’abord à Mme Boudreau concernant l’examen exhaustif des dépenses.

J’ai lu attentivement les documents du Bureau du directeur parlementaire du budget. Il parle non seulement des leçons tirées de l’OCDE sur la manière dont on doit procéder au niveau de l’examen des dépenses, des dépenses, de la portée, des économies, mais aussi beaucoup de la transparence nécessaire. Il se questionne aussi sur vos objectifs de publier ou non et sur votre transparence dans ce qui viendra.

Cependant, avant de parler de transparence, j’ai une question concernant les détails. J’ai été étonnée de lire qu’il avait eu plusieurs difficultés à obtenir certains détails qui lui auraient été fort utiles pour bien évaluer l’incidence sur les programmes. Il semble s’être adressé à plusieurs ministères pour évaluer l’incidence sur le programme, mais aussi sur la réduction du personnel. J’étais étonnée de savoir cela.

J’ai consulté le mandat du Conseil du Trésor. J’ai vu que les quatre responsabilités principales sont fort claires, la première étant la surveillance des dépenses, et la deuxième, le leadership administratif. J’en arrive à la troisième, parce qu’il s’agit d’être l’employeur de la fonction publique. Ne trouvez-vous pas étonnant qu’il n’ait pas pu obtenir ces détails, qu’il ait de la difficulté à évaluer l’incidence sur les programmes, et que cela le force à questionner chacun des ministères et organismes au lieu d’obtenir l’information directement du Conseil du Trésor? Au sein du Conseil du Trésor, vous avez sûrement des responsabilités que vous devez assumer à la fois comme leadership administratif, mais aussi en tant que surveillant des dépenses. Pouvez-vous éclairer le comité là-dessus? Je reste avec une très grande interrogation après avoir terminé la lecture du document du Bureau du directeur parlementaire du budget.

Mme Boudreau : Oui. J’ai le plaisir « d’éclairer le comité », pour utiliser vos mots.

J’ai également lu son rapport. Comme vous le savez, dans le budget, il y a une annexe consacrée entièrement à l’examen exhaustif des dépenses, comment l’examen a été fait, les dates utilisées, ce qui a été inclus dans la méthodologie et ce qui a été exclu. Par la suite, lorsque les propositions sont arrivées au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, on les a analysées avec nos collègues au ministère des Finances, et par la suite, toutes ces propositions ont été revues par un comité du Cabinet, le Comité de la Transformation du gouvernement/Efficacité du gouvernement.

Il y a eu énormément de discussions, notamment concernant les impacts horizontaux de ces propositions et les impacts sur les groupes et les minorités. Les décisions ont été prises après le comité par le ministre des Finances et le premier ministre. C’est là que vous trouverez ces décisions dans le document budgétaire.

Par la suite, le document budgétaire présente une page avec des détails en ce qui concerne chaque portfolio de l’administration du gouvernement fédéral. La méthode utilisée dans le budget est une méthode similaire à ce qu’on avait fait lors de la réduction des dépenses en 2012. Est-ce que toute l’information est là? Non, effectivement, toute l’information n’est pas là.

Ceci étant dit, au mois de mars de chaque année, le gouvernement fédéral dépose le budget principal des dépenses où il y a tous les besoins en argent pour les ministères qui font partie du gouvernement du Canada. En plus, on dépose aussi les plans ministériels de chaque organisation. Dans ces plans, vous allez trouver plus d’informations en ce qui concerne l’examen exhaustif des dépenses. C’était impossible d’inclure des millions et des millions de pages dans le document budgétaire pour expliquer le tout. Cependant, en toute honnêteté, il faut aussi donner le temps aux organisations de regarder ce qui a été approuvé et non approuvé dans le cadre du budget, et également redéfinir leur plan en conséquence.

Dans le budget, il est aussi mention d’éliminer 1 000 postes de cadres supérieurs d’ici deux ans. Il y a d’autres cibles en ce qui concerne la réduction du personnel. Toute cette information est essentielle aux organismes pour pouvoir établir des plans robustes qui peuvent ensuite être expliqués aux Canadiens.

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. Ma première question sera pour Mme Boudreau.

Le gouvernement a des objectifs ambitieux. Les dépenses ont augmenté de 8,5 % par année depuis plusieurs années, et là, on parle de 0,5 % à venir. Vous vous êtes présentée un peu plus tôt comme la directrice financière du gouvernement. J’espère que la compensation sera en conséquence du budget aussi pour vous. Je ferme la parenthèse.

Blague à part, pourriez-vous nous expliquer les plans ministériels? Comment vous êtes-vous impliquée là-dedans? En quoi les résultats ministériels des années et les antécédents de chacun des ministères sont-ils pris en compte dans les plans ministériels? Certains ont de bonnes feuilles de route et d’autres en ont de moins bonnes. Je suis curieux d’en comprendre la relation. Avez-vous des « poignées », donc le pouvoir d’intervenir véritablement? J’aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Boudreau : Merci, monsieur le sénateur.

Je vais vous faire part de mes poignées personnelles et de celles que je n’ai pas, mais qui font partie de mon ministère.

Chaque fois qu’il y a une demande d’argent, cela doit être présenté au cabinet du Conseil du Trésor. Lorsque ces demandes sont faites, il doit y avoir un plan, comme vous l’avez dit. Il doit y avoir un plan sur les résultats : quels sont les résultats attendus de ce programme, les résultats pour les groupes et minorités, les résultats régionaux, etc.

Souvent, les plans nous arrivent, l’argent doit être envoyé rapidement, et les plans ne sont pas toujours très à point. Je suis honnête avec vous. Souvent, on donne l’argent, parce qu’on sait que les parties prenantes ont besoin d’argent pour pouvoir faire leur travail sur le terrain. Les résultats vont s’améliorer d’année en année. Il est vrai que parfois, les feuilles de route font peur, j’en conviens très bien. Par contre, lorsque l’argent est donné, on veut vraiment faire en sorte que les gens qui en ont besoin le reçoivent rapidement, et que les résultats soient définis par la suite.

J’aimerais souligner une autre chose. Il y a aussi des résultats qui ne peuvent toujours être comptés sur une base annuelle. Par exemple, il y a des résultats qui sont basés sur le recensement. On sait très bien que le recensement ne se fait pas chaque année. Alors, il est sûr d’y avoir des résultats qui vont revenir avec la mention « non applicable », parce que le recensement n’a pas encore été fait.

Je dirais aussi qu’on essaie que les ministères aient des exigences très hautes. On veut qu’ils les dépassent. On ne veut pas avoir des exigences trop basses, ce qui ferait en sorte qu’elles seront toujours dépassées, l’atteinte sera toujours à 100 %, parce qu’à la fin de la journée, ce n’est pas mieux non plus. On essaie de les pousser le plus possible pour qu’ils nous reviennent avec des exigences assez robustes.

Je pense que vous aviez une autre question.

Le sénateur Gignac : Oui, j’ai une autre question.

Dans le secteur privé, vous savez comment cela fonctionne, les dirigeants auront des bonus en fonction des cibles atteintes ou non. Comment cela fonctionne-t-il dans le secteur public? Hier soir, j’avais de la difficulté à dormir, et je suis allé voir les résultats ministériels de l’Agence du revenu du Canada...

Le président : Cela ne doit pas vous avoir aidé.

Le sénateur Gignac : Cela ne m’a pas aidé, alors je me suis endormi à 2 heures du matin. Le receveur général du Canada disait que les temps d’attente en deçà de 15 minutes étaient de l’ordre de 18 %. Il disait aussi que les informations étaient inexactes dans bien des cas. Quand je regarde les résultats ministériels, je m’aperçois que le pourcentage des normes de services externes qui atteignent les objectifs devrait être de 75 %. Cela fait trois ans que c’est en deçà de cela.

La rémunération des sous-ministres et sous-ministres adjoints est-elle affectée par les résultats ministériels? N’y a-t-il aucun lien entre les résultats ministériels et la compensation des fonctionnaires du gouvernement?

Mme Boudreau : Rapidement, il y a plusieurs composantes qui entrent dans le processus de l’évaluation de performance. Si le comité en convient, je pourrais revenir avec une description détaillée qui pourrait aider à répondre à votre question et vous permettre de mieux dormir la nuit.

Le président : Merci.

Le sénateur Gignac : Les résultats ministériels sont tenus en compte dans la rémunération des fonctionnaires. Merci.

Le président : Vous pouvez nous envoyer cela une semaine où le Sénat ne siège pas, il pourra récupérer le temps perdu.

Le sénateur Dalphond : Le 17 décembre 2024, la vérificatrice générale a fait son rapport et a fait des commentaires. Dans ceux-ci, il y en avait un qui s’adressait directement à vous, madame Boudreau, et je cite en anglais :

[Traduction]

Le Bureau du contrôleur général doit exercer une surveillance accrue quant à l’exactitude et à la comptabilisation des transactions importantes et des nouveaux programmes à l’échelle du gouvernement. Cette surveillance est importante pour que les états financiers consolidés puissent être finalisés en temps opportun.

