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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 9 octobre 2025

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 10 h 29 (HE), pour étudier le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcooliques).

La sénatrice Flordeliz (Gigi) Osler (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : Sénateurs, je m’appelle Flordeliz (Gigi) Osler. Je suis sénatrice du Manitoba et vice-présidente du comité.

Aujourd’hui, nous aimerions souhaiter la bienvenue aux membres du programme Developing Young Leaders of Tomorrow, Today #LeadLikeAGirl, qui sont dans la salle avec nous à titre d’invités de la sénatrice Bernard. Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Avant de commencer, j’aimerais demander aux sénateurs de se présenter.

La sénatrice Senior : Bonjour et bienvenue à tous. Je suis la sénatrice Paulette Senior, de l’Ontario.

La sénatrice Hay : Je suis Katherine Hay, sénatrice de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Boudreau : Bonjour, tout le monde. Victor Boudreau, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Burey : Bonjour tout le monde. Je suis Sharon Burey, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Arnold : Bonjour, tout le monde. Je suis Dawn Arnold, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Petitclerc : Bonjour. Chantal Petitclerc, du Québec.

La sénatrice Youance : Bonjour. Suze Youance, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Je suis Wanda Thomas Bernard, du territoire Mi’kma’ki, en Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Muggli : Je suis Tracy Muggli, du territoire visé par le traité no 6, en Saskatchewan.

La vice-présidente : Aujourd’hui, nous entamons notre étude du projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcooliques).

Dans le premier groupe de témoins, nous accueillons aujourd’hui notre collègue et membre du comité, l’honorable sénateur Patrick Brazeau, parrain du projet de loi. Je vous remercie d’être ici aujourd’hui.

Sénateur, vous avez cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, qui sera suivie des questions des membres du comité. Vous avez la parole, sénateur Brazeau.

L’hon. Patrick Brazeau, parrain du projet de loi : Je vous remercie, madame la présidente et honorables collègues.

Le fait est que si nous étions ici aujourd’hui pour discuter de la légalisation de l’alcool, compte tenu de tout ce que nous savons à ce sujet, nous ne le ferions probablement pas. Nous sommes donc ici pour discuter de l’apposition d’étiquettes de mise en garde sur les produits alcoolisés au Canada.

Chers collègues, le projet de loi S-202 apporte une modification modeste, mais essentielle, à la Loi sur les aliments et drogues, afin de rendre obligatoire l’apposition d’étiquettes de mise en garde sur les produits alcoolisés au Canada.

Je tiens à remercier l’Institut canadien de recherche sur la consommation de substances de l’Université de Victoria et Tim Stockwell, Dr Tim Naimi, Adam Sherk, Kate Vallance et Ashley Wettlaufer de leur expertise dans ce domaine.

La plupart des Canadiens savent qu’une consommation excessive d’alcool nuit à la santé, cause des dommages au foie, altère le jugement, provoque des troubles causés par l’alcoolisation fœtale et mène à la conduite en état d’ivresse, qui tue quatre Canadiens par jour.

Dans un rapport sur les coûts et méfaits de l’usage de substances au Canada publié en 2017, on estimait les coûts liés à l’alcool à 16,6 milliards de dollars par année, ce qui comprend les soins de santé et la perte de productivité. C’est ce qu’on appelle le déficit associé à l’alcool. Toutefois, ce que la plupart des gens ignorent, c’est que l’alcool provoque au moins sept cancers mortels, soit le cancer de la bouche, de la gorge, des cordes vocales, de l’œsophage, du sein, du foie et du côlon.

[Français]

Comme le souligne Tim Stockwell, même un seul verre par jour augmente le risque de cancer. Plus la consommation est importante, plus le risque est élevé. Pourtant, seul un Canadien sur quatre est conscient de ce lien. C’est inacceptable.

Les consommateurs, en particulier les jeunes générations, exigent de la transparence sur ce qu’ils consomment, qu’il s’agisse d’aliments, de vêtements ou d’appareils électroniques. Ils ont le droit de connaître les risques liés à l’alcool.

Comme le souligne le Dr Tim Naimi, on peut facilement trouver la teneur en calcium sur une boîte de petits pois, mais un produit qui est riche en calories, potentiellement addictif, enivrant et cancérigène comme l’alcool ne fait pas l’objet d’un étiquetage semblable. Ce projet de loi corrige cette situation.

L’alcool jouit d’un statut culturel unique, échappant souvent à la surveillance appliquée à d’autres drogues. Des mythes persistent selon lesquels une consommation modérée de vin serait bonne pour le cœur ou le fait que boire jeune enseigne la responsabilité. La Fédération mondiale du cœur a réfuté l’argument selon lequel l’alcool serait bon pour le cœur. En fait, l’alcool nuit au cœur. La consommation précoce d’alcool augmente également le risque de consommation excessive plus tard. Ces illusions ne doivent pas occulter la vérité.

Ce projet de loi ne vise pas à instaurer une prohibition ou à imposer une tutelle excessive de l’État. Il vise à donner aux consommateurs les moyens d’agir en leur fournissant des informations factuelles. Les détracteurs peuvent invoquer la crainte d’une prohibition ou prétendre que l’ingérence excessive du gouvernement nous prive de notre plaisir. Cependant, fournir des informations sur la santé n’est pas une ingérence excessive : c’est la responsabilité du Parlement lorsque l’industrie ne prend pas les mesures nécessaires.

Il ne s’agit pas non plus d’une mesure anticommerciale. Un étiquetage honnête est la pierre angulaire d’une activité commerciale éthique.

[Traduction]

Le projet de loi S-202 exige d’indiquer quatre renseignements sur l’étiquette. Tout d’abord, on doit retrouver la définition d’un verre standard, car de nombreux Canadiens ne savent pas ce qui constitue un verre standard. Deuxièmement, il faut indiquer le nombre de verres standards que contient l’emballage, afin de dissiper la confusion concernant les portions en indiquant, par exemple, si une bouteille de vin contient un, deux ou trois verres. Troisièmement, on doit mentionner les recommandations de Santé Canada sur les niveaux de consommation sûrs et les risques. Enfin, et quatrièmement, il faut indiquer clairement, en langage simple, le lien de causalité directe entre la consommation d’alcool et le développement de cancers mortels.

Ces étiquettes ne réduiront pas le nombre de cancers du jour au lendemain, mais elles réduiront les décès en permettant de faire des choix plus éclairés. Certaines personnes ne tiendront peut-être pas compte de ces avertissements, et c’est leur droit, mais un grand nombre d’autres personnes en tiendront compte, et elles surveilleront consciemment ou inconsciemment leur consommation, en sachant ce qu’est un verre standard et à quel moment les risques augmentent.

Les avertissements liés au tabac se sont heurtés à une résistance similaire, mais aujourd’hui, tous les fumeurs connaissent les risques liés au cancer. Il faut faire preuve de la même honnêteté en ce qui concerne l’alcool.

Puisque l’alcool est un produit cancérigène du groupe 1, tout comme le tabac et l’amiante, les risques liés à ce produit doivent être indiqués sur l’étiquette. Je ne parle pas à titre de personne qui prône l’abstinence, même si je suis sobre depuis plus de cinq ans. Mon combat est personnel, car j’ai perdu ma mère à la suite d’un cancer en 2004 et depuis ce temps, je fais tout en mon pouvoir pour collecter des fonds pour la recherche sur le cancer.

Nous ne pouvons pas prévenir tous les cancers, mais nous pouvons faire une différence concrète en veillant à ce que les Canadiens connaissent les risques liés à l’alcool. Ce projet de loi permet aux consommateurs de faire des choix éclairés avec une intervention minimale du gouvernement. Je vous demande donc instamment d’appuyer le projet de loi S-202 pour protéger la santé des Canadiens.

Je vous remercie, et j’ai hâte de répondre à vos questions.

La vice-présidente : Merci, sénateur Brazeau. Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Les sénateurs disposeront de quatre minutes pour poser leurs questions au sénateur Brazeau.

La sénatrice Hay : Sénateur, je vous remercie du travail que vous faites ici. C’est très important. En tant que fille d’un alcoolique — mon père est un être humain fantastique, mais il a eu bien des difficultés —, je vous suis reconnaissante du travail que vous faites.

Ma question porte sur la consultation des parties prenantes qui a été menée avant le dépôt du projet de loi. Comment leurs commentaires ont-ils influencé son contenu? J’ai également une question de suivi, car j’aimerais connaître les défis qui, selon vous, se poseront lors de la mise en œuvre.

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie beaucoup de vos questions. Pour répondre d’abord à votre deuxième question, soit celle sur les défis, il faut voir les choses en face et ne pas se raconter d’histoires. Il faut dire la vérité, et elle concerne l’industrie elle-même. On peut espérer que des représentants de l’industrie viendront répondre à nos questions et expliquer pourquoi ils n’apposent pas d’étiquettes de mise en garde sur leurs propres produits, même s’ils connaissent bien les faits.

Il sera important d’entendre leur point de vue, mais au bout du compte, l’industrie de l’alcool et son lobby ne s’intéressent qu’à une seule chose, et ce sont les profits. Ces gens ne se soucient pas de la santé et du bien-être des Canadiens. C’est le fond du problème. Nous avons tous un travail à accomplir dans la vie, et même les représentants de ces entreprises devront comparaître devant le comité pour tenter de faire bonne figure et de répondre de la façon la plus convaincante possible. Nous savons qu’ils ont un travail à faire, mais nous avons aussi un travail à accomplir. Notre travail consiste à veiller à ce que les Canadiens d’un bout à l’autre du pays soient conscients des dangers, des effets négatifs et des sept cancers liés à l’alcool.

Le plus grand défi qui nous attend sera donc le lobby lui‑même. Ces gens sont doués pour faire pression sur les parlementaires qui ont été élus à l’autre endroit. Le traitement de ces questions devrait être non partisan, mais malheureusement, la partisanerie nous empêche souvent de réaliser des progrès dans ce domaine.

À titre de membre du comité, je sais que tous les membres du comité assis autour de cette table travaillent avec vigueur et sans demi-mesures, et j’attends avec impatience le moment de poser ces questions aux représentants de l’industrie.

C’est le plus grand obstacle.

En ce qui concerne votre première question, j’ai mentionné que certaines personnes de l’Université de Victoria travaillent sur cette question depuis des décennies. Je ne suis que le porte‑parole de leur travail acharné et de leur dévouement au fil des ans.

En février dernier, à l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer, mon bureau a réuni des experts de partout au Canada et de l’étranger pour discuter sérieusement de la vérité au sujet de l’alcool. Ces experts sont tous d’avis que c’est la voie à suivre. Il y a encore beaucoup de travail à faire, mais c’est un excellent premier pas pour s’attaquer à la question de l’alcool.

Les discussions que j’ai eues avec ces experts sont inestimables. Elles ont façonné le projet de loi à l’étude et ont influencé un autre projet de loi, soit le projet de loi S-203, qui vise à interdire la publicité sur l’alcool au Canada, mais c’est une autre histoire.

Donc, oui, tout cela a façonné ce projet de loi, en plus d’une petite partie de ma propre expérience vécue. C’est à cause de mon expérience vécue que j’ai fait partie des 75 % de Canadiens qui ne savaient pas que la consommation d’alcool causait sept cancers.

