Aller au contenu
POFO - Comité permanent

Pêches et océans


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 20 novembre 2025

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 8 h 31 (HE), pour examiner, afin d’en faire rapport, l’indépendance de la pêche côtière commerciale au Canada atlantique et au Québec, ainsi que les politiques et les outils législatifs utilisés par le gouvernement du Canada pour la préserver, comme la Politique du propriétaire-exploitant.

[Traduction]

Melissa Doyle, greffière du comité : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue. En tant que greffière du comité, il est de mon devoir de vous informer de l’absence inévitable du président et du vice-président, et de présider à l’élection d’un président suppléant. Je suis prête à recevoir une motion à cet effet.

Y a-t-il des candidatures?

Le sénateur Cuzner : C’est un grand honneur pour moi de proposer la candidature du sénateur Ravalia à titre de président suppléant.

Mme Doyle : L’honorable sénateur Cuzner propose que l’honorable sénateur Ravalia assume la présidence du comité.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Mme Doyle : Je déclare la motion adoptée. J’invite maintenant l’honorable sénateur Ravalia à occuper le fauteuil.

Le sénateur Mohamed-Iqbal Ravalia (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Merci, sénateur Cuzner. Le chèque est à la poste.

Honorables sénateurs, bonjour. Je m’appelle Mohamed Ravalia, et je suis un sénateur qui représente Terre-Neuve-et-Labrador, et j’ai le plaisir de présider cette séance.

En cas de difficultés techniques, notamment avec l’interprétation, veuillez le signaler au président ou à la greffière, et nous veillerons à régler le problème.

Avant de commencer, j’aimerais prendre quelques instants pour permettre aux membres du comité de se présenter.

[Français]

La sénatrice Gerba : Bonjour. Je suis Amina Gerba, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Surette : Allister Surette, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Boudreau : Bonjour. Victor Boudreau, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Prosper : Paul Prosper, de la Nouvelle-Écosse, dans le territoire de Mi’kma’ki.

La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique, en remplacement de la sénatrice Bev Busson

Le président suppléant : Merci, chers collègues.

Le 18 novembre 2025, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a été autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, l’indépendance de la pêche côtière commerciale au Canada atlantique et au Québec, ainsi que les politiques et les outils législatifs utilisés par le gouvernement du Canada pour la préserver, comme la Politique du propriétaire-exploitant. Aujourd’hui, dans le cadre de ce mandat, le comité entendra les témoignages des personnes suivantes : Mme Melanie Sonnenberg, présidente de la Fédération des pêcheurs indépendants du Canada; Mme Ruth Inniss, conseillère aux pêches à l’Union des pêcheurs des Maritimes; M. Carl Allen, vice-président de l’Union des pêcheurs des Maritimes.

Au nom des membres du comité, je vous remercie de votre présence. Je crois comprendre que les deux organismes feront une déclaration préliminaire. Après ces déclarations, nous passerons aux questions des membres du comité.

Madame Sonnenberg, vous avez la parole.

Melanie Sonnenberg, présidente, Fédération des pêcheurs indépendants du Canada : Merci, monsieur le président. Bonjour, et merci de l’invitation à comparaître aujourd’hui. Au nom de la Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, je tiens à dire que cela représente pour nous une excellente occasion de parler de ce sujet d’une grande importance.

Je suis ici aujourd’hui au nom des milliers de personnes qui constituent le pilier de l’atout économique et culturel le plus durable du Canada, la pêche par des propriétaires-exploitants indépendants. Ce n’est pas qu’un simple modèle d’affaires; il s’agit du fondement socioéconomique de nos collectivités côtières, des petits ports de Terre-Neuve aux villages côtiers de la Colombie-Britannique.

L’autre facteur important, c’est que la pêche est une ressource publique commune du Canada qui appartient à la population canadienne. Elle doit être protégée pour les générations futures.

Notre message est simple : la santé de cette flottille indépendante est intimement liée à la santé et à la survie de nos villes et villages côtiers. Perdre les propriétaires-exploitants, c’est perdre la communauté. Nous demandons au Sénat de nous aider à préserver ce cadre afin de protéger ces Canadiens essentiels ainsi que ces importantes collectivités côtières.

Qu’est-ce qu’un propriétaire-exploitant indépendant? C’est un pêcheur qui possède un bateau et qui exploite lui-même son entreprise sur son bateau. Ce modèle, qui est inscrit dans les politiques du propriétaire-exploitant et de séparation des flottilles, a été conçu dans un but précis : maintenir les retombées économiques des ressources halieutiques publiques du Canada entre les mains des personnes qui vivent dans leur collectivité côtière locale et qui s’y investissent. Lorsqu’un pêcheur indépendant débarque ses prises, les revenus restent dans la collectivité locale. Les profits sont réinvestis localement et soutiennent ainsi le mécanicien, le fournisseur d’équipement, l’épicerie et le centre communautaire de la localité. Cela a un effet multiplicateur essentiel sur l’économie.

L’intendance est primordiale. Ces pêcheurs sont des gardiens multigénérationnels. Leur succès dépend de la viabilité à long terme des ressources; ils sont donc nos plus fiables partenaires en matière de conservation.

Les pêcheurs indépendants sont un ancrage culturel, le cœur de notre patrimoine côtier. Leur présence assure la continuité d’un mode de vie essentiel pour la prochaine génération. Bref, ils représentent la responsabilité, la viabilité et la prospérité locales.

On observe malheureusement une importante érosion du nombre de propriétaires-exploitants. Ce modèle vital est actuellement menacé. Nous assistons à l’érosion lente, mais constante des indépendants. Je ne devrais pas dire « lente », car c’est plutôt rapide à l’heure actuelle.

Cela découle de divers facteurs. Il existe des obstacles à l’entrée. Les coûts d’entrée dans l’industrie de la pêche, par exemple pour les bateaux et les permis, sont devenus prohibitifs, ce qui exclut souvent les jeunes pêcheurs. Cela entraîne une vague grise : l’âge moyen des pêcheurs continue de grimper, sans voie d’accès claire pour la relève.

La concentration des entreprises et les ententes de contrôle sont de plus en plus fréquentes. Dans bien des cas, ces ententes prévoient du financement venant de grandes entreprises de transformation ou d’acheteurs commerciaux, contournant ainsi l’esprit, sinon la lettre, de la Politique du propriétaire-exploitant et du Règlement sur la pêche côtière. Cela permet aux entreprises de contrôler les permis, de dicter où le poisson peut être vendu, et de siphonner les profits, transformant essentiellement le pêcheur indépendant en employé, semblable à la relation d’exploitation des régimes de métayage qui existaient jadis.

La véritable valeur économique est détournée du port en contournant complètement la collectivité. L’objectif premier de nos politiques fondamentales est alors gravement miné, ce qui entraîne l’effondrement de la stabilité de la collectivité que ces politiques visaient à protéger.

Nous proposons trois mesures pour renforcer les politiques et la réglementation existantes. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser ces politiques essentielles devenir purement symboliques. Nous exhortons ce comité à examiner trois recommandations essentielles pour renforcer le modèle.

Il faut une définition claire dans la Loi sur les pêches. Nous devons introduire une définition claire et juridiquement contraignante du terme « propriétaire-exploitant indépendant » dans la Loi sur les pêches. Cela éliminera toute ambiguïté et fournira les moyens juridiques nécessaires pour faire respecter les politiques et règlements contre les structures d’entreprises complexes.

Pêches et Océans Canada doit avoir le pouvoir et le mandat d’effectuer des vérifications rigoureuses et régulières de toute structure d’entreprises et veiller à ce qu’il n’y ait aucune entente de contrôle par des moyens détournés, de façon à garantir une véritable indépendance. La politique doit être appliquée avec rigueur et rapidité lorsqu’une relation mine le contrôle du propriétaire-exploitant sur son entreprise et ses prix.

Il faut investir dans la planification de la relève, et réduire les obstacles à l’entrée pour la prochaine génération. Nous recommandons la création d’un programme pour les pêcheurs de la prochaine génération, avec des garanties de prêts à faible taux d’intérêt, pour rendre les permis accessibles aux jeunes Canadiens qui s’engagent à respecter le principe du propriétaire‑exploitant. On parle d’un programme semblable au programme de Financement agricole Canada offert aux agriculteurs.

Monsieur le président, membres du comité, le choix est clair. Voulons-nous que notre secteur des pêches soit dominé par une poignée de grandes sociétés, ou voulons-nous soutenir le réseau diversifié et résilient de propriétaires-exploitants indépendants qui contribuent à la survie de nos collectivités côtières? Le renforcement de la flotte des propriétaires-exploitants est le moyen le plus efficace de garantir des pêches durables, d’assurer la vitalité économique locale et de préserver la culture unique des régions côtières pour les générations à venir. Nous vous prions instamment de recommander des mesures concrètes, y compris par voie législative, pour assurer une véritable indépendance.

Je vous remercie du temps que vous consacrez à cette question cruciale, et je suis prête à répondre à vos questions. Merci.

Le président suppléant : Merci beaucoup.

Madame Inniss, la parole est à vous.

Ruth Inniss, conseillère aux pêches, Union des pêcheurs des Maritimes : Je vous remercie, monsieur le président. Merci aux membres du comité.

Au nom de notre organisme, l’Union des pêcheurs des Maritimes, ou UPM, nous vous remercions de l’occasion qui nous est donnée aujourd’hui de présenter nos observations dans le cadre de votre étude sur l’indépendance de la pêche commerciale côtière au Canada atlantique et au Québec, ainsi que les politiques et les outils législatifs utilisés par le gouvernement du Canada pour la préserver, comme la Politique du propriétaire-exploitant.

L’Union des pêcheurs des Maritimes est un organisme qui représente plus de 1 300 propriétaires-exploitants côtiers au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Depuis sa création en 1977, la mission de l’UPM est de représenter, de promouvoir et de défendre les intérêts des pêcheurs côtiers et de leurs communautés dans les Maritimes.