[Français]

Voici ma question : qu’avez-vous fait depuis ce commentaire? Qu’est-ce qui est en place? Est-ce que cela s’améliore? Aurons-nous les rapports plus tôt que plus tard?

Mme Boudreau : Merci beaucoup.

Vous avez fait référence au mois de décembre 2024. Les Comptes publics ont été déposés le 7 novembre cette année, et ces observations sont revenues où elle a noté une amélioration. Je vous inviterais tous à revoir ces observations déposées le 7 novembre dernier.

J’ai pris la recommandation de la vérificatrice générale très au sérieux. Comme je l’ai mentionné plus tôt, il y a eu plusieurs problèmes en ce qui concerne des transactions comptabilisées importantes pour lesquelles je n’ai pas été consultée. J’ai changé le processus pour m’assurer que lorsqu’il y a des transactions importantes, la contrôleure générale est elle-même consultée et elle doit donner son opinion. De plus, des groupes de travail existaient au gouvernement fédéral, mais pas au bon niveau. Ils étaient à des niveaux trop bas. On a donc changé les niveaux des groupes de travail pour une meilleure reddition de comptes.

J’ai aussi mentionné qu’on a donné de la formation en ce qui concerne la comptabilité d’exercice, sur les passifs éventuels, sur des éléments très importants que l’on perd parfois de vue, car il y a d’autres choses à faire. C’est un autre élément qu’on a fait à l’interne. On demande aussi des attestations aux chefs des services financiers pour s’assurer qu’ils ont fait le breffage nécessaire à l’intérieur de leur organisation. C’était aussi un manque à combler l’an dernier. Plusieurs choses se faisaient, mais les sous-ministres n’étaient pas nécessairement informés ou impliqués. Ce processus a donc été corrigé également.

J’aimerais souligner que chaque année, les fonctionnaires ont des ententes de rendement en date du 1er avril. Lorsque cette période arrive, j’envoie mes ententes de rendement à tous les chefs des services financiers dans toutes les organisations. Ils doivent tenir compte de tout cela. Cela fait partie de leur évaluation de rendement de fin d’année.

Le président : Merci. Cela répond à la question.

[Traduction]

La sénatrice MacAdam : Je remercie les témoins d’être des nôtres aujourd’hui. Je ne sais pas qui est le mieux placé pour répondre à cette question. L’une des cibles budgétaires énoncées dans le budget de 2025 consiste à équilibrer les dépenses de fonctionnement courantes et les revenus d’ici 2028-2029. Je me demande quel type de rapport de certification indépendant sera présenté chaque année sur le compte de fonctionnement courant. Autrement dit, ces chiffres seront-ils vérifiés?

M. Larouche : C’est une bonne question, et je peux peut-être dire quelques mots. À ce stade-ci, il est important de garder à l’esprit que le calcul du solde de fonctionnement courant, que l’on trouve vraiment dans le tableau A1.5 du budget, repose sur le Cadre de budgétisation des investissements en capital qui est expliqué dans le budget. Il s’appuie sur des renseignements qui sont par ailleurs vérifiés et conformes aux comptes publics. Le concept en soi n’est donc pas vérifié, mais il repose sur des renseignements et des concepts qui n’ont pas changé et qui font toujours partie des chiffres et des montants que les vérificateurs examineront. On ne prévoit aucun changement à cet égard pour le moment.

Le concept de « dépenses courantes » est très utile, car il permet d’établir des priorités et de guider le gouvernement dans la prise de décisions budgétaires. C’est l’élément central, et aucun changement n’a été apporté au ratio entre le déficit et la dette, aux dépenses ou à la façon dont ces chiffres sont comptabilisés dans le solde budgétaire traditionnel. Ces renseignements continuent d’être présentés dans le budget et sont accessibles aux vérificateurs et à d’autres commentateurs externes.

La sénatrice MacAdam : Quels types de rapports publics seront publiés sur les dépenses courantes et les revenus réels pour ce compte de fonctionnement? Les Canadiens seront-ils tenus au courant, et à quelle fréquence seront-ils informés des progrès réalisés par le gouvernement pour équilibrer ce compte, étant donné qu’il s’agit de l’une de ses cibles budgétaires?

M. Larouche : L’intention est de fournir une mise à jour sur le solde de fonctionnement courant dans chaque budget à venir et dans d’autres types de documents connexes.

Les Canadiens, les parlementaires et les sénateurs pourront continuer à suivre l’évolution des dépenses au fil du temps sous forme de projections et à prendre connaissance ensuite des chiffres réels dans les comptes publics, par exemple. Rien ne change à cet égard. L’information continuera d’être fournie comme avant pour tous les postes de dépenses que nous voyons habituellement.

Le Cadre de budgétisation des investissements en capital et le solde de fonctionnement courant apportent une perspective supplémentaire en permettant de calculer et d’examiner les données d’une autre manière, mais ils s’appuient sur des concepts qui existent déjà. Pour ce qui est des chiffres réels et des projections, nous pourrons continuer à les voir dans les documents budgétaires, les comptes publics et d’autres rapports financiers du gouvernement.

La sénatrice MacAdam : Les montants réels figureront dans les comptes publics, selon les normes du Conseil sur la comptabilité dans le secteur public.

Je me demande quels types de rapports seront fournis aux Canadiens en ce qui concerne le compte de fonctionnement courant. Les chiffres figureront dans le budget, mais ce sont des projections. Qu’en est-il des chiffres réels?

M. Larouche : À ce stade-ci, comme je l’ai dit, le solde de fonctionnement courant est essentiellement une valeur résiduelle : nous déterminons ce qui constitue un investissement en capital, et tout le reste correspond alors aux dépenses de fonctionnement courantes. Le calcul vise à garantir que les revenus suffisent à compenser les dépenses.

Les dépenses sous-jacentes ne changent pas. On connaîtra donc les chiffres réels pour les principaux transferts aux particuliers et les dépenses de programmes directes, par exemple, et ces catégories demeurent inchangées. Les chiffres réels continueront donc d’être déclarés pour ces catégories.

Pour l’instant, les données présentées dans le budget apportent une perspective supplémentaire. C’est ce qu’on voit dans les tableaux A1.4 et A1.5, qui montrent le total des dépenses classées comme investissements en capital et la façon dont le solde de fonctionnement courant est comptabilisé. Je le répète, il s’agit d’une perspective supplémentaire, et jusqu’ici, on s’est engagé à fournir ces renseignements dans les budgets.

[Français]

Le président : Merci beaucoup. J’ai une question.

On apprenait dans les derniers jours qu’il y a 11 milliards de dollars en mauvaises créances pour la PCU liées à la pandémie, et que le budget accorde 123 millions de dollars pour aider à la récupération de ces sommes. On parle de 11 milliards de dollars. C’est beaucoup d’argent. Seulement 3 milliards de dollars auraient été récupérés. On parle d’environ 1,5 million de contribuables qui ont fait un remboursement en tout ou en partie. Si l’on se base sur une règle de trois, pour les 11 milliards de dollars, c’est probablement 4 millions de contribuables qui doivent de l’argent.

Le professeur Ian Lee, de l’Université Carleton — qu’on respecte beaucoup —, est venu témoigner devant notre comité. Il nous a beaucoup impressionnés par ses qualités. Par rapport à l’Agence de revenu du Canada, il nous a mentionné qu’elle connaît toute la situation financière. Or, si l’agence décide de saisir des comptes bancaires, selon M. Lee, cela pourrait soulever un tollé dans la population, mais il ne pense pas que l’agence réclamera une grosse partie des milliards de dollars. Il affirme que les 123 millions de dollars sont un leurre politique. L’Agence du revenu du Canada a toute la capacité de récupérer cet argent très rapidement. Que se passe-t-il dans ce dossier? Je ne veux pas faire de jeu de mots avec votre titre de contrôleure, mais il me semble y avoir une perte de contrôle.

Mme Boudreau : Je vous remercie de votre question.

La PCU a été accordée à des personnes vulnérables. Ce n’était pas des gens qui avaient des revenus avoisinants les 100 000 $ qui ont reçu cette allocation mensuelle.

Je ne peux pas parler pour l’Agence du revenu du Canada, mais en ce qui concerne la récupération d’argent chez les gens les plus vulnérables, c’est quelque chose que l’agence doit prendre en considération dans son modèle de collection. C’est la seule chose que je peux vous dire aujourd’hui.

Le président : Avons-nous abandonné l’idée de récupérer ces fonds? Les gens disent qu’il s’agit de 4 millions de personnes. Selon ce qu’on lit entre les lignes et ce qu’on entend des analystes et des commentateurs politiques à cet effet, le gouvernement ne souhaite pas envoyer des comptes à quatre millions de personnes, alors que c’est un gouvernement minoritaire qui peut tomber en élection n’importe quand. Les gens craignent que cet argent soit abandonné pour des fins politiques.

Mme Boudreau : Je ne peux pas vous répondre pour les fins politiques.

