LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 20 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 10 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-212, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada.
La sénatrice Flordeliz (Gigi) Osler (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Bonjour. Je m’appelle Flordeliz (Gigi) Osler. Je suis sénatrice du Manitoba et vice-présidente de ce comité.
Je vais d’abord demander aux sénateurs de bien vouloir se présenter.
La sénatrice Senior : Bonjour à tous. Sénatrice Paulette Senior, de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Boudreau : Bonjour. Victor Boudreau, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Arnold : Bonjour. Dawn Arnold, du Nouveau-Brunswick également.
[Traduction]
La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario
Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Muggli : Tracy Muggli, du territoire visé par le Traité no 6 et territoire ancestral des Métis en Saskatchewan.
La vice-présidente : Nous accueillons aujourd’hui dans cette salle une délégation composée de Leila Sarangi, de Campaign 2000; Marie Christian, spécialiste de l’enfance au Conseil consultatif national sur la pauvreté; et Natalie Appleyard, de Citizens for Public Justice. Bienvenue à notre comité.
Nous poursuivons notre étude du projet de loi S-212, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada. Nous recevons dans un premier temps deux témoins, soit David Chartrand, président du gouvernement national des Métis de la rivière Rouge, de la Fédération des Métis du Manitoba, qui est ici avec nous; et Richard Gray, directeur des services sociaux, de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador, par vidéoconférence.
Merci à vous deux d’être des nôtres aujourd’hui. Vous disposez de cinq minutes chacun pour nous présenter vos remarques liminaires, qui seront suivies des questions des membres du comité.
Vous avez la parole, monsieur Chartrand.
David Chartrand, président, gouvernement national des Métis de la rivière Rouge, Fédération des Métis du Manitoba : Merci. Permettez-moi tout d’abord de féliciter le Sénat et tous ceux qui s’efforcent d’apporter des changements et de soulever les enjeux relatifs aux enfants et aux jeunes ainsi qu’aux défis auxquels ils sont confrontés dans ce pays.
Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie de m’avoir invité à m’adresser à vous aujourd’hui au sujet de la perception qu’ont les Métis de la rivière Rouge du projet de loi S-212, Loi concernant la stratégie nationale pour les enfants et les jeunes.
Ce projet de loi affirme que l’idéal serait que chaque enfant canadien ait accès en temps utile à des soins de santé, à la sécurité économique et à la possibilité d’apprendre et de s’épanouir, à la sécurité au sein de sa communauté et en ligne, à l’égalité sans distinction de race ou d’origine, ainsi qu’au respect et à la possibilité de s’exprimer à l’égard des décisions qui le concernent.
Les trois principaux domaines d’intervention sont la pauvreté infantile, la crise sanitaire touchant les enfants et les jeunes, et les menaces émergentes liées à l’intelligence artificielle.
Sénateurs, le Canada a besoin d’une stratégie nationale pour s’attaquer à ces enjeux, mais, comme les projets de loi précédents proposant l’établissement d’une telle stratégie, celui‑ci n’offre pas de voie claire permettant d’atteindre les objectifs énoncés. Tout d’abord, le projet de loi ne fait aucune mention d’approches fondées sur les distinctions pour les peuples autochtones, et plus particulièrement d’une stratégie pour les Métis de la rivière Rouge. Malheureusement, il prévoit la consultation d’organisations autochtones qui ne sont pas des représentants gouvernementaux des titulaires de droits en vertu de l’article 35 et adopte une approche panautochtone pour la prestation des programmes et des services. Il fait référence au principe de Jordan, qui s’applique uniquement aux enfants et aux jeunes des Premières Nations, mais exclut ceux des Métis de la rivière Rouge. Il renvoie également à l’initiative Les enfants inuits d’abord, qui ne nous inclut pas non plus.
Toute loi visant à améliorer le sort des enfants métis de la rivière Rouge doit adopter une approche holistique du bien-être de l’enfant. Notre gouvernement possède des décennies d’expérience dans la prestation de services à l’enfance et à la famille axés sur les soins préventifs. Nous comprenons que la cellule familiale doit être prise en charge et soutenue pour que les enfants puissent s’épanouir pleinement et pour éviter les placements. Cependant, nous attendons toujours que le Canada remplisse ses obligations juridiques et financières à notre égard en vertu de l’ancien projet de loi C-92. En conséquence, nous avons dû licencier des travailleurs sociaux — plus de 130 à ce jour — qui s’occupaient de nos familles métisses.
Malheureusement, l’initiative des Programmes urbains pour les peuples autochtones a également été annulée. Cette initiative nous a permis de verser 350 $ à chaque athlète ou enfant qui participait à des activités récréatives. Nous avons ainsi aidé 2 453 enfants l’année dernière. Ce montant de 350 $ peut sembler insignifiant pour de nombreuses familles, mais il peut tout changer pour nos enfants. C’était un soutien vraiment important pour les familles.
Les installations sportives dans nos communautés rurales sont également inadéquates et en difficulté. En fait, nous avons très peu d’installations sportives dans nos communautés. Nos enfants et nos jeunes méritent d’avoir la possibilité de développer leurs capacités physiques, de renforcer leur confiance en eux et de vivre des expériences qui favorisent les relations humaines grâce à la pratique de sports d’équipe. Vous n’avez qu’à considérer les bons résultats obtenus au bénéfice des familles et des enfants grâce à Loi sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. La Fédération des Métis du Manitoba a mis en place des programmes distincts pour les Métis de la rivière Rouge afin de servir nos familles à cet égard, et les résultats sont on ne peut plus éloquents. Nous avons vraiment beaucoup de succès.
Ce n’est qu’en adoptant une approche holistique et culturellement appropriée pour établir des voies claires visant à améliorer le sort des enfants et des jeunes métis de la rivière Rouge que la loi pourra atteindre ses objectifs. Merci beaucoup.
La vice-présidente : Merci, monsieur Chartrand.
Monsieur Gray, vous avez cinq minutes.
Richard Gray, gestionnaire des services sociaux, Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador : [mots prononcés dans une langue autochtone]
Salutations à tous les sénateurs. Je m’appelle Richard Gray et je représente la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador. Notre chef régional, Francis Verreault-Paul, vous prie de bien vouloir l’excuser. Je suis ici pour vous présenter nos points de vue en son nom.
