LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 5 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 15 (HE), pour étudier le projet de loi S-212, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada.
Flordeliz (Gigi) Osler (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Je m’appelle Flordeliz (Gigi) Osler. Je suis une sénatrice du Manitoba et la vice-présidente du comité.
J’aimerais que les sénateurs se présentent à tour de rôle.
Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, de la Nouvelle-Écosse. Je remplace la sénatrice Wanda Bernard.
La sénatrice Senior : Paulette Senior, de l’Ontario, simple mortelle.
[Français]
Le sénateur Boudreau : Victor Boudreau, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Burey : Sharon Burey, de l’Ontario.
La sénatrice Hay : Katherine Hay, de l’Ontario.
La sénatrice Arnold : Dawn Arnold, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur McNair : John McNair, du Nouveau-Brunswick. Je remplace la sénatrice Greenwood.
La sénatrice Muggli : Tracy Muggli, de la Saskatchewan, territoire du Traité no 6.
La vice-présidente : Aujourd’hui, nous commençons notre étude du projet de loi S-212, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada.
Nous accueillons d’abord notre collègue, l’honorable sénatrice Rosemary Moodie, qui est la marraine du projet de loi. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui.
Sénatrice, vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Ensuite, nous passerons aux questions des membres du comité. Sénatrice Moodie, la parole est à vous.
L’honorable Rosemary Moodie, marraine du projet de loi : Honorables sénateurs, je tiens d’abord à vous remercier à l’avance d’examiner avec diligence cette mesure législative. Je suis heureuse que le comité soit saisi du projet de loi S-212, car je sais qu’il l’étudiera très rigoureusement, ce qui contribuera à l’améliorer.
Si le projet de loi S-212, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada, est adopté, il permettra l’élaboration d’une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada. Il importe de préciser que ce projet de loi n’énonce pas la stratégie, mais il établit certains éléments qui devraient être inclus dans la stratégie, si le gouvernement doit mettre en œuvre cette mesure législative.
Par exemple, le projet de loi stipule que la stratégie doit inclure des mesures pour faire en sorte que le Canada respecte pleinement certaines conventions internationales et énumérer les ressources nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie, entre autres mesures clés.
Le projet de loi prévoit également une norme minimale en matière de consultations. La liste figure à l’article 3. Elle n’est pas exhaustive, mais elle met plutôt en évidence certains groupes et certaines personnes qui ne doivent pas être ignorés ou oubliés.
Je suis fière de ce projet de loi tant pour son objectif que pour la manière dont il a été élaboré.
Chers collègues, comme vous le savez, ma priorité a toujours été de travailler à soutenir les droits et le bien-être des enfants et des jeunes. J’ai eu l’honneur de travailler en étroite collaboration avec de nombreux intervenants — et vous rencontrerez un bon nombre d’entre eux durant votre étude du projet de loi — ainsi qu’avec des enfants et des jeunes, des députés, des ministres et vous-mêmes, mes honorables collègues.
J’ai d’abord concentré mon travail à cet égard sur la création d’un bureau chargé de rendre des comptes sur les questions liées aux enfants et aux jeunes. Je me suis également beaucoup intéressée à la question de la pauvreté infantile, à l’accès des enfants à des médicaments sûrs et à l’insécurité alimentaire.
Chaque fois que nous avons cherché à faire avancer les choses, nous nous sommes heurtés aux lacunes d’un système disparate qui donne de mauvais résultats à un coût élevé pour les contribuables; un système inefficace qui laisse pour compte ceux qui ont le plus besoin d’aide; un système qui désavantage les enfants autochtones, noirs ou d’origine ethnique non blanche, les enfants des régions rurales et isolées et les enfants handicapés; un système qui manque d’ambition et de vision.
Nous ne savons pas où nous allons. Nous ne savons pas si les enfants se portent mieux aujourd’hui qu’hier. Sans données, sans objectifs ni buts, nous avançons à l’aveuglette. C’est pourquoi nous avons besoin d’une stratégie.
Chaque fois que je m’entretiens avec des hauts fonctionnaires et des ministres, je suis constamment alarmée par l’absence d’orientation claire ou d’ambition.
Les enfants retiennent l’attention lorsqu’il y a une crise, mais pas en d’autres temps. Si vous demandiez quels résultats sont souhaités pour les enfants dans des domaines tels que la santé, l’éducation ou la sécurité, vous obtiendriez des regards vides et, franchement, des réponses évasives.
Ce n’est pas suffisant.
Au vu de la récurrence de ces problèmes, il est apparu clairement qu’un changement systémique était nécessaire. À l’automne 2022, mon bureau a commencé à travailler avec des intervenants sur l’idée d’une stratégie nationale qui permettrait à terme de donner un sens à la manière dont nous prenons soin de nos enfants et de nos jeunes.
Nous avons organisé des tables rondes avec des intervenants qui ont permis de jeter les bases de ce projet de loi. Vous avez tous reçu une copie du rapport issu de ces tables rondes. Je peux donc affirmer avec certitude que cette mesure législative a été élaborée en collaboration avec les enfants et les jeunes ainsi que leurs représentants. Ce projet de loi a donc été déposé pour la première fois en novembre 2024, puis il a été présenté à nouveau cette année.
Il est important que vous sachiez, chers collègues, que mon équipe a examiné ce projet de loi ligne par ligne avec les intervenants afin de s’assurer qu’il correspond au rapport et aux attentes découlant de notre travail.
Chers collègues, voici le point essentiel : nous avons besoin d’une vision pour nos enfants et nos jeunes. Nous devons décider ce que nous voulons pour eux et comment concrétiser cela. Le fait que nous n’ayons pas de plan à cet égard est consternant.
La résolution de cette question est essentielle à l’intégrité morale de notre pays, à notre position sur la scène internationale et au bien-être de tous les enfants. Je vous remercie et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
La vice-présidente : Merci, sénatrice Moodie.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Vous disposerez, chers sénateurs, de quatre minutes pour vos questions, ce qui inclut les réponses.
La sénatrice Hay : Sénatrice Moodie, j’avais l’intention de vous poser une question lorsque vous avez abordé ce sujet au Sénat, mais je ne connaissais pas les règles. J’ai ressorti ma question afin de la relire. J’apprécie grandement ce projet de loi et je me réjouis qu’il soit enfin présenté. J’applaudis sincèrement cette mesure.
J’aurais quelques questions, si vous le permettez. J’aimerais beaucoup connaître votre point de vue. Je ne vois rien de spécifique dans le projet de loi, mais je constate qu’on fait souvent référence au bien-être, et c’est ce que nous voulons. Nous souhaitons mettre l’accent sur le bien-être des jeunes. Je m’inquiète bien sûr pour leur santé mentale. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une préoccupation croissante, mais plutôt d’une crise qui dure depuis longtemps.
Comment croyez-vous que ce projet de loi parviendra à régler les défis liés à la santé mentale et qu’il sera intégré dans les politiques et les programmes fédéraux? En fait, ma question est la suivante : craignez-vous que ce projet de loi, qui implique une collaboration entre plusieurs services de Santé Canada, de Services aux Autochtones et de l’Agence de la santé publique du Canada, ne soit qu’une occasion de créer d’autres failles qui serviront d’excuses? Craignez-vous cela lorsqu’on passera à l’étape de la stratégie?
La sénatrice Moodie : Lorsque j’ai discuté avec des intervenants de première ligne, des défenseurs des droits des enfants, des personnes qui s’occupent de familles bénéficiaires de l’aide sociale, j’ai appris une chose : quelle que soit la province d’où ils viennent, où ils se trouvent, la collaboration autour d’une stratégie et son effet unificateur leur seront très utiles.
Cela les aide à comprendre ce qui est mis en pratique. Cela les aide à prendre connaissance plus facilement des pratiques exemplaires. Et cela leur permet de suivre une voie commune, malgré les différences entre les provinces, au sein d’un seul pays qui a convenu, dès le début du processus, d’une vision pour les enfants, de valeurs à promouvoir et d’objectifs à atteindre.
Définir clairement nos priorités permettrait de nous assurer que les gouvernements, les fournisseurs de services et les organisations de la société civile soient sur la même longueur d’onde et qu’ils puissent rendre des comptes. Cela maximiserait l’efficacité de nos efforts actuels en tirant parti des synergies entre eux, en profitant des possibilités de coordination, en suivant les progrès, en examinant et en comprenant notre rendement sur l’investissement et en prenant des décisions éclairées pour modifier notre approche lorsque cela est nécessaire.
La sénatrice Hay : Alors, dans cinq ans, sénatrice, quels seront vos constats et qu’est-ce qui aura changé? En quoi la situation sera-t-elle différente dans cinq ans, lorsque vous examinerez ces choses intangibles?
La sénatrice Moodie : Pour vous donner une idée de ce à quoi cela pourrait ressembler, je vous donnerais l’exemple d’un pays comme l’Irlande. L’Irlande a élaboré une sorte de stratégie intitulée « De meilleurs résultats, un avenir meilleur », un cadre national sur six ans qui lui a permis d’examiner comment mieux coordonner ses services, ses ministères, sa collectivité et divers secteurs afin qu’ils travaillent ensemble. Elle a intégré la voix des enfants à la démarche, créé un cadre structuré, axé sur les résultats, assorti d’indicateurs clairs à surveiller, a exigé des rapports périodiques, a analysé les problèmes émergents et formulé des recommandations de changements.
Elle a ainsi pu suivre les progrès, cerner les lacunes et rectifier ses politiques pour mieux progresser vers son objectif de manière beaucoup plus efficace que si elle s’était contentée d’investir sporadiquement des fonds et d’élaborer des politiques cloisonnées, comme nous le faisons, il faut bien le dire.
La sénatrice Burey : Sénatrice Moodie, merci infiniment d’avoir présenté ce projet de loi. Nous sommes toutes deux pédiatres, et qui aurait pu imaginer que nous nous retrouverions aujourd’hui au sein du même comité à discuter de ce sujet qui nous tient tant à cœur.
Je vais donc, comme nous le faisons souvent dans ce comité, renvoyer la balle aux autres sénateurs. Je souhaite mettre l’accent sur l’aspect de la santé mentale, parce qu’on ne mentionne pas explicitement la santé mentale dans ce projet de loi, mais seulement le bien-être, qui n’est toujours pas défini — et nous pouvons en discuter. Mais comment pensez-vous que cette stratégie pourrait intégrer la santé mentale comme pilier essentiel?
La sénatrice Moodie : La première chose à comprendre et à reconnaître, c’est que nous ne sommes pas en train d’élaborer une stratégie, mais de donner au gouvernement une loi qui lui demandera de le faire. Il appartiendra au gouvernement de faire l’analyse nécessaire pour comprendre quelles sont ses priorités et quels sont ses objectifs.
Dans nos discussions avec les membres de la société civile, les enfants et les jeunes, cet élément ressort beaucoup. Comment pouvez-vous nous aider à avoir accès à des services? Au Canada, 20 millions d’enfants souffrent de problèmes de santé mentale, mais seulement une fraction d’entre eux, soit 20 %, ont accès à des soins. Ces chiffres sont alarmants.
C’est ce que disent les jeunes quand on leur parle. C’est ce que disent les familles et les prestataires de services. Nous devons, dans le processus de consultation sur cette stratégie, porter cette question à l’attention du gouvernement afin qu’elle devienne une priorité reconnue.
J’ai ma propre vision des choses, mais je ne la dévoilerai pas au gouvernement. Il s’agit plutôt de lui présenter un projet de loi qui l’instruise de faire ce travail.