Les montants qui sont inclus dans les Comptes publics, que ce soit les montants qui ont été donnés comparativement à ceux qui ont été reçus et ce qui a été remis en radiation, tout cela a été revu par mon équipe et par la vérificatrice générale, et une opinion sans réserve a été donnée : les chiffres des Comptes publics sont donc valides et exacts.

En ce qui concerne le montant additionnel qui a été accordé dans le budget pour aider à la collection, c’est une question pour l’ARC.

Le président : Vous pouvez y répondre?

M. Larouche : Ce n’est pas mon domaine d’expertise.

Le président : On va sûrement inviter l’ARC pour l’étude du budget.

Le temps est écoulé. Avez-vous quelques minutes de plus? Trois sénateurs ont demandé une deuxième ronde, et le témoin du deuxième panel est légèrement en retard. Nous aurions cinq ou six minutes pour continuer, si cela vous convient. Je vous remercie.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Ma question s’adresse à M. Larouche.

J’ai examiné les chiffres détaillés qui sont présentés dans le Cadre de budgétisation des investissements en capital. Cela s’étend sur plusieurs pages. Je sais qu’il s’agit d’estimations, car les chiffres dans le budget sont des projections. Ce sont des montants prévus.

Il y a aussi un paragraphe qui nous rappelle que ce ne sont vraiment que des chiffres estimatifs. Cela semble tellement incongru. Il faut que ces chiffres se rapprochent de la réalité pour que vous puissiez atteindre votre cible budgétaire en 2028-2029.

Vu le bilan du gouvernement pour ce qui est de respecter ses projections, je doute que vous atteigniez cette cible budgétaire en 2028-2029. Dans quelle mesure vos chiffres sont-ils fiables?

M. Larouche : C’est une bonne observation. J’ai deux ou trois choses à dire à ce sujet.

Tout d’abord, en ce qui concerne le solde de fonctionnement, un excédent est prévu pour 2028-2029. Nous avons donc une marge de manœuvre.

La sénatrice Marshall : C’est tout de même négligeable.

M. Larouche : L’une des choses que le gouvernement a montrées dans ce budget, c’est qu’il a pris des mesures importantes pour atteindre ce résultat. Nous prévoyons des économies allant jusqu’à 13 milliards de dollars d’ici 2028-2029, selon l’examen exhaustif des dépenses.

Ce n’est pas à moi de dire ce que le gouvernement pourrait faire à l’avenir. Vous pouvez voir que des mesures ont été prises dans le budget. Ce calcul sera effectué dans chaque budget. Nous verrons où nous en serons l’année prochaine.

La sénatrice Ross : Ma question s’adresse encore une fois à Mme Boudreau et fait suite à ce dont je vous parlais tout à l’heure.

La nouvelle Agence de l’investissement pour la défense, créée le mois dernier, vise à simplifier et à accélérer l’approvisionnement en matière de défense et à mettre l’accent sur l’achat de produits canadiens. Le budget prévoit plus de 80 milliards de dollars pour la défense.

Chaque fois qu’il est question de transformer le processus d’approvisionnement, nous savons qu’une surveillance particulièrement rigoureuse s’impose afin que les changements de politique se fassent en bonne et due forme. Pouvez-vous nous parler de vos mécanismes de surveillance à cet égard?

Mme Boudreau : Je vous remercie. Ma réponse à votre question serait probablement semblable à celle que j’ai donnée plus tôt.

L’Agence de l’investissement pour la défense constitue également ce que nous appelons un organisme de service spécial. Elle relève de Services publics et Approvisionnement Canada. Cela signifie qu’elle doit suivre toutes les politiques du Conseil du Trésor.

En quoi l’agence est-elle différente, et pourquoi la qualifions‑nous d’organisme de service spécial? Elle a plus de souplesse. Elle se concentrera sur une seule tâche, à savoir l’approvisionnement. Tout le reste, en ce qui concerne la conception des politiques et ce genre de choses, restera entre les mains du ministère de la Défense nationale ou de Services publics et Approvisionnement Canada. Nous serons là pour appuyer l’agence sur le plan de la souplesse.

Je peux vous assurer que ces organismes doivent s’adresser au Conseil du Trésor. S’ils ont besoin d’exceptions ou de souplesse, nous travaillons avec eux. Si nous décidons de leur accorder une certaine souplesse, nous veillons à ce qu’ils disposent d’un excellent cadre de contrôles internes afin que nous puissions vérifier et confirmer tout a été effectué conformément aux politiques et aux lignes directrices.

La sénatrice Ross : Si l’on parle d’un changement transformateur en matière d’approvisionnement, mais que tout reste pareil, en quoi est-ce une transformation?

Mme Boudreau : Pour ma part, je définirai la transformation en deux volets : le premier serait la rapidité. Nous devons aller plus vite.

Je parlais tout à l’heure de l’harmonisation des règles d’approvisionnement. Nous voulons nous assurer d’avoir un ensemble de règles que tout le monde comprend, et nous pouvons alors accélérer le processus. Ce serait la première chose.

L’autre serait de simplifier et d’envisager l’achat de produits canadiens, en particulier grâce à la nouvelle politique « Achetez canadien » — comment cela peut-il également s’inscrire dans cette transformation? Je considère donc que ces deux éléments font partie de cette définition.

[Français]

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Gignac : Ma question s’adresse au ministère des Finances.

J’aime le fait que vous avez ajouté de l’information supplémentaire. Toutefois, dans la mesure où la définition des dépenses d’investissement en capital est cruciale pour la détermination du fonctionnement et votre ancrage budgétaire, on pourrait ajouter de la crédibilité au processus en disant que vous faites référence à des pratiques internationales. Le directeur parlementaire du budget nous dit, dans ce qu’il a publié la semaine dernière, que selon ses définitions, votre solde de fonctionnement ne sera pas équilibré dans trois ans; il sera de 18 milliards de dollars, car il comptait certaines mesures. Le ministère des Finances pourrait-il réfléchir à cela pour ajouter de la crédibilité à votre ancrage budgétaire? Un groupe de réflexion pourrait se pencher là-dessus. Quand on parle de subventions aux entreprises, l’élastique est pas mal étiré.

M. Larouche : Sénateur Gignac, c’est un bon point. J’ai consulté le rapport du directeur parlementaire du budget. Je vais dire deux choses là-dessus. Tout d’abord, le gouvernement est très transparent par rapport au contenu des dépenses d’investissement et par rapport au fait que les incitatifs fiscaux sont compris. C’est clairement indiqué dans le budget. Des experts peuvent avoir des divergences d’opinions sur certaines mesures. La majeure partie des dépenses d’investissements sont des transferts de capitaux, un poste de dépense que le directeur parlementaire du budget a inclus dans ses calculs. Il y a quand même un consensus sur la majeure partie des dépenses.

Au chapitre de l’inclusion des dépenses fiscales, les objectifs diffèrent quelque peu. L’objectif du gouvernement est d’identifier et de classifier toute mesure contribuant à la formation du capital. Des études montrent que les dépenses fiscales ont un rôle important à jouer à cet effet.

Le président : Merci.

Le sénateur Dalphond : Le déficit budgétaire annoncé pour la période de 2025-2026 est de 78 milliards de dollars. Cela inclut-il la somme de 17 milliards de dollars prévue pour faire suite au règlement intervenu après un certain recours collectif pour les Autochtones, une somme qui n’était pas prévue au budget, mais a finalement été ajoutée dans les dépenses supplémentaires?

[Traduction]

Gina Clark, directrice générale, Analyse et prévisions budgétaires, ministère des Finances Canada : Je vous remercie de cette question. Je peux confirmer qu’en ce qui concerne les revendications autochtones, le gouvernement comptabilise les éléments de passif éventuel à mesure qu’ils se présentent, c’est-à-dire lorsque nous déterminons que l’éventualité d’un paiement est probable et lorsque nous pouvons en estimer le montant. Si vous regardez les limites du passif éventuel, vous verrez que la valeur a augmenté jusqu’à — je n’ai pas le chiffre exact sous les yeux — environ 57 milliards de dollars.

Ces valeurs continueraient de croître. Lorsqu’un paiement est effectué, cela entraîne une réduction de la valeur totale, et nous voyons le décaissement correspondant. En ce qui a trait à cette revendication particulière, je ne sais pas dans quelle mesure le passif éventuel est égal au montant en espèces; il faudrait donc que je me renseigne à ce sujet.

Le sénateur Dalphond : Pouvez-vous vérifier cela et nous communiquer la réponse? Nous connaîtrons le montant du passif à la fin de l’exercice financier puisque le gouvernement a conclu une entente. Pour les années à venir, nous ne savons pas ce qu’il en est, car vous ne comptabilisez pas les éléments de passif tant qu’ils ne sont pas finalisés. Cette année, nous avons 78 milliards de dollars, y compris peut-être les 17 milliards de dollars. Cela nous amène à 60 milliards de dollars, comparativement au montant de l’année prochaine, qui s’élève à 65 milliards de dollars, mais sans compter les passifs éventuels. J’essaie de comprendre.

