LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 3 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, à 16 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier, afin d’en faire rapport, l’antisémitisme au Canada; puis, à huis clos, pour étudier, afin d’en faire rapport, la vie après la famille d’accueil; et, à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
La sénatrice Paulette Senior (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je tiens tout d’abord à reconnaître que le territoire sur lequel nous nous réunissons est le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe.
Je m’appelle Paulette Senior, je suis sénatrice de l’Ontario et présidente de ce comité. J’invite mes estimés collègues à se présenter.
Le sénateur Arnot : Sénateur David Arnot, de la Saskatchewan.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Robinson : Je vous souhaite la bienvenue. Mary Robinson, représentante de l’Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur K. Wells : Kristopher Wells, de l’Alberta, territoire du Traité no 6.
Le sénateur Housakos : Leo Housakos, de Montréal, au Québec.
La présidente : Merci, honorables sénateurs. Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes qui suivent nos délibérations aujourd’hui.
Avant d’accueillir nos témoins, j’aimerais émettre un avertissement concernant le contenu de cette réunion. Les sujets sensibles abordés aujourd’hui pourraient être difficiles à entendre pour les personnes présentes dans la salle, ainsi que pour celles qui regardent et écoutent cette émission. Un soutien en matière de santé mentale est offert à tous les Canadiens par téléphone et par SMS au 988.
Nous rappelons également aux sénateurs et aux employés parlementaires qu’ils peuvent bénéficier du Programme d’aide aux employés et aux familles du Sénat, qui offre des services de counselling à court terme pour des problèmes personnels ou professionnels, ainsi que des services de counselling en situation de crise.
Aujourd’hui, le comité se réunit conformément à son mandat d’examen et de rapport sur l’antisémitisme au Canada.
Cet après-midi, nous accueillerons un groupe de témoins. Nous entendrons les témoins, puis les sénateurs autour de cette table pourront leur poser des questions.
Je vais maintenant vous présenter les témoins qui sont ici devant nous ou qui participent par vidéoconférence. Nous avons demandé à nos témoins de faire chacun une déclaration liminaire de cinq minutes.
Nous accueillons à cette table Corey Balsam, coordonnateur national de l’organisme Voix juives indépendantes. Je vous souhaite la bienvenue. Nous accueillons également à cette table Joshua Sealy-Harrington, professeur agrégé et titulaire de la chaire des droits humains des Palestiniens au Canada. Enfin, par vidéoconférence, nous accueillons le rabbin David Mivasair, membre de Voix juives indépendantes.
J’invite maintenant M. Balsam à faire sa présentation. Il sera suivi par M. Sealy-Harrington, puis par M. Mivasair.
Corey Balsam, coordonnateur national, Voix juives indépendantes : Je vous remercie, honorables sénateurs, de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Je m’appelle Corey Balsam, et je suis coordonnateur national de l’organisme Voix juives indépendantes, ou VJI.
Voix juives indépendantes est un organisme communautaire formé de Canadiens juifs déterminés à défendre les droits des Palestiniens et à s’opposer à toutes les formes de racisme — aussi bien l’antisémitisme que le racisme anti-palestinien ou l’islamophobie. D’un océan à l’autre, notre organisation compte plus de 2 000 membres actifs au sein de comités locaux répartis dans 19 villes et sept campus universitaires. Nous comptons parmi nos rangs des Canadiens respectés tels que le Dr Gabor Maté, Michele Landsberg et Avi Lewis.
Nous faisons partie d’un mouvement international dynamique et en pleine croissance qui réaffirme la fière tradition juive en matière de justice sociale et qui s’oppose à la notion selon laquelle la judéité est synonyme de sionisme.
Nous nous identifions en tant que mouvement antisioniste, ce qui ne veut toutefois pas dire que nous nous opposons à la notion abstraite qu’est l’autodétermination des Juifs. Ce à quoi nous nous opposons, c’est à la façon dont le sionisme a donné lieu à la création et au maintien d’un système qui privilégie un groupe — les Juifs israéliens — aux dépens d’un autre — les Palestiniens. C’est cette idéologie qui a mené à la Nakba palestinienne de 1948, un régime de colonialisme et d’apartheid qui se poursuit encore aujourd’hui et, plus récemment, au génocide en cours dans la bande de Gaza.
Nous nous opposons à ce que nos magnifiques traditions anciennes soient ternies par une telle idéologie, par un État qui viole les principes les plus fondamentaux des droits de la personne et du judaïsme. Or, lorsque nous exprimons ces points de vue, les organisations sionistes affirment souvent que nous faisons preuve de mépris envers nous-mêmes et nous qualifient de marginaux, voire de « kapos », une insulte profondément offensante qui fait allusion aux Juifs qui collaboraient avec les nazis dans les camps de concentration.
Pour les Palestiniens et leurs partisans non juifs, c’est souvent pire. Ils sont régulièrement qualifiés d’antisémites, que ce soit en réaction à leurs critiques, à leurs slogans ou à leurs façons de manifester. Ces accusations s’avèrent presque toujours sans fondement, mais, le temps de le prouver, les politiciens ont déjà pris position et les dommages sont déjà faits.
Honorables sénateurs, dans vos délibérations sur les moyens de lutter contre le fléau qu’est l’antisémitisme, je vous prie de tenir également compte des préjudices causés par les fausses accusations d’antisémitisme lancées contre les Palestiniens et leurs partisans, surtout en ce moment, alors qu’il est particulièrement urgent de défendre les droits de la personne des Palestiniens. Ces fausses accusations ont donné lieu à toutes sortes de condamnations injustifiées : arrestations, congédiements, expulsions, crimes haineux et dommages irréversibles à la réputation. Aux États-Unis, elles ont mené à des déportations et à l’abolition du financement accordé à certaines universités. Elles véhiculent des stéréotypes nuisibles selon lesquels les Palestiniens et leurs partisans sont motivés par une haine irrationnelle des Juifs plutôt que par un désir vertueux de justice — ce qui est diffamatoire et un exemple clair de racisme anti-palestinien.
Les Juifs en sortent aussi perdants. Lorsque le fait de critiquer Israël est synonyme d’antisémitisme, cela laisse entendre que les Juifs et Israël ne font qu’un. Cela suppose aussi que l’ethnonationalisme violent est une politique inhérente du judaïsme. Ces notions, elles-mêmes antisémites, mettent tous les Juifs à risque d’être collectivement châtiés pour les gestes posés par un État voyou.
Voilà pourquoi le travail de Voix juives indépendantes est si important, notamment la formation qu’elle donne sur l’antisémitisme. Nous aidons les gens à faire la différence entre le véritable antisémitisme, qui cible les Juifs parce qu’ils sont juifs, et le fait de critiquer un État ou une idéologie politique.
Notre approche est conforme à la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme, signée par plus de 370 éminents universitaires spécialistes de l’antisémitisme, de l’Holocauste et d’autres domaines connexes, de même qu’aux principes appuyés par les signataires de la déclaration du New Jersey sur l’antisémitisme et l’islamophobie.
Comme nous, ils s’opposent à la définition néfaste de l’antisémitisme véhiculée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, ou AIMH, que le gouvernement canadien continue de promouvoir dans un guide officiel employé dans divers secteurs.
Honorables sénateurs, ce comité a l’occasion de jouer son rôle de second examen objectif et de tracer une meilleure voie. La lutte contre l’antisémitisme ne peut pas être un jeu à somme nulle. Cela doit s’inscrire dans un mouvement plus vaste et universel de lutte contre toutes les formes de racisme et d’injustice, tant au Canada qu’à l’étranger.