Nous avons tous été touchés par le cancer. Nous avons des proches qui sont décédés ou qui ont été touchés par le cancer. J’ai parlé de ma mère. J’ai également eu un cancer du côlon.

Il est temps d’agir. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici.

Je vous remercie.

La sénatrice McPhedran : Sénateur Brazeau, vous êtes bien plus qu’un simple porte-parole. Vous êtes un pionnier. Vous vous êtes présentés devant nous avec courage et transparence. Je suis honorée d’être votre collègue au Sénat.

Ma question porte sur les jeunes du pays et sur votre perception de l’impact que cette loi pourrait avoir sur ces jeunes Canadiens.

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie de vos aimables paroles. Je vous aime, chère collègue. Je peux le dire, il n’y a rien de mal à cela.

Si on pouvait remonter le temps et qu’on me demandait si des étiquettes pour avertir des risques liés au cancer apposées sur les produits alcoolisés m’auraient convaincu de modifier mon comportement quand j’étais jeune, je répondrais que je ne sais pas, car on ne peut pas remonter le temps. Hier est disparu et demain n’est jamais garanti, et c’est la raison pour laquelle nous devons essayer de vivre un moment et un jour à la fois, et tenter autant que possible d’apprécier le moment présent.

Ce n’est pas toujours facile, mais depuis que nous avons des étiquettes de mise en garde sur les produits du tabac — et n’oublions pas qu’aujourd’hui, il y a des étiquettes de mise en garde sur chaque cigarette, et pas seulement sur les paquets —, le tabagisme a diminué de près de 25 % au cours des 20 dernières années, ce qui n’est pas négligeable.

Pour répondre à votre question, appliquons ce même scénario aux étiquettes de mise en garde contre le cancer dans 20 ans. Si des étiquettes de mise en garde contre le cancer sont apposées sur les produits alcoolisés, les taux de consommation baisseront peut-être de 20 % ou de 25 %. Est-ce une bonne chose pour les jeunes? Oui, certainement.

Nous savons que l’alcool est accepté depuis la nuit des temps, pratiquement, et nous avons toujours peur de parler de la vérité et des faits concernant l’alcool. Nous parlons des étiquettes de mise en garde contre le cancer, mais nous n’avons pas parlé des décès, des accidents, des blessures et de la conduite en état d’ivresse. Nous n’avons pas non plus parlé des suicides. Nous n’avons pas parlé des problèmes de violence conjugale que l’alcool provoque directement ou indirectement. Et il y a aussi les appels au 911 et les appels pour demander une ambulance. Il y a dans les salles d’attente des personnes souffrant de blessures liées à l’alcool, mais très peu de gens sont au fait de cette situation et très peu de gens en parlent.

Ce que les gens voient, ce sont les publicités sur les produits alcoolisés, qui font la promotion d’un certain style de vie. Je n’ai pas rencontré beaucoup d’hommes et de femmes dans ma vie qui sont en mesure de vivre le style de vie que les fabricants de spiritueux ne cessent de promouvoir.

Cette mesure législative aurait un impact considérable. Je ne peux pas le quantifier, car je ne suis pas un expert, mais je sais que les jeunes d’aujourd’hui veulent savoir quels ingrédients se trouvent dans les aliments qu’ils consomment. Ils veulent savoir quels minéraux entrent dans la fabrication de leurs téléphones. Ils veulent savoir ce qu’ils ingèrent, et ils ont le droit de le savoir. Tous les consommateurs canadiens devraient avoir le droit d’obtenir ces informations.

Cette mesure permettra de faire d’énormes progrès. Comme je l’ai dit, elle ne permettra pas de parvenir à une situation parfaite, mais c’est une première étape, pour laquelle tout le monde est prêt, je crois. Il est temps de mettre en place une telle mesure, qui contribuera à améliorer la santé physique des gens, ainsi que leur santé mentale, qui est tout aussi importante. Nous ne pouvons pas parler de santé mentale au Canada de nos jours en faisant abstraction de la consommation d’alcool ou d’autres substances. D’après mon expérience, c’est impossible. La plupart du temps, les deux vont de pair.

La sénatrice Burey : Merci, sénateur Brazeau, de présenter ce projet de loi très important au Sénat et de défendre cette cause.

Comme vous le savez, je suis pédiatre du comportement, et je peux vous dire que je constate l’impact sur les jeunes.

Ma question fait suite à celle de la sénatrice McPhedran : comme nous le savons et comme vous l’avez mentionné, la toxicomanie est un problème qui débute durant l’enfance et l’adolescence. Il commence durant cette période, et nous le constatons dans nos cabinets.

Je me demande pourquoi le projet de loi se concentre uniquement sur le cancer alors que nous savons qu’il existe beaucoup d’autres problèmes de santé reliés à l’alcool. Par exemple, il y a le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, qui constitue une affection permanente. Il y a aussi les problèmes de santé mentale et les problèmes de dépendance. Pourquoi se concentrer uniquement sur les étiquettes de mise en garde contre le cancer?

Le sénateur Brazeau : Merci pour votre travail, vos efforts et cette question très importante. La réponse est simple : je travaille au sein de cette institution qu’est le Sénat depuis de nombreuses années, et je peux affirmer avec certitude que les choses n’évoluent pas très rapidement ici, surtout lorsque l’on est un sénateur non affilié et que l’on est en quelque sorte seul dans son coin.

C’est la réponse courte. Je me suis concentré sur le cancer parce que, selon moi, c’est convaincant. C’est un message que les gens vont comprendre rapidement, car nous avons déjà vécu la même chose avec les fabricants de tabac. Cette lutte a duré entre 20 et 25 ans.

Pour faire avancer les choses, il est parfois bien de voir grand, mais pour obtenir des changements réalistes, il vaut mieux parfois voir plus petit et miser sur une mesure plus ciblée. Ensuite, dans les années qui suivent, les efforts se poursuivent.

Il est évident que l’alcool est la cause de bien plus que sept cancers. Je vais peut-être écrire un livre sur les effets précis de la consommation d’alcool, non seulement sur la santé physique, mais aussi sur la santé mentale.

Je ne suis pas un expert dans le domaine. Je m’appuie seulement sur mon expérience personnelle. Pour amener les Canadiens à accepter qu’il est nécessaire d’entamer une conversation sérieuse sur l’alcool, nous devons d’abord mettre l’accent sur les sept cancers qu’il provoque. Ensuite, j’ose espérer que cette mesure donnera lieu à une conversation plus approfondie, qui est nécessaire, mais pour l’instant, il s’agit de faire bouger et avancer les choses.

N’oublions pas que le lobby de l’alcool dispose de nombreuses ressources, tant humaines que financières. Comme nous le savons tous, il est prêt à tout, même à organiser toute une série de soirées et de réceptions pour les parlementaires. Il le fera gracieusement dans le but de s’assurer qu’il n’aura pas à apposer sur ses produits des étiquettes de mise en garde contre le cancer, car cela entraînera une baisse de ses ventes, ce qu’il ne souhaite pas.

La sénatrice Bernard : Sénateur Brazeau, je tiens à me joindre à mes collègues pour vous remercier d’avoir pris cette initiative. La sénatrice Burey a en fait posé l’une des questions que je voulais poser, et vous y avez répondu, alors je ne la poserai pas.

Comme vous le savez, j’ai ici avec moi des jeunes leaders du programme Developing Young Leaders of Tomorrow, Today. Pourquoi devraient-ils se préoccuper des étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées?

Le sénateur Brazeau : Quelle excellente question. Comme je l’ai dit, vous pourrez peut-être obtenir une réponse plus complète plus tard. Nous avons mentionné certaines des conséquences de la consommation d’alcool que nous avons tendance à ignorer. Nous ne nous sentons pas concernés par les personnes et les familles qui sont aux prises avec des problèmes d’alcool. Nous faisons comme s’il n’y avait pas de problème.

J’ai appris il y a longtemps que la plupart des êtres humains vivent les mêmes difficultés. Ils ont les mêmes problèmes. Nous sommes très doués pour les cacher, car nous craignons d’avoir honte, d’être ridiculisés ou d’être considérés comme différents des autres parce que nous avons peut-être des problèmes d’alcool alors que d’autres n’en ont pas.

Cela n’est pas forcément vrai. Je pense que tout le monde dans cette salle connaît quelqu’un qui a des problèmes d’alcool, et cette personne est peut-être assez proche de nous. L’alcool détruit des vies. Il tue des gens. Il est certes néfaste pour la santé mentale.

Personnellement, l’alcool m’a mené sur une voie très sombre, si sombre que j’ai voulu mettre fin à mes jours. Heureusement, j’ai échoué et je suis aujourd’hui en mesure de m’exprimer et de répondre à votre question.

Cette substance qu’est l’alcool est acceptée, comme je l’ai dit plus tôt, depuis la nuit des temps. Nous l’associons aux célébrations, aux moments plaisants, mais pour bien des gens, ce n’est pas du tout le cas. Il est associé à beaucoup de souffrance et de douleur intérieures, et toutes les personnes n’ont pas le courage et la capacité de demander de l’aide ou même d’admettre qu’elles ont des problèmes lorsqu’elles en éprouvent.

Pourquoi je sais cela? J’étais l’une de ces personnes. J’avais honte de demander de l’aide ou d’en parler à quelqu’un.

C’est pourquoi il est important que les jeunes soient au courant, car si l’on place cette substance qu’est l’alcool dans une catégorie et toutes les autres substances dans une autre, on constate que l’alcool à lui seul coûte plus cher à la société et cause plus de dommages que toutes les autres substances réunies.

J’espère que cela répond à la question. Il faudrait certainement beaucoup plus de temps pour y répondre comme il faut.

La sénatrice Bernard : Merci.

La sénatrice Senior : Merci, sénateur, d’être ici et d’être le visage et la voix de cette question. J’ai deux questions, mais je pense que je vais poser ma deuxième question en premier. Si j’ai le temps, je poserai l’autre question au deuxième tour.

La première concerne la culture populaire. Je pense à la chanson Blame It (On the Alcohol) de Jamie Foxx. Vous vous en souvenez? Je pense au vidéoclip qui accompagnait cette chanson, qui était très accrocheur et qui rendait la consommation d’alcool tellement cool. C’était déjà à la mode avant, mais Jamie a rendu cela vraiment cool.

Je réfléchis à l’importance d’une campagne de sensibilisation qui accompagnerait ce projet de loi, car ces deux mesures pourraient permettre de contrer ce type de publicité. Il s’agit d’une musique entraînante, le hip-hop. C’est ce que nos jeunes aiment et ce sur quoi beaucoup d’entre nous, les plus âgés, dansent.

Si vous pouviez me faire part de vos commentaires à ce sujet, je vous en serais reconnaissante.

Le sénateur Brazeau : Merci pour cette question. Elle est importante, car ce n’est pas un message facile à faire passer, étant donné que l’alcool existe depuis la nuit des temps. Il est difficile de changer la mentalité des gens à l’égard de l’alcool.