Je voudrais tout d’abord attirer votre attention sur la stratégie. Des clarifications sont nécessaires pour garantir la pleine reconnaissance et le respect total des droits culturels et linguistiques collectifs des Premières Nations. Les intentions du projet de loi sont louables, mais nous sommes convaincus de l’importance des modifications que nous proposons, qui visent avant tout à défendre les droits des enfants et des jeunes des Premières Nations et à réaffirmer l’autodétermination des peuples autochtones dans le cadre de toute stratégie ou politique nationale.
À cette fin, le préambule du projet de loi devrait reconnaître explicitement les droits des enfants et des jeunes des Premières Nations, inuits et métis à grandir dans un environnement culturellement sûr, ancré dans leur culture et leur langue. En assurant le respect de ces droits, on irait dans le sens des objectifs de la Loi sur les langues autochtones et du projet de loi C-92, ainsi que des droits énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, en particulier aux articles 7, 8, 13, 14 et 22.
Nous aimerions également voir des définitions des termes « enfants et jeunes » afin de mieux délimiter le champ d’application du projet de loi, et notamment de l’article 2. Il est important d’inclure une définition claire des « enfants et jeunes des Premières Nations » en vue de reconnaître pleinement leurs droits distincts et de refléter leurs réalités spécifiques. Cette clarification est essentielle pour garantir que la stratégie est mise en œuvre de manière respectueuse et appropriée.
En ce qui concerne les consultations — article 4, alinéa 3(a) —, nous réitérons que les Premières Nations insistent pour que toute consultation concernant leurs enfants et leurs jeunes soit menée par l’intermédiaire de leurs instances dirigeantes. Cette approche est essentielle pour garantir une supervision appropriée, un soutien adéquat et la sécurité des enfants et des jeunes.
En ce qui concerne l’alinéa 3b), plusieurs ministres ne figurent pas sur la liste des ministres à consulter, notamment le ministre des Services aux Autochtones, le ministre responsable des enfants, des familles et de l’éducation, ainsi que le ministre de l’Emploi et du Développement social, en particulier pour les programmes d’éducation et de garde des jeunes enfants autochtones. Ces ministères jouent un rôle clé dans les dossiers touchant les enfants et les jeunes autochtones.
Nous insistons pour que la loi précise l’obligation des ministres de consulter et de coopérer pleinement avec les représentants autochtones, conformément aux responsabilités du Canada en vertu de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA, et de la Loi sur la DNUDPA. La portée et l’étendue de la consultation et de la coopération doivent être proportionnelles aux répercussions potentielles sur les droits et les intérêts des peuples autochtones, conformément aux articles 5 et 6 de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ainsi qu’au Guide provisoire à l’intention des fonctionnaires sur la façon d’évaluer la compatibilité avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Le processus de consultation et de coopération doit reconnaître toutes les personnes et tous les groupes représentant les Premières Nations, plutôt que de se limiter aux organisations nationales. Les instances dirigeantes des Premières Nations détiennent ces droits et doivent avoir le pouvoir de décider quelles organisations elles reconnaissent officiellement sur les plans politique et technique.
En ce qui concerne les délais pour l’élaboration de la stratégie et l’évaluation, nous estimons que les échéances prévues aux articles 5 et 6 pour les rapports d’étape et la présentation de la stratégie finale sont plutôt ambitieuses.
Nous recommandons de revoir la période proposée de 24 mois pour élaborer la stratégie, car nous la jugeons insuffisante pour garantir une véritable consultation et une pleine coopération avec la totalité des organisations et des gouvernements autochtones concernés.
Les Premières Nations devraient être des participants à part entière dans le cadre de l’évaluation quinquennale de la stratégie.
Nous recommandons d’ajouter une disposition exigeant un examen indépendant, similaire à ce que prévoit l’article 49 de la Loi sur les langues autochtones.
En conclusion, nous sommes pleinement déterminés à collaborer de manière constructive à l’élaboration d’une stratégie nationale qui respecte les droits, les cultures et les réalités des Premières Nations. Cette responsabilité nous incombe à tous.
Le gouvernement fédéral a le devoir moral d’assumer ses responsabilités. Ensemble, nous pouvons garantir une reconnaissance significative et un impact durable. Le respect, la reconnaissance et les actions doivent nous guider.
Merci.
La vice-présidente : Merci à vous deux pour vos observations préliminaires.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Sénateurs, vous disposerez de cinq minutes chacun pour poser vos questions à nos deux témoins, réponses comprises. Veuillez indiquer si votre question s’adresse à un témoin en particulier ou aux deux à la fois.
La sénatrice Moodie : Merci. La question que je souhaite poser concerne les consultations.
Lorsque j’ai participé au processus qui a mené à l’élaboration de ce projet de loi, nous avons effectué une série de consultations auprès de groupes de jeunes à ce sujet. Ceux-ci ont clairement indiqué que leurs communautés devaient être maîtres de leur propre souveraineté, en particulier en ce qui concerne les questions touchant les enfants autochtones.
Considérant que ce projet de loi devrait mener à l’élaboration d’une stratégie par le gouvernement fédéral, comment cette stratégie pourrait-elle compléter le travail que vos communautés accomplissent déjà à ce chapitre? Que pourrait-on faire de plus avec ce projet de loi pour garantir que les enfants autochtones sont inclus en tant que groupe souverain à part entière?
M. Chartrand : Permettez-moi de vous dire une chose. Je suis président depuis 28 ans. Je me suis efforcé de réaliser des avancées importantes dans tous les domaines liés aux programmes sociaux pour mon peuple, en essayant de trouver ce qui fonctionnera et ce qui est nécessaire.
Je trouve cela difficile et préoccupant de voir une telle déclaration générale sur la consultation, sachant que le danger ne viendra pas de vous, mais des bureaucrates dès qu’ils prendront le dossier en charge. Cela pourrait être un cauchemar pour nous en aboutissant à une situation où ils pourraient décider de parler à n’importe qui, quand bon leur semble, alors que c’est à mon gouvernement qu’incombe la responsabilité de rendre des comptes à notre peuple.
Quand on regarde comment les choses se passent, même dans nos villages métis — et ils se comptent par centaines —, nous n’avons aucun de ces programmes pour les jeunes dont vous parlez.
Le système scolaire qui proposait des programmes dans les écoles a disparu. On s’est détourné du sport et des loisirs. Cette proactivité que l’on essaie d’inculquer aux jeunes pour qu’ils s’unissent et travaillent ensemble en équipe, que ce soit dans le baseball, le hockey ou tout autre domaine, a complètement disparu. Il n’y a plus rien de tout cela.