À cette fin, nous vous recommandons : de demander au gouvernement de cesser d’appuyer la définition de l’antisémitisme avancée par l’AIMH, et de retirer le guide connexe de la circulation; d’établir une distinction claire entre l’antisémitisme et le fait de critiquer Israël et le sionisme; et de veiller à ce que les efforts de lutte contre l’antisémitisme tiennent compte des travaux sur le racisme systémique en général ainsi que des conclusions des études sur l’islamophobie réalisées par la Chambre des communes et le Sénat, et à ce qu’ils les complémentent.
Je vous remercie.
La présidente : Merci beaucoup. Monsieur Sealy-Harrington, la parole est à vous.
Joshua Sealy-Harrington, professeur agrégé et titulaire de la chaire, Droits humains des Palestiniens au Canada, à titre personnel : Je tiens à remercier la présidente, les membres du comité et le Sénat de m’avoir invité ici aujourd’hui.
En tant que spécialiste de la justice raciale, je m’oppose à toutes les formes de racisme, y compris l’antisémitisme. Cela dit, pour lutter efficacement contre l’antisémitisme, il faut d’abord bien définir le concept, ce que l’AIMH ne fait pas.
J’ai quatre arguments pour appuyer mes propos : premièrement, les exemples associés à la définition de l’AIMH avaient été, en fait, exclus au moment de son adoption officielle; deuxièmement, le libellé de la définition de l’AIMH ne donne que peu d’indications pour reconnaître l’antisémitisme; troisièmement, les exemples associés à la définition de l’AIMH confondent l’antisémitisme et le fait de critiquer Israël, et sont donc anti-palestiniens; et quatrièmement, la définition de l’AIMH a été rejetée par des groupes faisant autorité.
Premièrement, donc, les décideurs de l’AIMH ne sont parvenus à un consensus sur la définition à adopter qu’en excluant les exemples qui y sont maintenant associés de manière trompeuse. Ce fait est constamment occulté par les partisans de la définition de l’AIMH, y compris Patrimoine canadien. Il s’agit d’un point important, puisque pour invoquer l’autorité de l’AIMH, il faut en fait rejeter les exemples que les décideurs de l’AIMH ont eux-mêmes rejetés.
Ensuite, lorsqu’on exclut ces exemples, tout ce que la définition avance, c’est que l’antisémitisme est une certaine perception des Juifs, ce qui ne donne bien sûr que peu d’indications sur la façon de reconnaître l’antisémitisme. À titre d’exemple, des perceptions positives de l’alimentation et de la culture juives, sont-elles par définition antisémites? Cela tranche nettement avec la définition employée par le présent comité dans son rapport de 2023, où il parlait de racisme, de stéréotypes et de préjudices subis par les musulmans, plutôt que de se limiter à parler de perceptions.
Ainsi, s’il veut faire preuve de cohérence dans sa façon de conceptualiser différentes formes de racisme, ce comité devrait étudier attentivement la déclaration du New Jersey sur l’antisémitisme et l’islamophobie. En plus d’être alignée sur ce que disait le précédent rapport du comité, la déclaration a été approuvée par une coalition multiethnique d’universitaires.
Le gouvernement canadien s’appuie toujours fortement sur les exemples exclus malgré le fait qu’ils aient été rejetés par les décideurs de l’AIMH. En qualifiant les droits de la personne des Palestiniens comme étant intrinsèquement antisémites, les exemples exclus perpétuent le racisme anti-palestinien plutôt que de servir à définir l’antisémitisme. C’était mon troisième point. Pas moins de 7 des 11 exemples visent expressément à limiter les critiques contre Israël. Pourtant, on peut facilement critiquer Israël sans évoquer la moindre perception à l’égard des Juifs, que ce soit de manière antisémite ou autre.
À titre d’exemple, selon l’exemple 7 qui a été exclu de la définition de l’AIMH, il est antisémite d’affirmer qu’Israël fait preuve de racisme. Est-on réellement censés croire que le fait de qualifier de génocide le siège de la bande de Gaza par Israël n’est rien de plus qu’une accusation de crime rituel, alors qu’il s’agit en fait d’une conclusion officielle de la commission d’enquête internationale du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, dont le Canada est membre? C’est aussi ce que concluent officiellement des organismes comme Amnistie internationale, Human Rights Watch et Al-Haq, des organisations non gouvernementales comme B’Tselem, de même que des universitaires spécialistes du génocide commis par Israël, comme Raz Segal.
Une instrumentalisation aussi flagrante de l’antisémitisme, cette façon de présenter faussement toute opposition à un génocide comme étant de l’antisémitisme, explique pourquoi la définition de l’AIMH a été rejetée par des groupes faisant autorité, ce qui était mon quatrième point. À titre d’exemple, 370 éminents universitaires spécialistes de l’antisémitisme, de l’Holocauste et d’autres domaines connexes ont rejeté la définition de l’AIMH parce qu’elle entraînait de la confusion et suscitait la controverse, nuisant ainsi à la lutte contre l’antisémitisme.
De même, l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université et les 72 000 membres du personnel universitaire qu’elle représente a elle aussi rejeté la définition de l’AIMH parce qu’elle censure la liberté académique des chercheurs qui ont mis de l’avant des perspectives antiracistes et décolonialistes à l’égard de l’État d’Israël.
Dans la même veine, une coalition de 104 organisations de la société civile a exhorté les Nations unies à rejeter la définition de l’AIMH parce qu’elle est souvent utilisée pour qualifier faussement d’antisémites les critiques à l’égard d’Israël. Même le rédacteur principal de la définition de l’AIMH l’a critiquée en raison de la façon dont elle a été instrumentalisée par des groupes juifs de droite dans une attaque contre la liberté universitaire et la liberté d’expression.
Pour conclure, l’État d’Israël n’est pas une race; c’est un pays. Et, comme pour n’importe quel pays, il est légitime — voire important — qu’il soit assujetti à la critique. Quand Israël opprime les Palestiniens, le fait de critiquer cette oppression n’est pas du racisme à l’égard des Juifs; c’est de la défense des droits de la personne et du droit international. Même si ce comité n’approuve pas les critiques à l’égard d’Israël, le fait d’empêcher les Canadiens de manifester contre les politiques étrangères de leur propre gouvernement porte directement atteinte à leur droit à la liberté d’expression protégé par la Constitution, comme l’a confirmé la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles.
Enfin, en affirmant que les nombreux Canadiens musulmans qui protestent contre le massacre de leurs familles dans la bande de Gaza haïssent les Juifs plutôt que de dire qu’ils haïssent l’occupation du territoire, l’apartheid et le génocide, on perpétue la même diabolisation islamophobe que ce comité a critiquée dans son rapport de 2023.
Par conséquent, j’exhorte ce comité à ne pas voir le fait de critiquer Israël comme étant de l’antisémitisme, et à envisager ce dernier d’une manière qui est conforme au droit international et aux droits de la personne, ce qui supposerait de rejeter la définition de l’AIMH dans les travaux de ce comité. Merci.
La présidente : Je vous remercie. Monsieur Mivasair, la parole est à vous.
Rabbin David Mivasair, membre, Voix juives indépendantes Canada : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs, de m’avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd’hui.