Mon bureau a rassemblé des extraits vidéo d’acteurs, de chanteurs et d’athlètes célèbres qui ne boivent plus. Comme nous le savons tous, quelle que soit l’opinion que nous pouvons avoir d’un athlète ou d’un chanteur en particulier, leur voix a beaucoup de poids. Tout cela pour dire que je ne vais pas vendre la mèche, pour ainsi dire, mais nous avons longuement réfléchi à la nécessité de lancer des campagnes publiques. Cependant, rien n’est encore confirmé. Nous y travaillons, car de telles annonces provenant, espérons-le, de personnes bien en vue viendront modifier quelque peu la stratégie. Cela va nous aider. Le travail à cet égard n’est pas encore terminé, mais il est bien entamé.

La sénatrice Muggli : Merci, sénateur. J’apprécie vraiment que vous ayez entrepris ce travail.

Vous connaissez probablement un peu mon parcours, mais je peux vous dire que la question de la toxicomanie est au cœur de ma carrière depuis 36 ans. J’apprécie vraiment votre expérience vécue, car elle vous donne une grande expertise dans ce domaine.

Vous savez, comme nous tous, que les gens qui se tournent vers l’usage de substances souffrent de problèmes de santé mentale. Les causes profondes et les facteurs à l’origine des problèmes de santé mentale relèvent probablement des déterminants de la santé. Les causes profondes sont nombreuses, mais cela ne signifie pas que nous ne devons pas essayer d’éduquer la population.

Je pense que nous devons travailler fort pour promouvoir les directives de consommation d’alcool à faible risque, qui constituent une initiative unique. Je ne crois pas qu’il y a une réelle volonté à l’échelle nationale de promouvoir ces directives et cette prise de conscience.

Vous avez raison de dire que la consommation d’alcool dépasse largement celle de toutes les autres substances combinées. En tant qu’ancienne administratrice d’un hôpital, je peux vous dire que les visites attribuables à l’alcool ont toujours été bien plus nombreuses que les visites aux urgences.

Ma question porte en fait sur les étiquettes. Je m’inquiète beaucoup du cancer, mais je m’inquiète aussi du syndrome d’alcoolisation fœtale et d’autres problèmes tels que le diabète, les troubles de santé mentale et les tendances suicidaires.

À l’avenir, aurons-nous 10 étiquettes sur une bouteille? Je pense vraiment que nous devons réfléchir à l’idée d’alterner les étiquettes : la bouteille que vous achetez aujourd’hui porte une étiquette visant le cancer, et celle que vous achèterez un autre jour portera une étiquette concernant le syndrome d’alcoolisation fœtale. Je voudrais connaître votre avis à ce sujet.

Le sénateur Brazeau : Merci pour cette question. Je sais qu’il s’agit d’apposer des étiquettes de mise en garde contre les sept cancers causés par l’alcool. Je pense qu’il ne pourrait y avoir suffisamment d’étiquettes de mise en garde sur les produits, car ils causent tellement de dommages.

Pourrions-nous faire connaître tous les effets négatifs de l’alcool au moyen de plusieurs étiquettes? Je ne sais pas. Je sais que l’industrie des boissons alcoolisées ne veut pas d’étiquettes. Si votre comité, le Parlement et le Sénat l’obligeaient à apposer des étiquettes, elle accepterait peut-être volontiers d’utiliser des codes QR. La question qui se pose alors est la suivante : la plupart des Canadiens prennent-ils le temps de balayer les codes QR? L’industrie est donc frileuse et elle n’est pas prête à accepter n’importe quelle mesure.

Je sais qu’elle serait prête à accepter les codes QR, tout compte fait, mais je ne pense pas que ce soit nécessairement la meilleure solution pour les Canadiens ou pour votre comité.

J’espère sincèrement, comme dans le cas du tabagisme, que nous ne sommes pas en train de réinventer la roue. Nous savons que le tabagisme ne cause pas seulement des cancers; la majorité des Canadiens savent désormais qu’il est également responsable de maladies cardiaques et de nombreux autres problèmes de santé.

Je me trompe peut-être, mais c’est pourquoi je pense que les étiquettes de mise en garde contre le cancer sur les produits alcoolisés vont ouvrir la voie à un débat plus large sur tous les effets négatifs de l’alcool, et pas seulement sur les sept cancers qu’il provoque.

En ce qui concerne la réglementation, nous n’avons aucun contrôle sur la taille de ces étiquettes, la taille des caractères, les couleurs, etc. Depuis le début, j’espère que si nous parvenons à obtenir ces étiquettes de mise en garde contre le cancer, cela ouvrira grand la porte à une discussion. Nous aurons fait une grande chose pour les Canadiens, notamment en favorisant une meilleure santé, afin qu’ils puissent prendre des décisions plus éclairées pour leur propre santé.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup, sénateur Brazeau, pour cette initiative et pour toutes les réponses que vous avez données; plusieurs excellentes questions ont déjà été posées. Je vais enchaîner avec deux questions.

Est-ce que vous surveillez comment cela se passe en Irlande? Selon ma compréhension, le projet de loi qui a été adopté là-bas en 2023 n’est pas encore en vigueur sur les tablettes. J’essayais de comprendre quels étaient les obstacles. Bref, est-ce que vous étudiez un peu l’expérience en Irlande? Est-ce ce que vous verriez se produire ici, ce genre de lettrage? On n’entrera pas dans les détails, mais ma question de fond est la suivante : dans le cas du tabac, où on a du lettrage et des photos, tout cela prend une grosse place sur le paquet. Quelle est votre vision de ce à quoi cela pourrait ressembler sur une bouteille de vin?

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie pour la question.

Comme je l’ai mentionné, j’étais plus préoccupé de m’assurer que le projet de loi soit étudié; c’était mon premier et probablement mon seul but.

Sur le plan de l’étiquetage, je n’ai aucune expertise sur ce à quoi cela devrait ressembler; je ne suis pas très bon en art et j’ai de la difficulté à dessiner un bonhomme allumette.

C’est sûr que nous avons suivi ce qui se passe en Irlande. En Irlande, il devrait y avoir des mises en garde en 2026, mais il y a certains petits problèmes. Certains de ces petits problèmes s’appellent le lobby de l’alcool. Ils ont de l’argent et des ressources humaines et ils vont tout faire, jusqu’à la dernière goutte, pour s’assurer qu’il n’y ait aucune étiquette sur les produits.

Donc, on regarde ce qui se passe, mais le plus grand obstacle, c’est l’industrie elle-même, peu importe ce qu’ils vont dire. Ils vont dire qu’ils ont fait leurs propres recherches, que tel médecin a dit ceci ou cela. Ce sont eux qui financent leurs propres conclusions médicales. Il faut que cela cesse. Je ne veux pas le dire, parce que ce n’est pas très parlementaire, mais en anglais, on dit BS.

Il faut que cela cesse et il faut défier ces gens-là. Il n’y a aucune raison — aucune — pour que les compagnies de cannabis et les compagnies de tabac au Canada doivent mettre des mises en garde, mais que les compagnies d’alcool aient droit à un passe-droit. On connaît tous les effets négatifs de l’alcool, mais on leur donne encore un passe-droit. C’est inacceptable.

La sénatrice Petitclerc : Je pense connaître la réponse, mais je vais revenir sur l’Irlande. Effectivement, les producteurs ont essayé de dire que l’étiquetage empiétait sur leurs droits commerciaux, mais la Commission européenne a dit que non, et que la santé des consommateurs prévalait sur les considérations commerciales. Donc, est-ce que cela peut nous donner confiance dans le fait que si la même chose se produisait ici, le résultat et la décision seraient possiblement les mêmes?

[Traduction]

La vice-présidente : Le temps est écoulé. Sénateur Brazeau, voulez-vous garder cette réponse? Nous pourrons y revenir au deuxième tour, si c’est possible.

Le sénateur Brazeau : Oui, je peux attendre le deuxième tour, mais si j’oublie d’y répondre, veuillez me le rappeler.

La vice-présidente : Merci. C’est noté.

La sénatrice Greenwood : Merci, sénateur Brazeau, d’être ici et de présenter cette mesure vraiment importante.

Cette question a été posée de différentes manières, et je voudrais vous donner l’occasion d’en dire davantage. Je pense à la Loi sur le tabac et les produits de vapotage, adoptée en 2018, qui instaure notamment les emballages neutres, afin de contribuer à réduire le tabagisme et de réglementer les produits de vapotage.

À cette époque, les producteurs de tabac et les lobbyistes ont exercé beaucoup de pression et diffusé des informations au sujet du projet de loi qui, franchement, se sont révélées fausses. Je sais que vous avez commencé à parler un peu de cela.

Pourriez-vous développer certaines des réponses que vous avez données au comité? Des personnes s’opposent-elles à ce projet de loi? Y a-t-il des informations erronées que vous souhaitez rectifier? Je sais que vous avez mentionné certains groupes, mais y a-t-il d’autres personnes qui s’y opposent? Y a‑t‑il des informations erronées qui doivent être corrigées?

Le sénateur Brazeau : C’est une très bonne question.

Vous souvenez-vous de l’époque où les médecins — pas tous, mais certains — recommandaient un verre de vin aux femmes enceintes? Quel a été le résultat? Les taux de cancer du sein sont assez élevés chez les femmes. Les taux de cancer du côlon sont assez élevés chez les hommes. « Buvez de façon modérée », tel est le slogan de la campagne. « Buvez de manière responsable », c’est de la désinformation.

Un jour ou l’autre, les fabricants de boissons alcoolisées vivront la même situation que les compagnies de tabac, qui ont fait l’objet de recours collectifs. Il ne s’agit donc pas ici de réinventer quoi que ce soit, mais au lieu de laisser les entreprises et le gouvernement fédéral aller devant la Cour suprême et se battre pendant 20 ou 25 ans en utilisant l’argent des contribuables et en consacrant des ressources, du temps et de l’énergie, pourquoi ne pas simplement créer un petit raccourci? Il faudra beaucoup de temps, il y aura beaucoup de batailles et la cause finira probablement par être portée devant la Cour suprême de toute façon, mais nous pouvons éviter quelques procédures.

Il y a de la désinformation. Tout le monde a le droit d’être en désaccord avec ce projet de loi, mais lorsqu’une personne le conteste en disant, par exemple, que la probabilité que l’alcool provoque ce type de cancer est faible par rapport à un autre type de cancer, peut-être qu’il s’agit d’une personne qui travaillait auparavant pour les fabricants de boissons alcoolisées ou le lobby de l’alcool. Je n’ai jamais travaillé pour un fabricant de boissons alcoolisées, mais je pense que lorsque quelqu’un critique ce projet de loi, il faut lui demander s’il a déjà travaillé pour le lobby de l’alcool ou s’il l’a déjà représenté. Il en va de même pour les médecins. S’ils ne sont pas d’accord avec ce projet de loi, il faut leur demander s’ils ont déjà été mandatés par des fabricants de boissons alcoolisées pour réaliser des rapports, des études, etc.

En fin de compte, comme je l’ai dit au début, les fabricants de boissons alcoolisées ne s’intéressent qu’à une seule chose : les profits. Rien d’autre. Espérons qu’en tant que parlementaires, nous nous soucions non seulement de l’économie, mais aussi de la santé et du bien-être des Canadiens. Il ne s’agit là que d’un petit pas vers la diffusion d’informations indispensables sur la santé que même moi je ne connaissais pas à un moment donné. Tous les Canadiens doivent être au courant.