Imaginez un paysage canadien sans une communauté côtière dynamique, économiquement viable et fondée sur la pêche côtière. Ce paysage serait radicalement différent sans la pêche côtière comme moteur de nos économies côtières. Nous savons tous ce qu’il advient des collectivités dont l’économie décline : les écoles et les entreprises ferment, et les résidants — dont bon nombre sont issus de familles établies dans la communauté depuis des générations — sont obligés de déménager. Nos collectivités côtières deviennent des villes fantômes. Est-ce la vision canadienne pour l’avenir?

Depuis des décennies, les organismes de pêche côtière s’efforcent d’établir une pêcherie de propriétaires-exploitants. Au fil des ans, nous avons assisté à l’érosion de politiques importantes, comme Mme Sonnenberg l’a mentionné, et à l’inaction du gouvernement pour appuyer les pêches à l’aide d’outils législatifs comme la Loi sur les pêches, la Politique du propriétaire-exploitant et la Politique de séparation de la flottille.

Nous avons créé des organismes-cadres aux vues similaires comme la Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, qui a pour unique mandat de protéger et de renforcer les politiques du propriétaire-exploitant et de séparation des flottilles. Notre collègue, Mme Melanie Sonnenberg, est venue ici aujourd’hui pour souligner l’importance de la pêche par les propriétaires‑exploitants et proposer des solutions que nous appuyons tous.

Nous avons consacré beaucoup de temps à des évaluations et à des analyses, puis nous avons fait pression sur les gouvernements pour qu’ils éliminent les échappatoires des politiques et appliquent les règlements. C’est un travail long et ardu, mais nous le poursuivons parce que notre vision du Canada comprend des pêches côtières dynamiques et des collectivités économiquement saines.

Le gouvernement fédéral a l’occasion de sauver et de protéger ces économies, et même de contribuer à leur croissance. Récemment, nous avons collaboré avec la Coalition des organisations de pêche de l’Atlantique et du Québec à une étude économique qui souligne l’importance de notre pêche. Nous vous laisserons cela aujourd’hui, et veillerons à ce que vous ayez tous accès à l’étude et à ses résultats.

Il incombe au gouvernement fédéral d’utiliser des outils législatifs pour protéger la pêche côtière et les collectivités qui en dépendent.

Permettez-moi de présenter les solutions proposées par l’UPM. Ces solutions sont fondées sur des politiques et des outils législatifs qui doivent être mis en œuvre de toute urgence, selon nous.

Il faut renforcer les protections visant les propriétaires-exploitants. En 2018, l’UPM a appuyé l’ensemble des modifications proposées à la Loi sur les pêches visant à renforcer les protections visant la notion de propriétaire-exploitant.

Le thème central, pour les pêcheurs côtiers indépendants, est l’assurance que les retombées des ressources halieutiques vont aux pêcheurs, comme Mme Sonnenberg l’a déjà mentionné, et non aux grandes entreprises ou aux investisseurs extérieurs.

Bien que ces politiques aient été inscrites dans la loi grâce aux modifications à la Loi sur les pêches, en 2019, et aux règlements subséquents en 2020, les échappatoires et l’application inefficace de la réglementation posent toujours problème. Par conséquent, les transformateurs de poisson et les intérêts externes recourent toujours à des ententes de contrôle ou à d’autres stratagèmes créatifs, mais légaux, pour exercer un contrôle réel sur les permis de pêche et les recettes provenant des prises, ce qui nuit aux exploitants indépendants.

Le gouvernement doit imposer une application plus stricte, plus fréquente et plus proactive des dispositions interdisant les ententes de contrôle. Cela doit comprendre un suivi de l’argent afin de déterminer qui profite réellement des prises et d’augmenter les sanctions — amendes, suspensions et annulation des permis — en cas d’infractions confirmées par des non‑pêcheurs qui exercent un contrôle.

Il faut éliminer l’échappatoire relative aux permis de pêche commerciale communautaire des Autochtones. La décision Marshall et les transferts subséquents de l’accès à la pêche autochtone n’ont jamais visé à permettre aux bandes de louer des permis et quotas de pêche à des intérêts non autochtones. Il s’agissait de donner accès à la pêche aux membres des bandes afin qu’ils puissent gagner leur vie dans le secteur des pêches, ce que nous appuyons totalement.

Actuellement, les bandes peuvent acheter et accumuler des permis de propriétaire-exploitant, les convertir en permis communautaires, puis les louer, contournant ainsi les protections accordées aux propriétaires-exploitants. Il faudrait rendre obligatoire, par l’entremise de politiques ou de règlements, la participation d’Autochtones pour l’obtention d’un permis de pêche commerciale communautaire des Autochtones.

Il faut une application efficace de la Loi sur les pêches. Des sanctions plus efficaces sont nécessaires pour toute infraction liée à la conservation afin de dissuader les contrevenants potentiels, avec des sanctions particulièrement pénalisantes pour les récidivistes. Certaines ressources et pêches sont devenues plus lucratives, mais les sanctions financières n’ont pas suivi la hausse des revenus tirés de ces pêches. Un examen des sanctions appropriées dans l’ensemble des pêcheries s’impose.

La cogestion et la consultation doivent être renforcées. Les pêcheurs ont souvent l’impression que les décisions de gestion, en particulier en situation de crise, sont prises pour eux et non avec eux. Bien que le ministre puisse prendre en compte les facteurs sociaux, économiques et culturels, il le fait à sa discrétion; il n’y est pas tenu. Lors d’un examen, la loi pourrait être modifiée afin d’obliger le ministre à prendre en compte les facteurs sociaux, économiques et culturels dans toute décision relative à la pêche côtière commerciale.

Il faut veiller à intégrer pleinement l’expertise et les moyens de subsistance des pêcheurs commerciaux dans la gouvernance des pêches. Une Loi sur les pêches modernisée doit rendre obligatoire la tenue de processus de consultation officiels, structurés et continus avec les pêcheurs et les associations de pêcheurs. Le ministère des Pêches et des Océans serait alors tenu d’intégrer systématiquement les données de l’industrie, les connaissances écologiques locales et les considérations socioéconomiques dans l’élaboration de tout plan de gestion intégrée des pêches, toute modification à la réglementation et toute décision importante en matière de politiques.

En incluant dans la loi une exigence de participation significative et de reddition de comptes transparente concernant la prise en compte des contributions de l’industrie dans les décisions, on s’assurerait que les stratégies de gestion reposent non seulement sur un fondement scientifique solide, mais aussi qu’elles sont pratiques, équitables et efficaces pour les personnes qui dépendent de cette ressource pour gagner leur vie, ce qui assurerait la saine gestion et la durabilité à long terme de la pêche.

Il faut rendre obligatoire la création de groupes de travail mixtes entre le MPO et l’industrie pour toute décision de gestion importante nécessitant des consultations directes et significatives avec les pêcheurs indépendants pour tirer parti de leurs connaissances locales et techniques. La crise des baleines noires est un exemple probant. Si le MPO et le ministre avaient collaboré plus étroitement avec l’industrie dès le début, en tenant compte de son expertise sur la gestion et les aspects techniques de la pêche, de meilleures solutions pour la protection des baleines auraient pu être élaborées et mises en œuvre.

Mes propos ne semblent peut-être pas liés à la politique du propriétaire exploitant et de séparation de la flottille, mais c’est pourtant le cas. Il s’agit d’un enjeu plus vaste, et toute mesure prise par le gouvernement fédéral concernant l’industrie de la pêche doit être prise avec le secteur de la pêche commerciale côtière.

La loi doit faire l’objet d’un examen pour éliminer les redondances et les faiblesses. Il est devenu évident que la charge de travail du MPO a considérablement augmenté depuis la dernière révision de la Loi sur les pêches, sans pour autant améliorer les résultats. Par exemple, les ajouts à l’article 6 de la Loi sur les pêches, qui obligent le ministre à élaborer et à mettre en œuvre des plans de rétablissement des stocks de poissons, créent des redondances liées à la gestion et concentrent les activités de rétablissement sur les efforts de pêche, alors que les principales causes de l’effondrement des stocks de poissons et de leur incapacité à se reconstituer sont, dans bien des cas, les changements climatiques et l’évolution de la dynamique de la prédation. Dans certains cas, il est possible que les stocks de poisson ne retrouvent jamais leur statut antérieur de « zone saine », selon la formule actuelle et dépassée de l’approche de précaution.

Ces articles pourraient être abrogés. Les ressources pourraient être réaffectées afin d’améliorer la science des écosystèmes en général et la gestion des ressources par l’intermédiaire des structures actuelles du comité consultatif.

Finalement, l’approche axée sur la précaution devrait être modernisée pour tenir compte des changements de la capacité de charge de l’habitat causés par les changements climatiques et par l’évolution d’autres facteurs environnementaux.

Merci d’avoir écouté notre déclaration liminaire.

Le président suppléant : Merci, madame Inniss, de cette présentation très instructive. Nous passons aux questions des sénateurs. Nous commençons avec le sénateur Surette.

Le sénateur Surette : Merci. Premièrement, j’ai hâte de lire le rapport qui a été publié hier soir. Ce sera pour le comité un bon document de référence sur les retombées socio-économiques des pêcheurs indépendants.

Ma première question porte sur les ententes de contrôle, dont je n’ai pas entendu parler depuis des lustres. À une époque, on en entendait beaucoup parler au sein des localités, mais il me semble que ce n’est plus le cas aujourd’hui. D’ailleurs, ces ententes sont non réglementaires. Puisque vous les considérez toujours comme très préoccupantes, je suppose qu’il s’en conclut encore régulièrement.

Comme vous le disiez, la situation est difficile pour la relève. Les jeunes qui veulent entrer dans l’industrie des pêcheries ont du mal à accéder à du capital. Il arrive alors que certains transformateurs empruntent pour les aider à acheter un permis et un bateau.

Le problème est-il là? Les ententes de contrôle impliquent-elles dans la plupart des cas des transformateurs locaux qui font encore ce genre de choses?

Mme Inniss : Nous allons répondre à cette question à tour de rôle.

Ce sont des transformateurs dans la plupart des cas. La situation est difficile. Vous avez mentionné quelque chose de crucial : la difficulté d’accès au capital ainsi que le prix de l’équipement de pêche et des permis que doivent acheter les jeunes qui veulent commencer dans les pêcheries. L’industrie exploite les travailleurs. C’est très difficile.