Je suis un rabbin et je compte plus de 20 ans à mon actif en tant que chef spirituel de deux synagogues à Vancouver. Je suis aussi un membre actif de l’organisme Voix juives indépendantes Canada.
En tant que Juif, je suis appelé à honorer le commandement « justice, justice, tu poursuivras ». Mon appui à l’égard des Palestiniens découle de la façon dont je respecte les principes du judaïsme. Mon engagement envers la justice et l’égalité pour tous découle de notre obligation de voir la divinité en chacun. Ma sensibilisation à l’égard de l’Holocauste me pousse à exprimer ma solidarité envers les Palestiniens confrontés à un génocide.
Des milliers de Canadiens juifs reconnaissent qu’en tant que Juifs, nous avons une responsabilité encore plus grande d’agir pour aider les Palestiniens qui luttent pour leur existence même en raison de la prémisse raciste selon laquelle la sécurité des Juifs dépend de l’élimination des Palestiniens. Nous devons tous faire preuve de prudence dans notre façon d’interpréter les accusations d’antisémitisme. Les malentendus déforment la perception du public et nuisent à l’élaboration des politiques.
Lorsque j’ai déménagé à Hamilton, en 2018, cette ville se faisait appeler « la capitale canadienne de la haine ». Ce titre faisait la manchette du Canadian Jewish News, le 8 août 2019, en raison des statistiques sur les signalements de crimes motivés par la haine. Après avoir examiné les signalements dont il y était question, je me suis rendu compte que dans bien des cas — probablement dans la plupart des cas, en fait —, ces crimes étaient mal classés. Par exemple, une fourgonnette avec un svastika peint sur le côté appartenait en fait à un temple hindou, ou encore un géranium volé dans une plate-bande devant une synagogue avait été signalé à la police comme un incident de haine antijuive.
Ces incidents, comme bien d’autres, ne sont pas antisémites, mais apparaissent tout de même dans les rapports comme des signalements de haine antijuive, ce qui déforme considérablement les statistiques.
Un autre exemple, personnel celui-ci : j’avais dans mon jardin une affiche arborant un drapeau palestinien avec l’inscription « Nous défendons les droits de la personne ». Lorsque cette affiche a été volée, j’ai signalé le fait à la police, qui l’a classé comme un incident de haine antijuive tout simplement parce que je suis un rabbin. J’ai alors fait corriger cette erreur de classification en expliquant qu’il s’agissait en fait d’un incident de haine envers les Palestiniens.
Entre 2016 et 2022, la police d’Hamilton a consigné environ 700 signalements d’incidents antijuifs. Or, seulement sept de ces signalements ont été corroborés par des enquêtes policières, ce qui rappelle à quel point le nombre de signalements déclarés peut être trompeur.
D’autres sources largement citées sont encore moins fiables. Par exemple, il a été démontré à maintes reprises que, dans son audit annuel des incidents antisémites, l’organisme B’nai Brith Canada gonfle exagérément ses chiffres et classe erronément des actes de soutien à l’égard des Palestiniens comme étant des actes de haine antijuive, ce qui suscite inutilement beaucoup de panique.
Cette tendance a des répercussions qui vont au-delà des statistiques et influencent les politiques. Un exemple récent est le projet de loi C-9, qui propose de restreindre les manifestations à proximité des établissements religieux. Cette mesure a été présentée principalement en réponse à des manifestations pacifiques — que j’ai aidé à planifier et auxquelles de nombreux autres Juifs ont participé — dénonçant les rassemblements qui avaient lieu à l’intérieur des synagogues pour y vendre des propriétés immobilières dans les territoires palestiniens occupés. Il n’y avait aucune activité religieuse à ces moments-là, mais la réaction a été d’imposer des restrictions qui limitent indûment la liberté de réunion et la liberté d’expression des Canadiens.
Selon Statistique Canada, les crimes motivés par la haine ciblent les Juifs de façon disproportionnée. Selon le Centre consultatif des relations juives et israéliennes, les Juifs sont 25 fois plus susceptibles que les autres Canadiens d’être victimes de crimes haineux, mais ces chiffres sont un reflet de la probabilité que les incidents soient signalés, comme le reconnaît le gouvernement lui-même. Les personnes racisées, les Autochtones, les membres de la communauté 2ELGBTQIA+ et les communautés d’immigrants sont beaucoup moins susceptibles de signaler les crimes haineux dont ils sont victimes.
Les communautés juives, en revanche, sont souvent bien établies et ont des liens solides avec les forces de l’ordre. En 2024, seulement 1,6 % des signalements de crimes haineux avaient été présentés par des Autochtones, contre près de 25 % pour les Juifs. Comme le souligne la criminologue canadienne Barbara Perry, les données sur les crimes haineux nous en disent autant sur les relations que les victimes ont avec la police que sur l’étendue du problème de la haine dans la société.
Ces exemples montrent que les statistiques, lorsqu’elles sont acceptées sans être remises en question, peuvent donner lieu à des politiques et à des mesures législatives qui pourraient restreindre inutilement les libertés civiles ou mener à l’allocation de ressources aux mauvais endroits, comme le précise le rapport intitulé The Use and Misuse of Antisemitism Statistics in Canada, disponible sur le site Web de Voix juives indépendantes. Ainsi, j’exhorte le comité à s’assurer que les rapports sur les crimes haineux soient vérifiés attentivement avant de s’en servir, et à faire très attention aux statistiques rapportées. Je vous remercie.
La présidente : Je vous remercie, monsieur Mivasair. Merci à tous les témoins pour vos déclarations. Nous passons maintenant aux questions et réponses. Sénateur Housakos, c’est à vous de commencer.
Le sénateur Housakos : J’ai écouté très attentivement les déclarations du groupe de témoins de ce soir. Je pense qu’ils se sont présentés au mauvais comité. Nous ne sommes pas en train d’étudier si Israël a le droit d’exister du fleuve à la mer ou si les Palestiniens ont le droit d’exister au sein d’Israël. Ça, c’est une question pour le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Ici, c’est le Comité des droits de la personne, et nous menons une étude sur l’antisémitisme au Canada. Honnêtement, je n’ai pas entendu grand-chose sur la situation intolérable à laquelle la communauté juive est soumise en ce moment ni sur ce que vous recommandez pour améliorer les choses.
Ma question s’adresse aux deux représentants de Voix juives indépendantes. Connaissez-vous l’organisme Canadiens pour la justice et la paix au Moyen‑Orient, ou CJPMO? Pourquoi votre organisme est-il enregistré à la même adresse que CJPMO, à Montréal?
M. Balsam : Nous avons jugé que c’était important. J’ai écouté plusieurs des séances précédentes où on a parlé de la définition de l’AIMH et où on affirmait que 90 % ou plus des Juifs au Canada sont sionistes, alors que selon une étude publiée récemment, ce taux est plutôt de 51 %. J’ai entendu diverses allégations au sujet des manifestations et j’ai estimé que nous devions profiter du temps qui nous était accordé ici — ou plutôt que je devais moi-même consacrer le temps qui m’est accordé ici — pour réfuter ces allégations. Les politiques visant à lutter contre l’antisémitisme sont fondées sur la définition de l’AIMH, qui est au cœur de la façon dont le Canada aborde ces questions. Il m’a donc semblé important de soulever cet enjeu.
Pour ce qui est de nos bureaux, CJPMO est un de nos proches alliés. Notre organisme compte cinq employés et 26 comités locaux un peu partout au pays. Nous n’avons pas besoin d’un local physique sauf pour avoir une adresse postale, et c’est pourquoi l’organisme nous a proposé d’employer son adresse pour y recevoir notre courrier.