[Français]

Le sénateur Boudreau : Sénateur Brazeau, merci de comparaître ici sur ce sujet important. Évidemment, vous parlez avec le cœur et surtout avec beaucoup de passion et de compassion.

Ma question va un peu dans le même sens que celle de ma collègue la sénatrice Petitclerc. Il y a l’expérience en Irlande, et je sais qu’aux États-Unis il y a aussi un historique sur l’étiquetage des produits, pas spécifiquement par rapport au cancer, mais pour d’autres conditions médicales.

Vous n’êtes peut-être pas la meilleure personne pour le faire, mais je crois que vous avez certainement beaucoup de connaissances sur le sujet. Est-ce que d’autres administrations ont entrepris des démarches comme celles que vous proposez? Si oui, quels ont été les résultats? Est-ce qu’il y a eu une progression comparativement à d’autres pays?

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie pour la question. En Corée du Sud, ils ont des étiquettes sur leurs produits. Cela dit, ils n’ont pas eu la même résistance de la part de l’industrie comme c’est le cas actuellement en Irlande. Il n’y a pas beaucoup d’administrations à travers le monde qui ont entrepris cette démarche. Au mois de janvier de cette année, le médecin‑chef des États-Unis a mentionné dans son rapport que les États-Unis devraient aller de l’avant avec l’étiquetage et les mises en garde concernant différents cancers et leur lien de causalité avec l’alcool.

Évidemment, il y a un nouveau président qui ne consomme pas d’alcool et qui n’est probablement pas politiquement aligné sur les recommandations de son médecin-chef. Plusieurs pays discutent du sujet en ce moment et certaines administrations sont en avance sur d’autres.

[Traduction]

La sénatrice Arnold : Merci, sénateur Brazeau, de votre courage et de votre vulnérabilité. Je pense que le fait d’avoir soulevé cette question témoigne d’un grand leadership, alors merci beaucoup.

En tant qu’ancienne maire, j’ai été confrontée pendant de nombreuses années aux conséquences de la consommation d’alcool dans les rues de ma ville. J’ai également constaté le lien avec la violence domestique. Souvent, il s’agissait de personnes âgées qui consommaient de l’alcool depuis longtemps, et les gens les voyaient et voyaient aussi les conséquences dans la rue.

Cependant, je suis particulièrement préoccupé par l’augmentation du cancer du sein chez les jeunes femmes à l’heure actuelle, et je trouve excellente la simplicité de votre approche. J’y crois fermement. Je suis curieuse de savoir si vous avez eu des discussions avec des organisations provinciales ou territoriales. Y a-t-il quelque chose qui pourrait poser des difficultés et dont nous devrions être conscients?

Le sénateur Brazeau : Merci beaucoup pour vos aimables paroles et pour votre question. Je réitère que l’obstacle provient de l’industrie et du lobbying qu’elle fait. Il s’agit de l’un des lobbies les plus puissants au monde, avec celui de l’industrie pharmaceutique. Il y a une raison à cela. Je n’ai eu aucune conversation particulière avec les autorités provinciales ou territoriales, car le projet de loi relève de la compétence fédérale. Cela dit, ceux qui veulent y faire obstacle tenteront d’invoquer des questions de compétence et feront tout leur possible pour empêcher cette loi de voir le jour. Pour l’instant, la question ne relève pas vraiment de la compétence des provinces, et je me suis limité aux sept cancers pour que cela reste dans la compétence du gouvernement fédéral et respecte le cadre de mon rôle et de notre rôle ici.

L’obstacle, c’est le lobby de l’alcool. Savez-vous pourquoi? Avez-vous remarqué que, partout au pays, de plus en plus de parcs autorisent désormais la consommation d’alcool? À une époque où la consommation d’alcool chez les jeunes est censée diminuer, certaines administrations, municipales ou provinciales, ouvrent leurs parcs à une consommation accrue d’alcool. Sont‑elles celles qui veulent plus d’alcool dans leurs parcs? Pas nécessairement. C’est le lobby de l’alcool.

Il peut y avoir de nombreux obstacles à l’adoption d’une loi, mais dans le cas présent, le principal obstacle est le lobby de l’alcool, et le deuxième est le gouvernement en place. Soit le gouvernement désire agir dans ce domaine et passe à l’action, soit il ne le souhaite pas. Ce sont là les deux principaux obstacles.

[Français]

La sénatrice Youance : Merci beaucoup, sénateur Brazeau, pour le travail que vous faites au Sénat.

Ma question porte sur des institutions comme la SAQ ou la LCBO en Ontario. Y aurait-il du lobbyisme à faire auprès de ces institutions? Est-ce qu’elles peuvent bloquer le projet de loi? Comment voyez-vous leur responsabilité dans une éventuelle mise en œuvre de votre projet de loi?

Le sénateur Brazeau : Merci beaucoup pour vos questions. Comme je viens de le mentionner, ce serait bien d’avoir un gouvernement fédéral qui soutient ce projet de loi. En fait, il aurait été préférable que le gouvernement fédéral en fasse un projet de loi émanant du gouvernement, mais il ne l’a pas fait. Cela me dit qu’il n’est probablement pas intéressé à aller de l’avant.

Cependant, une petite campagne en faveur des mises en garde au cours des semaines, des mois ou des années à venir fera peut‑être en sorte que le gouvernement fédéral en place à ce moment-là se sentira obligé d’aller de l’avant avec ce projet de loi, parce que plus de Canadiens et Canadienne seront mieux éduqués sur les méfaits de l’alcool et sur les sept cancers causés par l’alcool.

Dans un monde parfait, le gouvernement fédéral montrerait plus d’intérêt au lieu de dire qu’il n’y a pas grand-chose à faire avec les mises en garde, parce qu’il n’a aucun projet de loi devant lui.

Il faut que Santé Canada se sente forcé de faire quelque chose pour la santé des Canadiens et Canadiennes. C’est un peu bizarre, mais c’est là où nous en sommes.

La sénatrice Youance : Si on change les étiquettes, est-ce qu’il y aura un impact financier important sur la vente des produits?

Le sénateur Brazeau : Évidemment, si des représentants de l’industrie répondaient à cette question, ils diraient qu’il y aura des coûts importants si on fait des mises en garde. Écoutez ceci : Corona — une entreprise mexicaine — a inscrit une mise en garde au dos de sa bière Sunbrew, qui a 0 % d’alcool. Il est recommandé de ne pas boire plus de deux consommations par jour. Pourquoi? Parce qu’ils ajoutent de la vitamine D. Alors, messieurs et mesdames, ne consommez pas plus de deux bières non alcoolisées, parce qu’on met trop de vitamine. Par contre, si on a une bouteille de Jack Daniel’s ou une bouteille de vin contenant plus de 20 % d’alcool, ils n’ont pas besoin d’étiquette. À mon avis, ce devrait être aux industries de faire ces mises en garde, car ce sont elles qui gagnent de l’argent avec la vente de ces produits empoisonnés. Elles sont capables de mettre les coûts nécessaires pour inscrire des mises en garde sur leurs bouteilles, comme l’ont fait les compagnies de tabac. Ces dernières en ont même mis sur chacune des cigarettes individuellement, et pas juste sur le carton ou sur la boîte. Si cela coûte plus cher aux compagnies d’alcool, pardonnez l’anglicisme —

[Traduction]

... mais ainsi soit-il.

La vice-présidente : Cela conclut le premier tour. Chers collègues, nous avons sept minutes et cinq sénateurs ont des questions pour le deuxième tour.

Sénateur Brazeau, si vous êtes d’accord, pouvons-nous permettre aux sénateurs qui ont des questions pour le deuxième tour de les lire et de vous demander de fournir des réponses écrites?

Le sénateur Brazeau : Oui, absolument.

La sénatrice Burey : Pourquoi l’alcool, un cancérigène connu du groupe 1, est-il traité différemment du tabac en matière d’avertissements sanitaires et d’étiquetage?

La sénatrice Bernard : Vous avez beaucoup parlé de l’industrie, et je pense aux propriétaires de petites entreprises. Je ne sais pas si c’est le cas dans tout le pays, mais en Nouvelle-Écosse, il se crée de plus en plus de microbrasseries. Quel pourrait être l’effet sur elles?

[Français]

La sénatrice Petitclerc : En Irlande, la Commission européenne a validé que la santé des consommateurs prévalait sur les considérations commerciales. Cette décision pourrait nous laisser croire que si l’industrie s’y opposait ici, on aurait la même décision. Est-ce le cas?

[Traduction]

La sénatrice Arnold : Sénateur Brazeau, vous avez insisté à maintes reprises sur le lobbying et les profits que les entreprises tirent de cette situation, mais les provinces tirent également des profits de la vente d’alcool. Elles sont également témoins des nombreux problèmes et dysfonctionnements qui touchent les collectivités. Comment allons-nous expliquer le lien entre les deux?

La sénatrice Hay : L’approche « dites simplement non » n’est pas une bonne stratégie. Je pense plutôt appuyer une stratégie de prévention pratique et concrète que, selon moi, Santé Canada a l’obligation et le mandat de mettre en œuvre. Une telle stratégie nécessite de la prévention avant la dépendance et également une stratégie de changement de comportement. Voilà ce que je pense. Je suis favorable à l’étiquetage sur les bouteilles, même si je reconnais que c’est au point de vente que la prévention devient extrêmement importante.

Comme je suis quelqu’un qui aime les résultats, je suis curieuse de savoir comment vous envisagez de mesurer la réussite dans le temps. Quels sont les indicateurs tangibles de réussite que vous verriez dans une stratégie de prévention plus large?

Deuxièmement, je vais parler de l’industrie. Comment cela fonctionnera-t-il pour cette industrie dont la capitalisation boursière s’élève à plusieurs milliards de dollars et qui a l’obligation de financer une stratégie de prévention qui inclura également l’étiquetage?

La sénatrice Greenwood : J’ai une question simple. Nous avons parlé de désinformation. Si vous deviez mener une campagne d’information fondée sur des données probantes, quels en seraient les éléments, mis à part les étiquettes? Et si nous examinions la question sous un autre angle : quels sont les avantages de ne pas consommer d’alcool? Nous nous concentrons toujours sur les aspects négatifs. Quels sont les avantages de l’abstention? Que mettrait-on de l’avant dans une campagne de sensibilisation? Nous pourrions aborder la prévention en temps réel.

Le deuxième point que je voulais soulever est qu’il s’agit d’un défi individuel, mais aussi sociétal. C’est un défi collectif en raison de l’influence du milieu, et c’est pourquoi j’ai parlé d’une campagne d’information.

Je voudrais également ajouter ceci : je pense qu’une partie de cette prise de conscience peut également contrecarrer certains stéréotypes collectifs dont ont été victimes certains groupes de personnes au cours de l’histoire. Je parle plus précisément des stéréotypes liés à l’alcool et aux peuples autochtones. Je crois que c’est une façon de combattre certains de ces stéréotypes dans le cadre d’une action collective et sociétale beaucoup plus large.

