LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 18 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 18 h 31 (HE), pour examiner, afin d’en faire rapport, la séquestration du carbone océanique et son utilisation au Canada.
[Traduction]
Melissa Doyle, greffière du Comité : Honorables sénateurs, en tant que greffière de votre comité, j’ai le devoir de vous informer de l’absence inévitable du président et du vice-président et de présider l’élection d’un président suppléant.
Je suis prête à recevoir une motion à cet effet. Y a-t-il des candidatures?
Le sénateur Cuzner : Je voudrais proposer la candidature de mon ami et collègue, le sénateur C. Deacon.
Mme Doyle : L’honorable sénateur Cuzner propose que l’honorable sénateur C. Deacon assume la présidence du comité.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Mme Doyle : Je déclare la motion adoptée.
Le sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse) est invité à occuper le fauteuil.
Le sénateur Colin Deacon (président suppléant) occupe le fauteuil.
Le président suppléant : Je remercie les témoins de leur patience pendant nos tâches administratives, dont je prends la suite.
Je m’appelle Colin Deacon. Je suis sénateur de la Nouvelle-Écosse. Je demanderai d’abord à mes collègues autour de la table de se présenter.
Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Surette : Allister Surette, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Ravalia : Bonsoir et bienvenue. Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Greenwood : Bienvenue à tous. Margo Greenwood, je remplace la sénatrice Busson de la Colombie-Britannique. Nous sommes toutes deux originaires de cette province.
La sénatrice Pate : Bonsoir et bienvenue. Kim Pate, je remplace le sénateur Dhillon, et je vis ici, sur le territoire traditionnel non cédé et non restitué de la nation algonquine anishinabe.
Le président suppléant : Je vous remercie.
Si vous éprouvez des difficultés techniques, notamment en ce qui concerne l’interprétation, veuillez le signaler à la présidence, c’est-à-dire à moi, ou à la greffière, et nous ferons en sorte de régler le problème. Nous suspendrons la séance le temps nécessaire.
Le 8 octobre 2025, le Comité permanent des pêches et des océans a été autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la séquestration du carbone océanique et son utilisation au Canada. Aujourd’hui, dans le cadre de ce mandat, le comité entendra les personnes suivantes : Cynthia Handler, directrice générale, Bureau de recherche et de développement énergétiques, et Jason Gadoury, directeur principal, Politiques et planification, Bureau de recherche et développement énergétiques, Ressources naturelles Canada; M. James Manicom, directeur principal par intérim, Grands projets et croissance propre, Écosystèmes aquatiques, Pêches et Océans Canada; M. Daniel Wolfish, directeur général, Activités de protection de l’environnement, et M. David Taillefer, chef national, Programmes marins, Environnement et Changement climatique Canada; et M. Nick Xenos, directeur exécutif, Centre pour un gouvernement vert, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
Nous vous remercions tous de votre présence. Nous vous en sommes très reconnaissants et, au nom des membres du comité, nous sommes heureux de vous accueillir parmi nous aujourd’hui.
Je commencerai, si vous le permettez, par Mme Handler. Vous avez la parole pour vos observations préliminaires.
Cynthia Handler, directrice générale, Bureau de recherche et de développement énergétiques, Ressources naturelles Canada : Je vous remercie, monsieur le président.
Avant de commencer, permettez-moi de souligner que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe, qui vit ici depuis des temps immémoriaux et dont la culture continue de nourrir ce lieu.
Monsieur le président, honorables sénateurs, bonjour, et merci de me donner l’occasion de contribuer à votre étude sur la séquestration du carbone océanique. Je m’appelle Cynthia Handler. Je suis directrice générale du Bureau de recherche et de développement énergétiques à Ressources naturelles Canada, où je suis responsable de la politique et des programmes en matière d’innovation énergétique. Je coordonne également la politique de gestion du carbone, et mon équipe a dirigé l’élaboration de la Stratégie de gestion du carbone du Canada.
Ma collègue Amanda Wilson a comparu devant vous en novembre de l’année dernière pour vous présenter la Stratégie de gestion du carbone et vous en expliquer la pertinence. Je suis ravie de participer aux discussions d’aujourd’hui et de vous donner un aperçu de la manière dont RNCan continue de progresser en matière de gestion du carbone, notamment en ce qui concerne l’élimination du dioxyde de carbone. Je suis accompagnée de mon collègue Jason Gadoury, directeur principal de la politique et de la planification au Bureau de recherche et de développement énergétiques.
La gestion du carbone est un élément important du plan du Canada pour réduire les émissions, favoriser l’innovation, attirer des capitaux et soutenir une croissance économique propre. Elle comprend des technologies qui réduisent les émissions à la source, par exemple dans les installations industrielles, et des technologies qui éliminent le dioxyde de carbone déjà présent dans l’atmosphère.
Le Canada dispose d’une base solide sur laquelle s’appuyer qui comprend des compétences techniques et un savoir-faire industriel; un potentiel de stockage géologique important; et une capacité de recherche de calibre mondial dans tout un éventail d’approches en gestion du carbone. La Stratégie de gestion du carbone, publiée en septembre 2023, décrit la vision du Canada pour assurer l’expansion, dans ce domaine, d’un secteur canadien compétitif de plusieurs milliards de dollars. Il s’agit notamment de soutenir le développement et la mise à l’échelle de solutions d’élimination du carbone par des innovateurs canadiens.
L’élimination du carbone est la partie « neutre » dans « carboneutre », et tous les scénarios crédibles mentionnent que nous devrons éliminer par ingénierie plusieurs gigatonnes de dioxyde de carbone par an pour parvenir à la carboneutralité.
Pas plus tard que la semaine dernière, l’Agence internationale de l’énergie, l’AIE, a publié son rapport phare, Perspectives énergétiques mondiales, qui prévoit que le réchauffement climatique dépassera 1,5 °C au cours de la prochaine décennie. Le rapport indique qu’il faudra, pour repasser sous 1,5 °C, éliminer le dioxyde de carbone au rythme de 2,1 gigatonnes par an d’ici 2050, puis de 8 gigatonnes par an d’ici 2100.
Par ailleurs, en 2023, la Régie canadienne de l’énergie estimait que le Canada devrait éliminer de 100 à 115 mégatonnes de dioxyde de carbone par an pour parvenir à la carboneutralité d’ici 2050.
[Français]
Au cours des dernières années, nous avons observé l’émergence dans plusieurs pays d’un secteur d’élimination du dioxyde de carbone, ou EDC.
Cela est aussi vrai pour le Canada, où un nombre croissant d’entreprises travaillent sur un large éventail de techniques. Les technologies d’EDC actuelles sont à des degrés divers de maturité technique, commerciale et réglementaire.
La plus avancée est la technologie de capture directe dans l’air, qui extrait le CO2 directement de l’atmosphère pour qu’il soit stocké dans des formations géologiques ou des produits à longue durée de vie.
La Stratégie de gestion du carbone se concentre également sur d’autres techniques présentant un potentiel à court terme, comme la bioénergie avec captage et stockage du carbone et la minéralisation et l’amélioration du CO2. Par ailleurs, la stratégie reconnaît le potentiel précoce des techniques d’EDC basées sur les océans, comme le captage direct de l’océan et l’alcalinité de l’océan.
L’EDC en milieu marin comprend une série de techniques différentes, chacune ayant ses propres caractéristiques en matière d’efficacité potentielle, de coûts et de risques.
De manière générale, nous considérons que ces méthodes se trouvent à un stade moins avancé de la préparation technologique, en ce qui concerne la compréhension des répercussions sur les écosystèmes connexes, la prise en compte de la réglementation et l’état de la technologie par rapport aux techniques d’élimination du carbone au sol, comme la capture directe dans l’air, par exemple.
La Stratégie de gestion du carbone du Canada reconnaît que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer les techniques d’EDC en milieu marin, y compris leurs avantages et leurs risques.
Ressources naturelles Canada reconnaît que ces techniques peuvent offrir des avantages environnementaux et des possibilités économiques, mais aussi qu’il est nécessaire de les évaluer soigneusement pour s’assurer que les déploiements sont sûrs, efficaces et durables.
[Traduction]
Mon équipe au Bureau de recherche et de développement énergétiques surveille les nouvelles techniques d’élimination du dioxyde de carbone marin, ou EDCm, et encourage les efforts déployés pour repérer les lacunes dans la science et les connaissances qui doivent être comblées pour que nous comprenions mieux les répercussions environnementales et le potentiel économique de l’EDCm.
Nous travaillons en étroite collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada, ECCC, Pêches et Océans Canada, le MPO, et d’autres collègues fédéraux sur les questions relatives à l’élimination en milieu océanique, dans le cadre de notre engagement en matière de gestion du carbone. Ressources naturelles Canada, RNCan, n’a pas actuellement de mesure de politique ou de programme axée sur l’élimination du dioxyde de carbone en milieu océanique.
Le Bureau de recherche et de développement énergétiques investit, de manière générale, dans l’innovation en matière de gestion du carbone, notamment dans un programme de recherche, développement et démonstration de 319 millions de dollars qui a été lancé dans le cadre du budget de 2021. Ces investissements font avancer les technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone, ou CUSC, ainsi que d’élimination du carbone. Cependant, nos programmes ne se concentrent pas, jusqu’à présent, sur l’EDCm.
Les possibilités d’innover en matière de gestion du carbone sont nombreuses, et notre approche des investissements de programme s’appuie sur une évaluation non seulement de la technologie, mais aussi de la préparation du marché, de la politique et de la réglementation à l’arrivée de la technologie.
En ce qui concerne l’EDCm, nous nous attachons actuellement à construire les fondations scientifiques et de connaissances nécessaires pour évaluer ces technologies et la manière dont elles pourraient servir les objectifs environnementaux et économiques du Canada.
Je suis ravie de la présence de collègues d’ECCC, du MPO et du Secrétariat du Conseil du Trésor aujourd’hui. Je serai heureuse de répondre aux questions du comité.
[Français]
Merci encore de votre attention.
