LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 27 octobre 2025
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 heures (HE), pour examiner, afin d’en faire rapport, le cadre réglementaire de la partie VII de la Loi sur les langues officielles; et à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Allister W. Surette (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue, chers collègues. Avant de commencer, je vous invite à prendre connaissance des cartes placées sur les tables dans la salle de comité pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son.
Veuillez garder les oreillettes à l’écart de tous les microphones en tout temps. Ne touchez pas aux microphones. Leur activation et leur désactivation seront contrôlées par l’opérateur de console. Finalement, évitez de manipuler votre oreillette lorsque le microphone est activé.
Bonsoir. Je m’appelle Allister Surette, je suis président du Comité sénatorial permanent des langues officielles et je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Patterson : Rebecca Patterson, sénatrice de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, Saint-Louis-de-Kent, Nouveau-Brunswick.
Le président : Merci. Chers collègues, je tiens à souhaiter la bienvenue aux gens qui sont avec nous ce soir, ainsi qu’à celles et ceux qui nous écoutent à partir du site Web sencanada.ca.
Aujourd’hui, en vertu de l’ordre de renvoi qui nous a été confié par le Sénat le 8 octobre dernier, nous débutons notre étude du cadre réglementaire de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. À cet effet, nous accueillons aujourd’hui des témoins du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
[Traduction]
Nous accueillons Carsten Quell, directeur exécutif, Centre d’excellence en langues officielles, Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines.
[Français]
Nous accueillons également Jean Surette, directeur, Coopération réglementaire, Secteur des affaires réglementaires.
[Traduction]
Nous recevons également Jennifer Brown, directrice, Politique réglementaire et planification, Secteur des affaires réglementaires.
Nous accueillons aussi des représentants du ministère de la Justice du Canada, notamment Robert Dufresne, premier conseiller législatif et sous-ministre adjoint délégué par intérim, Direction des services législatifs, Secteur du droit public et des services législatifs; et Jacinthe Bourdages, directrice et avocate générale, Direction des langues officielles, Secteur du droit public et des services législatifs.
[Français]
Bonsoir à tous et merci d’avoir accepté d’être parmi nous ce soir. Vous disposez d’une période d’environ cinq minutes pour vos remarques préliminaires, qui seront suivies d’une période de questions. Monsieur Quell, vous pouvez commencer votre présentation. La parole est à vous.
Carsten Quell, directeur exécutif, Centre d’excellence en langues officielles, Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci beaucoup pour l’invitation. J’aimerais préciser qu’au Secrétariat du Conseil du Trésor, le travail est partagé avec l’équipe du Centre d’excellence en langues officielles. C’est nous qui menons l’exercice de la création d’un règlement sur la partie VII, tandis que mes collègues Jean Surette et Jennifer Brown sont responsables de la directive du Cabinet sur la réglementation du Secrétariat du Conseil du Trésor.
[Traduction]
Avant d’aborder la réglementation de la partie VII, j’aimerais parler brièvement des nouvelles responsabilités du Conseil du Trésor.
La modernisation de la Loi sur les langues officielles confère au président du Conseil du Trésor un rôle de premier plan dans la mise en œuvre et la coordination de la loi dans son ensemble.
[Français]
Le Secrétariat du Conseil du Trésor, par l’intermédiaire du Centre d’excellence en langues officielles, est responsable d’appuyer le Conseil du Trésor et son président dans ce rôle. Cela se traduit par un rôle accru en matière de gouvernance, où le Secrétariat du Conseil du Trésor est notamment responsable du Comité des sous-ministres adjoints sur les langues officielles.
[Traduction]
Le Centre d’excellence aide les institutions fédérales à comprendre et à respecter leurs obligations en vertu de la loi. Pour ce faire, il collabore avec le Réseau d’échange de pratiques en matière de langues officielles, notamment les personnes responsables de l’application des parties IV, V et VI de la Loi sur les langues officielles. Nous disposons aussi d’un groupe de personnes responsables de la partie VII de la loi. De plus, certaines personnes sont responsables de la formation linguistique et, bien entendu, il y a les champions des langues officielles dans chaque institution fédérale.
Le centre organise également des réunions régulières du comité consultatif et des événements annuels pour communiquer les derniers développements, aborder les défis horizontaux et échanger des pratiques exemplaires.
[Français]
Le Centre d’excellence en langues officielles est responsable d’élaborer, interpréter et réviser les instruments de politique sur les langues officielles du Conseil du Trésor. Ces instruments établissent les exigences pour les institutions fédérales et touchent aux parties IV, V et VI, et plus récemment de la partie VII, soit depuis la modernisation de la loi.
En outre, il fournit des avis et des conseils aux institutions fédérales pour la mise en œuvre de ces instruments.
[Traduction]
Dans le cadre de son rôle élargi en matière de surveillance et de reddition de comptes, le centre dirige l’exercice dans le cadre duquel les institutions fédérales doivent présenter un rapport sur leurs réalisations en matière de langues officielles. Nous analysons les données et préparons le rapport annuel que le président du Conseil du Trésor dépose au Parlement, un rapport qui, bien sûr, comprend désormais les renseignements relatifs à la partie VII.
[Français]
Enfin, la loi prévoit que le Conseil du Trésor, en consultation avec le ministre du Patrimoine canadien, peut recommander au gouverneur en conseil la prise d’un règlement sur la partie VII; c’est de ce règlement que nous parlons aujourd’hui.
En 2024, pour élaborer le règlement sur la partie VII, le Secrétariat du Conseil du Trésor a mené des consultations auprès de 23 organismes des communautés francophones en situation minoritaire, de 17 organismes des communautés anglophones du Québec, du Commissariat aux langues officielles et des institutions fédérales; il a aussi maintenu un dialogue avec les représentants des provinces et des territoires.
[Traduction]
À la suite de ces consultations, nous avons procédé à l’analyse de chaque contribution et élaboré des propositions réglementaires, en étroite collaboration avec le ministère de la Justice et le ministère du Patrimoine canadien.
[Français]
Le travail s’est effectué en tentant d’équilibrer les différentes perspectives, et avec le souci de ne pas outrepasser les pouvoirs réglementaires tels que circonscrits par la loi.
[Traduction]
Conformément à l’article 85 de la loi, le président du Conseil du Trésor déposera devant la Chambre des communes le projet de règlement proposé.
Les propositions dont nous avons discuté avec des intervenants coïncident étroitement avec les éléments clés de la partie VII de la loi.
Il s’agit notamment de l’obligation de prendre des mesures positives, des analyses que les institutions fédérales doivent effectuer pour étayer leurs décisions, des activités de dialogue et de consultation prévues par la loi, de la promotion des dispositions relatives aux langues officielles dans les accords fédéraux-provinciaux-territoriaux, ainsi que des mécanismes d’évaluation et de surveillance auxquels les institutions fédérales sont tenues de se conformer.
[Français]
Le dépôt à la Chambre n’est pas la fin du processus. La loi prévoit en effet que ce dépôt doit être suivi d’une période d’au moins 30 jours de séances de la Chambre avant que le projet de règlement ne soit publié dans la Gazette du Canada.
Enfin, l’article 86 de la loi précise que, une fois publié dans la Gazette du Canada, le projet de règlement ne peut entrer en vigueur qu’à la suite d’une nouvelle période d’au moins 30 jours de séances où, le Sénat et la Chambre siégeront cette fois simultanément.
Cela nous donnera donc une période où les discussions et l’examen des propositions pourront se poursuivre et où les parlementaires, les intervenants et le grand public pourront réagir au texte réglementaire proposé.
En terminant, j’aimerais souligner l’importante contribution et la collaboration que nous avons reçues des principaux intervenants en matière de langues officielles tout au long de cet exercice. Leur apport a été considérable et plusieurs de leurs intrants sont au cœur des propositions contenues dans le projet de règlement qui vise à mieux encadrer la façon par laquelle les institutions fédérales doivent s’y prendre pour respecter les obligations de la partie VII.
Pour nous assurer d’une mise en œuvre complète et cohérente de la loi, nous travaillons aussi en étroite collaboration avec nos partenaires du ministère du Patrimoine canadien.
