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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 1er octobre 2025

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), pour étudier le projet de loi S-201, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme.

La sénatrice Rosemary Moodie (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je suis Rosemary Moodie, sénatrice de l’Ontario et présidente de ce comité.

Avant de commencer, j’aimerais faire un tour de table pour que les sénateurs se présentent.

La sénatrice Osler : Sénatrice Flordeliz (Gigi) Osler, du Manitoba.

La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, du Manitoba.

La sénatrice Senior : Paulette Senior, de l’Ontario.

La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Arnold : Dawn Arnold, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Burey : Sénatrice Burey, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, sénatrice du territoire micmac en Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec. Je ne suis pas membre du comité.

[Traduction]

Le sénateur Surette : Allister Surette, de la Nouvelle Écosse.

La sénatrice Muggli : Tracy Muggli, du territoire du Traité no 6, en Saskatchewan.

La présidente : Merci, sénateurs.

Chers collègues, nous allons entendre tous les témoins qui figurent sur l’avis de convocation d’aujourd’hui. Je demanderais toutefois que l’on prévoie 10 minutes à la fin de la réunion pour tenir une courte réunion à huis clos.

Nous entamons aujourd’hui notre étude du projet de loi S-201, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme. Dans le premier groupe de témoins, nous accueillons aujourd’hui l’honorable Mme Mégie, ancienne sénatrice, qui a présenté le projet de loi au Sénat en mai, et l’honorable sénateur Ince, qui est le parrain du projet de loi.

Merci de vous joindre à nous aujourd’hui. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire vos remarques liminaires, qui seront suivies des questions des membres du comité. Sénateur Ince, la parole est à vous.

L’hon. sénateur Tony Ince, parrain du projet de loi : Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, de votre étude, et je tiens à remercier tout particulièrement les témoins qui se sont joints à nous aujourd’hui. Vous êtes tous très occupés. Nous vous sommes sincèrement reconnaissants du temps que vous avez consacré au projet de loi S-201, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme.

Ce cadre changera et sauvera des vies.

Comme j’ai un proche atteint de la maladie falciforme, ce cadre me touche personnellement. Je suis ici parce qu’une sénatrice a pris sa retraite. En me demandant de parrainer ce projet de loi, cette sénatrice m’a accordé une grande confiance, dont je lui suis profondément reconnaissant.

Je vais maintenant conclure mes remarques pour que, sans plus tarder, la prochaine intervenante, la marraine initiale du projet de loi, l’honorable Marie-Françoise Mégie, puisse prendre la parole.

[Français]

L’honorable Marie-Françoise Mégie, ancienne sénatrice, à titre personnel : Merci, madame la présidente.

Honorables sénateurs et sénatrices, bonjour. Merci au sénateur Ince d’avoir accepté de parrainer notre projet de loi. Merci aux membres du comité de m’accorder l’occasion de prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-201.

Bien avant mon arrivée au Sénat, j’ai été touchée par les confidences de mes amies qui, dans leur combat contre la maladie falciforme, me racontaient les douleurs intenses de leurs proches et l’incompréhension à laquelle ils faisaient face dans les hôpitaux. Cette maladie a un impact majeur, non seulement sur ceux qui en souffrent directement, mais aussi sur leurs familles et leurs aidants, qui partagent au quotidien ce lourd fardeau.

Ces histoires marquantes indiquent un besoin urgent d’agir. C’est ainsi qu’est née l’idée de présenter le projet de loi S-280 sur la maladie falciforme lors de la 44e législature. D’autres avant moi y avaient pensé, comme la députée d’Etobicoke-Nord à la Chambre des communes.

Comme je l’ai expliqué dans mon discours devant cette assemblée, cette maladie génétique du sang réduit considérablement l’espérance de vie des patients. Elle entraîne des souffrances chroniques intenses et invalidantes. Elle cause même l’invalidité. Pour plusieurs, s’ils ne reçoivent pas les soins appropriés, c’est une véritable condamnation à mort. De plus, on estime que 6 000 personnes vivent avec la maladie falciforme au Canada. Ce nombre risque d’augmenter.

Présentement, de nombreuses personnes vivant dans des régions éloignées ne peuvent avoir accès aux équipes de soins spécialisées en maladie falciforme. Étant donné que la prévalence de cette maladie est plus élevée chez les populations noires et racisées, en plus des facteurs socioéconomiques, des obstacles liés à la discrimination systémique et au racisme structurel rendent la prise en charge encore plus difficile. Ce que je viens d’affirmer est tiré du document Déterminants sociaux et iniquités en santé des Canadiens Noirs: un aperçu, de l’Agence de la santé publique du Canada, publié en 2020.

Pour ne pas dépasser mes cinq minutes, je vais vous entretenir spécifiquement du contenu du cadre national.

Ce cadre propose neuf actions. Chaque action mobilise des entités désignées pour agir en partenariat avec le gouvernement fédéral et en collaboration avec les provinces. On demande :

Que les instances réglementaires des médecins, des infirmières et des autres professions de la santé insèrent cette maladie dans le curriculum de formation, tant pour les apprenants que pour leurs membres.

Que le gouvernement fédéral assure un soutien continu au registre canadien de la maladie falciforme afin d’en garantir le fonctionnement, l’administration et la viabilité.

Que les instances réglementaires fédérales élaborent des lignes directrices nationales harmonisées pour orienter les politiques de santé. L’Association canadienne d’hémoglobinopathie (CanHaem) en a élaboré une, mais elle n’est pas suffisamment diffusée.

Que le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces, veille à assurer un accès équitable au dépistage néonatal universel de la maladie falciforme partout au Canada.

Que les associations et les organismes communautaires développent des initiatives d’éducation populationnelle pour réduire la stigmatisation des personnes atteintes.

Que le gouvernement fédéral, avec les provinces, par le truchement de la Société canadienne du sang et d’Héma-Québec, veille à assurer une réserve diversifiée dans l’ensemble des banques de sang au Canada.

Que le gouvernement fédéral explore la faisabilité d’un crédit d’impôt pour les personnes atteintes de la maladie falciforme et pour leurs aidants naturels.

Que le gouvernement fédéral examine la possibilité d’inclure des critères spécifiques permettant à la maladie falciforme d’être admissible aux prestations d’invalidité existantes.

Enfin, que le gouvernement fédéral étudie l’intégration des traitements essentiels aux soins de la maladie falciforme dans les régimes publics d’assurance médicaments.

Lors de mon passage au Sénat, je me suis dédiée à l’éducation populationnelle à la maladie falciforme dans plusieurs évènements, dont le petit-déjeuner annuel du 19 juin. Plusieurs d’entre vous connaissent la Journée nationale de la sensibilisation à la drépanocytose.

Honorables collègues, mon souhait le plus cher est que la maladie falciforme soit connue de tous et qu’elle fasse l’objet d’une meilleure prise en charge à tous les niveaux d’intervention : prévention, diagnostic, traitement, incluant les transfusions sanguines et l’accompagnement.

Je suis disponible pour répondre à vos questions.

Merci beaucoup.

[Traduction]

La présidente : Merci, ancienne sénatrice Mégie. Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Pour ce groupe de témoins, les sénateurs disposeront de quatre minutes chacun pour poser leurs questions, ce qui comprend les réponses.

La sénatrice Osler : Merci à vous deux d’être ici. Madame Mégie, c’est particulièrement agréable de vous revoir.

J’ai deux questions concernant la portée et le délai. Ma première question porte sur le fait que le projet de loi prévoit que le ministre fédéral de la Santé doit élaborer un cadre national sur la maladie falciforme qui fixe des normes nationales pour le diagnostic et le traitement de la maladie falciforme. Le projet de loi vise-t-il à ce que le ministère fédéral de la Santé fixe des normes pour le diagnostic et le traitement des maladies et, le cas échéant, qui évaluera si les normes sont respectées ou non?

Pour ce qui est de la seconde question, le délai pour présenter le cadre national est d’un an. C’est un cadre fantastique, mais très complexe qui comporte de nombreux volets, notamment des mesures d’éducation et de formation, des normes, un registre national, un dépistage néonatal, une analyse du régime d’assurance-médicaments et une analyse des crédits d’impôt. Un délai d’un an est-il réaliste?

[Français]

Dre Mégie : Merci pour la question, sénatrice Osler.

Pour la première question, qui s’assurera que ces mesures soient prises? Vous savez que ce n’est pas le gouvernement qui va élaborer tout ce qui a trait à la formation. Il y a des instances réglementaires, comme le CanHaem, qui avaient commencé à le faire et qui ont fait un bon document. Cependant, lorsque j’en ai parlé à mes collègues médecins, personne n’était au courant de celui-ci. Il est important de travailler du côté des instances professionnelles qui y travaillent. Le gouvernement n’est pas directement impliqué. Toutefois, il doit savoir que cela entrera dans le cadre.

Ensuite, vous dites que c’est complexe? Est-ce qu’on sera capable en un an, c’est bien cela?

[Traduction]

La sénatrice Osler : C’est un délai très ambitieux pour présenter le cadre avec tous les éléments qu’il comporte. Pouvez-vous vous prononcer sur ce délai ambitieux de 12 mois?

[Français]

Dre Mégie : Merci de dire que c’est ambitieux. C’est une tâche partagée. Une partie concernera les instances comme l’Association médicale canadienne et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Tout ce monde sera interpellé.

D’un autre côté, tout ce qui est en lien avec la population, les associations d’anémie falciforme du Canada et du Québec auront la responsabilité de le faire. Elles ont déjà commencé à le faire. Elles ont des documents sur Internet par rapport à ce qu’on dit aux professeurs quand les enfants sont discriminés à l’école et comment s’organiser. Il y a beaucoup de choses qui sont déjà faites, mais qu’il faut regrouper.

Il y a plusieurs partenaires là-dedans. Quand on arrive au registre, il y a des spécialistes qui sont là. Il y a un groupe qui a des responsabilités, mais ce sont des responsabilités partagées entre plusieurs partenaires. C’est ce que j’ai dit dans ma présentation. On ne peut pas le séparer, mais comme je l’ai déjà dit, certains partenaires vont s’associer avec le gouvernement fédéral. Pour le registre, par exemple, il y aura le gouvernement fédéral comme leader, mais on aura besoin que tous les provinces et territoires s’adressent à leurs comités d’éthique et à leurs groupes pour faire cela.