Nick Xenos, directeur exécutif, Centre pour un gouvernement vert, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Bonsoir. Je m’appelle Nick Xenos et je suis directeur exécutif du Centre pour un gouvernement vert du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Je tiens à souligner que nous sommes aujourd’hui sur le territoire traditionnel et non cédé de la nation algonquine anishinabe.
[Traduction]
Le Centre pour un gouvernement vert du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada dirige la Stratégie pour un gouvernement vert, qui expose l’engagement du gouvernement du Canada à atteindre la carboneutralité dans ses activités en ce qui concerne les bâtiments, le parc automobile et l’approvisionnement fédéraux.
Tous les ministères sont responsables de la mise en œuvre de la stratégie. Le Centre pour un gouvernement vert les aide en leur offrant des conseils, des formations et des outils. Il est également chargé de suivre, à partir de l’empreinte carbone du gouvernement du Canada, la réduction de nos émissions pour parvenir à la carboneutralité.
Le gouvernement s’engage dans la stratégie à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 en réduisant les émissions de ses propres activités de manière à se rapprocher le plus possible de zéro, puis en compensant toutes les émissions résiduelles par l’élimination d’une quantité équivalente de dioxyde de carbone.
La grande priorité de la Stratégie pour un gouvernement vert est, évidemment, de réduire les émissions. À l’exercice 2023-2024, le gouvernement du Canada avait réduit de 42 % les émissions provenant de ses biens immobiliers et de son parc automobile conventionnel, mais l’élimination du carbone vise à traiter les émissions résiduelles provenant de domaines difficiles à décarboner dans les activités gouvernementales, comme celles du parc de véhicules lié à la sûreté et à la sécurité nationale, de la force aérienne et de la marine.
Le Centre pour un gouvernement vert travaille directement avec les ministères pour favoriser la réduction des émissions, notamment en achetant de l’électricité propre, des carburants à faible teneur en carbone et des services d’élimination du dioxyde de carbone. Le Conseil du Trésor soutenant l’approvisionnement en matière d’élimination du carbone, je viens aujourd’hui faire le point sur le processus d’approvisionnement et le travail réalisé à ce jour.
En octobre 2024, le gouvernement a annoncé qu’il s’engageait à acheter des services d’élimination du dioxyde de carbone dans le cadre de la Stratégie pour un gouvernement vert, en précisant qu’il en achèterait pour au moins 10 millions de dollars d’ici 2030.
En février 2025, le gouvernement a lancé une demande de renseignements, afin de mobiliser l’industrie de l’élimination du carbone et de la consulter sur son intérêt, sa capacité et son aptitude à fournir des services d’élimination du dioxyde de carbone qui répondent aux exigences du gouvernement en matière d’écologisation. La demande de renseignements visait à obtenir l’avis d’experts sur un projet de conception pour mettre à l’essai l’approvisionnement en matière d’élimination du carbone et à évaluer la capacité du secteur de fournir des services durables et de qualité dans un large éventail d’approches technologiques. La demande de renseignements précisait également notre intention de réserver une partie de cet approvisionnement à des entreprises autochtones.
Afin de garantir la qualité des projets et de réduire au minimum les risques pour l’environnement, tous les projets devront démontrer leur conformité avec les politiques, réglementations et exigences en matière d’autorisations. En outre, la demande de renseignements proposait que tous les projets soient vérifiés et validés de manière indépendante, selon des protocoles de mesure et de surveillance scientifiques rigoureux et conformes aux pratiques exemplaires internationales.
La réponse à la demande de renseignements a été, de manière générale, très positive. Nous avons reçu de nombreuses soumissions de la part de l’industrie, du monde universitaire et des ONG. Comme le Canada ne dispose pas d’un cadre dédié à la réglementation des technologies d’élimination du dioxyde de carbone dans les milieux aquatiques, nous poursuivons nos consultations, notamment en collaboration avec les autres ministères, afin de déterminer la meilleure approche à adopter.
Nous finissons actuellement de définir l’approche et la portée du premier essai d’approvisionnement. Nous avons pour objectif de lancer le premier approvisionnement d’ici la fin de l’exercice. Merci.
[Français]
James Manicom, directeur principal par intérim, Grands projets et croissance propre, Écosystèmes aquatiques, Pêches et Océans Canada : Bonjour. Je suis James Manicom, directeur des grands projets à Pêches et Océans Canada.
[Traduction]
Comme mes collègues, je vis et travaille sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe, et je lui suis éternellement reconnaissante de son rôle de gardienne de territoire depuis des temps immémoriaux.
En tant que Canadiens, nous avons la responsabilité collective de gérer notre environnement marin avec soin et de manière pratique, raisonnable et durable. Depuis longtemps, le poisson revêt une valeur économique, environnementale, culturelle et spirituelle pour les Canadiens. De plus, les peuples autochtones pêchent depuis des générations dans les océans du Canada et le long de ses côtes, ainsi que dans ses lacs et ses rivières. La pêche commerciale et récréative génère chaque année des milliards de dollars pour l’économie canadienne. Il est important de noter que la productivité d’une pêche est liée à la santé de l’habitat des poissons.
Le ministère des Pêches et des Océans, le MPO, a pour mandat de gérer les pêches et protéger les eaux du Canada en assurant la gestion durable des pêches et de l’aquaculture, en travaillant en collaboration avec les pêcheurs, les collectivités côtières et les communautés autochtones, afin de permettre leur prospérité à long terme, qui repose sur le poisson et les fruits de mer, et en veillant à ce que les océans et les autres écosystèmes aquatiques du Canada soient protégés contre les effets négatifs.
La Loi sur les pêches, qui est une des lois environnementales fondamentales du Canada, ainsi que les dispositions de la Loi sur les espèces en péril, de la Loi sur les océans et de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement fournissent le cadre juridique de la protection du poisson et de son habitat dans l’ensemble du pays. La conservation et la protection de ces ressources sont essentielles au maintien de la biodiversité, de la sécurité alimentaire et de la prospérité économique.
Le Programme de protection du poisson, le PPPH, et de son habitat, dans lequel je travaille, réglemente les activités de développement susceptibles d’avoir des effets sur le poisson et son habitat en eau douce et en milieu marin, y compris les technologies d’élimination du dioxyde de carbone. Le PPPH est responsable de l’application des dispositions de la Loi sur les pêches relatives à la protection du poisson et de son habitat, ce qui comprend l’examen des ouvrages, des initiatives et des activités proposés, afin de déterminer s’ils risquent d’avoir des effets préjudiciables sur le poisson ou son habitat. Le PPPH veille à ce que les promoteurs de projets de développement, qu’il s’agisse d’infrastructures, d’activités aquacoles ou de nouvelles technologies marines, respectent les exigences réglementaires et appliquent des mesures d’évitement, d’atténuation et de compensation, si nécessaire.
En ce qui concerne l’élimination du dioxyde de carbone, le PPPH sera amené à travailler avec les promoteurs pour évaluer les effets potentiels de leurs projets sur le poisson et son habitat. Bien que le Canada n’ait pas encore de cadre dédié à la réglementation des technologies d’élimination du dioxyde de carbone en milieu aquatique, toute activité d’élimination du dioxyde de carbone qui interagit avec l’habitat de poissons, qui a, par exemple, des effets physiques directs, qui modifie l’alimentation, la lumière, l’oxygène dissous, les nutriments, relève du PPPH du MPO. Le PPPH évaluera les répercussions écologiques potentielles de ces activités, y compris les risques pour les poissons, les organismes benthiques, les frayères, et les voies migratoires et les autres choses qui ont une incidence sur le poisson et son habitat.
Le PPPH utilise une approche fondée sur les risques pour examiner les projets et il s’appuie sur les meilleures données scientifiques et techniques disponibles, ainsi que sur le savoir autochtone. Compte tenu de la nouveauté de cette technologie, combinée à la diversité des techniques — amélioration de l’alcalinité des océans, enfouissement de la biomasse, fertilisation des océans, etc. — et du peu de recherches sur leurs effets écologiques évaluées par des pairs, une approche réglementaire prudente et adaptative s’impose.
Pour évaluer les effets potentiels d’un projet, les promoteurs fournissent des renseignements sur l’environnement existant dans lequel le programme a lieu et une prévision des effets potentiels appuyée par des données scientifiques courantes. Les techniques d’élimination du dioxyde de carbone étant encore nouvelles, leurs effets sur le poisson et son habitat sont, dans une large mesure, inconnus. Les travaux scientifiques du ministère, dont on vous a parlé, visent à améliorer ses connaissances scientifiques, tout en autorisant la réalisation des projets pilotes à petite échelle.
L’évaluation de ces projets se fait au cas par cas et en fonction du site. Les approbations peuvent dépendre de facteurs variant d’un endroit à l’autre, par exemple pour ce qui est des paramètres chimiques, des conditions météorologiques et de la répartition des espèces. Cela montre l’importance des projets pilotes menés à petite échelle et bien surveillés et de la collaboration interministérielle, évidemment, pour asseoir les fondations scientifiques et établir la surveillance nécessaire aux décisions réglementaires futures.
Pêches et Océans Canada s’engage à encourager les efforts qui visent à l’avancement sécuritaire et écologique des technologies novatrices en milieu marin. Merci.
Le président suppléant : Je vous remercie. Nous passons maintenant à M. Wolfish.
Daniel Wolfish, directeur général, Activités de protection de l’environnement, Environnement et Changement climatique Canada : Merci, monsieur le président, honorables sénateurs.
Je tiens à souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe, que nous reconnaissons comme étant la gardienne des terres et des eaux de cette région depuis des temps immémoriaux. C’est un privilège d’y vivre et d’y travailler.
Je suis directeur général de la Direction des activités de protection de l’environnement à Environnement et Changement climatique Canada, autrement dit ECCC.
[Français]
L’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin est une activité industrielle naissante à l’échelle mondiale. Les technologies de séquestration du carbone océanique pourraient être des outils importants pour atténuer les changements climatiques, mais elles en sont encore à leurs débuts. Elles comportent des lacunes dans les connaissances et des incertitudes importantes. Cela nécessite des études supplémentaires. Nous devons faire progresser la recherche scientifique sur ces techniques de manière sûre et responsable. Le Canada et ses partenaires internationaux du Protocole de Londres et du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat indiquent qu’il reste de nombreuses questions à éclaircir en ce qui concerne l’efficacité, la sécurité et la préparation de leur application à grande échelle en milieu marin.