Des transformateurs et des investisseurs achètent des permis. Les aspirants pêcheurs, de leur côté, nous disent qu’ils ont fait ce qu’il fallait pour obtenir du financement. Ils sont allés à la banque et se sont organisés avec le ministère pour le transfert, mais ils se font couper l’herbe sous le pied par quelqu’un qui a été un peu plus rapide et qui avait un petit peu plus d’argent. Pêches et Océans transfère alors le permis à ce deuxième candidat, qui s’en servira pour conclure une entente de contrôle. Voilà ce qui se passe.

Aujourd’hui, votre tâche est d’examiner la responsabilité de Pêches et Océans concernant les mesures à prendre pour contribuer à régler ce problème en collaboration ou non avec nous. Nous soutenons que ces transferts ne devraient pas avoir lieu. Pour revenir à ce que nous disions toutes les deux, le système est conditionné par l’argent.

Mme Sonnenberg : Sénateur Surette, tout est imbriqué. Le problème ne se réduit pas à une chose; c’est toute une série de choses qu’on laisse se produire sans intervenir. Mme Inniss en a donné des exemples.

À l’heure actuelle, lorsque les permis se libèrent en raison des départs à la retraite, la vente aux enchères démarre. D’un côté, une famille essaie d’obtenir du capital pour soutenir un fils qui veut entrer dans l’industrie. De l’autre, une entreprise — un transformateur ou un acheteur — entre en scène avec plus d’argent. Les travailleurs qui partent à la retraite veulent avant tout maintenir une bonne qualité de vie. Normalement, la plupart des gens ne terminent pas leur carrière en fonction de facteurs moraux; ils n’en ont pas les moyens, surtout dans le climat actuel. Par conséquent, la mise la plus élevée l’emporte et des ententes de contrôle se concluent.

Nous n’en entendons pas parler parce que l’industrie est démoralisée. Nous avons travaillé étroitement avec le gouvernement en 2017, en 2018 et en 2019 sur les modifications de la Loi sur les pêches et sur de nouveaux règlements. Nous étions pleins d’espoir en 2019. Nous sommes allés sur la Colline du Parlement et nous avons applaudi le travail accompli par le Sénat pour que la loi soit adoptée, ainsi que les efforts du comité de la Chambre. Tout le monde était satisfait. Nous sommes rentrés à la maison.

En 2025, quelques années plus tard, le constat est clair : pas une seule action d’application de la loi n’a été conduite à la suite de ces changements. L’industrie est profondément découragée et désespérée, et c’est ce qui est problématique.

Le sénateur Surette : C’est ce que vous avez en tête lorsque vous soutenez, comme vous l’avez fait dans votre déclaration liminaire, que Pêches et Océans devrait avoir le pouvoir de mener des audits sur une base régulière. Visiblement, rien ne s’est concrétisé.

Mme Sonnenberg : Ces problèmes sont rapportés de temps à autre dans les médias, mais il faut que les mesures soient plus costaudes et qu’elles soient prises plus rapidement. Des audits doivent être menés, mais il faut aussi qu’ils aient des suites. Après tant d’années sans réglementation, nous sommes heureux que les choses commencent à bouger, mais il faut agir avec célérité. Chaque journée d’inaction donne le temps à quelqu’un de trouver un stratagème différent. Certains travaillent sans relâche pour trouver les failles qui leur permettront de contourner les politiques et les règlements.

Le sénateur Surette : Sauf erreur, deux recommandations ont été mises en œuvre — le durcissement de la loi et la mise en place de mesures d’application de la loi. Est-ce exact?

Mme Sonnenberg : Oui. Ce sont deux éléments importants.

Selon son libellé actuel, l’article 2.5 énonce que « le ministre peut prendre en considération » divers éléments. Il faut remplacer ce passage par « le ministre doit prendre en considération » les éléments suivants : les localités côtières, les facteurs socioéconomiques, la place prépondérante à accorder aux propriétaires-exploitants, et ainsi de suite. Ce sont des points essentiels de l’examen de la loi.

Le sénateur Surette : J’aurais une dernière question sur le sujet. La propriété étrangère contribue-t-elle au problème? Le fait que les transformateurs soient détenus par des intérêts étrangers conduit-il à la situation dont nous parlons, qui entraîne une hausse des prix, comme c’est le cas ailleurs?

Carl Allen, vice-président, Union des pêcheurs des Maritimes : C’est la prochaine préoccupation à avoir. Je me souviens avoir entendu pour la première fois le terme « entente de contrôle » il y a 25 ans. À l’époque, il était question de médecins, d’avocats et de dentistes à la recherche de possibilités d’investissement. Puis le phénomène s’est répandu, par exemple aux transformateurs et aux acheteurs intermédiaires à des fins d’approvisionnement. Pour eux, cela garantit l’accès à une ressource.

On est passé des ententes de contrôle aux ententes de financement. Les ententes de financement semblaient inspirées d’une mentalité mafieuse et n’avaient pas de fin. Je ne savais pas que des prêts sur 100 ans étaient accordés à des entreprises de pêche.

Aujourd’hui, on s’inquiète de voir des intérêts étrangers s’implanter dans le secteur de la transformation pour des raisons qui... On entend beaucoup de discours pessimistes sur la façon dont nos ressources sont gérées, mais en réalité, les pêches au Canada sont parmi les plus durables au monde et adhèrent à certaines des normes les plus strictes en matière de gestion des ressources, grâce à l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Les produits canadiens sont vraiment de première qualité, de classe mondiale. À mesure que la population augmente, la demande en protéines augmente elle aussi. Il va donc de soi que le monde entier veut ces produits.

Mais à notre époque, du jour au lendemain, nous pouvons nous retrouver avec des entreprises étrangères qui ont acheté un transformateur ou avec un acheteur qui détient 25 ou 30 ententes de contrôle. Allons-nous nous réveiller un jour et constater que la majeure partie de l’industrie est entièrement contrôlée ou détenue, d’une manière ou d’une autre, par des entités étrangères? Toutes les retombées pour le Canada auront disparu; elles profiteront à des pays étrangers.

Pour ceux qui ne le savent pas, je suis pêcheur. Je suis propriétaire-exploitant indépendant basé dans l’est du Nouveau‑Brunswick, et je pêche dans la partie centrale du détroit de Northumberland. Ceux qui connaissent la région savent que les pêches ont connu un ralentissement après la construction du pont de la Confédération. À un certain stade, nous croyions que la pêche ne reviendrait jamais dans la partie centrale du détroit, mais elle s’est rétablie. Les premières années qui ont suivi son rétablissement — je précise que nous sommes tous des propriétaires-exploitants dans la région —, la situation était si précaire, et nous étions si pauvres que personne ne voulait acheter nos entreprises. Les acheteurs veulent les entreprises du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, où ils gagnent beaucoup d’argent.

Je me souviens quand quelqu’un est venu me serrer la main et m’a lancé : « Vous avez eu une bonne saison cette année, n’est‑ce pas? » Je lui ai répondu que oui et que nous étions tous ravis. Il m’a dit : « Tant mieux. Quand les affaires vont bien pour les pêcheurs dans cette communauté, la communauté se porte bien elle aussi. » Pour le meilleur ou pour le pire, les pêcheurs ne sont pas très doués pour mettre de l’argent de côté; nous sommes plutôt doués pour le dépenser. Nous en sommes témoins quand nous voyons nos compagnons agrandir leurs maisons, rénover leurs cuisines, s’acheter de nouveaux véhicules et bateaux... Nos bateaux sont en mauvais état. Toutes ces dépenses sont possibles parce que je peux réinvestir 100 % de mes revenus après impôts.

La situation est déjà assez grave si les entreprises sont détenues par des intérêts à Toronto, mais si ces intérêts sont en Norvège, à Pékin ou ailleurs, c’est une catastrophe deux fois pire.

Mme Inniss : J’aimerais ajouter quelque chose. Pour répondre à votre question sur le fait que l’on n’entend pas beaucoup parler du phénomène, comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, nous composons avec cet enjeu depuis des décennies. Un changement démographique s’est opéré et, comme nous le savons, avec tout changement démographique, ce pour quoi l’ancienne génération s’est battue avec acharnement devient la norme pour la nouvelle génération. Voyez-vous ce que je veux dire?

Cela ne peut pas être la nouvelle norme, mais dans des communautés comme le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, par exemple, la situation dure depuis si longtemps et elle s’est tellement détériorée que ce n’est plus au centre des discussions. Nos téléphones sonnent — M. Allen est un dirigeant, et Mme Sonnenberg et moi-même sommes des employées. Nos dirigeants et nos membres nous interpellent à ce sujet. Croyez‑moi sur parole.

Pour revenir au point soulevé par M. Allen, la Colombie-Britannique offre de nombreuses excellentes formations en matière de sécurité. La deuxième langue utilisée pour ces formations est le vietnamien. Je vous laisse y réfléchir.

Le sénateur Cuzner : Merci beaucoup, monsieur le président. Vous faites un travail remarquable à titre de président suppléant.

Je me souviens que j’étais à la Chambre des communes il y a sept ans lorsque la loi a été adoptée, et je sais que de l’excellent travail a été accompli à l’époque. Je ne me doutais pas que, après mon départ de la Chambre, tout irait à vau-l’eau. Vos témoignages aujourd’hui sont importants et pertinents.

Nancy Wadden est derrière moi. Sa famille a fait affaire avec mes beaux-parents, les Hopkins, pendant des générations. Il était toujours difficile d’avoir accès aux banques. À une certaine époque, la pêche était un moyen de subsistance assez modeste, mais elle est certainement devenue plus lucrative et a gagné de l’envergure.

Jadis, si vous aviez besoin d’un moteur et que vous deviez réparer votre bateau, c’était la banque Hopkins qui vous accordait le prêt, mais au début de la saison, l’argent était remboursé. Si un jeune homme voulait se lancer dans la pêche alors que le prix des permis était encore raisonnable, il pouvait obtenir un prêt d’un camarade. Ils concluaient un accord reposant sur l’honneur. Les pêcheurs vaquaient à leurs occupations et ils étaient les seuls à acheter dans la région. Tout le monde s’entraidait.