La sénatrice Burey : Je reviendrai sur ce point. Comme nous le savons, il est question de bien-être physique et mental dans la Loi canadienne sur la santé. Je ne peux pas affirmer que rien n’est fait en matière de santé mentale, mais elle reste négligée. Je me demande si nous ne devrions pas être plus précis, parce que c’est notre intention. J’aimerais améliorer le projet de loi, qu’en pensez-vous? Nous pourrions écrire plus expressément « santé mentale » ou « bien-être mental » et établir d’autres paramètres, car nous devons lui donner des indications. Qu’en pensez-vous?
La sénatrice Moodie : Je commencerai par dire que pour que cela fonctionne, nous ne pouvons pas être trop prescriptifs. Si nous sommes trop prescriptifs et que nous lions les mains du gouvernement, nous perdrons son intérêt. Nous pensons avoir inclus dans le projet de loi des exigences assez claires pour que le gouvernement s’occupe de certaines questions, notamment la santé et le bien-être.
Pour mesurer le bien-être, des paramètres clairs existent, notamment la santé mentale, la santé mentale des enfants, leur sentiment de satisfaction personnelle par rapport à leur vie et à leur avenir. Ces paramètres sont donc intégrés aux indicateurs de bien-être, en général, et il est largement reconnu qu’ils incluent la santé mentale.
La sénatrice Senior : Merci, sénatrice Moodie. J’ai deux questions à vous poser. J’aimerais vraiment que vous y réfléchissiez, puis que vous nous fassiez part de votre opinion, car vous êtes pédiatre et avez des dizaines d’années d’expérience. Y a-t-il un moment où vous avez vécu quelque chose de particulier qui vous a incitée à nous proposer cette mesure aujourd’hui et que vous pourriez nous raconter?
Je m’interroge également sur les répercussions de tout cela sur les organisations des Premières Nations, des Métis et des Inuits, qui expriment leur souhait de déterminer comment elles vont participer. Comment voyez-vous cela se concrétiser pour cette stratégie ou son élaboration?
La sénatrice Moodie : Commençons par le moment déclencheur. Je dirais qu’il y a de nombreux moments où le système a flanché : le système de soins a flanché, le système de soutien aux jeunes et aux enfants a flanché. Je pense que le moment déclencheur est arrivé pendant une de mes discussions avec une ancienne ministre de l’Enfance et de la Jeunesse, quand nous avons déterminé que c’était l’une des choses qui manquaient au Canada et dont le pays avait besoin. De son côté, elle estimait que si elle disposait de cet outil, cela lui faciliterait grandement la tâche pour convaincre son ministère, ses sous‑ministres adjoints et ses sous-ministres de faire évoluer les choses vers une direction coordonnée, clairement évaluée, qui nous permettrait de nous transformer, qui mettrait en évidence ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, qui mettrait de l’ordre dans le domaine de l’enfance et dans les investissements consacrés à l’enfance au Canada. Voilà le moment décisif.
Vous avez demandé qui a été consulté, je pense que c’est ce que vous voulez savoir. Nous avons consulté plusieurs groupes : l’Arctic Children and Youth Foundation, l’Assembly of Seven Generations, le Conseil national des jeunes de l’Assemblée des Premières Nations, le Boys and Girls Club, etc. Nous avons organisé plusieurs tables rondes où nous nous sommes simplement assis pour écouter et où ils ont animé les discussions. Nous avons posé les mêmes questions à chaque groupe, et chacun a engagé le dialogue sur ce qu’il considérait comme les priorités.
Je sais que la perception de ce qui constitue la famille variait d’un groupe à l’autre. Nous avons décidé de ne pas préciser ce que signifie le terme famille, parce que les jeunes avaient des perceptions très différentes de ce qu’est la famille et de qui est la personne importante dans leur vie.
La sénatrice Muggli : Merci, sénatrice Moodie. À titre de travailleuse sociale de profession, j’ai également travaillé dans ce domaine pendant des années, plus particulièrement en santé mentale et en toxicomanie. Je me demande moi aussi s’il serait possible d’ajouter à l’article 5, après les alinéas a), b), c) et d), un alinéa e) qui renverrait aux données probantes dont nous disposons en matière de santé mentale.
Ma question concerne l’article qui prescrit que le gouvernement :
énonce les objectifs du gouvernement du Canada en ce qui concerne les enfants et les jeunes, y compris :
(i) l’éradication complète de la pauvreté infantile,
Et cela se poursuit
(ii) un niveau de vie élevé et uniforme dans l’ensemble du Canada,
J’aimerais que vous me disiez ce que vous entendez par « niveau de vie élevé ». Comment une stratégie permettra-t-elle à tous les enfants d’avoir un niveau de vie élevé?
La sénatrice Moodie : Quelle était la dernière question?
La sénatrice Muggli : Comment ce projet de loi permettra-t‑il à tous les enfants d’avoir un niveau de vie élevé?
La sénatrice Moodie : Qu’est-ce qu’un niveau de vie élevé? C’est un environnement où chaque enfant a accès à des soins de santé; où chaque enfant se sent en sécurité; où chaque enfant est traité de manière équitable; où chaque enfant se sent respecté et écouté; où chaque enfant grandit en sachant que sa situation économique ne déterminera pas ses possibilités pendant son enfance; où chaque enfant mérite de grandir en toute sécurité, heureux et en bonne santé.
Ce projet de loi permettra d’harmoniser les efforts afin de concevoir des politiques qui définiront des résultats clairs pour atteindre les objectifs et les cibles, et de déterminer comment mettre en œuvre les programmes. Il faudra expliquer comment cela va se produire. Nous ne prétendons pas que tous les éléments nécessaires dans ce pays figureront dans cette première stratégie, mais nous prendrons une décision claire sur les points sur lesquels nous allons nous concentrer, et il faudra préciser comment seront déployés les programmes et quelles ressources seront nécessaires, afin que la façon dont ce changement va se concrétiser soit bien claire.
Il faut favoriser la collaboration entre les différents acteurs et être à l’écoute de ceux qui ont le plus besoin d’aide, les consulter. Le Canada n’a pas de vision pour notre santé. Il n’a pas de vision pour le bien-être des enfants et des jeunes. Nous avons un ensemble disparate de programmes. Nous avons des régimes de soutien et de prestations qui fonctionnent en vase clos et qui ne communiquent pas souvent entre eux. Cela forcerait l’interaction, l’intégration. Parce que lorsqu’on est confronté à trois choses en aval, on établit des liens, on observe les intersections, on comprend comment les choses fonctionnent et on choisit des indicateurs qui les mettront en évidence. Ensuite, on fait un suivi au fil du temps, on relève les lacunes et les ratés, puis on prend des décisions. Je rêverais qu’on prenne nos décisions en fonction des résultats, du retour sur l’investissement, puis qu’on décide soit de reconduire le financement soit de le réaffecter.
La sénatrice Muggli : Je crains que le gouvernement ne comprenne pas ce que nous demandons en exprimant l’attente d’un niveau de vie élevé. Je me demande si nous ne devrions pas le définir plus clairement afin que nos attentes soient bien comprises. Ce n’est qu’une réflexion pour l’instant.
La sénatrice Moodie : Voilà une autre bonne réflexion. La précédente était également excellente. Nous sommes à l’écoute.
La sénatrice Arnold : Merci, sénatrice Moodie, pour tout le travail que vous avez accompli avec diligence au fil des ans. Je comprends votre argument voulant que nous ne pouvons pas être trop prescriptifs et qu’il est évident que tous les éléments ne figureront pas dans la stratégie. Nous réclamons une stratégie exhaustive, mais je crois qu’aucune stratégie ne sera satisfaisante tant qu’il y aura des enfants qui n’ont pas de foyer stable. J’ai beaucoup travaillé dans les écoles des quartiers défavorisés du Nouveau-Brunswick, en particulier avec les enfants de la 4e année. J’aime beaucoup les élèves de 4e année. Ils posent toutes sortes de questions. C’est une préoccupation centrale pour eux. Les taux de pauvreté infantile au Nouveau-Brunswick sont supérieurs à la moyenne nationale.
Ma question est la suivante : comment pouvons-nous nous assurer que le cadre proposé reconnaisse que l’accès à un logement abordable, sûr et durable est un pilier fondamental du bien-être des enfants et des jeunes? Comment la stratégie sera‑t‑elle coordonnée avec les initiatives fédérales et provinciales existantes en matière de logement afin de combler les lacunes qui, nous le savons, se creusent partout au pays?
La sénatrice Moodie : La stratégie doit être conçue comme un objectif. Dans cette optique, il faut déterminer comment nous pouvons garantir que les investissements consacrés au logement tiennent clairement compte des considérations propres aux enfants et aux jeunes. C’est ainsi que j’envisage le lien. Le gouvernement aurait la responsabilité de faire du logement l’un des éléments essentiels qu’il garantirait aux enfants afin qu’ils puissent grandir dans un environnement sain où leur bien-être compte. Encore une fois, c’est au gouvernement qu’il revient de prendre la décision finale quant à l’orientation à donner à cette stratégie.
Si l’on regarde ce qui se fait dans le monde sur ce front, les pays qui ont adopté ce genre d’approche ont recensé au moins 3 éléments essentiels, jusqu’à plus de 30 en Nouvelle-Zélande. Selon la nature globale de chaque élément et les ressources qu’on veut y consacrer, les indicateurs de mesure, le suivi et l’infrastructure nécessaires varient considérablement. C’est au gouvernement du Canada de définir cela. Nous sommes le seul pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, à ne pas recueillir de données détaillées sur la santé de ses enfants. C’est inacceptable. C’est l’une des choses qui, à mon avis, serait facile à réaliser.
[Français]
Le sénateur Boudreau : J’aimerais joindre ma voix à celles de mes collègues pour vous féliciter pour ce projet de loi. C’est un grand besoin.
Il y a un énoncé qui m’a frappé dans le rapport que vous avez partagé avec les membres du comité. Je l’ai vu deux fois cette semaine à deux différentes occasions. C’est dans le bilan 2025 de l’UNICEF, qui a classé le Canada au 19e rang sur 36 pays en ce qui concerne le bien-être des enfants. Si on avait besoin d’une preuve que votre projet de loi est nécessaire, c’est bien cet énoncé.
Lorsque vous avez préparé votre projet de loi, avez-vous identifié d’autres administrations qui ont une approche globale semblable à celle qui est proposée, fondée sur les droits des enfants? Existe-t-il une analyse comparative des performances de ces administrations par rapport au Canada? Vous avez mentionné l’Irlande dans vos propos préliminaires. Y aurait-il d’autres pays que le Canada pourrait analyser pour voir de quelle manière on peut développer une bonne stratégie pour nos jeunes?
[Traduction]
La sénatrice Moodie : J’ai déjà nommé l’Irlande. La Nouvelle-Zélande et l’Australie sont deux autres pays que nous jugeons exemplaires et qui ont des modèles de fédéralisme similaires au nôtre.
Outre ce que vous avez dit, il y a des exemples d’efforts déployés au Canada pour essayer d’améliorer les choses, mais qui n’ont pas donné les résultats escomptés. En 1989, on s’était engagé, par résolution, à mettre fin à la pauvreté infantile d’ici 2000. Nous sommes maintenant là, des années plus tard, et un enfant sur cinq vit dans la pauvreté.
Nous avons fait de bonnes choses : la prestation pour enfants, le projet de loi sur la garde d’enfants, un certain nombre de mesures de soutien. Ce qui nous manque, c’est une approche cohérente qui dicterait que tous les investissements soient concentrés vers cet objectif afin de nous aider à avancer plus résolument vers lui.
