Aller au contenu
NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 2 décembre 2025

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 9 h 2 (HE), pour étudier la teneur complète du projet de loi C-15, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 novembre 2025.

Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices ainsi qu’à tous les Canadiens qui nous suivent sur sencanada.ca.

Je m’appelle Claude Carignan, je suis un sénateur du Québec et je suis président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’aimerais maintenant demander à mes collègues de se présenter.

Le sénateur Forest : Bonjour. Éric Forest, de la division du Golfe, au Québec.

Le sénateur Gignac : Bonjour. Clément Gignac, de la division Kennebec, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Pupatello : Bonjour à tous. Je m’appelle Sandra Pupatello et je suis de Windsor, en Ontario.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo. Je suppose que je dois dire d’où je viens. Je suis d’Ottawa, en Ontario.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Bonjour. Pierre Dalphond, division De Lorimier, au Québec.

[Traduction]

La sénatrice Kingston : Joan Kingston, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le président : Merci beaucoup, honorables sénateurs.

On commence notre étude sur le projet de loi C-15, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 novembre 2025.

Pour notre premier groupe, nous avons le plaisir d’accueillir, du Bureau du directeur parlementaire du budget, M. Jason Jacques, directeur parlementaire du budget par intérim, Me Mark Mahabir, directeur général, Analyse budgétaire et des coûts, et avocat général, et M. Govindadeva Bernier, directeur, Analyse budgétaire.

Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd’hui. Je sais qu’aujourd’hui, dans les dernières minutes, vous avez également publié le rapport sur Maisons Canada.

Vous avez cinq minutes pour vos déclarations, mais si vous voulez avoir du temps pour nous parler du rapport qui vient d’être rendu public, vous pouvez y aller également, car cela fait partie du projet de loi C-15.

Jason Jacques, directeur parlementaire du budget par intérim, Bureau du directeur parlementaire du budget : Honorables sénateurs et sénatrices, nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd’hui.

Mon bureau a pour mandat, dans la loi, de fournir des analyses impartiales et indépendantes pour aider les parlementaires à remplir leur rôle constitutionnel qui est d’exiger des comptes du gouvernement. Conformément à ce mandat, nous avons produit des rapports et des analyses sur le budget de 2025 et sur certaines des mesures proposées dans le projet de loi C-15, et nous continuerons de le faire.

[Traduction]

Ce matin, mon bureau a publié une estimation indépendante du coût du crédit d’impôt pour les préposés aux services de soutien à la personne, ainsi qu’une analyse de Maisons Canada et des perspectives des programmes de logement dans le cadre du budget de 2025.

Nous estimons que le crédit d’impôt remboursable temporaire pour les préposés aux services de soutien à la personne que propose le budget de 2025 coûtera 1,4 milliard de dollars sur les cinq prochains exercices financiers.

Notre dernier rapport sur les perspectives des programmes de logement indique que, de 2025-2026 à 2029-2030, Maisons Canada prévoit dépenser 7,3 milliards de dollars, dont 6,7 milliards en nouveaux fonds. En incluant les prêts et la mise en valeur des actifs, les débours totaux devraient atteindre 13 milliards de dollars, dont 11,6 milliards en nouveaux fonds. Nous estimons qu’environ 26 000 logements verront le jour en cinq ans, ce qui représente une hausse de 2,1 % par rapport à notre projection de référence.

Au cours des prochaines semaines, nous entendons publier d’autres analyses sur le projet de loi C-15, y compris une estimation à jour du coût de la Prestation dentaire canadienne et du nouveau Régime canadien de soins dentaires; une analyse de l’Incitatif à l’investissement accéléré, qui accorde une déduction bonifiée lors de la première année pour la plupart des biens immobilisés; une analyse du programme des encouragements fiscaux bonifiés pour la recherche scientifique et le développement expérimental; et notre évaluation concernant la cible d’investissement d’un billion de dollars établie par le gouvernement.

[Français]

Nous sommes tout disposés à répondre à vos questions sur notre analyse du budget de 2025 et du projet de loi C-15.

Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Jacques. Je vous annonce tout de suite que nous allons vous rappeler comme témoin après les Fêtes après la publication des mises à jour.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Merci au directeur parlementaire du budget et à ses collaborateurs d’être des nôtres aujourd’hui.

Mes questions portent sur le projet de loi C-15. J’espère que vous pourrez m’aider à clarifier certains points qui me posent problème. Il y a d’abord la section 38 qui traite de la Loi autorisant certains emprunts. Le gouvernement a indiqué qu’il proposait un amendement visant à relever le plafond de la dette de 2,1 billions à 2,5 billions de dollars, ce qui représente une somme considérable, d’autant plus que ce plafond avait déjà été relevé il y a 18 mois à peine.

Avez-vous examiné cette question? Je serais curieuse de savoir si vous pouvez nous expliquer comment on est ainsi passé de 2,1 billions à 2,5 billions de dollars tout en nous indiquant si une réserve est prévue et, le cas échéant, quel en est le montant. Avez-vous des détails sur les raisons de cette augmentation?

M. Jacques : Nous n’avons pas effectué de conciliation en bonne et due forme. Nous avons tout de même examiné l’augmentation proposée afin de déterminer si elle sera suffisante, à la lumière de nos prévisions à moyen terme concernant le déficit du gouvernement et ses besoins d’emprunt. À l’issue de ce premier examen, elle nous semble raisonnable.

La sénatrice Marshall : C’est donc pour les trois prochaines années. Savez-vous suivant quelle démarche logique on est passé de 2,1 billions à 2,5 billions de dollars? Les années précédentes, on nous indiquait comment on était arrivé au nouveau plafond. Avez-vous cette information?

M. Jacques : Nous ne disposons pas de cette information, mais nous pouvons certes la rechercher pour vous.

La sénatrice Marshall : Oui. Si vous avez des détails à ce sujet, cela m’intéresserait.

Mon autre question concerne certaines sections de la partie 5. Pouvez-vous nous donner des précisions au sujet de la Loi sur la Corporation de développement des investissements du Canada? Que souhaite faire le gouvernement exactement, car la Corporation de développement des investissements du Canada existe déjà et on semble vouloir apporter certains changements. Je me demande si vous pouvez nous donner une idée du résultat que l’on viserait, selon vous, avec ces modifications.

M. Jacques : Non, nous n’avons pas examiné cette question en détail.

La sénatrice Marshall : Il y en a deux autres, la Loi concernant le réseau ferroviaire à grande vitesse, et Maisons Canada et, oh oui, il y a aussi la Loi visant à bâtir le Canada. Avez-vous examiné ces différentes dispositions?

M. Jacques : C’est non pour le réseau ferroviaire à grande vitesse, mais oui en ce qui concerne le programme Maisons Canada.

La sénatrice Marshall : Pour Maisons Canada, vous êtes‑vous penchés sur la question des comptes à rendre au Parlement et avez-vous vérifié si celui-ci dispose de suffisamment d’information sur les programmes qui seront administrés dans le cadre de Maisons Canada?

M. Jacques : Nous l’avons fait et notre examen a porté sur la structure législative et la manière dont elle a été mise en place. Comme elle est légèrement différente de celle d’un ministère, nous avions des questions à ce sujet.

Comme on peut le voir dans le rapport que nous avons publié ce matin, je dirais que nous avons pu obtenir, en vertu de nos pouvoirs habituels, des informations plus que suffisantes, directement auprès du ministère et de l’organisation, pour nous faire une assez bonne idée de ce qu’on prévoit dépenser. En ma qualité intérimaire d’agent du Parlement, je pense pouvoir vous dire que nous sommes certes bien positionnés pour aider le comité à comprendre ce qui se passe au sein de cette organisation.

La sénatrice Marshall : Êtes-vous parvenus à une conclusion quant à savoir si la structure de reddition de comptes au Parlement est adéquate? Je constate que certaines de ces organisations se situant pour ainsi dire en marge ont une structure de responsabilisation envers le Parlement qui n’est pas très solide.

M. Jacques : Je pense que c’est une bonne question, car c’est effectivement différent.

Je peux me prononcer sur certains enjeux seulement dans la mesure où nous sommes capables d’obtenir les informations nécessaires pour produire des analyses à l’intention des parlementaires. Dans le cas de Maisons Canada, c’est bel et bien le cas.

C’est tout le contraire pour la nouvelle Agence de l’investissement pour la défense, pour utiliser un autre exemple. Il y a environ un mois, nous avons demandé des informations de base, telles que le budget, le nombre d’employés prévus pour cette année et certaines caractéristiques fondamentales concernant les dépenses courantes, mais c’est silence radio depuis quatre semaines. Dans ce cas particulier, je dirais que notre capacité à obtenir des informations à transmettre au Parlement est clairement limitée.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci d’être avec nous ce matin.

Ma première question concerne les crédits d’impôt pour les préposés aux services de soutien à la personne. Quel est l’objectif stratégique du crédit d’impôt proposé pour les services de soutien à la personne? Quel type de travailleur serait touché par ce programme?

[Traduction]

Mark Mahabir, directeur général, Analyse budgétaire et des coûts, et avocat général, Bureau du directeur parlementaire du budget : Merci de la question.

Selon le projet de loi, il s’agira de tous les travailleurs employés dans une institution ou un établissement, à l’exception du personnel infirmier.

[Français]

Le sénateur Forest : Pourquoi le financement de cette mesure proviendrait-il en partie de ce financement annoncé en 2023 pour augmenter le salaire des préposés aux bénéficiaires? Pourquoi une grande partie de ces fonds est-elle encore inutilisée?

[Traduction]

Me Mahabir : C’est une bonne question. Je pense que c’est le ministère des Finances du Canada qui serait le mieux placé pour y répondre. Nous n’avons pas de réponse à cette question.

[Français]

Le sénateur Forest : Monsieur Jacques, quelles sont les mesures qui devraient retenir particulièrement notre attention en matière de gestion de risques par rapport à l’évaluation des coûts à la suite à l’analyse que vous avez faite du projet de loi C-15?

M. Jacques : Je crois qu’il y a un cadre existant et bien établi au gouvernement du Canada pour évaluer les risques et la gestion de coûts pour un certain type de programme. Pour moi, cela commence avec une bonne estimation des coûts puis quelques modélisations avec des propositions raisonnables pour que le gouvernement et nous publions toutes les données de façon transparente et claire et les partagions avec le public et les experts externes.

Ensuite, il y a un effort d’évaluer les données actuelles et les résultats compilés mensuellement pour le gouvernement du Canada. Il faut aussi évaluer l’impact de tels programmes et avoir une comparaison entre les prévisions et la réalité. Au final, il y a toujours la vérificatrice générale afin d’évaluer le schéma de vérification concernant la gestion de programmes.

Le sénateur Forest : Selon votre première analyse, il n’y a pas de mesures spécifiques où vous estimez, par exemple, que les risques de dépassement de coûts ou les risques de la mesure plus particulière pour laquelle on devrait porter une attention spéciale parmi l’ensemble des analyses coûts-avantages sont à peu près tous équivalents?

M. Jacques : Pour moi, avec le projet de loi C-15 spécifiquement, nous n’avons pas identifié quelque souci spécifiquement avec la gestion de risques de ce plan. Nous ne sommes pas des experts de la gestion de risques pour tout le gouvernement du Canada. Toutefois, spécifiquement avec les estimations de coûts, les changements du système d’impôt et les nouveaux transferts au public, je pense que la situation actuelle fonctionne.