[Traduction]

La sénatrice Hay : Je suis ravie de vous revoir. Nous n’avons travaillé ensemble que brièvement, quelques minutes seulement, lorsque je vous ai vue dans la Chambre rouge.

J’ai deux questions. Elles sont peut-être liées. Premièrement, avez-vous reçu — ou prévoyez-vous recevoir — des objections, ce qui pourrait en fait constituer de la discrimination systémique, concernant les crédits fiscaux proposés ou l’inclusion dans les prestations d’invalidité? Le cas échéant, comment suggérez-vous que nous y répondions?

Deuxièmement, comment pouvons-nous nous assurer que le projet de loi S-201 remédie à la sous-représentation de la maladie falciforme dans la politique canadienne en matière de santé, ce qui pourrait également constituer de la discrimination systémique, et comment pouvons-nous intégrer la reddition de comptes dans la politique pour garantir qu’il n’y ait pas de discrimination?

[Français]

Dre Mégie : Merci pour la question.

Cela fait plusieurs années que je travaille avec des associations de l’anémie falciforme. Je n’ai jamais entendu de contestation. Au contraire : tout le monde s’attend à voir quelque chose. Ils rêvent du jour où cela deviendra loi. À moins que vous n’ayez entendu parler de contestations quelque part. Jusqu’ici je n’ai pas entendu de contestation. Au contraire, tout le monde est derrière le projet de loi.

Pourriez-vous répéter votre deuxième question?

[Traduction]

La sénatrice Hay : En raison de la sous-représentation de la maladie falciforme dans la politique en matière de santé, je m’inquiète qu’elle soit approuvée, adoptée, légiférée, puis mise de côté. Comment pouvons-nous intégrer la reddition de comptes dans la politique afin que la maladie ne soit pas sous-représentée?

[Français]

Dre Mégie : Ils sont déjà négligés. La maladie falciforme est déjà négligée. C’est une des raisons qui m’ont motivée à aller de l’avant avec ce projet de loi.

Tous les chercheurs et spécialistes me disent que dès qu’on fait une soumission pour de la recherche, ils ne les regardent même pas. Il n’y a pas de données ou de registre. On ne connaît pas le nombre de personnes atteintes au Canada. Le chiffre de 6 000 est une estimation. Il n’y a pas encore de preuve de cela. Cela prend un registre. C’est pour cette raison que le projet de loi le demande. Cela prend un registre de données. Sinon, on n’acceptera jamais les demandes de fonds pour de la recherche.

La sénatrice Hay : Merci.

[Traduction]

La sénatrice McPhedran : Je souhaite chaleureusement la bienvenue à Mme Mégie, et je suis ravie que le sénateur Ince soit des nôtres également.

Je veux essayer de mieux comprendre comment vous pensez que ce cadre influencera les traitements. Il semble que l’un des principaux obstacles soit certains groupes sanguins rares. Pensez-vous que ce cadre permettra d’améliorer l’accès aux groupes sanguins rares?

[Français]

Dre Mégie : Cela créerait une différence pour quoi?

[Traduction]

La sénatrice McPhedran : Envisagez-vous ce cadre comme un moyen d’améliorer l’accès des patients aux groupes sanguins rares?

[Français]

Dre Mégie : La différence est déjà là. C’est ce que le cadre veut implanter : demander à la Société canadienne du sang et Héma-Québec de s’assurer d’avoir le maximum de donneurs de sang possible venant de toutes les contrées ou de toutes les origines ethniques qui ont cette maladie. Comme vous le savez, à part les groupes normaux qui sont A, B et O et que tout le monde connaît, il y a aussi des antigènes multiples qui peuvent être dus aux différentes ethnies. Ils sont déjà mis de côté. Si la population est sensibilisée et informée, les gens sauront qu’ils doivent donner du sang pour qu’il y ait le maximum de sang possible. Ce sera une responsabilité partagée de grandes institutions, comme la Société canadienne du sang et Héma-Québec.

[Traduction]

La sénatrice McPhedran : Reconnaissant cette responsabilité, estimez-vous que ce cadre encouragera ou amènera ces agences à trouver davantage de groupes sanguins rares?

[Français]

Dre Mégie : C’est ce que l’on souhaite : réussir à les pousser pour obtenir ce que le cadre demande.

[Traduction]

La sénatrice Burey : Honorable madame Mégie et sénateur Ince, merci. C’est un plaisir de vous voir ici et d’être saisi du projet de loi à notre comité.

Madame Mégie, j’ai quelques questions concernant les répercussions psychologiques et financières de la maladie falciforme sur les familles et les patients, ainsi que sur la nécessité d’avoir un approvisionnement en sang suffisamment diversifié pour répondre aux besoins de la population canadienne dans toute sa diversité.

Dans le cadre, j’ai remarqué que vous proposez que le ministre de la Santé s’assure que la maladie falciforme soit incluse parmi les critères d’admissibilité pour les prestations d’invalidité. Je salue cette initiative. Durant ma carrière de pédiatre, j’ai dû remplir de nombreux formulaires pour d’autres maladies, mais, bien honnêtement, jamais pour un patient atteint de la maladie falciforme, car ces demandes sont souvent rejetées d’emblée. Pouvez-vous imaginer pareille situation, surtout qu’il s’agit d’une maladie chronique qui met la vie en danger et qui a des répercussions sur la qualité de vie semblables à celles du cancer — et que, comme pour le diabète, il n’existe pas de paiement fiscal pour les maladies chroniques?

À votre avis, quelles seraient les répercussions financières et psychosociales d’avoir des crédits fiscaux et financiers disponibles aux personnes atteintes de la maladie falciforme?

[Français]

Dre Mégie : Merci pour l’excellente question. Ils ne sont admissibles à rien.

Comme vous le savez, il y a de jeunes adultes atteints de la maladie falciforme et qui font l’effort de travailler ou d’aller à l’école. Ils n’ont malheureusement aucun support financier. Ils peuvent s’absenter deux ou trois mois, parce que la maladie leur impose, mais ils n’auront aucun revenu. C’est ce qu’on demande de regarder. C’est ce que j’ai constaté en regardant les critères normaux des formulaires remplis : ils ne répondent pas aux critères. C’est pour cette raison que nous demandons d’essayer de trouver des critères spécifiques à eux, tout comme l’accommodement pour le diabète de type 1. Depuis 2020, ils ont introduit des critères pour que les personnes ayant le diabète de type 2 puissent bénéficier de ces subventions. C’est ce que nous demandons aussi : des critères relatifs à l’anémie falciforme. On peut en trouver compte tenu de l’invalidité que cela crée. C’est ce qu’on demande.

La sénatrice Burey : Merci. J’aurais une autre question.

[Traduction]

Durant le petit-déjeuner consacré à la maladie falciforme en juin 2025 — qui a été tout simplement formidable —, nous avons appris que les réserves de sang de donneurs d’origine africaine et caribéenne sont extrêmement faibles au Canada. D’après plusieurs chercheurs, cette pénurie est en grande partie attribuable à la politique nationale qui empêche les personnes qui ont déjà contracté le paludisme ou se sont rendues dans des régions infestées par cette maladie de donner du sang. Aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni, les personnes qui ont contracté le paludisme font l’objet d’une exclusion temporaire de trois jours.

Au Canada, une restriction stricte relative au don de sang s’applique. Cela signifie que ces personnes ne peuvent jamais donner leur sang. Les personnes qui ont voyagé dans des régions touchées sont soumises à une restriction, et si elles ont contracté le paludisme, elles sont assujetties à une restriction permanente.

À votre avis, pourquoi est-ce le cas au Canada? Pourquoi ne sommes-nous pas au même point que la France, le Royaume-Uni et les pays de l’OCDE? Pourquoi en est-il ainsi au Canada?

[Français]

Dre Mégie : Je ne sais vraiment pas pourquoi. Nous aurons avec nous des représentants du gouvernement. Il faudra leur demander sur quels critères ils se basent pour ne pas suivre les courants des États-Unis et du Royaume-Uni, parce qu’ils auraient pu le faire.

Malheureusement, comme vous le comprenez, c’est la population africaine qui retourne dans son pays en vacances, et ce sont eux qui ne sont pas admis, alors qu’on aurait tant besoin de leur sang. Peut-être qu’un membre du gouvernement pourrait y répondre une prochaine fois.

La sénatrice Petitclerc : C’est un plaisir de vous revoir, sénatrice Mégie. C’est trop inconfortable.

Merci de prendre le relais, sénateur Ince.

Je veux creuser un peu plus sur ces critères d’admissibilité. Cela m’intéresse beaucoup. On a touché, avec la sénatrice Burey, aux critères d’admissibilité pour les prestations d’invalidité existante. J’aimerais que l’on cible cette section qui dit qu’on aimerait que ce cadre comprenne une analyse pour peut-être penser à l’instauration d’un crédit d’impôt spécifique pour les personnes atteintes de la maladie falciforme et pour les aidants naturels. Cela veut-il dire que selon ce que vous avez trouvé comme information, le crédit d’impôt pour personnes handicapées qui existe présentement n’est pas inclusif? Les critères ne fonctionnent-ils pas? Est-ce parce qu’il y a des délais? Pourquoi pense-t-on qu’il serait important que cela fasse partie de ce cadre?

Dre Mégie : C’est important, parce que non seulement les aidants ont-ils besoin d’un support financier, mais le jeune a aussi besoin d’un revenu. Cela ne fonctionne pas dans la vie de tous les jours.

J’ai essayé de trouver pour vous le rapport du Comité des affaires sociales de 2018 intitulé Éliminer les obstacles. Il a fait une analyse critique du Crédit d’impôt pour personnes handicapées et du Régime enregistré d’épargne-invalidité. Ce rapport trouvait que ces critères étaient trop stricts pour qu’une personne atteinte de la maladie falciforme ne soit admissible.