La vice-présidente : Cela met fin à la première partie. Je tiens à remercier le sénateur Brazeau pour son témoignage aujourd’hui.

Dans le prochain groupe, nous accueillons, de Santé Canada, Aysha Mawani, directrice générale, Direction de la réponse aux substances contrôlées et aux opioïdes, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis; Sheri Todd, directrice générale, Direction des politiques, de la planification et des programmes horizontaux, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis; et Martin Duplessis, directeur général par intérim, Direction des aliments et de la nutrition, Direction générale des produits de santé et des aliments. De l’Agence de la santé publique du Canada, nous accueillons Annie Comtois, directrice générale par intérim, Centre pour la promotion santé, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques.

Merci de vous joindre à nous aujourd’hui.

Madame Mawani, je crois comprendre que vous serez la seule à prononcer une allocution d’ouverture. Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration, qui sera suivie des questions des membres du comité. Vous avez la parole.

Aysha Mawani, directrice générale, Direction de la réponse aux substances contrôlées et aux opioïdes, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis, Santé Canada : Bonjour et merci, madame la présidente, de m’avoir invitée aujourd’hui, ainsi que mes collègues de l’Agence de la santé publique et de Santé Canada.

Avant de commencer, j’aimerais préciser que je me joins à vous aujourd’hui depuis le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anishinaabe.

Nous sommes heureux d’être ici aujourd’hui alors que vous examinez le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcooliques).

[Français]

Le fardeau considérable de la maladie liée à la consommation d’alcool constitue une préoccupation mondiale en matière de santé publique. Les risques pour la santé associés à la consommation d’alcool sont bien établis, et une consommation à long terme augmente les risques de cancers, d’hypertension et de maladies du foie, entre autres.

Le portfolio de la santé continue de suivre de près l’évolution des politiques relatives à l’alcool à l’échelle internationale, ainsi que les tendances en matière de consommation d’alcool et de ses effets néfastes.

Bien comprendre le contexte dans lequel ces politiques ont été introduites ainsi que la recherche qui les appuie est un élément essentiel pour faire progresser la mise en œuvre d’interventions efficaces en santé publique.

[Traduction]

Le portefeuille de la Santé reconnaît l’importance de sensibiliser la population aux méfaits liés à l’alcool et cherche à aider les Canadiens à prendre des décisions éclairées en matière de consommation d’alcool. Comme vous le savez peut-être, l’alcool est la substance psychoactive la plus couramment consommée au Canada, 79 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus ayant consommé de l’alcool au cours des 12 derniers mois. L’alcool entraîne des coûts globaux considérables pour les soins de santé, la justice pénale et la perte de productivité, totalisant 19,7 milliards de dollars en 2020. Au cours de la même année, on a dénombré 650 000 visites aux urgences, 120 000 hospitalisations et 17 000 décès dus à des problèmes liés à la consommation d’alcool au Canada.

Les efforts de Santé Canada pour lutter contre la consommation de substances, y compris l’alcool, sont guidés par la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances. Cette stratégie repose sur quatre éléments fondamentaux : la prévention et l’éducation, les données probantes, les services et le soutien liés à la consommation de substances, et le contrôle des substances.

La stratégie est dirigée par Santé Canada et inclut plusieurs autres ministères du gouvernement fédéral. Elle vise à protéger la santé et la sécurité de tous les Canadiens en réduisant les méfaits de la consommation de substances pour les individus, les familles et les communautés.

[Français]

Dans le cadre de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, le travail de Santé Canada concernant l’alcool englobe une variété d’activités, comme le financement de la recherche, l’amélioration des connaissances à propos des meilleures pratiques, la surveillance des tendances en matière de consommation d’alcool et de ses méfaits, le soutien aux activités de sensibilisation du public visant des groupes spécifiques, dont les jeunes, ainsi que l’élaboration du Guide alimentaire canadien, qui fournit des conseils nutritionnels pour aider les personnes au Canada à prendre des décisions éclairées en ce qui a trait à la consommation d’aliments et de boissons, y compris l’alcool.

[Traduction]

Dans le cadre du Programme sur l’usage et les dépendances aux substances, le PUDS, de Santé Canada, le ministère finance des organismes communautaires et sans but lucratif partout au pays qui s’occupent de la consommation de substances, y compris l’alcool. Depuis 2017, le PUDS a investi 17,7 millions de dollars dans des projets qui proposent des programmes ou des outils nouveaux ou innovants pour lutter contre les troubles liés à la consommation d’alcool, notamment le dépistage, l’intervention et l’orientation vers des services.

Nous collaborons également avec l’Agence de la santé publique afin de sensibiliser davantage la population au trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, le TSAF, et de le prévenir. L’Agence de la santé publique soutient les efforts de prévention du TSAF par le biais de plusieurs initiatives, notamment la surveillance des questions de santé maternelle et infantile, la promotion de grossesses saines grâce à des investissements annuels dans le Programme canadien de nutrition prénatale et le financement de projets à durée limitée de sensibilisation et de prévention du TSAF.

Santé Canada s’engage à collaborer avec les provinces et les territoires, les dirigeants autochtones, les organismes communautaires, les professionnels de la santé, les chercheurs, les personnes ayant vécu ou vivant ce problème et les experts en troubles liés à la consommation de substances afin de réduire les méfaits associés à la consommation d’alcool.

Nous serons heureux de répondre à vos questions sur ce travail que nous faisons. Merci de votre attention.

La vice-présidente : Merci, madame Mawani.

Avec ce groupe, les sénateurs disposeront de quatre minutes pour leurs questions et les réponses.

La sénatrice Hay : Merci à tous d’être ici et pour le travail que vous accomplissez pour tous les Canadiens.

J’ai quelques questions. La première concerne la mesure du succès. Dans deux, trois et cinq ans, quels seront les changements dans les stratégies de prévention et dans les comportements réels grâce à ce projet de loi?

D’un autre côté, Santé Canada est une organisation très complexe, avec de multiples directions générales. Est-ce que cela peut constituer un obstacle à la stratégie globale de mise en œuvre du projet de loi?

Mme Mawani : Merci pour cette question. En ce qui concerne la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, les mesures fédérales visant à lutter contre les méfaits liés à l’alcool couvrent un large éventail. Annoncé pour la première fois en 2016, puis en 2023, un cadre de surveillance rigoureux est associé à la Stratégie canadienne sur les drogues et les substances, ce qui nous permet de mesurer les progrès accomplis.

Comme je l’ai mentionné, cette stratégie repose sur quatre principaux axes : les ressources en matière de prévention et de sensibilisation pour la population canadienne; les services et le soutien liés à la consommation de substances, y compris le financement du Programme sur l’usage et les dépendances aux substances, qui dispose de son propre cadre de mesure; les contrôles des substances afin de gérer les risques pour la sécurité publique; et le soutien au secteur de la recherche.

Le Programme sur l’usage et les dépendances aux substances englobe tout un éventail de programmes de recherche, de programmes communautaires, de mesures d’interventions, d’outils de transfert des connaissances, ainsi que divers projets liés à la recherche sur les dépendances. Ma collègue, Mme Todd, sera en mesure de vous fournir davantage de renseignements concernant certains projets spécifiques.

En ce qui concerne votre remarque sur la mesure, l’un des principaux domaines dans lesquels Santé Canada intervient concerne les enquêtes et les recherches visant à surveiller les tendances en matière de consommation d’alcool et de ses méfaits, ainsi qu’à évaluer le niveau de sensibilisation de la population aux méfaits liés à l’alcool. Je rappelle que Santé Canada assure le suivi et la surveillance au moyen d’enquêtes nationales, telles que l’Enquête canadienne sur la consommation de substances, dont la dernière publication remonte à décembre 2024; l’Enquête canadienne sur l’alcool et les drogues chez les élèves, publiée en mars 2025; et l’Enquête canadienne sur la consommation d’alcool et de drogue dans les établissements d’enseignement postsecondaire, publiée en mai 2024.

Nous cherchons donc en permanence à tirer parti des différents outils à notre disposition pour mieux comprendre les différents facteurs comportementaux qui influencent les habitudes de consommation d’alcool.

La sénatrice Hay : Merci pour cette précision, madame Mawani. À votre avis, quel sera l’impact du projet de loi S-202 sur les stratégies que vous venez de décrire?

Mme Mawani : Je tiens à rappeler que le projet de loi S-202 est toujours en processus d’évaluation.

La sénatrice Hay : Selon vous, de quelle manière le projet de loi S-202 pourrait-il constituer une valeur ajoutée pour Santé Canada?

Mme Mawani : Cela fait partie du processus d’évaluation en cours. En ce qui concerne le Programme sur l’usage et les dépendances aux substances, nous avons pris différentes mesures pour mieux comprendre l’étiquetage des boissons alcoolisées. L’un des projets financés par ce programme est l’étude sur l’étiquetage au Yukon. Nous souhaitons en connaître les résultats, ainsi que les meilleures pratiques au sein des pays ayant déjà mis en place une politique d’étiquetage des boissons alcoolisées, notamment l’Irlande, ou qui envisagent de le faire, comme la Nouvelle-Zélande, l’Australie, et les États-Unis.

La sénatrice McPhedran : Je tiens d’abord à vous remercier pour votre présence parmi nous. Je comprends que vous deviez peut-être en référer à d’autres membres de votre ministère. Il se trouve que j’ai déjà fait partie d’une campagne concertée visant à mettre fin au tabagisme dans les restaurants et autres lieux publics à Toronto, dans les années 1980. J’ai pu constater de mes propres yeux l’influence considérable du lobby du tabac, et notamment leur recours aux poursuites judiciaires.

Santé Canada a-t-il mis en place une stratégie en matière de règlement des litiges? À votre avis, avons-nous tiré les leçons des efforts entrepris pendant les 30 dernières années pour réduire la consommation d’alcool à l’échelle nationale?

Mme Mawani : Je vais devoir m’en remettre à mes collègues d’autres services pour répondre à cette question. Nous serons ravis d’assurer un suivi dans les plus brefs délais.

La sénatrice McPhedran : Je vous remercie. J’en conclus que le comité peut espérer recevoir une réponse par écrit?

Mme Mawani : Tout à fait.

La sénatrice McPhedran : D’accord, merci beaucoup.

La sénatrice Burey : Je remercie nos invités de nous avoir transmis plusieurs renseignements concernant la participation de Santé Canada envers divers programmes.

Je suis pédiatre. Je vais aller droit au but et poser la question suivante : est-ce que ce type de programmes fonctionnent réellement? Nous sommes confrontés à une crise de santé mentale à l’échelle nationale, et notamment à une augmentation considérable de jeunes canadiens aux prises avec des problèmes de toxicomanie et d’alcoolisme. J’ai moi-même eu l’occasion à plusieurs reprises de discuter avec de jeunes patients.

Nous sommes déjà familières avec les risques liés au cancer, qui sont abordés dans ce projet de loi. N’est-il pas temps d’adopter une approche plus énergique en matière de lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie? Nous n’avons tout simplement pas les moyens financiers de soutenir cette consommation, et c’est l’une des choses que nous devons faire.

Je devais faire ce préambule. Ma prochaine question est la suivante : pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas publié sur son site Web la version actualisée des Directives de consommation d’alcool, lesquelles sont désuètes?