Nous avons vu de grandes erreurs par le passé. Dans le cas où il y a un programme novateur, notamment les programmes de soins dentaires, lorsque quelque chose se rend au gouvernement du Canada avec des données imparfaites, cela cause quelques difficultés à prévoir les résultats avec précision.

Le sénateur Forest : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Cardozo : Je voudrais revenir sur le crédit d’impôt pour les préposés aux services de soutien à la personne que mon collègue vient d’évoquer. Comme l’indique le paragraphe 122.93(1) proposé, ce crédit d’impôt s’applique à un établissement de soins de santé admissible, c’est-à-dire un hôpital, un établissement de soins infirmiers, un établissement de soins pour bénéficiaires internes, etc. Il s’agit donc en fait essentiellement d’institutions. Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression qu’un bon nombre, sinon la majorité, des préposés aux services de soutien à la personne travaillent en dehors des établissements, c’est-à-dire chez des particuliers, soit à titre individuel, soit par l’intermédiaire d’agences du secteur privé ou d’organismes gouvernementaux.

Comprenez-vous vous aussi qu’aucun de ces préposés n’est couvert par cette mesure?

Me Mahabir : C’est effectivement ce que nous comprenons, mais nous avons en fait inclus aux fins de nos calculs l’ensemble des individus qui sont préposés aux services de soutien à la personne. Nos chiffres incluent également ces gens-là.

Le sénateur Cardozo : Cela comprend donc les préposés qui travaillent directement avec leurs clients?

Me Mahabir : Oui.

Le sénateur Cardozo : Et cela va coûter 1,4 milliard de dollars par année?

Me Mahabir : Non, pour les cinq prochaines années.

Le sénateur Cardozo : Je ne veux pas paraître impoli, mais pourquoi agir ainsi alors que cela exclut les personnes qui ne sont pas dans des établissements?

Me Mahabir : Je vous remercie pour la question.

Nous avons procédé ainsi en raison de la manière dont les données ont été recueillies.

Le sénateur Cardozo : Les données ne précisent donc pas si ces personnes travaillent au sein d’un établissement ou non?

Me Mahabir : Non.

M. Jacques : J’ajouterais également que l’une des autres considérations prises en compte dans la préparation de l’estimation des coûts était qu’il n’existe qu’une seule autre estimation des coûts, celle du gouvernement du Canada dans le budget de 2025. Nos chiffres sont légèrement supérieurs, soit environ 10 %, mais pas de manière significative.

Pour nous, dans une situation où nous ne disposions pas de données permettant de distinguer les préposés aux services de soutien à la personne qualifiés travaillant dans des institutions de ceux travaillant à l’extérieur, et plutôt que de faire une supposition concernant la population totale travaillant dans des institutions et de réaliser que si nous intégrions tout le monde, nous obtiendrions un chiffre supérieur d’environ 10 %, nous avons pensé que 10 % dans notre secteur d’activité pour un tout nouveau crédit d’impôt que nous n’avons jamais vu auparavant, cela signifie que c’est à peu près le même chiffre que celui du ministère des Finances, sans avoir à faire d’hypothèse supplémentaire concernant qui serait précisément admissible.

Le sénateur Cardozo : S’il ne s’agit que d’une différence de l’ordre de 10 %, pensez-vous que le nombre de personnes travaillant en dehors des établissements ne représente que 10 % des effectifs au total?

Me Mahabir : Nous ne connaissons pas exactement le nombre de personnes travaillant en dehors des établissements, car l’enquête ne porte que sur les travailleurs de ce secteur, et non sur leur lieu de travail précis.

Le sénateur Cardozo : Beaucoup d’entre nous ont été sollicités cette semaine par des représentants du Congrès du travail du Canada, et parmi eux se trouvaient des préposés aux services de soutien à la personne. Ils étaient vraiment préoccupés par cette question. L’une de leurs préoccupations était que cette mesure n’entrerait en vigueur que l’année prochaine.

Existe-t-il des exemples où les crédits d’impôt prennent effet rétroactivement pour l’année en cours? Le gouvernement peut‑il le faire sans que cela n’occasionne de trop importantes perturbations?

Me Mahabir : Je peux répondre à cette question. La date d’entrée en vigueur correspond généralement à la date de l’annonce faite par le ministre.

Le sénateur Cardozo : D’accord, je comprends.

Me Mahabir : Dans ce cas, la date d’entrée en vigueur est le 1er janvier 2026, soit le premier jour de l’année d’imposition 2026. Pour les crédits d’impôt, il s’agit généralement de l’année d’imposition, mais comme il s’agit d’un crédit d’impôt personnel, il commence au début de l’année civile, soit le 1er janvier.

Le sénateur Cardozo : Je tiens à déclarer officiellement que je pense que les préposés aux services de soutien à la personne jouent un rôle important dans notre système de santé, tant pour permettre aux gens de rester chez eux que dans des établissements, et qu’ils sont généralement négligés. À mon avis, cette mesure fiscale représente une bonne initiative. J’espère qu’elle finira par couvrir également les personnes qui ne travaillent pas dans un établissement.

Merci pour vos réponses.

La sénatrice Pupatello : Monsieur le président, le ministre nous a fourni des précisions sur les personnes qui seront admissibles. Cela va donc au-delà des hôpitaux, par exemple.

Le président : Vous devez attendre votre tour...

La sénatrice Pupatello : Je vous demande pardon?

[Français]

Le président : Tantôt, quand votre tour viendra, vous pourrez revenir sur le sujet, parce que si on interrompt le témoin, ce n’est peut-être pas la meilleure façon de procéder.

Merci.

[Traduction]

La sénatrice Ross : Ma question s’adresse au directeur parlementaire du budget. Il n’y a pas si longtemps, vous avez déclaré que nous étions « au bord du précipice », mais dans votre rapport sur le budget, vous affirmez que « selon les projections de Finances Canada, la politique budgétaire actuelle du budget de 2025 serait jugée viable à long terme. ».

Au vu du rapport présenté par votre propre bureau, je me demande ce qui a motivé ces commentaires initiaux, et ce qui vous a fait changer d’opinion.

M. Jacques : Bien entendu. Merci pour cette question. Les commentaires initiaux étaient basés sur les données que nous avions étudiées en septembre. Plus précisément, en septembre, les prévisions à moyen terme faisaient état d’une augmentation constante du ratio dette-PIB. Selon la définition du gouvernement à l’époque, le ratio dette-PIB constitue l’un des meilleurs indicateurs à moyen terme de la viabilité financière et qui était également importante pour obtenir ou maintenir la cote de crédit AAA du Canada. Ainsi, en examinant les prévisions à moyen terme en septembre, nous avons constaté que le ratio de la dette au PIB allait augmenter au cours des cinq prochaines années.

Par ailleurs, nous n’avons pas inclus environ 100 milliards de dollars de dépenses par an, car elles n’étaient pas encore tout à fait clarifiées à ce moment-là. Cela comprenait environ 20 milliards de dollars d’engagements électoraux ainsi que l’engagement de 5 % envers l’OTAN, auquel le gouvernement s’est publiquement engagé, mais nous ne disposons toujours pas de suffisamment de détails à ce sujet.

À ce stade, si l’on examine la définition de la viabilité donnée par le gouvernement, si l’on examine les chiffres, si l’on examine les chiffres en matière de dépenses nettes que nous n’avons pas pu inclure, cela soulève clairement des inquiétudes quant à la viabilité de l’un des principaux piliers budgétaires du gouvernement.

Ce qui a changé depuis lors, c’est la présentation du budget de 2025. Comme nous le voyons dans le budget de 2025, à moyen terme, c’est-à-dire au cours des cinq prochaines années, le ratio dette-PIB est en augmentation. Cela dit, le gouvernement a produit des prévisions à plus long terme pour les 30 prochaines années qui indiquent que le ratio dette-PIB est assez stable; il reste stable sur une période de 30 ans, ce qui indique, selon les mesures traditionnelles que l’on pourrait examiner, que la situation semble viable sur le plan budgétaire.

Je dirais que c’est viable sur le plan financier. Si vous regardez le graphique qui figure dans notre note intitulée Budget de 2025 : enjeux pour les parlementaires, vous constaterez que, si l’on examine les prévisions des 30 dernières années, toute la marge de manœuvre supplémentaire qui existait auparavant, dans la perspective d’une baisse du ratio dette-PIB sur une période de 30 ans, a disparu. Nous nous trouvons désormais dans une situation très différente où, la prochaine fois qu’un choc économique ou un autre événement se produira, au lieu de disposer d’une marge de manœuvre budgétaire supplémentaire, le gouvernement devra probablement emprunter des fonds supplémentaires, ce qui augmentera le niveau de la dette et le ratio dette-PIB, qui pourrait se stabiliser à un niveau plus élevé.

La situation est très différente de celle que nous avons connue au cours des 30 dernières années. Je dirais qu’il s’agit manifestement d’un changement dans les cibles budgétaires. Je dirais qu’il s’agit d’un changement dans la politique budgétaire, qui n’a pas fait l’objet de discussions significatives au Parlement entre la déclaration du premier ministre à la Chambre des communes, au cours de la troisième semaine de septembre, indiquant qu’il existait une cible budgétaire du ratio dette-PIB qui faisait partie de la politique budgétaire du gouvernement, et la première semaine de novembre, lorsque cette cible budgétaire du ratio dette-PIB a été supprimée.

La sénatrice Ross : Si vous deviez nous donner des conseils sur les points à aborder lors de nos éventuelles réunions avec les représentants du gouvernement, quelles devraient être nos priorités?

M. Jacques : La raison d’être de notre bureau est d’améliorer la transparence fiscale. Je voudrais revenir sur un commentaire fait par votre collègue au sujet du plafond de la dette ou des pouvoirs d’emprunt. Je pense que c’est un mécanisme qui fonctionne très bien, dans le cadre duquel le gouvernement doit s’adresser au Parlement pour demander l’autorisation législative d’augmenter le plafond de la dette. Cela peut faire l’objet de délibérations entre les députés, les sénateurs, et les autres responsables parlementaires.

Il n’y a rien de similaire en matière d’ancrages budgétaires. Nous avons naturellement supposé que l’ancrage budgétaire que nous avons connu au cours des 30 dernières années, largement utilisé dans d’autres pays, serait toujours plus ou moins le même, et cela s’est produit sans aucune discussion. Je pense que c’est le genre de situation où le Sénat devrait mettre en place des garde‑fous supplémentaires afin de garantir que, si d’autres changements surviennent, il existe un mécanisme par défaut permettant au Parlement et au Sénat d’en discuter, comme cela a été le cas pour la définition du cadre de budgétisation des investissements en capital.

Ultimement, c’est le gouvernement fédéral qui est responsable. Le gouvernement doit évidemment présenter un budget, puis, une fois celui-ci approuvé par le Parlement, il doit le mettre en œuvre. Parallèlement, il serait certainement utile de clarifier ces définitions fondamentales de la gestion du budget et de s’assurer que les parlementaires donnent leur consentement éclairé.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Je regarde votre première étude que vous avez déposée ce matin en ce qui concerne les crédits pour les personnes qui travaillent dans le domaine de la santé. Si je comprends bien, c’est le travailleur qui reçoit lui-même un crédit et non l’employeur qui reçoit un crédit pour créer des emplois. Il faut que ce soit dans des établissements reconnus. Je ne sais pas ce qui constitue un établissement reconnu. Y a-t-il un risque que cela engendre du mouvement de personnel d’institutions non reconnues vers des institutions reconnues? Je pense en particulier à ceux qui fournissent des services à domicile. Ces personnes ne travaillent pas pour un employeur reconnu, mais pour la famille qui, bien souvent, paie pour obtenir de l’assistance ou, par exemple, l’aide de quelqu’un qui vient tous les jours. Ne risque‑t-on pas de déplacer encore une fois ces gens qui iront vers une institution et opteront ainsi pour un emploi plus régulier avec un salaire plus attirant à cause de l’incitatif fiscal?