[Traduction]
L’adoption du règlement n’est qu’une étape de la mise en œuvre complète de la partie VII de la loi. Le règlement sera suivi d’autres instruments, comme une directive et des outils, au sujet desquels les intervenants seront également consultés.
[Français]
Je vous remercie de votre attention.
Le président : Monsieur Quell, je vous remercie de votre déclaration. La parole est à vous, maître Bourdages et monsieur Dufresne.
Me Jacinthe Bourdages, directrice et avocate générale, Direction des langues officielles, Secteur du droit public et des services législatifs, ministère de la Justice Canada : Bonjour. Merci pour l’invitation à comparaître et merci pour la présentation. Mon collègue et moi allons partager le temps qui nous est alloué. Je vais vous parler du rôle en matière de langues officielles que joue Justice Canada, qui est un rôle en matière de services consultatifs, d’orientation et de gouvernance. Puisque le ministre de la Justice du Canada est le conseiller juridique officiel du gouvernement, Justice Canada fournit des services de conseils et d’orientations au gouvernement et aux ministères fédéraux et agences fédérales en matière de langues officielles et d’accès à la justice dans les deux langues officielles.
En matière de gouvernance, Justice Canada conjugue ses efforts à ceux des autres ministères clés, notamment le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Patrimoine canadien, afin d’assurer un partage efficace de l’information relative à la conformité des politiques, des programmes, des initiatives et des documents gouvernementaux liés à la gouvernance en matière de langues officielles.
Le Comité des sous-ministres adjoints sur les langues officielles (CSMALO), qui regroupe près d’une trentaine d’institutions fédérales, est coprésidé par Justice Canada, le Secrétariat du Conseil du Trésor, Patrimoine canadien et le Bureau du Conseil privé.
Le CSMALO, sous la responsabilité du dirigeant principal des ressources humaines du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, constitue un élément central de la structure de gouvernance du Programme des langues officielles. Le CSMALO est responsable d’appuyer et de surveiller l’élaboration des programmes et des politiques en matière de langues officielles et il contribue à favoriser une approche pangouvernementale visant le respect des obligations liées aux langues officielles.
[Traduction]
Le Conseil du Réseau des champions des langues officielles et le Réseau ministériel des coordonnateurs de l’article 41 de la partie VII de la Loi sur les langues officielles constituent d’autres exemples de l’engagement continu du ministère de la Justice.
L’article 41 prévoit plusieurs engagements du gouvernement fédéral, notamment celui de favoriser l’épanouissement des minorités linguistiques francophones et anglophones du Canada. Le Conseil du Réseau des champions des langues officielles est une organisation horizontale du gouvernement du Canada au sein de laquelle les ministères, les organismes, les sociétés d’État et les conseils fédéraux régionaux travaillent de concert à l’avancement et à la promotion du Programme des langues officielles.
Il a pour mandat d’agir, au sein du gouvernement du Canada, à titre d’agent d’influence en matière de langues officielles, de mobiliser les administrateurs généraux et les administratrices générales ainsi que les champions et championnes des langues officielles dans le but de promouvoir des approches communes et de veiller à ce que les langues officielles occupent une place de premier plan à l’échelon de la haute direction.
Le Réseau 41 de Justice Canada vise notamment à assurer la liaison avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’échelle du Canada, à établir des liens avec des organismes communautaires et à veiller à une mise en œuvre efficace de l’article 41 de la Loi sur les langues officielles.
[Français]
Robert Dufresne, premier conseiller législatif et sous-ministre adjoint délégué par intérim, Direction des services législatifs, Secteur du droit public et des services législatifs, ministère de la Justice Canada : Bonsoir. Je vais vous parler brièvement du rôle du ministère de la Justice en matière de rédaction réglementaire. Le ministère de la Justice est doté d’une Direction des services législatifs qui offre des services de rédaction législative et réglementaire. Les ministères parrains font appel à nos services lorsqu’ils souhaitent proposer des modifications législatives ou réglementaires.
La rédaction des lois et règlements fédéraux se fait dans les deux langues officielles et tient compte de la coexistence de systèmes de droit civil et de common law au pays.
La partie II de la Loi sur les langues officielles exige par ailleurs que les lois et règlements fédéraux soient adoptés, imprimés et publiés dans les deux langues officielles. Le processus réglementaire est bien défini et encadré par des politiques et directives du Secrétariat du Conseil du Trésor, notamment la Directive du Cabinet sur la réglementation et la Politique sur l’élaboration de la réglementation.
L’élaboration des orientations relève d’abord et avant tout du ministère parrain, appuyé par ses services juridiques. C’est donc au sein du ministère parrain que sont faits les choix en matière de politiques ou orientations et les choix d’instruments de mise en œuvre.
Les services de rédaction du ministère de la Justice transposent ensuite les orientations en texte juridique. Dans le cas de la rédaction de règlements, cette transposition signifie, bien entendu, de tenir compte de la portée des pouvoirs réglementaires que le législateur — le Parlement — a conférés.
La rédaction se fait également, dans la mesure du possible, conformément à des normes et pratiques rédactionnelles, qui visent à assurer la clarté, la prévisibilité et la cohérence des textes juridiques fédéraux. Ces pratiques sont importantes pour l’intelligibilité de la règle de droit.
Une fois la rédaction terminée, y compris la révision, le projet de règlement est estampillé, ce qui indique que l’examen prévu à la Loi sur les textes réglementaires a eu lieu.
[Traduction]
L’examen des règlements est une obligation énoncée au paragraphe 3(2) de la Loi sur les textes réglementaires, en vertu de laquelle un examen des points suivants est effectué à l’égard des projets de règlement:
a) le règlement est pris dans le cadre du pouvoir conféré par sa loi habilitante;
b) il ne constitue pas un usage inhabituel ou inattendu du pouvoir ainsi conféré;
c) il n’empiète pas indûment sur les droits et libertés existants et, en tout état de cause, n’est pas incompatible avec les fins et les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Déclaration canadienne des droits;
d) sa présentation et sa rédaction sont conformes aux normes établies.
Dans le cas d’un règlement du gouverneur en conseil — comme c’est le cas pour les pouvoirs réglementaires de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles —, il est par la suite pris, lorsque le gouverneur général prend le décret, suite à sa présentation à une réunion du Conseil du Trésor. Il est alors transmis au greffier du Conseil privé pour enregistrement dans les sept jours de sa prise et publié dans la Gazette du Canada, partie II.
Pour ce qui est des projets de règlement, ils sont normalement publiés au préalable dans la Gazette du Canada, partie I, à des fins de consultation. Cependant, comme mon collègue l’a indiqué, dans le cas de la Loi sur les langues officielles, il faut au préalable que l’avant-projet de règlement soit déposé au Parlement, tel que le mentionne le Secrétariat du Conseil du Trésor.
En terminant, il convient de rappeler un élément important quant au rôle du ministère de la Justice en matière de rédaction des règlements, à savoir qu’une fois que le cadre des autorités habilitantes a été établi par le Parlement, la décision de réglementer ou non et le choix des orientations à mettre en œuvre par voie de règlement relèvent de l’autorité réglementaire — et en pratique, de ce que le ministère parrain met de l’avant.
C’est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
[Français]
Le président : Merci. Nous allons maintenant passer à la période des questions. Je propose cinq minutes pour la question et la réponse.
La sénatrice Poirier : Merci d’être ici. J’ai quelques questions. Les gens attendent avec impatience la prise de règlements. Pouvez-vous partager avec nous les raisons qui expliquent le retard?
M. Quell : Je ne considère pas la situation dans laquelle nous nous trouvons comme un retard. Le règlement prend un certain temps à élaborer et les consultations doivent prendre fin, ce qui est le cas.
Par la suite, il y a un travail à faire avec le ministère de la Justice qui est basé sur les intrants des intervenants, le pouvoir réglementaire; nous sommes donc tout à fait dans les eaux régulières de ce à quoi l’on peut s’attendre pour un règlement.
La sénatrice Poirier : Si je me rappelle bien, dans le projet de loi, les réglementations ne devaient-elles pas être en place l’an dernier?
M. Quell : Cela dépend de l’énoncé auquel vous faites référence.
La sénatrice Poirier : Il me semble que c’était au mois de juin que les réglementations du projet de loi disaient que les réglementations étaient censées être en place. C’est la raison pour laquelle je parlais d’un retard, parce qu’on est maintenant en retard.