Mme Mawani : Les Directives de consommation d’alcool à faible risque du Canada fournissent des renseignements sur la manière de réduire les risques liés à l’alcool. Elles indiquent clairement que toute consommation d’alcool, quelle qu’en soit la quantité, peut présenter un risque pour la santé, et fixent une limite, mais non un objectif de consommation.

Ces directives ont été publiées pour la première fois en 2023 par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, le CCDUS. Par la suite, Santé Canada a accordé au CCDUS une enveloppe supplémentaire de 2 millions de dollars afin de collaborer avec les intervenants de tout le pays pour aider à orienter l’élaboration d’outils sur la consommation d’alcool à l’intention des Canadiens. Ce travail de collaboration, qui s’est récemment terminé au printemps 2025, nous a aidés à communiquer de manière efficace avec les différents segments de la population canadienne au sujet des risques liés à la consommation d’alcool.

Par ailleurs, Santé Canada procède actuellement à une analyse des résultats de ces travaux afin de mieux comprendre comment communiquer à la population canadienne certains types de changements de comportement souhaités.

La sénatrice Burey : Comptez-vous procéder à une mise à jour des recommandations concernant la consommation d’alcool et les risques qui lui sont associés?

Mme Mawani : Nous examinons les résultats de la consultation. À l’heure actuelle, la consommation d’alcool à faible risque figure sur le site Web de Santé Canada.

La sénatrice Burey : Donc si je comprends bien, le site Web de Santé Canada n’a pas encore été mis à jour?

Mme Mawani : Les Directives de consommation d’alcool à faible risque du Canada figurent toujours sur notre site Web.

La sénatrice Burey : Si ce projet de loi finit par être adopté, pensez-vous qu’il renforcera la nécessité de mettre à jour les directives sous l’angle de la prévention?

Mme Mawani : Il existe différentes manières de sensibiliser la population canadienne aux méfaits de la consommation d’alcool. Nous continuons d’examiner l’éventail des pratiques exemplaires en matière de recherche, y compris celles adoptées par d’autres pays, afin d’améliorer nos méthodes de communication.

Le sénateur Brazeau : Je tiens d’abord à remercier nos témoins pour leur présence parmi nous. Si j’ai bien compris, Santé Canada finance les recherches menées par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances dans le but de mettre à jour ses lignes directrices. Est-ce exact?

Mme Mawani : Oui, c’est exact.

Le sénateur Brazeau : Cet organisme, en collaboration avec des experts canadiens de renom parrainé par l’Université de Victoria, a également reçu une enveloppe de financement de Santé Canada pour mener des travaux sur les politiques du gouvernement fédéral relatives à l’alcool. L’une des recommandations du CCDUS et des chercheurs affiliés à l’Université de Victoria est d’apposer des étiquettes d’avertissement claires sur l’ensemble des produits alcoolisés.

Pourriez-vous nous dire si vous avez examiné cette recommandation spécifique? Si tel est le cas, depuis 2023, date à laquelle les nouvelles lignes directrices ont été publiées, Santé Canada a-t-il recommandé à la ministre d’aller de l’avant avec l’étiquetage des produits alcoolisés?

Mme Mawani : En ce qui concerne l’étiquetage des produits alcoolisés, je peux vous confirmer que Santé Canada continue d’évaluer un certain nombre de mesures.

Comme je l’ai déjà mentionné, nous continuons à suivre l’évolution de la recherche à l’échelle internationale, notamment en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Irlande, et aux États-Unis.

Depuis 2002, l’Australie et la Nouvelle-Zélande imposent des renseignements standardisés sur l’ensemble des boissons alcoolisées, auxquelles s’ajoutent depuis 2023 des avertissements obligatoires destinés aux femmes enceintes afin de prévenir les troubles causés par l’alcoolisation fœtale.

La loi irlandaise de 2018 sur la santé publique impose un étiquetage obligatoire sur l’ensemble des boissons alcoolisées, incluant des avertissements concernant la grossesse, le cancer et les maladies du foie. À partir de 2028, toutes les boissons alcoolisées en Irlande devront comporter des mentions explicites.

Nous nous intéressons également aux politiques lancées par d’autres pays. Aux États-Unis, notamment, une loi datant de 1988 indique que chaque boisson alcoolisée doit comporter une mise en garde concernant les risques de troubles de la fonction cognitive.

Nous continuons d’évaluer les pratiques exemplaires à l’échelle internationale, et à suivre l’évolution de différents projets, notamment certains projets financés par le PUDS. Ma collègue, Mme Todd, sera en mesure de vous en dire davantage, et de vous parler d’une étude intéressante menée au Yukon concernant l’étiquetage des boissons alcoolisées.

Sheri Todd, directrice générale, Direction des politiques, de la planification et des programmes horizontaux, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis, Santé Canada : Je suis heureuse de vous parler de deux des projets que nous finançons. L’un d’eux est mis en œuvre en collaboration avec l’Université de Victoria, comme vous l’avez mentionné, et l’Institut canadien de recherche sur l’usage de substances. Il s’agit du projet intitulé « Mise à jour, optimisation et élargissement du projet d’évaluation des politiques canadiennes sur l’alcool ». Ce projet consiste à élaborer et à mettre en œuvre deux initiatives. L’une de ces initiatives vise à accroître la sensibilisation, l’adoption et la mise en œuvre de...

Le sénateur Brazeau : Excusez-moi. Je ne veux pas vous interrompre, mais je ne tiens vraiment pas à savoir ce que vous financez à l’heure actuelle. Ce que je veux savoir, c’est ce que vous ne financez pas.

Si Santé Canada finance toutes ces recherches et subventionne les experts canadiens en matière de politiques sur l’alcool, et que ces experts suggèrent à Santé Canada d’apposer des étiquettes d’avertissement quant aux risques de cancer sur les produits alcoolisés, ma question est la suivante : pourquoi ne financez-vous pas cela? C’est la seule chose que je veux savoir.

Je ne veux pas savoir ce que vous vivez actuellement, car j’ai un bureau où trois personnes s’occupent également de suivre ce qui se passe dans d’autres pays. Vous disposez de beaucoup plus de ressources humaines et financières que nous.

Je voudrais savoir si les personnes auxquelles vous accordez des subventions au Canada pour qu’elles mènent à bien des travaux très importants vous recommandent d’apposer des étiquettes d’avertissement quant aux risques de cancer sur les produits alcoolisés vendus au Canada. Ma question est la suivante : que faites-vous concrètement pour que cela se réalise?

Depuis 2023, Santé Canada a-t-il fait des recommandations au ministre de la Santé concernant la nécessité d’apposer des étiquettes d’avertissement sur les produits cancérigènes vendus au Canada? C’est tout ce que je cherche à savoir.

La vice-présidente : Sénateur Brazeau, votre temps est écoulé. Je vais vous demander de répéter cette question pendant la deuxième série de questions. Cela donnera à nos hauts fonctionnaires de la santé le temps d’y répondre.

La sénatrice Senior : Le sénateur Brazeau a posé ma question, mais j’aimerais approfondir un peu plus le sujet. Tout d’abord, Santé Canada dispose-t-il de son propre service de recherche sur les effets et les méfaits de l’alcool?

Mme Mawani : Les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, font partie du portefeuille de la Santé, au même titre que Santé Canada et l’Agence de la santé publique du Canada. Ils financent la recherche sur les préjudices liés à l’alcool.

Les IRSC ont mené des recherches sur l’étiquetage des boissons alcoolisées, y compris des études actuelles axées sur l’incidence des interventions sur les taux de consommation.

La sénatrice Senior : Je suis désolée de vous interrompre, mais j’avais juste besoin d’un oui ou d’un non. Merci.

Les résultats de ces recherches correspondent-ils à ce qu’indique le projet de loi S-202 au sujet des sept cancers?

Mme Mawani : Ces recherches se poursuivent. Par exemple, il y a actuellement deux projets qui étudient l’incidence de l’étiquetage des boissons alcoolisées sur les taux de consommation.

La sénatrice Senior : Je vous interroge à propos des sept cancers et non pas tant à propos de l’étiquetage. Les résultats de ces recherches sont-ils semblables, identiques ou différents?

Mme Mawani : Les risques pour la santé associés à la consommation d’alcool concernant divers types de cancer, dont le cancer du foie, de l’œsophage, du pharynx, du larynx, du côlon, du rectum et du sein, sont bien établis, tout comme les risques de développer d’autres problèmes de santé graves, comme l’hypertension et les maladies du foie.

La sénatrice Senior : Ces risques sont donc connus à Santé Canada.

Mme Mawani : Ils sont bien établis.

La sénatrice Muggli : Je vous remercie de votre présence. En toute transparence, je précise que j’ai 36 années d’expérience dans le domaine de la toxicomanie en tant qu’ancienne travailleuse sociale et administratrice des soins de santé. Au cours de ces 36 années, je n’ai constaté que des augmentations du nombre de cas d’intoxication alcoolique traités aux urgences.

Je vais me tourner vers les programmes sur l’usage et les dépendances aux substances, ou PUDS. C’est ainsi que je les appelais à l’époque. Je sais qu’un grand nombre de projets pilotes sur l’usage et les dépendances aux substances ont peut‑être donné des résultats positifs, mais qui finance les véritables programmes par la suite?

D’après ce que j’ai compris, du financement est accordé à des organisations pour leur permettre de mettre à l’épreuve de nouvelles approches. Ensuite, en désespoir de cause, ces organisations doivent tenter de convaincre leur province ou leur autorité sanitaire de financer ces approches.

Vous avez parlé de continuer à surveiller, examiner, chercher des solutions, entre autres choses. En tant que fournisseur de soins de santé, je ne permettrais jamais à mon personnel d’utiliser le mot « surveiller » dans leurs dossiers, car cela signifie en quelque sorte que rien ne se passe. Ce travail n’est pas orienté vers l’action.

Quand serez-vous en mesure de communiquer les conclusions que vous avez tirées de votre surveillance ou de votre examen de différentes façons de lutter contre ce problème?

Mme Todd : Je peux répondre à la première partie de votre question.

Vous avez raison, le financement du PUDS accordé par le gouvernement fédéral est limité dans le temps. L’idée derrière le financement du PUDS est de fournir des fonds à des projets pilotes qui ne reçoivent pas de financement de la part des gouvernements provinciaux ou territoriaux, ou de la part des hôpitaux. Ces programmes sont destinés à être novateurs et à servir de projets pilotes.

D’emblée, les objectifs du projet doivent comprendre des plans de durabilité pour que le projet obtienne du financement.

Le but est qu’une province, un territoire, un hôpital local ou un organisme communautaire puisse financer le projet de façon continue.

La sénatrice Muggli : Savez-vous quel pourcentage des projets pilotes sur l’usage et les dépendances aux substances obtiennent effectivement un financement continu et deviennent des programmes?

Mme Todd : Je ne dispose pas de ce pourcentage.

La sénatrice Muggli : Cette information constituerait un indicateur important de votre programme.

Mme Todd : Je peux me renseigner à ce sujet.

La sénatrice Muggli : Ce serait formidable.