J’ai vraiment pensé que, après l’inclusion des propriétaires-exploitants dans la loi, toute la communauté avait poussé un soupir de soulagement. Je prends beaucoup de temps pour mettre ma question en contexte, mais y a-t-il une, deux ou trois entités qui tirent vraiment profit du régime, qui font grandement pression en ce sens et qui essaient de parvenir à leurs fins? Pourriez-vous répondre à cette question?

Les banques semblent aujourd’hui plus disposées à s’impliquer dans le secteur de la pêche qu’elles ne l’étaient auparavant. Le gouvernement devrait-il intervenir auprès des banques?

Mme Inniss : Je serai brève. En ce qui concerne les banques, si un jeune nouveau pêcheur peut obtenir du financement auprès d’une banque... Ou en Nouvelle-Écosse, comme vous le savez certainement, le Conseil des prêts pour la pêche et l’aquaculture de la Nouvelle-Écosse peut être très utile en dehors du secteur bancaire. Il y a un problème si l’octroi de permis par le MPO se fait selon le principe du premier arrivé, premier servi, et que les entités étrangères peuvent arriver en premier. Je pense que cela répond en partie à votre question.

Si les banques prêtent de l’argent à Carl, mais que Ruth a une entente avec un transformateur et peut agir très vite, le MPO — qui dispose des outils dont nous parlons aujourd’hui — peut suivre l’argent ou faire tout le nécessaire pour utiliser ces outils afin de garder Carl — qui est un petit propriétaire-exploitant, plus petit qu’une société, issu de la communauté. Nous pourrons ainsi avoir des communautés dynamiques. Il s’agit de relier les points. Il incombe au gouvernement fédéral et au MPO de soutenir les propriétaires-exploitants, et c’est une façon de s’y prendre.

Lorsqu’une demande de permis est faite, retracez la source de cet argent. Ne vous contentez pas de traiter la demande. Et c’est ce qui se passe. J’ai répondu en partie à votre question. Je vais donner la parole à mes collègues.

M. Allen : Je vais aborder brièvement ce sujet. Pour répondre à votre question sur ce que les gouvernements peuvent faire au Nouveau-Brunswick et avec l’Union des pêcheurs des Maritimes, je dirai que nous avons travaillé fort avec UNI et le gouvernement pour mettre au point un programme. C’est un bon début. Je pense qu’une sorte de conseil de crédit pour la pêche, s’apparentant à Financement agricole Canada — une institution nationale — serait une bonne idée, car un tel conseil offrirait des taux raisonnables.

Une partie du problème qui a conduit à l’effondrement de nombreux conseils de prêts provinciaux était que ces derniers avaient pris l’habitude de laisser les pêcheurs s’en tirer à bon compte, ce qui a entraîné beaucoup de créances irrécouvrables que le gouvernement a dû radier. Il doit y avoir une relation honnête entre les nouveaux pêcheurs et les conseils de prêts, quelle que soit leur structure. Tenez-le-vous pour dit : vous ne pouvez pas emprunter 5 000 $ pour un moteur comme on le faisait il y a 30 ans. Vous avez une certaine responsabilité. Si vous investissez dans une entreprise, quelle qu’elle soit, vous avez une certaine responsabilité de vous assurer que vous atteindrez vos objectifs si on vous accorde des taux raisonnables. C’est une bonne mesure.

Réfléchissons à la mentalité dans le secteur des pêches. Nous parlons de la dimension culturelle de la pêche. La mentalité au sein du ministère des Pêches et des Océans pose problème. Si nous voulons avoir une conversation honnête, il faut admettre que la mentalité au sein du ministère pose problème. C’est pourquoi, après l’adoption de la nouvelle loi et la rédaction des règlements... Et si Dominic LeBlanc n’avait pas clairement dit aux fonctionnaires à l’époque qu’il fallait appliquer les règles, de nombreux hauts fonctionnaires du ministère auraient été prêts à céder tout le contrôle de la pêche à quatre ou cinq entreprises. Je ne citerai pas de noms. En réalité, ils pourraient dire à une personne en particulier sur la côte Ouest et à deux autres sur la côte Est : « Écoutez, nous venons de signer un accord international. Nous allons de l’avant. Comment pouvez-vous nous aider? Faites en sorte que cela fonctionne et nous vous laisserons faire ce que vous voulez. »

L’Union des pêcheurs des Maritimes représente 1 300 pêcheurs. Nous faisons partie de la fédération et nous comptons plus de 30 organisations. Il existe une trentaine d’autres organisations qui ne relèvent pas de nous et qui représentent de 15 000 à 20 000 pêcheurs quasi indépendants à travers le pays. Nous sommes parfois un peu difficiles à gérer. C’est une mission quasi impossible. C’est difficile à gérer.

C’est là le problème. Le ministère veut emprunter la voie de la facilité. Qu’il s’agisse ou non de l’objectif final, que le résultat soit meilleur ou non, cela lui importe peu. Il veut la voie de la moindre résistance. Si les trois entreprises finissent par appartenir à trois pays étrangers, cela importe peu au ministère, tant que le résultat correspond à son modèle et qu’il atteint sa cible. En fin de compte, c’est comme si notre pays avait perdu beaucoup de possibilités de développement économique. Il n’est pas souhaitable que nous finissions tous par dépendre de l’aide sociale. Comment pouvons-nous arriver à un stade où nous pouvons soutenir notre industrie?

Le sénateur Cuzner : Je vais faire un commentaire là-dessus. Nous avons parfois la mémoire courte, et je me souviens avoir été porte-parole en matière de pêche en 2008 ou 2009. Le gouvernement de l’époque allait directement dans le sens que vous évoquez. Dans le secteur des pêches, il y aurait eu Bell, Rogers et Telus, et il aurait donc fallu composer avec trois entités, ce qui aurait été beaucoup plus simple pour le gouvernement.

Mme Sonnenberg : Vous avez parlé de concentration du secteur, et je pense que c’est un point important que le comité doit comprendre. La concentration qui se produit le long de nos côtes est absolument spectaculaire et terrifiante.

Le seuil pour les sociétés d’État étrangères qui désirent acheter une compagnie au Canada est, je crois, de 400 millions de dollars. Si c’est simplement une entité privée étrangère, et non une société d’État, le seuil est de 1,2 milliard de dollars.

Aujourd’hui, dans le secteur des pêches, il suffit d’acheter une usine de transformation ici, une autre là, et une autre encore ailleurs, pour très vite contrôler une grande partie de notre littoral. C’est ce qui se passe depuis un certain temps, et le phénomène se poursuit. Les seuils sont ridicules dans les circonstances. Le Bureau de la concurrence du Canada doit intervenir. Il doit se pencher sur la question, et les seuils doivent être modifiés, car nous allons nous retrouver les mains complètement vides. Je ne veux pas sembler pessimiste, mais il n’y a vraiment plus grand-chose à dire.

Des pays viennent au Canada avec leurs entreprises pour acheter des parts dans le secteur de la pêche, pêcher nos produits issus de nos ressources publiques et les acheminer chez eux pour les transformer. Cela se produit sans cesse en Colombie‑Britannique. Nous assistons à un exode massif de nos produits. Nous sommes littéralement en train de rater le bateau, si je peux m’exprimer ainsi.

Il faut prendre plusieurs mesures, et nous devons nous y atteler de toute urgence.

L’autre élément sur lequel j’attire votre attention en ce qui concerne les ententes de contrôle est le témoignage devant le comité de la Chambre d’un certain Jimmy Lee Foss. Il a très clairement expliqué ce qui s’est passé. Je vais le paraphraser, mais ses propos ont été consignés au compte rendu. C’est un jeune pêcheur. Il ne parvenait pas à obtenir de capitaux et il allait faire faillite. Soudainement, il s’est retrouvé à la tête d’une entreprise de 3,5 millions de dollars.

Je vais employer des termes précis : prêts abusifs et prêts usuraires. À l’époque de la politique PIFPCAC... certains d’entre vous sont peut-être assez âgés pour s’en souvenir; pour ma part, je m’en souviens. Souvenons-nous de la « banque Hopkins » — nous en avons beaucoup parlé. Je me souviens que le MPO disait qu’il s’agissait de prêts usuraires, et je lui rétorquais : « Non, c’est le système que nous avons. »

Nous nous sommes tellement éloignés de ce régime, qui est devenu plus qu’alarmant. Nous n’avons pas ce genre de... Certaines entreprises sont de plus petite taille et sont familiales. Mais ce n’est pas ce que nous voyons actuellement; nous parlons ici de grandes sociétés, de grosses sommes d’argent, de poches bien remplies et de prêts de 99 ans, à des taux qui frôlent l’usure. Nous devons nous pencher sur cette situation. Nos yeux sont grand ouverts. La fédération a été créée parce que, en 2007, lorsque le sénateur Cuzner était à l’autre Chambre et que ces changements se préparaient, nous aurions vraiment dû y mettre un terme, mais le problème n’a pas été stoppé. Nous nous trouvons donc aujourd’hui dans une situation que je qualifierais de plus que critique.

Nous voyons en Colombie-Britannique... Nous prenons l’exemple de cette province, car nous y avons des membres. Les rendements diminuent pour les pêcheurs indépendants, les grandes entreprises, et tout ce qui se passe là-bas... Auparavant, nous regardions ce qui s’y passait avec effroi, mais nous n’avons plus le temps de prêter autant d’attention à nos membres en Colombie-Britannique, car le même scénario se joue désormais chez nous.

Le président suppléant : Merci.

Le sénateur Boudreau : Merci à nos témoins d’être parmi nous aujourd’hui. Nous recevons le plus grand nombre de témoins néo-brunswickois que j’ai vu à une réunion de comité sénatorial. J’en suis ravi. Merci d’être ici.

Je vais me concentrer davantage sur les aspects positifs dans la première partie de mon intervention. Je sais que mon collègue, le sénateur Surette, a fait référence à l’étude sur l’incidence économique dont nous avons eu un aperçu hier soir. Je sais que vous avez dit que vous alliez la déposer ou nous la laisser.