M. Quell : Pour ce qui est du règlement, nous avons de l’expérience avec le règlement sur la partie IV, que nous avons élaboré en 2019, et le travail sur ce règlement a pris trois ans.
La sénatrice Poirier : Cela va à l’encontre du projet de loi. J’ai posé la question au représentant du gouvernement au Sénat au mois de juin, et il ne savait pas si la date à laquelle le règlement était censé être en place approchait.
Selon les renseignements que vous nous avez fournis, êtes‑vous en mesure de nous dire à quel moment on peut s’attendre à ce que le règlement soit déposé au Parlement?
M. Quell : Je ne peux pas présumer du moment où le règlement — pas en ce moment. Il revient au gouverneur en conseil de décider à quel moment le règlement sera déposé.
La sénatrice Poirier : Vous ne savez pas à quel point vous en êtes dans la démarche pour que le règlement soit déposé?
M. Quell : Comme je viens de le dire, nous avons terminé les consultations avec les intervenants. Nous sommes à l’étape de l’analyse des intrants que nous avons reçus. Nous sommes en consultation à la fois avec le ministère du Patrimoine canadien, avec qui il faut prendre le règlement en consultation, et le ministère de la Justice, bien évidemment. Nous fournissons des avis et des conseils à notre ministre et, par la suite, une décision sera prise par rapport au moment où le règlement sera déposé.
La sénatrice Poirier : Mais on ne sait pas quand. Merci.
Le sénateur Cormier : Bienvenue et merci d’être là. Évidemment, notre objectif aujourd’hui est d’essayer de comprendre tous les enjeux qui entourent la prise de règlements. On a bien lu et compris les différentes étapes, mais en fait, comme on le dit dans notre métier, c’est dans les détails que se trouvent beaucoup d’enjeux entourant les définitions pour bien comprendre jusqu’où le Conseil du Trésor et les partenaires voudront bien aller.
Je fais référence au paragraphe 41(10.4) de la loi, qui touche les accords entre le fédéral et les provinces et territoires sur ce qu’on pourrait appeler les clauses linguistiques; j’aimerais obtenir plus de précisions sur ce que le règlement contiendra comme articulation et comme définitions autour de cela.
Je songe également au paragraphe 41(11), qui touche les modalités d’exécution. En fait, il y a deux termes qui m’interpellent beaucoup puisque le paragraphe 41(11) parle de « fixer les modalités d’exécution des obligations que la présente partie [impose aux institutions fédérales] ».
Qu’est-ce qu’on entend par « modalités d’exécution »? Quelles sont ces modalités d’exécution, en fait?
Aussi, en vertu de l’article 3.1 de la Loi sur les langues officielles, qui porte sur les définitions et interprétations, de quelle manière les principes d’interprétation de l’article 3 seront‑ils pris en compte dans l’élaboration du règlement? Je veux dire évidemment que les droits linguistiques doivent être interprétés d’une façon large et libérale, selon ces principes qui émanent de la jurisprudence. Essayez d’être précis. Ma préoccupation porte sur les définitions et sur la manière dont elles vont se traduire concrètement dans le règlement.
M. Dufresne : Merci pour votre question. D’abord, de manière générale, j’aimerais simplement établir qu’au ministère de la Justice, notre client et tout ce qui concerne les avis juridiques qu’on leur rend sont couverts par le secret professionnel de l’avocat. Cela étant dit, je peux peut-être répondre à votre question sur la base de principes plus généraux.
Lorsqu’on réglemente, on s’assure de respecter le cadre réglementaire prévu dans la loi dont les termes sont normalement choisis avec assez de précision lors de la rédaction du projet de loi lui-même. C’est la pratique de chercher à rester à l’intérieur des autorités habilitantes et de ne pas chercher à définir des termes qui pourraient entraîner une expansion ou une contraction de ce qui est prévu dans la loi. C’est en phase avec ce que la jurisprudence prévoit, si on veut. Cette pratique est une pratique gouvernementale.
[Traduction]
C’est une interprétation de cette notion, si vous voulez, et le guide pour l’élaboration des lois et règlements fédéraux stipule essentiellement que la loi mère est une forme de contrainte juridique quant à ce qui peut être fait par voie de réglementation.
[Français]
Le sénateur Cormier : Je veux juste bien comprendre. Vous traduisez donc en termes juridiques les orientations.
M. Dufresne : On transpose.
Le sénateur Cormier : Vous transposez en termes juridiques les orientations du ministère parrain. Par exemple, sur la question des mesures positives, comment traduisez-vous sur le plan juridique les orientations que le ministère ou le Conseil du Trésor et ses partenaires veulent prendre? En d’autres mots, jusqu’à quel point avez-vous besoin de mieux comprendre quelles sont les mesures positives, comment seront-elles interprétées et comment cela va-t-il se traduire en termes juridiques dans la réglementation?
M. Dufresne : Ce que je cherche à dire, c’est qu’en l’absence d’un pouvoir réglementaire précis qui nous permettrait de définir ou d’ajouter des éléments à la loi, les mesures positives... Les règles prévues dans la loi seront le cadre juridique de ce que seront ces mesures positives. Le pouvoir prévu dans la loi, si je me souviens bien, c’est de fixer les modalités d’exécution.
Le sénateur Cormier : Les modalités d’exécution.
M. Dufresne : Donc, on parle d’établir la façon dont on se conforme à ces obligations.
Me Bourdages : Je vais vous donner un exemple pour ce qui est des définitions.
Vous savez, lorsque le projet de loi C-13, qui a modernisé la Loi sur les langues officielles, la LLO, a été adopté, il a aussi édicté une nouvelle loi, la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale, qu’on appelle la LUFEP pour faire plus court. Donc, dans la LUFEP, il y avait des pouvoirs expressément pour définir des termes qui étaient utilisés dans la loi. On n’a pas cela dans la LLO modernisée. On l’a dans la LUFEP. Je vous renvoie à l’article 33 de cette loi. Cela vient dire spécifiquement que le règlement pourra définir certains termes, comme « région en présence francophone », « consommateurs », « employés », « grand nombre d’années de service », « près de la retraite », « traité défavorablement ». C’est un peu pour vous montrer une opposition, c’est-à-dire qu’on n’a pas cela dans la Loi sur les langues officielles.
Le sénateur Cormier : Je comprends. Je posais ma question au Conseil du Trésor. Pour qu’eux rédigent les textes juridiques, il faut que les orientations soient clairement définies. Comment le Conseil du Trésor entend-il définir la question des mesures positives, la question des modalités d’exécution et toutes ces notions qui sont là, qui sont pour nous assez vagues pour l’instant et qui ne nous permettent pas d’imaginer comment le règlement sera articulé et mis en œuvre? Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur ces définitions?
M. Quell : Tout ce que je peux dire, c’est qu’il n’y a pas de définition qu’on pourra donner dans le règlement justement pour les raisons qui viennent d’être évoquées.
Ce qui est prévu, c’est un processus par lequel les institutions fédérales doivent passer afin d’évaluer les actions qu’elles comptent prendre, donc mettre en place un programme, une politique ou une initiative, par exemple. Pour tout cela, elles devront passer par une consultation, un dialogue. Donc, le règlement pourrait apporter des précisions par rapport aux façons de tenir une bonne consultation, par exemple.
Ensuite, il y a la question de l’analyse qui doit être complétée par l’institution. Vous avez évoqué la question des dispositions ayant trait aux langues officielles dans les accords avec les provinces et les territoires. La loi exige de favoriser l’inclusion de ces dispositions. Il est question ici de déterminer comment le gouvernement fédéral va renseigner son partenaire provincial ou territorial sur la possibilité d’avoir des clauses linguistiques.
Ensuite, il y a, conformément à la loi, une exigence par rapport à des mécanismes d’évaluation et de surveillance. Donc, là encore, l’institution fédérale devra prouver quelles mesures ont été prises dans le cadre de l’analyse. Cela revient au Secrétariat du Conseil du Trésor de faire rapport sur les mesures qui ont été prises par les institutions fédérales, notamment sur la réalisation des objectifs de la loi. Comme je l’ai dit dans mes mots d’ouverture, chaque année, on demande aux institutions fédérales une reddition de comptes.