Pour ce qui est de la manière dont on peut apporter des changements, il faut d’abord passer par un processus basé sur les distinctions. Comment évaluer le tout? Si vous comptez investir de l’argent dans des services, sans être certains que cela va fonctionner, vous devez savoir à qui profiteront ces sommes. En quoi l’investissement va-t-il contribuer à des changements positifs pour le village, la communauté ou le peuple en question?
Vous n’avez pas ici une approche fondée sur les distinctions. Cette approche mise en œuvre au Canada depuis une dizaine d’années a pourtant toujours produit de bons résultats. Sans cela... Vous avez d’ailleurs pu entendre mon collègue dire exactement la même chose à propos d’une approche fondée sur les distinctions. Nous avons constaté que cela fonctionne bien et qu’elle est couronnée de succès, mais on ne la retrouve pas dans ce projet de loi. Cela ne fait pas partie des exigences énoncées.
J’encourage le Sénat à se pencher sur la question pour envisager l’imposition de conditions plus strictes avant que cette initiative ne devienne incontrôlable et se mette à voler de ses propres ailes, si je puis m’exprimer ainsi, hors du contrôle du gouvernement du Canada, si le projet de loi est adopté comme tel.
Nous pensons que ces changements auraient un impact significatif pour nous et pour notre avenir.
M. Gray : Nous sommes favorables à une approche fondée sur les distinctions pour ce qui est des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Je souhaite ajouter des informations complémentaires à ce que mon collègue vous a dit. Une consultation importante est en cours auprès des Premières Nations de tout le pays, concernant l’ordonnance 80 dans laquelle le Tribunal canadien des droits de la personne a ordonné l’élaboration d’un plan national sur la manière dont la réforme des services à l’enfance et à la famille serait abordée.
Depuis le début de l’automne, les Premières Nations s’emploient à mener cette consultation auprès des communautés autochtones de tout le pays afin d’élaborer ce plan national. Des processus nationaux ont été mis en place pour permettre à toutes les régions de participer à cette consultation nationale. Elle est menée en partenariat avec la Commission nationale des chefs pour les enfants, qui travaille en collaboration avec la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations et l’Assemblée des Premières Nations.
Si vous envisagez d’élaborer une stratégie nationale et d’y inclure un volet consultation, il serait peut-être bon de mettre en place un comité consultatif autochtone national pour soutenir l’élaboration et la mise en œuvre conjointes de cette stratégie. Ce serait un élément important à prendre en considération dans cette approche visant le déploiement d’une stratégie nationale.
Le sénateur Boudreau : J’adresse ma question à nos deux témoins. Avec le projet de loi S-212, nous voulons élaborer une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes qui doit inclure l’éradication complète de la pauvreté infantile, un objectif fort ambitieux.
Dans ce contexte, nous savons qu’au moins une étude a démontré — et je suis sûr qu’il y en a eu d’autres — que le taux de pauvreté infantile dans nos communautés autochtones est plus élevé que chez les enfants non autochtones.
Je suis conscient que le projet de loi S-212 ne prévoit pas que ce soit nous qui élaborions la stratégie. Il reviendra au gouvernement fédéral de le faire. J’aimerais savoir si vous avez des idées ou des suggestions particulières quant à la façon dont on devrait s’y prendre, étant donné l’écart important entre les enfants autochtones et allochtones pour ce qui est du taux de pauvreté.
Quels efforts supplémentaires devrait-on déployer pour tenter de combler cet écart, sachant qu’il y a un manque de ressources humaines et de services de santé dans les régions rurales et éloignées du pays?
M. Chartrand : Permettez-moi de vous dire d’abord qu’il est important de se pencher sur ces enjeux, en particulier dans les zones rurales, comme celles où vivent les Métis de la rivière Rouge. Dans nos villes, tout semble aller plutôt bien. Nous pourrions faire mieux. La pauvreté existe toujours, mais nous avons des possibilités d’emploi.
Si vous voulez lutter contre la pauvreté infantile, vous devez vous attaquer à la question de l’accès des parents à l’emploi et de leur capacité à subvenir aux besoins de leur famille.
Les Métis de la rivière Rouge ont perdu toutes leurs sources de revenus traditionnelles. Nous étions très actifs dans les secteurs de la foresterie, du piégeage, de la pêche commerciale et du tourisme. Toutes ces structures d’emploi se sont effondrées et ont disparu.
Beaucoup de nos villages avaient autrefois un taux d’emploi de 70 %. Ils ont maintenant un taux de chômage de 70 %.
Comment changer l’état d’esprit d’un enfant qui se fait demander à l’école par son enseignant : « Où est ton papa? »
Il doit alors répondre : « Oh, il est à la maison, il dort. », au lieu de pouvoir lui dire : « Mon papa est au travail. » C’est une situation qui affecte psychologiquement l’enfant.
Nous devons trouver comment créer des emplois. Il faut que les dirigeants de ce pays, de cette province et même de mon gouvernement se posent la question. J’ai demandé aux gouvernements fédéral et provincial quel était leur plan économique précis pour les Métis de la rivière Rouge. Nous payons des impôts comme tout le monde. Dites-moi quel est le plan économique qui doit être mis en place. Ce n’est pas demain la veille que nous allons construire des usines là-bas. Alors, que devons-nous faire de différent?
J’ai proposé à la province d’investir dans différents projets de développement économique en mettant également nos fonds à disposition. Nous gérons de nombreuses entreprises. À l’heure actuelle, la fédération compte plus de 876 entreprises enregistrées au Manitoba. Encore une fois, il s’agit de petites et moyennes entreprises. C’est là que réside notre succès. Nous n’avons pas de grandes entreprises; nous misons plutôt sur les PME.
Tout passe par le développement économique. L’éducation des enfants est essentielle pour alimenter ce développement économique à venir. Nous devons rompre le cycle actuel afin de lutter contre la pauvreté. Sinon, la pauvreté continuera d’exister et restera un obstacle qui empêchera la prochaine génération de s’épanouir pleinement.
M. Gray : Je vous remercie de la question. Je pense qu’un élément qu’il est important de prendre en considération également dans cette stratégie, c’est l’effet de silo, le fonctionnement en vase clos des ministères fédéraux qui font leur petite affaire sans se parler entre eux. C’est un problème important auquel il faut remédier, et avec un peu de chance, en réunissant tous les ministères concernés pour accroître le bien‑être des enfants et des jeunes, on réussira à atteindre l’objectif de la stratégie.
Je note aussi que beaucoup d’efforts sont faits dans le projet de loi pour fournir des mises à jour aux deux chambres une fois que la stratégie sera achevée, mais quand elle sera mise en place, l’examen ne se fera qu’une fois tous les cinq ans.