[Traduction]

Me Mahabir : Oui, c’est possible. Dans notre calcul des coûts, nous ne tenons pas compte de l’incidence sur le comportement des employés qui changent d’emploi. Mais en raison des données que nous avons utilisées, celles de Statistique Canada, aucune distinction n’est faite entre les personnes qui travaillent dans une institution et celles qui travaillent pour un particulier. C’est peut-être la raison pour laquelle nos chiffres sont un peu plus élevés que ceux du ministère des Finances.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Dans votre deuxième étude de ce matin qui porte sur Maisons Canada, vous dites que la contribution sera somme toute très modeste quand on analyse cela. Vous dites que cela ajoutera à peine quelques milliers d’appartements subventionnés de plus sur une période de quatre ou cinq ans. Quelle serait votre estimation du nombre d’appartements à prix modique que cela générera en 2026, par exemple?

Govindadeva Bernier, directeur, Analyse budgétaire, Bureau du directeur parlementaire du budget : Je ne pourrais pas vous donner de chiffres précis pour 2026, car il y a un délai entre l’attribution des fonds, la construction et la fin des travaux. Cependant, d’emblée, j’aurais tendance à penser que l’impact pour 2026 sera probablement plus faible que dans les années subséquentes. Nous avons trouvé que sur les cinq prochaines années, en matière d’unités qui seraient abordables, on tourne autour de 13 000. Si l’on faisait l’hypothèse que le même nombre d’unités est construit chaque année, on aurait peut-être 2 000 ou 3 000 unités par année.

Le sénateur Dalphond : Dans tout le Canada?

M. Bernier : C’est cela.

Le sénateur Dalphond : À Montréal, on a déjà besoin de plus que cela. Il s’agit donc d’un programme où il y a beaucoup de fanfare et de musique, mais pas nécessairement beaucoup de résultats.

M. Bernier : Pour l’instant, effectivement, nous concluons que cela n’aura pas une incidence importante sur l’offre de logements. Cela comblera environ 3,7 % du manque à gagner identifié dans un rapport précédant où l’on disait qu’on avait besoin de 690 000 nouvelles unités d’ici 2030 pour que le logement redevienne abordable.

Le sénateur Dalphond : Vous faites voir dans votre rapport que c’est un programme qui s’échelonne sur cinq ans. Par la suite, le gouvernement souhaite couper le montant alloué à partir de 2027. Faut-il s’attendre à ce que dans cinq ans, Maisons Canada disparaisse? Des actifs auront été construits qu’il faudra continuer à gérer.

M. Bernier : Je ne pense pas que l’on s’attende à ce que Maisons Canada disparaisse dans cinq ans. Il s’agit plutôt du fait que plusieurs programmes actuels qui étaient sous la gestion de la SCHL ont des dates d’expiration prévues au cours des quatre ou cinq prochaines années. Pour l’instant, il n’y a pas encore d’information de la part du gouvernement à savoir si ces programmes seront reconduits ou reconduits sous la responsabilité de Maisons Canada. D’après les annonces, il semble que Maisons Canada aura surtout la responsabilité de s’occuper des logements abordables, tandis que la SCHL s’occupera encore des logements au taux du marché. Donc, il est possible qu’il y ait d’autres annonces ou de nouveaux programmes, parce que la Stratégie nationale sur le logement prévue originalement sur 10 ans arrive à échéance en 2027. Pour le moment, nous n’avons pas d’information. Certains de ces programmes seront-ils reconduits sous l’égide de Maisons Canada ou annoncera-t-on de nouveaux programmes? Nous n’avons pas encore de renseignements à cet effet.

Le sénateur Dalphond : Merci.

[Traduction]

La sénatrice MacAdam : Vous avez brièvement abordé ce sujet tout à l’heure, mais j’aimerais approfondir un peu. Dans le rapport intitulé Budget de 2025 : enjeux pour les parlementaires, on peut y lire le passage suivant:

Si l’on se fie à la projection de référence à long terme du budget de 2025, le gouvernement dispose d’une marge de manœuvre limitée pour réduire les recettes ou augmenter les dépenses de programme tout en veillant à ce que le ratio de la dette fédérale au PIB en 2055-2056 soit égal ou inférieur à son niveau initial (2024-2025)...

Avez-vous examiné d’autres indicateurs ou tendances qui pourraient influer sur la marge de manœuvre budgétaire, outre le ratio dette-PIB? Avez-vous examiné un ensemble d’indicateurs, par exemple le déficit cumulé par rapport au PIB ou les charges de la dette en pourcentage des recettes ou la dette nette par habitant, c’est-à-dire tous les indicateurs qui pourraient donner une indication sur la capacité d’adaptation du système face aux chocs susceptibles de se produire?

M. Jacques : Oui. Ma réponse courte est la suivante: « Tous ces éléments ». Il ne s’agit pas d’un indicateur unique à prendre en compte pour évaluer la viabilité financière globale ou la santé financière d’une organisation. Il faut se pencher sur un ensemble d’indicateurs tant en matière de liquidité que de solvabilité.

Nous évaluons sur une base régulière l’évolution des taux de service de la dette publique, ainsi que le rendement moyen à l’échéance, calculé sur la base de l’encours de la dette, afin d’évaluer le taux de rotation. Il est donc important de savoir quel est le montant de dette renouvelé chaque année, car cela donne une idée de ce que le marché devra absorber, notamment s’il traverse une période de perturbations.

Je dirais que le ratio dette-PIB est un élément sur lequel nous nous sommes concentrés, et nous continuerons de le faire. Je sais que cela fait presque un an maintenant, mais si l’on revient à l’Énoncé économique de l’automne 2024 présenté par le gouvernement fédéral, celui-ci a déclaré que le ratio dette-PIB est l’un des meilleurs indicateurs de la viabilité budgétaire et qu’une baisse de ce ratio est importante pour maintenir la cote de crédit triple A du Canada. En tant que comptable, j’examine un large éventail de facteurs. Je dois également respecter mes homologues du ministère des Finances qui ont placé cet indicateur au premier plan.

La sénatrice MacAdam : Je vous remercie. Je sais que certains de ces éléments figurent au sein des comptes publics, dans la section « Discussion et analyse de la direction » du volume I, plus précisément. Incluez-vous ce type d’éléments sur une base régulière dans vos rapports?

M. Jacques : Tous les six mois, dans le cadre de notre rapport sur les Perspectives économiques et financières, nous publions les coûts du service de la dette et le ratio du service de la dette, le déficit par rapport au PIB, ainsi que la dette par rapport au PIB. Périodiquement, en fonction de l’intérêt manifesté par les parlementaires, nous fournissons également dans nos rapports des détails supplémentaires sur l’encours de la dette et le renouvellement prévu de la dette. Comme vous l’avez indiqué, et je suis d’accord avec vous, il existe de nombreux indicateurs que vous pouvez examiner, et ce sont les parlementaires qui déterminent en grande partie ceux que nous mettons en avant dans nos rapports.

La sénatrice MacAdam : Je vous remercie.

La sénatrice Kingston : Ma question s’adresse peut-être à vous trois, je ne sais pas trop. J’essaie de relier plusieurs éléments, alors soyez indulgents.

Dans votre résumé intitulé Maisons Canada et perspectives entourant les programmes de logement dans le cadre du budget de 2025, le dernier élément majeur est le suivant:

La contribution de Maisons Canada à l’offre d’habitations et à l’abordabilité des logements devrait être modeste étant donné le contexte général marqué par une importante diminution du soutien à l’abordabilité.

Ce n’est pas une préoccupation nouvelle pour moi, mais oui, les infrastructures sont absolument nécessaires. Toutefois, dans le cas des logements très abordables et des personnes qui en ont besoin, il y a certainement une partie, peut-être minoritaire, qui est très importante pour nos systèmes qui ont besoin d’aide pour leur logement. Pourriez-vous en dire plus sur la première partie concernant la baisse de l’aide au logement abordable? Qu’entendez-vous par là?

M. Bernier : Comme je l’ai mentionné plus tôt, le gouvernement fédéral a mis sur pied la Stratégie nationale sur le logement, un plan décennal. Bon nombre de ses sous‑composantes vont prendre fin au cours des trois, quatre ou cinq prochaines années, dont l’Allocation canadienne pour le logement, qui était une contribution directe aux ménages à revenu faible et modeste.

À l’heure actuelle, il semble que ce programme soit appelé à prendre fin. Aucune annonce n’a été faite quant à son renouvellement ou non. Ce programme relevait de la responsabilité de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL. Il semble maintenant que le logement social soit transféré sous la responsabilité de l’agence Maisons Canada. Mais pour l’instant, leur objectif ne semble pas être de subventionner les locataires, mais plutôt d’essayer d’augmenter l’offre de logements abordables.

Donc, dans ce sens, compte tenu des chiffres que nous avons vus jusqu’à présent, il ne semble pas que cela va contribuer de manière significative, du moins à court terme, à augmenter suffisamment l’offre pour faire baisser les prix sur le marché de manière générale. Mais en ce qui concerne les logements abordables pour les ménages à très faibles revenus, nous constatons qu’ils ne vont augmenter que de 6 300 unités au cours des cinq prochaines années. C’est du moins notre estimation.

La sénatrice Kingston : À ce sujet, dans certains des documents d’information que nous avons reçus, on peut lire ce qui suit:

Maisons Canada investira 1 milliard de dollars dans la construction de logements supervisés et de transition pour les personnes en situation d’itinérance ou à risque de le devenir. L’organisme collaborera avec des partenaires clés des provinces, des territoires, des municipalités et des communautés autochtones pour assortir ces investissements fédéraux de mesures de soutien en matière d’emploi et de soins de santé.

Je me demande comment on envisage de procéder, parce que, d’une certaine façon, cela concerne les transferts fédéraux et, dans certains cas — je vais prendre l’exemple de la santé —, lorsque ces questions sont négociées avec les provinces, des conditions sont imposées; nous acceptons de consacrer des fonds à cette priorité parce qu’il y a actuellement une lacune dans notre système.

Quand je lis cela, j’en déduis qu’une partie de la responsabilité sera peut-être transférée aux provinces, mais quel soutien recevront-elles pour faire en sorte que, partout au Canada, des mesures de soutien équitables soient offertes aux gens et, malheureusement, aux petites familles dont le sort m’inquiète et qui ont besoin d’aide pour conserver leur logement ou même pour en obtenir un? Qu’en pensez-vous?

M. Jacques : À mon avis, compte tenu des renseignements dont nous disposons actuellement, nous ne sommes pas bien placés pour faire des commentaires à ce sujet.

Une fois que Maisons Canada publiera plus de renseignements et nous les communiquera, nous les intégrerons certainement dans les rapports subséquents à l’intention du comité.

La sénatrice Kingston : Vous avez dit, cependant, que vous observez une diminution, et je vous cite :

Pour les subventions, les contributions et les concessions de prêts, LICC entend privilégier les projets assortis d’engagements plus importants en matière d’accessibilité financière, toutes choses étant égales par ailleurs [...]

Vous ajoutez plus loin qu’il y aurait en même temps une diminution des dépenses de soutien.