Dans le cadre de cet exercice, on leur demandera comment elles ont mis en œuvre les dispositions d’un éventuel règlement.
La sénatrice Gerba : La partie VII prévoit que c’est le Conseil du Trésor qui va vérifier et coordonner la mise en œuvre des règlements, ou plutôt s’assurer que les ministères appliquent bien les règlements. Pourriez-vous nous expliquer quelle sera la méthode qui sera utilisée par le Secrétariat du Conseil du Trésor pour vérifier que les ministères appliquent les règlements en question?
M. Quell : Je vais me référer au processus en place. Le cadre réglementaire de la partie VII n’est pas encore en place, mais la partie IV l’est. Cela commence avec le soutien que l’on fournit aux institutions fédérales. Il faut d’abord enseigner leurs obligations aux institutions. J’ai parlé des différents réseaux qui existent au sein des institutions fédérales. C’est très important que les gens qui travaillent dans les ministères, tant ceux qui travaillent au niveau inférieur que les champions des langues officielles, soient à l’affût des obligations de leur ministère. Nous sommes responsables d’aider les institutions à bien comprendre ces obligations.
Par la suite, nous avons un exercice qui s’appelle les bilans annuels. Les institutions fédérales doivent répondre à un questionnaire qui leur est envoyé par le Secrétariat du Conseil du Trésor et fournir des pièces justificatives au besoin. C’est un exercice de reddition de comptes. Les résultats agrégés de cet exercice se retrouvent dans le rapport annuel déposé par le président du Conseil du Trésor.
La sénatrice Gerba : Merci. Si je comprends bien, c’est la même méthode que vous avez en ce moment que vous comptez appliquer. Avez-vous d’autres moyens? Y a-t-il des formations, des rencontres? Anticipez-vous certaines choses?
M. Quell : Absolument. Il est évident que nous avons des rencontres régulières. La plupart des rencontres sont virtuelles. On a un réseau comptant environ 500 personnes au sein des institutions fédérales. Souvent, j’ai des rencontres avec les PDG et les administrateurs généraux des institutions qui viennent d’être nommés. Je les rencontre et je passe à travers toutes les obligations prévues dans la loi. Bien sûr, je mets l’accent sur les obligations contenues dans la partie VII. On a des contacts réguliers avec les institutions fédérales pour les conscientiser et leur faire comprendre qu’on frappera à leur porte et qu’on demandera des preuves pour qu’elles nous montrent comment elles ont répondu à leurs obligations.
La sénatrice Gerba : Au chapitre des communautés minoritaires, avez-vous aussi une méthode de consultation établie?
M. Quell : Absolument. Grâce au processus du cadre réglementaire de la partie VII, on a eu plusieurs rencontres avec une panoplie d’organismes communautaires. Ce qui est aussi important, c’est d’amener tous les intervenants des communautés minoritaires devant les décideurs des institutions fédérales. On organise donc des rencontres avec nos collègues à Patrimoine canadien.
Pour un ministère, il est important de comprendre la réalité des communautés minoritaires. Ce n’est pas chose facile. Ce n’est pas nécessairement tout le monde qui a cette connaissance. Par exemple, on fait participer les représentants des communautés minoritaires à une journée de dialogue où la communauté explique ses besoins et les défis auxquels elle fait face. L’institution fédérale est capable d’écrire son mandat et de décrire leur potentiel. C’est là où l’arrimage se fait entre le gouvernement fédéral et les instances communautaires sur des choses très concrètes.
La sénatrice Gerba : Cela se fait-il en amont?
M. Quell : Oui.
La sénatrice Gerba : Avant la préparation des règlements?
M. Quell : Ce qui est prévu sur la base des propositions sur lesquelles nous avons consulté les intervenants, c’est justement qu’il est très important d’avoir des rencontres en amont sur les actions que prendra une institution fédérale. Il est certain qu’il y aura toujours une rétroaction.
Si les rencontres ont lieu chaque année, cela donnera l’occasion à la fois de regarder en arrière, de dire ce qui a bien fonctionné ou non et de tourner son regard vers l’avenir pour que cela fonctionne encore mieux.
La sénatrice Gerba : Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Patterson : Je vais revenir aux définitions. Si je comprends bien, c’est vraiment le cadre réglementaire que vous allez définir ensemble, lequel est assez vague — je dis vague parce que nous aimons les formulations précises, mais nous savons que cela ne fonctionne pas très bien au plus haut niveau de la réglementation.
Ce que j’aimerais examiner, c’est l’ensemble des relations interprovinciales — les relations fédérales-provinciales. Lorsque vous créez des définitions et que certaines provinces invoquent la clause dérogatoire pour de nombreuses questions linguistiques — et vous parlez ici des entreprises privées et des entreprises sous réglementation fédérale —, comment envisagez‑vous l’intégration de ces définitions dans le cadre réglementaire du point de vue du temps nécessaire à leur élaboration et de la durée prévue des négociations? Je prends l’exemple du Québec, mais cela pourrait vraiment être n’importe quelle province. Nous savons qu’il y a eu des discussions à propos de l’utilisation de la clause dérogatoire relativement à certains droits, tels que les droits linguistiques des Canadiens.
Mme Bourdages : Je voudrais faire la distinction entre la Loi sur les langues officielles et les entreprises privées sous réglementation fédérale, qui sont assujetties à une autre loi, laquelle prévoit des pouvoirs réglementaires très précis pour définir une multitude de formes d’expression. Dans le cas de cette loi, le règlement pourra fournir des définitions très précises, car le pouvoir réglementaire pour le faire existe. Dans le cas de la Loi sur les langues officielles, la situation est un peu différente pour les raisons évoquées par mon collègue. Par conséquent, nous ne disposons pas du même pouvoir réglementaire. Pour cette raison, il est possible que le règlement soit perçu comme une expansion ou une contraction de la portée de la loi, car les mots employés dans une loi ont un sens, même s’ils ne sont pas définis dans le texte de loi.
Si vous me le permettez, j’aimerais revenir sur la question que le sénateur Cormier a posée au sujet des mesures positives.
[Français]
Concernant les mesures positives, je comprends qu’il peut y avoir un appétit pour une définition claire depuis plusieurs années. Toutefois, on en sait beaucoup plus sur les mesures positives que sous l’ancienne loi. Sous cette dernière, il y avait peut-être une ou deux fois où ces termes étaient utilisés et c’était tout. Maintenant, sans définir ce qu’est une mesure positive, la loi utilise l’expression plusieurs fois. On a même des exemples de ce qui peut constituer des mesures positives au paragraphe 41(6). Ainsi, sans avoir une véritable définition arrêtée et exhaustive, on a des exemples. Il pourrait y avoir autre chose où il y aurait plus de précisions. C’est quand même une avancée pour les intervenants comparativement à la situation qui prévalait dans l’ancienne Loi sur les langues officielles.
[Traduction]
La sénatrice Patterson : Je vous remercie de vos réponses. Elles contribuent à clarifier les choses.
Comme vous l’avez dit, même la création du cadre général nécessitera certaines consultations. La tenue de consultations approfondies avec tous les intervenants exige un certain temps. Pensez-vous que cela risque de compromettre votre calendrier, même si cela prend trois ans, comme vous l’avez dit tout à l’heure?
M. Quell : Je ferais peut-être une distinction entre le processus d’élaboration du règlement et le processus de consultation qui sera mis en place une fois que le règlement aura été adopté.
L’élaboration du règlement est un processus ponctuel. Le règlement de la partie IV est révisé tous les 10 ans, mais une fois que les règlements ont été élaborés, il ressort clairement de nos discussions avec les intervenants des communautés de langue officielle en situation minoritaire qu’ils s’inquiètent de l’efficacité des consultations, car leurs ressources sont également limitées. Ce que nous les avons entendus dire, c’est que lorsque nous les consultons, nous devons les informer à l’avance de la date de la consultation afin qu’ils puissent se préparer, leur fournir à l’avance les données au sujet desquelles nous allons les consulter, leur expliquer ces données, les écouter, puis faire en sorte que tout ce travail ne tombe pas dans l’oubli. Ils veulent entendre parler de nous par la suite. C’est une bonne pratique. Un rapport sur ce que nous avons entendu fait souvent partie du processus de consultation.