Cependant, pour mettre en évidence certains points importants, je me demandais si vous pourriez nous parler de certains résultats généraux. Il était très encourageant et surprenant de constater les répercussions positives de l’industrie des produits de la mer dans le Canada atlantique et au Québec. Pourriez-vous nous parler de certains de ces résultats?

Mme Sonnenberg : Je vais donner la parole à Mme Inniss, mais je tiens à dire d’emblée que, depuis la création de la fédération et même avant, nous avons toujours vanté à tous ceux que nous rencontrons la valeur qu’apporte la pêche à nos communautés. Ce que nous n’avons pas fait, c’est de faire appel à une voix extérieure pour nous aider à l’exposer clairement. Ce n’est que le début pour nous. C’est le produit de base sur lequel nous allons nous appuyer.

Ce n’est pas nous qui le disons. M. Ian Lee, qui ne travaille pas pour nous, a lancé ce processus pour nous, et les résultats sont exactement ceux auxquels nous nous attendions, mais ce n’est pas nous qui les annonçons. C’est pourquoi l’étude a été menée. Vous devez entendre les résultats de la bouche de quelqu’un d’autre.

Mme Inniss va aborder les points importants. Elle a l’étude devant elle.

Mme Inniss : Oui, j’ai seulement le résumé de l’étude.

Comme je l’ai dit plus tôt, nous travaillons avec beaucoup de diligence depuis des décennies sur les questions relatives aux propriétaires-exploitants, et lorsque nous rencontrons les gouvernements, les gouvernements provinciaux, en particulier... Je me souviens d’avoir été dans une salle avec les représentants du gouvernement de la Nouvelle-Écosse pour parler de l’importance des collectivités côtières, de la pêche commerciale côtière et de la politique du propriétaire-exploitant. Ils nous avaient dit : « Prouvez-le. Où sont vos chiffres? » Nous ne les avions pas. Nous le savions, tout simplement. Nous n’avions pas de chiffres précis.

Ce qui est vraiment bien, c’est que nous avons maintenant ces chiffres. Ce qui manquait, c’était l’élément socioéconomique, et nous croyons qu’il est extrêmement important de l’avoir.

C’est l’une des expériences que j’ai vécues avant d’avoir cette information. Je vais vous lire un extrait; ce n’est que le résumé. Je vais faire parvenir l’étude à la greffière du comité pour qu’elle la distribue aux membres. Est-ce que cela convient à tout le monde? Merci, monsieur le président.

Un moteur économique essentiel qui a un effet d’entraînement majeur sur la prospérité. L’industrie du homard est vitale pour l’économie des Maritimes, car elle génère des exportations essentielles et soutient des emplois dans toute la région. Les recherches montrent que le homard de la région des Maritimes a généré une valeur au débarquement côtier de plus de 1 milliard de dollars en 2023, ce qui fait du homard un groupe d’espèces fondamental qui stimule positivement l’économie. La pêche au homard produit également des multiplicateurs économiques impressionnants dans le Canada atlantique. En Nouvelle-Écosse seulement, chaque million de produits de la pêche crée 2,8 emplois directs.

C’est important dans les localités côtières. Si, en plus des emplois directs, on tient compte des fournisseurs en amont comme les constructeurs de bateaux et de carburant, les retombées positives sont grandement amplifiées. Selon M. Lee:

[...] Bien que la pêche soit essentielle pour l’économie du Canada atlantique, la diminution des exportations et les coûts inflationnistes représentent des obstacles importants. Le poids au débarquement a décliné au cours des dernières années, et l’on observe une tendance à la baisse des importations en provenance des trois principales destinations mondiales pour le homard canadien au cours des trois dernières années. Les marges sont également sous pression en raison de la hausse des coûts inflationnistes pour des intrants clés comme le carburant, l’entretien et les matériaux. Malgré une situation difficile, les projections indiquent que le marché canadien du homard sera résilient et atteindra des taux de croissance modestes au cours des quatre prochaines années malgré ces défis. Selon de récentes prévisions, le taux de croissance de la taille du marché estimé pour le homard canadien pourrait se situer entre 2,65 % et 3,05 % de 2025 à 2029.

Voilà l’étude, en gros. Elle porte uniquement sur le homard, mais il y a d’autres espèces également. Je dirais que le homard, c’est la base des pêcheries, dans toutes les communautés.

Pour ceux d’entre vous qui ne le savent pas, il est professeur agrégé à la Sprott School of Business de l’Université Carleton.

Il est important d’avoir cette information. Merci.

Le président suppléant : Merci.

Le sénateur Boudreau : J’ai une autre question sur un autre sujet. Je ne peux pas rater l’occasion de la poser à M. Allen, alors qu’il est devant nous. Je crois que c’est la première fois que je l’appelle M. Allen; cela sonne bien, non?

Lorsqu’on échange avec vos collègues sur les quais, on constate qu’il y a un vieillissement des pêcheurs, comme dans tous les secteurs d’ailleurs. Je crois que l’un des premiers sujets que l’on a abordés, ce sont les obstacles qui nuisent aux nouveaux venus. En plus des obstacles financiers, dont nous avons déjà parlé un peu, quels seraient les autres obstacles qui empêchent les enfants des pêcheurs actuels, par exemple, ou d’autres jeunes de faire leur entrée dans ce secteur?

M. Allen : Sénateur Boudreau, je vous remercie pour votre question. J’ai trouvé étrange de vous entendre dire « M. Allen ». Je vous en suis reconnaissant.

L’ironie, c’est que dans ma communauté, qui est la vôtre — et pour tout vous dire, le sénateur Boudreau a déjà été mon député provincial —, nous assistons à un transfert générationnel. Si la pêche est saine et qu’un nouveau venu croit qu’il y a un avenir viable, nous le voyons.

Pour répondre à votre question sur la façon d’y arriver, il faut revenir à l’aspect culturel. Malheureusement, pendant plusieurs années — et on l’a vu aussi dans le secteur de la transformation —, on a fait subir une pression aux jeunes afin qu’ils ne le fassent pas; qu’ils ne travaillent pas dans les usines. C’est comme si nous encouragions ou découragions les jeunes à se lancer dans l’industrie. Pour une fois, les enfants nous ont écoutés, pour vrai. C’est plutôt du côté de la transformation.

Du côté de la pêche, nous le voyons de plus en plus. Encore une fois, l’accès au capital, les programmes et la formation... Ce qui représente un autre grand défi pour l’industrie, c’est que nous sommes passés d’un modèle où l’on se contentait de mettre ses bottes, de prendre sa boîte à lunch et d’aller pêcher à un modèle où il faut établir son entreprise et respecter des règles et règlements sérieux... Transports Canada, les normes relatives aux navires, les normes de formation.

Il faudrait aussi créer une boîte à outils pour donner aux nouveaux venus la confiance en eux et en leur capacité de faire cette transition, parce que c’est toute une transition.

C’est une carrière qui peut sembler très romantique lorsqu’on se trouve à l’arrière d’un bateau. Il est facile de se dire « je peux le faire », mais je vous le dis, c’est une transition difficile. Malheureusement, je suis un de ces enfants qui n’a pas écouté lorsque mon père m’a dit « ne fais pas cela ». C’était de sa faute. Il m’a initié alors que j’étais beaucoup trop jeune, et il était trop tard pour moi. Mais c’est toute une transition.

Comment pouvons-nous créer cette boîte à outils? Comment pouvons-nous présenter les choses telles qu’elles sont? Il y a des possibilités. Je crois qu’il y a du travail à faire, mais je pense comme vous. Il y a beaucoup de positif. On a tendance à se centrer sur le négatif, mais il y a aussi beaucoup de positif. C’est tout un mode de vie. C’est très différent et je crois qu’il y a beaucoup de bon là-dedans. J’espère que nous pourrons y arriver.

Nous avons beaucoup de nouveaux venus qui sont indépendants, qui font leurs propres choix. Même sur le plan de la sécurité... Il y a eu un incident dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Je ne me souviens pas du nom du navire, mais je me souviens qu’il en a été question. Les pêcheurs pratiquaient la pêche à la palangre et la rumeur sur le quai était que la seule raison pour laquelle ils étaient sur l’eau par de telles conditions météorologiques, c’était parce qu’ils n’étaient pas propriétaires du navire et qu’on leur avait dit qu’ils devaient aller pêcher. Ils le font pour 10 ¢ sur chaque dollar. Ils se placent dans une situation où la personne qui reçoit le plein montant ne se placerait même pas.

La sécurité est un autre facteur; il y a aussi la durabilité. Les accords de contrôle sont moins importants aujourd’hui. Selon la structure actuelle des ententes de prêt... Comme dans le cas de Jimmy Lee Foss, à Terre-Neuve : quelque chose se produit, les lumières s’allument ou elles s’éteignent. Il me reste encore un certain nombre d’années devant moi, je l’espère. Il est dans mon intérêt de veiller à ce que les pêches soient bonnes dans 20 ans, comme c’est le cas aujourd’hui, par exemple. Toutefois, si vous ne savez pas si vous allez opérer un navire l’an prochain, à quoi bon s’en soucier? Vous allez prendre l’argent aujourd’hui et si tout s’écroule, vous passerez à autre chose.

Mme Inniss : Quelque chose m’est venu à l’esprit lorsque vous avez posé cette question pendant que M. Allen parlait. Nous avons parlé de la politique du propriétaire-exploitant et des entreprises exploitées par le propriétaire. Lorsque j’ai commencé à travailler dans le domaine de la pêche, c’était un emploi de dernier recours. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Je travaille dans le secteur des pêches depuis un certain temps, mais pas assez longtemps pour l’avoir vu passer d’un emploi de dernier recours à une entreprise très viable. C’est très difficile d’y entrer. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd’hui pour vous parler, parce que c’est très difficile pour les nouveaux venus.

Je tiens à souligner une chose à laquelle nous pensons souvent : lorsqu’une chose nous appartient, on en tire habituellement une grande fierté. Quand on travaille pour quelqu’un d’autre, c’est une mentalité différente. Nous l’avons constaté dans nos communautés. Les gens qui sont propriétaires assument la responsabilité de l’environnement. Comme l’a dit M. Allen, il y a beaucoup de formations et programmes à suivre. Les propriétaires assument donc la responsabilité de leur entreprise. Le mot clé est « responsabilité ».