M. Jacques : Encore une fois, pour revenir au point soulevé par mon collègue, cela s’inscrit dans le contexte général du budget de 2025. Il y a donc l’annonce concernant Maisons Canada, et dans le contexte plus large des objectifs de Maisons Canada pour accroître l’offre de logements et rétablir l’abordabilité du logement, nous avons demandé des détails sur les réductions prévues et sur l’état des programmes temporaires au regard des compressions budgétaires annoncées dans le budget de 2025.

À ce stade-ci, le gouvernement... Nous avons, pour ainsi dire, convenu d’être en désaccord. Le gouvernement a refusé de nous communiquer toute information dans l’immédiat, mis à part ce qui est déjà du domaine public. Donc, si l’on examine les plans d’entreprise de la SCHL, les plans ministériels d’autres ministères et l’annexe du budget qui fournit une évaluation qualitative des réductions de dépenses pour la SCHL, il est évident que, si rien ne change, d’après les données publiques actuelles, les dépenses fédérales dans ce domaine diminueront considérablement.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue à nos témoins.

Poursuivons la discussion sur Maisons Canada. Je trouve le sujet intéressant d’un point de vue intellectuel.

Si je comprends bien, l’impact budgétaire de Maisons Canada est de 7,3 milliards de dollars sur 5 ans pour seulement 26 000 nouveaux logements. D’après votre étude, le nombre d’habitations achevées sera de 2 % supérieur à ce qu’il aurait été si rien n’avait été fait. En calculant, j’arrive à 253 000 $ par unité. Est-ce que je me trompe? C’est bien 253 000 $ par unité en dépenses gouvernementales à partir de fonds publics? Ce coût me paraît plutôt élevé.

M. Bernier : Le montant est dans ces eaux. On s’est basé sur d’anciens programmes de la SCHL qui finançaient aussi la construction d’habitations similaires. On a pris le coût de ces programmes. Si je me souviens bien, des données étaient disponibles sur tous les projets complétés et en cours jusqu’au 30 septembre 2023. En se basant sur le coût des projets existants financés par d’autres programmes gouvernementaux, on a pris la moyenne et on est arrivé approximativement à ces chiffres. Les notes de la fin montrent le montant exact que l’on a utilisé. La phase 2 de l’Initiative pour la création rapide de logements de la SCHL représentait 272 000 $ par unité. On a utilisé ce type de donnée.

Le sénateur Gignac : Dans le budget de 2024, le taux d’amortissement pour les logements locatifs est passé de 4 à 10 %. Cette mesure représentait un cumulatif de 1,8 milliard de dollars sur 5 ans. Je crois que vous aviez même publié une étude à ce sujet. Je ne me souviens pas quelles étaient vos estimations du nombre de logements supplémentaires qui allaient être construits pour cette augmentation du taux d’amortissement accéléré de 4 à 10 %. Quoi qu’il en soit, cela coûtait nettement moins cher qu’avec Maisons Canada.

M. Bernier : Je ne me souviens plus du nombre exact, mais effectivement, on avait fait une estimation du coût. Je n’ai pas souvenir à quel point cela ajoutait à l’offre supplémentaire.

Le sénateur Gignac : Pourriez-vous nous faire parvenir le nombre de logements supplémentaires estimé que cette mesure fiscale allait apporter à l’économie canadienne selon vos calculs? Nous allons poser la question au ministre à savoir pourquoi il a opté pour remplacer la SCHL par Maisons Canada étant donné que le coût équivaut quand même à environ 250 000 $ à 270 000 $ par unité, alors que l’autre approche semblait engendrer moins de paperasse et impliquer moins de fonctionnaires avec le secteur privé. Il me semble que si l’approche a marché dans le passé, elle devrait aussi fonctionner. Je ne comprends pas. Pourriez-vous nous éclairer là-dessus?

Le président : Cet amortissement était bien pour l’ensemble des nouveaux logements construits et non uniquement pour les logements abordables.

Le sénateur Gignac : C’était une déduction pour amortissement accéléré applicable aux nouveaux logements admissibles et destinés à la location. On passait de 4 %.

Le président : Donc, pour l’ensemble du portefeuille de location et non uniquement pour le logement abordable.

Le sénateur Gignac : Non, ce n’était pas uniquement pour le logement abordable. De toute façon, ils parlent d’environ 13 000 nouveaux logements abordables et d’un autre 13 000 logements réguliers. J’essaie de comprendre pourquoi on a opté pour cette approche, alors que l’an dernier, on vient tout juste d’augmenter ce taux. On en avait fait l’essai au début des années 1970 et cela avait donné des résultats en matière d’accélération.

Au sujet de la taxe de luxe, vous aviez produit un rapport à l’époque sur les aéronefs et aviez exprimé des préoccupations — tout comme certains d’entre nous — quant à cette mesure qui n’avait jamais fonctionné dans d’autres pays auparavant. Ces pays avaient d’ailleurs fini par la retirer. Vous avait-on donné des chiffres sur ce qu’elle avait rapporté? Le sénateur Forest a d’ailleurs été plutôt vocal à ce sujet, à savoir que les recettes n’avaient peut-être pas été aussi élevées que le croyait le gouvernement. Aucun suivi récent n’a été fait à ce sujet, n’est-ce pas?

M. Jacques : Non. Je sais que les données existent dans les Comptes publics, mais je ne crois pas que nous les avons avec nous ici aujourd’hui.

Le sénateur Gignac : D’accord. J’aurai peut-être une question en deuxième ronde si on a le temps.

[Traduction]

La sénatrice Pupatello : Je vais simplement utiliser le temps dont je dispose pour tirer au clair certains points mentionnés dans les documents qui ont été envoyés par le ministre des Finances au sujet du crédit d’impôt pour les préposés aux services de soutien à la personne.

L’objectif de ce crédit d’impôt était d’appuyer la hausse du plancher salarial, et le seul moyen dont dispose le gouvernement fédéral, c’est par l’entremise du régime fiscal, car ces programmes sont habituellement gérés par les provinces. Ainsi, la seule façon pour le gouvernement fédéral de contribuer à la hausse du niveau de salaire, c’est au moyen d’un crédit d’impôt.

Comme on peut le lire:

Les préposés aux services de soutien à la personne devront travailler pour des établissements de soins de santé admissibles, lesquels comprendraient les hôpitaux, les établissements de soins infirmiers, les établissements de soins pour bénéficiaires internes, les établissements communautaires de soins pour personnes âgées, les établissements de soins de santé à domicile...

— comme les Infirmières de l’Ordre de Victoria, Saint Elizabeth, et cetera —

... et tout autre établissement de soins de santé réglementé similaire.

Pour revenir à votre question de tout à l’heure, sénateur Dalphond, il faudrait probablement un T4 lié à un établissement qui aurait embauché des préposés aux services de soutien à la personne pour que ce crédit d’impôt soit accordé.

Donc, pour les soins à domicile... et je crois comprendre que, dans certains cas, ce rôle est assumé par des membres de la famille, et je sais que cela se fait à Terre-Neuve, par exemple, mais j’ignore si c’est dans le cadre d’un programme provincial. À ma connaissance, il n’existe aucun programme fédéral allant dans ce sens, mais cela ne serait pas pertinent en l’occurrence.

[Français]

La sénatrice Hébert : Ma question porte sur la fameuse taxe de 1 % sur les logements sous-utilisés qui a été retirée. Certains ont dit que ce n’est pas vraiment le moment en temps de pénurie de retirer cette taxe qui s’adresse principalement, selon les études, à des propriétaires étrangers. Je sais que vous aviez déjà estimé que cette taxe rapportait entre 130 et 150 millions de dollars annuellement. Dans le budget, je crois qu’on parlait plutôt de 30 millions de dollars. Qu’est-ce qui explique la différence entre les deux? Qui a raison? Qui dit vrai?

M. Jacques : Je pense qu’il y a plusieurs explications.

Premièrement, il y avait une évolution parmi les provinces et municipalités concernant les types d’initiatives qu’ils ont décidé de mettre en place, de rectifier les perceptions de ces types de problèmes. Je crois qu’avec notre évaluation, nous n’avons pas inclus les changements. Nous avons regardé seulement la proposition d’impôt pour le gouvernement fédéral, quelques exemples de ce qui s’est passé en Colombie-Britannique et à Vancouver, mais pas d’autres initiatives à l’intérieur du Canada. Je crois que c’est le premier exemple ou la première explication pour l’écart.

Une autre explication de cet écart est simplement une question de données. Comme je l’ai mentionné avec le nouveau programme de soins dentaires, c’est le même type de situation où il y a une initiative novatrice complètement nouvelle et où il n’existe pas beaucoup de données. Nous sommes donc dans la brume. Parfois, il y a des écarts plus grands avec nos estimations et les résultats.

La sénatrice Hébert : Merci.

On donne cet exemple dans le budget. Un des arguments que l’on évoque est la réduction de la paperasserie pour les entrepreneurs. Certaines estimations disent qu’il y a à peu près 3 000 règlements au niveau fédéral dont plusieurs sont normatifs et sont désuets au moment où on se parle. Est-ce qu’il y a déjà des études qui ont été faites par votre bureau sur le coût d’administration de toute cette réglementation pour le gouvernement et les économies qu’on pourrait faire si on s’attaquait vraiment à la réduction de ce fardeau?

M. Jacques : En général, non. La justification pour cela est que selon nous, le gouvernement du Canada fait un bon travail avec l’évaluation de coûts concernant la paperasse en général. Pour nous, nous avons la perception qu’il n’y aura pas une augmentation de la transparence pour les sénateurs s’il y a une autre estimation de notre part que celle du gouvernement du Canada.

La sénatrice Hébert : Vous parlez de l’estimation des coûts de la paperasse de l’administration de l’ensemble de cette réglementation pour le gouvernement ou pour les entreprises?

M. Jacques : Pour les deux.

La sénatrice Hébert : Pour les deux, d’accord.

M. Jacques : Parce qu’avec l’administration interne du gouvernement du Canada, il est possible d’avoir une nouvelle proposition d’impôt. Cela dépend du type d’impôt, des bénéficiaires, des gens qui doivent payer. Il pourrait y avoir un grand écart concernant le coût d’administration. C’est possible pour nous de faire une estimation. Toutefois, en réalité, le gouvernement du Canada est mieux placé que nous dans ce type de situation. Tout compte fait, si vous avez vu le grand écart dans le passé et que vous pensez qu’il y a un manque de transparence et qu’il y a un intérêt de la part de votre comité, cela fait partie de notre mandat de vous fournir plus de données et d’analyses.

La sénatrice Hébert : Je ne présume de rien, bien sûr.

Merci.

Le président : J’ai une question sur le programme de départ anticipé des fonctionnaires. Dans le budget, il est écrit que cela coûtera 1,5 milliard de dollars, que ce montant proviendra du fonds de pension — que je présume qui a des surplus — et que cela économisera 82 millions de dollars annuellement au budget du Canada. Je trouve cela particulier, parce qu’on devance d’environ 5 ans la retraite des gens. Si l’on fait 5 ans à 82 millions de dollars, cela nous amène à 410 millions de dollars. Cela coûtera 1,5 milliard de dollars au fonds de pension pour sauver 410 millions de dollars. Je trouvais cela un peu particulier. Cela vient du fonds de pension. Avez-vous regardé cela un peu? Savez-vous si le 1,5 milliard de dollars est juste la partie de l’employeur ou c’est aussi la partie conjointe employeur-employé? Comment on en arrive à aller chercher 1,5 milliard de dollars en fonds de pension? Est-ce qu’on a parlé aux syndicats? C’est l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public qui gère, mais est-ce que cela a fait l’objet de négociation? Il semble y avoir un flou. Le coût par rapport aux bénéfices m’apparaît extrêmement élevé.