Il s’agit là de mécanismes qui, nous l’espérons, ne ralentiront pas le processus, mais qui mèneront plutôt à des mesures positives mieux adaptées aux besoins et à la portée de la nouvelle partie VII.
La sénatrice Patterson : Je vous remercie. Oui, ce sont là des pièces du casse-tête, et vous m’aidez vraiment à comprendre comment elles s’emboîtent.
[Français]
La sénatrice Moncion : Il y a certaines choses que vous avez mentionnées qui m’inquiètent un peu.
Maître Bourdages, vous venez de parler de mesures positives et vous avez donné quelques exemples. Monsieur Dufresne, vous avez dit que dans le règlement, il n’y a pas de définition des mesures positives — je l’ai pris en note quand vous l’avez dit.
Maintenant, si on parle de mesures positives sans définition, on parle seulement d’exemples, et souvent, ce n’est pas nécessairement suivi. Est-ce que je me trompe en disant cela, ou bien y aura-t-il des définitions quelque part?
M. Dufresne : Si je peux me permettre, d’abord on n’a pas de règlement devant nous, donc il n’y a pas de définition; on parle du « pouvoir de définir », de pouvoir, si l’on veut, préciser ou ajouter des choses à la loi ou... Le « pouvoir de définir », c’est un pouvoir d’établir le champ d’application quelque part.
C’est pour cela que, en l’absence de pouvoir explicite dans la loi, ce pouvoir n’est pas exercé. Si l’on se retrouvait devant le tribunal, la conséquence de l’exercer serait qu’elle se ferait invalider. Donc, il y a un jeu important de respect du cadre législatif.
Ma collègue mentionnait qu’il y a des précisions qui sont dans la loi, donc ce n’est pas complètement non régi. Il y a de la terminologie de ce genre dans certaines lois qui sont moins claires; on peut le faire, on peut présenter des bulletins d’interprétation, des choses comme cela. Cependant, si on n’a pas les pouvoirs pour le faire, cela ne veut pas dire que la solution est réglementaire, car elle est de légiférer dans un cas comme celui-ci.
La sénatrice Moncion : Je vous remercie.
Monsieur Quell, vous avez parlé des rapports annuels présentés par les différentes institutions. Combien en recevez‑vous au total par rapport au nombre d’institutions?
D’abord, combien y a-t-il d’institutions qui doivent vous envoyer un bilan annuel, et combien le font réellement?
M. Quell : Il y a environ 180 institutions fédérales, et en ce moment, nous avons instauré un cycle de deux ans, donc une institution fédérale doit nous rendre des comptes aux deux ans. Certaines institutions doivent le faire chaque année.
Est-ce qu’on reçoit un rapport de chaque institution fédérale? Je n’ai pas les données devant moi, mais c’est un très petit nombre d’institutions qui ne fournit pas de bilan annuel. D’ailleurs, les bilans annuels qui nous sont envoyés sont aussi partagés avec votre comité.
La sénatrice Moncion : Oui, et c’est pour cela que je vous pose la question, car selon ce que je comprends, c’est le contraire : il y a un très petit nombre d’institutions qui fournissent le bilan et il y en a un très grand nombre qui ne le fournissent pas.
M. Quell : Je vais vérifier.
La sénatrice Moncion : Merci; je ne voudrais pas non plus induire les gens en erreur.
L’autre question vient aussi affecter le rapport annuel présenté par le Conseil du Trésor. Donc, s’il y a possiblement une dizaine d’institutions qui présentent leurs rapports, le rapport qui est coprésenté par le Conseil du Trésor est-il également erroné?
M. Quell : Je dirais qu’on devra vous revenir avec une réponse. Cependant, la très grande majorité des institutions fédérales se conforment à cette exigence et nous fournissent un rapport quand l’exige le Conseil du Trésor.
La sénatrice Moncion : Entre le rapport et ce qui se fait réellement, est-ce que vous vérifiez le contenu, ou est-ce que vous faites des vérifications avec les différentes institutions pour vous assurer que ce qui est écrit dans les rapports tient la route?
M. Quell : Oui, c’est ce que nous faisons. On envoie un questionnaire et on reçoit les réponses. Si on a des doutes sur les réponses, on demande des pièces justificatives; c’est aussi simple que cela.
Par exemple, le rapport annuel du Conseil du Trésor contient de bonnes pratiques. On demande aux institutions fédérales : « Vous conformez-vous aux exigences? Est-ce que vous avez de bonnes pratiques à suggérer? » Puis, il y a des encadrés qui sont partagés avec tout le public, surtout entre les institutions fédérales qui donnent une idée de ce qui peut être fait pour faire une bonne offre active, donc le « Hello, bonjour », par exemple.
Dans le cadre de la partie VII, c’est la même idée que tout récemment et la semaine dernière. J’ai parlé avec une petite institution et il est sûr qu’une petite institution d’une cinquantaine d’employés et une institution de 20 000 employés ont des moyens, des mandats et des capacités différentes. Donc, on essaie d’amener les petites institutions à se réunir et à discuter, étant donné leur taille et peut-être leur emplacement, et de voir ce qu’elles peuvent faire et comment elles peuvent s’inspirer l’une et l’autre sur les actions à prendre pour se conformer à la loi et la mettre en œuvre, avec non seulement un œil sur l’obligation, mais aussi la volonté de faire la bonne chose.
La sénatrice Moncion : Merci.
Je vais changer de sujet et revenir aux questions posées par le sénateur Cormier, qui a parlé justement du paragraphe 41 (10.4), où l’on traite de l’accord et des clauses linguistiques.
Encore là, dans les commentaires que vous avez faits, vous avez plutôt indiqué que ce n’était pas imposé, mais que c’était favorisé — ce sont à peu près les mots que vous avez utilisés —, c’est-à-dire qu’on incite, mais qu’on ne peut pas imposer?
M. Quell : Je crois que le libellé dans la loi parle de favoriser l’inclusion de clauses linguistiques. Donc, il est certain que le règlement va donner plus de détails là-dessus. Ce n’est pas que le gouvernement fédéral ne peut pas ou ne veut pas nécessairement imposer des clauses linguistiques.
C’est dans le cadre des négociations que l’institution fédérale doit être au courant de l’impact qu’une entente pourrait avoir sur les communautés minoritaires et sur leurs besoins. Je dirais plus largement que cela couvre tout ce que la partie VII prévoit, y compris la promotion et la protection de la langue française. Donc, cela permet de se faire une tête sur l’impact et les possibilités d’une telle entente et, pendant dans les négociations, de faire la promotion de cette idée et d’amener le partenaire à réfléchir sur la possibilité d’avoir des clauses linguistiques qui aideront à mettre en œuvre la partie VII.
La sénatrice Moncion : On s’entend pour dire que très souvent, pour les francophones en milieu minoritaire, on voit tout cela comme des vœux pieux. Lorsqu’il s’agit de mettre réellement en place des mesures pour transférer des fonds, cela ne se fait pas tout le temps.
Ils y ont pensé, mais ils ne sont peut-être pas allés jusqu’au bout dans la mesure obligatoire. Comme vous le savez, c’est là où le bât blesse, du côté des communautés de langue officielle, qui sont souvent défavorisées parce qu’elles n’ont pas les ententes et ne reçoivent pas les fonds qui leur permettraient de croître.
Je comprends la position du gouvernement fédéral, qui ne veut rien imposer à ses partenaires. Je trouve que cela met les communautés de langue officielle en situation minoritaire, peu importe si elles sont au Québec ou ailleurs au Canada, dans une position difficile. Je vous remercie.
Le sénateur Cormier : Vous allez me trouver obsédé par la question des définitions, mais j’aimerais que le Conseil du Trésor m’explique quelque chose.
Vous avez un rôle, soit celui de coordonner la mise en œuvre. Vous êtes également responsables de discuter avec les institutions fédérales et de leur dire qu’elles ont la responsabilité de nous faire rapport. On comprend ça : c’est comme une espèce de coordination de la mise en œuvre.
Par contre, si on pense aux critères à prendre en considération pour définir les règlements et le contenu d’un règlement, quelle est votre part dans le contenu au moment de l’élaboration du règlement? Selon quels critères, par exemple, les définitions contenues dans le règlement sont-elles développées? Qui fait cela? Qui élabore les critères?