Nous arrivons à un point où nous échouons ou nous stagnons. Le Canada stagne. Il stagne au chapitre de l’acquisition de compétences par les enfants à l’école, il stagne maintenant sur plusieurs plans.
Nous le constatons également dans le domaine de la santé, où un système surchargé nous a conduits à la crise pendant la pandémie de COVID. Nous avons perdu des effectifs. Nous avons besoin d’un système de santé à la hauteur des besoins au Canada. Et ce n’est qu’une partie de l’équation. La santé mentale en est une autre partie importante. Il y a un certain nombre d’autres considérations qui entrent en ligne de compte, telles que la ventilation des données sur les maladies, ce qui arrive aux gens et comment ils accèdent aux soins. Quels sont nos résultats en matière de santé?
Nous sommes un pays relativement riche et nous aurions les moyens de nous organiser de manière à aborder les choses de façon plus systématique et plus ciblée, en comprenant l’incidence d’un élément sur l’autre : l’effet du logement sur la sécurité alimentaire et l’accès à une bonne éducation. Nous avons ce potentiel.
Le Canada doit sérieusement réfléchir à cette occasion de prendre un engagement envers ses enfants et de le respecter de manière systématique.
Le sénateur Cuzner : Je vais poser une question, mais je pense qu’elle ne fera que renforcer votre argument.
J’ai eu la chance de faire partie du gouvernement lorsque la Prestation canadienne pour enfants a été mise en place, ce qui a permis à plus de 300 000 enfants de sortir de la pauvreté dans ce pays. C’est non négligeable.
La province de l’Alberta a ajouté à cela la Prestation pour les enfants et les familles de l’Alberta, qui a sorti un nombre considérable d’enfants de la pauvreté à l’époque. Cela représentait jusqu’à 40 à 50 % des enfants de l’Alberta. C’était énorme.
Dans ma province natale, la Nouvelle-Écosse, nous avons connu une augmentation de 18 % de la pauvreté infantile au cours de la même année, c’est la seule province au pays à avoir enregistré une telle augmentation.
Cela témoigne des disparités qui existent à travers le pays. Votre code postal ne devrait pas déterminer les chances qui s’offrent à vous lorsque vous êtes enfant.
Pensez-vous que cela permettra de remédier à ce genre de situation? Je sais que vous ne voulez pas être trop prescriptive, mais cela permettra-t-il d’instaurer une certaine uniformité à travers le pays?
La sénatrice Moodie : Absolument. Nous savons que non seulement dans votre province, mais dans d’autres aussi, la pauvreté a considérablement augmenté en 2022. Plus de 195 000 enfants sont tombés dans la pauvreté à ce moment-là, alors que nous pensions faire des progrès. Il y a donc eu un recul, et je choisis mes mots. La pauvreté a augmenté de 2,5 % au cours de cette période.
Certaines provinces ont compris qu’en augmentant les prestations pour enfants, elles pouvaient aider davantage de personnes à sortir de la pauvreté. Elles ont une expérience concrète dont les autres pourraient bénéficier.
Si nous avions une stratégie nationale, les provinces pourraient partager entre elles ce qui fonctionne, les meilleures pratiques, les informations et les données recueillies. Nous pourrions faire bouger les choses si nous le voulions.
Je ne cherche pas à imposer quoi que ce soit aux provinces. Je souhaite un partage d’informations dans un but précis. Nous avons tous le même objectif. Comment y parvenir?
Je pense à quelque chose un peu comme le modèle de garde d’enfants, le projet de loi sur la garde d’enfants, où chacun a proposé son propre mode de fonctionnement. Si nous avions un ensemble d’objectifs généraux, nous pourrions, grâce à un effort concerté de partage des meilleures pratiques, amener les gens à tendre vers ces objectifs, les pousser à les atteindre. Notre personnel de première ligne nous dit que c’est ce qui fonctionnerait pour lui.
Les protecteurs de l’enfance affirment que ce travail doit se faire dans les provinces et que le gouvernement fédéral ne peut pas leur dicter quoi faire. Mais non, il s’agit de revoir comment nous partageons l’information, pour sentir que nous faisons partie d’un tout qui avance dans la même direction, qui s’entraide. Cela fonctionne. Ainsi, nous pouvons apprendre de ce que fait le Québec dans le domaine de l’enfance et intégrer ces enseignements à ce que nous pourrions faire.
Dans votre expérience, différente de celle de l’Alberta, s’il y avait eu partage d’information et une reconnaissance générale, une reconnaissance nationale que c’était une bonne ou une meilleure pratique, que nous devrions tous adopter, il y aurait eu un effet de cohésion.
La sénatrice McPhedran : Félicitations, sénatrice Moodie. J’ai deux questions concernant d’éventuels amendements, mais je me rends compte qu’il est peut-être un peu tôt pour cela.
Je m’intéresse à certaines des réponses recueillies dans le cadre du processus de consultation que vous avez mené avant la présentation du projet de loi. Je pense notamment aux préoccupations exprimées par certaines organisations, et notamment des organisations autochtones, concernant la durée de la consultation prévue dans le projet de loi que l’on ne juge pas réaliste.
Je suis persuadée que vous y avez réfléchi, alors j’espère que vous pourrez nous aider à comprendre comment vous en êtes arrivé à cette décision. S’il devait s’avérer que ces gens-là ont raison de croire que l’on va manquer de temps, quelle serait selon vous la solution?
La sénatrice Moodie : Vous remarquerez que nous avons adopté une stratégie prévoyant des rapports à différentes étapes. En procédant de cette manière, on peut prendre certaines décisions en fonction du résultat final recherché. Si le gouvernement se trouve dans une situation où il ne parvient pas à une solution définitive, mais souhaite poursuivre les consultations, il dispose d’un mécanisme lui permettant de continuer à régulièrement rendre des comptes au moyen de rapports au Parlement pour que nous sachions tous à quoi nous en tenir quant à l’état d’avancement et aux obstacles qui empêchent de mener l’exercice à terme. On pourra alors demander une prorogation du délai.
Cela témoigne clairement du fait que ce ne sera pas une sinécure. Tout le monde ne progressera pas nécessairement au même rythme dans ce dossier. Certaines personnes seront prêtes à agir immédiatement, tandis que d’autres auront besoin de plus de temps pour réfléchir ou trouver une autre façon d’arriver aux conclusions qui leur seront demandées.
Le projet de loi prévoit une approche progressive qui permet des prolongations. Il tient les gens informés en plus de les responsabiliser quant à l’avancement du processus.
La sénatrice McPhedran : J’en retiens que le projet de loi a été rédigé avec à l’esprit une nette volonté de garantir la flexibilité et la capacité d’adaptation nécessaires.
La sénatrice Moodie : Oui, en reconnaissance du fait que chacun avancera à son rythme.
La sénatrice McPhedran : La Fondation SPARK a également présenté une proposition envisageant un arrimage possible de ce projet de loi à l’initiative mise de l’avant par plusieurs autres instances parlementaires en vue de constituer, de former et de soutenir des délégations de jeunes dans le cadre des grandes réunions et conférences des Nations unies. Le tout s’inscrirait dans la démarche de développement du leadership chez les jeunes préconisée dans ce projet de loi. Je ne vais pas vous faire part de mon opinion à ce sujet. Je voudrais savoir si vous voyez un lien suffisamment étroit avec cette proposition pour qu’il soit judicieux de l’intégrer au projet de loi.
La sénatrice Moodie : Sénatrice McPhedran, nous devons faire preuve de prudence à cet égard. Si nous élargissons trop la portée du projet de loi, nous risquons de perdre l’intérêt du gouvernement. Je veux qu’il reste clair, simple et stratégique, si vous me permettez ce terme plus ou moins approprié.
Il est possible d’inclure le développement du leadership chez les jeunes dans une stratégie. On pourra toujours en discuter ultérieurement, mais on ne peut pas dire au gouvernement, par le truchement de ce projet de loi, qu’il est tenu d’envisager une telle avenue.
Quant à la manière dont le gouvernement s’y prendra et à ce qu’il inclura exactement dans cet exercice, tout dépendra de la tâche qui lui sera assignée. Selon moi, c’est à ce niveau que ces intervenants auront un rôle à jouer.
La vice-présidente : Pour le deuxième tour, si nous pouvons garder nos questions et réponses concises, nous pourrons disposer de quatre minutes chacun, comme lors du premier tour.
La sénatrice Burey : Sénatrice Moodie, j’aimerais que nous traitions plus en détail de l’article 3 qui stipule que « le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner le ministre fédéral visé par le terme “ministre” figurant dans la présente loi ».
Pensez-vous que le fait de ne pas préciser le ministre concerné dans le projet de loi S-212 pourrait poser problème? Pourquoi avez-vous décidé de suivre cette voie?
La sénatrice Moodie : Lorsque nous avons élaboré ce projet de loi, il y avait deux ministres responsables des questions relatives à l’enfance. Il y avait à ce moment-là un portefeuille pour les enfants et les jeunes, et un autre pour la condition féminine qui concernait également les enfants. Aujourd’hui, le scénario est complètement différent.
Nous sommes bien conscients que rien n’est figé dans le temps. Les ministres et leurs portefeuilles changent. Nous ne voulions pas préciser qu’il y aura un ministre chargé de l’enfance, car s’il n’y en a pas, cela invalidera cette stratégie.
Nous avons décidé que, au moment où ce travail sera effectué, on désignera dans le cadre de ce processus le ou les ministres ayant les responsabilités les plus pertinentes. Les choses ont évolué depuis le moment où nous avons entrepris ce travail. La situation n’est plus la même aujourd’hui.
La sénatrice Burey : Merci.
La sénatrice Moodie : Lorsqu’un ou une ministre est nommé, il ou elle ne peut devenir responsable qu’à partir du moment où la structure est modifiée.
La sénatrice Hay : Sénatrice, je ne vais pas lâcher le morceau. Le projet de loi renferme bel et bien des dispositions prescriptives, par exemple en matière d’éradication de la pauvreté. C’est quelque chose que l’on impose.
Nous devrions envisager un amendement. On ne peut pas avoir un cadre ou une stratégie sur la jeunesse sans y inclure la santé mentale. Des enfants en souffrent, directement ou lorsque leur famille est touchée. C’est une véritable épidémie.
Je suis en outre convaincue qu’il n’existe pas de solution unique pour tous lorsque je pense au Canada, à ses régions rurales et éloignées et à ses secteurs urbains, aux distinctions entre les Autochtones, les Noirs, les Africains, les Caribéens et les nouveaux arrivants. Cela m’amène à la question de l’équité. Je dirais qu’il n’y a pas dans ce contexte d’équité dans les soins de santé au Canada.
Les données sur le suicide sont significatives, car il s’agit de la deuxième cause de décès chez les jeunes. Le Canada affiche le quatrième taux de suicide chez les jeunes le plus élevé des pays industrialisés. Si vous êtes un jeune Autochtone, vous êtes neuf fois plus susceptible de mourir par suicide qu’un allochtone, ce risque étant 18 fois plus élevé si vous êtes Inuit.
Je crains fort que si nous ne mentionnons pas expressément la santé mentale et les inégalités dans nos attentes envers le gouvernement, celui-ci se désintéresse de ces questions. À mon avis, si vous édulcorez cette réalité, vous laissez tomber les jeunes. Ils ne se reconnaîtront pas dans cette stratégie. Seriez‑vous disposée à y réfléchir? Comment pensez-vous que nous pourrions intégrer cela?