M. Jacques : Merci pour les questions.

Nous n’avons pas posé de questions directement au gouvernement fédéral concernant cette proposition. Toutefois, nous sommes au courant. L’an dernier, nous avons publié un rapport concernant le surplus du fonds de retraite des fonctionnaires. Nous avons noté qu’il y a un grand surplus et qu’il augmente. Il y a une obligation législative de rectifier cela.

Ce montant de 1,5 milliard de dollars vient du surplus des contributions des fonctionnaires et du gouvernement du Canada. Il s’agit d’un bénéfice pour les fonctionnaires, mais aussi d’une obligation pour le gouvernement du Canada. Avec un tel plan, c’est une obligation de payer les frais d’administration et opérationnels de gestion pour le gouvernement du Canada. Il y a le mot « surplus » ou peut-être « excédentaire ». Toutefois, en fin de compte, c’est l’argent des citoyens du Canada.

Concernant les épargnes, nous avons regardé cela brièvement. En faisant une évaluation comparative avec le même type de programme qui existait pendant les années 1990, nous concluons que cette épargne est tout à fait raisonnable. C’est pratiquement au même niveau.

Comme nous avons déjà mentionné dans le passé, avec ce type de proposition, l’idée du gouvernement du Canada de mettre en œuvre les compressions concernant les fonctionnaires serait beaucoup plus efficace si le gouvernement essaie d’identifier les programmes qui ne sont pas prioritaires ou qui ne sont plus efficaces. Ce serait mieux que de mettre en œuvre des changements plus généraux. Prenons l’exemple d’aujourd’hui. Je suis accompagné de deux employés âgés de plus de 50 ans. Ils sont incroyablement compétents. Je ne veux pas perdre ces personnes compétentes et de leur dire : bye, bye, prenez votre retraite. J’imagine que ce serait la même situation partout au gouvernement du Canada où des gens plus âgés ont beaucoup d’expérience. Il serait mieux de garder ce type de ressources humaines.

Le président : Cependant, le 1,5 milliard de dollars, on ne sait pas si c’est la partie de l’employeur ou si c’est la partie qui appartient également au syndicat. Est-ce qu’on a ce détail?

M. Jacques : Selon l’étude que nous avons menée l’année dernière, c’est un jumelage des deux. Le surplus n’est pas délimité.

Le président : En diminuant les cotisations de l’employeur des employés, ils auraient pu faire des économies de milliards. Ils auraient pu laisser partir les gens au moment où leur retraite était due et ils auraient sauvé davantage d’argent que de créer un programme de cette nature. À moins que ça coûte quelque chose d’avoir un fonctionnaire de plus que son salaire, mais j’imagine qu’il y a un apport s’il est productif?

M. Jacques : Dans le budget de 2005, ils ont fait cela aussi. Ce sont les mêmes propositions de réduire les cotisations pour les employeurs et les employés. Ils ont annoncé qu’ils mettront cela en place dans les années à venir. C’est une façon d’épargner davantage d’argent opérationnel pour le gouvernement du Canada, de respecter les surplus budgétaires et de rendre le budget équilibré en trois ans.

Ce surplus de 1,5 milliard de dollars offre une autre option : plutôt que d’avoir ce programme, le gouvernement du Canada pourrait allouer cet argent et diminuer les paiements qu’il doit faire chaque année pour les bénéfices.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Dans le rapport que vous avez publié ce matin au sujet des préposés aux services de soutien à la personne, vous dites que les travailleurs de Terre-Neuve-et-Labrador « [...] ne sont pas admissibles en raison d’accords bilatéraux existants ». Pouvez-vous nous expliquer cela et nous dire en quoi consistent les accords bilatéraux?

Me Mahabir : Je vous remercie de la question. Oui, c’est ce que nous avons dit. Nous allons devoir vous revenir à ce sujet.

La sénatrice Marshall : C’est bien. Vous n’avez qu’à envoyer la réponse à la greffière. Cela m’intéresse, car je sais que les gens vont me poser la question. Merci.

[Français]

Le président : Merci beaucoup.

Nous avons le plaisir d’accueillir les témoins de notre deuxième panel qui représentent le ministère des Finances Canada, soit M. Pierre LeBlanc, directeur général, Impôt des particuliers; M. Max Baylor, directeur général, Division de l’impôt des entreprises; Mme Ingrid De Freitas, directrice, Investissement international entrant; et M. Gervais Coulombe, directeur général (Législation), Division de la taxe de vente.

Bienvenue et merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd’hui.

On comprend que vous n’avez pas de remarques liminaires à faire. Le ministre l’a fait dans son discours, c’est assez complet.

Je signale aux sénateurs que les témoins sont ici pour répondre aux questions qui touchent les parties 1, 2 et 3. La partie 1 porte sur les modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu et les textes connexes, la partie 2 porte sur la Loi sur la taxe sur les services numériques, les approbations et autres mesures, et la partie 3 porte sur la modification de la Loi sur la taxe d’accise, la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés et la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe et les textes connexes.

C’est un bon encadrement et nous avons les bons témoins.

Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Je vous remercie. Comme il n’y aura pas de séance d’information, j’aimerais vous poser quelques questions.

En ce qui a trait à l’exonération du revenu au titre de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées, combien de personnes seront touchées?

Pierre LeBlanc, directeur général, Impôt des particuliers, ministère des Finances Canada : Je vous remercie de votre question, sénatrice.

Il s’agit d’abord de faire en sorte que la Prestation canadienne pour les personnes handicapées n’ait aucune incidence sur les prestations fondées sur le revenu à l’échelle fédérale. Dans cette optique, plusieurs centaines de milliers de personnes, jusqu’à 600 000, seront admissibles à la Prestation canadienne pour les personnes handicapées. De ce chiffre, selon nos estimations, environ 90 000 personnes toucheront davantage de prestations fédérales fondées sur le revenu, que ce soit l’Allocation canadienne pour enfants, le crédit pour la TPS ou l’Allocation canadienne pour les travailleurs, grâce à cette mesure — parce que les montants de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées ne seront pas pris en compte dans ce revenu.

La sénatrice Marshall : Tenons-nous-en au chiffre brut. Combien de personnes auraient droit à une exonération des sommes reçues au titre de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées — seulement ce volet?

M. LeBlanc : Jusqu’à 600 000.

La sénatrice Marshall : Jusqu’à 600 000. Vous n’avez pas de chiffre plus précis?

M. LeBlanc : C’est ce que je peux vous donner pour l’instant.

La sénatrice Marshall : D’accord. Si vous pouviez nous fournir plus de détails à ce sujet, nous vous en serions reconnaissants.

En ce qui concerne le crédit d’impôt pour les préposés aux services de soutien à la personne, nous en avons déjà longuement discuté avec le directeur parlementaire du budget. J’ai deux questions à vous poser. Pourquoi le personnel infirmier n’est-il pas inclus? Il y a pourtant une pénurie de main-d’œuvre infirmière. Pourquoi faire de la discrimination contre ce groupe?

Mon autre question porte sur la façon dont les gens peuvent se prévaloir de ce crédit d’impôt. Faut-il obtenir une sorte de certificat de l’employeur, ou cette procédure administrative n’a‑t-elle pas encore été définie?

Mark Maxson, directeur principal, Emploi et éducation, ministère des Finances Canada : Pour ce qui est de la première question sur la conception du crédit et la décision de l’accorder aux préposés aux services de soutien à la personne plutôt qu’à d’autres professionnels de la santé, il vaudrait mieux s’en enquérir auprès du ministre. C’est une décision stratégique qui relève du gouvernement.

Quant à la deuxième question sur l’obtention d’un certificat auprès de l’employeur, il appartiendra en fin de compte à l’Agence du revenu du Canada d’en décider les modalités administratives. Le résultat le plus probable, d’après ce que je comprends à ce stade-ci, c’est que les employeurs seront invités à cocher une case sur le feuillet T4 de l’employé, soit le feuillet d’impôt qu’ils reçoivent à la fin de l’année. Cela suffira pour certifier le statut et le revenu du préposé aux services de soutien à la personne.

La sénatrice Marshall : Pourquoi cette mesure serait-elle applicable, sachant que le projet de loi prévoit qu’elle serait offerte pour les années d’imposition 2026 et suivantes? Est-ce parce que les procédures administratives ne sont pas encore réglées?

M. Maxson : Tout d’abord, comme il s’agit d’un crédit d’impôt remboursable, il ne peut pas être versé tant qu’il n’est pas inscrit dans la loi, car cela exige une dépense provenant du cadre fiscal. Il ne pourra donc être payé que lorsque le projet de loi aura été adopté par le Parlement. Nous sommes à quelques mois, tout au plus, de la saison des impôts, alors nous n’avons tout simplement pas le temps.

La sénatrice Marshall : D’accord. Parlons maintenant de l’article modifiant l’impôt minimum de remplacement pour exonérer le revenu provenant de certaines fiducies au profit de groupes autochtones. Beaucoup de changements ont été apportés à l’impôt minimum de remplacement l’an dernier. Il y a eu deux consultations en 2023-2024. Est-il possible d’obtenir une copie de ces consultations ou du résumé? J’aimerais savoir ce que les intervenants ont dit.

Stefania Bartucci, directrice, Projets stratégiques, ministère des Finances Canada : Le ministère n’a pas publié de rapport officiel après ces deux phases de consultation. Nous pouvons voir s’il est possible de préparer un résumé des commentaires que nous avons reçus. Parlez-vous précisément des consultations qui ont été menées pour exempter les fiducies autochtones? D’accord.

La sénatrice Marshall : Au deuxième tour, j’aurai une question sur la taxe sur les logements sous-utilisés.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci de votre présence ici.

Ma première question concerne l’abolition de la taxe sur les produits de luxe, soit les avions. Quand cette mesure avait été introduite, on avait manifestement fait part de notre appréhension quant au coût-bénéfice et demandé s’il y avait eu une évaluation de l’impact de cette taxe concernant les annulations de commandes et possiblement des mises à pied. Cette taxe est en vigueur depuis deux ans. A-t-on évalué combien cette taxe a rapporté? Pour quelles raisons a-t-on jugé plus pertinent de la retirer, ce qu’on avait d’ailleurs suggéré d’entrée de jeu? Y a-t-il eu une évaluation du montant qu’a rapporté cette taxe. Combien a-t-on perdu en revenu de TPS et en impôts avec les employés qui ont été mis à pied?

Gervais Coulombe, directeur général (Législation), Division de la taxe de vente, ministère des Finances Canada : Je vous remercie de la question, sénateur Forest.

La mesure a présentement un coût fiscal d’environ 25 millions de dollars par année. C’est la partie de revenu qui aurait été associée avec la continuation de l’inclusion des aéronefs et des navires dans l’assiette fiscale. Les derniers chiffres que j’avais sur les Comptes publics du Canada 2023 et 2024 me rapportaient une somme d’environ 390 millions de dollars par année pour la taxe de luxe. L’enveloppe qui était affectée aux deux types de moyens de transport qui ne seront plus assujettis à cette taxe est donc de 25 millions de dollars sur 390 millions de dollars. Ça vous donne une certaine idée du rapport. Le gouvernement estime qu’il y a un besoin de soutenir les industries de l’aviation et de la navigation de plaisance en ce moment. Puis, en cette période d’incertitude économique mondiale qui persiste, le gouvernement a pris la décision dans le budget de 2025 de cesser l’application de la taxe de luxe sur ces deux articles.