[Français]

Mme Clark : J’apprécie votre point.

[Traduction]

Nous avons évalué à la hausse le passif éventuel sur l’ensemble de l’horizon de projection, compte tenu des niveaux plus élevés enregistrés ces dernières années. Nous nous appuyons sur les données des récentes années et nous essayons de mieux les intégrer dans nos prévisions budgétaires.

[Français]

Le président : Merci. Nous vous accordons une semaine pour nous fournir les informations supplémentaires. Nous allons sûrement nous revoir au moment de l’étude du budget supplémentaire.

Honorables sénateurs et sénatrices, pour notre deuxième panel, nous continuons notre étude sur les programmes et initiatives fédéraux visant à soutenir la création de logements.

Nous avons le plaisir d’accueillir Gabriel Miller, président et directeur général, Universités Canada, et Heather Campbell, présidente, Vive Development.

Je suis heureux que vous ayez réussi à nous rejoindre, malgré les problèmes avec votre vol. Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd’hui.

Nous allons commencer par M. Miller pour une courte déclaration, puis nous aurons une période de questions.

Gabriel Miller, président et directeur général, Universités Canada : Merci beaucoup. Bonjour, mesdames et messieurs et les membres du comité. Je m’appelle Gabriel Miller et je suis président et directeur général d’Universités Canada.

[Traduction]

Merci, monsieur le président et honorables membres du comité, de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui au nom d’Universités Canada et de nos 97 établissements membres partout au pays.

Comme vous le savez, le Canada traverse une crise du logement qui met en cause les générations à venir. Il faudra utiliser tous les outils à notre disposition pour en venir à bout. L’un de nos biens les plus importants se trouve au vu et au su de tous : ce sont nos campus universitaires. En effet, nos campus sont des carrefours de la vie communautaire. On y trouve des garderies, des cliniques de santé, des bibliothèques et des installations sportives utilisées tous les jours par des familles et des personnes âgées.

Les universités soutiennent également les réseaux de transport locaux. Dans de nombreuses collectivités, la viabilité des autobus et des trains légers dépend des déplacements quotidiens des étudiants.

Autrement dit, les infrastructures universitaires représentent des infrastructures communautaires. C’est pourquoi nous sommes heureux que le budget de cette année reconnaisse leur admissibilité dans le cadre du Fonds pour bâtir des collectivités fortes, car les infrastructures universitaires sont, comme je l’ai dit, des infrastructures communautaires.

Nous construisons et gérons des logements étudiants depuis des décennies. Partout au Canada, les universités fournissent plus de 135 000 lits aux étudiants, ce qui est suffisant pour loger tous les habitants de la ville de Kingston. À l’heure actuelle, les campus d’un bout à l’autre du pays disposent de projets prêts à démarrer qui pourraient offrir des milliers de nouveaux lits à court terme. Cependant, beaucoup de ces projets ne peuvent pas aller de l’avant sans une participation fédérale ciblée. Nous sommes prêts à faire partie de la solution aux côtés des municipalités, des organismes sans but lucratif et du secteur privé.

Il y a trois mesures pratiques que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour aider les universités à construire et à rénover les logements étudiants dont le Canada a besoin.

Premièrement, il faut reconnaître que le logement étudiant est une priorité nationale. Nous nous réjouissons de l’inclusion des logements étudiants dans le cadre du programme Maisons Canada. Il est important que nous reconnaissions le rôle que jouent les universités pour répondre aux besoins en matière de logement. La prochaine étape consiste à faire en sorte que l’admissibilité se traduise par un impact concret, grâce à un soutien ciblé. En accordant des fonds fédéraux pour le logement étudiant, le gouvernement peut aider à faire avancer rapidement les projets prêts à démarrer, ce qui permettra d’offrir des milliers de lits abordables et de libérer des logements sur le marché locatif en général.

Deuxièmement, il faut prévoir un financement souple et réaliste. La plupart des universités construisent de nouvelles résidences grâce au financement par emprunt. Cependant, les lois provinciales et nos propres contraintes financières limitent notre capacité d’emprunter ou d’accumuler des déficits, même pour des projets financièrement solides. De plus, comme vous le savez tous, bien entendu, les coûts de construction ont augmenté de façon spectaculaire, soit de 67 % depuis 2020. Ces facteurs, pris ensemble, ont bloqué la réalisation de nombreux projets viables, et c’est pourquoi la participation du gouvernement fédéral est essentielle. Le soutien fédéral peut réduire les risques associés aux projets, combler les lacunes de financement et aider à maintenir les loyers abordables. Un mélange équilibré de subventions et d’outils financiers souples permettrait aux universités d’agir rapidement, de manière durable et responsable.

Enfin, troisièmement, il faut concevoir des programmes axés sur l’ampleur, l’innovation et le renouvellement. La première étape pour accroître l’offre de logements consiste à faire le nécessaire pour éviter de perdre ceux que nous avons déjà. Le renouvellement de notre parc actuel de résidences pour étudiants doit constituer une priorité. Près de la moitié d’entre elles ont été construites avant 1980 et doivent être remises à neuf de toute urgence. Il est essentiel de renouveler ce parc pour préserver l’abordabilité, la sécurité et la durabilité.

Nous devons également faire preuve de souplesse afin d’être en mesure de réaliser divers projets. Dans les petites collectivités, une résidence de 200 lits peut transformer le marché immobilier local. Autoriser les demandes groupées ou multicampus, par exemple à l’échelle du réseau de l’Université du Québec, permettrait de donner à cela une portée nationale tout en respectant les réalités régionales.

Les universités sont prêtes à montrer le chemin en matière d’innovation, en utilisant des constructions modulaires, des technologies de conception avancées et des approches axées sur la carboneutralité, souvent dans des espaces à usage mixte combinant des logements avec des salles de classe ou des laboratoires. Avec les bons partenariats, les campus peuvent servir de laboratoires vivants et ainsi aider le Canada à construire des logements plus rapidement, de manière plus écologique et plus sensée.

Ce ne sont là que quelques-unes des mesures pratiques qui peuvent donner des résultats rapides. Lorsque nous investissons dans les campus, nous n’investissons pas seulement dans des bâtiments, mais aussi dans les personnes, les idées et les infrastructures qui favorisent les occasions favorables.

Merci. J’ai bien hâte de discuter de tout cela avec vous.

Le président : Merci, monsieur Miller. Madame Campbell, c’est à vous.

Heather Campbell, présidente, Vive Development : Monsieur le président, honorables sénateurs, merci.

Je suis présidente et cofondatrice de Vive Development. Nous sommes un promoteur immobilier spécialisé dans la construction de logements locatifs et écoénergétiques destinés au marché intermédiaire dans des zones situées à proximité des transports en commun, et ce, partout en Ontario. Nous avons présentement 1 000 logements en construction. Aujourd’hui, j’espère apporter mon expérience pratique et mon point de vue à votre importante étude sur ces questions. Pour commencer, j’aborderai l’aspect « réalité à court terme », attendu que les décisions prises aujourd’hui sont celles qui détermineront l’offre de logements au Canada pour les cinq prochaines années.

Le Canada ne dispose pas d’un nombre suffisant de logements, et ceux que nous avons coûtent trop cher. De plus, nous ne construisons pas assez rapidement pour rattraper notre retard. Le Canada affiche présentement le nombre de logements par habitant le plus bas des pays du G7, et nous construisons annuellement à peu près le même nombre de logements que dans les années 1970. À l’heure où nous avons le plus besoin de mises en chantier, la construction recule et les projets sont très souvent retardés ou annulés.

Après des années de pénurie de main-d’œuvre et de main-d’œuvre qualifiée, le secteur dispose enfin des capacités qu’il lui faut et nous pouvons désormais construire à un coût inférieur à celui d’il y a un an. Or, ce qui nous manque aujourd’hui, c’est la viabilité. Les loyers ont baissé, les prix ont chuté et le calcul pour fournir des logements ne fonctionne tout simplement pas. Le Canada est pris dans ce cycle d’expansion et de ralentissement. Nous arrêtons de construire pendant les périodes de ralentissement, puis nous nous précipitons lorsque la population reprend du poil de la bête, ce qui se traduit par des pénuries de main-d’œuvre et des coûts encore plus élevés.

J’entends souvent dire que nous devrions mettre la pédale douce en matière d’immigration en attendant que le logement rattrape son retard. Sauf que si nous ralentissons les deux — l’immigration et la construction —, comment allons-nous être en mesure de rattraper notre retard?

Il existe trois leviers à l’échelon fédéral qui, selon moi, peuvent être utilisés pour atténuer ce cycle et permettre la construction de logements dès maintenant. Le premier est celui des droits d’aménagement. Du point de vue de l’offre, c’est le levier le plus immédiat. Or, pendant que nous attendons les détails de la réforme promise, le secteur est au point mort et les logements ne sont pas construits. Ce retard finira par entraîner une perte de capacité du secteur de la construction et empêchera la mise en place de solutions à long terme telles que les logements modulaires et préfabriqués. Les droits d’aménagement doivent être supprimés ou considérablement réduits à court terme afin de permettre la mise en œuvre immédiate des projets. La réduction des droits d’aménagement est un investissement municipal. C’est une façon de libérer l’offre et de générer des recettes de l’impôt foncier qui se maintiendront tant et aussi longtemps que nos bâtiments continueront d’être fonctionnels.