La sénatrice Moodie : Je suis ouverte aux amendements. Je me réjouis que nous ayons accès dans cette salle à certains des meilleurs cerveaux pouvant nous aider à améliorer le projet de loi. C’est la réponse toute simple que je peux vous donner.
La sénatrice Hay : Nous pourrions donc selon vous inclure la question de la santé mentale parmi les attentes exprimées. Excellent.
La sénatrice Moodie : Tout à fait. Pour autant que l’on énonce le tout en évitant d’imposer quoi que ce soit au gouvernement pour plutôt mettre en lumière la nécessité de cibler ce secteur d’intervention.
La sénatrice Hay : Très bien. Je me réjouis de pouvoir apporter ma contribution.
La sénatrice Senior : Ma question va un peu dans le sens de celle de la sénatrice Hay. Il ne s’agit pas tant d’une question que d’un point que j’ai soulevé lors d’une autre réunion, à savoir qu’il faut bien comprendre que les enfants ne sont pas pauvres en soi, mais qu’ils vivent dans des situations ou des familles, généralement monoparentales, et en particulier celles dirigées par des femmes, sont aux prises avec une pauvreté que nous devons également combattre.
Je souhaite en outre que l’on examine cette question sous l’angle de l’égalité des sexes afin de déterminer comment nous pourrions tendre vers cet objectif. J’estime inapproprié que nous parlions de la pauvreté infantile, pas nécessairement dans ce projet de loi, mais depuis des années, sans faire le constat qu’elle existe dans le cadre familial. Il est important de prendre en compte cet aspect.
La sénatrice Moodie : Je comprends votre point de vue.
J’estime pour ma part que nous devons faire preuve de prudence lorsque nous commençons à désigner expressément les choses, car, ce faisant, nous excluons certaines personnes. Il devient alors plus difficile de dégager un consensus. Il faut trouver le juste équilibre quand il s’agit de désigner nommément un phénomène ou un autre. Le projet de loi fait déjà référence à l’équité. C’est à nous qu’il appartient de décider.
La sénatrice Senior : Oui, je vois comment cela pourrait s’inscrire assez bien dans le cadre d’une approche fondée sur une analyse comparative entre les sexes, comme cela est exigé pour toutes les initiatives et tous les projets de loi de cet ordre. C’est ce qui, selon moi, devrait être fait pour tous les projets de loi du gouvernement.
La sénatrice Muggli : L’une de mes préoccupations concerne l’importance du développement de la petite enfance, car nous savons que beaucoup de choses très significatives se passent à cet âge tendre.
J’ai remarqué que la Loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada énonce certaines attentes quant à notre contribution à la Convention relative aux droits de l’enfant, ainsi qu’à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Nous avons une loi, la Loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada, qui traite de l’importance de l’intégration, ou des attentes à cet égard.
J’essaie de comprendre comment ces projets de loi s’articulent entre eux. Nous avons déjà un projet de loi qui stipule que vous devez créer un régime d’éducation préscolaire et de garde d’enfants conforme à la Convention relative aux droits de l’enfant et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Et maintenant, nous avons celui-ci.
Je suis curieuse de connaître votre avis sur la manière dont ces deux éléments s’articulent.
La sénatrice Moodie : Je pense que nous avons fait référence dans notre projet de loi à la totalité des accords et des conventions pouvant être pertinents en la matière, en essayant de nous aligner sur ce qui a été fait précédemment.
Je considère que la garde d’enfants est un volet de cette grande stratégie, au même titre que la reddition de comptes en la matière. Il convient notamment pour ce faire de reconnaître la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Nous avons pris en compte toutes ces conventions dans le but de reconnaître leur importance fondamentale, et toutes les autres initiatives — garde d’enfants, soins de santé, etc. — s’inscrivent dans ce cadre suivant les précisions que nous énonçons. Je pense que si nous avons oublié quelque chose, c’est la tribune qui convient pour le signaler.
La sénatrice Muggli : Il va falloir élaborer une stratégie pour faire valoir la nécessité de ce projet de loi et expliquer que la Loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada en est un volet. Comment pouvons-nous présenter cela de manière stratégique afin que le gouvernement ne nous réponde pas qu’il est déjà actif dans ce dossier?
La sénatrice Moodie : Le gouvernement va nous dire qu’il fournit déjà de la nourriture pour les enfants dans les écoles en plus de verser l’Allocation canadienne pour enfants. Il s’agit plutôt de considérer l’ensemble de ces actions pour bien comprendre dans quoi nous investissons et dans quelle mesure cela est efficace. Où se situent les lacunes? Obtenons-nous les résultats escomptés?
Il y a eu beaucoup de discussions dans ce domaine au sujet de l’allocation pour enfants et de la possibilité d’en faire davantage — comme vous venez de l’évoquer, sénateur Cuzner, en parlant de l’Alberta et de l’efficacité avec laquelle la province a mené cet exercice. On en parle énormément.
Avons-nous maximisé les avantages de cette allocation? Quels en sont les résultats? C’est ce genre de réflexion que ce projet de loi tente de susciter afin que nous progressions de manière rationnelle vers une situation plus favorable, plutôt que de nous contenter d’investir ici et là dans le logement, par exemple.
L’intelligence artificielle fait apparaître de nouvelles menaces. Elle procurera certains avantages aux enfants handicapés, mais s’accompagne aussi de nouveaux risques liés aux robots conversationnels et à l’exploitation des enfants en ligne, des dangers pour lesquels nous devrons trouver des réponses.
La sénatrice Muggli : Voilà qui renforce également mon opinion quant à la nécessité d’inclure la santé mentale. Merci.
La sénatrice McPhedran : J’ai une question concernant le libellé du projet de loi. Dans le préambule, vous faites spécifiquement référence à la loi canadienne visant l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je trouve cela intéressant. Au niveau des Nations unies, il ne s’agit pas d’une loi internationale, mais d’une déclaration. Grâce à la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, nous en avons fait une loi nationale au Canada, ce qui est une bonne chose.
Dans le projet de loi lui-même, vous revenez à la référence au traité des Nations unies, plutôt qu’à cette loi canadienne à proprement parler. Qu’est-ce qui a motivé ce choix?
La sénatrice Moodie : Je ne suis pas certaine que c’était volontaire de notre part. Si un changement doit être apporté, je suis partante.
La sénatrice McPhedran : Il vaudrait tout au moins la peine d’en discuter.
La sénatrice Moodie : C’est à cette formulation que nous en sommes arrivés à la lumière des conseils qui nous ont été fournis à cette fin. Vous avez soulevé un point crucial. Au Canada, nous avons donné encore plus de force à cette déclaration.
La sénatrice McPhedran : C’est une loi en bonne et due forme au Canada.
La sénatrice Moodie : Comme le projet de loi renvoie à une configuration moins percutante ou ciblée, des modifications s’imposent.
La sénatrice McPhedran : Grâce à mon stagiaire en droit Dennis, je peux vous dire que le libellé est identique. Dennis a comparé la loi canadienne et le traité, et le libellé relatif aux enfants est identique. C’est une loi au Canada.
La sénatrice Moodie : Oui. C’est peut-être quelque chose que nous pourrions envisager de modifier si les gens pensent que nous devons être plus catégoriques à ce sujet, ce qui ne me pose aucun problème.
La sénatrice McPhedran : Merci.
La sénatrice Moodie : Nous sommes allés un peu plus loin.
La sénatrice McPhedran : Merci.
La vice-présidente : Chers collègues, c’est tout le temps que nous avions pour cette première portion de notre séance. Je tiens à remercier la sénatrice Moodie de son témoignage.
Nous accueillons maintenant les témoins suivants : Hugues Vaillancourt, directeur général, Direction de la politique sociale, Direction générale des politiques stratégiques et de services, Emploi et Développement social Canada; Matthew Lynch, directeur général, Direction de la coordination et de la planification des politiques, Direction générale des politiques de santé, Santé Canada; et, de Services aux Autochtones Canada, Tasha Stefanis, directrice générale, Politiques stratégiques, principe de Jordan et initiative Les enfants inuits d’abord; Kirsten Mattison, directrice générale, Direction générale de la coordination stratégique et financière, Secteur des enfants, de la famille et de l’apprentissage; Jennifer Novak, directrice générale, Direction du bien-être mental et de la promotion de la santé, Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits; et Sacha Senecal, directeur général et dirigeant principal des données.
Merci d’être des nôtres aujourd’hui.
Monsieur Vaillancourt, puisque vous êtes le seul à prononcer une allocution liminaire au nom de ce groupe de témoins, vous disposerez de huit minutes pour ce faire, après quoi les membres du comité vous poseront leurs questions. Vous avez la parole.
[Français]
Hugues Vaillancourt, directeur général, Direction de la politique sociale, Direction générale des politiques stratégiques et de service, Emploi et Développement social Canada : Je remercie les membres du comité de nous accueillir ici aujourd’hui, mes collègues et moi.
Je m’appelle Hugues Vaillancourt et je suis directeur général à la Direction de la politique sociale au sein de la Direction générale des politiques stratégiques et de service d’Emploi et Développement social Canada.
Je tiens tout d’abord à souligner que le territoire sur lequel nous nous réunissons aujourd’hui est le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.
[Traduction]
Mesdames et messieurs les membres du comité, le projet de loi S-212 vise à proposer l’élaboration d’une stratégie nationale en vue d’améliorer le sort des enfants et des jeunes au Canada.
Je profite de cette occasion pour vous présenter le contexte actuel pour ce qui est des rôles et des responsabilités touchant les droits et le bien-être des enfants et des jeunes. Je mettrai ainsi l’accent sur les mesures prises en ce sens par Emploi et Développement social Canada.
Au Canada, les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et autochtones sont tous responsables de la défense et du respect des droits et du bien-être des enfants. Ils s’acquittent de cette responsabilité au moyen de lois, de politiques et de programmes variés. À l’échelon fédéral, la responsabilité à l’égard du bien-être des enfants et des jeunes, et des programmes nécessaires à cette fin s’inscrit dans le mandat de plusieurs ministères, notamment Emploi et Développement social Canada, Patrimoine canadien, Justice Canada, l’Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada, Services aux Autochtones Canada et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada.
Depuis 2004, Justice Canada et l’Agence de la santé publique du Canada dirigent conjointement la mise en œuvre et la coordination fédérales de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, tandis que Patrimoine canadien est responsable de la liaison avec les provinces et les territoires et assure le rôle de chef de file pour la coordination des rapports et des examens des sept principaux traités internationaux relatifs aux droits de la personne auxquels le Canada est partie.
[Français]
Le gouvernement fédéral joue également un rôle clé dans le soutien des enfants autochtones, y compris les enfants des Premières Nations résidant habituellement dans une réserve, en offrant des programmes et des services visant à améliorer le bien-être et le développement sain des enfants autochtones.
Une partie importante de cette responsabilité est la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), dirigée par Justice Canada, qui est entrée en vigueur le 21 juin 2021. Cette loi fournit un cadre pour faire progresser la mise en œuvre fédérale de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Pour sa part, Emploi et Développement social Canada contribue au bien-être des enfants en apportant un soutien aux familles et aux fournisseurs de soins grâce à des mesures de soutien du revenu, comme l’Allocation canadienne pour enfants, les allocations spéciales pour enfants et les prestations d’assurance-emploi pour le congé de maternité et le congé parental, ainsi que pour s’occuper d’un enfant gravement malade.
[Traduction]
Emploi et Développement social Canada investit également dans l’apprentissage et la garde des jeunes enfants afin de veiller à ce que les enfants canadiens aient accès à des milieux de garde sécuritaires et de grande qualité, qui favorisent le développement social, émotionnel et matériel dont ils ont besoin pour s’épanouir pleinement. À l’heure actuelle, environ 900 000 enfants bénéficient des investissements fédéraux dans le système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada.