Le sénateur Housakos : Merci pour cette réponse. L’organisme Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient...
Rabbin Mivasair : Pourrais-je aussi répondre, s’il vous plaît?
Le sénateur Housakos : J’ai une autre question pour vous. Je pense que j’ai eu ma réponse, qui était que...
Rabbin Mivasair : Vous avez eu une réponse. Si nous disposons de cinq minutes, j’aimerais prendre un peu de ce temps pour répondre.
Le sénateur Housakos : Vous représentez tous deux les deux organismes. J’ai demandé si vous partagiez des bureaux avec Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient.
Rabbin Mivasair : Ce n’est pas tout ce que vous avez dit. Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, ce n’est pas tout ce que vous avez dit. Une partie de ce que vous avez dit nécessite une réponse.
Le sénateur Housakos : Allez-y.
Rabbin Mivasair : Je ne crois pas que vous viviez dans la communauté juive, mais vous avez dit que la communauté juive est soumise à une situation intolérable. Je suis un Juif, et je le suis depuis plus de 73 ans. Ma famille est juive. Mes amis sont juifs. Les gens de ma synagogue sont juifs. Or, aucun de nous n’est soumis à une situation intolérable.
Ce que vous venez de faire démontre parfaitement pourquoi nous parlons de fausses accusations d’antisémitisme et de la façon dont on exagère grandement la situation dans laquelle se trouve actuellement la communauté juive au Canada dans le but d’obtenir des gains politiques visant à réprimer les manifestations légitimes et importantes de soutien envers les Palestiniens, que vous venez de rejeter du revers de la main dans votre introduction. Je vais en rester là. Je pense que vous venez d’illustrer exactement la raison pour laquelle nous devons parler de la légitimité de la définition de l’AIMH.
Le sénateur Housakos : Chers collègues, pour le compte rendu, je tiens à souligner que l’organisme Voix juives indépendantes partage des locaux avec Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient. Je vous invite à examiner cet organisme de plus près, car il s’agit d’une organisation fondamentalement anti-Israël.
Qui plus est, avec tout le respect que je vous dois, monsieur, je vis bel et bien au sein de la communauté juive, j’y suis né et j’y ai grandi, et je suis fier de représenter près de 90 000 Montréalais de confession juive auprès de cette institution. Je peux vous assurer que la grande majorité d’entre eux sont fiers de la façon dont je défends leurs intérêts en leur nom. Maintenant, monsieur Mivasair, j’aimerais vous poser une question simple : le 18 février 2024, vous avez publié un message disant que les organisations qui soutiennent Israël méritent d’être « détruites ». Maintenez-vous toujours cette position?
La présidente : Il vous reste 10 secondes. Préférez-vous remettre cela à la deuxième ronde, sénateur Housakos?
Le sénateur Housakos : Je pense que ça mérite une réponse. Nous devrions peut-être lui donner plus que 10 secondes pour répondre. Ce message mérite des éclaircissements.
La présidente : Je vais le permettre. Allez-y, s’il vous plaît.
Rabbin Mivasair : Étant donné qu’Israël mène actuellement un génocide, chasse les Palestiniens de leurs terres et tue des gens tous les jours, oui, je crois que les organisations qui soutiennent cet État devraient être détruites. Elles ne devraient pas exister.
Le fait de se prononcer contre Israël n’est pas de l’antisémitisme. Vous avez commencé par dire que nous sommes au mauvais comité. Parlons donc d’antisémitisme plutôt que de ce que vous venez de soulever, c’est-à-dire le fait d’être anti-Israël. Je maintiens que je suis contre Israël. J’ai vécu là-bas pendant quatre ans. Je connais l’hébreu, à l’oral comme à l’écrit. Chaque jour, je lis les journaux israéliens rédigés en hébreu, et je suis contre Israël. Je n’ai aucun problème à l’affirmer devant un comité sénatorial. Il faut que nous soyons plus nombreux à le faire.
Le sénateur Housakos : Vos propos étaient incendiaires. Peu importe que vous parliez l’hébreu, le français, l’anglais ou n’importe quelle autre langue. Au Canada, les propos de ce genre sont inacceptables. Ils alimentent la haine et font que des synagogues deviennent la cible de bombes incendiaires.
La présidente : C’est tout le temps que nous avions, sénateur Housakos. Je vous remercie.
Le sénateur Arnot : Ma prochaine question s’adresse à M. Balsam, mais M. Mivasair pourra également y répondre s’il le souhaite.
Monsieur Balsam, vous savez que l’étude menée en 2024 par le professeur Robert Brym sur l’opinion juive au Canada a révélé que 94 % des Juifs canadiens estiment qu’Israël a le droit d’exister en tant qu’État juif. Que pensez-vous du fait que certaines des positions de votre organisme entrent en contradiction avec celles de la grande majorité des Juifs canadiens? Je sais que vous dites compter environ 2 000 membres répartis dans 26 sections à l’échelle nationale, mais je sais aussi que le Centre consultatif des relations juives et israéliennes représente environ 150 000 Juifs canadiens.
Ma question est donc la suivante : que pensez-vous de cette divergence d’opinions majeure? En d’autres termes, je pense que votre opinion sur différents enjeux est minoritaire par rapport à celle de la majorité des Juifs canadiens.
M. Balsam : Je vous remercie, monsieur le sénateur. La question de constituer une minorité au sein de la communauté juive canadienne, voire un groupe marginal, a déjà été soulevée lors des délibérations du comité.
Le sénateur Arnot : ...
M. Balsam : Cet enjeu n’a pas été soulevé par vous personnellement, monsieur le sénateur, mais certains de vos collègues l’ont déjà...
Le sénateur Arnot : Vous avez probablement raison sur ce point.
M. Balsam : Non, je dis que nous sommes en accord avec la position d’Amnesty International, de Human Rights Watch, et de la grande majorité des Canadiens, qui reconnaissent qu’un génocide est en cours dans la bande de Gaza. Les statistiques que vous venez de citer sont fascinantes. Je ne sais pas si tout le monde comprend ce que signifie dire qu’Israël a le droit d’exister ou penser qu’Israël a le droit d’exister en tant qu’État juif. Peut-être pensent-ils que c’est en fait quelque chose qui est autorisé par le droit international, et c’est le cas. Chaque pays doit être libre de forger sa propre identité de différentes manières. Cela se traduit-il par un soutien des Juifs canadiens à l’État hébreu, voire à l’idéologie du sionisme?
Robert Brym a mené une autre étude qui a révélé que seulement 51 % des Juifs canadiens s’identifient comme sionistes. Un sondage a été réalisé au Royaume-Uni, et il en ressort qu’environ 26 % des Juifs âgés de 20 ans s’identifient comme antisionistes. Nous ne sommes certes pas majoritaires, mais notre communauté d’idées est en pleine croissance.
Bref, il existe tout un éventail d’opinions à propos de l’État hébreu au sein des différentes diasporas juives.
Le sénateur Arnot : Je dois me conformer à un temps de parole de cinq minutes, et j’ai encore deux questions pour nos invités.
Si les gouvernements adoptaient la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme plutôt que celle de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, ou AIMH, quels changements concrets cela entraînerait-il pour la formation des policiers, les codes de conduite sur les campus et les critères de financement au Canada? Pouvez-vous citer trois leviers politiques et les résultats attendus pour réduire la victimisation antisémite au Canada?