Ne pourrait-on pas inclure un rapport annuel pour savoir comment se déroule la mise en œuvre de la stratégie, et un rapport annuel pour avoir un portrait de la situation des enfants et des jeunes?
De cette façon, nous pourrions examiner la stratégie, la modifier et l’adapter au besoin. Le comité consultatif national dont j’ai parlé plus tôt serait un bon instrument pour examiner la mise en œuvre et veiller à ce que différents organes de gouvernance autochtones soient inclus. Merci.
La sénatrice Greenwood : Je remercie nos invités d’être avec nous aujourd’hui.
Ma question s’adresse à vous deux. Je vais commencer par vous, monsieur Chartrand. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de l’approche panautochtone adoptée par le projet de loi, et vous avez déjà abordé ce sujet. Comment le cadre peut-il garantir une approche fondée sur les distinctions, afin que les droits distincts des Métis et des enfants métis soient respectés?
Comme le Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones repose sur ce type d’approche, pensez-vous que nous pourrions nous en inspirer?
M. Chartrand : Je vous remercie de cette question. C’est une bonne question. Il existe déjà des structures au sein du gouvernement qui sont en place et qui fonctionnent. Dans le cas du logement, de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants, le processus est déjà fondé sur les distinctions. Des critères mesurables clairs y sont associés pour mesurer le succès ou l’échec.
Prenons la structure que nous avons au Manitoba. Nous emploierons plus de 300 personnes dans le secteur de l’éducation préscolaire et de la garde des jeunes enfants, et nous accueillerons des milliers d’enfants dans nos garderies. Nous construisons des infrastructures flambant neuves. N’oubliez pas que nous sommes partis de rien. Nous n’avons jamais eu de services de garde d’enfants. C’est une première pour le peuple métis. Cela a vraiment changé la mentalité des familles, et beaucoup de nos jeunes se sont réorientés vers des carrières dans le domaine de la garde d’enfants. L’approche fondée sur les distinctions est un modèle de réussite qui a fait ses preuves, et il continuera d’en être ainsi s’il est respecté.
Quand je regarde votre projet de loi, pour lequel j’ai beaucoup de respect — je sais ce que vous tentez d’accomplir —, le vague qui entoure le transfert m’inquiète, car je ne sais pas ce que le gouvernement a en tête.
Prenons l’exemple du logement. La dernière fois que nous avons construit des maisons, c’était dans les années 1980. Aujourd’hui, nous en construisons de nouvelles dans le cadre de la nouvelle transition. Dans le passé, nous nous trouvions dans une situation où c’était la SCHL qui nous disait comment construire nos maisons, où les construire, qui en avait besoin et qui pouvait y vivre, sans savoir rien de nous. Elle n’avait jamais visité nos villages ni rencontré nos gens. Aujourd’hui, nous avons l’un des programmes de logement les plus efficaces.
Juste une petite remarque à ce sujet, en particulier sur la question économique. Nous avons lancé un programme pour les acheteurs d’une première maison. Le Canada a supprimé le sien. Nous avons toujours le nôtre. À l’heure actuelle, plus de 1 300 familles ont acheté une maison en quatre ans. Des intervenants m’ont demandé : « Comment avez-vous réussi à faire cela? » C’était toujours en nous. Notre peuple a juste besoin d’un petit coup de pouce au début. Cela apporte de la stabilité. Une famille possède désormais une maison qui sera transmise à ses descendants lorsqu’elle quittera ce monde, et les enfants auront un héritage, etc., ou elle pourra servir de garantie pour leurs études futures. C’est le fruit d’une approche fondée sur les distinctions. Si ce n’avait pas été le cas, si la SCHL nous contrôlait toujours, nous n’aurions jamais pu mettre en place ce programme. Jamais.
La sénatrice Greenwood : Monsieur Gray, je veux vous poser la même question et savoir si on peut s’inspirer du Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants comme approche basée sur les distinctions. Le volet que j’aimerais ajouter à cela — et je sais qu’il faudra sans doute attendre à la deuxième série de questions — est celui de la consultation. Certains ont exprimé des réserves au fait de consulter directement les enfants et les jeunes des Premières Nations sans être d’abord passé par leurs organismes dirigeants. J’aimerais vous entendre sur ce point et sur ce à quoi ressemblerait ce genre de stratégie. Si vos communautés étaient consultées, que faudrait-il mettre en place pour veiller à ce que les dirigeants, les familles, les enfants et les jeunes soient informés?
La vice-présidente : Sénatrice Greenwood, la question sur les consultations est importante. Pouvons-nous la reporter à la deuxième série de questions pour que nos deux témoins puissent y répondre? Monsieur Gray, vous pourriez répondre à la question de la sénatrice Greenwood sur l’approche fondée sur les distinctions.
M. Gray : Bien sûr. Je vous remercie de la question, sénatrice Greenwood.
Cette stratégie nationale peut beaucoup s’inspirer des initiatives sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants et des approches fondées sur les distinctions qui sont utilisées. Nous ne voulons pas d’une approche globale ou pancanadienne lorsqu’il s’agit d’élaborer des stratégies pour améliorer le bien‑être des enfants et des jeunes. Nous réitérons, une fois de plus, l’importance des approches fondées sur les distinctions. On s’inquiète vraiment du fait que les droits et les réalités des peuples autochtones ne soient pas pris en compte dans cette stratégie nationale, et qu’on ne réponde pas à leurs besoins particuliers et distincts.
Les organismes autochtones nationaux et régionaux connaissent bien ces approches fondées sur les distinctions. J’ai mentionné plus tôt la possibilité de créer un comité consultatif national. J’espère que si on accepte cette idée, il sera composé de représentants autochtones qui connaissent ces approches et pourront parler des notions culturelles des Premières Nations qui doivent être respectées dans l’élaboration de la stratégie.
La vice-présidente : Merci, monsieur Gray.
La sénatrice Senior : Je vous remercie d’être ici.
Ma question porte aussi sur les consultations, pour tenter d’y voir plus clair. Ce que nous demandons au gouvernement fédéral, c’est d’élaborer la stratégie. C’est l’objet du projet de loi. On se demande donc quel est le cadre souhaité pour ce projet de loi.