Il y a toutefois une nuance. Ils disent « maladie grave » et « incapacité qui dure longtemps ». Le problème avec la maladie falciforme est que l’incapacité peut durer longtemps, mais elle évolue en montagnes russes. Cela peut passer par une longue période d’incapacité, d’invalidité et d’hospitalisations multiples. Par la suite, en recevant de bons traitements, dont les transfusions sanguines et le changement de globules rouges, ils reprennent le travail et l’école. Six mois plus tard, ils retombent. Quand ils remplissent les documents d’invalidité, il faut savoir que la personne ne sera jamais remise sur pied complètement. C’est pourquoi il pourrait y avoir des experts qui étudient ce phénomène et qui pourraient inclure un critère spécifique à cela, sans besoin de changer tout le formulaire. On devrait inclure un critère pour faciliter la tâche aux médecins qui remplissent les formulaires pour demander des subventions.

La sénatrice Petitclerc : Si je comprends bien, on inclut des critères qui respectent une certaine forme de rémission et des changements?

Dre Mégie : C’est cela. Ils ont fait cela pour le diabète de type 1. Ils ont entré des critères qui vont avec certains aspects de l’évolution de la maladie. Ils pourraient donc le faire ici aussi. Ils l’ont fait en 2020. C’est donc une chose récente.

La sénatrice Petitclerc : Merci. Cela m’aide beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Bon retour, sénatrice Mégie, et merci à vous deux d’être ici. Bon nombre des questions que j’avais ont été posées et ont reçu une réponse, si bien que je vais aller dans une autre direction que celle que j’avais prévue au départ.

Pour ma première question, je voulais revenir à la question de l’accès aux donneurs de sang. La sénatrice Burey a souligné certains des obstacles, mais je me demande s’il y a des obstacles internes au sein de la communauté noire au Canada. Y a-t-il des obstacles au sein de la communauté et, le cas échéant, quels sont-ils et comment le cadre peut-il les éliminer?

Ma seconde question est la suivante : certaines personnes affirment que les lois-cadres n’ont pas une grande incidence. En quoi celle-ci serait-elle différente? Quelle incidence aurait-elle sur la communauté que vous avez cernée?

[Français]

Dre Mégie : Merci pour votre question.

Premièrement, pour les dons de sang, il y a des obstacles dans certaines communautés, surtout générationnels. Ceux qui sont plus âgés, et même ceux de ma génération, ont vécu l’idée que le sida était transmis par certaines communautés noires. Ils ont transmis ce préjugé à leurs enfants. Ils se disent maintenant : « Je ne vais jamais donner de sang, car on dit que parce que je suis Noir, je vais transmettre le sida. » Les enfants ont emmagasiné peut-être ce même traumatisme, car ils sont nés ici. Ils continuent de se dire : « Je ne vais pas donner de sang. » Il faut de l’éducation et de la sensibilisation. On ne s’en sort pas. Il le faut pour essayer de dissiper ces malentendus.

Pour d’autres, ce sont pour des raisons religieuses qu’ils ne veulent pas toucher à leur sang. C’est un autre obstacle. C’est toujours l’éducation et la sensibilisation.

Y a-t-il des répercussions parce que le cadre est trop complexe? Peut-être que j’ai trop travaillé là-dessus pour voir qu’il est complexe. Je ne le trouve pas complexe, car chaque groupe a son rôle à jouer. Nous sommes en train de parler à chaque instance qui donne de la formation aux gens, aux infirmières, aux médecins et autres, pour qu’ils fassent cette partie du travail qui est d’émettre des normes nationales pour que tous les professionnels les respectent.

Les associations travaillent sur la portion éducation de la population. Ce sont les spécialistes qui s’occupent du registre. Chacun a commencé à semer sa petite graine et commence à y travailler. Il suffit à un certain moment qu’on les ramasse, surtout lorsqu’il s’agit de données provinciales pour les rendre nationales. C’est peut-être là où il y aura des difficultés. Tous ces défis, on doit les vaincre et travailler dessus. Ce sera de longue haleine, mais on doit l’avoir.

Est-ce que cela a répondu à votre question?

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Merci.

La sénatrice Muggli : Honorable Marie-Françoise Mégie, nous sommes ravis de vous revoir.

Ma question porte sur les normes nationales et le registre. Y a-t-il une autre maladie qui fait l’objet d’un registre et de normes nationales au Canada et que vous considérez comme un exemple de pratique exemplaire? De plus, il y a peut-être un pays qui s’y prend le mieux dans ce domaine. Si oui, lequel?

[Français]

Dre Mégie : Nous avons des modèles d’autres pays. Ici à Ottawa, un registre est en train de prendre forme avec la Dre Pakhale que vous allez recevoir demain. Elle va vous donner tous les détails. Le registre est naissant. Elle essaie justement de faire des contacts avec d’autres experts, comme elle, dans les autres provinces pour pouvoir s’ajuster. Sinon, on ne pourra pas aller de l’avant. La recherche n’ira pas loin, et on veut que la recherche se fasse.

[Traduction]

La sénatrice Muggli : Y a-t-il une autre maladie pour laquelle un registre a été créé avec succès?

[Français]

Dre Mégie : Je n’ai pas bien compris la question.

[Traduction]

La sénatrice Muggli : Par exemple, existe-t-il un registre national pour une maladie différente, comme le diabète, qui pourrait servir de modèle?

[Français]

Dre Mégie : Oui. C’est important, car on ne doit pas réinventer la roue. On peut toutefois s’inspirer de ce qui se fait de bien et l’adapter à ce qu’on est en train de faire et à la réalité de la maladie en question. Même si on parle de plusieurs maladies génétiques du sang, elles n’ont pas toutes le même traitement. Elles ne peuvent pas entrer dans le cadre. Toutefois, on peut s’inspirer de ce qui a déjà été fait. Plusieurs choses vont se faire par le secteur privé et les associations. Cependant, on veut également le support du gouvernement pour la recherche.

[Traduction]

La sénatrice Muggli : Avez-vous un exemple?

[Français]

Dre Mégie : Par exemple, Fibrose kystique Canada a beaucoup travaillé pour développer un registre qui contient 40 ans de données. Nous leur avons parlé. Un des représentants nous a dit qu’il est prêt à nous rencontrer pour nous inspirer aussitôt que nous le voudrons.

[Traduction]

La sénatrice Muggli : Y a-t-il un autre pays sur lequel nous devrions prendre exemple?

[Français]

Dre Mégie : Oui. Nos experts d’Ottawa pourront peut-être vous le dire : on doit tenir compte de ce qui se fait en France et en Grande-Bretagne. Ils sont très en avance là-dessus en raison de la forte proportion de la population affectée par la maladie falciforme. Ces deux pays sont très en avance sur nous, entre autres en nombre et sur la tenue de registres. Ils peuvent certainement nous inspirer.

Le sénateur Surette : Bonjour. Ma question est en lien avec l’éducation, la formation et la recherche. Pouvez-vous nous parler un peu de l’incidence que cela aura sur les universités et les collèges communautaires dans la formation en médecine et d’autres domaines de la santé? Expliquez-nous comment le cadre aura un impact sur les collèges, les universités, la formation et ce qui se passe présentement dans le domaine de la recherche et de l’éducation. Qu’est-ce que ce cadre pourra faire pour améliorer cette situation?

Dre Mégie : Comme on l’a dit, dès que l’on parle d’éducation et de formation, on devra faire appel aux instances supérieures qui travaillent avec les différentes facultés, par exemple les facultés de médecine et de sciences infirmières. Nous en avons déjà rencontré plusieurs, mais d’autres sont en voie de l’être et seront sensibilisées.

Dans les ouvrages de médecine, le chapitre qui aborde la maladie falciforme n’est pas très long. Le chapitre portant sur l’ensemble des maladies génétiques du sang est long. Il ne semble pas y avoir d’intérêt non plus. Les étudiants étudient ces chapitres pour passer leurs examens, mais on souhaite qu’ils sachent quoi faire avec un patient affecté.

Dans les grands centres spécialisés, les utilisateurs sont bien entourés avec des équipes spécialisées en maladie falciforme. Cependant, quand les patients vont en région rurale ou dans une région où on n’en entend pas parler, on les considère comme ayant des parents anxieux. Aussi, une jeune qui arrive avec une multitude de piqûres causées par de nombreuses prises de sang est considérée comme une droguée, et on la met à part avant de lui prodiguer des soins, même si elle est en train de souffrir le martyre avec ses douleurs. Toutes ces stigmatisations existent. Il faut que les professionnels de la santé sachent quoi faire.

Certains ne connaissent même pas le nom de la maladie. Quelqu’un qui vient d’Afrique connaît le terme « drépanocytose ». S’il arrive à l’hôpital et nomme cette maladie, on lui demande ce qu’est cette affaire-là. C’est donc vraiment très important.

Le sénateur Surette : Le cadre porte-t-il également sur la sensibilisation, l’encadrement et l’engagement? Quel impact cela aura-t-il au niveau financier? Cela signifie-t-il un engagement du gouvernement envers les institutions et les organismes pour faire avancer ce dossier davantage?

Dre Mégie : Au niveau financier, je ne pense pas. C’est une question de formation et de dire aux spécialistes, quand ils donnent leurs formations, de ne pas l’oublier et d’en parler. Concernant les autres instances qui organisent des congrès et qui ne forment donc pas la relève à l’université, quand je les ai approchées, je leur ai dit d’inclure un atelier ou deux sur la maladie falciforme dans chacun de leur congrès. Il y a des apprenants qui sont proches des universités, mais il y a également des membres de ces associations qui apprennent par formation continue en cours de fonction. Il faut donc toucher toutes ces instances pour que ce soit connu afin qu’un jour, tout le monde soit finalement mis au courant de la maladie.

Le sénateur Surette : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Senior : Merci à ma collègue d’être ici et au sénateur Ince de prendre le relais.

Je veux revenir sur quelques questions qui ont été posées plus tôt. L’une concerne l’importance d’un cadre et de la recherche, et la manière dont cela mène à des actions. Je pense plus particulièrement, par exemple, à l’importance d’avoir les données qui nous aideront à déterminer la marche à suivre. Le cadre porte-t-il vraiment sur l’éducation, la sensibilisation et la collecte de données? La prochaine étape serait-elle la mise en œuvre? C’est ma première question.