Le mandat d’Environnement et Changement climatique Canada consiste à prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques, préserver la nature et protéger l’environnement. Dans cette optique, nous examinons la séquestration du carbone dans les océans sous trois angles : la possibilité de favoriser une croissance propre et d’atténuer les changements climatiques; la prévention et la gestion de la pollution en milieu marin; la poursuite de la collaboration avec nos partenaires internationaux.
[Traduction]
En ce qui concerne le premier point, le gouvernement du Canada reste déterminé à atteindre l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C et à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 — objectif inscrit dans la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Une action continue est nécessaire pour atteindre les objectifs du Canada en matière de changements climatiques, ce qui est essentiel pour faire du Canada un acteur de la nouvelle économie à faibles émissions de carbone.
Le gouvernement a annoncé récemment la Stratégie de compétitivité climatique, qui souligne qu’il est impératif, d’un point de vue économique et environnemental, de réduire les émissions. Nous reconnaissons que les stratégies de gestion du carbone — comme l’a fait observer RNCan — sont des outils importants dans la boîte à outils climatiques plus généralement. Dans ce contexte, la séquestration du carbone océanique pourrait être un outil qui aidera à atteindre ces objectifs, sans toutefois remplacer la décarbonation.
ECCC, qui est conscient de la valeur de ces outils de gestion du carbone, applique la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, qui établit le cadre de la tarification du carbone pour les industries au Canada et crée d’importantes mesures incitatives à l’adoption de technologies propres, comme pour l’élimination du dioxyde de carbone, dans le cadre du Règlement sur le régime canadien de crédits compensatoires concernant les gaz à effet de serre. Le régime fédéral de crédits compensatoires est un régime réglementé d’une grande intégrité qui permet aux promoteurs de projets de générer des crédits compensatoires fédéraux pour les projets qui atteignent, de manière vérifiée, les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou d’élimination du carbone de l’atmosphère, à condition qu’il existe un protocole fédéral sur les crédits compensatoires publié portant sur cette activité.
ECCC élabore actuellement un protocole fédéral sur les crédits compensatoires pour le captage et le stockage géologique directs du dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère. Il convient toutefois de noter que ECCC ne prévoit pas pour l’instant d’élaborer un protocole pour l’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin.
En ce qui concerne la prévention de la pollution en milieu marin, plusieurs pouvoirs réglementaires — notamment la Loi canadienne sur la protection de l’environnement — sont confiés à ECCC pour contribuer au développement durable par la prévention de la pollution.
Les dispositions relatives à l’élimination en mer, qui mettent en application au Canada le Protocole de Londres, interdisent l’élimination ou le rejet d’une substance en mer, sauf si un permis valide l’autorise. La Loi vise toutes les eaux côtières, estuariennes et marines du Canada.
Les dispositions relatives à la prévention de la pollution de la Loi sur les pêches interdisent l’élimination de substances délétères dans des eaux où vivent des poissons, ou en tout autre lieu, si le risque existe que la substance pénètre dans ces eaux, y compris les plans d’eau douce, côtiers et marins.
En ce qui concerne plus particulièrement l’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin, ECCC n’a pas actuellement le pouvoir d’autoriser ces activités en vertu du Règlement sur l’immersion en mer de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, la LCPE, car la plupart des techniques utilisent des matières qui ne figurent pas dans l’annexe des substances admissibles. La liste canadienne des substances admissibles est conforme au cadre international décrit dans le Protocole de Londres.
De plus, le Règlement sur l’immersion en mer de la LCPE ne s’applique pas aux activités terrestres. Les promoteurs qui entreprennent des activités d’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin doivent s’assurer que leurs projets sont conformes à toutes les lois et à tous les règlements pertinents, y compris la LCPE et la Loi sur les pêches.
ECCC reconnaît qu’une approche cohérente est nécessaire pour gérer les nouvelles technologies, y compris celle de la séquestration du carbone océanique. Nous avons donc pris une série de mesures au cours des 12 derniers mois. ECCC se tient au courant des progrès scientifiques. ECCC collabore avec d’autres ministères fédéraux à vocation scientifique, comme Pêches et Océans Canada, afin de contribuer à la science, de développer des compétences et de suivre l’évolution de la situation internationale.
Par ailleurs, nous travaillons avec des partenaires fédéraux, afin d’étudier les options en ce qui concerne la création d’un mécanisme de réglementation conforme au Protocole de Londres pour permettre de mener des recherches sur l’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin, tout en adoptant une approche prudente.
ECCC continue également de travailler dans le cadre des différents instruments internationaux, comme le Protocole de Londres et le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, afin d’assurer la cohérence et une approche prudente de la gestion de ces nouvelles technologies.
En ce qui concerne les partenaires internationaux, en octobre 2025, les parties à la Convention de Londres et au Protocole de Londres ont réaffirmé qu’aucune technologie d’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin ne se prêtait encore à une utilisation à grande échelle. Des lacunes scientifiques restent à combler et des incertitudes doivent encore être levées avant qu’un déploiement puisse avoir lieu.
À l’automne 2025, et dans des rapports de 2022, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, a exprimé un avis semblable. Le GIEC prévoit d’évaluer les nouvelles publications disponibles dans son septième rapport, attendu en 2028.
Le Canada continue d’appuyer le cadre du Protocole de Londres. Le Protocole interdit l’immersion en mer de déchets et autres matières, sauf en vertu d’un permis délivré par une partie contractante. Le Protocole de Londres a été modifié en 2013, afin de réglementer davantage la fertilisation des océans à des fins de recherche scientifique. Lorsque la modification entrera en vigueur, elle créera un cadre juridiquement contraignant pour la réglementation future de ces activités, les interdisant à moins qu’elles ne soient autorisées par un permis de recherche scientifique.
Pour ratifier l’amendement de 2013, le Canada devra apporter des modifications législatives et réglementaires à la LCPE. Cela permettra à ECCC d’autoriser des recherches scientifiques légitimes et de créer un mécanisme de protection du milieu marin, tout en offrant aux promoteurs la clarté réglementaire nécessaire pour mener sur le terrain des recherches sur les technologies de séquestration du carbone océanique.
En conclusion, ECCC comprend l’importance de la recherche scientifique et la nécessité d’essais sur le terrain pour évaluer la contribution potentielle du captage du carbone océanique à la réalisation de nos objectifs de carboneutralité, tout en maintenant nos objectifs environnementaux et en réduisant au minimum les risques environnementaux. Des discussions sont en cours à l’échelle internationale sur un cadre qui favoriserait l’innovation et la recherche en matière d’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin, et le Canada continuera de participer à ces discussions et d’appliquer les décisions et les orientations internationales dès qu’elles sont connues. ECCC continuera de collaborer avec ses collègues fédéraux, les autres ordres de gouvernement, les intervenants et ses partenaires autochtones, afin d’améliorer ses connaissances scientifiques et sa capacité de surveiller et de gérer efficacement cet espace dynamique et en constante évolution.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous présenter mes observations aujourd’hui.
Le président suppléant : Je vous remercie.
Le sénateur Ravalia : Je vous remercie tous de votre présence et du travail que vous accomplissez dans ce domaine très important.
Nous avons entendu des témoignages sur l’intérêt de l’alcalinisation des rivières dans des environnements confinés, comme le port de Halifax, en ce qui concerne la séquestration du carbone.
Monsieur Wolfish, vous avez mentionné le Protocole de Londres. Est-il prévu d’examiner des projets tels que l’alcalinisation des océans ou d’autres mesures telles que la protection du plancton, des récifs coralliens et la lutte contre la pollution, afin d’étudier la séquestration du carbone dans une sphère beaucoup plus large dans les océans que dans les ports et les rivières actuels?
M. Wolfish : Je vous remercie de votre question, sénateur.
Nous suivons les progrès scientifiques à l’échelle internationale par l’intermédiaire de nos collaborations et de nos réseaux internationaux, notamment dans le cadre du Protocole de Londres et du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
De plus, nos scientifiques travaillent en étroite collaboration avec ceux de Pêches et Océans Canada, de RNCan et d’autres organismes, afin de continuer à suivre, à surveiller et à étudier les activités menées dans le monde, en examinant à la fois les avantages et les risques. Nous entretenons des relations avec des universités qui nous permettent de continuer à recevoir des données et de nous tenir au courant des publications en général, et nous avons également des relations avec des acteurs du secteur privé qui mènent des recherches scientifiques. Ils viennent souvent dans notre ministère pour présenter leurs travaux, et nous participons aux dialogues interministériels sur les activités scientifiques.
Le sénateur Ravalia : D’après les données dont vous disposez à ce jour, quels seraient, selon vous, nos meilleurs investissements à l’avenir en matière de récupération et de séquestration du carbone océanique?
M. Wolfish : Un certain nombre de techniques font actuellement l’objet de recherches et d’essais dans le monde. À l’échelle internationale, on estime que les différentes techniques doivent faire l’objet de plus de recherches avant qu’elles puissent être déployées à grande échelle.
Nous pensons qu’il est important de continuer de participer au groupe international, aux travaux et aux recherches qu’il mène, ainsi qu’aux groupes de travail créés dans le cadre du Protocole de Londres et aux travaux scientifiques qui y sont menés.
L’alcalinité des océans et la fertilisation des océans offrent des possibilités d’avancées et d’activités rapides, et il existe un domaine dans lequel nous pouvons poursuivre nos recherches et notre surveillance, tout en reconnaissant que la recherche doit être menée par différents acteurs du système d’innovation.
Le sénateur Ravalia : Y a-t-il d’autres témoins qui souhaitent s’exprimer sur cette question en particulier?
Merci beaucoup, monsieur Wolfish.
Le président suppléant : J’aurais une petite question, si vous le permettez.
J’ai beaucoup entendu ce terme, et j’aimerais en avoir une définition. Qu’entend-on par « à grande échelle » et « à petite échelle »? Je pense que vous avez tous utilisé ces termes, et j’aimerais, dans notre propre intérêt, en avoir une définition.