Je me demande quelle est la meilleure approche à adopter pour ce cadre. Il est clair que la stratégie doit comporter plusieurs éléments afin de répondre aux divers besoins des différentes communautés autochtones et non autochtones. Ma question est la suivante : vaut-il mieux mettre en place un processus parallèle pour les communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits? Comme l’a mentionné M. Gray tout à l’heure, il faut éviter qu’elles ne soient pas prises en compte. C’est ma question. J’entends la recommandation de M. Gray concernant un comité consultatif national, mais en ce qui concerne le cadre, quelle serait la meilleure approche à adopter? Est-ce une approche parallèle ou une inclusion dans l’approche nationale?
M. Chartrand : Je vous remercie de la question. C’est un très bon point. Nous sommes d’avis que toute consultation doit passer par notre gouvernement. C’est pour cela que nous avons été élus, et c’est pour cela que nous sommes structurés ainsi.
Nous existons depuis longtemps. Dès les années 1800, la consultation faisait partie intégrante de notre mode de gouvernance. Même au sujet de la création d’un comité consultatif autochtone, comme le recommande mon ami, nous aurions des hésitations à ce sujet, car notre structure politique est complètement différente de celle des Premières Nations. Nous avons un président choisi par les membres de toute la nation. Nous avons un cabinet et des représentants élus par région. Ces personnes se réunissent au sein du cabinet et prennent des décisions pour tous les Métis de la rivière Rouge qui font partie de notre nation et relèvent de notre gouvernement.
Dans le processus, il est donc essentiel que nous ayons cette indépendance, car au bout du compte, qui devra rendre des comptes si ce programme voit le jour, si le Canada adopte ce projet de loi et y donne suite? Qui vérifiera l’équilibre, les ressources, la structure, les éléments de ce qu’on veut réaliser, et ce qui est fait ou n’est pas fait ?
S’il s’agit d’une approche panautochtone, on ne peut rien mesurer. Par exemple, il existe des stratégies de programmes pour les sans-abri au pays. Beaucoup de personnes présentent des demandes, et ce faisant, se marchent sur les pieds. Je n’ai pas constaté d’amélioration de la situation des sans-abri. Les problèmes sont toujours là. Qui est responsable? Nous pouvons saupoudrer un peu de financement ici et là — nous, en tant que gouvernement — mais il est tellement dispersé qu’il n’y a aucun moyen de mesurer si ce programme est efficace ou non.
Si on veut investir l’argent des contribuables, il faut s’assurer d’avoir des résultats et des objectifs mesurables qui y sont rattachés. Pour ce faire, cela doit passer par nos gouvernements. Notre peuple et notre gouvernement ne se sont pas dotés de structures depuis plusieurs centaines d’années pour que cela ne soit pas respecté. Si vous dites : « Je vais aller voir la communauté », à qui allez-vous parler dans la communauté? L’approvisionnement en est un bon exemple au pays. Cela fonctionne, mais il y a des ratés parce que personne ne vérifie. N’importe qui peut se déclarer autochtone et profiter du programme d’approvisionnement, et c’est ce qui s’est passé. Des gens volaient l’argent du Canada.
Quand on y regarde de plus près, cela devient très clair. Les Premières Nations et les Métis — et je ne peux pas parler au nom des Inuits, ils le feront eux-mêmes — ont travaillé avec diligence pour mettre en place des mécanismes de contrôle dans leurs structures afin d’établir qui est responsable de quoi et qui ne l’est pas.
Je vous encourage à prôner une approche parallèle, une approche fondée sur les distinctions. Adressez-vous à notre gouvernement; nous sommes responsables et nous rendrons des comptes pour les ressources qui nous sont transférées.
M. Gray : Je vous remercie de la question, sénatrice. Je suis tout à fait d’accord pour dire que cette stratégie nationale devrait comporter un volet dédié aux Autochtones. Ce serait bienvenu. Cela contribuerait à répondre à la préoccupation que j’ai exprimée plus tôt, à savoir veiller à ce que les Premières Nations soient prises en compte dans cette stratégie nationale et qu’elles n’aient pas de mal à voir ce qu’elles pourraient en retirer. J’appuierais sans hésiter l’idée que cela fasse partie du cadre.
La vice-présidente : Merci, monsieur Gray.
La sénatrice Muggli : Je remercie beaucoup les témoins d’être avec nous aujourd’hui. Je vous en suis très reconnaissante.
Ma question porte sur les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, en particulier les appels 33 et 34 concernant les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale. Je vais commencer par vous, monsieur Gray. Est-ce que ce projet de loi peut répondre à ces appels à l’action, et si oui, comment?
M. Gray : C’est une très bonne question. J’ai dit plus tôt qu’il y avait des inquiétudes au sujet des approches en vase clos des programmes et services gouvernementaux pour répondre aux besoins des Autochtones. La question que vous avez soulevée au sujet du spectre de l’alcoolisation fœtale est certainement au premier plan lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins des communautés des Premières Nations pour contrer les problèmes de toxicomanie et de santé mentale.
J’ajouterais le problème des gangs de rue qui infiltrent et contrôlent les communautés des Premières Nations en y vendant de la drogue et en y semant la violence, car il y a un manque de sécurité publique dans nos communautés. Les conséquences négatives de ce que vous soulevez sont de plus en plus présentes et préoccupantes.
Dans le cadre de la stratégie, il faut pouvoir supprimer les cloisonnements et veiller à ce que tous les ministères fédéraux travaillent ensemble et collaborent avec les organismes de gouvernance autochtones en adoptant une approche fondée sur les distinctions. Si nous parvenons enfin à faire en sorte que ce soit le cas, ce serait, à mon avis, un grand pas en avant et une excellente approche.
Vous avez mentionné ce problème. J’ai suggéré tout à l’heure la production d’un rapport annuel sur le bien-être des enfants et des jeunes. À l’heure actuelle, cela ne figure pas parmi les objectifs que nous nous fixons tous à l’échelle nationale. Si nous plaçons cela sur notre radar et commençons à examiner les objectifs visant à résoudre ce problème particulier dans le cadre de la stratégie, et que tous les ministères travaillent ensemble et collaborent avec les organismes de gouvernance des Premières Nations, nous pourrions faire de sérieux progrès. Merci.
La sénatrice Muggli : Au nombre des cloisonnements dans ce scénario, je pense également à l’intersection avec le système de justice pénale pour les jeunes.
Reste-t-il du temps pour que M. Chartrand réponde?
M. Chartrand : Je vous remercie, madame la présidente. Go, Riders, go.
Permettez-moi de dire ceci. Premièrement, la Commission de vérité et réconciliation ne s’applique pas vraiment aux Métis. Elle a été structurée, plus ou moins, pour les Premières Nations, parce qu’elles ont été plus touchées que nous par les pensionnats. Cependant, nos communautés font face à d’énormes problèmes de criminalité, de gangs et de drogue.