Le sénateur Forest : Sur les revenus encaissés par le gouvernement, est-ce qu’on a comparé les pertes de revenus de TPS compte tenu des contrats qui ont été annulés ou des mises à pied qui ont été faites? Est-ce qu’une analyse a été faite du coût‑bénéfice?

M. Coulombe : Présentement, je n’ai pas en ma possession de telles analyses. Je doute qu’elles aient été faites.

Le sénateur Forest : Vous doutez que cela ait été fait?

M. Coulombe : Je doute, en ce sens que je ne crois pas.

Il est très difficile d’isoler des transactions et de faire un calcul au niveau de la TPS de ce qui aurait été payé. De toute façon, cela reste une question hypothétique, en ce sens qu’on a des données sur les avions et les bateaux qui ont été assujettis à la taxe, donc où il y a eu des déclarations faites à l’Agence du revenu du Canada en ce sens.

S’il y a des transactions qui n’ont pas eu lieu, ce sont des transactions qui n’ont pas été rapportées, donc on n’a pas l’information de base là-dessus. Je suis au courant qu’il y a eu des études économiques qui ont été faites par le secteur privé. Elles tendaient toutes à dire au gouvernement que la taxe de luxe n’était peut-être pas la meilleure mesure fiscale par rapport aux navires et aux aéronefs.

Le sénateur Forest : Je crois qu’il y avait un consensus assez fort sur la conclusion que vous venez de nous mentionner.

Concernant le stockage de carbone, je note à la page 384 du budget de 2025 que le gouvernement n’a pas tenté de chiffrer le coût de ce crédit pour le trésor public, ce qui est assez spécial, parce qu’on chiffre le coût de l’ensemble des autres mesures à l’exception du stockage de carbone. Vous n’aviez pas les coûts en stock?

Max Baylor, directeur général, Division de l’impôt des entreprises, Ministère des Finances Canada : C’est pour clarifier la mesure. C’est une extension des taux complets à partir de 2020 jusqu’après 2030.

Au préalable, on a les taux complets jusqu’à 2030. Après cela, les taux descendent de moitié. Donc, le coût commence seulement après l’horizon fiscal dans le budget en 2031 et s’étend jusqu’en 2035-2036.

Au cours de ces cinq années où le coût augmente, le coût de la mesure est de 3 milliards de dollars. C’est un chiffre qu’on a donné. Vous ne le trouverez pas dans le budget, parce qu’il est à l’extérieur de l’horizon, mais je vous le donne.

[Traduction]

Le sénateur Cardozo : J’ai quelques questions à vous poser. Permettez-moi de commencer par celles concernant les préposés aux services de soutien à la personne. Tout d’abord, je voudrais attirer votre attention sur ce qui constitue, selon moi, une divergence entre l’anglais et le français, et vous me corrigerez si je me trompe. Le paragraphe 122.93(1) proposé contient des définitions. Or, il y a deux définitions en anglais et trois en français. Dans la version française, il y a « déclaration de revenu », mais il n’y a pas d’équivalent dans la version anglaise, c’est-à-dire « declaration of income ». Je me demande simplement si j’ai la mauvaise version ici ou si cela se trouve ailleurs.

M. Maxson : La traduction anglaise pertinente serait « return of income », qui se trouve au bas de la liste à la première page. C’est la troisième définition en anglais.

Le sénateur Cardozo : C’est après les alinéas a), b) et c). C’est donc placé différemment en anglais. D’accord. Je vous remercie.

Ensuite, en ce qui concerne les préposés aux services de soutien à la personne, la question que j’ai posée lors de la séance précédente portait sur les conditions dans lesquelles cette mesure s’appliquerait aux préposés qui travaillent dans divers établissements, y compris les établissements de soins de santé à domicile; vous pourriez peut-être apporter des précisions à ce sujet. Faudrait-il s’inscrire auprès d’organismes à but lucratif ou sans but lucratif pour fournir ces services?

M. Maxson : C’est exact.

Le sénateur Cardozo : Ce qui manque, ce sont les préposés aux services de soutien à la personne qui ne travaillent pas par l’intermédiaire d’une agence ou dans un établissement. Je connais un peu le domaine. La plupart d’entre eux sont mal payés, parfois à peine un peu plus que le salaire minimum. Le crédit d’impôt vise justement à essayer de les aider à cet égard. Beaucoup d’entre eux cumulent plusieurs emplois. Ainsi, ils peuvent obtenir un poste dans un établissement ou par l’entremise d’une agence, mais ils se voient attribuer un nombre d’heures limité ou ils souhaitent faire plus d’heures que ce que l’agence leur accorde. Ils sont alors contraints d’accepter d’autres emplois.

Dans pareil cas, peuvent-ils réclamer le crédit d’impôt pour les autres heures qu’ils font à titre individuel, dans le cadre d’un contrat conclu avec un particulier?

M. Maxson : Je vous remercie de la question. Pour que les revenus comptent dans ce crédit, ils doivent provenir d’un ou de plusieurs employeurs admissibles. Dans la mesure où les personnes travaillent pour plus d’un employeur admissible, ces revenus s’additionneraient. Toutefois, en l’absence d’un lien avec un employeur admissible pouvant certifier les fonctions, les tâches et le statut de préposé aux services de soutien à la personne, ces travailleurs n’auront pas droit au crédit d’impôt, ou ces revenus ne pourront pas être pris en compte.

Le sénateur Cardozo : Je ne vous demande pas d’amender cette disposition, mais y aurait-il moyen de faire en sorte que ce genre de travail soit inclus? Y a-t-il un libellé qui fonctionnerait, sachant que beaucoup de gens font du travail contractuel indépendant dans un tas de domaines?

M. Maxson : Au bout du compte, c’est une décision stratégique. Il y a deux choses que je peux dire. Premièrement, cela est conforme à l’approche adoptée dans le cadre des accords avec Terre-Neuve, la Colombie-Britannique et les Territoires du Nord-Ouest pour les préposés aux services de soutien à la personne qui sont des employés, et pas nécessairement des travailleurs autonomes. Le nœud du problème, c’est que cela devient très difficile sur le plan administratif lorsqu’il y a de nombreuses relations privées individuelles entre un préposé aux services de soutien à la personne et un ménage qui pourrait être son seul employeur. L’Agence du revenu du Canada n’est pas vraiment en mesure d’aller vérifier dans chaque foyer pour déterminer s’il s’agit effectivement de ce type de relation ou de contrat de travail. Bref, je dirais que c’est un défi administratif.

Le sénateur Cardozo : Pourtant, comme je l’ai dit, il y a un million d’autres contrats que les gens concluent dans toutes sortes de domaines; il faut un certain degré de confiance, et l’Agence du revenu du Canada accepte ces autres cas.

M. Maxson : Elle accepte certainement les revenus qui sont déclarés. C’est plus difficile à mesure qu’on entre dans les détails du contrat.

Le sénateur Cardozo : En ce qui a trait à la taxe sur les services numériques, à combien se chiffre le montant auquel nous renonçons? Y a-t-il d’autres taxes qui s’appliquent aux fournisseurs de services numériques?

Ingrid De Freitas, directrice, Investissement international entrant, ministère des Finances Canada : La taxe à laquelle nous renonçons était évaluée à 2,3 milliards de dollars en 2024-2025. Ce montant englobe les revenus des trois années précédentes. C’était en quelque sorte une année de rattrapage en raison de l’historique de la mesure. La valeur était estimée à 900 millions de dollars pour chacune des années suivantes. Cependant, comme la taxe n’a pas été perçue dans les faits, cela reste une estimation.

Quant aux autres taxes qui s’appliquent aux services numériques, elles continueront toutes de s’appliquer de la même façon. Par exemple, si une entreprise canadienne tire des revenus en fournissant des services numériques, cela ferait toujours partie de son revenu imposable au Canada, et les taxes de vente ainsi que d’autres taxes continueraient de s’appliquer également.

Essentiellement, la taxe sur les services numériques est une couche d’imposition supplémentaire qui s’ajoute à toutes les taxes applicables qui ont été instaurées en raison d’un manque apparent de taxes sur certains revenus provenant de certains modèles d’affaires.

Le sénateur Cardozo : Ces entreprises ne sont donc pas exonérées d’impôt?

Mme De Freitas : Non, elles sont imposées de la même façon que tout le monde. On avait simplement l’impression qu’il fallait ajouter une couche d’imposition supplémentaire sur certains revenus.

La sénatrice MacAdam : Dans son rapport publié quelques jours après le dépôt du budget, intitulé La mise en œuvre de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité — Mesures financières, le commissaire à l’environnement et au développement durable a souligné des préoccupations quant au fait que l’adoption initiale des crédits d’impôt à l’investissement pour l’économie propre était plus faible que prévu. Le commissaire a également recommandé ce qui suit :

[...] le ministère des Finances Canada, en collaboration avec d’autres organisations fédérales, devrait évaluer les résultats sociaux, environnementaux et économiques des crédits d’impôt à l’investissement dans l’économie propre et publier les conclusions [...]

Votre ministère a accepté la recommandation et a mentionné qu’il publierait ses conclusions dans une édition future du Rapport sur les dépenses fiscales fédérales. Pouvez-vous préciser quand vous publierez ces renseignements?

M. Baylor : Comme vous l’indiquez, le ministère a accepté la recommandation, et nous avons bien l’intention de publier une telle étude dans une prochaine édition du Rapport sur les dépenses fiscales fédérales. Quant au moment précis où cela se fera, je crois que cela dépendra de la disponibilité des données et du moment où nous estimerons en avoir suffisamment pour rendre compte de l’état des choses. Nous espérons que cela se fera bientôt.

La sénatrice MacAdam : D’accord. Le commissaire a indiqué ceci :

Afin de garantir que l’étendue du soutien fiscal accordé soit conforme aux objectifs environnementaux du gouvernement, il faudra surveiller l’efficacité et l’utilisation de ces crédits d’impôt à l’investissement.

Pouvez-vous nous donner des détails sur la façon dont vous surveillez leur efficacité et leur utilisation présentement?

M. Baylor : Nous travaillons en permanence avec l’Agence du revenu du Canada, qui traite les demandes, ainsi qu’avec Ressources naturelles Canada, qui est chargé d’administrer les crédits d’impôt. Cela nous permet de surveiller les demandes qui nous parviennent et celles qui font l’objet d’un règlement, et d’ainsi voir comment les choses évoluent. Nous commençons à constater une augmentation et cette tendance se poursuit. C’est d’ailleurs ce que nous avons l’intention de signaler en temps voulu.

La sénatrice MacAdam : Pourquoi pensez-vous que ces crédits ne sont pas utilisés autant que ce qui avait été prévu?

M. Baylor : Je pense qu’il est important de prendre un peu de recul. Le ministère a publié des projections de coûts basées sur les renseignements disponibles au moment où les crédits d’impôt à l’investissement ont été annoncés. Certaines de ces projections remontent au budget de 2022. Depuis ce temps, l’environnement économique mondial a évolué. Cela est particulièrement marqué aux États-Unis, où l’on observe des tensions commerciales et une transformation des politiques environnementales. Je crois que cela a eu une incidence sur les perspectives et, dans un premier temps, sur l’adoption de ces crédits.