Le deuxième levier est le financement locatif de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou SCHL, qui est essentiel pour les logements locatifs spécialisés. C’est grâce à la SCHL que de nombreux promoteurs, dont nous, continuent aujourd’hui à construire des logements locatifs. Sans la SCHL, la construction de nouveaux logements locatifs s’effondrerait. Il existe dans tout le pays des projets sérieux, prêts à être autorisés, qui pourraient démarrer immédiatement si un financement de la SCHL était disponible. Vive Development compte à elle seule 1 000 unités prêtes à être construites qui sont en attente de ce financement. Pour faire avancer les projets de ce genre, nous avons besoin d’un financement supplémentaire aux termes du Programme de prêts pour la construction d’appartements, ou PPCA.

La SCHL pourrait également être plus efficace si elle accordait la priorité à la capacité d’exécution lorsqu’elle sélectionne les prêts à financer. Cela constitue un obstacle lorsque des promoteurs très expérimentés sont soumis à des restrictions en matière de bilan ou à des règles relatives aux emprunteurs importants, comme c’est souvent le cas. Compte tenu de l’urgence pour le Canada de disposer de logements abordables, écoénergétiques et axés sur les transports en commun, pour lesquels la SCHL fournit un financement, la priorité d’exécution devrait primer le bilan de l’emprunteur.

La troisième mesure que nous pouvons prendre aujourd’hui concerne la déduction pour amortissement accéléré, ou DAA. Il s’agit d’une mesure à fort potentiel dont le budget fait état, mais qui nécessite de plus amples précisions. La DAA pourrait attirer des capitaux privés dans le secteur du logement locatif et contribuer à soutenir l’innovation, mais seulement si la déduction peut effectivement être répercutée sur ceux qui investissent dans le logement locatif. Les logements construits dans le but d’être loués ne génèrent pas suffisamment de profits pour l’entité propriétaire de l’immeuble pour permettre à cette dernière d’utiliser concrètement cette déduction. Nous soutenons donc qu’une certaine souplesse rendrait cette mesure incitative beaucoup plus efficace.

Nous savons qu’il est essentiel d’agir à court terme, mais à long terme, nous devons nous attaquer au problème structurel qui freine l’offre, à savoir que la productivité dans le secteur de la construction stagne depuis environ 20 ans. Notre cadre réglementaire et le contexte en matière de planification rendent la duplication difficile, et nos processus en matière de design urbain favorisent souvent des solutions sur mesure coûteuses qui augmentent les coûts et réduisent notre capacité à fournir des logements abordables.

Comme nous le savons bien, nos processus de construction sont encore très manuels. Le secteur est fragmenté et les marges sont faibles, de sorte qu’au lieu de prendre des risques, nous continuons à construire comme nous l’avons toujours fait. Pour fournir des logements de manière efficace et durable à long terme, le Canada a besoin d’une construction industrialisée. Nous avons besoin de systèmes de construction modulaires, préfabriqués et reproductibles.

Le gouvernement pourrait contribuer à accélérer cette transition en prenant diverses mesures. Il pourrait exiger que les cadres de planification tiennent aussi compte de l’efficacité et de l’évolutivité en plus des considérations urbanistiques; il pourrait donner la priorité aux systèmes modulaires et préfabriqués dans les marchés publics, ce qui contribuerait à stabiliser la demande pour les usines qui les fabriquent et qui ont des coûts de démarrage énormes; il pourrait offrir des mesures incitatives ciblées aux promoteurs afin d’encourager l’adoption de produits préfabriqués ou modulaires et de réduire les risques liés à l’achat de ces produits. Enfin, le gouvernement pourrait, comme le soutient mon collègue, investir dans la recherche et le développement afin de mieux comprendre comment nous pouvons construire mieux à long terme.

La construction industrialisée est la solution qui nous permettra de réduire les coûts, d’augmenter l’offre, d’améliorer l’abordabilité et de réduire notre empreinte climatique à long terme.

Pour conclure, à court terme, nous avons besoin dès maintenant d’une réforme des droits d’aménagement, d’un financement élargi des loyers du Programme de prêts pour la construction d’appartements et d’une déduction pour amortissement accéléré qui stimulera véritablement les investissements. À long terme, il nous faudra miser sur la construction industrialisée afin de nous permettre de construire plus rapidement, avec plus de prévisibilité et à moindre coût. Nous disposons actuellement d’une occasion unique en son genre pour mettre en œuvre ces changements — compte tenu des coûts de construction plus bas et du niveau de compétence de la main-d’œuvre — afin de fournir des logements aux Canadiens, de soutenir un secteur essentiel à notre économie et de développer les capacités dont nous aurons besoin pour les décennies à venir.

Merci. J’attends vos questions avec impatience.

[Français]

Le président : Merci beaucoup. Nous allons passer à la période des questions. Nous allons viser trois minutes chacun. Je m’excuse, mais nous avons commencé un peu plus tard.

Le sénateur Forest : Merci de votre présentation. Ma question est pour M. Miller.

Monsieur Miller, vous avez mentionné l’importance des étudiants étrangers. Chez nous, à l’Université du Québec à Rimouski, les inscriptions pour cet automne ont diminué de 37 %. C’est dramatique. Non seulement on se prive de talents, mais on met aussi en péril des programmes importants comme l’ingénierie, l’informatique et la maîtrise en gestion de projets.

Quelles sont vos solutions pour concilier non seulement le manque de logement, mais aussi nous rendre plus attrayants aux étudiants étrangers?

M. Miller : Est-ce que vous pouvez répéter la dernière partie de votre question?

Le sénateur Forest : Ma question est la suivante : quelles sont les solutions pour avoir une meilleure adéquation entre le besoin en logement et le besoin d’attirer des étudiants étrangers qui sont, pour les universités — particulièrement chez nous à Rimouski —, un apport important pour leur vitalité?

[Traduction]

M. Miller : Je commencerai par ce qui est de savoir comment nous pouvons mieux répondre aux besoins en matière de logement tout en tenant compte de l’importance de recruter des étudiants étrangers au Canada.

Fondamentalement, ce qui est essentiel, c’est que le pays doit mieux adapter ses besoins en matière de logement à la croissance démographique future. Il ne s’agit pas de lier des besoins particuliers en matière de logement à tel ou tel établissement. Nous devons rester flexibles quant à la manière dont les différentes collectivités répondront à leurs besoins en matière de logement.

Ce que nous constatons partout au Canada, c’est que nous n’avons pas construit suffisamment de logements. Nous n’avons pas construit suffisamment de logements assez rapidement et, par conséquent, nous ne sommes pas en mesure de tirer parti des possibilités qui s’offrent à nous pour attirer de véritables talents dans notre pays.

Nous avons formulé tout à l’heure des suggestions sur la façon dont le gouvernement peut collaborer avec les universités pour les aider à faire partie de cette solution. À cet égard, il est essentiel d’utiliser le nouveau mécanisme Maisons Canada pour mettre des fonds à la disposition des universités afin qu’elles puissent agrandir leurs résidences et rénover celles qui existent déjà.

Nous sommes un important fournisseur de logements au Canada. Nous ne disposons pas des outils financiers nécessaires pour agrandir les logements dont nous disposons et pour réaliser notre potentiel en tant que partenaires dans la mise en œuvre de cette solution. À tout le moins, il est essentiel de respecter l’engagement pris de soutenir les résidences universitaires par l’intermédiaire de Maisons Canada.

D’autre part, au cours des deux dernières semaines, nous avons pris connaissance d’autres changements en ce qui concerne les objectifs du Canada quant au nombre d’étudiants étrangers qu’il accueillera au cours des trois prochaines années. D’après ce que nous savons pour le moment, ces nouveaux objectifs permettent toujours au Canada de commencer à réparer les dommages causés à notre système d’accueil des étudiants étrangers au cours des dernières années.

Deux éléments seront essentiels.

[Français]

On a besoin de stabilité maintenant.

[Traduction]

Nous devons stabiliser les politiques et les objectifs de ce système afin que le monde entier sache ce que le Canada souhaite et comment fonctionne son système.

L’autre élément, c’est que nous devons faire en sorte que notre système de traitement des visas fonctionne aussi bien que n’importe quel autre dans le monde. À l’heure actuelle, trop de personnes talentueuses doivent attendre trop longtemps avant de savoir si elles peuvent oui ou non venir au Canada.

Le sénateur Cardozo : Je dois dire que je suis déprimé et déçu par ce que vous nous avez présenté, car cela s’ajoute au fait que nous venons d’avoir un budget avec le plus gros déficit jamais enregistré. Il n’y a plus d’argent. Personne ne veut dépenser plus d’argent.