Hier, j’ai pris la parole devant ce comité pour signaler que nous n’avons pas de services de police, pas d’agents, rien, dans les villages métis, car nous sommes toujours pris avec ce problème de responsabilité, à savoir si cela relève du gouvernement fédéral ou non, même si nous avons obtenu gain de cause devant la Cour suprême du Canada dans l’affaire Daniels c. Canada, qui dit que cela relève bel et bien de sa responsabilité. Nous continuons de nous battre, mais c’est un problème grave.
Même en ce qui concerne les femmes autochtones disparues, nous avons, en tant que gouvernement, débloqué 1 million de dollars afin d’offrir des récompenses de 10 000 $ pour retrouver les femmes, les garçons et les filles autochtones disparus. C’est notre propre argent, que nous gagnons grâce à nos entreprises.
En fin de compte, une crise est en cours en ce moment même. Elle détruit des familles et des communautés. Espérons que ce projet de loi interagira avec les efforts de justice déployés dans ce dossier. C’est ce dont parle mon collègue. Ne travaillez pas en vase clos. Rapprochez les deux côtés d’une manière ou d’une autre, car il s’agit d’un problème grave.
Dans la Première Nation de Sagkeeng, avant-hier, une personne a été abattue par la GRC. Quand on commence à regarder ce qui se passe dans les communautés, on constate que les temps sont durs.
De nombreux gangs s’installent et profitent des occasions qui se présentent. Je les ai vus agir juste devant les fenêtres de mon bureau avec les sans-abri pendant la pandémie de COVID. Je m’excuse, madame la présidente, mais puis-je ajouter quelque chose? Ils demandaient une aide financière liée à la COVID au nom des sans-abri vivant dans des tentes. Puis, lorsque les chèques arrivaient, ils venaient les récupérer. Ils leur donnaient de la drogue et leur faisaient des injections. Dès qu’ils entrent, on reconnaît immédiatement les trafiquants de drogue à leur façon de s’habiller, à leur façon d’entrer dans les tentes et d’en sortir. Il existe donc des systèmes très sophistiqués, et nous n’avons actuellement aucun outil pour les combattre.
La sénatrice McPhedran : Monsieur Chartrand, veuillez m’excuser pour mon retard. Je vous souhaite la bienvenue, à vous et à vos collègues. J’ai été ravie de vous voir à l’événement sur Louis Riel.
J’aimerais en savoir plus sur le processus pour consulter les jeunes par l’entremise de votre gouvernement. Pouvez-vous nous donner une description plus précise, voire plus détaillée, de la façon dont cela fonctionnerait? Tout d’abord, la demande serait adressée à votre gouvernement, mais ensuite, comment les jeunes et les enfants métis seraient-ils invités à participer à ce processus?
M. Chartrand : Je vous remercie beaucoup de la question. Nous avons en fait, dans notre structure de gouvernance, des dirigeants locaux dans chaque communauté. Nous avons une voix dans chaque communauté, des entités politiques dans nos régions. Nous avons, par exemple, sept régions dans la province du Manitoba. Nous avons l’une des plus grandes assemblées du pays. Plus de 3 000 personnes viennent à notre assemblée annuelle pour nous fournir des avis et des commentaires, y compris des jeunes. Les jeunes sont une grande priorité pour nous en ce moment. Nous mettons beaucoup l’accent sur eux parce que nous sommes préoccupés par les gangs, etc. Nous nous battons actuellement avec le gouvernement provincial au sujet des écoles. Les écoles ont supprimé les activités récréatives du programme scolaire, qui ne sont plus considérées comme faisant partie de l’éducation. C’est un chaînon manquant pour les jeunes. Si vous vous rendez dans les villages aujourd’hui, vous verrez des terrains de baseball à côté des écoles, mais personne ne joue au baseball. Pas de soccer non plus. Il ne se passe rien parce que l’école — les ministères de l’Éducation — n’y croit plus.
La situation nous inquiète, car unir les jeunes d’aujourd’hui, les amener à travailler ensemble, forge leur caractère pour l’avenir. Nous avons deux programmes. Les Programmes urbains pour les peuples autochtones, ou PUPA, par exemple, ont été annulés, alors que c’est un sacré bon programme. Il aidait les jeunes à s’équiper au hockey, au baseball ou au golf, quel que soit le sport choisi. C’était une approche proactive. Ce programme est annulé.
Il ne nous reste plus que le programme des avoirs, dans le régime d’assurance-emploi, et nous avons un partenariat pour l’emploi, le sport et les activités des jeunes. Même en été, nous employons des centaines de jeunes. Nous travaillons en partenariat avec plusieurs centaines d’entreprises métisses qui embauchent des jeunes de la communauté. Ils doivent toutefois retourner sur les bancs d’école. Ils ne peuvent pas simplement accepter un emploi sans fréquenter l’école. Nous les encourageons à y retourner. Notre taux de réussite est très élevé — le meilleur au Canada à l’heure actuelle, si l’on en croit les données.
Si l’on considère la situation dans son ensemble, nous disposons d’un système véritablement global où nos jeunes, nos aînés et nos villages participent à la prise de décision. Notre problème, c’est que les programmes que nous avons enfin mis en place sont aujourd’hui coupés. La situation nous préoccupe beaucoup. C’est pourquoi je soutiens le projet de loi, même si j’y vois des zones d’ombre, qui pourraient finir par détruire une tentative parfaite d’action. Nous vivons une crise. Soyons honnêtes avec nous-mêmes. Nous n’avons pas droit au principe de Jordan, qui est dans votre projet de loi.
Posez-vous la question. Mon petit-fils a les mêmes problèmes de santé que Jordan, qui a donné son nom au principe de Jordan. Mon petit-fils a les mêmes enjeux : il ne marchera jamais, il ne parlera jamais, et il s’alimente par sonde. Il a aujourd’hui 16 ans, alors qu’il était censé mourir à l’âge d’un an. Ma fille l’a sorti de l’hôpital. Elle en a pris la responsabilité. Les médecins lui ont dit de ne pas le faire, et qu’il ne vivrait pas plus d’un an. Il a survécu, puis les médecins ont affirmé qu’il ne vivrait pas au‑delà de cinq ans. Il a maintenant 16 ans. Il ne pourra jamais ni marcher ni parler, et il a les mêmes problèmes de santé que Jordan, qui a donné son nom au principe, mais il n’est pas inclus à ce programme. Je n’en crois pas mes oreilles. Il y a d’autres enfants comme mon petit-fils dans les villages, mais nous ne participons pas aux programmes parce que nous sommes métis.