Emploi et Développement social a dirigé l’élaboration de la Politique nationale d’alimentation scolaire, qui s’appuie sur la consultation de divers intéressés, et notamment des enfants. Le Programme national d’alimentation scolaire a ensuite été mis en œuvre, en collaboration avec les provinces, les territoires et les partenaires autochtones, afin d’améliorer l’accès des enfants à des repas nutritifs à l’école et de favoriser ainsi leur santé, leur apprentissage et leur bien-être général. Le 10 octobre 2025, le premier ministre Carney a annoncé que le Programme national d’alimentation scolaire deviendrait permanent. Cette mesure permettra de veiller à ce que les enfants bénéficient de repas nutritifs à l’école, tout en réduisant les coûts pour les parents.
Emploi et Développement social Canada offre de plus une aide financière aux étudiants issus de ménages à faible ou à moyen revenu afin de les aider à poursuivre des études postsecondaires et à en assumer les coûts. Cette année, le Ministère prévoit offrir des bourses non remboursables et des prêts d’études sans intérêt à plus de 700 000 étudiants de niveau postsecondaire dans le cadre de divers programmes ciblés, dont le Programme canadien d’aide financière aux étudiants.
[Français]
Le ministère continue également d’offrir du soutien à la formation et à l’emploi aux jeunes et aux étudiants grâce à des programmes comme la Stratégie emploi et compétences jeunesse, qui propose 16 programmes en collaboration avec 11 autres sociétés d’État, ministères et organismes fédéraux, et le Programme de stages pratiques pour étudiants.
Au total, plus de 130 000 possibilités d’emploi seront offertes aux jeunes et aux étudiants cette année, dont 20 000 dans le cadre des programmes de la Stratégie emploi et compétences jeunesse, 76 000 dans le cadre du programme Emplois d’été Canada et 40 000 dans le cadre du Programme de stages pratiques pour étudiants.
De plus, le ministère octroie un financement à des organismes communautaires et soutient des projets qui favorisent l’inclusion sociale et le bien-être des enfants et des jeunes vulnérables ainsi que de leurs parents, dans le cadre du volet enfants et familles du Programme de partenariats pour le développement social.
En outre, Emploi et Développement social Canada dirige Une chance pour tous, la première Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté. Dans le cadre de cette stratégie, le gouvernement fédéral a établi dans une loi qu’un membre chargé des questions relatives aux enfants allait siéger au Conseil consultatif national sur la pauvreté, qui est indépendant. Ce membre veille à ce que les intérêts des enfants soient pris en considération quand le conseil consulte les Canadiens au sujet de la pauvreté. Il formule également des conseils sur une vaste gamme de programmes et de services en matière de réduction de la pauvreté et publie des rapports publics sur les progrès réalisés pour atteindre les cibles du gouvernement relatives à la réduction de la pauvreté.
[Traduction]
Enfin, Emploi et Développement social Canada joue un rôle dans la coordination efficace des efforts fédéraux, provinciaux et territoriaux visant à faire en sorte que le Canada respecte ses obligations en matière de droits de la personne à l’égard des enfants. À titre d’exemple, le ministère est membre du Groupe de travail interministériel sur les droits des enfants, qui préconise une approche pangouvernementale et encourage la collaboration au sein du gouvernement fédéral pour toutes les questions relatives aux droits des enfants.
Parmi les autres mécanismes permettant d’assurer le respect des droits des enfants, on retrouve les commissions et tribunaux des droits de la personne, ainsi que le Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes.
La plupart des provinces et des territoires disposent également de défenseurs, de représentants et d’ombudsmans indépendants pour promouvoir et protéger les droits des enfants et leur permettre d’exercer leurs recours en cas de violation de ces droits.
Voilà qui conclut mes observations préliminaires. J’espère avoir réussi à vous présenter un contexte utile. Je vous remercie de votre attention. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.
La vice-présidente : Merci. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Pour ce groupe de témoins, chacun disposera de quatre minutes pour poser ses questions, réponses comprises. Veuillez indiquer si votre question s’adresse à un témoin en particulier ou à tous les témoins.
La sénatrice Hay : Merci à tous de votre présence aujourd’hui et du travail que vous accomplissez sans relâche afin de soutenir les Canadiens et les jeunes tout particulièrement. Je ne sais pas si je suis autorisée à poser ce genre de question, mais je vais le faire quand même.
À votre avis, le projet de loi S-212 fera-t-il double emploi avec les mesures déjà en place? Pensez-vous qu’il fera une différence? S’il est adopté, le cadre proposé devra déboucher sur une stratégie qui englobe à peu près toutes les mesures dont vous avez parlé et plus encore. Pensez-vous que cela soit réalisable? Si vous me comprenez bien, je suis simplement curieuse de savoir si, en fin de compte, vous appuyez le projet de loi S-212.
M. Vaillancourt : Merci pour cette question. Je m’y attendais. Je vais d’emblée décevoir de nombreux membres de ce comité. Nous comprenons certes l’intention qui sous-tend le projet de loi, et notamment la volonté d’aider les jeunes qui a guidé son élaboration.
En ce qui concerne la position du gouvernement à l’égard de ce projet de loi, je ne suis pas en mesure de vous en dire davantage à ce stade du processus. Je suis persuadé que le gouvernement aura l’occasion de faire connaître son point de vue, mais il m’est impossible dans l’état actuel des choses de vous dire ce qu’il en est.
La sénatrice Hay : Supposons que le projet de loi S-212 soit adopté et mis en œuvre. Comment pourriez-vous collaborer à ce sujet? Quels éléments pourraient être regroupés afin d’éviter les chevauchements? Il y a en effet les services de santé, les services sociaux, l’éducation et les services aux Autochtones. À votre avis, comment pouvons-nous coordonner efficacement nos efforts afin d’éviter non seulement le double emploi, mais aussi la multiplication des fractionnements ou des cloisonnements?
M. Vaillancourt : Je vais oser m’aventurer sur ce terrain glissant. Suivant le projet de loi, un ministre serait désigné pour diriger cette initiative. Je pense que cela constituerait un bon point de départ pour amorcer ce travail.
En ce qui concerne les mécanismes existants que nous utilisons au gouvernement fédéral, ou en collaboration avec nos homologues provinciaux et territoriaux, il existe un certain nombre de comités et de structures qui coordonnent déjà notre travail pour la mise en œuvre de la convention ou, plus généralement, dans les dossiers touchant les enfants. Il serait donc probablement juste de penser que ces mécanismes pourraient être utilisés pour appuyer le travail à faire dans ce cas‑ci.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice McPhedran : Ma question s’adresse à tout témoin pouvant me répondre au sujet du principe de Jordan. Pourriez-vous m’indiquer qui va répondre? Merci beaucoup, madame Stefanis.
Comme vous le savez, le principe de Jordan est expressément mentionné dans le projet de loi S-212. D’après ma lecture, il présente vraiment le principe de Jordan comme étant inhérent aux droits de la personne.
Le gouvernement du Canada — et je suis consciente que vous ne pouvez pas parler au nom de la ministre — a justifié sa décision de réduire considérablement les possibilités pour les familles et les prestataires de services d’invoquer le principe de Jordan pour les enfants en faisant valoir qu’il y avait eu des abus, par exemple pour des consoles de jeu et de l’entraînement sportif.
Dans une récente requête à l’encontre du gouvernement devant le Tribunal canadien des droits de la personne, certaines dépenses ont été jugées non conformes au principe de Jordan, mais je retiens surtout que Cindy Blackstock a alors souligné que, ceci dit très respectueusement, les bureaucrates d’Ottawa — dont la plupart ne sont pas autochtones et n’ont pas d’enfants handicapés — s’appuient sur leur propre réalité culturelle pour émettre des jugements sur ce qui est nécessaire ou non pour la santé d’un enfant admissible au principe de Jordan.
L’un des points clés qu’elle a soulevés concernait la sensibilité aux particularités culturelles. Elle a souligné la manière dont les décisions sont prises par les organismes de services autochtones de concert avec les professionnels de la santé qui s’occupent des enfants autochtones. Il s’avère ainsi, par exemple, qu’une console de jeu vidéo peut être très bénéfique pour la santé mentale d’un enfant, en particulier d’un enfant en situation d’isolement. Et je pourrais vous citer de nombreux arguments en ce sens.
Pour revenir au projet de loi S-212 et au fait qu’il désigne le principe de Jordan comme étant inhérent aux droits de la personne, j’aimerais savoir comment tout cela s’articule avec l’approche de votre ministère dans le contexte des coupes budgétaires très importantes qui ont eu lieu dans tout le pays? De nombreux défenseurs affirment que ces réductions budgétaires mettent gravement en danger la santé des enfants.
La vice-présidente : Vous disposez d’environ une minute, mais c’est une question importante et je pense que la réponse l’est également. Je vais donc demander à la sénatrice McPhedran de vous laisser cette dernière minute pour lui répondre et d’attendre ensuite le deuxième tour où elle aura plus de temps pour poser ses questions. Est-ce que cela vous convient?
La sénatrice McPhedran : Merci.
Tasha Stefanis, directrice générale, Politiques stratégique, principe de Jordan et initiative Les enfants inuits d’abord, Services aux Autochtones Canada : Merci pour votre question. Services aux Autochtones Canada reconnaît que le principe de Jordan est une obligation légale reposant sur le respect des droits de la personne.
Le ministère redouble d’ardeur pour traiter les demandes individuelles et collectives de services s’appuyant sur le principe de Jordan et pour donner suite à celles qui concernent la santé, l’éducation et les services sociaux pour les enfants. Ces demandes sont examinées au cas par cas grâce à de multiples collaborations au niveau régional avec le personnel qui travaille directement auprès des familles qui font les demandes, et ce, par l’intermédiaire d’organismes de coordination des services qui sont dirigés par les Premières Nations.
Je pense que vous faites référence à certaines mesures annoncées en février qui ont donné lieu à des changements opérationnels et à des communications concernant les paramètres mis en place pour consolider les services et les soutiens offerts en application du principe de Jordan en les assortissant de critères plus clairs.
On a ainsi commencé à définir certains domaines précis dans lesquels les demandes au titre du principe de Jordan seraient examinées sous différents angles. Ce travail est effectué dans toutes les régions du pays en collaboration avec les coordonnateurs de services, ainsi qu’avec d’autres organisations qui s’efforcent de clarifier tout cela en détail, en précisant notamment ce qu’on doit retrouver dans les lettres de soutien des professionnels de la santé pour appuyer les demandes formulées par les familles et les enfants.
La vice-présidente : Merci. Puis-je vous demander de vous arrêter là et de revenir pour un deuxième tour alors que vous pourrez peut-être poser une question supplémentaire pour que Mme Stefanis puisse vous fournir un complément d’information. Merci à vous deux.
La sénatrice Moodie : Ma question s’adresse à M. Vaillancourt.
J’essaie de me faire une idée de ce qui existe pour les enfants au Canada, et je sais que vous avez donné une description à la fois compliquée et complexe de la situation.
Existe-t-il des objectifs prédéfinis pour toutes les organisations qui fournissent des services et du soutien aux enfants canadiens? Quels indicateurs précis permettent de guider et de suivre l’évolution de ces programmes au sein des différentes organisations?
M. Vaillancourt : Pour ces indicateurs que vous avez mentionnés, de nombreux programmes ont leurs propres cibles quant aux résultats à obtenir. Je vais vous donner un exemple précis dans un instant.