Si toutes les pêches appartiennent à une société ou à quelqu’un qui n’a que des employés, cela entraîne des répercussions. C’est différent. C’est une autre façon dont la situation touche nos communautés. Nous l’avons vu. Si une personne possède sa propre entreprise, elle en sera fière, aura le souci de l’environnement et se sentira responsable. Je crois qu’il ne faut pas perdre cela de vue. Merci, monsieur le président.

[Français]

La sénatrice Gerba : Encore une fois, bienvenue au comité.

Monsieur Allen, c’est intéressant de voir comment vous présentez la créativité du secteur des pêches pour les jeunes. Effectivement, cela doit être attrayant d’être derrière son bateau de pêche. Convaincre les enfants et les jeunes reste aujourd’hui très difficile.

J’aimerais rebondir sur les obstacles évoqués. Vous avez notamment mentionné l’aspect culturel et la difficulté d’obtenir du financement. Mme Sonnenberg a parlé de l’appui pour un financement agricole comme le modèle de Financement agricole Canada. Dans le secteur des pêches côtières, il est courant que les transformateurs offrent des prêts aux pêcheurs. Quelles devraient être les protections mises en place pour éviter que ces prêts ne compromettent l’indépendance des pêcheurs?

[Traduction]

M. Allen : Je vous remercie de votre question. Il y a les accords de financement et maintenant les accords de prêt. Mme Sonnenberg a parlé des pratiques de prêt abusives. Je pense qu’il faut examiner ces accords et leur libellé, leur structure et la rapidité avec laquelle on peut couper l’herbe sous le pied du pêcheur pour une raison ou une autre. Il se peut que le rendement du pêcheur n’ait pas été à la hauteur, parce que tout est une question de rendement. Si vous ne performez pas au mieux... C’est comme au hockey : après cinq défaites, c’en est fini, même si vous avez eu 100 victoires auparavant. Il faut vraiment examiner la situation.

Ce qui a changé dans le secteur de la transformation... Ironiquement, à une certaine époque — pour revenir à ce que vous disiez, sénateur Cuzner —, les transformateurs étaient des propriétaires-exploitants. Lorsque les transformateurs propriétaires-exploitants traitaient avec des pêcheurs propriétaires-exploitants, les banques n’entraient souvent pas en jeu. Vous pouviez vous rendre... Et c’est ce que j’ai vécu, pour être franc. J’ai construit un bateau et je me suis rendu chez Westmorland Fisheries, à Cap-Pelé, qui appartenait à Russel Jacob. J’ai dit : « J’ai besoin de tant d’argent pour mon bateau ». C’était un montant important à l’époque. Si j’avais fait une demande à la banque, il m’aurait fallu trois mois et 15 piles de documents pour obtenir l’argent. Il a pris le téléphone et a appelé la dame qui s’occupait des chèques. Il lui a demandé : « Pouvez‑vous faire un chèque de tel montant à Carl Allen? » Nous avons commencé à parler de nos enfants, qui avaient à peu près le même âge, et deux minutes plus tard, la dame est entrée, il a signé le chèque et me l’a donné. Il n’y a pas eu d’accord. Je lui avais déjà emprunté de l’argent. Mais j’étais responsable; j’ai toujours remboursé mes prêts.

Le prêteur a lui aussi des responsabilités. Il ne faut pas l’oublier. Ce qui a en partie tué les commissions provinciales de prêts, c’est que les emprunteurs ont oublié leur responsabilité. Je n’ai jamais oublié la mienne. C’était un prêt à taux d’intérêt nul.

Certaines de ces ententes de financement... Sommes-nous de retour dans les années 1980? Le taux d’intérêt de la Banque du Canada est-il de 12 %? Mon père a vécu la même expérience avec Chase’s Lobsters à Pugwash pendant un certain nombre d’années. Il m’a dit : « Oui, M. Earl Chase m’a prêté tel montant pour mon bateau. Quel est le taux d’intérêt? » C’était 0 %. C’est ce que j’appelle un bon banquier. Il ne faut pas le perdre.

Nous devons mettre en place des structures. C’est leur mission. Leur mission est d’encourager les propriétaires-exploitants. Encore une fois, je fais comprendre aux emprunteurs qu’ils ont également une responsabilité. Cela va dans les deux sens. McDonald’s ne vous accordera pas de franchise sans s’attendre à un rendement ou si la société croit que vous n’allez pas respecter l’entente. Il y a une certaine responsabilité. Si vous voulez gérer une exploitation de plusieurs millions de dollars, vous avez également une certaine responsabilité.

Le président suppléant : Voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Sonnenberg : La seule chose que j’allais ajouter, c’est qu’un taux d’intérêt de 12 % serait considéré comme étant assez bas ces jours-ci, pour les accords de contrôle. Je crois que l’on atteint maintenant les 20 %. On nous a dit que le taux atteindrait 24 à 29 %. C’est insensé, d’un point de vue juridique.

[Français]

La sénatrice Gerba : Je vais rester avec Mme Sonnenberg.

Plusieurs témoins, comme vous, nous ont expliqué que moins de jeunes sont en mesure d’acheter des entreprises de pêche, parce qu’elles font l’objet d’une surenchère de la part de grandes entreprises ou de sociétés existantes. Vous avez encouragé le modèle de Financement agricole Canada, qui vise à aider les nouveaux arrivants dans le secteur agricole à obtenir des prêts pour démarrer une entreprise. Quelles seraient vos recommandations pour mettre en œuvre un tel programme pour le secteur de la pêche?

[Traduction]

Mme Sonnenberg : Je vous remercie pour votre question. Il faut faire quelques démarches à ce sujet. Nous connaissons un peu Financement agricole Canada, mais d’après ce qu’on nous dit, il y a beaucoup de similitudes. Il faut que le fonds soit structuré de manière à ce que les jeunes — et ce que je considère être jeune ne l’est plus, parfois —, disons les nouveaux venus, qui souhaitent faire leur entrée dans l’industrie, puissent avoir accès à un processus qui répond à leurs besoins.

Sénateur Boudreau, dans le cadre de la structure dont vous parlez, il faut que cette boîte à outils soit... Nos enfants sont des pêcheurs dans le sud du Nouveau-Brunswick. Il y a beaucoup de jeunes pêcheurs, mais ils ont été financés par leurs parents. C’est un secteur intergénérationnel, mais les parents ont de plus en plus de mal à faciliter le transfert. Si nous mettons sur pied un « Financement des pêches du Canada », ou quel que soit le nom que nous voulons lui donner, il faudra mettre en place une certaine structure. Nous devons examiner les sommes en jeu, et il faut que le gouvernement du Canada s’engage à mettre de l’argent dans une cagnotte, en reconnaissant que pour sauver notre ressource publique, qui appartient à la population du Canada... Parce que c’est ce vers quoi cela nous mène, en fin de compte : nous exploitons une ressource publique dans ce pays qui appartient à la population du Canada. Si nous n’aidons pas ces gens qui s’engagent à long terme, et si nous n’aidons pas leurs communautés et leurs familles, il ne nous restera plus rien. Nous allons expédier nos produits de l’autre côté de la frontière pour qu’ils soient transformés au Groenland, dans l’État de Washington ou ailleurs.

Il y a un certain nombre de choses que nous pouvons faire, mais la première est d’obtenir un engagement de la part du gouvernement. L’argent est important. Encore une fois, il s’agit de suivre l’argent. S’il n’y a pas d’argent, nous ne pourrons pas aller en ce sens et nous devrons nous tourner de nouveau vers les banques. Est-ce qu’un jeune peut se présenter dans une banque et dire qu’il a besoin de 2,5 millions de dollars pour réaliser un projet? Manifestement, non.

Je pense que pour la boîte à outils — on commence à l’école secondaire —, c’est à cet égard que je reviens à la question du sénateur Boudreau. Nous avons des jeunes qui savent ce qu’ils veulent. Ils ne parlent que de leur désir de pêcher, de devenir pêcheurs. C’est encore ce que nous disons dans l’industrie. Les femmes ne s’en offusquent pas trop. Il faut commencer là. On ne peut pas commencer plus tard, 10 ans plus tard. Il faut commencer là, avec des cours. Nous avons vu quelques provinces le faire et la démarche a porté ses fruits. On commence par les intégrer à ce qu’ils connaissent — peut-être des cours sur l’aspect financier ou la sécurité et des cours de radio, une formation sur le bateau — tout cela peut être inclus puis ils passent au collège communautaire et doivent obtenir leur certificat de capitaine de pêche, etc.

Tous ces éléments font partie de ce dont vous parlez. Il faut passer par plusieurs étapes avant d’être prêt à emprunter de l’argent.

On parle d’un programme d’apprentissage dans le secteur de la pêche. Il n’est pas officiel, mais c’est ce qui se passe, en fait. Nous structurer le tout. Merci.

Le sénateur Prosper : Merci aux témoins. J’ai beaucoup appris et je suis très reconnaissant au sénateur Surette d’avoir soulevé la question.

J’ai une expérience différente, car j’ai été avocat auprès de groupes et d’organisations mi’kmaqs, puis chef et chef régional. J’ai le privilège de me retrouver ici et d’écouter.

J’ai un respect sincère pour votre démarche et votre vision. Pour ma part, je ne vois pas de frontière nette entre les collectivités autochtones et les collectivités locales qui travaillent pour le bien de leur population. Le contexte pique ma curiosité. Si vous pouvez décrire ce contexte où les intérêts commerciaux dominent et où l’on détourne les fonds des collectivités, où il n’y a pas l’effet multiplicateur sur l’économie dont vous avez parlé et de réinvestissement dans la collectivité — comme vous l’avez dit, il s’agit d’une ressource publique. C’est quelque chose que nous devons chérir et protéger pour les prochaines générations. Les gens doivent avoir le sentiment qu’il existe une occasion viable ici, sans prêts usuraires. Je ne peux qu’imaginer à quel point les pratiques sont abusives à cet égard.