Maître Bourdages, vous avez donné des exemples de mesures positives qui sont contenues dans la loi, mais il faut, à un moment donné, définir certains critères. Qui fait cela? Est-ce vous? Est-ce le Conseil du Trésor? Avez-vous essentiellement un rôle de coordination?
Je voudrais comprendre cela plus précisément.
M. Quell : Il est certain qu’au début du processus, il y avait une partie VII beaucoup plus élaborée que celle qui existait auparavant. Essentiellement, la question est donc de savoir comment on développe un nouveau règlement. La loi nous donne déjà une structure. Ma collègue a parlé d’exemples de mesures positives. Cela nous donne une idée. Avec cette idée, j’ai élaboré cinq grandes trames du règlement, notamment l’action en soi — donc prendre des mesures positives, mais aussi éviter des impacts négatifs —, la question de l’analyse, la question de la consultation et du dialogue, les ententes avec les provinces et territoires et les mécanismes de surveillance et d’évaluation.
On a rédigé des propositions réglementaires; avec celles-ci, on est allé voir les intervenants, les groupes francophones et anglophones, et le commissariat aux langues officielles, qu’il ne faut pas oublier, et on leur a fait part de ces propositions. Ces intervenants nous ont fait parvenir leurs propres souhaits, leurs désirs, leurs intrants. C’était donc un processus itératif où l’on consulte sur la base de quelque chose qu’on nous a proposé. Il y a des intrants qui arrivent et nous modifions nos propositions par la suite.
Le sénateur Cormier : Je ne veux pas faire dans la caricature, mais en général, c’est quand il y a un recours judiciaire et qu’il y a de la jurisprudence que l’on comprend tout d’un coup et que l’on fait une interprétation plus précise de certains éléments.
Est-ce à dire que, dans ce cas-ci, c’est encore de cette manière qu’on arrivera à mieux comprendre ou mieux connaître non seulement les modalités d’implication, mais l’impact d’une définition contenue?
Comme vous le savez, les communautés réclament plus de clarté. Vous avez parlé plus tôt de clarté, de prévisibilité et de cohérence. C’est là la grande préoccupation dans la prise de règlement, c’est-à-dire qu’il faut s’assurer que quelqu’un s’occupe de préciser les critères permettant de comprendre les choses plus clairement, pour qu’on n’ait pas à aller en cour et à attendre trois ans avant d’avoir une définition. C’est le sens de ma question. Est-ce que vous pouvez y répondre?
Me Bourdages : Je veux revenir sur le choix des instruments. Lorsqu’il est temps de rédiger un règlement, on a différents choix. Il y a une loi, un règlement, des outils administratifs, des guides et des directives politiques. Il y a différents choix qui s’offrent à la personne qui veut établir un règlement.
Si on pense à l’ancienne partie VII, qui était assez laconique, il faut se le dire, et qui portait sur les mesures positives et tout cela, effectivement, la Fédération des francophones de la Colombie‑Britannique, même si la partie VII était très courte, a réussi à donner un sens aux obligations qui étaient applicables en l’absence même de règlement.
Donc, une cour va trouver une façon et des méthodes d’interprétation pour donner un sens. Ici, on n’a pas nécessairement de guide — en tout cas, pas encore sur la partie VII, peut-être que ce sera une option à étudier par nos amis du Conseil du Trésor —, mais on a une partie VII qui est beaucoup plus étoffée, beaucoup plus détaillée avec des éléments beaucoup plus précis, effectivement.
Il y a beaucoup de viande dans la nouvelle partie VII. Elle est très étoffée. Donc, effectivement, le pouvoir réglementaire est à propos; il y a des obligations existantes dans la partie VII qui sont en vigueur, et le pouvoir réglementaire qui sera le plus utilisé concerne la façon dont ces obligations seront exécutées. C’est le cadre avec lequel on travaille.
Le sénateur Cormier : Monsieur Quell, quels sont les enjeux que vous imaginez quant aux nouvelles responsabilités du Conseil du Trésor? Il y a des responsabilités importantes qui se sont ajoutées. Il y a évidemment une inquiétude par rapport à la capacité — je ne dirais pas la volonté, mais la capacité — du Conseil du Trésor de s’acquitter de ces responsabilités et de rendre les institutions fédérales vraiment responsables. Est-ce que vous avez ce qu’il vous faut comme instruments? Vous avez bien sûr le pouvoir, et c’est inscrit dans la loi. Alors, comment allez-vous exercer ces responsabilités pour faire en sorte que les institutions fédérales qui, on le sait, s’acquittent de leurs responsabilités le fassent réellement?
M. Quell : Sur la question de la responsabilité, il reste que ce sont quand même les sous-ministres, les PDG, qui sont responsables de la mise en œuvre de la loi. Donc, nous avons un rôle de soutien, de surveillance et de prise de règlement. Mais en fin de compte, ce sont les administrateurs généraux qui sont responsables.
Si vous me demandez ce qui m’inquiète, ce n’est pas nécessairement une inquiétude, mais je pense qu’il sera très important d’établir une pratique par rapport à la nouvelle partie VII. Je veux dire qu’une fois que le règlement est adopté, une fois qu’on a une directive, il faudra travailler sur les guides sur lesquels on consultera aussi les intervenants. Là où le bât blesse, c’est le moment où les institutions fédérales doivent faire la bonne chose en toute connaissance des enjeux communautaires. C’est ce que j’appelle la pratique. Donc, s’il y a une bonne relation entre les institutions fédérales, une bonne conscience des enjeux des communautés, et aussi une bonne conscience de la possibilité, pour les institutions fédérales, de s’acquitter de leur mandat en aidant les communautés minoritaires, à ce moment-là, je pense qu’on va atteindre...
Le sénateur Cormier : Comment allez-vous les soutenir, vous?
M. Quell : On les soutient grâce aux rencontres dont j’ai parlé. On est très actif. Évidemment, il y a eu un certain transfert de Patrimoine canadien vers le Conseil du Trésor.
Par exemple, pour le développement des guides, on a pris les guides de Patrimoine canadien et on est en train de les mettre à jour avec la nouvelle partie VII.
J’ai parlé des journées de dialogue : c’est quand les institutions fédérales se rendent compte du potentiel que les communautés minoritaires représentent pour s’acquitter de leur propre mandat; c’est là où on pourra vraiment voir la mise en œuvre de la nouvelle partie VII.
Le président : Est-ce qu’il y a d’autres questions?
La sénatrice Gerba : Je pense qu’il vient d’y répondre.
Votre capacité actuelle en ce qui concerne les ressources est‑elle suffisante pour que vous puissiez coordonner, vérifier, suivre et vous assurer que l’application est conforme, ou aurez‑vous besoin de plus de ressources?
M. Quell : On a de bonnes ressources par rapport à ces devoirs et obligations, donc oui.
Le sénateur Cormier : En ce qui concerne votre relation avec Patrimoine canadien, évidemment, les enjeux que l’on voit depuis des années, ce sont les défis liés au travail en silo, au manque de collaboration réelle, de compréhension des responsabilités des uns et des autres et de plans d’action bien coordonnés entre les ministères. On est en droit d’éprouver une certaine inquiétude en raison de vos nouvelles responsabilités, des nouvelles responsabilités figurant dans la loi et de cette autre loi dont il faut aussi s’occuper.
Vous avez parlé du Comité des sous-ministres adjoints sur les langues officielles, qui est un bon instrument; les communautés auraient espéré qu’un sous-ministre responsable de la question des langues officielles soit nommé.
Comment imaginez-vous concrètement cette collaboration?
Le Bureau du Conseil privé a été invité, mais il n’est pas ici aujourd’hui. Pouvez-vous nous parler des mesures concrètes et de la manière dont le Conseil du Trésor travaille avec Patrimoine canadien dans la mise en œuvre si importante de cette loi quasi constitutionnelle?
M. Quell : Je viens déjà de parler des outils. La mobilisation de l’appareil fédéral est une question sur laquelle nous travaillons ensemble. Dans la nouvelle partie VII, on voit une complémentarité du rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor par rapport à la prise de règlement, à la reddition de comptes et à la conscientisation de l’appareil fédéral. Le rôle de Patrimoine canadien a trait au plan d’action; c’est un rôle plus axé sur l’externe. Cependant, quand il est question des relations avec Patrimoine canadien, il ne se passe pas vraiment un jour sans que je communique ou que je discute avec mes collègues.