Je siège au Sénat depuis trois ans. Il est rare qu’un groupe vienne nous voir pour nous dire : « Nous avons reçu suffisamment d’argent du gouvernement fédéral, arrêtez de nous financer. » Tout le monde dit à juste titre que le gouvernement fédéral et les autres gouvernements ne leur accordent pas suffisamment de fonds. Nous devons trouver une solution dans le cadre du budget.

D’après ce que je comprends, le problème en ce qui a trait au logement étudiant — corrigez-moi si je me trompe —, c’est que les provinces de tout le pays ont systématiquement sous-financé les universités et les collèges. Excusez-moi de le dire ainsi, mais vous êtes devenus dépendants des étudiants étrangers ou internationaux qui paient des frais beaucoup plus élevés. Je crois que vous aviez la responsabilité de vous assurer que ces étudiants allaient avoir un logement lorsque vous les avez accueillis.

Un autre témoin a récemment fait remarquer que lorsque des travailleurs étrangers temporaires viennent travailler dans des fermes, les employeurs sont tenus de leur fournir un logement. Ce n’est peut-être pas un logement de qualité, mais au moins, ce principe existe.

Dans quelle mesure pensez-vous que les collèges et les universités ont la responsabilité de garantir un logement adéquat? Ne pouvez-vous pas faire pression sur les gouvernements provinciaux ou sur quelqu’un d’autre pour qu’ils s’assurent de fournir plus de logements étudiants?

M. Miller : Je vous remercie de la question, et je veux que vous sachiez que je ne suis certainement pas venu ici pour vous déprimer. Je vais voir si je peux faire un peu mieux pour le reste de la conversation. C’est un sujet qu’il est difficile d’aborder avec optimisme, mais il y a quand même des raisons d’être optimiste.

Pour répondre à vos questions, tout d’abord, je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que l’ensemble des universités canadiennes, pour lesquelles je parle, sont aux prises avec de graves problèmes financiers. La principale cause de ces problèmes, c’est que les provinces n’ont pas mis en place de politique durable pour assurer le financement de l’enseignement supérieur. Certaines régions sont plus touchées que d’autres. C’est un problème généralisé au Canada : nous n’avons pas financé suffisamment l’enseignement supérieur.

Deuxièmement, il est vrai que la quasi-totalité de la croissance des revenus qui échoit à l’enseignement supérieur au Canada au cours des 10 ou 15 dernières années provient des revenus générés par les étudiants étrangers.

Il est important pour nous de comprendre ce qui se passe avec les étudiants étrangers, car ils constituent un atout extraordinaire pour le Canada. La raison pour laquelle ce comité ou toute autre personne à Ottawa cherche à recruter des étudiants étrangers n’est pas principalement pour profiter aux universités, mais pour profiter au Canada. Ces étudiants apportent de l’argent dans notre pays. Ils contribuent à créer des environnements favorables pour nos étudiants en contribuant financièrement à la bonification de l’offre en matière d’enseignement. Puis, qu’ils restent ici ou qu’ils s’en aillent ailleurs, ces étudiants créent des liens économiques durables entre le Canada et d’autres parties du monde.

Ce qui s’est passé avec le programme des étudiants étrangers du Canada est tragique, car nous avions fait beaucoup de progrès à un rythme soutenable grâce au système universitaire. Quelques collèges privés ont abusé du système et brouillé les frontières entre l’éducation internationale et le Programme des travailleurs étrangers temporaires.

Au cours des deux dernières années, le gouvernement fédéral a pris des mesures radicales — c’est le moins qu’on puisse dire — pour remédier à ce problème et il se préoccupera bientôt davantage de la manière dont nous attirons et retenons les personnes que nous voulons plutôt que de la manière dont nous écartons celles que nous ne voulons pas.

En conclusion, oui, nous devons continuer à travailler avec les gouvernements provinciaux pour parvenir à un nouvel accord durable afin que les étudiants canadiens aient les mêmes avantages que leurs frères et sœurs aînés et leurs parents.

Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans les investissements en matière de recherche, le soutien aux infrastructures et au logement, et en ce qui a trait aux politiques d’immigration. Il doit tenir compte des intérêts du Canada, et le fait d’avoir des universités solides et durables fait partie de cela.

La sénatrice Ross : Ma question s’adresse à vous, monsieur Miller.

Un rapport de l’Association des universités de l’Atlantique indiquait une baisse de 36 % par rapport à 2024 du nombre d’inscriptions d’étudiants étrangers, ce qui a nui à l’image de marque de l’éducation au Canada. De plus, le processus d’approbation des visas est devenu plus compliqué et plus coûteux pour les étudiants étrangers. Les changements qui ont entraîné cette baisse ont été apportés afin d’alléger les problèmes en matière de logement et de santé.

Dans le Canada atlantique, on réclame une stratégie régionale qui contribuerait à modifier certaines de ces politiques pour cette partie du pays. Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. Miller : Je soutiens assurément l’esprit de ce que le Canada atlantique réclame à cet effet. Je pense que nous devons désormais adopter une approche plus nuancée, surtout pendant les six premiers mois de l’application du plafond, qui était un instrument général et brutal qui ignorait le fait que la viabilité même de certaines collectivités est étroitement liée à l’attrait et à l’accueil d’étudiants étrangers. L’exemple du Canada atlantique est éloquent à cet égard. Nous avons besoin d’une approche plus nuancée qui tient compte des différentes situations qui prévalent dans les différentes régions du pays.

Je dirais ceci : je crois que nous avons constaté au cours des deux dernières semaines que le gouvernement s’efforçait de remettre les compteurs à zéro à cet égard. Il a annoncé un nouveau plan national. Il a annoncé certaines mesures concrètes pour améliorer le fonctionnement de notre système de traitement des visas. J’ai passé une grande partie des deux dernières années à critiquer vivement l’orientation prise par le gouvernement. Il est maintenant temps pour nous de nous atteler à la tâche et de voir si nous sommes en mesure d’apporter ces améliorations afin d’avoir le plus grand impact possible et de remettre l’ensemble du système sur une voie durable apte à répondre aux besoins des Canadiens de l’Atlantique, certes, mais aussi à ceux de l’ensemble de l’économie canadienne.

La sénatrice Ross : Monsieur Miller, selon vous, quelle serait la chose la plus importante ou la meilleure chose que les universités pourraient faire pour que certains de ces nouveaux changements jouent en leur faveur, à l’échelle nationale, bien sûr, mais aussi dans la région de l’Atlantique en particulier, comme dans ma région?

M. Miller : C’est une bonne question. Je pense que la priorité immédiate pour nos membres est de s’assurer que nous comprenons exactement ce que signifient les règles. Or, il reste encore du travail à faire à cet égard, y compris en ce qui concerne la signification même des nouveaux objectifs. Le gouvernement a annoncé un nouvel objectif pour le recrutement d’étudiants internationaux au Canada pour les trois prochaines années. Nous devons comprendre exactement quels étudiants seront visés par cet objectif et comment nous pouvons nous assurer que nous travaillons avec les candidats potentiels pour les aider à préparer leurs demandes en fonction du système de traitement des visas afin que celles-ci puissent être évaluées le plus rapidement et le plus efficacement possible. À court terme, nous devons nous assurer de comprendre aussi clairement que possible les changements apportés par le gouvernement, puis faire de notre mieux pour travailler avec lui afin que les demandes qui arrivent dans ce système puissent être traitées efficacement.

[Français]

La sénatrice Oudar : Ma question s’adresse à Mme Campbell.

On sait qu’avec 424 logements pour 1 000 habitants, le Canada a le plus faible ratio de logement par habitant des pays du G7. Plusieurs fois dans votre présentation, vous avez mentionné que l’industrie avait la capacité de bâtir à un coût inférieur. Vous avez même parlé d’une « fenêtre actuelle ». J’aimerais vous entendre là-dessus.

Les chiffres du gouvernement montrent que le coût de construction d’une maison moyenne au Canada a augmenté de 51 % depuis 2020, et pourrait même augmenter encore en raison des droits de douane américains. Tous les documents indiquent d’ailleurs que le Canada a pris du retard dans l’investissement des logements offerts à des prix inférieurs au marché, ce qui crée un manque à gagner pour les Canadiens et les Canadiennes vulnérables. Ce parc de logements abordables diminue et ne représente aujourd’hui que 4 % du parc immobilier, ce qui fait qu’on ne se situe pas tellement bien au Canada en la matière.

Or, vous semblez avoir une vision positive de cette capacité à bâtir à un coût inférieur qui, je le souhaite, se répercutera par la suite sur les loyers pour les gens qui les habiteront. Est-ce que vous pouvez nous éclairer sur le message que vous souhaitiez nous transmettre lorsque vous nous parliez de construire à un coût inférieur, et quels seraient les impacts sur les loyers par la suite?