Ma seconde question fait suite à la première, car je pense à d’autres problèmes de santé, plus particulièrement dans les communautés noires et racialisées, où des types d’éducation précis ont dû être mis en place pour engendrer des changements. Je m’interroge sur ce volet d’éducation — que ce soit dans un salon de coiffure, à l’église ou autre — et je me demande si ce cadre permet de mettre en place ce type d’éducation. Le cas échéant, qui s’en chargerait?

[Français]

Dre Mégie : Je vais répondre à votre deuxième question, puisque c’est un aspect que j’aime et dont j’ai été témoin au sein de la communauté noire de Montréal au sujet du VIH-sida. Une personne a formé un comité dont les membres allaient dans les salons de coiffure et aux endroits où les gens se réunissent pour y partager des confidences. Ils se font repérer. Avec la permission du responsable, ils donnent une formation.

Il y a aussi ce que les associations demandent aux parents : quand votre enfant se fait stigmatiser, allez rencontrer son professeur, et dites au professeur que lorsque les enfants de la classe disent que votre enfant ne vient jamais, de leur expliquer que votre enfant a été hospitalisé à trois ou quatre reprises. Il faut faire l’enseignement non seulement en offrant des données puisées de la littérature, de pamphlets et d’Internet, mais aussi qui proviennent du terrain. C’est valide ce que vous avez dit. Je trouve cela très intéressant. Cela pourrait aussi se faire.

Vous avez aussi demandé comment la recherche peut donner lieu à des collectes de données. La Dre Pakhale a commencé à la mitaine dans sa petite clinique de l’hôpital d’Ottawa avant même qu’elle ne soit ouverte à la grande recherche. Ce sont les patients qui sont venus à sa clinique. Elle les enregistrait un à un quand elle a voulu commencer le registre en Ontario. Maintenant, cela a pris de l’ampleur avec les contacts qu’elle a eus et le centre de recherche qui s’est agrandi. Il est possible de commencer ainsi dans une autre province. Il suffit d’un spécialiste. Tant qu’il n’y aura pas une bonne collecte de données, l’argent ne sera pas déboursé. L’argent ne viendra pas du gouvernement, mais plutôt de l’entreprise privée, de ceux qui travaillent sur la recherche et sur les médicaments innovants. Toutefois, si on n’a pas de recherche qui se fait là-dessus, ce seront des efforts perdus.

C’est pourquoi il faut profiter de ce momentum pour travailler fort là-dessus. Surtout que le momentum dont je vous parle, c’est le fait que de nouveaux médicaments et de la thérapie génique vont sortir. Les compagnies qui travaillent là-dessus aimeraient aussi avoir le support du projet de loi pour aller de l’avant.

[Traduction]

La sénatrice Greenwood : Je suis heureuse de vous voir, docteure Mégie.

Je vais poursuivre dans la foulée de ce qu’ont mentionné certains sénateurs. La plupart des questions que je voulais poser ont été abordées. C’est très bien. Mon intervention sera brève.

Je me demandais si le cadre national pouvait inclure une stratégie de transfert des connaissances. Je le mentionne parce qu’il faut parfois expliquer au public en quoi consiste la drépanocytose. Il arrive que les familles concernées ne connaissent pas la maladie. Nous avons beaucoup parlé des soignants et de leur formation, mais qu’en est-il des personnes atteintes et de leur entourage? Ces choses ne sont pas toujours connues.

Comment sensibiliser le public, tout d’abord, à l’existence de cette maladie, et ensuite, à la grande importance de la traiter — grâce au concours des aidants naturels, des familles et de la communauté?

La sensibilisation peut se faire de différentes façons. Ce terme, « sensibilisation », qui est employé ne s’applique pas seulement aux soignants professionnels du système de santé, mais aussi aux communautés et aux familles. Une fois la maladie bien comprise, son importance et la nécessité de la traiter ne sont plus remises en question.

Je suis entièrement d’accord avec tous les éléments proposés. Je me suis penchée sur bon nombre de questions similaires dans le passé, notamment sur l’élaboration de normes nationales et sur d’autres bonnes choses du même genre. J’estime par ailleurs que le cadre national pourrait inclure une stratégie de transfert de connaissances qui ne se réduirait pas à une formation destinée expressément aux personnes soignantes — je me demandais si vous y aviez pensé. Puisque vous tenez compte de la communauté dans son ensemble, j’ajoute cet élément à votre réflexion.

[Français]

Dre Mégie : Nous avons d’abord pensé aux professionnels de la santé, justement à cause du danger. Quand les gens se présentent en salle d’urgence, des enfants sont décédés, parce que le professionnel en question ne savait pas quoi faire. Il est important de travailler là-dessus. Cependant, les familles font un travail extraordinaire. On qualifie certains groupes de « guerrières » ou de « guerriers », car chaque fois qu’ils rencontrent quelqu’un, ils en parlent. Malgré tout ce qu’on fait, il faut croire que certains parents croient que le sujet est tabou et disent : « Je ne dirai pas que j’ai la maladie falciforme, à cause de mes enfants », mais les enfants l’ont déjà. Comprenez-vous?

D’autres familles les assistent, les supportent et forment des groupes de rencontre et des groupes de support. Ce sont les familles qui ont conçu les documents à donner aux professeurs. Dès qu’on saisit sickle cell disease ou « maladie falciforme » dans un moteur de recherche, vous verrez toutes les données. Il y a même des jeunes qui expliquent leur maladie au grand public à l’aide de balados ou de vidéos sur Internet. Ces cibles méritent qu’on travaille là-dessus et qu’on continue de les faire progresser.

[Traduction]

La présidente : Trois sénatrices souhaiteraient poser des questions. Vous avez deux minutes chacune. Si vos questions sont longues, il faudra peut-être demander aux témoins de fournir une réponse par écrit.

La sénatrice Bernard : Je vais seulement répéter l’autre question que j’avais posée.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, d’aucuns soutiendraient que les projets de loi-cadre ne sont pas très efficaces, et ce, pour diverses raisons. Voici ma question : pourquoi pensez-vous que ce projet de loi en particulier serait efficace? Que comporte-t-il de différent?

[Français]

Dre Mégie : Je pense qu’il sera différent, étant donné qu’une seule personne ou institution n’est responsable de tout. Si une institution ou personne était responsable des neuf points, je ne l’écrirais même pas, parce que je trouverais cela inconcevable. Étant donné que chaque groupe a sa partie à réaliser, cela devrait fonctionner.

[Traduction]

La sénatrice Burey : Une question sur la reddition de comptes a été posée plus tôt par la sénatrice Hay. Pourrait-on insérer la notion de reddition de comptes dans ce cadre dont les composantes sont assorties de responsabilités relevant de plusieurs personnes différentes?

[Français]

Dre Mégie : Il va falloir qu’on s’organise pour cela. On a déjà demandé qu’après un an, le gouvernement présente un rapport sur ce qui a été fait. Au bout de cinq ans, on dira : voilà ce qui a été fait, ce qui n’a pas été fait, et voici les raisons. On espère que cela fonctionnera pour la stratégie.

[Traduction]

La présidente : Ma question est très simple. Elle traite de la tendance de plus en plus marquée de regrouper les enfants atteints d’une maladie rare dans des centres qui comptent un niveau élevé d’expertise sur les cas en question. Voilà une tendance.

Une autre tendance est liée au fait que la prestation de soins relève des provinces. Dans cette optique, comment le cadre contribuera-t-il à régler le problème dont vous parlez, qui se trouve au premier point de contact, sur le terrain? Comment les patients seront-ils pris en charge? Comment allez-vous contrer la baisse du niveau de soins dans ces zones de première ligne? Ce sont les provinces qui décident qui fait quoi et à quel endroit.

Comment le cadre contribuera-t-il à trouver des solutions?

[Français]

Dre Mégie : Normalement, pour des raisons financières, lorsque des maladies rares, des maladies graves ou même des situations de grandes chirurgies nécessitent beaucoup d’argent, on ne le fait pas dans tous les hôpitaux. On désigne plutôt des hôpitaux et des centres pour offrir ces soins. Cependant, si tous les professionnels connaissent la problématique, ils peuvent référer au centre qui se trouve dans leur province. Même si ce n’est pas ce professionnel qui donnera les soins, il peut savoir quoi faire en première urgence pour ensuite référer le patient au centre spécialisé qui prendra en charge le patient. Bien entendu, on ne pourra pas avoir plein de centres pour la maladie falciforme.

[Traduction]

La sénatrice Senior : Vous avez dit que tout le monde appuyait ce cadre, mais ce soutien inclut-il les gouvernements et les pharmaceutiques? Qui sont les personnes qui sont en faveur hormis les membres de la communauté qui en ont vraiment besoin? Qui sont les personnes dotées de pouvoirs décisionnels qui le soutiennent?

[Français]

Dre Mégie : Pour le moment, nous avons la population qui est derrière les associations québécoises et canadiennes. On ne peut toutefois pas dire que le gouvernement l’appuie. On attend que le gouvernement l’ait entre ses mains pour qu’il l’appuie, en bout de ligne, au Sénat d’abord, puis à la Chambre des communes. C’est là qu’on va savoir quand et comment il l’appuie. Pour le moment, c’est la population qui en a besoin. Ce sont les familles aux prises avec la maladie, leurs enfants et leur entourage, même s’ils ne sont pas atteints, qui voient et assistent à la détresse de ces gens. Eux sont vraiment en faveur.

[Traduction]

La sénatrice Hay : Lorsque je regarde ce cadre comportant neuf actions, je le vois comme une stratégie globale, dont certaines actions nécessiteront plusieurs sous-stratégies qui pourraient en soutenir d’autres.

Laissez-moi m’expliquer. Je pense que les mesures visant à soutenir la sensibilisation du public dont vous parlez nécessiteront un plan de communication exhaustif assorti d’une stratégie de sensibilisation. Il faudra aussi du financement et un mécanisme de reddition de comptes pour déterminer s’il y a une hausse de la sensibilisation ou non. Ces mesures vont se rattacher au réseau de recherche et au registre nationaux ainsi qu’aux normes nationales, parce qu’à l’autre bout, une certaine confiance doit régner au point de contact. Il faudra donc de la promotion.

Avez-vous réfléchi à la manière d’intégrer la confiance au cadre? Je le demande parce que la collecte de données, les exigences et la confiance ne sont pas naturellement associées aux organismes gouvernementaux et aux cadres sanctionnés par le gouvernement.