M. Wolfish : Je tiens à souligner que, dans le cadre du Protocole de Londres, nos activités et nos objectifs de recherche visent souvent des zones localisées ou sont menés dans le cadre de projets pilotes dans le but de comprendre les différentes implications et possibilités.
En ce qui concerne le déploiement de techniques, nous en parlons dans la perspective d’une mise en œuvre à grande échelle à d’autres fins que la recherche prévue. S’il s’agit d’une entreprise commerciale poursuivant des intérêts commerciaux ainsi que des intérêts plus larges liés à la séquestration du carbone, nous examinons la différence entre l’objectif et la localisation par rapport au déploiement à grande échelle prêt pour des activités mondiales.
Le président suppléant : Peut-être que je vous comprends mal. Ce n’est pas vraiment une question d’échelle, mais d’intention?
M. Wolfish : Je dirais que les définitions manquent encore de clarté. Au Canada, comme la LCPE interdit les activités dans le milieu marin lui-même, elles sont souvent menées aujourd’hui depuis le rivage vers le milieu marin. Nous tenons à souligner qu’il est important qu’elles soient conformes à la réglementation et aux lois canadiennes.
Nous tenons également à souligner qu’à l’échelle mondiale, l’activité n’est pas prête pour un déploiement à grande échelle. Cela vaut pour notre travail à Environnement et Changement climatique Canada, mais cela peut être différent dans d’autres ministères.
Le président suppléant : Je ne sais pas si d’autres témoins souhaitent ajouter quelque chose.
M. Manicom : Je peux dire que du point de vue du MPO, nous nous sommes penchés sur l’échelle — les projets que nous avons envisagés étaient tous limités dans le temps, ce ne sont donc pas des projets continus. Il s’agit d’efforts d’une durée d’un an, ou bien la durée de l’activité est limitée, ce qui est presque, par définition, le cas — et aucun projet n’est permanent. Il s’agit en quelque sorte de conseils que nous avons donnés à ces promoteurs pour une durée d’un ou deux ans, après quoi ils doivent s’arrêter et nous faire part de leurs résultats et des répercussions.
De notre point de vue, par définition, il s’agit d’activités à petite échelle, car elles sont temporaires. Aucune d’entre elles n’est permanente.
Le président suppléant : Vous définissez les activités « à petite échelle » comme étant des activités temporaires?
M. Manicom : Dans ce cas, oui, mais là encore, je pense qu’il est important de préciser la différence entre mon point de vue réglementaire et celui d’Environnement et Changement climatique Canada. Nous abordons cette question principalement du point de vue de la santé des poissons et de leur habitat. Lorsque nous évaluons le projet, nos précautions portent sur l’impact du projet à long terme sur les poissons et leur habitat.
Comme l’impact est inconnu, comme ma collègue vous l’a dit, dans tous nos avis, nous demandons que ces projets soient limités dans le temps et qu’ils fassent l’objet d’un suivi et tout le reste, et qu’on nous rende compte des répercussions sur l’habitat du poisson.
Je tiens simplement à préciser la différence entre mon point de vue et celui d’Environnement et Changement climatique Canada.
Le président suppléant : Y a-t-il d’autres points de vue sur les projets à grande et à petite échelle, sur la façon dont vous les utilisez et sur ce que vous entendez par là?
Mme Handler : La seule chose que j’ajouterai à cette conversation concerne l’expression « échelle pilote ». À RNCan, nous avons tendance à examiner ces éléments dans le contexte de la maturité technologique. Ainsi, lorsque je considère ce que M. Manicom a dit dans le contexte des délais, cela signifie souvent une activité à l’échelle pilote autour d’un niveau de maturité technologique, un NMT, de 5.
Le niveau le plus avancé que nous observons pour ces technologies est peut-être un NMT 6, dans notre jargon. Ainsi, lorsqu’on parle de petite échelle, on parle d’activités limitées dans le temps, assez circonscrites, qui ne sont souvent pas dans le contexte final auquel elles sont destinées à être utilisées et qui ne sont pas au... on fait quelque chose à une petite échelle et on observe ce qui se passe.
Si je devais transposer cela dans un contexte différent, si votre objectif est d’avoir une éolienne de 5 mégawatts, votre première version pourrait être de 5 kilowatts, votre deuxième, de 50 kilowatts, et vous augmenteriez progressivement la puissance.
Lorsque nous parlons de petite échelle, nous en sommes encore aux premiers niveaux de maturité technologique, où nous travaillons à plus petite échelle et dans un délai limité afin de vraiment comprendre les impacts et le rendement, par opposition aux déploiements à grande échelle, qui interviennent lorsque vous avez atteint le niveau de maturité technologique 9 et que vous êtes en mesure de le faire dans le contexte dans lequel il est finalement prévu, à l’échelle prévue, sur de longues périodes.
Il s’agit vraiment d’une maturation très délibérée d’une technologie à travers plusieurs niveaux de maturité technologique.
Je vous remercie de votre attention.
Le président suppléant : Merci beaucoup. J’ai entendu trois ou quatre définitions différentes de ce qu’on entend par « à petite échelle », je pense donc qu’une précision s’impose. Je m’arrêterai là, car je suis déjà intervenu.
Veuillez m’excuser, sénateur Cuzner. Je pensais simplement que cela pourrait nous être utile, mais je ne sais pas si cela a été le cas.
Le sénateur Cuzner : Vous ne pouviez pas vous en empêcher.
Le président suppléant : Je sais. C’est là le problème.
Le sénateur Cuzner : Permettez-moi de poser cette question. Mike Kelland, de Planetary, a parlé des protocoles volontaires. Sont-ils assez courants, ou pas vraiment? Existe-t-il des protocoles volontaires dans tout type de réglementation environnementale?
M. Wolfish : C’est une bonne question. Vous vous souviendrez que, dans ma déclaration, j’ai parlé des crédits carbone et du fonctionnement de ce système du point de vue de la réglementation fédérale. Une entreprise peut tirer parti de deux types de marchés. Le marché que nous avons réglementé au Canada pour les systèmes de compensation à haute intégrité et qui est établi au Canada au titre du Règlement sur le régime canadien de crédits compensatoires concernant les gaz à effet de serre, et qui a donné lieu à l’élaboration de certains protocoles dans le cadre de ce régime, notamment un protocole pour la capture directe du dioxyde de carbone dans l’air et son stockage géologique.
Cependant, nous n’avons pas de protocole pour l’élimination du dioxyde de carbone marin à l’heure actuelle. Ce type de marché, le marché réglementé à haute intégrité, n’existe pas au Canada.
Le marché volontaire est le deuxième type de marché. Diverses organisations ont créé des protocoles, mis en place des systèmes de suivi et de vérification, auxquels les entreprises peuvent ensuite participer en achetant et en vendant des crédits. C’est le marché volontaire. Ces marchés ne sont pas réglementés. Ils offrent souvent une certaine transparence, permettent de fixer des bases de référence et de valider ou de vérifier une élimination, puis les entreprises peuvent acheter et vendre des crédits dans ce système. Ils offrent un certain encouragement, mais comme ils ne sont pas réglementés, leur niveau d’intégrité, de transparence et de certitude est inférieur à celui du marché réglementé. C’est là que Planetary participe au moyen des mesures d’inventaire établies par l’Organisation internationale de normalisation, ou ISO.
Le sénateur Cuzner : Ils participent actuellement au régime réglementaire volontaire?
M. Wolfish : C’est ce que je crois comprendre, mais je ne voudrais pas parler en leur nom, et je tiens à préciser que cette question devrait leur être posée.
Le sénateur Cuzner : Mais c’est supervisé par ECCC, n’est-ce pas?
M. Wolfish : Non, car il s’agit d’un marché volontaire. Il n’est pas réglementé et est contrôlé au moyen des mesures ISO, qui constituent un inventaire. Ils ont créé un protocole pour l’élimination du carbone en milieu marin. Il n’a pas été validé ni vérifié par le gouvernement canadien ou des scientifiques canadiens, mais ce processus volontaire permet un suivi de la vérification, une mesure de transparence, et ils participent à ce marché volontaire. Il n’est pas réglementé. Il n’est pas réglementé par le gouvernement canadien.
Le sénateur Cuzner : Très bien, merci beaucoup.
Monsieur Xenos, j’apprécie vos commentaires sur l’engagement continu du gouvernement à rendre les services gouvernementaux plus écologiques et sur les fonds qui ont été affectés à l’achat de services de décarbonisation.
Vous avez mentionné qu’il y a eu peu d’activités dans le domaine de l’environnement aquatique. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Y a-t-il eu des initiatives visant à acheter certains de ces services dans le cadre d’initiatives en milieu marin? Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
M. Xenos : Vous parlez de l’achat de services d’élimination du carbone en milieu marin?
Le sénateur Cuzner : Oui.
M. Xenos : Nous venons de commencer. Nous nous sommes engagés à acheter des services d’élimination du carbone pour les zones difficiles à décarboniser. La première étape a consisté à demander des informations à l’industrie sur de nombreuses variables différentes si nous décidions d’acheter des services d’élimination du carbone. Nous avons reçu de nombreuses contributions de la part de l’industrie, du monde universitaire, des ONG, etc., mais nous espérons lancer notre premier projet pilote d’achat dans les six prochains mois environ. Nous n’avons encore acheté aucun service d’élimination du carbone.
Le sénateur Cuzner : Y a-t-il également des initiatives en milieu marin dans ce contexte?
M. Xenos : Nous n’avons pas encore pris de décision. Nous achèterons probablement des services d’élimination du carbone provenant de nombreuses technologies différentes, mais comme l’a dit mon collègue, il est encore trop tôt pour se prononcer sur le volet marin. Nous sommes encore en train de consulter et de discuter de ce à quoi ressemblerait le premier achat dans ce domaine. Je m’attends à ce que le gouvernement procède à de nombreux achats de services d’élimination du carbone au cours des prochaines années afin d’atteindre la carboneutralité dans nos propres activités. Le premier achat ne sera pas le dernier.
Le sénateur Cuzner : Merci.