Une autre question que je souhaite poser concerne la position de l’organisme Voix juives indépendantes sur le financement institutionnel de la sécurité des synagogues et des écoles au Canada. Je m’intéresse à cette question dans le contexte d’une montée de l’antisémitisme au pays. Si nous n’avons pas assez de temps, vous pourrez transmettre une réponse par écrit au comité.
Monsieur Balsam, souhaitez-vous intervenir?
M. Balsam : Je peux commencer. En ce qui concerne la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme, je pense que cela constituerait un changement fondamental. Je dois dire, tout d’abord, que la définition est très claire. L’antisémitisme peut être défini comme un sentiment de haine à l’encontre des Juifs en tant que Juifs, n’est-ce pas? Cette définition me paraît plutôt claire.
Alors, qu’est-ce qui relève de l’antisémitisme et qu’est-ce qui n’en relève pas? La Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme précise qu’il n’est pas antisémite de soutenir certains boycottages, de qualifier Israël d’État d’apartheid, de dire qu’il pratique le génocide, toutes ces choses qui constituent, selon moi, la source fondamentale de la confusion engendrée par l’AIMH.
En ce qui concerne les leviers politiques, je dirais que notre approche consiste à lutter contre l’antisémitisme dans le cadre de la lutte contre le racisme, plutôt que de l’opposer à celle‑ci. Souvent, l’AIMH suggère que les militants qui se réclament de l’antiracisme sont les véritables racistes, n’est-ce pas? Cela revient à renverser complètement la situation. Il faut donc intégrer notre approche dans le cadre plus général de la lutte contre le racisme au sein de l’éducation, du milieu des forces de maintien de l’ordre, et ainsi de suite.
En ce qui concerne le financement de la sécurité, c’est intéressant. Je vais à des offices religieux. Nous n’avons pas d’agents de sécurité. Je sais qu’il y a eu des attentats contre des synagogues et c’est horrible. Je vis à Montréal et j’ai été témoin de plusieurs fusillades et d’autres tragédies violentes de ce genre. Nous n’avons pas encore toutes les réponses. Il est important de prêter attention à ces questions. Je m’interroge parfois sur la surveillance policière excessive de nos institutions et ses répercussions sur les personnes qui tendent à être racialisées.
Le sénateur Arnot : Je voudrais que les témoins répondent à cette question par écrit, puisque vous avez pris connaissance d’autres témoignages. Comment voyez-vous le rôle de l’éducation, de la maternelle à la 12e année, compte tenu du pouvoir de l’éducation dans la lutte contre l’antisémitisme et la haine des Juifs dans le contexte canadien? Qu’en est-il de l’influence de nos institutions d’éducation?
Que recommandez-vous pour les écoles des provinces et des territoires canadiens? Je sais que M. Balsam n’aura pas le temps de répondre à cette dernière question.
La présidente : Nous allons à présent passer à la deuxième série de questions.
Le sénateur Arnot : J’aimerais obtenir une réponse par écrit de la part de nos invités.
La présidente : Très bien, c’est noté.
Le sénateur Arnot : Je vous remercie.
La présidente : Monsieur Arnot, souhaitez-vous poser une question à nos témoins dans le cadre de la deuxième série de questions?
Le sénateur Arnot : Oui.
La sénatrice Coyle : Merci à tous nos témoins d’aujourd’hui de participer à cette discussion très importante.
Monsieur Harrington, alors que je prenais des notes sur ce que vous disiez, vous avez fait certaines distinctions: l’État d’Israël n’est pas une race, mais bien un État, et l’antisémitisme doit être considéré comme distinct de la critique d’Israël.
Vous avez mentionné l’Association canadienne des professeurs d’université, ou ACPU. J’ai moi-même suivi une formation universitaire. L’ACPU rejette la définition de l’antisémitisme fournie par l’AIMH. À mon avis, il est important pour nous d’approfondir cette question.
L’ACPU partage-t-elle la position de votre organisme, Voix juives indépendantes? Quelle définition officielle de l’antisémitisme l’ACPU a-t-elle présentée?
M. Sealy-Harrington : Je ne connais pas la définition positive de l’antisémitisme à laquelle s’est engagée l’ACPU. Je pense que sa mission, en tant qu’organisme de défense de la liberté académique, est très préoccupée par la répression étatique, la recherche et l’enseignement. Cela dit, elle s’est spécifiquement opposée à la définition de l’AIMH, car celle-ci s’est révélée à plusieurs reprises contraire à la liberté académique. Mes amis qui travaillent au sein de l’organisme Voix juives indépendantes m’ont décrit leur conceptualisation de la notion d’antisémitisme. Je dirais que je suis d’accord avec la déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme, qui est plus forte, et je pense que la déclaration du New Jersey est encore meilleure.
Mais je ne pense pas que l’ACPU se soit clairement prononcée en faveur d’une définition de l’antisémitisme, car elle est davantage préoccupée par les enjeux liés à la censure.
La sénatrice Coyle : Est-ce parce que les membres de l’ACPU ont ressenti un degré plus élevé de censure ou un climat de peur?
M. Sealy-Harrington : Oui. Je ne souhaite pas trop restreindre le champ d’application. L’Association canadienne des professeurs d’université et de nombreuses organisations de défense de la liberté académique, dont l’Association américaine des professeurs d’université, s’opposent à la définition de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, ou AIMH. Outre les associations de défense de la liberté académique, 370 éminents spécialistes de l’antisémitisme ont rejeté l’AIMH et se sont déclarés préoccupés. Il s’agit de chercheurs qui consacrent leur vie à l’étude de l’antisémitisme. Leur opposition repose sur le fait que l’AIMH vient brouiller la définition de l’antisémitisme, ce qui rend celui-ci plus difficile à comprendre. Et donc pour les questions d’éducation, n’est-ce pas?
Je suis éducateur antiraciste. J’adore enseigner des notions d’antiracisme, de la maternelle à l’université. Si nous voulons enseigner l’antisémitisme, ces spécialistes de l’antisémitisme nous disent que l’AIMH n’est pas la bonne méthode et qu’elle brouille notre compréhension de l’antisémitisme.
La sénatrice Coyle : Il est toujours bon de se rappeler qu’il faut rester sceptique face aux données et d’étudier minutieusement tous les témoignages que nous avons entendus jusqu’à présent. C’est notre travail.
Cela dit, nous savons qu’il existe un problème d’antisémitisme au Canada. D’après tout ce que j’ai lu et entendu, je pense qu’il s’est probablement aggravé depuis l’attaque contre la communauté israélienne le 7 octobre, puis l’attaque extrêmement disproportionnée contre des civils à Gaza.
Je pense qu’il y a une augmentation des actes antisémites au Canada.
Que pensez-vous qu’il faille faire à ce sujet? Quelles sont les principales mesures à prendre pour y remédier? C’est notre travail ici, s’il vous plaît.
M. Sealy-Harrington : Merci pour cette question, madame la sénatrice.
Les membres du comité doivent faire preuve de prudence et de rigueur lorsqu’il traite les allégations, et non pas celles concernant une augmentation de l’antisémitisme, je le concède volontiers, mais celles concernant une augmentation astronomique de l’antisémitisme. Nous devons être prudents, en particulier comme l’a mentionné le rabbin David Mivasair. Je renvoie le comité aux recherches novatrices de la chercheuse juive Sheryl Nestel sur l’utilisation et l’utilisation abusive des statistiques sur l’antisémitisme, une étude minutieuse qui traite de ces allégations.