Le sénateur Cormier : Avez-vous un mécanisme? Je ne parle pas du Comité des sous-ministres adjoints, mais entre le Conseil du Trésor et Patrimoine canadien, avez-vous un mécanisme établi qui vous permet de construire, créer et rendre des comptes?
M. Quell : Il y a plusieurs groupes de travail qui existent; en anglais, on parle de working level, donc il y a plusieurs rencontres.
Je dirais qu’une instance comme le CSMALO, le Comité des sous-ministres adjoints sur les langues officielles, qui est coprésidé par le Secrétariat du Conseil du Trésor, Patrimoine canadien, Justice Canada et le Conseil privé, est un instrument où l’on voit bien la complémentarité et la collaboration des institutions fédérales.
Votre question concernait Patrimoine canadien et le Conseil du Trésor; on a une excellente relation de travail tous les jours, et ce, à différents niveaux.
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup et bonne chance.
M. Quell : Merci.
Le président : Nous avons encore du temps pour d’autres questions, si vous voulez.
Je vais retourner à une question sur la ligne du temps. Comme vous le savez, nos communautés attendent des règlements depuis des mois, voire des années. À un point tel où l’on pensait que les trois règlements allaient sortir et être présentés en même temps. On a compris le 25 septembre dernier, lorsque le ministre responsable des Langues officielles a comparu devant le Sénat, que deux règlements seraient possiblement présentés dans les prochaines semaines — cette information date du 25 septembre — et un troisième plus tard.
Vous avez parlé de consultations et de groupes de travail. On voit ici qu’il y a plusieurs étapes pour présenter les règlements jusqu’à l’adoption. La première étape est complétée, soit la consultation des parties prenantes que vous avez mentionnée. La deuxième étape, et j’ose croire que c’est là où vous en êtes maintenant, est de rédiger l’avant-projet de règlement, qui sera validé par Justice Canada.
Pouvez-vous nous parler un peu plus des facteurs qui mènent au retard de la présentation au Parlement?
M. Quell : Je ne peux pas nécessairement en dire plus que ce que le ministre Guilbeault a mentionné.
Donc, pour les trois règlements dont vous parlez, il y a le règlement sur les sanctions administratives et pécuniaires, il y a la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et enfin le règlement sur la partie VII.
Les consultations ont eu lieu sur les trois règlements. Les analyses sont encore en train de se faire et le gouverneur en conseil prendra la décision quand les règlements seront déposés à la Chambre, mais je comprends votre impatience.
[Traduction]
La sénatrice Patterson : Je tiens à vous remercier. Cela m’a vraiment aidé à distinguer les différents aspects et le fait que... on ne peut pas ignorer le fait qu’une partie de cet enjeu relève du gouvernement fédéral et qu’une autre partie relève des provinces ou des territoires. Pour en revenir à cette relation interprovinciale, comment menez-vous ces consultations? Il est absolument essentiel que vous discutiez avec les groupes que vous avez, mais comment discutez-vous avec les groupes qui vont vraiment tirer certaines ficelles pour faire en sorte que le financement soit versé et que des comptes soient rendus aux communautés de langue officielle en situation minoritaire qui se trouvent dans les provinces? Comment menez-vous cette consultation avec les provinces et les territoires? À l’aide de quel mécanisme?
M. Quell : Je vous remercie de votre question. Le Conseil des ministres sur la francophonie canadienne est le groupe de ministres chargé de régler les questions relatives à la promotion et la protection de la langue française. Il y a un groupe de travail à l’échelon des hauts fonctionnaires, et c’est avec ce groupe de travail que nous avons eu de nombreuses réunions portant sur l’élaboration du règlement de la partie VII. L’une des questions qui ont été soulevées lors de ces discussions, c’est la question de savoir ce que nous pouvons faire, à l’échelle fédérale, pour mieux informer nos homologues provinciaux et territoriaux des obligations qui incombent au gouvernement fédéral dans le cadre des accords fédéraux-provinciaux-territoriaux, pour reconnaître que, dans chaque province et territoire, ce sont ces fonctionnaires qui, sur le terrain, s’occupent, par exemple, des préoccupations des communautés francophones en situation minoritaire, et pour reconnaître les mesures qui ont déjà été prises et la façon dont le gouvernement fédéral peut les compléter.
La sénatrice Patterson : C’est bien. Compte tenu encore une fois de ce que vous êtes réellement en mesure de révéler, trouvez-vous dans les règlements des différences importantes qui, selon vous, devront tôt ou tard faire l’objet d’un examen?
M. Quell : Ce que nous avons retenu des discussions, c’est qu’il est évidemment très important de veiller à ce que le partage des pouvoirs prévu par la Constitution soit protégé. Je dirais que c’est là une préoccupation évidente. Il y a ensuite la question des mesures prises sur le terrain par les différents gouvernements provinciaux ou territoriaux.
Il est utile de savoir qui sont ces homologues, car ils travaillent au sein de leur gouvernement provincial et sont donc les porte-parole de leur gouvernement lorsqu’il s’agit, par exemple, de rester en contact avec le ministère qui négocie un accord avec le gouvernement fédéral.
Ces discussions ont été utiles. Je crois que nous abordons la question sous deux angles différents. Les personnes qui négocient un accord ne sont pas toujours des experts en langues officielles, et elles ne devraient pas nécessairement l’être. Ce que nous devons faire, tant à l’échelle fédérale qu’à l’échelle provinciale, c’est veiller à ce que des experts aient la possibilité de conseiller les négociateurs au sujet des obligations et des possibilités.
La sénatrice Patterson : Je vous remercie. Cela ressemble beaucoup aux négociations sur les soins de santé, qui englobent les langues officielles.
[Français]
Le sénateur Cormier : Est-ce qu’il y a des éléments de la partie VII qui peuvent ne pas être pris en compte dans le règlement? Par exemple, on sait que la partie VII parle de favoriser l’épanouissement et le développement des communautés et de promouvoir la pleine connaissance de la langue française. Il y a d’autres éléments, comme renforcer l’apprentissage dans la langue de la minorité tout au long du continuum en éducation, estimer périodiquement les enfants qui ont le droit de recevoir une instruction... Je ne sais pas si c’est vous qui déterminez ces autres éléments, mais est-ce que l’ensemble des éléments de la partie VII sera pris en compte dans le règlement, ou y a-t-il des éléments de la partie VII qui seront exclus du règlement?
M. Quell : À ce stade-ci, je ne peux pas faire de commentaires sur le produit final, mais tout ce qui se trouve sous la partie VII peut être pris en compte dans le cadre du règlement en principe. Par exemple, quand on parle du recensement des enfants, ce sont des obligations qui appartiennent à des ministères très spécifiques, tandis que dans l’élaboration du règlement et dans les propositions élaborées, nous avons mis l’accent sur la grande majorité des institutions fédérales. Nous voulons nous assurer que les mesures positives sont prises par toutes les institutions fédérales, et c’est là-dessus que nous nous sommes concentrés, mais il n’y a pas de raison d’exclure une section de la partie VII du règlement.
Le sénateur Cormier : Je comprends qu’on pourrait exclure quelque chose, mais à ce stade-ci, vous ne savez pas si ce sera exclu; ai-je bien compris?
M. Quell : À ce stade-ci, je ne peux pas présumer de la décision que le gouverneur en conseil prendra par rapport au règlement que nous sommes en train d’élaborer. Par exemple, les cinq éléments que j’ai évoqués sont plus généraux, mais dans le cadre de nos consultations avec les intervenants, il y avait un certain écho. Ces éléments ont été bien reçus et discutés de manière constructive.
Le sénateur Cormier : Est-ce que vous pouvez partager avec nous ce que vous avez entendu pendant les consultations? Est-ce qu’il y a des fils conducteurs qui émanent des consultations et qui font en sorte qu’il est important de les prendre en compte?