Nous prenons ces questions très au sérieux. Je suis venu ici en personne pour vous faire part de ma position à ce sujet. Je vous remercie de votre question. Les jeunes sont vraiment impliqués dans notre système. Nous pensons que les jeunes nous disent clairement la même chose. Il y a une crise et une préoccupation très sérieuse. Il faut faire quelque chose. Ce projet de loi va-t-il apporter des changements? Je l’espère de tout mon cœur. Il changera la donne si de meilleures recommandations sont formulées. Il faut une approche fondée sur les distinctions. Sinon, ne me demandez pas mon avis, car cela ne fonctionnera pas pour moi. Si elle est fondée sur les distinctions, je vous garantis qu’elle portera ses fruits.
La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie beaucoup d’être ici et de nous aider aujourd’hui avec ce projet de loi.
J’ai une question à vous poser, monsieur le président Chartrand. Vous avez mentionné la nécessité de briser le cycle. Bien sûr, nous comprenons pourquoi il est si important de le faire, mais j’aimerais en savoir un peu plus à ce sujet. Si je vous demandais quelles seraient les trois grandes priorités, du point de vue des jeunes Autochtones, est-ce que cela permettrait de briser le cycle dont vous parliez? À quoi cela ressemblerait-il?
M. Chartrand : Tout d’abord, on renforcerait la famille. C’est essentiellement la chose la plus importante à nos yeux pour l’instant. Comme je l’ai dit, dans les centres urbains, nos parents s’en sortent bien. Ils trouvent des emplois, font des études et vont de l’avant. La jeune génération réussit également à trouver des emplois. Certains n’y parviennent pas, ce qui nous fait craindre qu’ils rejoignent des gangs. Mais dans les municipalités rurales, le taux de chômage est élevé en ce moment. Les enfants ont donc beaucoup moins de chances de se forger une vision et de devenir ce qu’ils veulent eux aussi, car personne ne leur montre la voie.
L’école, par exemple, ne fait rien en ce sens, mais nous l’encourageons vivement à agir. Nous n’avons pas notre mot à dire dans le système éducatif provincial et ses écoles. C’est donc un problème très grave. Les jeunes ont besoin d’une vision pour devenir des policiers, des avocats ou des infirmiers. Peu importe ce qu’ils veulent faire, c’est possible. Mais pour y arriver, il faut leur offrir cette vision et leur montrer que c’est faisable. Nous sommes limités dans ce contexte. Comme je viens de le dire, le Canada supprime les PUPA. Ce programme était utile. Les programmes qui existent pour encourager et donner un peu de lumière à nos générations futures sont en train d’être abandonnés. Quand ces jeunes abandonneront, vous aurez un problème plus tard. Vous vous demanderez comment nous pouvons payer leur place en prison ou sur l’aide sociale puisqu’ils ne travailleront pas.
Mon inquiétude dans nos propres communautés, c’est que je ne veux pas que nos enfants se complaisent dans l’idée qu’il est normal de vivre de l’aide sociale ou d’autres aides financières. Ils ne peuvent pas le faire. Ils doivent avoir une meilleure vision. C’est pourquoi nous avons des programmes d’emploi pour les jeunes, qui sont très efficaces.
En fin de compte, les jeunes doivent savoir qu’ils peuvent faire comme les autres qu’ils voient à la télévision ou sur Internet. Les enfants sont très intelligents.
Un autre exemple est que nous n’avons pas de programmes informatiques dans nos écoles. L’IA fait partie de votre projet de loi ici. Nous n’avons pas de programmes informatiques dans nos villes. Nous n’avons pas la fibre optique dans nos villages, mais ce sera l’avenir. Comment trouveront-ils un emploi? Ils apprennent par eux-mêmes sur leurs petits téléphones, mais ils n’apprennent pas à écrire des programmes dans le monde informatique.
Si nous voulons agir sérieusement, nous devons le faire en donnant des chances égales à tout le monde. Les décideurs ont dit que tout le monde serait branché au pays. Les gouvernements l’ont répété à maintes reprises. Je peux vous emmener de village en village. Je félicite les Premières Nations, car elles se font installer la fibre optique puisque le Canada en assume la responsabilité. Mais personne n’assume la responsabilité de notre peuple. Je ne demande pas la charité. Je paie des impôts comme tout le monde. Mes enfants y ont droit, et ma famille aussi. De mon point de vue, s’il y a une chance que cela se réalise, le Canada doit mettre en place un programme qui se penche sur cette question.
Ce programme — comme je l’ai déclaré, je suis venu ici précisément pour cela — pourrait donner au gouvernement actuel l’impulsion dont il a besoin, ou la demande qui doit être présentée, car si vous n’intervenez pas maintenant, vous devrez payer une facture plus élevée à l’avenir. Je suis inquiet au sujet des gangs. À l’heure actuelle, ils prennent régulièrement des médicaments d’ordonnance, comme s’il s’agissait de bonbons. Ils s’introduisent dans des résidences occupées par des personnes âgées et volent leurs médicaments d’ordonnance, et les personnes âgées ont peur de les dénoncer, car qu’arriverait-il s’ils revenaient chez elles?
Il y a des crises qui se produisent dans mon arrière-cour que vous ne voyez pas ici, et personne n’a de programme ou ne tente de faire quelque chose pour s’attaquer à ce problème, à part moi et mon gouvernement. Nous avons un gros problème là-bas. Selon moi, les piliers sont les suivants : il faut leur donner une éducation, leur donner une chance et leur transmettre la vision nécessaire pour qu’ils puissent devenir ce qu’ils veulent être, mais il faut aussi leur donner les outils pour y parvenir.
La sénatrice Arnold : Je vous remercie tous les deux de vous être joints à nous aujourd’hui et de nous avoir renseignés, en particulier sur l’approche axée sur les différences. J’ai trouvé cette conversation très utile.
Je m’adresse maintenant à vous, monsieur Chartrand. J’ai été très impressionné par ce que vous avez dit au sujet du logement. Pouvez-vous nous expliquer comment cela s’est produit? Pourquoi cette initiative a-t-elle été aussi fructueuse?
M. Chartrand : Je vous remercie de ce commentaire, car je suis fier de cette initiative. C’est la vision de mon peuple, et non celle de David Chartrand. C’est mon peuple qui m’a donné la directive de prendre cette mesure. Tout au long de l’histoire, les Métis ont toujours été un peuple entrepreneurial, et ce, depuis la première guerre que notre pays a connue, c’est-à-dire la bataille du libre-échange de 1816. Nous avons toujours été un peuple motivé par l’économie.