Et comme ses recherches l’expliquent clairement, les incidents antisémites sont largement déformés par les organisations pro‑israéliennes qui qualifient systématiquement d’antisémites les critiques à l’égard d’Israël, y compris celles formulées par des Juifs.
Alors qu’Israël commet un génocide en direct dans la bande de Gaza, les critiques à l’encontre d’Israël augmentent de manière exponentielle, n’est-ce pas? Il s’agit là d’une réaction humaine compréhensible et prévisible face à la situation catastrophique à Gaza.
En matière de politiques spécifiques, je reviens au point que j’ai soulevé dans mon introduction: je pense que dans la mesure où l’antisémitisme est en hausse, ce qui est à mon avis le cas, nous devons définir avec précision ce que nous entendons par antisémitisme. Si nous n’enseignons pas l’antisémitisme, les élèves n’apprennent pas ce que signifie ce terme. Les enseignants ne reçoivent pas de formation sur la véritable signification de l’antisémitisme, ce qui explique pourquoi les universitaires juifs spécialisés dans l’antisémitisme s’opposent autant à l’AIMH.
Que le levier politique soit la justice pénale, l’éducation ou les universités, si vous utilisez une définition qui conceptualise de manière erronée l’antisémitisme, vous n’enseignez pas ce que vous souhaitez réellement cibler. C’est une énorme occasion manquée pour tout le monde de mieux comprendre non seulement l’antisémitisme, mais aussi, comme l’explique la déclaration du New Jersey, la relation entre l’antisémitisme et d’autres formes de racisme.
Le sénateur K. Wells : Bonjour à tous. Ma question s’adresse aux deux témoins qui sont ici avec nous aujourd’hui.
Nous n’avons pas encore parlé du projet de loi C-9, lequel est actuellement à l’étude à la Chambre des communes. Ce projet de loi a été conçu pour répondre à certaines préoccupations soulevées par de nombreuses communautés minoritaires au Canada concernant la sécurité, l’accès aux installations publiques et l’augmentation des crimes haineux signalée par certaines communautés. Afin d’élargir votre perspective sur le projet de loi C-9, nous aimerions connaître votre opinion à ce sujet.
Vous avez mentionné certains leviers sur le plan politique. Plus précisément, en ce qui concerne le sujet que nous étudions aujourd’hui, l’antisémitisme, quels types de leviers politiques considérez-vous comme importants pour lutter contre l’antisémitisme au Canada? Quelles recommandations souhaitez‑vous présenter au comité?
Nous nous sommes toujours efforcés d’être un comité d’action, afin de formuler certaines recommandations. Nous aimerions tout d’abord connaître votre point de vue sur le projet de loi C-9 : les problèmes que vous pourriez y voir ou ses points forts, les améliorations qui pourraient y être apportées, ainsi que plusieurs autres leviers sur le plan politique. Je vous remercie.
M. Sealy-Harrington : Merci pour cette question.
Bien entendu, je m’oppose à toutes les formes de haine, auxquelles le projet de loi C-9 fait au moins référence dans son titre, mais je considère que ce projet de loi est à la fois trompeur et inefficace pour lutter contre la haine. En effet, ce projet de loi a suscité une opposition massive de la part de différents organismes de défense des libertés civiles et de la justice raciale, y compris des associations juives. Par exemple, cet automne, 37 organismes de la société civile, dont l’Association canadienne des libertés civiles, Voix juives indépendantes, et le Centre d’action juridique des Noirs, ont signé une lettre commune exhortant le gouvernement canadien à faire marche arrière sur le projet de loi C-9, car il menace la liberté d’expression protégée par la Constitution et, comble de l’ironie, menace la capacité des groupes marginalisés à manifester en dehors de leurs propres institutions.
À cet égard, il est essentiel de noter, comme l’a souligné précédemment le rabbin David Mivasair, que les récentes manifestations devant les synagogues, dont beaucoup ont été menées par des Juifs, y compris par des fidèles de leurs propres synagogues, n’ont pas été motivées par l’antisémitisme, mais plutôt par la complicité de ces synagogues dans la perpétuation du racisme anti-palestinien.
En ce qui concerne les différents leviers politiques, en tant que chercheur antiraciste, je privilégie davantage des mesures telles que l’éducation plutôt que la criminalisation. Je pense que les mesures proactives sont plus efficaces. La criminalisation a également un impact disproportionné sur les communautés racialisées.
Je dirais toutefois que mon intérêt pour l’éducation fait partie de ce qui motive ma résistance à la définition de l’AIMH. Marianne Hirsch, universitaire juive à Columbia et fille de survivants de l’Holocauste, a déclaré qu’elle ne pouvait plus enseigner ses cours sur l’Holocauste parce que la définition de l’AIMH l’empêchait d’enseigner efficacement l’Holocauste. Le célèbre universitaire palestinien Rashid Khalidi a annulé son cours à Columbia parce qu’il a déclaré ne plus pouvoir enseigner Hannah Arendt en vertu de la définition de l’AIMH, celle-ci ayant été une critique fervente de l’État d’Israël.
Je privilégierais donc la prise de mesures au sein des institutions d’éducation, et je pense que l’AIMH, à bien des égards, fonctionne de manière antithétique à la capacité d’enquêter en toute liberté sur des enjeux liés à l’antisémitisme.
M. Balsam : Vous avez laissé entendre que de nombreuses communautés différentes souhaitent bénéficier de cette protection, mais je ne sais pas si c’est le cas au vu de la manière dont cela a été présenté. Je note que le Conseil national des musulmans canadiens et d’autres organisations musulmanes ont de sérieuses inquiétudes. J’ai entendu dire que les organisations de lutte contre le racisme anti-Noirs s’inquiètent du fait que seuls les symboles terroristes soient interdits, ce qui est très partial; par exemple, le nœud coulant, les symboles du KKK, les drapeaux confédérés et ce type de symboles sont autorisés. Vous pouvez par exemple hisser ces drapeaux à l’extérieur d’une église fréquentée par des Canadiens noirs. Je pense que c’est plutôt partial en ce sens.
Évidemment, nous avons parlé à plusieurs reprises des ventes immobilières qui ont déclenché toute cette conversation, qui ont principalement donné lieu à des protestations menées par des Juifs; il y a eu plusieurs manifestations différentes, mais celles-ci dénonçaient les crimes de guerre commis au sein des synagogues. Nous devons donc être extrêmement prudents. Je ne pense pas qu’il y ait eu de cas où quelqu’un ait protesté contre une synagogue parce que c’est une synagogue. Les manifestations qui ont eu lieu ont été motivées par les déclarations de militaires israéliens ou par la vente immobilière. Nous devons vraiment comprendre cela, et le projet de loi C-9 dans sa forme actuelle ne va pas en ce sens.
La présidente : Monsieur le sénateur Housakos, à vous la parole, je vous prie.
Le sénateur Housakos : Monsieur Balsam, je suis heureux que vous ayez reconnu que les attaques contre les synagogues ne sont pas nécessairement motivées uniquement par leur foi, mais parce qu’elles soutiennent l’État d’Israël ou parce qu’elles sont perçues comme telles. La vérité, c’est que personne ne niera — et je tiens à remercier le sénateur Arnot d’avoir soulevé cette question — que la grande majorité des Canadiens d’origine juive veulent une patrie.
Mais comme je l’ai dit, ce n’est pas le sujet dont il est question aujourd’hui.