M. Quell : De mémoire, je reviens à la question de la clarté. Bien évidemment, cela a été évoqué. Le commissaire souhaite une loi robuste et un règlement tout aussi robuste. J’ai parlé des activités de dialogue et de consultation. La question qui nous préoccupe est la suivante : après les consultations, qu’est-ce que vous allez faire? Est-ce que les résultats d’une consultation feront partie de l’analyse du gouvernement fédéral? Par la suite, comment les intervenants vont-ils savoir ce qui a été entendu lorsqu’ils ont été consultés? C’est une préoccupation.
Une autre préoccupation porte sur les mécanismes d’évaluation et de surveillance. Vous avez évoqué la question : que fait le Secrétariat du Conseil du Trésor si les choses ne vont pas exactement comme les intervenants l’auraient espéré? Comment allons-nous assurer une reddition de comptes au sein de la famille fédérale?
Le sénateur Cormier : Je vais terminer là-dessus. Je ne veux pas du tout prendre un ton paternaliste. J’espère simplement que vous allez profiter de cette occasion unique de contribuer à la mise en œuvre de cette loi qui est si importante pour notre pays. Ce n’est pas une loi seulement pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire; c’est une loi pour le Canada tout entier. C’est ce qui distingue notre pays de notre voisin du Sud, cette souveraineté culturelle et économique. La Loi sur les langues officielles et sa mise en œuvre sont essentielles.
Vous avez le grand privilège en ce moment de porter la mise en œuvre de cette loi. Nous avons besoin de vous entendre; nous avons besoin de compréhension et de clarté. Je crois que vous avez les instruments requis pour le faire. Il faut, bien sûr, du leadership; il faut aussi que nos collègues parlementaires de la Chambre des communes et le gouvernement vous appuient dans cette démarche. Je veux vous remercier, mais j’espère que vous allez profiter de cette occasion. Cela arrive une fois dans une vie.
M. Quell : Je peux vous assurer de notre engagement.
Le sénateur Cormier : D’accord. Nous allons vous suivre.
Le président : J’ai quelques dernières questions, sauf s’il y a d’autres questions de la part des sénateurs et sénatrices. En termes de processus, je comprends que la période de 30 jours prévue dans la loi pour l’avant-projet de règlement est un minimum. En 1991, cette période avait été prolongée. Un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat avait réalisé une étude approfondie. Quels facteurs pourraient exiger un prolongement cette fois-ci?
M. Quell : Vous avez évoqué une première expérience avec le règlement sur la partie IV. Il y a eu une expérience lors du renouveau de ce règlement. Comme vous l’avez dit, les 30 jours sont un minimum. C’est à la fin de ces 30 jours que la prochaine étape peut être entamée, mais le gouverneur en conseil doit respecter les exigences établies par la loi. Il est certain qu’il peut toutefois prendre la décision d’attendre la prise du règlement jusqu’à ce que les intervenants ou les comités parlementaires aient eu le temps de s’exprimer.
Le président : Disons que la période est de 30 jours. Est-ce que notre comité est tenu de déposer ses recommandations à l’intérieur de ces 30 jours? Si oui, c’est une chose; sinon, est-ce que nos recommandations seront prises en compte si on manque les premiers 30 jours?
M. Quell : Je préférerais vous revenir avec une réponse après avoir consulté nos responsables des affaires parlementaires, si vous me le permettez.
Le sénateur Cormier : Si vous ouvrez la porte, j’ai d’autres questions.
Le président : On a le temps.
Le sénateur Cormier : Ma question ne touche pas spécifiquement le règlement, mais plutôt les mécanismes. Vous y avez répondu en partie, mais je vais poser la question autrement pour vous donner l’occasion d’ajouter des éléments à votre réponse.
Est-ce que vous avez défini des indicateurs de rendement communs à tous les ministères pour évaluer leur conformité à la loi? Si oui, est-ce que je comprends que cela se trouvera à l’intérieur des guides? Si c’est le cas, j’imagine que vous ne pouvez pas nous envoyer cette information?
M. Quell : Étant donné qu’il n’y a pas de règlement, on n’a pas encore établi d’indicateurs. En général, si vous regardez le rapport annuel du président du Conseil du Trésor, vous trouverez des données quantitatives sur la mesure à laquelle les services publics sont rendus par les institutions fédérales.
Nous avons des données sur la répartition de la main-d’œuvre entre anglophones et francophones. Ce sont des indices qui nous donnent une idée de la mesure à laquelle les institutions se conforment à la loi.
Le sénateur Cormier : Quand le règlement sera là, allez‑vous établir des indicateurs de rendement précis?
M. Quell : Nous n’avons pas encore décidé s’il y a lieu d’établir de nouvelles modalités pour faire la surveillance de la partie VII. On l’a fait cette année pour la première fois, puis dans le cadre du processus de la préparation du rapport annuel sur l’exercice fiscal de 2023-2024. Dans ce cadre, nous avons utilisé le questionnaire que nous avons développé il y a déjà assez longtemps. On a ajouté des questions. Si vous permettez, la nature de la partie VII est différente d’autres parties de la loi. La prestation d’un service à la frontière ou la répartition entre anglophones et francophones est quelque chose qui se mesure avec des données quantitatives plus facilement qu’une bonne mesure positive prise par une institution, étant donné son mandat et les obligations liées à la partie VII. Il ne faut pas oublier que l’on parle de communautés minoritaires, mais aussi de promotion du bilinguisme. La surveillance devrait se faire de manière à obtenir des données qui nous donnent une bonne idée du rendement actuel, mais nous aideront aussi à nous améliorer à l’avenir. J’ai parlé des bonnes pratiques.
Le sénateur Cormier : Vous dites que c’est plus difficile pour la partie VII que pour d’autres parties de la loi. Selon ce que vous dites, j’entends qu’il est plus difficile d’évaluer la capacité d’une institution fédérale à remplir ses obligations dans le cadre de la partie VII dans le contexte où c’est bien différent que de mesurer un service dans les deux langues à la frontière. C’est pour cela que je parlais de critères et de mécanismes. C’est cela qui nous semble essentiel, soit que vous ayez des outils de mesure. Où allez-vous chercher les données? Qui vous rapporte les données? Est-ce que ce sont les institutions elles-mêmes? Si elles mesurent elles-mêmes leur capacité à remplir leurs obligations...
On a l’impression que les vrais outils dont vous auriez besoin pour évaluer les obligations des institutions fédérales sont un peu flous. Est-ce que je me trompe? Sont-ils précis? Avez-vous des indicateurs de rendement communs? Vous avez un rôle à jouer en ce sens. C’est une chose de promouvoir et de dire ce que vous avez fait, mais il faut mesurer cela avec des indicateurs de rendement clairs. Comment allez-vous faire, si vous n’en avez pas, pour être vraiment efficaces en ce qui concerne l’obligation qu’ont les institutions de rendre des comptes? C’est ce que les communautés réclament.
M. Quell : L’exercice que l’on mène se base sur les obligations qui sont en place. J’ai parlé des directives et parfois même des guides qui existent. Une institution doit se conformer à ce qu’on lui demande. On établit quelque part le seuil, et quand vient le moment de demander une reddition de comptes, les questions qui sont posées à l’institution correspondent à ce que nous demandons à l’institution de faire.
Le sénateur Cormier : D’accord. Posez-vous les bonnes questions?
M. Quell : Une fois le règlement en place, vous verrez que le règlement fournira plus de détails que la loi, et nos instruments de surveillance vont se baser sur les exigences établies par le règlement.
Le sénateur Cormier : J’aimerais discuter des ressources financières et humaines, puisque vous avez de nouvelles responsabilités. Nous sommes dans un contexte de politique de compressions budgétaires. Il est juste de se préoccuper de cette question. Avez-vous ou aurez-vous les ressources financières et humaines suffisantes pour livrer ce que vous avez à livrer? On ne transmettra pas votre réponse au premier ministre. On voudrait avoir l’heure juste. Avez-vous vraiment les ressources financières et humaines nécessaires?
M. Quell : Je vais me référer à la réponse que j’ai donnée à votre collègue. Oui, nous avons les ressources requises pour remplir nos obligations.
Le président : S’il n’y a pas d’autres questions, cela conclut nos échanges ce soir. Au nom du comité, je vous remercie de votre participation et je vous souhaite bon succès. On s’attend au règlement très bientôt. Un grand merci et bonne soirée.
Cela met fin à la partie publique de notre réunion. Nous allons passer à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)