Le président suppléant : J’aimerais poser une question brève. L’un d’entre vous a-t-il eu l’occasion de visiter, par exemple, le site de capture directe dans l’air, ou CDA, de Deep Sky en Alberta, au Québec ou l’un des sites que vous réglementez? Je me demande simplement si vous avez eu l’occasion de vous rendre compte par vous-mêmes de ce qu’ils font. Avez-vous parlé aux dirigeants d’entreprises?
M. Wolfish : Je ne suis pas responsable de ces activités ni de la réglementation des systèmes terrestres. Je ne les ai donc pas visités. Par contre, je peux dire que je me suis entretenu avec quelques promoteurs d’activités en milieu marin, surtout celles qui se déroulent en Nouvelle-Écosse, et j’ai eu de nombreuses conversations avec des promoteurs.
M. Manicom : En ce qui concerne la technologie déployée en Nouvelle-Écosse, nous avons du personnel régional sur place qui a eu de nombreuses conversations.
Le président suppléant : Merci.
M. Xenos : Nous avons organisé une journée de l’industrie et mené de nombreuses consultations avec l’industrie sur les différentes technologies d’élimination du carbone, y compris en milieu marin.
Mme Handler : Pour Ressources naturelles Canada, je peux dire que nos ingénieurs effectuent bien sûr des visites techniques sur les sites des projets que nous avons financés, et nous avons financé certains projets de capture directe dans l’air. Je ne les ai pas visités personnellement.
Le président suppléant : Je voulais simplement comprendre dans quelle mesure nos régulateurs connaissent nos innovateurs. Merci beaucoup.
M. Wolfish : Les agents d’application de la loi d’Environnement et Changement climatique Canada se sont rendus sur le site de certaines activités en Nouvelle-Écosse afin de surveiller, de prélever des échantillons et d’observer le fonctionnement. De ce point de vue, oui. Nous avons une directrice régionale à Dartmouth qui a établi des relations, et les membres de son équipe se sont rendus sur certains sites.
Le président suppléant : C’est formidable. Il est bon d’entendre que les organismes de réglementation rencontrent les innovateurs.
M. Wolfish : J’ajouterais qu’une partie du rôle de réglementation consiste à rencontrer non seulement les entités réglementées, mais aussi les Premières Nations, les provinces, les territoires et d’autres parties prenantes.
Le président suppléant : Tout à fait.
M. Wolfish : Nous entretenons un dialogue actif avec la Nouvelle-Écosse et les Premières Nations. Je tiens à préciser que, même si nous avons rencontré les entités réglementées ou les promoteurs, nous avons également rencontré divers autres parties et détenteurs de droits concernés.
Le président suppléant : Nous approuvons cela sans réserve, et les autres témoins ont été très utiles à cet égard pour notre étude.
[Français]
La sénatrice Gerba : Ma question s’adresse à M. Xenos. Dans vos remarques liminaires, vous avez mentionné l’engagement de 10 millions de dollars du gouvernement fédéral dans le cadre de la Stratégie pour un gouvernement vert. Étant donné que le budget fédéral prévoit plusieurs ajustements dans les programmes environnementaux, pouvez-vous nous confirmer que ces fonds resteront réservés à cet objectif et ne seront pas réaffectés à d’autres priorités?
M. Xenos : Je vous remercie pour la question. Les détails du budget sont à venir, mais on prévoit de dépenser 10 millions de dollars en ce qui a trait à l’élimination du CO².
Le budget indique que le Conseil du Trésor travaillera directement avec les ministères impliqués. Par conséquent, chaque ministère a la responsabilité d’atteindre la carboneutralité et d’en assumer les coûts et les bénéfices.
Dans ce cas-ci, on examine l’élimination du carbone, en particulier les gaz à effet de serre, qui sont très difficiles à éliminer. À la Défense nationale, on continuera de travailler et de soutenir nos opérations en matière de défense, mais avec une combinaison de carburants à faible teneur en carbone. De plus, avec l’acquisition de services d’élimination de dioxyde de carbone, on peut les aider à diminuer les gaz à effet de serre.
Je prévois qu’on dépensera les sommes nécessaires pour atteindre la carboneutralité.
La sénatrice Gerba : Vous croyez donc que ce sera dépensé quand même?
M. Xenos : Je suis fonctionnaire, donc je suis au service du gouvernement jusqu’en 2030. Je ne peux rien garantir. Cependant, je crois qu’il est évident que nous avons besoin d’investir beaucoup pour diminuer nos gaz à effet de serre. C’est un très bon outil pour le faire.
La sénatrice Gerba : Ma question s’adresse à M. Manicom.
Vous avez indiqué dans vos propos liminaires que, en ce qui concerne la réglementation, un cadre réglementaire était nécessaire pour étendre les recherches en la matière. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce point? En d’autres termes, que pourrait-on réaliser dans ce cadre?
M. Manicom : Dans un cadre réglementaire, par exemple?
La sénatrice Gerba : Oui, dans un cadre réglementaire. Vous avez dit que c’était nécessaire.
M. Manicom : Oui. En fait, pour nous, pour un ministère réglementaire, le défi est de déterminer quand une technologie aura un effet néfaste sur l’environnement. Nous utilisons un cadre qui s’appelle la séquence des effets afin d’évaluer si une technologie a un effet néfaste sur l’environnement. Nous travaillons avec nos collègues scientifiques pour déterminer ce que sera ce cadre. Il faudra avoir un cadre différent pour chaque technologie.
[Traduction]
Prenons l’alcalinité de l’océan : si vous déposer une substance qui va l’augmenter, nous voudrions comprendre à quel moment et si cette augmentation nuit à la vie aquatique, à des espèces ou à l’environnement. C’est le genre de conversation que nous avons avec des scientifiques pour comprendre l’effet de ce dépôt ou de cette substance dans l’eau sur les poissons et leur habitat, puis déterminer si cela enfreint les interdictions de la Loi sur les pêches. Si c’est le cas, ce n’est pas grave, car nous autorisons des projets qui ont des répercussions, mais si vous enfreignez l’interdiction, vous devez venir nous voir, nous en discuterons et nous vous délivrerons un permis. Des étapes et des mesures compensatoires doivent être mises en place pour que cela soit possible. C’est encore un domaine dans lequel nous pouvons intervenir en qualité d’organe de réglementation, mais pour l’instant, le problème est de comprendre les liens entre la technologie et son impact négatif potentiel.
Comme mon collègue l’a dit, le grand manque dans la recherche concerne la compréhension du lien entre les différentes technologies et leur impact, dans notre cas, sur l’environnement aquatique et les poissons.
Le sénateur Surette : Une chose me semble très claire : nous en sommes à un stade pilote, à petite échelle et temporaire, et non à grande échelle. Cette question s’adresse peut-être au MPO et à M. Manicom. Je viens d’une région de pêcheurs, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Je suppose que nous sommes loin d’en être au stade où nous devrions mobiliser les pêcheurs commerciaux et les collectivités dans ce type de projets, car nous n’en sommes même pas encore à cette échelle. Ai-je raison?
Qu’il s’agisse d’éoliennes, d’aquaculture ou peu importe, il y a toujours un problème avec les pêcheurs commerciaux. Nous sommes encore loin de ce stade pour le moment.
M. Manicom : De notre point de vue, la meilleure chose que nous puissions faire pour les pêcheurs et les exploitants halieutiques est de préserver un environnement aquatique sain. C’est notre premier critère, et c’est à partir de là que commence notre engagement.
Le sénateur Surette : Si j’ai bien compris M. Wolfish, aucun produit — je ne sais pas comment vous les avez présentés, approuvés ou non — que les entreprises utilisent actuellement n’est approuvé pour être déversé dans l’océan. Ai-je bien compris? Nous avons entendu parler, par exemple, de la chaux, qui est l’un de ces produits. Ce produit n’est même pas approuvé à ce stade pour être déversé dans l’océan, n’est-ce pas?
M. Wolfish : Si l’exploitant opère dans le milieu marin et rejette le produit dans l’océan à partir d’un bateau, les dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, la LCPE, relatives au rejet en mer stipulent, à ce stade, que cette activité ne peut avoir lieu sans permis. Cependant, s’il opère à partir de la terre ferme et rejette le produit dans le milieu marin, la LCPE ne s’applique pas, pas plus que le Protocole de Londres d’ailleurs. Lors de nos conversations avec les promoteurs qui pourraient entreprendre ce type d’activité, nous leur disons qu’ils doivent se conformer à la Loi sur les pêches. De notre point de vue, cela signifie les dispositions relatives à la prévention de la pollution de la Loi sur les pêches, article 36.3, et il y aurait également un volet du MPO concernant le poisson et son habitat. Nous tenons également à souligner qu’ils doivent prendre en compte d’autres lois, notamment la Loi sur les espèces en péril ou la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, et qu’ils ont l’obligation de s’y conformer ou, le cas échéant, de demander des permis.
Le sénateur Surette : Cette question s’adresse à M. Xenos. Pour en revenir à l’approbation du budget de 10 millions de dollars pour l’élimination du carbone, vous avez mentionné octobre 2024, donc vous parlez du budget de l’année dernière et non de cette année. Y a-t-il quelque chose dans le budget de cette année pour commencer?
M. Xenos : On indique dans le budget de cette année que le Conseil du Trésor travaillera avec les ministères pour recalibrer notre participation au programme d’approvisionnement de combustibles à faible teneur en carbone, en s’orientant vers une collaboration directe avec des organisations, notamment les ministères, qui réduisent directement les émissions. Cela signifie qu’en fin de compte, les ministères doivent atteindre la carboneutralité, et ils vont mettre en œuvre un ensemble de mesures pour y parvenir, soit en réduisant autant que possible les émissions, soit en changeant de sources d’énergie. Pour le transport aérien et maritime, ils devront acheter des carburants à faible teneur en carbone, comme les biocarburants, puis procéder à l’élimination du carbone. La proportion de chacune de ces mesures dépendra du ministère et de la manière la moins coûteuse et la plus efficace de les mettre en œuvre.