Un document publié par NGO Monitor indique que l’organisme Voix juives indépendantes collabore avec 76 des 111 organisations anti-israéliennes répertoriées au Canada, dont notamment Samidoun, que le Canada a désignée comme entité terroriste en octobre 2024. Nous savons qui sont les dirigeants de Samidoun et ce qu’ils représentent. Votre organisation condamnera-t-elle aujourd’hui Samidoun et le Hamas pour être des organisations terroristes qui ne font que répandre la haine antisémite et, plus important encore, la haine antidémocratique au Canada? Ma question est la suivante: pourquoi l’organisme Voix juives indépendantes maintient-il des partenariats avec Samidoun et d’autres organisations de même nature?
M. Balsam : Pour replacer NGO Monitor dans son contexte, je précise qu’il existe plusieurs organisations qui jouent le rôle de « chiens d’attaque », dont NGO Monitor, UN Watch et HonestReporting. Elles ont pour but d’attaquer divers secteurs et de les maintenir essentiellement dans la peur afin qu’ils ne critiquent pas Israël. NGO Monitor est l’une de ces organisations. J’ai été fasciné par la carte des liens organisationnels qu’ils ont établie. Je ne sais pas où ils ont déniché la plupart de ces organisations. Nous collaborons avec de nombreuses organisations, mais Samidoun n’en fait pas partie. Je me demande donc d’où proviennent ces renseignements. Canary Mission est une autre organisation qui cible les étudiants, principalement sur les campus, et qui divulgue leurs renseignements personnels en ligne.
Leur but consiste avant tout à délégitimer des organisations comme la nôtre.
Le sénateur Housakos : Vous condamnez donc Samidoun et le Hamas en tant qu’organisations terroristes antisémites, tout comme le font le gouvernement et le Parlement du Canada? Je suppose que vous les condamnez sans réserve?
M. Balsam : Ce n’est pas mon rôle de le faire. Samidoun est une organisation qui défend les droits de la personne des Palestiniens. Nous n’approuvons pas tout ce qu’ils préconisent, mais ce sujet n’est pas le but de notre comparution devant vous. Je le répète, nous parlons en ce moment d’antisémitisme.
Le sénateur Housakos : Lors d’un rassemblement qui a eu lieu à Montréal le 7 octobre 2025, auquel ont participé des militants qui se rangent du côté de VJI, on a entendu le slogan « gloire aux martyrs » — il s’agit encore une fois d’une allusion aux membres du Hamas qui ont planifié le massacre. Comment justifiez-vous le fait d’organiser des événements qui glorifient les auteurs d’attaques meurtrières contre le peuple juif — du moins, c’est ce qui me semble lorsque des gens scandent « gloire aux martyrs » — et, plus important encore, contre un État démocratique?
M. Balsam : Cela nécessite une certaine compréhension culturelle. J’ai vécu plusieurs années en Cisjordanie occupée, ce qui m’a permis de comprendre diverses subtilités et la manière dont les gens communiquent. Les martyrs sont ceux qui ont été tués par l’État. Il existe des martyrs dans différents contextes, mais nous parlons ici des martyrs tués par l’État d’Israël. Lorsque nous prononçons les mots « gloire aux martyrs », c’est une façon de parler de ceux qui sont morts et de leur rendre hommage, ce qui, selon moi, est tout à fait raisonnable compte tenu du fait que des dizaines de milliers de personnes ont été assassinées.
La présidente : Je constate que rabbin Mivasair aimerait aussi répondre à la question.
Rabbin Mivasair : Comme M. Balsam vient de le déclarer, le mot « martyr » désigne les personnes qui ont été tuées par Israël. M. Balsam affirme qu’il y en a des dizaines de milliers. Il s’agit de personnes que nous connaissons — des proches, des membres de notre famille, des personnes totalement innocentes. Là encore, on parle de dizaines de milliers de personnes. Donc, avec tout le respect que je vous dois, sénateur, vous interprétez mal ce mot. Vous formulez une question qui donne une connotation très sinistre à ces paroles. Il s’agit simplement de personnes qui honorent leurs morts. Nous, les Juifs, utilisons ce terme lorsque nous parlons des personnes assassinées pendant l’Holocauste. Je remets donc en question le postulat même de votre question.
M. Sealy-Harrington : Je tiens simplement à souligner que le fait de caractériser des mots arabes tels que « martyr » comme étant, d’une certaine manière, intrinsèquement liés au terrorisme revient à se livrer à la même diabolisation et à la même diffamation que celles auxquelles votre comité s’est opposé dans son rapport de 2023. Le mot « martyr » signifie simplement « témoin » et, dans le contexte du génocide à Gaza, il fait allusion aux dizaines, voire aux centaines de milliers de personnes qui sont mortes. Le fait d’associer cela au terrorisme témoigne d’un grand manque de compétence culturelle.
La présidente : Sénateur Housakos, c’est tout le temps dont vous disposiez.
Le sénateur Arnot : Chers témoins, nous avons parlé de la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme, de la définition du New Jersey et de la définition de l’AIMH. Je sais que tous les témoins du groupe d’experts actuel ont réfléchi à ces questions et sont très éloquents à leur sujet. Je voudrais commencer par parler de la fin. Nous allons formuler des recommandations pour la prévention et l’élimination de l’antisémitisme au Canada. Ce que j’appelle « antisémitisme » se résume à ce qui a été qualifié de haine la plus ancienne du monde, car elle existe depuis très longtemps, voire depuis 2 000 ans ou plus. Et il ne s’agit pas d’une haine rationnelle envers le peuple juif.
Dans cette optique, je vous demande quelles recommandations, selon vous, le comité devrait formuler au sujet de l’antisémitisme tel qu’il se manifeste dans le contexte canadien. C’est vraiment ce à quoi je pense. Concrètement, que pouvons-nous faire pour les Juifs du Canada? Que recommanderiez-vous que notre comité envisage?
Je sais bien que, dans le cadre d’une intervention de cinq minutes, nous n’avons pas le temps aujourd’hui d’obtenir ces réponses, mais si vous pouviez les mettre par écrit, cela aiderait beaucoup le comité.
Vous aimeriez peut-être pouvoir aborder le sujet.
Rabbin Mivasair : Je crois que la proposition de soumettre nos réponses par écrit est une excellente idée, et j’espère que nous le ferons.
Mais le premier point que j’aimerais faire valoir, c’est qu’il faut d’abord clarifier ce qu’est réellement l’antisémitisme au Canada. Par exemple, je me souviens qu’il y a environ deux ans, au début du mois de décembre 2023, la GRC a arrêté deux hommes pour terrorisme ici, en Ontario. Ils étaient membres d’un groupe appelé Atomwaffen, qui est une organisation explicitement néonazie. Ils ont été arrêtés pour possession d’armes, et il s’agit bien là d’un incident d’antisémitisme au Canada.
Et je tiens à vous faire remarquer qu’après avoir effectué des recherches approfondies sur les sites Web du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, de B’nai Brith et du Centre Simon Wiesenthal, je n’ai trouvé absolument rien à ce sujet.
Je soutiens donc qu’en ce qui concerne l’antisémitisme, ce problème existe bel et bien au Canada. Je pense qu’aucun d’entre nous ne le nie. Mais je suggérerais que votre comité sénatorial s’efforce de vraiment comprendre ce qu’est l’antisémitisme. J’estime que nos autorités s’occupent plutôt bien de ce problème.