Quant à savoir ce qui est disponible, il faut dire que nos collègues de Statistique Canada ont accompli un travail considérable pour nous fournir des données désagrégées sur de multiples aspects du développement des enfants.
À titre d’exemple, il y a le portail Statistiques sur les enfants et les jeunes via lequel Statistique Canada fournit des données sur de multiples sujets touchant les enfants et les jeunes de manière plus générale. Je pourrais aussi vous parler du Cadre de qualité de vie pour le Canada, un outil établi en 2021 par le gouvernement pour permettre le suivi de la situation dans cinq domaines déterminants. Ce cadre n’est pas spécifique aux enfants, mais, grâce aux données sous-jacentes et aux données désagrégées existantes, il est possible de savoir à quoi s’en tenir quant à la qualité de vie des enfants.
La sénatrice Moodie : Ma question était la suivante : quels indicateurs spécifiques communs à toutes les agences, ministères et organisations vous renseignent quant au bien-être des enfants? Je voulais savoir en fait si vous aviez défini à des fins de suivi des résultats communs à l’ensemble de ces organisations, départements et intervenants?
M. Vaillancourt : Pour l’instant, je dirais que chaque ministère a ses propres plans qui établissent les résultats à atteindre en fonction des programmes qu’il offre.
Pour répondre directement à votre question, il n’existe pas d’ensemble d’indicateurs spécifiques qui seraient communs à tous les ministères. Ces objectifs et indicateurs propres aux programmes sont...
La sénatrice Moodie : Connaissez-vous des pays qui procèdent différemment en adoptant une approche commune leur permettant de surveiller des indicateurs de résultats bien ciblés et de comprendre et d’analyser les tendances touchant leurs enfants?
M. Vaillancourt : J’ai entendu la personne qui a témoigné avant nous faire allusion à quelques pays.
La sénatrice Moodie : Est-ce ce que nous faisons au Canada?
M. Vaillancourt : Nous sommes ici pour en discuter.
La sénatrice Moodie : Vous me dites donc que ce n’est pas le cas.
M. Vaillancourt : Non, il n’y a pas de cadre unique au Canada.
La sénatrice Senior : Ma question va en grande partie dans le même sens, mais je vais la formuler différemment.
Pensez-vous qu’il serait utile d’avoir au Canada ce qu’on pourrait appeler un centre national d’information sur le bien-être physique, mental et général des enfants?
M. Vaillancourt : Comme je l’ai mentionné dans ma réponse précédente, il existe déjà beaucoup de données disponibles. Quant à savoir s’il serait utile de regrouper ainsi l’information propre aux enfants, j’entends aujourd’hui des opinions très arrêtées en ce sens.
Si l’on pense aux différents programmes qui ont chacun leurs objectifs et leurs modes de responsabilisation bien définis, on peut conclure que les choses ne se passeraient pas généralement de cette manière. Cela ne nous empêcherait toutefois pas de regrouper ensuite le tout par le truchement d’un centre de coordination de l’information comme celui que vous proposez.
À l’heure actuelle, les composantes et les objectifs associés à chaque programme sont spécifiques à ce programme. Nous permettent-ils de déterminer dans quelle mesure le programme contribue à réduire la pauvreté ou à améliorer le bien-être des enfants? C’est bien souvent le cas, mais les résultats sont tout de même limités au programme visé.
La sénatrice Senior : J’ai une question complémentaire qui s’adresse à Mme Stefanis, car elle concerne les enfants et les jeunes des Premières Nations, métis et inuits.
Je connais bien l’Alliance nationale pour l’enfance et la jeunesse, une organisation dont j’ai été membre dans une vie antérieure.
Je vais vous poser la même question, mais en ce qui concerne les enfants et les jeunes autochtones au Canada.
Mme Stefanis : Nos spécialistes des données sont présents, et je vais céder ma place à notre responsable du programme pour le développement sain des enfants afin qu’elle puisse vous répondre à ce sujet.
La sénatrice Senior : Je vous remercie.
Jennifer Novak, directrice générale, Direction du bien-être mental et de la promotion de la santé, Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits (Services aux Autochtones Canada) : Bonjour à tous. Je m’appelle Jennifer Novak. Je suis la directrice générale responsable du bien-être mental et de la promotion de la santé.
Dans le domaine de la santé, il existe un centre d’échange de données sur la santé qui réunit Santé Canada, l’Agence de la santé publique du Canada, l’Institut canadien de l’information en santé et Services aux Autochtones Canada. Tous nos partenaires autochtones participent à cet échange conformément à leur souveraineté des données respective. Nous voulons que nos partenaires des Premières Nations, des Métis et des Inuits qui détiennent ces données aient leur mot à dire sur l’utilisation et l’échange des données entre les ministères et les organismes gouvernementaux.
Nous nous rassemblons ainsi à cette table chaque trimestre pour mettre en commun tous les éléments de données, qui sont nombreux, mais qui ne sont pas tous connectés.
La vice-présidente : Merci.
La sénatrice Burey : Merci de tout le travail que vous accomplissez.
Monsieur Vaillancourt, ma question s’adresse à vous et aux autres témoins qui voudraient y répondre.
À l’instar de la sénatrice Moodie, je souhaiterais connaître l’inventaire complet des activités menées par EDSC. Sauf erreur de ma part, votre ministère, qui fait preuve de constance malgré les changements de gouvernement, semble immuable. Emploi et Développement social Canada — peu importe comment on le baptise — ne se métamorphose pas, mais interagit avec différents ministres ou ministères. Est-ce exact?
M. Vaillancourt : Le ministère existe en effet depuis longtemps.
La sénatrice Burey : C’est exact. C’est là où je voulais en venir.
Vous semblez détenir quelques pièces importantes du casse‑tête — vous existez depuis longtemps, et vous serez là encore longtemps — telles que le programme d’alimentation dans les écoles, la prestation fiscale pour enfants, les prêts étudiants et ainsi de suite. Le ministère devrait-il apparaître dans le projet de loi?
M. Vaillancourt : C’est une bonne question, que je soumettrais en fait au comité.
Honnêtement, je ne sais pas si je peux me prononcer. Ce serait logique de penser à EDSC, mais je ne pense pas être en mesure de trancher d’un côté ou de l’autre.
La sénatrice Burey : Quelqu’un d’autre voudrait-il formuler des commentaires?
Mme Stefanis : J’essaie de me rappeler si le nom du ministre est resté le même pendant tout ce temps.
La sénatrice Burey : Non.
Mme Stefanis : Le projet de loi propose de désigner un responsable ministériel.
La sénatrice Burey : Je voulais soulever la question de la reddition de comptes sur le long terme.
Mme Novak : Dans le domaine de la santé, conformément à l’orientation fondée sur les distinctions que nous voulons instaurer, nous avons par exemple le Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations. Des éléments individuels du cadre ont en effet été développés par les Premières Nations sous la direction de la Thunderbird Partnership Foundation. Ils adoptent une optique holistique et englobante parce que le mieux-être émane de la communauté, et non pas seulement des individus. Au cœur du Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations, les efforts de tous convergent vers les marqueurs tels que le but, l’espoir, le sentiment que la vie a un sens et le sentiment d’appartenance, mais les strates extérieures, comparables aux couches d’un oignon, représentent les différents partenaires.
Comme il a été développé par les Premières Nations, le cadre est notre programme phare au sens littéral du terme. Aucune stratégie fédérale ne le chapeaute. Nous examinons comment le gouvernement peut s’y ajuster et harmoniser ses priorités et ses investissements en conséquence. Étant donné notre approche fondée sur les distinctions, nous voulons connaître le sens que donnent les Premières Nations au mieux-être — ou au bien-être, selon le terme choisi — à long terme et les moyens qu’elles jugent appropriés pour atteindre les résultats voulus.
La sénatrice Burey : Merci. J’aurais aimé poser une question de suivi.
Les témoins accepteraient-ils de répondre à une question que je leur transmettrais par écrit plus tard? La formulation n’est pas encore claire dans ma tête.
La vice-présidente : Votre temps est écoulé. Souhaitez-vous demander aux témoins de fournir une réponse par écrit?
La sénatrice Burey : Si c’est possible, je leur poserais la question après la réunion, madame la vice-présidente.
La vice-présidente : Très bien.
La sénatrice Burey : C’est ce que je voulais dire. Mon temps est écoulé.
La vice-présidente : Les témoins sont-ils disposés à répondre à une question par écrit? Merci.
Le sénateur Cuzner : Merci beaucoup de vous être joints à nous. Je vais revenir à un point que la sénatrice Moodie et moi‑même avons soulevé. Le taux de pauvreté en Nouvelle‑Écosse est un problème difficile à résoudre. Il y a 20 ans, les chiffres étaient élevés dans la province. On avait l’habitude d’attribuer ces statistiques aux 13 collectivités de Premières Nations, qui ont toujours été aux prises avec un niveau de pauvreté disproportionné.
Grâce aux possibilités fournies par la décision Marshall et au leadership incroyable des membres des collectivités touchées, les occasions d’affaires et les réinvestissements se sont mis à croître.
La collectivité de Membertou aux alentours de Sydney est un modèle de développement local pour les Premières Nations et les autres. Nous sommes à même de constater le travail remarquable qui a été accompli.
On aurait pu penser que ces circonstances allaient faire baisser les statistiques sur la pauvreté infantile et que l’Allocation canadienne pour enfants mise en place en 2018 allait entraîner dans la province une diminution des statistiques comme celle qui s’était produite dans le reste du pays. Une augmentation de 18 % a plutôt été enregistrée.
À l’époque, j’ai insisté lourdement auprès des responsables fédéraux pour comprendre ce qui se passait. Y avait-il une lacune dans le système? Je n’ai pas obtenu de réponse.
Le système est-il déficient? Vous dites que vous travaillez étroitement avec les provinces et les territoires et je ne sais quoi encore. Pourquoi serait-on incapable d’expliquer une augmentation des statistiques sur la pauvreté dans une province par opposition à une diminution dans toutes les autres? Les mécanismes d’échange d’informations sont-ils inefficaces?
M. Vaillancourt : Merci de la question. Je n’attribuerais pas cela à des lacunes dans le système, mais plutôt aux informations limitées à tirer des données.
Les tendances de la pauvreté au pays, disons, entre 2015 — année à laquelle est mesuré le progrès par rapport à l’objectif prévu dans la loi — et 2023, sont très semblables dans chaque province et territoire et au niveau national. Y a-t-il des variantes entre ces tendances? S’alignent-elles parfaitement? Non. Les tendances se ressemblent-elles? Elles se ressemblent pas mal. Par exemple, de 2015 à 2020, la tendance était baissière, et depuis 2020, on enregistre une hausse du taux de pauvreté. La tendance est la même dans tout le pays.
L’interprétation des statistiques se complexifie au niveau des sous-populations, en l’occurrence les enfants, dans les provinces. C’est là que vous obtenez la réponse vraiment insatisfaisante des économistes un peu partout sur la planète à propos de la taille de l’échantillon et de l’intervalle de confiance des statistiques.
Même s’il semble y avoir beaucoup de variations, statistiquement parlant, si vous comparez deux points de données se trouvant respectivement dans deux années distinctes, souvent, les chiffres ne sont pas très différents, d’où la nécessité de regarder la tendance à plus long terme pour déceler...
Le sénateur Cuzner : Selon vous, serait-il avantageux d’assurer une uniformité des thèmes mesurés et des méthodes employées à l’échelle du pays? Cette uniformité pourrait-elle être imposée par cette initiative?