[Français]

Dre Mégie : Je n’ai pas vraiment compris. Toutefois, je peux vous dire que c’est comme une roue qui tourne. Si on n’a pas de données, on n’avance pas pour la recherche. C’est avec la recherche qu’on peut avoir plus d’informations pour savoir quoi faire. Justement, la stratégie de communication sera importante. Dans le registre, on a besoin non seulement de la maladie, mais aussi de son contexte, etc., parce que le registre doit être très étoffé. Cela fait une ouverture, mais qui peut devenir vicieuse s’il y a un maillon qui coupe, et qu’on n’a pas tous les éléments à apporter à un organisme subventionnaire pour la recherche. L’un dépend de l’autre. La stratégie de communication est très importante. Tous nos collègues qui viendront témoigner auront cela comme point de mire pour être capable d’avancer avec le cadre. C’est une très bonne suggestion.

[Traduction]

La sénatrice Hay : J’aurais une petite question de suivi sur la stigmatisation et la confiance. Il faut mettre sur pied une stratégie pour vaincre la stigmatisation et renforcer la confiance de manière à inciter les personnes à parler de la maladie falciforme, comme vous le disiez. Certains parents ne reconnaissent même pas que leur enfant est atteint. Mes commentaires ont pris beaucoup de temps, mais en résumé, j’appuie votre projet de loi.

[Français]

Dre Mégie : La stigmatisation, c’est que les professionnels de la santé ne sont pas au courant de la maladie. Tu viens avec plein de trous, plein de piqûres? Tu es une droguée. Tu viens trop souvent? Tu ne vas pas assez à l’école? Tu es paresseuse. C’est de cela qu’ils souffrent. Je pense que s’ils sont bien informés, ils sauront que ce ne sont pas des piqûres de drogue, mais des piqûres qui viennent de différentes transfusions sanguines.

[Traduction]

La présidente : Nous en sommes à la fin de la période de questions du premier groupe de témoins. Je tiens à remercier le sénateur Ince et l’ancienne sénatrice Mégie de leur témoignage.

J’aimerais à présent accueillir le prochain groupe de témoins, qui se joignent à nous en personne. De Santé Canada, nous avons M. Daniel MacDonald, directeur général, Bureau des stratégies de gestion des produits pharmaceutiques, Direction générale des politiques de santé, et M. Co Pham, directeur exécutif, Centre des vaccins, des essais cliniques et de la biostatistique, Direction générale des produits de santé et des aliments.

Merci de venir comparaître devant le comité. Nous allons commencer par la déclaration liminaire de M. MacDonald. Vous aurez chacun cinq minutes pour vos déclarations liminaires, qui seront suivies par la période de questions.

[Français]

Daniel MacDonald, directeur général, Bureau des stratégies de gestion des produits pharmaceutiques, Direction générale des politiques de santé, Santé Canada : Merci beaucoup.

Nous sommes ici aujourd’hui pour appuyer votre étude de ce projet de loi en présentant des renseignements concernant les mesures que le gouvernement du Canada met en œuvre à l’heure actuelle dans le domaine de la maladie falciforme et les maladies rares en général.

Je vais vous parler des activités menées dans les domaines des politiques de santé, des règlements en matière de santé et de la recherche en santé.

Du point de vue des politiques de santé, la maladie falciforme est désignée, selon différentes définitions, comme une maladie rare. On estime que des milliers d’autres maladies sont également désignées comme des maladies rares touchant collectivement environ une personne sur douze à l’échelle du Canada.

Tenant compte de cette étendue, le gouvernement s’attaque à plusieurs défis communs à toutes les maladies rares dans le cadre d’une seule stratégie appelée Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares lancée en 2023.

Voici quelques exemples de ces défis :

[Traduction]

Il y a l’absence de diagnostic précis et en temps opportun, connu sous le nom d’« odyssée diagnostique », l’absence d’options de traitement et l’accès différé ou limité aux nouvelles thérapies et aux essais cliniques, le cas échéant, de même que des difficultés liées aux approches types d’évaluation des médicaments, compte tenu de la taille réduite des populations de patients et l’incertitude quant aux effets du traitement.

Par définition, aucune mesure particulière de la stratégie n’est précisément adaptée à la maladie falciforme, mais plusieurs mesures peuvent avoir des répercussions directes pour les patients et la communauté touchée par la maladie.

Par exemple, la stratégie soutient l’élaboration de conseils d’experts concernant les types de maladies pouvant faire l’objet de tests et de dépistage chez les nouveau-nés à l’échelle du Canada; la création de normes liées aux registres et de financement ciblé appuyant les registres dans le renforcement de leurs capacités pour améliorer la disponibilité des données et des données probantes essentielles; la conclusion d’ententes avec toutes les provinces et territoires pour appuyer l’amélioration de la protection offerte par les régimes publics de médicaments et le remboursement des médicaments contre les maladies rares.

D’un point de vue réglementaire, Santé Canada examine les médicaments présentés par les fabricants aux fins d’autorisation de vente au Canada. À ce jour, le seul traitement propre à la maladie falciforme ayant été approuvé au Canada est le médicament Casgevy. Cela s’est produit en 2024. À l’heure actuelle, l’Alliance pancanadienne pharmaceutique mène des négociations concernant la protection offerte par les régimes publics.

Au Canada, d’autres traitements existent pour aider les patients à gérer leurs symptômes, notamment les transfusions de globules rouges et des médicaments utilisés à des fins non indiquées sur l’étiquette. Par exemple, l’hydroxyurée a obtenu une autorisation de mise en marché au Canada pour la prise en charge de certains diagnostics de cancer. Toutefois, comme le médicament n’est pas autorisé pour la prise en charge de la maladie falciforme, il est utilisé à des fins non indiquées sur l’étiquette.

Nous reconnaissons également que plusieurs nouveaux médicaments pouvant traiter la maladie falciforme en sont à différents stades de recherche et de développement, même si aucun de ces médicaments n’a encore atteint le stade de la présentation à Santé Canada.

Du point de vue de la recherche, les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, ont investi 13,8 millions de dollars dans de nouveaux travaux de recherche sur la maladie falciforme au cours des 10 dernières années. Les travaux de recherche financés par les IRSC vont des études biomédicales aux essais cliniques, y compris de nouvelles voies de traitement. La plupart des travaux reposent sur des subventions de projets accordées aux chercheurs, qui, par l’intermédiaire d’un processus ouvert ou dirigé par les chercheurs, peuvent choisir de collaborer avec des organismes de bienfaisance, l’industrie et d’autres partenaires pour renforcer leurs demandes de financement.

Dans le cas des maladies rares, cette collaboration comprend souvent un volet canadien lié à des collaborations internationales, qui sont essentielles pour mener des études d’une envergure suffisante.

Je vais conclure en reconnaissant que, quoique la maladie falciforme soit désignée comme une maladie rare, sa prévalence n’est pas uniforme à l’échelle de la population. Nous savons que la maladie touche de manière disproportionnée les populations noires, africaines et caribéennes, et que ces populations doivent aussi surmonter des obstacles pour accéder à certains services de santé compte tenu des politiques actuelles sur les dons de sang.

Voilà pourquoi le gouvernement collabore avec la Société canadienne du sang et Héma-Québec pour réduire les obstacles aux dons, renforcer la sécurité de l’approvisionnement pour les groupes à risque et accroître le recrutement de donneurs. Merci.

La présidente : Merci, monsieur MacDonald. Pour ce groupe de témoins, les sénateurs disposeront de quatre minutes par question et réponse. Je vous demanderais de préciser si votre question s’adresse à un témoin en particulier ou aux deux témoins.

La sénatrice Osler : Merci aux deux témoins de leur présence aujourd’hui. Je crois que vous étiez tous les deux dans la salle lorsque j’ai posé ma question à la sénatrice Mégie, qui portait, je le rappelle, sur l’obligation d’établir des normes nationales fondées sur des données probantes pour le diagnostic et le traitement de la maladie falciforme. Voici la première partie de ma question : pourriez-vous m’expliquer comment Santé Canada établirait des normes au moyen du cadre et me dire qui serait chargé d’évaluer et de surveiller la conformité?

La deuxième partie de ma question porte sur le dépistage néonatal, qui relève des provinces et des territoires. Selon vous, comment le cadre pourrait-il coordonner quelque chose qui relève des provinces et des territoires?

M. MacDonald : Je vais répondre avec plaisir à la question en m’appuyant sur la mise en œuvre de la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares. À propos de la question de savoir comment Santé Canada s’y prend pour établir des normes, le ministère suit deux avenues. La première consiste à travailler directement avec les provinces et les territoires, qui possèdent les compétences en question. Le rôle de Santé Canada est de convoquer les parties prenantes et de soutenir la production de données probantes et de tout ce qui pourrait faciliter la conversation.

Nous arrivons alors au deuxième thème de la stratégie nationale, qui est le travail que nous exécutons dans le cadre de l’Agence des médicaments du Canada et de l’Institut canadien d’information sur la santé. Nous effectuons ce que nous appelons du travail fondamental. Quelles seraient les pratiques exemplaires relatives aux normes que pourraient adopter les provinces et les territoires lorsqu’ils exercent leurs compétences? L’Agence des médicaments du Canada, par exemple, a été en mesure de former un groupe de travail sur le dépistage néonatal composé d’experts ainsi que de développer et de publier des lignes directrices.

Les provinces et les territoires peuvent décider comment ils vont utiliser, s’ils décident de le faire, les lignes directrices, mais dans ce cas précis, un rapport a été publié par l’Agence des médicaments du Canada. Ce rapport recommandait des éléments à insérer dans une liste d’indicateurs de dépistage néonatal. La liste renfermait trois sous-types de maladie falciforme, mais le cadre était très vaste. Il a été rendu public.

Nous parlons ensuite aux provinces et aux territoires. C’est un élément d’information qui fait partie de la conversation et qui est prévu dans les accords signés par toutes les provinces et tous les territoires sur la mise en œuvre de la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares. Un groupe de travail est en place pour discuter du dépistage et du diagnostic et de l’utilisation de la portion du financement qui y est destiné. Les conseils donnés par l’Agence des médicaments du Canada font partie de la conversation sur l’application des normes que préconiseront les provinces et les territoires.