Et ce qui n’est pas de l’antisémitisme — c’est-à-dire ce qui retient le plus l’attention —, c’est le fait que des gens tentent de mettre fin à l’oppression des Palestiniens par Israël. Ces efforts sont qualifiés d’actes antisémites et, selon moi, le fait qu’on les qualifie d’actes antisémites revient en quelque sorte à utiliser de fausses accusations d’antisémitisme comme une arme pour réprimer toute discussion honnête et réfléchie au sujet de ce qui se passe en Israël et en Palestine.
M. Sealy-Harrington : Sénateur, je tiens simplement à souligner que lorsque vous qualifiez l’antisémitisme de haine envers les Juifs — une caractérisation que j’approuve entièrement, je tiens à le préciser —, je vous encourage à lire la définition de l’AIMH — qui ne mentionne pas la haine — et celle qui figure dans la déclaration du New Jersey — qui fait allusion à la haine.
Votre conception de l’antisémitisme correspond exactement à la mienne. Si c’est ce que vous cherchez à cibler, je vous encourage vivement à prendre en considération d’autres définitions qui, à l’instar du rapport de 2023 sur l’islamophobie, considèrent le racisme comme un ensemble de préjugés, de haine et de discrimination.
Le sénateur Arnot : J’ai juste une question complémentaire, très brève, à poser à tous les témoins qui souhaiteraient s’exprimer à ce sujet, une question qui s’appuie sur ce qu’a dit le rabbin. Compte tenu des dispositions actuelles du Code criminel en matière de propagande haineuse, de menaces, de méfaits à l’égard de biens d’autrui ou de biens religieux et de droits de la personne, où remarquez-vous de véritables lacunes dans la protection des Juifs canadiens contre le harcèlement, l’intimidation et les menaces, et quelles modifications législatives ou politiques précises recommanderiez-vous que le comité inclue dans ses recommandations?
M. Sealy-Harrington : Je vous remercie de votre question, sénateur.
Je ne crois pas qu’il y ait de lacunes en matière de lutte contre les crimes antisémites. Les crimes haineux sont déjà criminalisés. L’antisémitisme est une forme reconnue de haine raciale. En fait, depuis le 7 octobre, nous avons assisté à de nombreuses accusations de crimes à motivation antisémite, mais après un examen objectif de ces accusations, les tribunaux ont systématiquement jugé qu’il ne s’agissait pas de crimes à motivation antisémite.
Si vous examinez la pétition des étudiants de l’Université métropolitaine de Toronto, le campement établi à l’Université de Toronto, ou les actions de la militante juive de l’Université York qui a jeté de la peinture rouge sur une librairie Indigo, vous constaterez que cette militante juive a agi ainsi parce qu’elle critiquait le soutien apporté à l’armée israélienne par le propriétaire des librairies Indigo.
Lorsque les tribunaux étudient ces cas objectivement et les soumettent à des examens minutieux, vous ne constatez pas une absence de condamnations attribuable à une lacune du système, mais plutôt au fait que le système fonctionne en rejetant correctement les allégations spécieuses d’antisémitisme et en reconnaissant ce qui constitue très clairement des manifestations contre la guerre.
La sénatrice Coyle : Vous avez posé certaines des questions que j’allais poser. Cependant, je voudrais aborder brièvement la question du cyberespace, qui est un espace très important dont il faut parler. Nous parlons en ce moment d’espaces physiques, mais certains des efforts qui sont déployés pour propager de la désinformation ou de la mésinformation ou pour promouvoir des clichés antisémites le sont en ligne, et ils ont des répercussions.
Je suis curieuse de savoir ce que nos trois témoins ont à dire au sujet de ce que, selon eux, le gouvernement du Canada devrait faire, le cas échéant, pour surveiller le cyberespace et s’occuper des sites où l’on remarque des manifestations de haine antisémite.
M. Balsam : Il ne fait aucun doute qu’Internet est un cloaque où règnent l’antisémitisme, l’islamophobie, le racisme à l’égard des Palestiniens, le racisme à l’égard des Noirs, et j’en passe.
Une de mes préoccupations concerne le rejet catégorique des accusations d’antisémitisme qui survient, je le répète, parce que les pistes ont été tellement brouillées par l’AIMH et toutes les accusations portées. Je ne cesse de soulever la question en affirmant que nous ne pouvons pas simplement rejeter ces accusations. Nous devons les prendre au sérieux, même si souvent elles ne sont pas fondées.
Mais revenons au cyberespace. Je crois que le gouvernement a tenté, à plusieurs reprises, de présenter des projets de loi visant à lutter contre les préjudices en ligne, mais c’est un travail très compliqué.
Pour nous, l’un des principaux problèmes reste cette confusion entre... Je crois que Meta a interdit l’utilisation des termes « sionisme » ou « sionistes » dans certains contextes, car il est très facile de se fourvoyer à cet égard.
Il se peut que M. Sealy-Harrington ait une réponse plus technique à vous donner.
M. Sealy-Harrington : Je m’oppose bien entendu à la désinformation et aux stéréotypes, entre autres choses, à l’égard de toute minorité raciale, mais pour utiliser les paroles de M. Balsam comme tremplin et pour être clair, il est également important de comprendre que les Canadiens n’ont pas besoin d’être protégés contre des connaissances de base sur les faits relatifs au siège de Gaza par Israël. En effet, comme je l’ai déjà expliqué, le génocide a été constaté de manière officielle par une foule d’experts et de tribunaux.
Nous devons donc faire preuve d’une extrême prudence lorsque certaines organisations pro-israéliennes nous indiquent que le droit international lui-même est une forme de désinformation antisémite et que les Canadiens doivent en être protégés. Ce n’est pas vrai.
En fait, comme M. Balsam vient de le dire, en se concentrant sur l’application des lois internationales à Israël, on brouille les pistes. Les ressources que nous avons investies dans la lutte contre l’antisémitisme ne tiennent pas compte des clichés et des stéréotypes contre lesquels nous devons lutter par l’éducation, et il est important que nous nous opposions à ces communications.
Rabbin Mivasair : J’ai constaté une forte augmentation des manifestations de colère à l’égard des Juifs, qui sont accusés d’être responsables des actions d’Israël. Je pense que cela diminuerait si le gouvernement canadien ne soutenait pas des initiatives telles que la définition de l’AIMH, qui associe tous les Juifs au soutien d’Israël et qui considère qu’en critiquant Israël, on fait en quelque sorte preuve d’antisémitisme.
Si le gouvernement n’appuyait pas une telle définition, j’estime que moins de gens associeraient l’ensemble des Juifs à l’État d’Israël et que leur colère envers Israël ne serait pas dirigée contre le reste d’entre nous, les Juifs. C’est un élément qui doit être pris en considération lorsque l’on réfléchit aux expressions de haine en ligne.
La présidente : Nous arrivons à la fin de notre séance. Je vous remercie tous des exposés que vous nous avez donnés aujourd’hui et de votre comparution devant nous. Je vous remercie également d’avoir passé ce moment avec nous.
J’aimerais maintenant vous remercier sincèrement d’avoir accepté de participer à cette importante étude. Nous vous sommes très reconnaissants de l’aide que vous nous avez apportée dans le cadre de notre étude.
Chers collègues et invités, la partie publique de notre réunion est maintenant terminée. Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, et nous la reprendrons à huis clos pour discuter d’un projet de rapport.
(La séance se poursuit à huis clos.)