M. Vaillancourt : À propos encore une fois de la méthode employée pour mesurer la pauvreté, des différences ressortent en fonction des méthodes employées pour mesurer la pauvreté, qui varient selon le coût de la vie d’une région à l’autre, mais en règle générale, la même méthodologie est employée dans toutes les provinces. Dans le Nord, des variantes méthodologiques tiennent compte des conditions de vie particulières dans cette région, mais dans le cas dont nous parlons, la méthodologie sur la manière de mesurer la pauvreté reste la même.
[Français]
Le sénateur Boudreau : Ma question s’adresse à tous les témoins. Évidemment, le projet de loi cherche à pousser le gouvernement du Canada à développer une stratégie nationale. En développant cette stratégie, le gouvernement fédéral devra établir des normes, des cibles, des paramètres, etc. Cependant, concernant cette stratégie, j’ai l’impression que beaucoup de ces sujets ou de ces thèmes sont de compétence provinciale ou territoriale.
Pourriez-vous nous parler des obstacles qui pourraient survenir afin que le gouvernement du Canada puisse non seulement mettre en place une stratégie, mais également travailler avec les provinces et les territoires pour faire en sorte que les cibles et les normes soient atteintes? Peut-être que c’est différent s’il y a de l’argent attaché à ces négociations. Quels seraient les obstacles qui pourraient exister actuellement et qu’on pourrait essayer d’aborder autrement?
[Traduction]
Matthew Lynch, directeur général, Direction de la coordination et de la planification des politiques, Direction générale des politiques de santé (Santé Canada) : Dans le domaine de la santé, je ne considérerais pas comme un obstacle le fait que la prestation de soins de santé soit de compétence provinciale. Ce sont plutôt les conditions dans lesquelles des indicateurs de progrès sont mis au point au moyen de données.
Dans le cas de la santé, un travail considérable a été accompli dans le cadre des accords pour travailler ensemble que le gouvernement a négociés avec les provinces et les territoires à la suite du budget de 2023.
Ces accords prévoyaient entre autres le financement de l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de Statistique Canada, qui se prolongera jusqu’en 2027 et qui renfermera des indicateurs sur les enfants et les jeunes, notamment sur l’accès aux soins de première ligne et la santé mentale.
En outre, nous travaillons étroitement avec les provinces et les territoires par l’entremise de l’Institut canadien d’information sur la santé. L’institut est un organisme pancanadien de recherche sur la santé qui a comme priorité commune avec le gouvernement fédéral et les provinces et territoires de recueillir des données sur la qualité du système de santé conformément aux accords pour travailler ensemble. De nouvelles mises à jour sont produites sur les indicateurs de rendement. Il y a environ deux semaines, une édition du rapport Le pouls des soins de santé présentant des informations sur la santé des enfants et des jeunes a été publiée.
C’est un exemple du travail que nous faisons avec les provinces et les territoires dans le domaine de la collecte de données.
Le sénateur Boudreau : Ma question ne portait pas nécessairement sur ce qui fonctionne. À quels obstacles une initiative comme celle-là pourrait-elle se heurter lorsque le gouvernement fédéral essaie de dicter aux provinces et aux territoires comment s’y prendre pour la prestation de certains services ou soutiens? Y a-t-il des obstacles évidents dont nous devrions tenir compte dans notre étude du projet de loi?
M. Lynch : Je dirais simplement que la collaboration fédérale-provinciale-territoriale est essentielle pour ce type de travail. Je ne qualifierais pas nécessairement cela d’obstacle en raison de la connotation négative du terme, mais cette collaboration est essentielle dans n’importe quel cadre de collecte de données sur le système de santé.
[Français]
Mme Novak : J’aimerais ajouter un bref commentaire.
Lorsqu’on regarde, par exemple, le financement des communautés autochtones, notre financement va à une organisation qui fait la livraison des services. Lors du financement, on vérifie la disponibilité, l’accessibilité, la qualité et l’efficacité du service.
Cependant, le détail que vous voulez connaître, c’est si cela a fait une différence pour l’enfant. Nous, nous évaluons la livraison du service. Vous, vous voulez savoir si cela a fait une différence pour l’individu. Quand on regarde l’individu, il y aura de la recherche, et Statistique Canada a le mandat de mener des sondages. Le sondage concerne l’individu, tandis que les résultats concernent le service. Il faut donc savoir à quelle question on tente de répondre. Est-ce que cela concerne l’individu ou le service?
Le sénateur Boudreau : Je pense que l’important ici, c’est l’impact sur l’enfant. Si on donne de l’argent, si le gouvernement fédéral investit de l’argent, on peut exiger qu’il y ait certaines données qui soient vérifiées et rapportées au fédéral. Ce n’est pas une carte blanche.
Mme Novak : Cependant, cela requiert...
[Traduction]
La vice-présidente : Le temps est écoulé.
La sénatrice Muggli : Ma question porte sur la stratégie proposée dans le projet de loi consistant entre autres à énoncer les objectifs du gouvernement du Canada concernant les enfants et les jeunes. Un des objectifs est la mise en place d’un niveau de vie élevé et uniforme dans l’ensemble du Canada.
J’ai une question pour M. Vaillancourt. Certains des programmes dont vous avez parlé plus tôt comportent-ils des objectifs visant un niveau de vie en particulier? Nous avons discuté du coût de la vie. Le projet de loi énonce-t-il un niveau de vie à atteindre? Considérez-vous que le libellé pourrait entraver la mise en œuvre?
M. Vaillancourt : Merci de la question, sénatrice. Je n’évite pas la question.
Je soulignerais par exemple que le projet de loi traite de la pauvreté infantile. Certains programmes ont comme objectif la réduction de la pauvreté. Ce serait...
La sénatrice Muggli : Pourrait-on parler d’attentes par rapport au seuil de pauvreté?
M. Vaillancourt : Par exemple, pour les personnes âgées, les objectifs sont associés à la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti, qui suivent et ciblent certains objectifs de réduction de la pauvreté.
Pour la pauvreté infantile, ou la pauvreté en général, c’est plus facile parce que c’est un thème précis qui est mesuré.
Pour répondre à votre question sur le niveau de vie uniforme ou élevé, la signification du terme est peut-être encore relativement floue, un peu comme le terme « classe moyenne », dont la définition n’est pas très précise. Puisqu’aucune définition officielle n’a encore été arrêtée, la compréhension de cette notion peut varier d’une personne à l’autre.
La sénatrice Muggli : Pensez-vous que ce serait utile de fournir une définition?
M. Vaillancourt : Je ne sais pas. L’absence de définition en dit long sur la difficulté que comporterait la mise en place d’une définition prescriptive.
La sénatrice Muggli : Quelqu’un voudrait-il ajouter quelque chose?
Mme Novak : Je peux tenter une réponse.
Mon organisme verse du financement aux centres de traitement pour les jeunes. Puisque notre système est organisé en fonction du Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations dont je parlais tout à l’heure, lorsqu’un enfant se présente au centre de traitement, il est évalué par rapport aux marqueurs du mieux-être tels que le but, l’espoir, le sentiment que la vie a un sens et le sentiment d’appartenance, qui se trouvent au cœur du modèle.
Après avoir suivi toutes les étapes du programme du centre de traitement, les enfants sont évalués de nouveau. Ont-ils amélioré leurs comportements liés à l’espoir, au but, au sentiment que la vie a un sens, au sentiment d’appartenance? La définition de niveau de vie élevé serait-elle le résultat de l’amélioration réalisée par rapport aux quatre marqueurs du mieux-être global?
Pour revenir à ce que disait M. Vaillancourt, nous employons différents termes parce que les gens ont différentes définitions de mieux-être ou de niveau de vie élevé.
Dans le contexte des Premières Nations, cette notion revient encore aux éléments fondamentaux que j’ai mentionnés.
La sénatrice Muggli : Je veux que le projet de loi fonctionne. Je ne veux pas que le libellé soit un obstacle.
La vice-présidente : Merci aux sénateurs et aux témoins.
Nous passons à la deuxième série de questions. Chers collègues, mesdames et messieurs les témoins, vous aurez quatre minutes.
La sénatrice McPhedran a dû partir. Elle m’a demandé de poser des questions en son nom sur le principe de Jordan.
La sénatrice McPhedran voudrait savoir quel est le montant en dollars des compressions déjà faites ou annoncées dans la dernière année entraînant la perte du financement des services offerts au titre du principe de Jordan?
Mme Stefanis : Depuis 2016, le Canada a alloué 10 milliards de dollars aux services offerts au titre du principe de Jordan. Pour l’exercice actuel, le Canada a affecté 1,81 milliard de dollars, ce qui est l’antithèse d’une perte de financement. Des fonds ont été octroyés en mars dernier pour l’exercice courant.
La vice-présidente : Pourriez-vous répéter la première partie de votre réponse?
Mme Stefanis : Oui. Depuis 2016, le Canada a engagé une somme de 10 milliards de dollars destinée aux services offerts au titre du principe de Jordan. Une somme de 1,81 milliard de dollars est allouée à ces services dans le cadre de l’exercice 2025-2026.
La vice-présidente : Merci. Ce sera tout pour la question de la sénatrice McPhedran.
La sénatrice Hay : Comme je m’apprête à donner libre cours à ma passion pour les données, je vais probablement vous adresser ma prochaine question. Pour plancher sur un sujet dont plusieurs ont traité aujourd’hui, je vais tout d’abord mentionner le terme « centre d’échange de données », qui me fait penser à plateforme ou carrefour de données, ou peut-être à lac de données, peu importe le terme employé de nos jours. Ce serait un concept qui combine jeunes et données.
Au départ, bon nombre de données ne peuvent être recueillies sans consentement, ce qui nous ramène aux groupes en quête d’équité et à leurs données.
Vu la nature complexe des données, aucun ensemble de données n’est égal à un autre. On ne peut pas tout simplement demander à quelqu’un de nous communiquer ses données. Les données sont agrégées, anonymisées et classées dans des ensembles distincts. Même l’échéancier de l’Institut canadien d’information sur la santé est totalement différent de celui de Statistique Canada.
Nous parlons de données sur la pauvreté, la santé mentale, l’insécurité alimentaire, les maladies et de données pédiatriques. Si je voulais être sarcastique, je dirais que certains outils d’intelligence artificielle ou d’apprentissage machine élimineraient toutes les difficultés.
Les données sont nécessaires pour mettre au point la stratégie qui permettra d’aller chercher les choses à mesurer. Comment vous y prendriez-vous pour regrouper des données venant d’un peu partout? Est-ce faisable? Quel en serait le coût? Je suppose que le coût serait relativement élevé.
Mme Stefanis : Je vais demander à mon collègue, M. Senecal, de se joindre à la conversation.
Sacha Senecal, directeur général et dirigeant principal des données (Services aux Autochtones Canada) : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Sacha Senecal et je suis le dirigeant principal des données à Services aux Autochtones Canada. Vous avez résumé la complexité de mon travail. Mon ministère s’occupe d’un seul groupe démographique. En supposant que la stratégie s’applique à une sous-population présente dans tout le pays — nous avons discuté plus tôt des champs de compétence et de différentes méthodes dont se servent les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones pour enregistrer ou recueillir leurs propres données —, vous avez tout à fait raison.
Je ne peux pas vous donner une estimation exacte du coût. Je peux dire par contre qu’au cours des dernières années — certains de mes collègues ici présents l’ont mentionné —, des améliorations ont été apportées à la méthode de structuration des données au pays. Les facteurs précis que vous souligniez sont reconnus par une vaste majorité dans le milieu — la complexité du processus et la nécessité de regrouper des données solides avant de mettre au point des stratégies. Évidemment, le projet de loi porte sur un type de stratégie en particulier, mais tout ce que le gouvernement fédéral ou d’autres gouvernements font de nos jours doit s’appuyer sur des données de qualité.