En outre, je crois qu’il est important de souligner que les quatre premiers crédits d’impôt à l’investissement dans l’économie propre qui ont été mis en œuvre ont reçu la sanction royale en juin 2024. Il est donc évident qu’avant cela, aucune demande ne pouvait être présentée ni traitée. Avant que ces dispositions ne reçoivent la sanction royale, l’Agence du revenu du Canada et Ressources naturelles Canada ont mis en place les systèmes et les processus administratifs nécessaires pour que les entreprises puissent demander ces crédits d’impôt. Ces processus étant désormais en place, nous nous attendons à ce que les demandes augmentent de manière significative avec le temps. À cet égard, je vous conseille de consulter les projections actualisées qui sont dans le budget.

Il convient également de souligner que certains crédits ne sont pas encore en place, comme le crédit d’impôt à l’investissement pour l’électricité propre, qui figure en fait dans ce projet de loi. Il est évident que cela doit être mis en œuvre avant que l’administration puisse être pleinement mise en place et que les demandes puissent être acceptées.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue à tous nos témoins. Merci de votre service et de votre dévouement. Nous savons qu’au ministère des Finances, la préparation du budget nécessite des soirs et des fins de semaine de travail. Nous comprenons maintenant que ce sera davantage le cycle d’automne que celui du printemps.

Nous avons eu une discussion avec les témoins du panel précédent au sujet des mesures pour ce qui est du logement. L’une de ces mesures est la déduction pour amortissement accéléré pour la construction de logements destinés à la location qui passe de 4 à 10 %. Cette mesure apparaissait dans le budget de 2024 et on la retrouve dans le projet de loi C-15. Est-ce qu’une analyse a été faite au ministère des Finances? Sauf erreur, le coût représente 1,8 milliard de dollars sur 5 ans. On parle de combien de logements supplémentaires? Nous savons qu’il est question d’environ 240 000 logements admissibles par année. Chaque année, des logements sont construits aux fins de location. On estime ce nombre à environ 240 000 unités par année admissibles au taux de 4 % qui passera à 10 %. Combien de logements supplémentaires cela représente-t-il? Vous avez mis cette mesure pour stimuler la construction et rendre les logements plus abordables et en espérant que ces économies se rendront jusqu’aux locataires et se refléteront entre autres sur le prix du loyer. Combien d’unités additionnelles sur cinq ans cette mesure devrait-elle fournir?

M. Baylor : Vous résumez bien la mesure avec le coût. Comme vous l’indiquez, toutes les entreprises et les individus qui investissent dans ce type de logements auront accès à la déduction accélérée.

En ce qui concerne le nombre précis de logements, nous n’avons pas de ventilation spécifique liée à cette mesure.

Le sénateur Gignac : Si vous ne l’avez pas à portée de la main, vous pourriez peut-être la faire parvenir au comité dans les prochains jours? Je me demandais s’il y avait une analyse économique vu la mesure fiscale de 1,8 milliard de dollars en coûts sur 5 ans. Je trahirai peut-être mon âge, mais on en avait fait l’essai au début des années 1980 pour ensuite l’abandonner 6 ans plus tard, car on disait que ce genre de mesure ne fonctionnait pas. Or, le gouvernement la réintroduit. Peut-être que le gouvernement a fait une analyse économique et conclut que cela stimulerait la construction de logements. Si une telle étude existe, pourriez-vous nous faire parvenir vos calculs?

M. Baylor : Nous pouvons regarder ce qu’on a. De mémoire, on s’était penché dans l’ensemble sur la stratégie du gouvernement et son effet, mais nous regarderons spécifiquement pour cette mesure.

Le sénateur Gignac : On l’a étudiée en lien avec Maisons Canada et le montant est de 6,7 milliards de dollars sur 5 ans pour 26 000 logements supplémentaires. On essaie donc de comparer l’approche du gouvernement.

Le président : J’aimerais une précision. Prévoit-on que l’amortissement de 10 % occasionnera également des pertes ou s’il amènera des profits la première année? Premièrement, cela fera une grosse différence. Deuxièmement, on ne voit pas beaucoup de profits la première année avec un immeuble.

Le sénateur Gignac : C’est une déduction.

Le président : Je sais que c’est une déduction, mais s’il n’y a pas de profit et qu’on ne peut pas aller sous zéro...

Le sénateur Gignac : On peut la reporter.

Le président : Tu vas pouvoir la reporter même si ce n’est pas la première année? Donc, elle est applicable la première année et reportable pendant trois ans, je crois?

M. Baylor : À un moment donné, il y a un rattrapage.

Le président : Le 10 % pourra s’appliquer l’année 2 et l’année 3 jusqu’à ce que les profits soient réalisés?

M. Baylor : C’est exact. Évidemment, comme c’est une accélération, il y a un rattrapage et cela perd de sa pertinence. Toutefois, puisque les déductions normales viennent dans les années subséquentes, il y a toujours un avantage.

Le président : L’an 1 prêtait à confusion.

Le sénateur Gignac : Votre intervention a empiété un peu sur mon temps de parole, monsieur le président, et je ne vous en fais pas le reproche, mais seriez-vous indulgent au point de m’accorder une question supplémentaire?

Le président : Vous disposez de 48 secondes.

Le sénateur Gignac : On change complètement de sujet. Est‑ce qu’un des témoins pourrait nous parler des règles canadiennes en matière de prix de transfert? Pourriez-vous, pour moi et mes collègues, nous dire de quoi parle-t-on? Est-ce que cet aspect est important? Je crois qu’il est question de grosses multinationales, de leurs filiales et des prix de revient, mais je n’en suis pas certain.

Robert Demeter, directeur général, Division de la fiscalité internationale, ministère des Finances Canada : Pourriez‑vous répéter la question?

Le sénateur Gignac : On parle de réformer les règles canadiennes en matière de prix de transfert. Si c’est dans le budget, cela doit être important. Est-ce que les compagnies qui se trouvent à jouer avec ces règles paient moins d’impôt? C’est quoi au juste? De quoi on parle?

M. Demeter : Les règles sur le prix de transfert sont utilisées pour répartir les bénéfices entre les diverses entités d’un groupe multinational. Les règles canadiennes sont spécifiquement instaurées depuis 1997. Cette mesure est une façon de moderniser les règles qui existent depuis. Ce sont les règles opérationnelles qui protègent le partage de bénéfices entre les pays. Autrement, sans ces règles, ce sera possible juste de choisir...

Le sénateur Gignac : Il faut s’harmoniser aux autres pratiques de l’OCDE pour éviter une évasion fiscale.

M. Demeter : Oui.

Le sénateur Gignac : Parfait. Merci.

[Traduction]

La sénatrice Pupatello : J’ai juste une petite question, et si vous n’avez pas les documents sous la main, vous pourrez me les envoyer par écrit. Pouvez-vous préciser le montant perçu chaque année grâce à la taxe sur les logements sous-utilisés, ou TLSU, et le coût annuel du programme? Pouvez-vous me faire parvenir ces renseignements?

Au chapitre des remises qui ont été accordées, pouvez-vous me dire quel pourcentage ou quel montant provenait du public — les entreprises, par exemple — par rapport aux particuliers. Combien de particuliers auraient remis une demande ou payé la taxe? Combien d’entreprises auraient accordé une remise sur la demande? Enfin, combien auraient également payé la taxe?

Ma deuxième question concerne la taxe sur les produits de luxe, celle qui a été supprimée. Quel était le montant des recettes annuelles de cette taxe et quel était le coût annuel de ce programme?

Je vous remercie.

M. Coulombe : Je peux vous donner un début de réponse.

À la page 384 du budget, vous trouverez un tableau qui détaille les impacts des mesures fiscales proposées sur les revenus. Le tableau fait en outre état des pertes de revenus résultant de la suppression de la Taxe sur les logements sous‑utilisés. Elles étaient estimées à 30 millions de dollars par an, soit 150 millions de dollars sur cinq ans.

Nous pourrions vous fournir par écrit les chiffres exacts tirés des Comptes publics du Canada concernant les revenus recueillis pour les années civiles 2022, 2023 et 2024, lorsque la taxe était en vigueur. La question portant sur le coût administratif doit être adressée à l’Agence du revenu du Canada. Nous allons vérifier si nous sommes en mesure de vous fournir cette information par écrit.

Quant aux recettes générées par la taxe sur les produits de luxe, ces détails figurent également dans les Comptes publics du Canada.

La sénatrice Pupatello : Si vous pouviez nous fournir ces renseignements, en particulier la répartition entre les particuliers et les entreprises, cela nous serait très utile.

M. Coulombe : Oui. Pour cela, nous devrons consulter les experts. Je ne suis pas certain que ce degré de précision soit offert par les données que nous avons reçues de l’Agence du revenu du Canada, mais nous allons nous renseigner et vous donner une réponse.

La sénatrice Pupatello : Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Hébert : Dans la foulée de ce que ma collègue la sénatrice Pupatello vient de vous demander, est-ce qu’on a une évaluation du nombre d’unités auquel correspond la fameuse taxe de 1 % sur le logement sous-utilisé?

M. Coulombe : Je n’ai pas cette information avec moi. Cela étant dit, la taxe était de 1 %, donc on peut faire une extrapolation au niveau de la valeur sous-jacente à des revenus de 30 millions de dollars par rapport au nombre d’unités. Ce n’est pas une information que j’ai en ma possession.

La sénatrice Hébert : Dans la logique de ce que mon collègue le sénateur Gignac vous demandait tout à l’heure, on sait qu’on peut apprécier l’efficacité d’une mesure comme celle‑là en regardant les coûts de perception comparativement à ce que cela rapporte au gouvernement. On peut l’apprécier aussi dans le cadre d’une analyse économique un peu plus poussée, surtout dans un contexte de pénurie de logements qui entraîne des coûts pour les contribuables canadiens. Est-ce qu’on a fait une analyse plus systémique au niveau économique de l’efficacité de cette taxe? Par exemple, est-ce qu’on a mesuré le taux de sous‑utilisation avant et après, par exemple avant de retirer la mesure ou est-ce qu’on a tout simplement dit que cela nous rapportait tant, ça coûte tant, ce n’est pas payant, donc on abolit la taxe?

M. Coulombe : C’était une mesure fiscale qui est relativement récente toutes choses étant égales. La première année de calendrier durant laquelle elle s’appliquait était en 2022. Donc, il y a encore très peu de données disponibles. Ce qui semble faire consensus, c’est qu’elle générait moins de revenus que ce qui avait été prévu. Il y avait aussi des coûts d’administration significatifs. Ici, le gouvernement annonce véritablement l’élimination de la taxe tout court. Cela n’a pas été accompagné d’études économiques plus poussées que cela.

Aussi, le gouvernement fédéral met en place depuis plusieurs années une quantité de mesures pour atténuer la crise du logement, notamment dans le projet de loi C-4 qui est présentement au Parlement. On a un rabais pour les achats de première habitation. Mes collègues en impôt ont également plusieurs mesures qui tendent à aller vers cela. Cela devient difficile dans un contexte avec plusieurs nouvelles mesures à intégrer d’en isoler une et de faire une analyse économique uniquement pour celle-ci.

La sénatrice Hébert : Merci.

Le sénateur Dalphond : J’ai plusieurs petites questions.

On parlait tout à l’heure de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées. Vous avez parlé de 600 000 personnes qui sont admissibles. Cette mesure ne vise que les 90 000 qui vont bénéficier d’un crédit pour les enfants ou d’un crédit de taxe de vente. La mesure ne vise que les 90 000 qui bénéficient d’un autre programme et pour lequel l’admissibilité incluait aussi la Prestation canadienne pour les personnes handicapées.