Dans certains cas, nous savons qu’il est plus facile de simplement disposer d’un immeuble éconergique ou de passer au chauffage électrique, par exemple, ou d’acheter un véhicule électrique. Dans d’autres cas, cela sera très difficile, et il faudra recourir à des carburants d’aviation durables ou à l’élimination du carbone.
Nous travaillons directement avec les ministères, et le montant qu’ils dépenseront pour chacune de ces mesures dépendra de l’évolution de la situation. La Stratégie pour un gouvernement vert prévoit des engagements en matière de réduction des émissions pour 2030, 2040 et 2050.
Le sénateur Surette : Mais rien du tout pour l’alcalinité des océans?
M. Xenos : Non, pas du point de vue de l’approvisionnement.
Le sénateur Surette : Vous avez toutefois mentionné que plusieurs projets vous avaient été présentés et que vous en étiez à la phase pilote d’un projet, n’est-ce pas?
M. Xenos : Non. Nous avons lancé un appel d’intérêt et consulté l’industrie, puis, plus tard dans l’exercice, nous voulons procéder au premier achat de services d’élimination du carbone. Nous n’avons encore rien acheté. Nous avons simplement consulté l’industrie et sollicité son avis sur l’approche à adopter en matière d’approvisionnement.
Il y a beaucoup de questions à propos de la manière dont nous nous approvisionnons, de ce que nous demandons, de la manière dont nous évaluons les offres, de la vérification et de la validation, du volume que nous allons acheter et de tous ces éléments. Nous avons simplement consulté l’industrie avant de lancer l’appel d’offres complet.
Le président suppléant : Merci. Je vais poser une question complémentaire à vos questions, si vous le permettez. À ce propos, vos collègues ont annoncé il y a un an que vous envisagiez six catégories. La sixième était en quelque sorte grisée et concernait l’élimination du dioxyde de carbone vert. Je pense qu’on a mentionné que l’alcalinisation des océans est à l’étude. Où en êtes-vous aujourd’hui, juste pour nous donner une petite idée de l’état d’avancement de vos travaux à ce sujet?
M. Xenos : Oui. Je dirais que c’est toujours à l’étude. Nous avons mentionné quatre domaines dans l’appel d’intérêts qui sont plus avancés, pour ainsi dire. Ensuite, nous avons précisé qu’il y en avait un à l’étude, à savoir certaines technologies aquatiques abiotiques. Nous sommes toujours en consultation, nous recueillons des commentaires et nous en discutons avec nos collègues ici. Vous entendez la discussion en direct sur ce sujet. Aucune décision n’a encore été prise.
Le président suppléant : Plus précisément, nous nous sommes intéressés jusqu’à présent à l’alcalinisation des océans à partir de la terre ferme. Donc, rien n’a été décidé?
M. Xenos : Non.
Le président suppléant : L’année dernière, nous avons entendu l’expression « neutralité active ». Nous l’avons beaucoup entendue de la part des régulateurs qui ont témoigné l’année dernière. On dirait que vous devenez plus actifs et moins neutres, mais aucune décision n’a encore été prise à ce sujet?
M. Xenos : Non, non. Le SCT n’est pas l’organe de réglementation.
Le président suppléant : Non, vous êtes un acheteur.
M. Xenos : Nous sommes dans le domaine de l’approvisionnement. Nous cherchons à acheter des services d’élimination pour réduire les émissions de l’administration publique, avant tout, puis pour aider l’industrie, mais nous suivrons bien sûr les conseils des organes de réglementation.
Le président suppléant : Votre repère est l’état actuel de la réglementation, et la seule question qui se pose vraiment est de savoir si elle est toujours à l’étude. Pouvez-vous nous dire ce qui vous poussera à prendre une décision dans un sens ou dans l’autre, positive ou négative?
M. Xenos : Je dirais deux choses. Premièrement, ce premier achat pilote — je parlerais d’un achat pilote, et ce ne sera pas le dernier. Ce n’est pas une opération ponctuelle. Ce sera probablement la première d’une longue série. Deuxièmement, je pense que tous les propos que vous venez d’entendre de la part de tous les participants à cette discussion sont des éléments à prendre en considération. Ce sont des questions difficiles sur lesquelles nous essayons d’obtenir des conseils et des avis, et nous sommes donc heureux de recevoir davantage de conseils.
Le président suppléant : Monsieur Surette, souhaitez-vous intervenir? Je voulais simplement approfondir la question.
Le sénateur Surette : J’essaie de comprendre. Je suis assez novice dans ce débat.
À l’heure actuelle, nous travaillons sur la technologie. Cela n’a rien à voir avec vous. Nous nous intéressons maintenant aux universités, au secteur privé, aux crédits d’impôt et au protocole du programme volontaire. C’est ainsi que la plupart de ces entreprises sont financées à l’heure actuelle, n’est-ce pas? Il existe des partenariats entre les universités et le secteur privé pour l’innovation, pour certains projets que nous avons mentionnés, le port d’Halifax, etc.
M. Wolfish : Je ne voudrais pas parler au nom des différentes entreprises et de leurs stratégies commerciales, mais nous savons que les entreprises ont conclu des partenariats avec de nombreuses universités pour mener des recherches cofinancées. Nous savons que certaines entreprises participent aux marchés volontaires du carbone et vendent des crédits avant même d’avoir fait le travail. La rentabilité des entreprises peut dépendre de plusieurs facteurs. Certaines opèrent à l’échelle internationale et travaillent donc dans différents pays.
J’hésiterais à dire quel est leur modèle d’affaires, mais du point de vue de la recherche, divers réseaux sont en place au sein du gouvernement fédéral. Environnement et Changement climatique Canada collabore avec le MPO, RNCan et d’autres organismes pour échanger de l’information et se tenir au courant de la documentation, afin de poursuivre et de soutenir des travaux scientifiques et de comprendre l’état des connaissances. Nous travaillons également à l’échelle mondiale par l’intermédiaire du GIEC et du Protocole de Londres et de ses sous-comités scientifiques afin de nous tenir au courant des travaux scientifiques et de constituer une base de connaissances mondiale sur laquelle fonder nos décisions.
Le sénateur Surette : Du point de vue du gouvernement, vous n’en tenez même pas compte dans vos stratégies d’élimination du carbone à ce stade? Nous en sommes encore au stade embryonnaire à l’heure actuelle?
M. Wolfish : Je vais laisser mes collègues vous expliquer comment nous comptabilisons l’élimination. À titre d’organe de réglementation, je dirais que le déploiement commercial à grande échelle de la géo-ingénierie marine n’est pas encore disponible au Canada.
Le président suppléant : [Difficultés techniques] à grande échelle. Nous nous concentrons sur l’alcalinisation des océans à partir de la terre ferme. Nous nous égarons sans cesse dans d’autres domaines, mais nous ne nous concentrons pas sur tous les autres travaux que vous effectuez.
La sénatrice Greenwood : Merci à vous tous pour votre présence et pour le travail que vous accomplissez. Je suis nouvelle au sein du comité, mes questions peuvent donc sembler déplacées, mais elles sont basées sur ce que j’ai entendu.
Je pensais à la réglementation et à la recherche. Vous avez tous beaucoup parlé de réglementation et de recherche, et cela demande beaucoup de temps. Il faut du temps pour faire de la recherche. Il faut du temps pour rédiger des règlements. Ce sont tous des domaines très distincts, car vous apportez certaines contributions à l’ensemble du travail. Je suppose qu’il existe une coordination globale ou une stratégie globale gigantesque qui vous rassemble tous autour d’un objectif commun. Je le suppose.
C’est peut-être très naïf, alors pardonnez-moi si je suis naïve, mais que faisons-nous actuellement pour éliminer le carbone sur terre?
Je suppose que cela ne se fait pas dans les océans, car vous avez parlé de l’ampleur des projets et vous êtes encore en train de mener des recherches et des projets pilotes à cette fin. Par contre, en attendant, que faisons-nous au pays pour régler ce problème? Nous avons une échéance en 2030. Nous sommes fin 2025. Je sais que 10 millions de dollars ont été réservés pour acheter des crédits carbone, mais nous n’avons pas encore de réglementation pour régir cela, n’est-ce pas? Pouvons-nous réglementer certains de ces projets afin de nous assurer qu’ils ne nuisent pas à l’environnement? C’est ce que j’ai compris de vos propos. C’est ma première question, à celui ou celle qui souhaite en parler.
Mme Handler : Je peux peut-être répondre à la première partie de cette question en vous expliquant ce que nous faisons de manière générale. Il est certain que notre priorité a été de faire progresser l’élimination du dioxyde de carbone, ou EDC, en milieu terrestre. Dans le cadre de la Stratégie de gestion du carbone, un travail considérable a été accompli. Dans ma déclaration liminaire, j’ai mentionné le programme de recherche, développement et démonstration du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone, ou CUSC, d’un montant de 319 millions de dollars. C’est un programme de recherche, développement et démonstration, ou RD et D. Nous finançons et avons financé des travaux de recherche, développement et démonstration sur le CUSC et sur la capture directe dans l’air. D’autres investissements importants ont été réalisés, par exemple les crédits d’impôt à l’investissement pour le CUSC.
Des travaux approfondis sont menés sur les méthodes terrestres de capture du carbone provenant des sites industriels, ainsi que sur la capture directe dans l’air et d’autres méthodes d’élimination du dioxyde de carbone en milieu terrestre.
Bien que nous continuions de nous concentrer sur l’avancement de l’élimination du dioxyde de carbone en milieu terrestre, nous collaborons avec des parties prenantes de l’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin, ou EDCm, notamment les provinces et les territoires, l’industrie et le milieu universitaire. Nous nous efforçons de cerner les lacunes dans les connaissances et d’améliorer la compréhension scientifique afin d’éclairer le travail réglementaire et politique de nos collègues.
Nous finançons une étude visant à combler les lacunes dans les connaissances et à fournir des renseignements sur les recherches futures susceptibles d’examiner diverses options, notamment l’augmentation de l’alcalinité des océans, la culture d’algues, la fertilisation des océans, les processus électrochimiques et la compréhension de la manière dont les cadres existants, tels que la LCPE et la Loi sur les pêches, pourraient être appliqués.