Je me souviens d’avoir discuté avec un ministre du MPO au sujet des négociations concernant la décision Marshall. Soit dit en passant, Donald Marshall fils a été inculpé sur mes terres de réserve. Il a notamment déclaré que nous devions gérer les pêches comme on gère une entreprise. Je lui ai répondu que les collectivités n’étaient pas des entreprises.

Je comprends donc tout à fait ce que vous avez dit, madame Inniss, à savoir qu’il faut être propriétaire pour se sentir responsable, comparativement à quelqu’un qui reçoit un chèque à la fin de chaque journée. Je ne peux qu’imaginer... C’est une longue introduction à une question que je vais poser.

J’essaie de voir les similitudes entre le point de vue autochtone et ce qui pourrait apporter un éclairage et une lueur d’espoir au sujet de certaines des contraintes qui empêchent les gens d’entrer dans l’industrie — ainsi que des coûts exorbitants. L’une des choses auxquelles j’ai eu accès en tant que chef chargé d’un grand projet de construction routière... Sénateur Cuzner, vous savez de quoi je parle. J’aimerais beaucoup aller à la « banque de Cuzner ». C’est l’Autorité financière des Premières Nations qui m’a vraiment donné une chance en tant que chef. Elle avait accès aux marchés obligataires et avait une bonne cote de crédit. De plus, la seule garantie que nous devions fournir, c’étaient nos revenus autonomes — ceux provenant des jeux et de la pêche. À une époque, nous avions des revenus provenant du tabac, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Cependant, nous avons pu obtenir un taux plus avantageux que celui proposé par n’importe quelle banque. Quand j’entends parler de taux atteignant 20 %, je trouve que c’est ridicule.

Je vais poser ma question. Si vous pouvez nous éclairer, madame Inniss, je crois que vous avez mentionné qu’en Colombie-Britannique, le vietnamien est la deuxième langue utilisée pour les formations en matière de sécurité. Pouvez-vous nous décrire une situation à l’échelle internationale où les intérêts d’entreprises occupent une très grande place — des forces extérieures —, et où cela a nui aux collectivités de pêcheurs locales? Je me demande si vous pouvez nous donner un exemple.

Mme Inniss : Si vous avez un exemple, vous pouvez y aller, car pour être honnête, je ne comprends pas très bien le sens de la question.

Vous demandez ce qui se passe à l’échelle internationale?

Le sénateur Prosper : J’aimerais que vous me donniez un exemple. Je crois comprendre que vous souhaitez protéger les propriétaires-exploitants, dont les activités sont très bénéfiques pour un mode de vie, les collectivités côtières et le réinvestissement dans les collectivités où chaque dollar compte. J’aimerais que l’un ou l’une d’entre vous me donne un exemple où ce n’est pas le cas.

Les grandes entreprises occupent une place prépondérante — vous nous en avez fait part, madame Sonnenberg. Une fois que ces grands commerçants achètent, il y a un enjeu majeur dans l’industrie.

Y a-t-il des exemples à l’échelle internationale — ou même en Colombie-Britannique, d’après ce que vous avez mentionné plus tôt — où ces grands commerçants occupent une place prépondérante et nuisent aux propriétaires-exploitants?

Mme Inniss : Des usines de transformation du poisson ferment leurs portes et, dans certaines collectivités, les pêcheurs ne débarquent plus leurs prises.

M. Allen : Je vais vous donner un exemple vraiment extrême. Tout le monde ici a entendu parler des pirates somaliens? Savez‑vous qui ils sont en fait? Ce sont tous des pêcheurs exploitant de petits bateaux qui travaillent pour l’économie locale. Parce que le pays était en plein chaos, il n’y avait ni garde côtière ni marine pour les protéger. Des chalutiers étrangers, principalement chinois, sont entrés dans les eaux somaliennes, ont pêché le poisson, ont chassé les hommes, qui n’avaient alors pas d’autre choix que de se tourner vers la piraterie. C’est un exemple extrême.

Autre exemple : le gouvernement chinois a versé 10 milliards de dollars à Madagascar pour obtenir l’accès exclusif à ses eaux de pêche pendant 10 ans. À l’époque, un collègue et ami à moi, Duncan Cameron, m’a dit que la valeur capitalisée totale de la pêche en Colombie-Britannique était de 3,5 milliards de dollars à l’époque et qu’une fois que vous aviez investi, vous aviez un accès. C’était à perpétuité, à condition de payer les droits de permis annuels. C’est un peu extrême.

Cette lente évolution finit par atteindre un point de bascule. Je suis un charpentier qui a la mention Sceau rouge sur son certificat. J’ai obtenu mon diplôme à la fin des années 1990, lorsque la construction du pont de la Confédération a été achevée et qu’il n’y avait pas de pêche et qu’il fallait donc trouver autre chose. Savez-vous combien de pêcheurs sont soudeurs, charpentiers, électriciens? Ils devaient avoir un métier.

À l’époque, il y avait une question, un test d’aptitude. Le premier jour, une feuille tombe sur le lac. Le deuxième jour, deux feuilles tombent sur le lac et le nombre double chaque jour. S’il faut 14 jours pour que la moitié du lac soit recouverte de feuilles, combien de jours faut-il pour que la deuxième moitié en soit recouverte? Beaucoup de gens ont répondu 14 jours. Non, c’est un jour. La croissance est exponentielle. C’est ce qui se passe dans le secteur. Nous le voyons aujourd’hui.

La situation en Somalie est extrême. Quelqu’un m’a dit un jour que si l’on remonte le fil de l’histoire, concernant certaines des entreprises de pêche canadiennes qui avaient des chalutiers hauturiers qui ont détruit les stocks de poissons de fond sous les Grands Bancs, certains de ces chalutiers ont été vendus à des entreprises qui se sont rendues sur cette côte, ont détruit cette pêche et ont privé les pêcheurs de leur gagne-pain. C’est que le pays était en plein chaos et qu’il n’y avait pas de filet social. En fin de compte, je ne veux pas d’un filet social. Je veux que mon entreprise soit viable.

C’est un exemple un peu extrême, mais il vous montre à quel point la situation peut être insensée. Nous avons la chance, dans notre pays, d’avoir une certaine structure et des règlements. Nous sommes autorisés à être ici aujourd’hui pour défendre les intérêts de nos membres. J’espère avoir répondu à votre question.

Le sénateur Prosper : Oui. Merci.

Le président suppléant : Aviez-vous une autre question, sénateur Prosper?

Le sénateur Prosper : Oui et merci de me donner l’occasion de la poser. Madame Inniss, vous avez parlé d’échappatoires relatives à la pêche commerciale des Autochtones. Je me demandais si nous parlions de la pêche de subsistance à cet égard. De quoi parlons-nous exactement lorsqu’il s’agit de resserrer les règles ou de résoudre le problème?

Mme Inniss : Comme vous le savez certainement, il existe trois types de pêche. Il y a la pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles, la pêche commerciale communautaire et la pêche de subsistance convenable, qui sont toutes réglementées séparément par le gouvernement canadien et le MPO. Les observations en question concernent la pêche commerciale communautaire, et non la pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles ou la pêche de subsistance convenable.

Il y a beaucoup de confusion au sujet des pêches autochtones quant à ces distinctions. Chacune des pêches présente des défis. Les collectivités des Premières Nations ont du mal à décider dans quel cadre elles vont pêcher, etc.

Lorsqu’on parle des échappatoires dans la pêche commerciale communautaire, on en revient directement au propriétaire-exploitant. La pêche commerciale communautaire légale doit fonctionner comme ce que nous préconisons. C’est la personne qui est propriétaire qui pêche. Vous comprenez ce que je veux dire? Si la bande détient le permis de pêche commerciale communautaire, les membres de la bande devraient avoir cette possibilité et ce sont eux qui devraient se trouver sur les bateaux et pêcher. Je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles cela a été mis en place. La même chose devrait s’appliquer pour les membres d’une bande que pour M. Allen. Il est propriétaire de son équipement et il doit être sur le bateau. Il ne peut pas louer le tout à d’autres gens. Nous pensons que les règles devraient être équivalentes.

Nous croyons également qu’il serait avantageux pour les collectivités des Premières Nations d’accroître l’autonomisation au sein de la collectivité et de laisser les gens pêcher. C’est l’une des raisons pour lesquelles cela a été mis en place.

Comme vous le savez certainement, le gouvernement canadien a investi des sommes considérables dans le mentorat et la formation, entre autres, afin que vos collectivités puissent pratiquer la pêche à laquelle elles ont désormais accès. Nous croyons que ce sont ces personnes qui doivent être sur les bateaux. On parle de leur présence sur les bateaux. Il s’agit donc d’établir un parallèle.

Le sénateur Prosper : Merci de nous en avoir fait part. Lorsque j’étais chef, la saison de pêche représentait toujours un défi pour moi. Vous avez dit qu’ils étaient un peu difficiles. J’ai toujours voulu mettre en place un système qui comportait ce niveau de responsabilité et de reddition de comptes, où les efforts fournis par quelqu’un rapportent en fin de compte.

Je pense aux réparations. Il suffit de regarder le bilan et de déterminer comment réduire les coûts, notamment en ce qui concerne la prévention et l’entretien. Je comprends tout à fait. Merci d’en avoir parlé.

Mme Sonnenberg : J’ai eu l’impression que vous avez joué un rôle très actif au début concernant la décision Marshall. J’ai eu la chance de travailler avec certaines des collectivités autochtones. Les attentes étaient élevées quant à la poursuite de ce moyen de subsistance convenable. C’est-à-dire que les tribunaux offrent cette possibilité. Je pense que c’est là le hic dans l’histoire pour les collectivités autochtones. Je me souviens qu’une personne qui travaillait au programme de mentorat disait qu’il y a toujours de mauvais acteurs et qu’ils en trouveront. C’est ce qui s’est passé là où je vis.

C’est une transition difficile pour une collectivité qui dispose de tous ces atouts et qui doit soudainement les utiliser et générer de l’argent. En ayant un exploitant substitut — comme nous l’appelons dans l’industrie — sur le navire, nous nous sommes rapidement retrouvés dans une situation où les exploitants substituts étaient des gens de la collectivité dans laquelle je vis — je vis sur l’île Grand Manan, pour tout vous dire — qui ne venaient pas de la collectivité. Il était difficile pour certains groupes de l’intérieur de bien comprendre en ce qui concerne la baie de Fundy. C’était très mal pensé. À mon avis, compte tenu de ce à quoi ils étaient confrontés, ils ont hérité de quelque chose de déplorable.