Ariane Brûlé, directrice, Politique sociale de l’impôt, ministère des Finances Canada : Votre question est qu’est-ce que ce chiffre explique?

Le sénateur Dalphond : Pourquoi cela ne vise que 90 000 personnes et non pas 600 000?

Mme Brûlé : Cela ne vise pas les 600 000 individus. Cela vise uniquement les individus pour lesquels il y aurait eu un impact sur leurs prestations pour l’Allocation canadienne pour enfant, le crédit pour la TPS/TVH ou l’allocation canadienne pour les travailleurs si on avait inclus dans leur revenu les prestations qu’ils reçoivent sous la Prestation canadienne pour les personnes handicapées. Cette mesure fera en sorte que ces prestations ne seront pas réduites au niveau fédéral.

Le sénateur Dalphond : Elles ne sont pas dans le calcul de cet avantage additionnel comme le crédit d’impôt pour enfants?

Mme Brûlé : Elles ne sont pas imposables, parce que sous les règles actuelles, il y a une déduction qui fait en sorte qu’effectivement, ces prestations ne sont pas imposables. Aussi, on propose de faire en sorte qu’elles n’affectent pas les autres prestations que les gens peuvent recevoir et qui sont basées sur le revenu de l’individu.

Le sénateur Dalphond : Est-ce qu’on peut avoir des statistiques? Cela prend un certificat médical d’admissibilité pour avoir le crédit. On me dit que plusieurs sont refusés. Est-ce qu’on pourra avoir des chiffres pour savoir qui le reçoit, quel est le pourcentage de ceux qui le demandent qui le reçoivent et de l’information pour ceux qui souffrent de la sclérose en plaques?

Mme Brûlé : C’est une question à poser l’Agence du revenu du Canada, car ce sont eux qui compilent les informations.

Le sénateur Dalphond : Pourriez-vous envoyer ces informations au comité?

Mme Brûlé : Oui, bien sûr.

Le sénateur Dalphond : Ma prochaine question concerne l’exemption à vie du gain de capital qui était de 1 016 836 $ au 25 juin 2024. Parce que la mesure avait été annoncée dans le budget, mais qu’elle n’avait pas été mise dans la Loi no 1 d’exécution du budget de 2024, les contribuables avaient le choix de disposer et réclamer ou d’attendre et voir quels seraient les résultats d’un changement de gouvernement ou de l’élection. Il y en a plusieurs, mais combien ont fait le choix au 24 juin 2024 de liquider leur portefeuille pour obtenir l’exemption du gain de capital de 1 016 836 $? Est-ce que vous avez des chiffres? Sinon, pouvez-vous les envoyer au comité?

M. LeBlanc : Merci pour la question.

Puisqu’on parle de l’année fiscale 2024, il est encore trop tôt pour avoir des données complètes. Bien que la date limite soit le 30 avril pour tout le monde, il y a des particuliers qui continuent à produire leur déclaration et de les envoyer à l’agence. Cela prend un peu de temps.

Le sénateur Dalphond : Comment justifiez-vous le fait que ceux qui ont agi en fonction de ce qui avait été annoncé dans le budget de l’époque — mais qui n’a jamais été mis en vigueur — n’ont pas eu le même avantage que ceux qui n’ont pas agi en ce sens? Quelqu’un qui n’avait pas vendu son portefeuille le 25 juin 2024, mais le vendait le 1er juillet 2024 aurait droit à 1 250 000, soit environ 233 000 de plus en exemption.

M. LeBlanc : Dans ce cas, c’est un choix de politique. C’est une décision prise par le gouvernement pour la mise en œuvre de cette mesure.

Le sénateur Dalphond : On comprend que ceux qui ne se sont pas conformés à ce qui était annoncé et qui ont attendu ont eu un avantage que ceux qui se sont conformés n’ont pas eu. Il me semble qu’on envoie aux contribuables le mauvais message.

M. LeBlanc : La mesure s’est déroulée. C’est le choix qui a été fait par le gouvernement à l’époque.

Le sénateur Dalphond : Peut-être prendre l’engagement de nous envoyer, lorsque vous aurez les chiffres, combien de gens au 25 juin 2024 se sont prévalus...

M. LeBlanc : Premièrement, cela peut prendre un peu de temps. Deuxièmement, les données ne seront pas très spécifiques. Nous aurons une idée de qui a vendu des actifs, qui a réalisé des gains en capital jusqu’au 24 juin et ensuite à partir du 25 juin, mais en termes de jours, ce ne sera pas aussi précis que cela. Il y aura deux périodes pour l’année, l’avant et l’après.

Le sénateur Dalphond : J’essaie de voir s’il y a eu —

M. LeBlanc : C’est le formulaire pour l’année financière 2024. Tout ce que l’agence peut capturer, c’est ce qui est sur le formulaire. Ce sont les configurations du formulaire pour l’année financière 2024. Les données que nous aurons seront en fonction du formulaire, en fait.

Le sénateur Dalphond : Est-ce qu’on peut dire que cela a eu un impact, qu’il y a plus de gens en moyenne qui ont réalisé leur gain en capital avant juillet 2024?

M. LeBlanc : Je peux dire pour l’instant que c’est notre hypothèse en produisant nos estimations, mais ce n’est pas encore clair, parce que nous n’avons pas les données finales pour cette année financière.

Le président : Est-ce qu’il y a eu des poursuites intentées par des contribuables alléguant qu’ils ont été ou auraient pu être induits en erreur par cette politique ou ces changements, autant dans la question de l’inclusion du gain en capital de 66 % plutôt que 50 % que dans la question du montant de l’exemption pour les entreprises?

M. LeBlanc : Je ne peux pas commenter là-dessus.

Le président : Je comprends que vous ne pouvez pas commenter une poursuite, mais vous pouvez dire s’il y en a eu une ou pas.

M. LeBlanc : On devra faire un suivi.

Le président : Pouvez-vous vérifier s’il y a eu des poursuites intentées, la nature de ces poursuites et qui?

M. LeBlanc : On pourra voir, oui.

Le président : Merci.

Sur la question de la taxe de luxe, quand on lit le budget, on dit qu’on a enlevé la mesure, parce qu’elle était inefficiente. Dans les discours et dans les communiqués, nous avons entendu que de percevoir la taxe coûtait plus cher que son bénéfice. Selon ce que vous nous dites aujourd’hui, cela ne semble pas être le cas. Est-ce que vous avez les chiffres quant au coût de percevoir la taxe? Pour les avions, c’est peut-être moins, mais pour les bateaux, c’est quand même plusieurs dizaines de millions de dollars. C’était surprenant de savoir que cela coûtait plus cher de percevoir la taxe que le montant qui était reçu.

M. Coulombe : Ce que je peux vous dire aujourd’hui, monsieur le président, c’est que les coûts d’administration d’une taxe ne sont pas ventilés exactement par catégorie de biens, et cetera. Il y a quand même des coûts globaux pour la taxe dans son ensemble qui demeurent et la taxe de luxe continue à s’appliquer sur les automobiles, les véhicules de luxe de plus de 100 000 $...

Le président : Les avions? Je sais que pour les autos, elle s’applique encore.

M. Coulombe : Je disais plus tôt que nous avons une enveloppe d’environ 390 millions de dollars sur une base annuelle qui comprenait les trois items assujettis à la taxe. La portion de revenu qu’on évalue qui était attribuable aux avions et aux bateaux est d’environ 25 à 30 millions de dollars par année.

Le président : Donc, autant pour les bateaux que pour les avions?

M. Coulombe : Pour les deux ensemble.

Le président : Pour les avions, on nous avait dit qu’il n’y avait pas de revenu, car il ne se vendait plus d’avions. Cela fait du sens.

M. Coulombe : L’évaluation faite par le ministère pour les deux items est décrite dans le tableau récapitulatif du coût des mesures fiscales. En ce qui concerne la taxe de luxe sur les aéronefs et les navires, on prévoit 26 millions de dollars de coût fiscal en 2026-2027, 31 millions de dollars en 2027-2028, 31 millions de dollars en 2028-2029, et 36 millions de dollars en 2029-2030.

Le président : On peut déduire que le coût pour aller chercher cet argent était quand même minime étant donné qu’il y a déjà un système en place pour percevoir la taxe de luxe sur les véhicules, par exemple.

M. Coulombe : Il y avait quand même des règles particulières qui s’appliquaient aux aéronefs et aux navires, mais définitivement, les revenus que je viens de vous lire indiquent que la portion de revenu attribuable à ces deux catégories était vraiment inférieure à ce qui est collecté sur les véhicules...

Le président : Merci.

Sur la superdéduction pour l’équipement, le matériel roulant, le matériel de fabrication et de transformation, je regardais les chiffres d’importation et d’exportation. La grande majorité de cette catégorie est constituée de biens de fabrication utilisés dans des usines pour faire de la machinerie de transformation. Une grande partie, environ 75 %, est importée des États-Unis. À court terme, cette superdéduction bénéficiera aux États-Unis plutôt qu’aux entreprises qui vont investir. Est-ce que vous avez regardé l’impact économique de cette superdéduction sur les Américains comme étant un avantage pour eux ou les exportations? Deuxièmement, est-ce que vous avez pensé à diviser cette superdéduction entre les produits fabriqués au Canada et ceux importés de l’extérieur, surtout des États-Unis?

M. Baylor : Pour répondre à la première partie de votre question, nous avons regardé l’impact sur l’investissement et sur le PIB du Canada. Il y a des chiffres là-dessus dans le budget. Je peux vous y référer. C’était mes collègues dans une autre...

Le président : C’est dans le sens qu’on va améliorer l’équipement, on va être plus efficient, cela va augmenter. Tout cela est à moyen ou long terme. Cependant, à court terme, si j’achète l’équipement fabriqué aux États-Unis plutôt que de l’acheter au Canada, je fais augmenter le PIB des États-Unis et non celui du Canada.

M. Baylor : Comme je l’ai mentionné, il y a un impact au Canada sur l’investissement qui amène des retombées économiques. On a chiffré cela.

Le président : La partie de l’acquisition de l’équipement, cette partie de la productivité, est-ce que vous l’avez calculée en la comparant à ce qui vient des États-Unis, soit la contribution que cela va faire pour l’économie américaine comparativement à si cela avait été acheté et fabriqué uniquement ici au Canada?

M. Baylor : Encore une fois, vous touchez à un domaine qui concerne plus mes collègues du côté macroéconomique et projections économiques. Alors, comme je vous dis, nous, c’était plus l’impact direct sur l’investissement et le détail de la mesure fiscale.

Je peux peut-être répondre à votre deuxième question. Est-ce qu’il y a un ciblage en matière de la déduction pour un produit canadien, une espèce de Buy Canada? Comme vous le savez, il y a certains aspects où ces choses sont explorées. Pour la superdéduction, ce n’est pas quelque chose qui a été envisagé ou qui est proposé à ce stade-ci.

Encore une fois, pour préciser, c’était des mesures qui étaient déjà en place en grande partie et on étend ces mesures. Évidemment, je réalise que le contexte est différent, mais encore une fois, il faut comprendre qu’on prenait des mesures qui étaient déjà en place et on les prolonge de cinq ans. Alors, dans ce cadre, cela n’a pas été revisité.

Le président : Merci.

Cela termine la séance pour ce matin. Nous reprenons exceptionnellement à 18 h 30 ce soir pour continuer l’étude du budget. Merci de votre participation.

(La séance est levée.)

Haut de page