Dans cette optique, nous nous efforçons de mener à bien ce travail en collaboration. Nous organisons régulièrement des conversations interdépartementales sur l’EDCm afin de favoriser l’harmonisation, la coordination et le partage des connaissances.
La sénatrice Greenwood : Autrement dit, si nous devions rendre des comptes aux Canadiens, vous pourriez affirmer que nous avons réduit l’empreinte carbone d’un certain montant?
Mme Handler : Je m’en remets à mes collègues d’Environnement et Changement climatique Canada sur ce point.
M. Wolfish : Je ne connais pas la réponse à cette question pour l’instant, et je vais devoir vous fournir une réponse écrite. Je vous recontacterai pour vous expliquer comment cela fonctionne.
La sénatrice Greenwood : Il se peut que je ne comprenne pas bien le processus.
M. Wolfish : Nous faisons le calcul des émissions de carbone dans le ministère. Nous avons un inventaire qui nous permet de comprendre quelles sont les émissions et comment elles évoluent. Ce n’est pas de mon ressort.
La sénatrice Greenwood : C’est ce que je demande. Si quelqu’un nous pose cette question, de combien les avons-nous réduites aujourd’hui?
M. Xenos : En ce qui concerne les activités du gouvernement du Canada, qui comptent 30 000 bâtiments et 40 000 véhicules, nous pouvons vous dire que nous avons réduit nos émissions de 42 % dans nos bâtiments et nos flottes conventionnelles, et nous publions chaque année nos émissions sur le Web. L’objectif est de réduire d’abord les émissions directes. L’élimination du carbone ne représentera qu’une petite partie, pour les éléments difficiles à décarboner, mais nous pouvons certainement rendre compte chaque année de nos progrès en matière d’empreinte carbone.
Le président suppléant : C’est une question très importante : comment suivons-nous l’élimination du carbone en plus de la réduction du carbone? Je ne pense pas qu’il y ait de suivi, car cela n’entre pas dans le champ d’application de l’article 6 de l’Accord de Paris en tant que composante de la conformité, n’est-ce pas? L’élimination du carbone n’est pas couverte par cet article. Je ne pense pas qu’il y ait de suivi des activités d’élimination du carbone à l’heure actuelle au Canada.
M. Wolfish : Je vais m’efforcer de vérifier cela. Bien que ce ne soit pas un domaine relevant directement de mes responsabilités, je me ferai un plaisir de vous fournir une réponse.
Le président suppléant : C’est une question très importante, sénatrice Greenwood. Nous faisons beaucoup d’efforts. Où en sommes-nous?
La sénatrice Greenwood : Oui, et je suis consciente de l’échéance de 2030. C’est angoissant et inquiétant, n’est-ce pas?
J’ai une autre question. Monsieur Manicom, je crois que vous avez mentionné cela, ainsi que M. Wolfish. Vous avez évoqué les connaissances autochtones et les entretiens avec les Premières Nations et les peuples autochtones du Canada. Vous avez parlé des connaissances autochtones en même temps que de la science. Vous n’êtes peut-être pas sur le terrain, mais avez-vous des récits ou des preuves, si vous voulez, qui vous permettent de parler de la manière dont vous avez utilisé les connaissances autochtones dans tout ce processus de réduction des émissions de carbone? Nous entendons souvent ces mots, et les connaissances se transmettent par des récits. Les connaissances proviennent de l’expérience vécue sur le terrain.
Avez-vous entendu de telles histoires? Pourriez-vous nous raconter une circonstance où vous avez utilisé ces connaissances autochtones comme une science et les avez appliquées dans un domaine ou une région particulière?
M. Manicom : La première partie de votre question portait sur ce sujet, mais je ne peux pas en parler pour l’instant, car il est encore trop tôt. La Loi sur les pêches nous oblige à tenir compte des connaissances autochtones qui sont fournies à l’organisme de réglementation, et c’est ce qu’il fait. Je ne suis pas sur le terrain dans les régions, donc je n’ai personnellement aucune anecdote à partager. J’ai des anecdotes tirées d’autres aspects de ma vie professionnelle au sein du gouvernement. Elles sont assez marquantes. Si vous le souhaitez, je peux faire le tour et vous raconter quelques anecdotes, si cela vous intéresse.
La sénatrice Greenwood : Oui. Je pense que les anecdotes seraient vraiment importantes, car elles contiennent parfois des stratégies ou des solutions à certaines des choses que nous essayons d’accomplir en utilisant d’autres outils.
M. Manicom : Oui.
La sénatrice Greenwood : Parfois, nous ne voyons pas les autres outils qui sont à notre disposition. Si des personnes effectuent des recherches sur le terrain, étudient-elles également ces questions au sein des collectivités? Elles pourraient se trouver là, et nous ne le savons pas. Ce serait formidable si vous pouviez le faire. Merci beaucoup.
Le président suppléant : D’autres témoins nous ont fait part de l’importance de ces relations et de ces récits, ainsi que de leur lien avec nos témoins.
La sénatrice Pate : Merci encore à nos témoins. Merci pour votre travail. Sénatrice Greenwood, je pensais justement à certains des exemples que j’ai entendus la semaine dernière, notamment ceux provenant des collectivités éloignées, sur la manière dont elles gèrent certaines de ces questions.
Je pense que ma question s’adresse à M. Xenos, en sa qualité de représentant du Conseil du Trésor. Je ne siège généralement pas à ce comité. Vous l’avez entendu au début. Je m’intéresse aux approches internationales dans lesquelles le Canada joue ou pourrait jouer un rôle de premier plan. Comment définissez-vous le succès? Il semble y avoir un problème de définition des échelles et d’autres aspects similaires. Comment le Conseil du Trésor s’assure-t-il que les ministères font tout leur possible dans les domaines dont ils sont responsables?
M. Xenos : Je vais me concentrer sur l’écologisation du gouvernement, par opposition à toutes les questions qui relèvent du mandat du Conseil du Trésor. En matière d’écologisation du gouvernement, par exemple, nous avons une stratégie que les ministères doivent mettre en œuvre avec des objectifs quinquennaux. Nous surveillons leurs progrès par rapport à ces objectifs et les publions sur le Web. Nous collaborons également avec eux pour tenter de trouver des solutions. Ainsi, dans le domaine des secteurs difficiles à décarboner, nous nous intéressons notamment aux carburants à faible teneur en carbone. Nous avons lancé plusieurs appels d’offres sur les carburants à faible teneur en carbone, par exemple. En ce qui concerne l’élimination du carbone, nous venons tout juste d’entamer ce processus, mais le principe est le même. Quelles sont les solutions rentables qui nous permettront d’atteindre la carboneutralité dans les activités gouvernementales?
Nous contribuons à définir les objectifs, collaborons avec eux, fournissons des conseils, des outils et des solutions, puis les ministères les mettent en œuvre et nous suivons leurs progrès.
La sénatrice Pate : Dans d’autres domaines que je connais mieux que ceux-ci, je constate qu’il n’y a pas beaucoup d’incitations à aller au-delà des objectifs. À l’instar de la sénatrice Greenwood, je me penche sur cette question et j’entends ces propos, et je suis extrêmement préoccupée de savoir comment nous pourrons atteindre ces objectifs d’ici 2030, alors qu’il semble que nous menions des activités à petite échelle. Bien entendu, l’océan n’est pas seulement l’affaire du Canada. Comment pouvons-nous encourager cela? Comment pouvons-nous inciter les chercheurs et les ministères à intensifier leurs efforts?
M. Xenos : Oui, certains ministères ont largement dépassé leurs objectifs. D’autres ont des empreintes plus difficiles à réduire. Je dirais qu’ils souhaitent tous y parvenir, mais que les empreintes varient d’un ministère à l’autre. Il est plus difficile de décarboner certaines choses que d’autres. Par exemple, les laboratoires scientifiques sont plus difficiles à décarboner qu’un immeuble de bureaux. Les avions sont plus difficiles à décarboner qu’une berline ou un véhicule classique.
Comment pouvons-nous contribuer? Nous collaborons avec les différents ministères pour les aider à atteindre leurs objectifs. Je ne suis pas certain d’avoir répondu à votre question. En ce qui concerne la recherche, je pense que c’est un point pertinent. Dans les domaines où nous n’avons pas de réponses claires, nous avons commandé des études. Par exemple, quel est le coût de la décarbonisation à l’aide de matériaux de construction à faible teneur en carbone? Nous avons établi des comités d’études qui démontrent l’analyse coûts-avantages de l’utilisation d’une meilleure conception, par exemple. Nous collaborons avec des ONG, des universités et des entreprises dans les domaines où nous souhaitons également contribuer à l’avancement de l’industrie. Par exemple, nous avons examiné le béton à faible teneur en carbone et avons collaboré avec l’industrie et d’autres villes qui envisageaient d’adopter les mêmes normes d’approvisionnement que nous pour le béton à faible teneur en carbone.
La sénatrice Pate : Comment votre ministère interagit-il, par exemple, avec le Conseil du Trésor en matière de fiscalité et de questions, telles que les avions privés? Il ne s’agit pas de rendre le gouvernement moins écologique, mais cela a un impact direct sur l’ensemble de cette question, lorsque nous constatons que le système fiscal ne reflète pas les incitations à rendre le pays plus écologique.
M. Xenos : Nous collaborerons avec d’autres ministères. Nous travaillerons avec le ministère des Finances sur les questions fiscales et avec Environnement et Changement climatique Canada sur les questions réglementaires. Cependant, vous avez raison. En ce qui concerne les carburants à faible teneur de carbone, de nombreux facteurs entrent en jeu : le régime fiscal, le régime de recherche et développement, les différentes subventions accordées par les différents pays aux carburants à faible teneur de carbone. Nous collaborons avec tous les ministères mandatés qui sont à la pointe dans ces domaines et nous leur demandons ce que nous devons faire pour réduire les émissions de carbone.
Je ne sais pas si mes collègues ont d’autres choses à ajouter.
Le président suppléant : Cependant, en ce qui concerne l’élimination du carbone, c’est l’objet de notre étude, et j’espérais que vous aborderiez ce sujet. Je ne vous ai pas entendu parler de l’élimination du carbone, mais uniquement de sa réduction.