[Traduction]

Mme Campbell : Merci pour votre question. Nous construisons actuellement environ 1 000 logements en Ontario. Ces derniers mois, nous avons lancé des appels d’offres pour ces logements et ces projets, et depuis un an, nous constatons une baisse significative du coût de construction. Étant donné que l’on ne construit pas de projets, qu’on ne lance aucun nouveau projet, le secteur est en situation de surcapacité. Le secteur de la construction est confronté depuis de nombreuses années à une pénurie de main-d’œuvre, et nous manquons de main-d’œuvre qualifiée. Ces pénuries ont entraîné une augmentation du coût de construction d’un logement locatif.

Le ralentissement des mises en chantier, cette dynamique — dans le cadre de laquelle le secteur de la construction d’immeubles en copropriété s’est presque complètement arrêtée et le nombre de mises en chantier de nouveaux logements locatifs a considérablement diminué — a de nouveau créé de la capacité dans ce secteur. Les professionnels commencent à accepter de travailler uniquement pour permettre à leurs équipes de continuer de tourner et éviter ainsi des licenciements à l’échelle du secteur. Je pense qu’il y a là une opportunité à saisir.

En raison de la nature même de notre mode de construction des projets, il faut compter entre deux et cinq ans pour construire les projets que nous décidons de lancer aujourd’hui. Nous avons donc tendance à accuser un retard. L’offre actuelle repose sur l’économie très forte qu’a connue le secteur immobilier en 2022-2023. La situation a considérablement changé, ce qui explique la surcapacité actuelle. Voilà où le gouvernement peut, selon moi, contribuer à atténuer ces cycles d’expansion et de ralentissement et offrir des incitatifs qui réduisent les coûts afin qu’un plus grand nombre de projets deviennent viables aujourd’hui, ce qui permettra au secteur de continuer de construire dans cet environnement unique.

Évidemment, lorsque la demande reprendra — lorsque les gens seront plus enclins à quitter le domicile parental ou leur colocation, et lorsque l’immigration sera à nouveau plus importante —, nous nous attendons à ce que la demande rebondisse assez rapidement et à ce que des pénuries réapparaissent dans les métiers du bâtiment et la main-d’œuvre. Mais pour l’instant, je pense que nous nous trouvons dans une période unique au cours de laquelle nous pourrions profiter du ralentissement pour lancer un plus grand nombre de projets.

Vous avez mentionné les loyers. Si nous pouvons réaliser des projets à moindre coût, un plus grand nombre de projets deviendront viables avec un loyer moins élevé. Le coût de l’offre est étroitement lié aux loyers que pratique le secteur, et détermine la viabilité des projets.

Le sénateur Dalphond : Merci d’être ici ce matin. J’ai entendu dire que certaines universités et certains collèges fermaient leur campus en raison de la baisse du nombre d’inscriptions d’étudiants étrangers. J’ai entendu dire qu’il y avait eu près de 10 000 licenciements dans le secteur de l’éducation en Ontario. Parallèlement, vous dites que vous êtes heureuse de constater que si nous rénovons nos résidences étudiantes, nous obtiendrons des subventions du gouvernement fédéral, car il s’agira de dépenses en capital. Toutefois, est-il nécessaire d’engager des dépenses en capital? Les universités disposent-elles d’un surplus de bâtiments qu’elles pourraient vendre afin de générer des liquidités? Si un campus est fermé, je suppose que l’université ou le collège vendra le bien immobilier et en tirera un bénéfice.

Comment allez-vous sélectionner les meilleurs projets de rénovation et déterminer quels bâtiments doivent être abandonnés et vendus?

M. Miller : Merci beaucoup pour cette question. Je commencerai par dire qu’il y a actuellement deux scénarios qui se déroulent au Canada en réponse à l’effet domino qu’ont entraîné les changements apportés à la politique relative aux étudiants étrangers. Il y a ce qui se passe dans les campus des collèges et dans ceux des universités. Je pense que les exemples que vous avez cités concernent principalement des universités. Dans les universités, nous continuons d’observer des changements dans le niveau des services offerts aux étudiants, la suppression de programmes et l’augmentation de la taille des classes.

Si nous ne parvenons pas à trouver un accord plus durable sur le financement de l’enseignement supérieur, les universités seront confrontées au même type de choix que ceux que vous avez décrits.

Pour répondre brièvement à votre question, nous devrons assurément continuer d’investir dans les universités. Le retard qu’ont accumulé les universités canadiennes en matière de travaux d’entretien et de réparation non financés est estimé à 17 milliards de dollars. Les campus universitaires s’apparentent dans une large mesure à une petite administration locale, voire, dans certains cas, à une grande administration locale. Ils fournissent des routes, des systèmes d’approvisionnement en eau, des égouts, des installations de loisirs, etc. Souvent, les membres de la collectivité environnante utilisent également ces installations. Pourtant, les universités ne sont généralement pas admissibles aux programmes fédéraux d’infrastructure. C’est pourquoi leur inclusion dans le nouveau plan fédéral d’infrastructure de cette année est si importante.

Les universités recherchent certes des possibilités de générer des revenus grâce à des partenariats immobiliers ou, dans certains cas, à des ventes, mais celles-ci ne constituent pas une solution à leurs difficultés financières continues. Oui, nous devrons travailler en partenariat continu avec nos gouvernements fédéral et provinciaux pour que les universités restent viables.

La sénatrice MacAdam : Ma question s’adresse à M. Miller.

Quelle est l’estimation actuelle de la pénurie de logements étudiants abordables au Canada, et dans quelle mesure les données dont vous disposez pour étayer ces chiffres sont-elles fiables?

M. Miller : Je vais essayer de vous donner la meilleure réponse possible. Je ne suis pas sûr que l’on puisse parler de pénurie.

Les universités canadiennes offrent des logements à entre 10 et 15 % des étudiants, soit 135 000 lits dans tout le pays. Plus de la moitié de nos établissements garantissent un logement aux étudiants de première année.

Ces chiffres — 10 à 15 % — sont conformes au nombre de logements qu’offrent habituellement les universités canadiennes. Le nombre d’étudiants auxquels nous pouvons offrir des logements n’a pas connu de changement radical. En revanche, le Canada a connu une augmentation du nombre de nouveaux arrivants, alors que sa capacité de produire de nouveaux logements dans l’ensemble de la collectivité était au point mort. En conséquence, l’ensemble du pays et les collectivités dans lesquelles nous sommes implantés sont confrontés à de réels problèmes financiers.

J’ajouterai simplement ceci : je pense que ce qui a changé depuis mes années à l’université est que le principal obstacle financier pour de nombreux étudiants est désormais le coût de la vie, et notamment les loyers.

Dans des villes comme Toronto et Vancouver, beaucoup doivent payer un loyer supérieur à 2 000 $ par mois. Il y a 30 ou 40 ans, les frais de scolarité figuraient en tête de liste des préoccupations en matière d’accessibilité financière, alors qu’aujourd’hui, je pense que ce sont les loyers et le logement. C’est là que l’écart est le plus flagrant pour ce qui est de l’expérience des étudiants : le coût du logement est désormais le principal obstacle financier qui empêche les étudiants de quitter le domicile familial pour aller à l’université.

La sénatrice MacAdam : Observez-vous des variations importantes selon les régions?

M. Miller : Tout à fait, et les variations correspondent plus ou moins à ce à quoi on pourrait s’attendre compte tenu de la situation générale du marché immobilier. Les coûts liés à l’hébergement des étudiants sont les plus élevés dans les grandes villes où le marché immobilier est le plus tendu. Il existe toutefois d’autres dimensions, notamment dans des régions comme le Canada atlantique, où le parc immobilier est moins important. Notre incapacité à augmenter ce parc peut alors constituer un véritable obstacle, non seulement pour les étudiants qui souhaitent suivre des études, mais aussi pour les établissements qui souhaitent se développer et remplir leur mission.

Je dirais que cette situation reflète globalement celle du marché immobilier dans son ensemble, mais avec certaines nuances selon les régions.

La sénatrice Kingston : Je vais commencer par saluer l’Université du Nouveau-Brunswick, qui mène actuellement des activités de recherche et développement dans le domaine de la construction industrialisée, comme l’ont récemment souligné les médias.

J’aimerais surtout parler — et je suppose que cette question s’adresse à Mme Campbell — du point suivant : Vous avez dit que votre deuxième besoin ou souhait en matière de progrès était le maintien ou l’augmentation du financement locatif de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Toutefois, d’après ce que nous avons entendu, ce financement ne semble pas être entièrement lié au programme Maisons Canada. Quelle sera ou devrait être l’interaction entre ces deux entités pour atteindre cet objectif qui est l’une de vos priorités?

Mme Campbell : Merci pour cette question.

J’espère que la SCHL continuera de financer des projets de logements locatifs dont le coût correspond au prix du marché ou est légèrement inférieur au prix du marché. C’est l’usage que nous faisons actuellement de ces fonds. Dans le cadre de ces projets, nous répondons à certains critères d’accessibilité financière. Il existe des critères relatifs à l’efficacité énergétique et à l’accessibilité des transports en commun, mais je pense que ce programme est très important pour garantir que nous puissions continuer d’accroître l’offre de logements locatifs.