Le problème, c’est qu’un certain nombre d’années se sont écoulées et que les collectivités auraient pu bénéficier de retombées financières considérables. Qu’est-ce que l’intérêt bénéficiaire, soit ce que nous tirons de la pêche, pour M. Allen? Quel est l’intérêt pour nos collectivités? Cela ne s’est pas concrétisé pour bon nombre de collectivités autochtones. Lorsque nous parlons de la présence sur le bateau, compte tenu de ce qui se passe dans nos collectivités, il est primordial d’y revenir afin que cela puisse se concrétiser pour ces collectivités.

La fédération comprend parfaitement les droits et la séparation, comme l’a décrit Mme Inniss, entre les différentes pêches, mais il est difficile de rester en retrait et de voir des gens bafoués par un système qui a été créé et qui ne fonctionne pas comme prévu. Je pense que c’est là que nous aimerions vraiment voir un changement dans ce cadre, afin que les intérêts bénéficiaires... C’est un avantage pour nous qu’ils profitent aux collectivités autochtones et qu’ils restent dans nos collectivités et y contribuent également, tant qu’ils sont là.

Le sénateur Prosper : L’argent ne va pas à des intérêts étrangers.

Mme Sonnenberg : Exactement. Nous avons davantage d’intérêts locaux... Toutefois, de grandes entreprises accèdent aux permis autochtones. Un autre endroit où cela est apparu, c’est Terre-Neuve. Nous voyons qu’une partie de l’accès est transférée à certaines des bandes là-bas, mais ce sont seulement des pêcheurs non autochtones qui mènent les activités et l’intérêt bénéficiaire ne leur revient pas.

Je voulais juste ajouter ce point, car il est très difficile pour nous de rester à l’écart et de faire ce constat alors que l’argent pourrait être utilisé à bien meilleur escient dans les collectivités qui en ont vraiment besoin.

Le sénateur Prosper : Merci.

Le président suppléant : Merci beaucoup. Nous manquons un peu de temps. Il nous reste 10 minutes. Il reste encore un intervenant pour le premier tour et possiblement trois autres pour le deuxième.

Je vous prie de bien vouloir donner des réponses brèves afin que nous puissions tout couvrir, si possible. Merci.

La sénatrice Greenwood : Je remercie les témoins d’être ici aujourd’hui. En vous écoutant — et cela fait suite à la question du sénateur Prosper, ainsi qu’à certaines questions de mes collègues —, j’ai constaté que vous répondiez à une grande partie de mes propres questions. Vous pouvez donc fournir de brèves réponses.

J’aurais certainement aimé que des représentants de la Colombie-Britannique soient présents, car j’aurais aimé entendre leurs réponses aux questions qui ont été posées. Il me semble — et je ne suis pas dans le secteur des pêches — que leur réalité est très différente. Je la connais un peu, et elle est effectivement différente. Je vous remercie d’avoir soulevé cette question.

Tout d’abord, vous avez tous parlé de la nécessité d’apporter des changements et de soutenir les pêcheurs, leurs familles et leurs entreprises indépendantes. Vous avez tous abordé différents aspects de cette question aujourd’hui, et je vous en remercie. On a vraiment l’impression qu’il s’agit d’une tradition canadienne et d’un mode de vie canadien établis de longue date. Et aujourd’hui, le Canada est dans une période où il encourage les investissements et le développement économique. Les médias parlent sans cesse des grands projets et d’autres initiatives. Ma question concerne tout cela.

À l’heure actuelle, et après avoir entendu vos témoignages, il est évident qu’il existe un contexte propice à l’entrée de nombreuses entreprises ou de nombreux intervenants externes dans cet environnement. Que faut-il faire pour élargir le soutien dont vous avez besoin à titre d’exploitants indépendants? Je pense que vous en avez parlé ce matin. Vous avez un rôle à jouer dans ce contexte. Quel serait ce rôle? Que faut-il vous fournir pour vous permettre de jouer ce rôle? Avez-vous des commentaires à formuler à cet égard?

Madame Sonnenberg, je vous ai entendu parler des peuples autochtones. Si vous souhaitez également faire des commentaires à ce sujet, ce serait formidable, dans le cadre de l’idée selon laquelle ils doivent prendre leur place dans ce contexte élargi dans lequel ils se trouvent dans notre pays.

Mme Inniss : Je vous remercie. Je peux fournir une réponse très brève, car elle se résume en quelques mots, à savoir la mise en œuvre. Il s’agit de mettre en œuvre les outils existants.

La sénatrice Greenwood : Je vous remercie.

Mme Sonnenberg : Je suis consciente que cette étude porte sur le Canada atlantique, mais je dirais que lorsque la Loi sur les pêches fera l’objet d’un examen — eh bien, c’est présentement le cas — , la Colombie-Britannique doit être incluse et expressément mentionnée. Le libellé actuel n’exclut pas cette province, mais le résultat est le même, c’est-à-dire que les propriétaires-exploitants ne sont pas une priorité en Colombie‑Britannique. Cela a nui au travail autonome dans la province, car ils sont de moins en moins nombreux. Si tout le monde recommande un libellé, je suggère que ce libellé mentionne explicitement la Colombie-Britannique.

Comme l’a dit Mme Inniss, il faut d’abord mettre en œuvre les mesures nécessaires qui permettront de commencer à corriger la situation. Que faisons-nous? La même chose que notre organisme a toujours faite, c’est-à-dire constamment rappeler au gouvernement que c’est la raison d’être de la Loi sur les pêches. Nous sommes censés protéger les ressources publiques qui appartiennent au Canada et dont il devrait mieux s’occuper.

Le président suppléant : Monsieur Allen, souhaitez-vous répondre?

M. Allen : La cruelle ironie dans le cas de la Colombie-Britannique, c’est que lorsque les politiques relatives aux propriétaires-exploitants ont été mises en œuvre pour la première fois par Romeo LeBlanc dans les années 1970, elles ont fini par devenir des politiques de la région atlantique parce qu’il y avait des marchands qui essayaient de contrôler l’accès. La Colombie‑Britannique n’était pas visée, car tous les pêcheurs étaient des propriétaires-exploitants à l’époque et ils ne voyaient pas la nécessité de cette politique. Comme la province n’était pas visée, la politique a commencé à s’éroder, et la situation est maintenant complètement inversée, c’est-à-dire que les pêcheurs aimeraient revenir à un modèle dans lequel ils pêchent à leur compte.

La sénatrice Greenwood : À des fins d’éclaircissements, lorsque vous parlez de la « mise en œuvre », cela englobe la mise en œuvre au sens large. Cela concernerait donc le soutien aux jeunes qui veulent devenir pêcheurs et pouvoir accéder au financement, car ils sont nombreux. Comment pouvons-nous poursuivre la planification de la relève dans ce secteur? Je présume que c’est ce dont vous parlez, n’est-ce pas?

Mme Inniss : Oui. Il existe une Loi sur les pêches que nous nous efforçons de rendre plus pertinente, ainsi qu’un ensemble de règlements connexes. J’ai parlé plus tôt du transfert des permis. Ce n’est qu’un exemple, mais lorsqu’on transfère un permis, il incombe au ministère des Pêches et des Océans de s’assurer que ce permis n’est pas transféré à une entreprise.

C’est un exemple du type de mise en œuvre dont je parle.

La sénatrice Greenwood : Je vous remercie.

Le président suppléant : Merci beaucoup. Il nous reste trois minutes. Pour résumer, je vais demander à chacun des trois intervenants de poser ses questions. Mesdames et messieurs les témoins, veuillez répondre par écrit par l’entremise de la greffière. Cela nous serait très utile. Chaque intervenant dispose d’une minute.

[Français]

La sénatrice Gerba : Ma question sera très rapide. Madame Sonnenberg, vous avez évoqué les contraintes liées aux produits qui quittent le pays pour être transformés ailleurs. Est-ce que l’instauration ou l’imposition de quotas d’exportation serait une solution? Sinon, quelles seraient les pistes plus efficaces pour limiter cela?

[Traduction]

Le sénateur Surette : Ma question fait en quelque sorte suite à la dernière question de la sénatrice Greenwood.

Je présume que vous suivez de très près la question du renouvellement de la Loi sur les pêches à la Chambre des communes. J’aimerais donc connaître vos recommandations concernant la mise à jour de cette loi. Je vois ici un mémoire du Conseil canadien des pêches dans lequel on recommande de ne pas apporter d’autres modifications législatives à la Loi sur les pêches pour le moment, en faisant valoir que les outils nécessaires sont déjà en place. C’est dommage que nous n’ayons pas plus de temps, car j’aimerais connaître vos réponses à l’idée selon laquelle les outils nécessaires sont déjà en place. Cela rejoint en quelque sorte le commentaire de Mme Inniss sur la mise en œuvre et l’importance d’en faire davantage sur le terrain. C’est donc, en résumé, la question que j’allais poser, et j’aimerais connaître vos réponses.

[Français]

Le sénateur Boudreau : On parle évidemment des bienfaits de l’approche propriétaire exploitant pour nos communautés. On entend aussi dire que parfois, la preuve de résidence exigée lorsqu’on transfère un permis d’un pêcheur à un autre n’est peut‑être pas suffisamment réglementée ou sévère.

Cela fait en sorte que le permis reste peut-être dans la communauté, mais que les bénéfices économiques de ces pêches sont souvent transportés dans d’autres communautés.

La communauté locale perd donc le bénéfice économique. J’aimerais avoir vos commentaires sur la manière de renforcer cette preuve de résidence pour faire en sorte que les bénéfices restent dans la communauté.

[Traduction]

Le président suppléant : Nous attendons avec impatience vos réponses écrites à ces trois questions très importantes.

Je tiens à remercier les témoins, ainsi que les sénateurs et les sénatrices, d’avoir contribué à ce débat très rigoureux et très informatif qui s’est déroulé, selon moi, sous la direction d’un excellent président.

(La séance est levée.)

Haut de page