La sénatrice Hay : Merci de votre présence parmi nous. Je ferais une petite parenthèse en soulignant que la somme de 13 millions de dollars sur 10 ans est relativement minime pour la recherche. Avez-vous mentionné qu’il y aurait aussi des essais cliniques? Vous n’avez pas à répondre à la question. Ce montant très modeste à mon avis me porte à creuser la question de la capacité du ministère et du financement que Santé Canada détient pour appuyer le développement du cadre national sur la maladie falciforme. Comment le cadre deviendra-t-il une priorité à Santé Canada?

M. MacDonald : La question porte-t-elle sur la recherche?

La sénatrice Hay : La question porte sur le cadre national. Je faisais seulement une parenthèse pour souligner le caractère minime de la somme, qui constitue un obstacle en soi.

M. MacDonald : Je vais répondre à la question en commençant par le commentaire parce qu’un élément de la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares permet à l’IRSC de mener des recherches — qui ne portent pas exclusivement sur la maladie falciforme. L’approche générale de la stratégie est vaste et consiste à réaliser des recherches qui pourraient contribuer au traitement du plus grand nombre de maladies rares applicables. Le financement se chiffre donc à 20 millions de dollars sur 5 ans. Les travaux financés par la stratégie nationale sont les réseaux pédiatriques d’essais cliniques et de traitement par l’entremise de RareKids-CAN et établis par le Maternal Infant Child and Youth Research Network. Une somme de 2,3 millions sur 4 ans est affectée à l’augmentation des essais cliniques...

La présidente : Je suis vraiment désolée de vous interrompre. Nous avons de la difficulté à vous entendre. Pourriez-vous augmenter un peu le volume de votre microphone?

M. MacDonald : Je vais rapprocher le microphone.

La sénatrice Hay : Essentiellement, ma question est la suivante : comment le cadre national deviendra-t-il prioritaire à Santé Canada?

M. MacDonald : J’y arrive. La stratégie nationale a pour finalité la signature d’accords bilatéraux centrés sur des montants d’argent. Ces accords prévoient un certain nombre de ce qu’on appelle des dépenses admissibles, que les provinces et les territoires peuvent soutenir au moyen du financement prévu.

Dans la version actuelle du projet de loi, un grand nombre d’activités dans les domaines proposés seraient considérées comme des dépenses admissibles à condition que les provinces et les territoires choisissent d’affecter une partie de ces dépenses au domaine de la maladie falciforme.

Je ne dis pas que cela se produira. Cette vaste stratégie s’applique aux activités liées à toutes les maladies rares, mais les accords comportent un article qui englobe des choses comme les communications, les pratiques exemplaires et l’adoption de normes, de même que le travail fondamental, que j’ai décrites dans ma réponse de tout à l’heure et que nous essayons de mettre en place pour que tout cela se réalise.

Cela ne se limite pas au remboursement des médicaments énumérés dans les accords.

La sénatrice McPhedran : Merci de votre présence parmi nous. Votre expérience nous aide à faire avancer notre étude du projet de loi. J’ai une question sur l’hydroxyurée. Quelle est l’incidence et quels sont les indicateurs pour les patients et les prescripteurs de l’usage non indiqué sur l’étiquette de ce médicament? Des efforts sont-ils consentis pour régulariser l’usage de ce médicament comme traitement de la maladie falciforme?

M. Pham : Je vais commencer.

Comme vous le savez, l’hydroxyurée est la pierre angulaire de la gestion de la maladie falciforme. Cette molécule commercialisée depuis longtemps est en fait indiquée pour plusieurs usages. C’est un antimétabolite utilisé en chimiothérapie.

Le fait que ce ne soit pas indiqué officiellement au Canada, contrairement à ce qui prévaut dans d’autres pays, ne veut pas dire que les professionnels de la santé ne peuvent pas appliquer le médicament à des populations de patients qui pourraient en avoir besoin. Les professionnels peuvent aussi recourir aux données probantes sur son application publiées dans la littérature scientifique. Je pense que le premier essai déterminant qui a amené la Food and Drug Administration des États-Unis, ou USFDA, à approuver l’indication officielle de l’hydroxyurée pour le traitement de la maladie falciforme remonte aux années 1990. Cette information est aussi appliquée ici.

Vous connaissez peut-être les diverses raisons pour lesquelles il n’y a pas d’indication officielle au Canada. Un médicament qui existe depuis longtemps et dont la promotion et la commercialisation ne sont pas très coûteuses n’est peut-être pas très intéressant pour les promoteurs et les fabricants dans le contexte économique canadien. Voilà quelque chose qu’il faut considérer.

Revenons à son utilisation. Les professionnels de la santé peuvent toujours décider de l’utiliser. Dans notre système de santé, les professionnels de la santé peuvent faire appel à leur jugement professionnel et exercer leurs pouvoirs et leurs compétences pour décider d’utiliser ce médicament à des fins non indiquées sur l’étiquette. Ils l’ont fait. Par conséquent, on utilise l’hydroxyurée pour traiter la maladie falciforme au Canada.

De plus, nous savons que d’autres produits pharmaceutiques sont utilisés à des fins non indiquées au Canada, alors qu’ils peuvent, je le répète, être approuvés dans d’autres pays. Vous en connaissez probablement deux. Nous continuons d’examiner cette question afin de déterminer les options qui s’offrent à nous sur le plan de la mise en marché au Canada de médicaments dont l’usage est indiqué sur l’étiquette.

Je ne sais pas si vous allez poser cette question, mais je vais vous faire part d’une réflexion. La question des médicaments pour les maladies rares est intéressante, car nous sommes probablement à un moment déterminant où des traitements inédits pour cette maladie font leur apparition. Depuis probablement 20 ou 30 ans, nous n’avons pas vraiment eu plus que ce que vous venez de mentionner, mais M. MacDonald a souligné que Santé Canada a approuvé le médicament Casgevy, une thérapie génique. Nous connaissons une autre thérapie génique qui a également été approuvée par la USFDA. Il y en a donc deux aux États-Unis.

Nous voyons poindre à l’horizon l’arrivée d’anticorps monoclonaux; il existe donc des traitements biologiques. Des options à base de petites molécules s’ajoutent aussi à la liste.

En ma qualité de régulateur d’essais cliniques, je n’ai pas de boule de cristal, mais j’ai une certaine idée de ce qui s’en vient. Nous voyons apparaître dans les essais cliniques en phase avancée — phases 2 et 3 — des produits prometteurs, et dans les phases précoces, des agents biologiques plus innovants.

Nous sommes sur le point de voir apparaître davantage d’options thérapeutiques.

La présidente : Merci, monsieur Pham. Ma question fait suite à celle de la sénatrice McPhedran. Beaucoup d’entre nous dans cette salle ignorent que près de 80 % des médicaments utilisés en pédiatrie le sont à des fins qui ne sont pas indiquées sur l’étiquette. Cela est presque monnaie courante au Canada. Où en est le programme sur les pays de confiance, dans le cadre duquel nous nous tournons vers des pays que nous avons qualifiés de pays de confiance — comme les États-Unis ou des pays européens — pour obtenir leurs connaissances et leurs renseignements au sujet de l’usage indiqué sur l’étiquette des médicaments que nous allons adopter et utiliser, et ainsi éviter aux professionnels de la santé comme moi de devoir se tourner vers les chercheurs?

M. Pham : Monsieur MacDonald, y a-t-il une question politique que vous aimeriez aborder en premier lieu?

La présidente : Il y a des discussions à ce sujet depuis quelques années, n’est-ce pas?

M. MacDonald : La question porte sur le recours aux approbations délivrées par d’autres pays dans le cadre du processus d’approbation des médicaments. Ce processus n’est pas encore terminé; il est en cours.

Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Pham : Il y a beaucoup à faire. Votre question ouvre la voie à de nombreuses solutions, mais des améliorations sont nécessaires. En ma qualité de régulateur, je dois dire que M. MacDonald a tout à fait raison : des initiatives sont en cours pour remédier à la situation que vous décrivez. Leur objectif est de nous permettre d’appliquer les connaissances scientifiques, les décisions internationales en matière d’étiquetage et les normes de soins de façon à ce que les cliniciens puissent les utiliser au bénéfice de la population pédiatrique.

La présidente : Je vous remercie.

La sénatrice Burey : Je vous remercie d’être venu témoigner et de nous faire profiter de votre expertise et d’approfondir le sujet.

Tout d’abord, je tiens à remercier Santé Canada et le gouvernement d’avoir présenté la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares. Je pense qu’elle est essentielle, comme vous l’avez dit, monsieur MacDonald, pour jeter les bases et établir les normes sur lesquelles ce cadre — je ne peux que le supposer — s’appuiera ou s’alignera.

J’ai deux questions. La première concerne l’hydroxyurée et le fait que ce médicament soit toujours utilisé à des fins non indiquées sur l’étiquette. Je suis pédiatre, alors vous savez où je veux en venir. Le problème est que lorsque l’on explique aux parents et aux familles que ce médicament sera utilisé à des fins non indiquées sur l’étiquette, ils ont beaucoup de mal à l’accepter. Cela peut également être stigmatisant. Ils peuvent se dire qu’ils ont un problème et se demander pourquoi ils prennent ce médicament. Je suis sûre que cette question a été soulevée, mais elle est très préoccupante, en particulier dans les communautés marginalisées. Je voulais seulement revenir à cette question et souligner l’importance que nous accordons à la désignation de l’usage sur l’étiquette.

Je souhaitais également approfondir la question des fonds consacrés à la recherche évoquée par la sénatrice Hay. À titre de chercheurs, vous êtes bien au fait des recherches en cours qui se penchent sur certaines données cliniques, comme les indicateurs d’inégalité dans la recherche et le financement de diverses maladies rares. Je pense à un article sur la maladie falciforme qui vient d’être publié dans la revue The Lancet en septembre 2025. Vous connaissez déjà ces données qui portent sur le financement des maladies rares par habitant.

Ce type de recherche existe-t-il au Canada? Par exemple, a-t-on le total des fonds consacrés à la recherche sur la maladie falciforme par rapport à ceux consacrés à la fibrose kystique et à l’hémophilie? Quel est le financement par patient? Ce type de données permet d’examiner la question de plus près et d’avoir une répartition équitable des fonds de recherche. Je vais vous demander de répondre à cette question.