M. Xenos : En ce qui concerne l’élimination du carbone, nous collaborons avec nos ministères partenaires ici. Nous cherchons à obtenir les meilleurs conseils possible en matière de recherche et d’approches terrestres pour lutter contre le carbone dans le milieu marin.
Nous sommes en pourparlers avec nos collègues ici pour déterminer la meilleure approche. Nous examinons comment concevoir les acquisitions, mais nous recherchons assurément les meilleurs conseils sur la façon de nous y prendre.
Le président suppléant : Pour vous, le succès consiste à obtenir les meilleurs conseils de vos collègues?
M. Xenos : Pour un gouvernement vert, il s’agirait de réduire les émissions, mais nous obtiendrions les meilleurs conseils en matière d’approvisionnement afin de réduire ces émissions.
Le président suppléant : Pour l’élimination du carbone.
M. Xenos : Oui, pour l’élimination du carbone. Lorsque nous en sommes au stade de l’approvisionnement en élimination du carbone, nous souhaitons évaluer la quantité d’émissions que nous aurons réduite.
Le président suppléant : La période de deux ans qui vous est impartie pour mener à bien ce projet depuis l’annonce de la ministre Anand correspond-elle à ce que vous considérez comme normal pour un projet de ce genre? D’après ce que vous nous avez dit, cela fera deux ans lorsque vous aurez terminé.
M. Xenos : Vous voulez dire jusqu’au moment où nous passons à l’approvisionnement?
Le président suppléant : Oui.
M. Xenos : L’engagement était de 10 millions de dollars d’ici 2030. Nous avons lancé une demande de renseignements afin de comprendre la capacité de production de l’industrie l’année dernière par rapport à cette année et à l’année prochaine. Nous devons déterminer le volume que nous allons acheter chaque année.
Le président suppléant : Mais le calendrier correspond-il à vos attentes?
M. Xenos : Oui.
La sénatrice Gerba : Il existe certaines questions concernant l’élimination du carbone, mais je souhaite simplement savoir si le gouvernement a un plan pour mesurer l’efficacité des projets financés pour l’élimination du CO2.
M. Xenos : Du point de vue de l’approvisionnement?
[Français]
Quand on va au marché, on va demander la quantité que l’on peut acheter pour diminuer les gaz à effet de serre. Alors, on va mesurer le succès selon la diminution des gaz à effet de serre et ce qu’on va éliminer de l’atmosphère. On peut certainement mesurer le succès.
La sénatrice Gerba : Quels sont les mécanismes de suivi prévus pour vérifier que les fonds qui sont destinés à l’élimination du carbone sont utilisés conformément aux engagements?
M. Xenos : Pour l’approvisionnement avec l’appel d’offres, on va spécifier la méthodologie de vérification requise et les protocoles à suivre. On va préciser tout cela dans l’appel d’offres.
C’est l’une des raisons pour lesquelles on prend le temps de bien comprendre ce qu’on doit spécifier, quels protocoles on doit suivre et quelles méthodologies de vérification on doit adopter. On va suivre des méthodologies approuvées à l’échelle internationale et qui sont aussi rigoureuses que possible sur le plan scientifique.
La sénatrice Gerba : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Cuzner : Ma question concerne probablement davantage Mme Handler que M. Wolfish.
N’hésitez pas à me corriger si je me trompe, mais je pense qu’il serait utile d’adopter une approche réaliste. Cette technologie suscite beaucoup d’enthousiasme. Ils souhaitent aller de l’avant. Cependant, si nous examinons le cas parallèle du captage et de la séquestration du carbone en milieu terrestre, comme l’ont fait le sénateur Surette et le sénateur Deacon de la Nouvelle-Écosse, en 2000, il est probable que 100 % de notre électricité était produite par des centrales au charbon. J’ai commencé à m’intéresser au captage et à la séquestration il y a 25 ans. Ressources naturelles Canada nous a été d’une grande aide. Ils disposaient d’un laboratoire à Bells Corners, avec SaskPower et Nova Scotia Power. Ils étaient partenaires dans la mise au point de cette technologie et ils ont obtenu d’excellents résultats en laboratoire, puis ils l’ont mise en pratique sur le terrain pour régler des problèmes, je suppose.
Je sais que le gouvernement a adopté une série de mesures fiscales d’encouragement. Trouver une viabilité commerciale a été le dernier défi à relever.
Je crois qu’il y a deux ans, ils ont commencé à mettre en place des encouragements fiscaux. Ont-ils obtenu de bons résultats? Rétablissons le régime réglementaire. Après toute cette genèse, y a-t-il aujourd’hui un régime réglementaire explicite pour le captage et la séquestration du carbone? Qu’a-t-on élaboré au fil du temps? Où en sommes-nous avec le captage et la séquestration du carbone? Observons-nous des résultats de l’investissement concrets et positifs?
Ce sujet est depuis longtemps débattu par les personnes qui continuent de promouvoir les combustibles fossiles. Elles affirment que le captage du carbone est sur le point d’aboutir. Sommes-nous en train de réussir?
Mme Handler : Je commencerai par dire que le Canada est reconnu comme un chef de file mondial en matière de gestion du carbone et qu’il dispose de l’un des environnements politiques les plus favorables au monde. Vous avez raison de dire que le laboratoire CanmetÉNERGIE a joué un rôle essentiel dans le développement des technologies de captage et stockage du carbone et continue de le faire.
Tout comme dans le débat actuel sur l’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin, il était essentiel, à ce stade précoce, de poser les bases scientifiques afin de nous assurer que nous comprenions tous les éléments. De ce point de vue, la science fédérale dans ce domaine était...
Le sénateur Cuzner : Sur quelle période cela se produirait-il?
Mme Handler : C’est une estimation, mais je pense que cela fait maintenant environ deux décennies, une décennie et demie. Entre 15 et 20 ans, si je devais donner une approximation. Au moins cela.
Quant à notre situation actuelle, vous avez mentionné que les crédits d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, le CUSC, sont en place. Ces crédits exigent que le projet soit réalisé dans le cadre d’un régime réglementaire admissible. Ces régimes réglementaires sont évalués par Environnement et Changement climatique Canada. Il y a des régimes réglementaires approuvés pour le CUSC au Canada. Des projets importants ont été réalisés et d’autres sont prévus. Nous avons un nombre important de projets qui ont fait l’objet d’une décision d’investissement finale ou qui sont en voie de l’être.
De ce point de vue, je dirais que le captage, l’utilisation et le stockage du carbone sont désormais des domaines dans lesquels j’ai grande confiance dans la capacité du Canada à mener à bien d’importants projets.
Si vous établissez un parallèle entre cela et l’EDCm, ce que je crois percevoir dans votre question, nous en sommes encore, de ce point de vue, à un stade très précoce d’élimination du dioxyde de carbone en milieu marin. Il y a une série d’approches différentes. La plupart en sont au stade de la recherche préliminaire ou de petits projets pilotes, c’est-à-dire entre les niveaux de maturité technologique 2 et 5. Nous considérons que l’augmentation de l’alcalinité des océans et l’altération des roches côtières sont les méthodes marines et maritimes les plus avancées, et elles entrent maintenant dans les premières phases de démonstration.
De ce point de vue, d’autres méthodes, telles que la microalgue en immersion, se situent entre les niveaux de maturité technologique 2 et 4, et la remontée artificielle entre 4 et 6. Elles en sont donc encore au stade de la validation du concept ou des premières recherches et essais pilotes. Par conséquent, de notre point de vue, en comparaison avec le CUSC et la capture directe dans l’air terrestre, ce sont des technologies beaucoup moins avancées.
M. Wolfish : Permettez-moi d’ajouter quelque chose, qui renvoie également à la question posée précédemment par la sénatrice Greenwood. Le Canada communique ses estimations officielles des gaz à effet de serre dans son Rapport d’inventaire national, qui inclut les sources anthropiques et les puits de carbone ou les GES présents à l’intérieur des frontières géographiques du Canada. Ce rapport inclut le captage du dioxyde de carbone par les processus industriels ainsi que les puits de carbone présents sur les terres gérées résultant de la gestion des ressources naturelles.
En complément du Rapport d’inventaire national, le Canada recueille et publie chaque année, dans le cadre de son Programme de déclaration des gaz à effet de serre, les données déclarées par les installations, y compris celles qui sont engagées dans le captage, le transport et le stockage du carbone. De plus, le Canada participe au processus du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat afin d’élaborer un rapport méthodologique sur les technologies d’élimination du dioxyde de carbone, et le captage, l’utilisation et le stockage du carbone. Une fois définitif, ce rapport contiendra des directives de quantification afin de soutenir l’élaboration d’inventaires nationaux.
Pour revenir à cette question et soutenir le régime réglementaire ainsi que le travail accompli par RNCan, nous collaborons à l’échelle internationale à l’élaboration d’une méthodologie qui permettra de comptabiliser le carbone qui est éliminé.
Le sénateur Cuzner : Merci.
Le président suppléant : Juste une précision concernant la question du sénateur Cuzner avant de conclure. La durée de 15 à 20 ans semble correspondre à ce que l’on pourrait considérer comme une durée normale pour la zone que nous avons étudiée en ce qui concerne l’élimination du carbone océanique et l’augmentation de l’alcalinité de l’océan. Pensez-vous que cette période soit raisonnable?
Mme Handler : C’est la période approximative que j’ai estimée pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone. Je préfère ne pas fixer de période précise pour cette technologie. Chaque technologie requiert une durée différente. Certaines évoluent rapidement, d’autres sont plus complexes et nécessitent beaucoup plus de temps. Je ne vais donc pas vous donner de période précise. Je dirai simplement que ces technologies en sont à un stade beaucoup moins avancé que le captage, l’utilisation et le stockage du carbone en milieu terrestre ou le captage direct dans l’air.
Le président suppléant : Merci. Je tiens à prendre le temps de remercier chacun d’entre vous d’être venu témoigner et nous faire part de vos réflexions sur l’état d’avancement des travaux en matière d’augmentation de l’alcalinité des océans et d’élimination du carbone. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré.
Chers collègues, merci.
(La séance est levée.)