Mme Todd : Nous savons qu’un certain nombre de provinces, de territoires et d’hôpitaux, par exemple, ainsi que d’autres organisations, assurent la continuité des projets.

Par exemple, un de ces projets, qui a été mené au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario, ou CHEO, a été jugé fructueux. Vous avez parlé du fait d’être dans un hôpital. Ce projet visait à mettre au point un outil de dépistage qui serait utilisé par les fournisseurs de services au CHEO. À l’origine, ce projet était mené en partenariat avec Rideauwood. Il tentait de contribuer à l’élaboration d’un outil de dépistage de la consommation de substances chez les jeunes âgés de 12 à 21 ans ayant des problèmes de santé liés à la consommation d’alcool ou de substances.

Le projet a contribué à accroître l’utilisation d’un outil de dépistage fondé sur des données probantes par les fournisseurs de services qui travaillent aux points d’accès du CHEO. Cela a permis de faire en sorte que les jeunes qui se présentaient à l’hôpital reçoivent les outils appropriés après avoir été identifiés comme ayant des problèmes de consommation de substances. Ce programme a été intégré au système hospitalier.

Tous les projets ne nécessitent donc pas un financement continu; certains d’entre eux ont simplement besoin d’un financement initial de la part du Programme sur l’usage et les dépendances aux substances. Ils peuvent ensuite continuer d’avancer dans leur cadre actuel.

La sénatrice Muggli : Voulez-vous poursuivre en répondant à l’autre question que j’ai posée concernant la communication des résultats liés aux enseignements tirés?

Mme Mawani : Oui. En ce qui concerne la communication des résultats liés aux enseignements tirés, il s’agit vraiment d’un processus continu. Que ce soit dans le cadre de notre collaboration avec les IRSC, de projets du Programme sur l’usage et les dépendances aux substances ou de l’élaboration de politiques internes, il s’agit d’un processus continu et évolutif dont nous cherchons à en tirer des enseignements, que ce soit par l’intermédiaire de forums multilatéraux, d’une participation à des conférences internationales ou d’une collaboration avec les provinces et les territoires, qui sont des partenaires importants. Ce processus est continu.

La sénatrice Muggli : Je vous remercie, madame Mawani.

La sénatrice Arnold : Je vous remercie de votre présence. J’ai été frappé par une observation que le sénateur Brazeau a formulée tout à l’heure, selon laquelle la bière Corona sans alcool comporte en fait un avertissement recommandant de ne pas en boire plus de deux en raison de sa teneur en vitamine D. Je me souviens que, quand j’étais enfant, je buvais des colas diètes, et je ne sais pas si c’est toujours le cas, mais il y avait un avertissement qui disait ce qui suit : « Ce produit peut causer le cancer chez les animaux de laboratoire ».

D’un point de vue historique, j’aimerais savoir — et peut-être que ce n’est pas juste pour vous, car vous avez tous l’air très jeunes — comment cette décision a été prise, même au niveau le plus élémentaire. Nous n’avons aucune obligation en matière de calories, de glucides, de sucre ou de matières grasses. Par conséquent, comment se fait-il qu’un produit consommé par les Canadiens d’un océan à l’autre ne comporte littéralement aucune indication, alors qu’il a clairement une incidence directe sur leur santé?

Martin Duplessis, directeur général par intérim, Direction des aliments et de la nutrition, Direction générale des produits de santé et des aliments : Au Canada, toutes les boissons alcoolisées sont réglementées en tant que denrées alimentaires en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, du Règlement sur les aliments et drogues et de la Loi sur la salubrité des aliments au Canada. À l’heure actuelle, elles sont soumises aux exigences générales en matière d’étiquetage des aliments. Les éléments obligatoires de l’étiquette sont la teneur en alcool par volume, les allergènes prioritaires, les sources de gluten, les sulfites ajoutés, les noms communs, les quantités nettes et les détails de fabrication. La liste des ingrédients n’est pas obligatoire, car les produits normalisés sont soumis à des normes de composition. Il existe également des produits non normalisés, comme le scotch, pour lesquels les consommateurs internationaux connaissent généralement la composition.

Les tableaux de la valeur nutritive ou l’étiquetage sur le devant des emballages ne sont pas obligatoires, sauf si les fabricants font valoir que leur produit est faible en calories. Dans ce cas, ils doivent apposer un tableau de la valeur nutritive.

Je ne connais pas l’historique de ces conventions, mais au fil du temps, ces étiquettes nutritionnelles ont été ajoutées afin d’aider les consommateurs à faire des choix éclairés. En ce qui concerne les boissons alcoolisées, je ne peux pas me prononcer sur les décisions qui ont été prises par le passé concernant les produits qui seraient exemptés de ces exigences.

La sénatrice Arnold : Vous ne savez pas pourquoi elles sont exemptées.

M. Duplessis : Non.

La sénatrice Arnold : Merci.

La sénatrice Bernard : Ma question est très simple : si le projet de loi est adopté et que l’étiquetage devient obligatoire, quelles seraient les lacunes? Je pense entre autres aux personnes qui font leur vin ou leur bière à la maison ou aux microbrasseries, comme je l’ai soulevé plus tôt avec le sénateur Brazeau. Quelles lacunes entrevoyez-vous?

M. Duplessis : C’est une bonne question. Nous sommes encore en train d’analyser les incidences possibles du projet de loi. Bien évidemment, nous examinons attentivement les failles que le texte pourrait renfermer.

La sénatrice Bernard : Le comité a étudié une version antérieure du projet de loi à la session précédente. Avez-vous examiné cette version à l’époque ou parlez-vous de la version actuelle? Lorsque vous dites que vous examinez le projet de loi, à quoi renvoyez-vous au juste?

M. Duplessis : Je veux dire que nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues afin de tenir compte de toutes les interactions. Nous considérons le projet de loi comme un élément imbriqué dans toute une série de mesures permettant de mieux renseigner les Canadiens sur la consommation d’alcool.

La sénatrice Bernard : Merci.

La vice-présidente : Sénatrice Bernard, il vous reste deux minutes et 30 secondes.

La sénatrice Bernard : Je vais donner mon temps à mon voisin. Sénateur Brazeau, voulez-vous mes deux minutes?

Le sénateur Brazeau : Je les prends volontiers, si vous me les offrez.

Dans la foulée de ce qu’a soulevé la sénatrice Bernard, vous avez dit à plusieurs reprises que vous étudiiez le projet de loi. Or, le texte n’est pas très volumineux. Il ne compte que deux pages.

Je voudrais savoir exactement quelles conversations vous avez avec vos collègues dans le cadre de l’examen du projet de loi. Que voulez-vous dire au juste lorsque vous répondez que vous êtes en train de l’examiner? Vous l’avez entre les mains depuis 2022.

Mme Mawani : Comme je l’ai mentionné tout à l’heure, les étiquettes de mise en garde contre l’alcool font partie de toute une série d’outils qui peuvent être utilisés pour sensibiliser aux risques et aux dangers pour la santé de la consommation d’alcool. Nous poursuivons notre recension de tous les projets entrepris et de toutes les pratiques exemplaires ailleurs dans le monde. Nous avons aussi mis sur pied un programme de sensibilisation du public à l’alcool et à l’étiquetage.

En 2023, Santé Canada a mené l’Enquête sur la sensibilisation du public aux méfaits liés à l’alcool afin d’évaluer le niveau de connaissance et le point de vue du public sur l’alcool. Une des principales constatations indiquait que plus du tiers des personnes qui consomment de l’alcool ne connaissent pas le concept de verre standard. Seulement une minorité de Canadiens sont au courant des risques de cancer liés à une faible consommation d’alcool, et 62 % des personnes sondées étaient d’accord pour dire que les étiquettes apposées sur les boissons alcooliques devraient indiquer le nombre de verres standards contenus dans l’emballage.

Nous continuons de recueillir des données probantes, de recenser les pratiques exemplaires, de prendre connaissance de la recherche sur le sujet et des politiques en place dans d’autres pays parallèlement à notre examen du projet de loi.

La vice-présidente : Sénateur Brazeau, il vous reste 29 secondes, et vous aurez du temps à la deuxième série de questions. Souhaitez-vous prendre les quelques secondes qui vous restent?

Le sénateur Brazeau : Je vais seulement faire un commentaire. En tant que parrain du projet de loi et en tant que personne ayant déjà été aux prises avec les effets négatifs de l’alcool, je suis un peu déçu de vous entendre dire que vous posez des questions aux gens. Nous sommes rendus au stade où il faut plutôt informer les Canadiens. Que faites-vous pour sensibiliser les Canadiens spécifiquement aux préjudices causés par l’alcool?

La vice-présidente : Votre temps est écoulé. Je vous propose de garder votre question en note pour plus tard. Je vous réserve du temps pour la deuxième série de questions.

La sénatrice Greenwood : Bienvenue aux témoins. Merci du travail que vous accomplissez. Je voudrais soulever deux points très simples.

Tout d’abord, pour faire suite aux commentaires de mes collègues depuis le début de la discussion, je vous inviterais à nous faire parvenir vos constatations sur les différentes stratégies dont vous parlez. Vous en avez mentionné plusieurs, mais je ne pourrai pas tout retenir. Vous pourriez peut-être fournir une description de chacune des études ainsi que les principales constatations qui en découlent, particulièrement au sujet de l’étiquetage. Je sais que pour vous, l’étiquetage fait partie d’une stratégie beaucoup plus vaste ou d’une série de mesures de lutte contre la toxicomanie. Vous avez d’ailleurs employé ces termes plus tôt dans la discussion. J’aimerais que vous nous transmettiez les informations en question parce qu’elles seront très utiles au comité.

Madame Mawani, devez-vous évaluer tous ces éléments pour mener en bonne et due forme un examen du projet de loi? Beaucoup de choses ont lieu en ce moment dont vous voulez être au fait. Vous faut-il étudier tout cela avant de pouvoir dire que l’examen du projet de loi S-202 est terminé?

Mme Mawani : Notre examen du projet de loi ne tient pas seulement compte des aspects liés à la santé publique et aux politiques. Nous étudions aussi la perspective réglementaire et tout ce que pourrait comporter ce processus.

La sénatrice Greenwood : J’essaie de me faire une idée du processus et de ce que vous devez faire pour considérer comme terminé votre examen du projet de loi.

Ma deuxième question est toute simple. Je ne sais pas si vous pourrez y répondre, mais je vous la soumets de toute façon. L’adoption du projet de loi compromettrait-elle vos initiatives sur la consommation d’alcool et toutes les stratégies du même type? Freinerait-elle le travail que vous faites en ce moment?

Mme Mawani : La question porte sur les effets indésirables de l’adoption du projet de loi?

La sénatrice Greenwood : C’est exact.

Mme Mawani : Comme je le disais, nous sommes en train d’examiner le projet de loi. Nous étudions les aspects de la politique, la dimension réglementaire et les conséquences sur la santé publique. J’ai mentionné que nous considérions les étiquettes de mise en garde sur l’alcool comme un élément d’un ensemble d’outils permettant de sensibiliser aux préjudices causés par l’alcool.

La sénatrice Greenwood : Avez-vous un échéancier?

Mme Mawani : Je n’ai pas d’échéancier. Aucune date butoir n’a été fixée.