M. MacDonald : Je vais d’abord préciser à quoi servent les fonds destinés à la recherche accordés par l’entremise de la stratégie nationale pour ensuite — puisque votre question porte sur les fonds consacrés à la recherche fondamentale — expliquer comment cela se rapporte à la recherche sur des indicateurs et des traitements précis. Les recherches financées dans le cadre de la stratégie nationale sont davantage de nature fondamentale : on examine ce système, on essaie d’encourager l’accès aux essais cliniques pour toutes les maladies rares et mettre en place un réseau pédiatrique pour les essais cliniques. Voilà ce sur quoi on met l’accent. Les recherches visent à déterminer comment avoir recours aux données présentes dans le système de santé pour bien cerner les personnes concernées et les informations dont nous disposons à leur sujet pour ensuite les utiliser dans d’autres applications plus larges du traitement et de la recherche.

Il s’agit donc en quelque sorte d’un pas en arrière. Il s’agit de mettre en place le système et l’environnement. Je pense que vous parliez de la recherche fondamentale et de la quantité de recherche fondamentale menée sur la fibrose kystique par rapport à celle qui est menée sur une autre maladie. Je suis désolé, car, à ce sujet, je dois m’en remettre aux Instituts de recherche en santé. Leurs représentants ne pouvaient pas nous accompagner aujourd’hui, mais nous serons heureux de leur transmettre ces questions.

La sénatrice Burey : Je vous remercie.

La sénatrice Bernard : Merci à vous deux de votre présence aujourd’hui. Je ne sais pas lequel d’entre vous pourra répondre à mes questions. Je serai très brève. Je vais poser deux questions fondamentales. J’aimerais d’abord savoir quelles sont, selon vous, les mesures clés qui doivent être incluses dans ce cadre. Cette initiative est-elle réalisable dans ce délai d’un an? Est-ce réaliste? C’est ma deuxième question.

M. MacDonald : Là encore, je vais répondre à cette question en m’appuyant sur l’expérience que nous avons acquise dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale qui est en cours. Selon nous, les mesures essentielles... Dans le cadre des accords bilatéraux, les provinces et les territoires — car il s’agit d’un domaine de compétence qui leur revient — énoncent une orientation commune. Les accords bilatéraux sont donc importants, car ils assurent une cohésion.

Une autre mesure concerne ce que les fonds alloués dans le cadre de la stratégie nationale permettront d’accomplir à long terme. Les accords bilatéraux qui ont été signés comportent un volet sur la production de données concrètes et leur utilisation dans la prise de décision concernant de futurs médicaments pour traiter des maladies rares. C’est ce que nous appelons la création d’une boîte à outils pour l’évaluation et la prise de décision. Cela aura une incidence à long terme sur le système que l’on utilise au Canada pour approuver des médicaments que nous ne connaissons pas encore et qui seront destinés aux maladies rares.

Ces éléments étaient essentiels pour nous. Lorsque l’on parle de médicaments, il faut parler des soins aux patients; c’est pourquoi il existe une partie consacrée au dépistage et au diagnostic. Nous avons également reconnu que nous pouvions agir dans de nombreux domaines. Un élément clé de l’élaboration de la stratégie nationale a donc été d’établir des priorités.

Il faut veiller à ce que la stratégie nationale comporte suffisamment de mesures qui permettront de réaliser d’importants progrès dans tous les domaines qui auront été retenus. C’est pourquoi elle repose sur quatre piliers précis.

Quant à savoir si la stratégie nationale est réalisable en un an... Il faudra beaucoup de temps pour établir les partenariats, mettre en place les collaborations nécessaires et obtenir des réponses à certaines questions difficiles. Comment la production de données probantes sera-t-elle prise en compte et influencera-t-elle la prise de décision? Nous sommes d’avis que ce processus prendra plus de temps.

La sénatrice Bernard : Combien de temps cela prendra-t-il? Je pense que vous avez la réponse, mais que vous hésitez à nous la donner.

M. MacDonald : Pour ce qui est des accords, nous avons commencé par une période initiale de trois ans pour une raison précise. Nous avons également commencé avec une approche fondée expressément sur les leçons apprises. Lorsque la stratégie nationale a été lancée, nous avons presque eu l’impression d’entendre ceux qui l’attendaient nous dire de faire quelque chose. Les autorisations obtenues dans le cadre de la stratégie expirent après trois ans, à la fin des accords. Nous ferons alors le point sur ce que nous avons appris, de concert avec les provinces et les territoires. Nous avons un lien avec les parties prenantes et les patients par le biais de ce que nous appelons le groupe consultatif de mise en œuvre. Nous le consulterons relativement au déroulement de la stratégie et à ce qui, selon eux, n’a pas bien fonctionné par rapport aux objectifs que notre gouvernement voulait réaliser. Avons-nous atteint nos objectifs? Si ce n’est pas le cas, que pourrait-on améliorer? La réponse à votre question est que ce processus se fait étape par étape. Nous ne savons pas jusqu’où cela ira. Nous nous concentrons donc sur la première étape, qui consiste à tirer des leçons. Nous passerons ensuite à une autre étape.

La sénatrice Senior : Je vous remercie de votre présence. Compte tenu de la stratégie qui existe, des progrès réalisés et de l’attention portée aux maladies rares, un cadre national tel que celui qui a été élaboré est-il nécessaire pour faire progresser les traitements et permettre aux personnes atteintes de la maladie falciforme d’avoir accès à une assurance-médicaments?

M. MacDonald : Notre ministère met en œuvre la stratégie nationale. Aujourd’hui, nous voulions expliquer le plus clairement possible les objectifs de cette stratégie, la manière dont elle a été conçue pour atteindre ces objectifs, en plus de fournir des renseignements qui concernent la maladie falciforme.

Il s’agit de notre contribution à votre étude sur ce projet de loi et l’établissement d’un autre cadre. Est-il nécessaire d’ajouter autre chose? Nous nous concentrons sur la stratégie nationale et essayons de faire en sorte qu’elle puisse s’appliquer à autant de maladies rares que possible.

La sénatrice Senior : Je vais essayer d’être un peu plus précise. Je vous entends dire que vous vous concentrez sur la stratégie nationale, ce que je comprends, mais ma question porte plus précisément sur la maladie falciforme et l’accès aux médicaments essentiels à l’heure actuelle. Je crains que l’attente d’un cadre permettant de garantir cet accès ne coûte des vies. C’est là l’objet de ma question.

M. MacDonald : Je vais vous donner ma réponse quant à l’application de la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares à la maladie falciforme, plus précisément. Une fois qu’un médicament a franchi toutes les étapes du processus d’approbation des médicaments au Canada — c’est-à-dire qu’il a passé avec succès l’évaluation des technologies de la santé, ou ETS, que l’APP a mené des négociations concernant les prix, et que les provinces en sont désormais rendues à déterminer s’il doit être inscrit sur la liste des médicaments couverts par le régime public —, l’accord permet, dans le cas d’une maladie rare, d’utiliser les fonds du gouvernement du Canada pour acheter de nouveaux médicaments destinés au traitement des maladies rares. Il existe un ensemble de médicaments précis. On peut utiliser le financement pour se procurer ces médicaments ou pour améliorer l’accès aux médicaments existants.

Pour ce qui est de la maladie falciforme, lorsque nous mentionnons que le médicament Casgevy fait actuellement l’objet de négociations menées par l’Alliance pancanadienne pharmaceutique, il est important de noter qu’un moment viendra où les provinces et les territoires devront décider s’ils souhaitent l’ajouter à leur liste de médicaments couverts par le régime public. S’ils le font, ils pourraient recevoir des fonds pour ce médicament dans le cadre de la stratégie nationale.

Pour ce qui est des autres activités que nous avons prévues, tout ce travail fondamental sur les registres des maladies rares... je crois comprendre que vous entendrez le témoignage d’une personne qui tente de créer un de ces registres. Les directives publiées par l’Agence des médicaments du Canada sont là pour orienter toute personne qui souhaite le faire. Elles pourraient leur être très utiles. Je souligne simplement ces quelques liens.

M. Pham : J’ajouterai également à votre question — que je trouve d’ailleurs très importante — que Santé Canada a approuvé des produits qui peuvent être utilisés pour la prise en charge médicale des personnes atteintes de la maladie falciforme. Ainsi, même si nous avons dit que l’idéal serait d’approuver un usage à des fins indiquées sur l’étiquette, ces produits sont disponibles.

Ainsi, alors que nous attendons avec impatience l’arrivée de thérapies innovantes, je pense que le programme lui-même correspond à ce dont parle M. MacDonald. Dans les cas où nous devons prendre en charge des patients atteints de la maladie falciforme, nous disposons de certains analgésiques ou de médicaments contre la douleur. Les deux exemples soulevés plus tôt par la sénatrice McPhedran sont également des produits pharmaceutiques disponibles au Canada.

La sénatrice Petitclerc : Je vais poser une question complémentaire pour obtenir plus de précisions. Cela concerne les maladies rares. Je comprends cela. Je suppose que les ressources, les fonds et le temps sont limités lorsqu’il s’agit de maladies rares. Les maladies rares sont-elles en concurrence les unes avec les autres en matière de financement? Vous avez peut-être déjà abordé cette question, mais si elles sont en concurrence, comment peut-on établir des priorités en matière d’investissement en temps, en recherche et en traitement? Dans le contexte de ce projet de loi, un cadre permettrait-il d’une manière ou d’une autre de créer un environnement dans lequel cette maladie rare serait traitée comme une priorité ?

J’essaie de comprendre comment les choix sont faits.

M. MacDonald : Merci de la question. Je vais commencer par indiquer mon rôle à Santé Canada : je ne gère aucun régime d’assurance-médicaments.

La sénatrice Petitclerc : Oui. Je sais.

M. MacDonald : Je dois juste le préciser au nom de toutes les personnes avec qui je travaille pour qui c’est le cas, car je m’apprête presque à parler pour eux, et je veux faire attention.

Si j’ai bien compris votre question, vous voulez savoir si la maladie falciforme fait concurrence à d’autres maladies rares pour ce qui est de l’accès au financement par l’entremise de la stratégie nationale. Je vais expliquer que ce n’est pas le cas.