Je comprends également votre commentaire sur l’intelligence artificielle. Une partie de mon rôle de dirigeant principal des données est d’interagir avec mes collègues qui travaillent sur le programme pour les aider à améliorer la collecte et les ensembles de données. Certains d’entre eux sont très au fait de l’embarras causé par l’intelligence artificielle, tandis que pour d’autres, cette technologie pourrait résoudre nos problèmes, ce à quoi je réponds invariablement par la négative. Puisque l’intelligence artificielle se nourrit de données, aucune solution d’intelligence artificielle ne peut fonctionner sans données de qualité. L’intelligence artificielle cause des problèmes à n’importe quel ministère ou organisme fédéral lorsque les données sont en jeu, mais à SAC, les défis liés à l’intelligence artificielle sont particuliers à commencer par la souveraineté des données autochtones et à la question de savoir si les données représentent les aspirations et les désirs des collectivités autochtones, et non pas ceux du gouvernement fédéral. Ce n’est pas toujours au gouvernement de dicter les données à employer pour mettre en évidence une situation donnée.
Je ne réponds probablement pas à votre question directement, mais...
La sénatrice Hay : Je conviens que...
La vice-présidente : Sénatrice, malheureusement, le temps est écoulé. Nous passons à la sénatrice Senior, puis à la sénatrice Moodie.
La sénatrice Senior : Il y aura peut-être d’autres changements, car j’aimerais également discuter avec Mme Novak. J’ai beaucoup apprécié votre réponse précédente. Cet exemple illustre bien ce que, selon moi, certains aspects de ce projet de loi tentent d’accomplir. Sans votre contribution, j’aurais l’impression que nous devons continuer de travailler dans les silos actuels, ce qui m’inquiète. Je me demande si, en tant que pays, nous avons réellement pour ambition de pouvoir nous appuyer sur des données fiables qui nous permettraient de comprendre la situation des enfants au Canada. Je vous remercie donc beaucoup pour votre réponse.
Ce qui me dérange également, c’est que j’ai l’impression que pour atteindre ce but, par exemple pour les enfants et les jeunes noirs, nous devrions adopter une approche similaire. Toutefois, nous ne souhaitons pas nécessairement conserver les silos. Nous aimerions pouvoir exploiter des données qui soient désagrégées, mais néanmoins compilées, afin d’obtenir une vue d’ensemble.
Je voulais également vous demander si votre travail et les financements que vous accordez sont soumis à une analyse comparative entre les sexes plus.
Mme Novak : Merci pour cette question. Je vais citer un exemple concret. Dans le budget de 2024, le gouvernement a annoncé la création du Fonds pour la santé mentale des jeunes. Je travaille en étroite collaboration avec mes collègues de Santé Canada, de l’Agence de santé publique du Canada et des Instituts de recherche en santé du Canada, et nous avons examiné ce dont nous avons parlé plus tôt : nous cherchons à mesurer les améliorations apportées à la disponibilité, à l’accessibilité, à la qualité et à l’efficacité des services. Cette approche suppose toutefois que si vous améliorez ces quatre aspects, vous atteindrez les enfants et que s’ils bénéficient de services efficaces, de haute qualité, accessibles et disponibles, on assurera leur bien-être.
Vous supposez donc que s’ils ont accès à tous ces soutiens et services — qu’il s’agisse d’insécurité alimentaire ou de nutrition — au final, ils répondront automatiquement : « Je me sens bien. »
Lorsque nous travaillons ensemble à l’élaboration de nos mesures de soutien, nous examinons ce que font nos partenaires des Premières Nations qui créent leurs propres indicateurs. L’Institut canadien d’information sur la santé élabore également ses propres indicateurs en collaboration avec les provinces et les territoires. Comme l’a souligné ma collègue, la souveraineté des données pose alors problème.
Pour vous donner un exemple encore plus clair, lorsque nous avons défini la notion de « jeune » pour le Fonds pour la santé mentale des jeunes, dans le contexte autochtone, les jeunes sont les personnes âgées de 10 à 30 ans. Toutefois, dans d’autres contextes, cette tranche d’âge allait de 12 à 25 ans. Nos collègues de Santé Canada ont déclaré : « Nous ne recueillerons pas les mêmes données. La tranche d’âge sera différente, car nos partenaires autochtones recueillent des données sur des personnes âgées de 10 à 30 ans. Notre ensemble de données sera donc plus important que le vôtre. » Comment pouvons-nous désagréger ces données afin de supprimer les tranches d’âge allant de 10 à 12 ans et de 25 à 30 ans? L’intelligence artificielle pourrait peut-être nous aider ici. Mais ce point rejoint votre remarque sur la désagrégation des données. Si vous n’introduisez pas les mêmes éléments à la source, comment pouvez-vous comparer des pommes et des oranges?
Ce ne sont que des éléments simples et fondamentaux. Nous pensions que les choses seraient simples... le Fonds pour la santé mentale des jeunes. Mais lorsque vous appliquez ces éléments à la sécurité alimentaire, à l’éducation et à tous ces contextes, vous constatez qu’ils ont leurs propres particularités et définitions pour ce qui est des données.
L’important est de dialoguer et de réunir tous les acteurs autour de la table afin de trouver rapidement des solutions et d’adapter la collecte de données pour pouvoir en tenir compte dans le cadre de la collecte et de l’évaluation qui suivra.
La sénatrice Moodie : J’aimerais beaucoup vous confier cette tâche. Mais je ne peux pas le faire. Votre raisonnement correspond exactement, au niveau spécifique, à ce que nous devons faire au niveau global. Vous nous avez parlé du système de soins, et j’aimerais m’attarder sur ce point. Vous avez évoqué le système de soins très bien défini avec lequel vous travaillez. J’ai l’impression que vous craignez peut-être qu’une stratégie globale n’engendre la perte de ce système.
Le projet de loi prévoit notamment que le ministre s’entretiendra avec les représentants des instances dirigeantes autochtones, les organisations qui... vous servent. Et une stratégie pourrait — n’est-ce pas? — tenir compte de ce que les peuples autochtones ont déjà mis en place et de la voie qu’ils souhaitent suivre? Nous pourrions avoir cette discussion en cas d’adoption de ce projet de loi.
En vous basant sur vos principes de collecte et d’interprétation des données dans différents systèmes, estimez-vous qu’il s’agit d’un obstacle insurmontable? Si vous obteniez cette reconnaissance dans le cadre d’une stratégie à l’issue de consultations.
Mme Novak : J’aimerais apporter une petite correction : je ne chercherais jamais à représenter les intérêts des partenaires des Premières Nations, des Métis ou des Inuits. Je ne pense pas que quiconque ait besoin que le gouvernement fédéral parle en son nom.
Je dirais cependant que pour que cette démarche réussisse, le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations devrait peut-être comparaître devant le comité. Cet organisme siège à notre table d’échange des données et coordonne les efforts de notre centre d’échange de données sur la santé au nom des Premières Nations. Je vous recommande d’inviter la Thunderbird Partnership Foundation, qui pourra vous parler de certains des indicateurs qu’elle utilise pour assurer le bien-être en fonction du Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations.
Je pense qu’il est important que vous fassiez entendre la voix de nos partenaires issus de groupes distincts. Je ne souhaiterais en aucun cas que le gouvernement fédéral s’exprime en leur nom. Je profite de ma position privilégiée pour le faire.
La sénatrice Moodie : Merci, mais vous parlez du processus de définition d’une stratégie. Ce n’est pas ce que nous faisons ici, soyons clairs. Mais je comprends ce que vous dites et je suis tout à fait d’accord avec vous. Je pense moi aussi que l’on aurait dû consulter toutes ces personnes.
La deuxième partie de ma question porte sur le fait que nous avons entendu aujourd’hui à maintes reprises que l’on recueille une grande quantité de données. Il existe déjà un processus de collecte. Il est axé sur les besoins et se limite à de petites communautés et à de petites poches.
Des systèmes et des structures sont déjà en place pour assurer la communication et la coordination au sein du gouvernement, entre les provinces et le gouvernement fédéral. Certains systèmes de santé ont déjà beaucoup progressé dans le développement de leurs modes de prestation des soins de santé.
Nous disposons de systèmes importants que nous pourrions rassembler pour mettre en œuvre une stratégie, les mécanismes grâce auxquels nous pourrions élaborer et appliquer une stratégie. Cependant, nous devons établir des objectifs communs, des indicateurs et une méthode commune pour recueillir les données. Nous devons nous organiser. Êtes-vous d’accord sur ce point?
Mme Novak : Oui. M. Lynch pourrait en parler. C’est ce que nous essayons de faire par l’entremise de l’Institut canadien d’information sur la santé. Chaque province a sa propre façon de faire. Les partenaires autochtones ont leur propre façon de faire. L’Institut canadien d’information sur la santé consacre beaucoup de temps et d’efforts à devenir le tissu conjonctif dont vous parlez, afin qu’une stratégie, qu’il s’agisse de celle-ci ou d’une autre, puisse représenter toutes les approches.
La vice-présidente : Sénatrice Moodie, votre temps de parole est écoulé. Nous arrivons à la fin de la liste des intervenants.
Sénateurs, pouvons-nous permettre au témoin de répondre? L’un d’entre vous souhaite-t-il poser une autre brève question?
Allez-y.
M. Lynch : Pour faire suite aux commentaires de Mme Novak, oui, comme je le disais tout à l’heure, le gouvernement du Canada travaille en étroite collaboration avec l’Institut canadien d’information sur la santé et les provinces et territoires, car il s’agit d’un organisme pancanadien du domaine de la santé. La gouvernance et la surveillance sont assurées de concert avec les provinces et les territoires.
Dans le cadre du plan Travailler ensemble, qui consiste en une série d’accords bilatéraux d’une valeur de 25 millions de dollars sur 10 ans, les provinces ont convenu de moderniser leur système de santé et de rendre compte de leurs résultats à l’aide d’indicateurs de rendement communs.
Certains indicateurs de rendement ont été ventilés pour tenir compte des enfants et des jeunes, notamment ceux publiés il y a quelques semaines sur la santé mentale et la consommation de substances, les services communautaires de santé mentale et l’accès aux soins primaires. Il s’agit là d’un exemple de notre collaboration avec les provinces et les territoires dans le secteur de la santé.
La question de la sénatrice portait sur la manière dont Santé Canada et Emploi et Développement social Canada collaborent pour atteindre des objectifs communs?
La sénatrice Moodie : Ma question est la suivante : pouvons‑nous le faire? Avons-nous les moyens d’y parvenir? Votre réponse est oui. Pour ce faire, nous devons travailler ensemble.
Avez-vous un exemple de cas dans lequel la nécessité nous a contraints à partager et à travailler ensemble? Je peux en citer un. En avez-vous un autre?
M. Lynch : L’exemple est le besoin général, l’intérêt commun des gouvernements et des Canadiens à améliorer les soins de santé au Canada.
La sénatrice Moodie : Il s’agit de la COVID.
M. Lynch : Oui. La COVID est un bon exemple.
La sénatrice Moodie : Quand c’était nécessaire, nous l’avons fait.
M. Lynch : Oui.
La vice-présidente : Merci. Sénateurs, voilà qui conclut la période consacrée à ce groupe de témoins. Je tiens à remercier tous les témoins d’avoir comparu aujourd’hui.
(La séance est levée.)