La sénatrice Petitclerc : Vos propos m’ont rappelé notre étude du projet de loi sur les emballages neutres des produits de vapotage. À l’époque, nous avions beaucoup d’informations et de données sur les préjudices causés par le vapotage, qui sont semblables à ceux causés par l’alcool. Nous savons que ces substances sont cancérogènes. L’Organisation mondiale de la santé a produit ces données, mais le processus législatif et réglementaire et la mise en place de contrôles sur le vapotage ont pourtant pris du temps.

Ma question est la suivante : pouvez-vous imposer l’étiquetage sans recourir à une loi? Selon votre expérience dans d’autres cas que celui-ci, les choses avanceront-elles plus vite après l’adoption du projet de loi?

M. Duplessis : Comme je l’ai dit, les boissons alcooliques sont réglementées comme des aliments au titre de la Loi sur les aliments et drogues, qui autorise la prise de règlements sur l’étiquetage des aliments pour éviter que le consommateur soit trompé. La loi interdit également la vente d’aliments qui ne sont pas étiquetés conformément au règlement.

Santé Canada a déjà utilisé l’étiquetage pour atténuer les risques dans le passé. Dans ce cas-ci, sur le plan opérationnel, des modifications devront être apportées au Règlement sur les aliments et drogues. Lorsque des décisions stratégiques sur l’étiquetage sont adoptées, il faut mener un examen approfondi qui tient compte entre autres des aspects juridiques et du point de vue des consommateurs.

La sénatrice Petitclerc : Vous auriez la capacité d’imposer l’étiquetage si vous décidiez de le faire. Est-ce exact?

M. Duplessis : Oui.

La sénatrice Petitclerc : Si je comprends bien, vous avez la capacité de mettre cela en place. Diriez-vous toutefois que de recourir à une loi ferait accélérer les choses?

M. Duplessis : Oui.

La sénatrice Petitclerc : La loi ajouterait-elle de la pression? Vous donnerait-elle les outils dont vous avez besoin? Me comprenez-vous? Je voudrais savoir en somme si la loi vous aiderait.

M. Duplessis : C’est une bonne question. Comme je l’ai mentionné, nous pouvons imposer l’étiquetage en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, comme nous le faisons pour les allergènes. Dans ce cas-ci, il faudra aussi apporter des modifications au règlement en suivant le processus habituel. Voilà la marche à suivre si nous voulons inclure la question de l’étiquetage.

[Français]

Le sénateur Boudreau : Merci à nos invités.

Nous avons beaucoup parlé des effets positifs de ce projet de loi au comité, et il semble y avoir un quasi-consensus sur ses effets positifs. Comme parlementaires, nous devons quand même envisager toutes les facettes d’une question. Dans votre recherche — car vous êtes en train d’étudier le projet de loi —, est-ce que vous avez étudié l’impact que cela aurait sur l’industrie? Est-ce qu’il y aura des impacts autres que financiers? Il y a quand même des centaines, si ce ne sont pas des milliers de brasseurs, de distilleries et de vignobles. Ce ne sont pas tous des géants internationaux; certaines compagnies sont familiales. Connaissez-vous les impacts négatifs sur l’industrie et pouvez‑vous nous en parler, s’il vous plaît?

M. Duplessis : Tout ce que vous mentionnez fait partie du processus régulier d’implantation d’une réglementation. S’il y a une décision qui est prise au chapitre de l’étiquetage, en tant que fonction publique, on doit suivre toutes les étapes classiques d’un changement de règlement, soit la consultation, le développement de politiques et l’examen de toutes les différentes options. De plus, comme toute publication d’un règlement, on se doit d’avoir ce qu’on appelle un résumé de l’étude d’impact de la réglementation.

Le sénateur Boudreau : Pouvez-vous partager certains résultats avec nous?

M. Duplessis : Ce processus se fait lorsqu’il y a un processus réglementaire qui est enclenché.

Le sénateur Boudreau : Merci.

[Traduction]

La vice-présidente : Voilà qui met fin à la première série de questions.

Nous avons cinq sénateurs pour la deuxième série de questions. Le temps pour les questions et réponses se limitera à deux minutes. Soyez donc précis dans vos questions. Vous pourriez avoir à demander aux témoins de bien vouloir fournir leur réponse par écrit.

Le sénateur Brazeau : Ma question précédente portait sur le financement par Santé Canada du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, qui a élaboré les nouvelles lignes directrices sur la consommation d’alcool, et du Canadian Institute for Substance Use Research, qui est établi à l’Université de Victoria. Comme je l’ai dit, les grands spécialistes des politiques sur l’alcool au Canada, qui sont issus de ces organismes — et de plusieurs autres organismes au pays, mais principalement de ceux-là —, ont recommandé à Santé Canada d’apposer sur les produits alcooliques vendus au Canada des étiquettes de mise en garde claire.

Ces personnes qui reçoivent votre financement s’acquittent de leur mandat. Puisque ces grands spécialistes produisent des rapports et des études et nous donnent leur avis sur les mesures à prendre, pouvez-vous nous dire — depuis la publication des nouvelles lignes directrices en 2023 — si Santé Canada a recommandé au ministre d’apposer des étiquettes de mise en garde sur les produits alcooliques? Le cas échéant, combien de fois cette recommandation a-t-elle été faite?

Mme Mawani : Nous continuons à étudier la question de l’étiquetage des produits alcooliques, comme je le disais, en considérant les diverses pratiques exemplaires, les procédures d’étiquetage des boissons alcooliques en place dans d’autres pays de même que les projets et pratiques exemplaires au Canada. Nous tenons compte de tous ces éléments dans le contexte de la série de mesures sur la consommation d’alcool et les dangers qui y sont associés.

Que ce soit la recherche sur l’opinion publique que nous avons menée, que j’ai mentionnée tout à l’heure, les projets financés par le Programme sur l’usage et les dépendances aux substances, ou le recensement de ce que font les autres pays — tels que l’Irlande —, nous portons un regard holistique sur le sujet.

La sénatrice Muggli : Le processus dans le dossier de l’étiquetage du tabac a dû être sans aucun doute à la fois difficile et intéressant. Je suppose que vous avez appris des choses qui vous aideront à mettre en place un processus efficace pour l’étiquetage de l’alcool. Pourriez-vous décrire ce que vous avez retenu du dossier de l’étiquetage du tabac qui pourrait être transposé dans celui de l’étiquetage de l’alcool?

Mme Mawani : Les principales dispositions fédérales qui réglementent l’alcool sont différentes de celles qui s’appliquent au tabac, mais nous communiquerons avec plaisir avec nos collègues responsables du tabac à Santé Canada pour vous relayer ensuite les enseignements qu’ils ont tirés de l’étiquetage du tabac.

La sénatrice Muggli : Ces informations nous seraient très utiles. Merci.

La sénatrice McPhedran : Encore une fois, je vous suis reconnaissante, et je crois que mes collègues le sont également, d’avoir pris le temps de vous joindre à nous et de répondre minutieusement à nos questions. Je verbalise aux fins du compte rendu le souhait que vous transmettiez un message à votre ministre.

Nous avions invité la ministre à se joindre à la réunion d’aujourd’hui. Nous vous remercions de votre présence, mais je dois vous avouer que nous nous attendions à ce que la ministre de la Santé réponde à notre invitation. Cette conversation doit se tenir avec le gouvernement et avec une dirigeante issue du Cabinet. Je vous demanderais de relayer, s’il vous plaît, ce message à la ministre.

Mme Mawani : Je serais heureuse de transmettre le message. Merci.

La sénatrice Senior : J’ai plusieurs petites questions qui nécessitent des réponses brèves. Depuis combien de temps Santé Canada est-il au courant de la causalité entre l’alcool et le cancer?

Mme Mawani : Les risques bien établis entre la consommation d’alcool et le cancer sont exposés dans le Guide alimentaire canadien. Il y a une section sur l’alcool dans le guide. Je ne sais pas exactement depuis combien de temps le document est en ligne, mais sauf erreur, il l’est certainement depuis cinq ans.

La sénatrice Senior : Merci. Je suppose que plusieurs ministres se sont succédé au cours des cinq dernières années. La ministre actuelle a-t-elle été informée de la corrélation entre l’alcool et le cancer?

Mme Mawani : La ministre a reçu les informations sur le bouquet de mesures prises dans le cadre de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, que j’ai mentionnée plus tôt, y compris sur les préjudices causés par l’alcool, la consommation d’alcool et les dangers qui y sont associés.

La sénatrice Senior : Merci. Ma prochaine question rejoint une des questions de la sénatrice Petitclerc. Est-ce que Santé Canada, même en l’absence d’un projet de loi, a déjà pris des mesures proactives autres que l’étiquetage? A-t-il déjà mis en garde les Canadiens à propos des dangers pour la santé?

Mme Mawani : Santé Canada a lancé plusieurs campagnes de sensibilisation du public. Des messages destinés expressément aux jeunes sont publiés sur le site Web de Santé Canada pour exposer les préjudices causés par la consommation d’alcool et proposer aux jeunes adultes qui choisissent de consommer des boissons alcoolisées des conseils sur la réduction des risques. Des messages sur l’alcool ont aussi été intégrés...

La sénatrice Senior : Je voulais parler de mises en garde liées aussi au cancer. En avez-vous fait?

Mme Mawani : Santé Canada a lancé une campagne de sensibilisation à la polyconsommation intitulée Comment réduire tes risques, qui traite de toutes les substances, y compris l’alcool, et des risques variés qui y sont associés.

La sénatrice Senior : Merci.

La sénatrice Burey : Merci de votre présence parmi nous. Je suis médecin, mais en tant que simple citoyenne canadienne, je sais que l’alcool est une substance cancérogène du groupe 1 selon le classement du Centre international de recherche sur le cancer. Cette substance appartient au même groupe que le tabac. Pourquoi les politiques de mise en garde et d’étiquetage ne sont‑elles pas les mêmes pour les deux?

Mme Mawani : Santé Canada continue à étudier la question de l’étiquetage de l’alcool.

La sénatrice Burey : Cette substance fait partie des cancérogènes du groupe 1. J’essaie de comprendre pourquoi vous procédez de la sorte. Même si l’alcool est un cancérogène du groupe 1 comme le tabac, il est traité différemment.

Mme Mawani : Comme je le disais, nous continuons à examiner les meilleures données probantes et les pratiques exemplaires.

La sénatrice Burey : Merci.

Mme Todd : Il faut préciser que les principales lois fédérales qui encadrent l’alcool ne sont pas les mêmes que celles qui encadrent le tabac. Mes collègues veulent peut-être ajouter quelque chose.

M. Duplessis : Pour notre part, l’étiquetage est régi par la Loi sur les aliments et drogues. Pour revenir à la discussion sur l’examen de toute la série de mesures, toute décision stratégique sur la nécessité ou non de l’étiquetage doit être considérée par rapport aux autres mesures. Ensuite, si la décision est mise à exécution, elle le sera au titre du Règlement sur les aliments et drogues...

La sénatrice Burey : Merci.

La vice-présidente : Sénateurs, voilà qui met fin à la série de questions. Je remercie tous les témoins de leur contribution.

(La séance est levée.)

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