Il réduit nos coûts de financement de manière relativement significative tout au long de la période de construction, mais son principal avantage est qu’il réduit notre risque. Nous avons une idée de ce que sera notre taux d’intérêt au cours des 10 prochaines années, ce qui élimine une grande partie de l’incertitude qui régnait ces dernières années et nous permet d’avoir suffisamment confiance pour nous lancer dans les travaux.

J’aimerais clarifier un autre point relatif à une question précédente, si vous le permettez.

La sénatrice Kingston : Oui.

Mme Campbell : Nous avons constaté une baisse des coûts. Nous pensons pouvoir réaliser une économie d’environ 10 % des coûts. Plus tôt, on a posé une question sur l’évolution des coûts.

Nous sommes encore loin de la hausse de 56 % à 60 % que nous avons déjà observée, mais ces derniers mois, les coûts ont baissé sur le marché. Merci.

[Français]

Le président : Merci. Est-ce qu’il y a d’autres questions pour une deuxième ronde?

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Madame Campbell, j’aimerais vous poser une question aujourd’hui, et je vous remercie d’être présente.

Dans bon nombre de nos discussions sur le logement, nous entendons souvent dire qu’à Ottawa, nous sommes les décideurs, qu’il existe plusieurs niveaux bureaucratiques, que les municipalités, les provinces et le gouvernement fédéral ne collaborent pas, qu’on doit composer avec de multiples niveaux de réglementation et « Allez, vous devriez comprendre le monde dans lequel nous évoluons. » Je pense que vous avez un peu abordé ce sujet aujourd’hui.

J’aimerais m’assurer de bien comprendre ce que nous devons savoir aujourd’hui pour garantir que nous serons prêts en 2025. En outre, pourriez-vous nous dire ce que sont les mathématiques immobilières, car on y fait constamment référence, mais nous ne comprenons pas vraiment de quoi il s’agit?

Pourriez-vous m’éclairer à ce sujet, s’il vous plaît?

Mme Campbell : Volontiers. Je pense qu’il existe certaines idées fausses dans le secteur concernant la manière dont les projets peuvent être mis en œuvre et ce qui est nécessaire à leur réalisation.

Lorsque nous avançons dans le processus de planification municipale, par exemple, nous essayons de construire et de concevoir des bâtiments aussi efficaces que possible. Nous savons que si nous voulons faire baisser les loyers, nous devons concevoir des bâtiments efficaces et être en mesure de les construire de manière plus efficace.

Souvent, lorsque les municipalités examinent les demandes que nous soumettons, elles y apportent des modifications qui font grimper le coût de construction et, par conséquent, les loyers nécessaires pour rendre ces projets viables.

Je pense que si l’on présentait aux municipalités et aux différents paliers de gouvernement des calculs plus détaillés du coût d’aménagement, nous serions beaucoup plus à même de déterminer comment nous pouvons collaborer afin de vraiment faire bouger les choses en matière d’offre de logements.

Je pense que du point de vue des droits d’aménagement, il s’agit d’un élément important. Nous parlons beaucoup du coût que représente la réduction ou l’élimination des droits d’aménagement. Je pense toutefois qu’à plus long terme, nous réduisons ces droits, mais nous créons également une source de revenus pour les municipalités qui durera des années, tant que nos bâtiments seront en service, ce qui est relativement important et probablement finançable. Si nous examinons les chiffres et que nous avons des discussions plus approfondies sur ces questions, nous pourrons probablement trouver des solutions pour construire tout en restant prudents sur le plan financier.

La sénatrice M. Deacon : En ce qui concerne le calcul dont vous avez parlé à la fin, disons que les personnes présentes dans la salle ont entre 60 et 75 ans environ, et que nous examinons maintenant ce dont nous avons besoin pour que les jeunes de 20, 25 ou 30 ans — nos enfants et nos petits-enfants — réussissent. À quoi nous accrochons-nous et qui ne correspond pas aux besoins de la prochaine génération, ou à ceux de la génération suivante?

Mme Campbell : À quoi nous accrochons-nous?

La sénatrice M. Deacon : Nous nous accrochons à ce que nous pensions pouvoir faire et à ce qui fonctionnait bien en 1984, lorsque cette crise du logement a commencé, par opposition à aujourd’hui.

Mme Campbell : Oui, je pense qu’il est essentiel que nous changions notre façon de penser, de manière générale, sur la manière dont nous construisons et finançons la construction. Je pense qu’il existe de nombreuses façons d’innover et d’être audacieux, et que nous devons réfléchir à la manière dont nous pouvons construire différemment.

Le sénateur Cardozo : Monsieur Miller, pour ce qui est des terrains, l’un des gros problèmes liés au logement est le terrain. Selon vous, combien d’universités possèdent des terrains?

Si l’on prend l’exemple de Toronto, je pense que la Toronto Metropolitan University et l’Université de Toronto ne possèdent probablement pas de terrains, contrairement à l’Université York. Quel pourcentage d’universités disposent de terrains supplémentaires pour construire des bâtiments?

M. Miller : Je ne veux pas vous donner de chiffre, car je n’en suis pas sûr. Nous avons récemment mené une enquête auprès de nos membres. Il existe au moins 20 projets nationaux visant à créer des logements étudiants, ce qui contribuera à soulager la pression sur le marché immobilier local, et ces projets sont prêts à être mis en œuvre. Certaines de ces initiatives visent à obtenir de nouveaux terrains. D’autres consistent à réutiliser des terrains appartenant aux universités. Des projets vont voir le jour. L’un d’entre eux, à l’Université York, utilise les droits aériens au‑dessus d’un bâtiment existant. On prend de nombreuses mesures de ce type.

On a beaucoup parlé de l’utilisation par le gouvernement fédéral d’une partie de ses propres terres pour soutenir le logement. Il existe des possibilités de partenariat lorsque des terres fédérales se trouvent à proximité d’universités. Ces terres pourraient être mises à disposition pour la construction de résidences étudiantes dans le cadre d’un partenariat, et l’université s’engagerait à construire et à entretenir ces résidences. Nous pensons que cette mesure pourrait faire partie de la solution.

Le sénateur Cardozo : Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci beaucoup de votre présentation. Ma question s’adresse à Mme Campbell.

Un des grands enjeux de la construction de logements locatifs abordables est qu’on crée souvent des logements de trois ou quatre pièces et demie, mais on a besoin de logements plus grands pour les familles qui veulent s’installer dans les centres urbains et éviter d’avoir deux véhicules. Est-ce que vous réussissez à améliorer l’adéquation entre les besoins des familles qui ont deux ou trois enfants et l’offre de logements dans les milieux urbains, qui est non seulement un facteur de densification, mais aussi un facteur qui a un impact environnemental fort important?

[Traduction]

Mme Campbell : C’est une excellente question. Nous y réfléchissons tous les jours. Dans le contexte actuel, nous constatons que pour construire des logements — c’est-à-dire des logements de trois ou quatre chambres pouvant accueillir une famille en zone urbaine, et dont le loyer serait abordable pour cette famille —, les calculs ne sont tout simplement pas viables. Il y a un écart en matière d’accessibilité financière. Si nous voulons être en mesure de construire des logements plus spacieux pour ces familles dans les zones urbaines, nous devons changer les principes fondamentaux de notre mode de construction. À plus long terme, nous devons réfléchir à l’évolutivité, à la préfabrication et à l’industrialisation, ou nous ne pourrons pas réduire suffisamment les coûts pour atteindre ces objectifs.

Nous avons construit des unités de plus grande taille et nous les louons au prix nécessaire pour atteindre les objectifs liés à l’obtention d’un financement bancaire et à la mise en œuvre des projets. Avec de tels loyers, la demande n’est pas suffisante pour rentabiliser ces logements.

[Français]

Le sénateur Forest : Est-ce qu’il ne serait pas important que la SCHL ou les programmes de soutien gouvernementaux donnent vraiment un incitatif important à l’appui à ce type de construction?

[Traduction]

Mme Campbell : Oui, tout à fait. Il serait utile d’harmoniser certains critères de financement de la SCHL afin d’inciter les promoteurs à acheter des composants préfabriqués ou modulaires. Lorsque nous construisons un bâtiment, les risques sont nombreux et la marge d’erreur est très réduite. Lorsque nous envisageons de faire preuve de créativité et d’installer des salles de bains préfabriquées dans notre projet, si cette solution retarde légèrement notre calendrier ou perturbe certains autres corps de métier, le risque est trop grand pour nous si nous ne bénéficions pas d’incitatifs qui nous aident à prendre ces décisions à plus long terme.

[Français]

Le président : Merci beaucoup. Merci aux témoins.

Cela termine notre séance d’aujourd’hui. Nous allons reprendre demain à 18 h 45 pour la poursuite de notre étude. Merci d’être venus ici et bon retour dans vos domiciles respectifs.

(La séance est levée.)

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