Compte tenu de la façon dont les accords sont structurés, les provinces et les territoires demeurent toujours responsables de leur champ de compétence et de toutes les décisions sur les médicaments couverts et remboursés pour traiter des maladies rares. Les accords sont toutefois conçus pour que ce soit — essentiellement — plus facile pour eux de le faire, car des fonds sont réservés dans le cadre d’un accord pour qu’ils puissent le faire. Ils prennent toujours leurs décisions au sens plus large de la question : « Y a-t-il des preuves de l’efficacité du médicament? » Toutes les étapes du processus d’homologation des produits pharmaceutiques au Canada sont suivies. À la fin, ce qui est difficile avec les maladies rares, c’est que bien souvent, compte tenu de leur nature ainsi que des preuves concernant l’effet espéré et prévu, il peut y avoir des questions à ce sujet. L’esprit de la stratégie nationale vise à faire en sorte qu’il soit plus facile de prendre ces décisions relatives à l’inscription et au remboursement. Des fonds sont disponibles pour aider à atténuer les risques, si je puis dire, pendant que nous recueillons des données concrètes qui montrent que les résultats sont effectivement ceux que nous avions espérés.

Dans cette dynamique, il n’y a pas de concurrence entre les maladies rares, non.

La sénatrice Petitclerc : Merci. Dites-vous que cela s’applique également à la recherche?

M. MacDonald : Pour revenir à une réponse que j’ai donnée plus tôt, nous prenons un peu de recul en ce qui a trait à l’environnement global afin de permettre la recherche, les essais cliniques et ainsi de suite pour toutes les maladies rares. C’est donc une maladie rare au sens large, un type d’approche axée sur une proportion d’un Canadien sur 12. Dans la stratégie nationale, il n’y a aucune incidence sur les principaux travaux entrepris par des chercheurs sur une maladie précise et un éventuel traitement.

La sénatrice Petitclerc : Je vois, merci.

La présidente : Je veux vous poser une question, si je peux intervenir avant que nous commencions le deuxième tour. J’ai l’impression que nous parlons de deux choses différentes. Nous parlons d’une stratégie nationale qui est en place pour faire avancer le travail sur toutes les maladies rares, une stratégie qui est non spécifique et axée sur les médicaments — leur utilisation et leur financement. Ce que nous avons devant nous, c’est un cadre qui tente de prendre une maladie rare et d’en parler dans son contexte global — l’enveloppe des soins, les conséquences sociales, le soutien financier pour les patients, les soins offerts et ainsi de suite.

Si ce cadre était adopté, de quelle façon Santé Canada aborderait-il face à la nouvelle loi? Car, sauf erreur, il n’y a aucune ressemblance avec la stratégie; c’est distinct, ou cela semble l’être.

M. MacDonald : Vous avez bien décrit les deux choses dont nous parlons essentiellement ici. L’approche de la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares était large précisément parce que nous nous attaquions au fait qu’un Canadien sur 12 souffre d’une maladie rare, mais il y en a des milliers, 7 000, 8 000 ou 10 000. J’ai vu des chiffres différents, mais il y en a des milliers. Donc, à l’aide des fonds disponibles, le gouvernement a essayé de créer un cadre qui permettrait d’en étudier autant que possible en établissant les éléments fondamentaux dont on pourrait tirer parti à très long terme pour améliorer le traitement de nombreuses maladies rares.

L’autre chose à laquelle nous faisions face, c’était une statistique que nous avions entendue à maintes reprises, c’est-à-dire que la proportion de maladies rares qui peuvent être traitées avec un médicament n’est que de 5 %. Comme vous l’avez dit, il n’y a pas que les médicaments qui sont importants pour soigner une maladie. C’était un des éléments importants pour nous. Nous avons dû concentrer nos efforts pour nous assurer d’accomplir quelque chose dans les domaines sur lesquels nous avions choisi de nous pencher. Nous avons mis l’accent sur les médicaments parce qu’ils sont très importants pour beaucoup de monde. Nous essayons vraiment de nous pencher sur le système dans le cadre duquel les médicaments sont pris en considération et des décisions sont prises.

Pour répondre à votre question, si nous avions eu cette loi qui porte très précisément sur une indication, elle aurait eu un effet important sur la façon dont Santé Canada gère ce genre d’approche globale concernant les maladies rares. Il faudrait ensuite en tenir compte; nous aurions un engagement dans la loi selon lequel il nous faudrait faire quelque chose pour une maladie parmi des milliers. Il faudrait nous assurer de le faire d’une certaine façon, mais je n’ai pas de réponse définitive quant à la façon dont cela se produirait.

La sénatrice Burey : Je vais donner suite à ces éclaircissements. Comme je l’ai dit d’entrée de jeu, je félicite Santé Canada d’avoir produit la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares. Voici ma question : y a-t-il quelque chose dans ce projet de loi qui pourrait nuire à la stratégie? Et voici ma deuxième question : a-t-on démontré la nécessité de poursuivre la stratégie sur les maladies rares? Y a-t-il la moindre chose qui pourrait lui nuire?

M. MacDonald : Lui nuire? Non. Nous sommes bien conscients à Santé Canada que la stratégie nationale fait déjà partie d’un monde plus vaste, qu’elle ne met pas l’accent sur certains aspects des soins et que nous devons travailler avec des partenaires. Des groupes sont formés pour s’attaquer à différents éléments. Nous menons donc déjà nos activités dans un écosystème plus vaste et nous en sommes conscients. Le cadre, d’après ce que j’ai vu, reconnaît explicitement que le traitement de la maladie falciforme se fait dans un contexte plus vaste. Ce n’est que pour une seule indication, pas pour essayer de tout faire. Donc, est-ce que cela nuirait à la stratégie? Non. Il faut juste s’adapter un peu.

La sénatrice Burey : Deuxièmement, est-ce que cela aiderait à démontrer la nécessité d’une stratégie pour les maladies rares? Vous venez tout juste de parler des contraintes de temps et de financement dans trois ans; vous allez ensuite réévaluer la situation. J’estime quant à moi que c’est une chose que nous devons envisager de poursuivre. Dans ce cadre, y a-t-il quelque chose qui démontrerait pourquoi il faut préserver la stratégie?

M. MacDonald : Je pense que la décision qui a initialement mené à la création de la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares procure des arguments pour la maintenir en place. J’estime que l’existence de tous les accords bilatéraux avec les provinces et les territoires ainsi que les progrès réalisés dans le travail fait avec eux — en mettant l’accent sur la prise de décisions axées sur des données concrètes et sur l’utilisation des fonds de manière à améliorer l’uniformité et l’accès à l’échelle nationale — fournissent de bons arguments à cette fin.

La sénatrice Burey : Merci.

La sénatrice Osler : Messieurs, ce qui est bien quand on intervient au deuxième tour au Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie, c’est qu’on a déjà répondu à toutes les questions qu’on avait pour ce tour : celles sur les chevauchements de la sénatrice Senior, celles sur le délai d’un an de la sénatrice Bernard et celle visant à obtenir un éclaircissement sur le recours à un cadre lorsque nous avons actuellement une stratégie sur les maladies rares. Je veux donc tout simplement vous remercier d’être ici.

La sénatrice McPhedran : J’ai une question très rapide. D’après votre expérience, les cadres comme celui-ci sont-ils utiles pour accomplir le travail qu’on vous a confié?

M. MacDonald : La stratégie nationale est un cadre. Nous travaillons avec des partenaires pour déterminer à quoi ressembleront les morceaux de ce cadre plus vaste. À Santé Canada, nous travaillons notamment avec des partenaires des provinces et des territoires dans le domaine de l’administration des médicaments.

Oui, il est utile d’avoir un cadre puisqu’il procure une orientation. J’ai dit qu’il faut savoir sur quoi se concentrer, établir l’ordre de priorité de ses activités et ainsi de suite, et ces choses aident à avoir dès le départ une vision claire de ce qu’on essaie d’accomplir, ainsi que de la conception des éléments qu’on estime qu’il est important de réunir pour atteindre cet objectif. Donc, en tant qu’outil, nous trouvons que c’est très utile.

La présidente : Je vais poser la dernière question.

Comment Santé Canada va-t-il travailler avec les provinces d’une manière différente que ce que vous faites actuellement? Vous avez déjà des données probantes sur le dépistage néonatal. Vous avez déjà de l’information sur les médicaments — de l’information provenant d’administrations dignes de confiance. Comme vous l’avez formulé plus tôt, l’information est là et vous l’offrez. En quoi votre travail serait-il différent maintenant que vous avez une loi qui dit d’organiser tout cela à un seul endroit et d’essayer de le faire accepter par les provinces? C’est mon interprétation de la situation. Quelle est la vôtre?

M. MacDonald : Lorsque nous parlons de la stratégie nationale et, de toute évidence, lorsqu’on essaie d’aborder la situation à l’aide d’un cadre, et il faut ensuite descendre de plusieurs niveaux pour offrir quelque chose qui a une incidence sur la vie des Canadiens. Dans l’environnement que je décris, alors que nous nous réunissons avec les provinces et les territoires et que nous travaillons avec tout le monde, nous devons parler d’indications précises et des médicaments qui s’y rapportent à certains moments.

Il est déjà question dans la stratégie nationale d’en arriver à des indications précises. Il existe donc un ensemble commun de médicaments dans les accords bilatéraux qui sont liés à des indications précises et qui sont étudiés pour trouver des applications et des données concrètes. Si nous avions cette loi et le cadre relatif à la maladie falciforme, il nous faudrait être conscients, lorsque nous faisons notre travail, que nous devons être clairs à propos de ce qui se fait relativement à la maladie falciforme.

Cela dit, l’approche globale qui consiste à essayer de faire des choses qui seront utiles pour le plus d’indications possible serait toujours là, et nous aurions à trouver un équilibre entre ces deux priorités concurrentes.

La présidente : Monsieur MacDonald, monsieur Pham, merci beaucoup. Je vous remercie tous les deux de votre témoignage. Je sais que nous avons été un groupe difficile. Chers collègues sénateurs, c’est tout le temps que nous avions avec ce groupe de témoins.

Nous allons poursuivre à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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