Quand on y réfléchit, notre problème, c’est que, après avoir perdu notre capacité de posséder nos propres terres et nos propres maisons, nous avons été chassés du Manitoba et contraints de nous déplacer vers l’ouest, devenant ainsi un peuple sans terre.
Sans vouloir manquer de respect à la société non autochtone, cette société a pris une longueur d’avance parce que ses membres ont construit leurs maisons, ont labouré leurs terres, ont installé leurs fermes, et cetera. Leurs enfants ont eu une excellente occasion d’avoir de meilleures chances. Nous sommes donc en retard. Nous avons, disons, 50 ou 100 ans de retard, et nous venons tout juste de réintégrer le cycle des choses.
J’ai toujours cru que si vous avez un foyer solide, vous aurez une famille solide. Dans ce contexte, nos concitoyens nous ont dit : « Écoutez, nos enfants travaillent, mais ils n’arrivent pas à économiser suffisamment d’argent. Une fois qu’ils ont dépensé pour assurer la subsistance de leurs enfants, pour financer leurs activités sportives ou tout ce dont ils ont besoin, ils ne peuvent tout simplement pas épargner suffisamment d’argent pour s’acheter une maison ». Ils ont donc ajouté : « Si vous pouviez nous aider en nous accordant la mise de fonds initiale et en prenant peut-être en charge les frais juridiques pour conclure le contrat, alors nous pourrions peut-être parvenir à acheter une maison ».
Nous avons déclaré qu’il fallait essayer cela, alors nous avons mis en place un programme. Nous avons versé tel ou tel montant pour la mise de fonds initiale — je crois qu’il s’agissait de 18 000 $ —, et le programme s’est propagé comme une traînée de poudre. Depuis, plus de 1 300 familles — il s’agit probablement d’environ 1 400 — ont acheté leur maison, y compris un grand nombre de familles composées d’enfants. Ces enfants vont avoir une longueur d’avance. Ils vont désormais jouir d’un patrimoine. Ils vont posséder quelque chose dont ils peuvent être fiers. Ils vont avoir leur propre maison. Nous n’offrons pas ce programme uniquement à Winnipeg; il est offert dans l’ensemble de notre terre natale.
Lorsque vous examinez ce programme, vous vous rendez compte qu’il est possible de mettre en place un tel programme. Nous offrons également un programme appelé « Home Enhancement Loan Program » (programme de prêts pour la rénovation domiciliaire), ou HELP. Toutefois, ce programme sert à rénover des maisons qui peuvent encore être habitées pendant 20 ou 30 ans. Ce programme connaît un immense succès.
De plus, nous faisons appel à des entrepreneurs métis. Nous en avons un grand nombre, soit environ 30 entreprises de construction qui rénovent et construisent des maisons. Nous avons des résidences pour personnes âgées. Ce sont les moins chères de la province du Manitoba et du gouvernement du Canada. Nous gérons certaines des meilleures résidences pour personnes âgées que vous puissiez voir, et pas pour gagner de l’argent. Si vous souhaitez venir visiter nos maisons, je vous en montrerai une. Nous offrons certains des meilleurs programmes qui soient. Ces résidences sont non seulement les moins chers du pays, mais nous déneigeons aussi leurs maisons, nous tondons leur pelouse et nous leur fournissons un petit jardin.
Ce programme est très respecté, mais cette stratégie a été adoptée, parce que nous contrôlions la situation. Si le Canada avait eu son mot à dire, le programme ne serait jamais devenu ce qu’il est aujourd’hui. Nous avions le contrôle. Nos membres nous ont expliqué ce dont ils avaient besoin, comment nous pouvions arriver à ce résultat et le fait qu’ils seraient à la fois responsables et redevables. Le Canada a essayé de mettre en œuvre un tel programme, mais il a échoué, et le Canada a abandonné ce programme. Nous avons le nôtre, et il fonctionne toujours, de manière solide et efficace. Je ne peux vous décrire la fierté et les larmes versées dont j’ai été témoin, les gens coupant le ruban en tant que nouveaux propriétaires. Cela a changé leur vie. Tout le monde travaille maintenant pour un avenir meilleur. Comme je l’ai dit au sénateur ici présent, les gens ont besoin d’espoir et de voir que leurs espoirs peuvent se réaliser. Le changement est en marche.
Regardez notre population. Elle est aussi nombreuse que celle d’une Première Nation, c’est-à-dire environ 130 000 personnes dont je suis responsable. Quand on y réfléchit bien, on réalise en fin de compte que cette nouvelle fierté de posséder un foyer change vraiment la psychologie de la famille, et ce, de manière considérable. Je vous remercie de votre attention.
Le sénateur Cuzner : Je suis ravi de revoir le président Chartrand. Je pense que nous nous sommes rencontrés pour la première fois il y a environ 20 ans, et il est évident que vous êtes toujours aussi passionné aujourd’hui que lorsque vous avez commencé à exercer vos fonctions.
Je ne sais pas si cela a un rapport avec le projet de loi, mais vous avez fait un commentaire au sujet des installations scolaires, des terrains de baseball et de soccer qui ne sont plus utilisés. Est-ce parce que les commissions scolaires ont pris du recul? Les enseignants sont-ils soumis à des restrictions? C’est peut-être en raison de questions de responsabilité. Cela représente-t-il une occasion de développement communautaire, une possibilité d’investir dans le leadership communautaire, dans l’encadrement? Si ces terrains restent inutilisés, comment pouvons-nous exploiter ce potentiel?
M. Chartrand : Je vous remercie de cette question. En fait, il y a quelques mois, j’ai eu une discussion avec le premier ministre de ma province. Même s’il y a un terrain de baseball à l’école, parce que c’est là qu’ils l’ont construit, l’école nous empêche de l’utiliser. Comme nous avions nos propres ressources, nous avons déclaré que nous achèterions les terrains de baseball, les balles et les gants. Nous avons dit : « Remettons le baseball au goût du jour », car bon nombre des communautés dont je suis issu sont de grandes communautés de baseball. Mais les réponses ont été non, non et non.
Nous n’avons pas le droit d’utiliser le gymnase. Il y a des terrains de basketball à l’extérieur, mais nous n’avons pas le droit de les utiliser non plus. Nous devons donc construire les nôtres. Nous devons construire nos propres infrastructures, ce qui est absurde, car ils n’utilisent pas ces terrains. Comme je l’ai indiqué, le programme scolaire des commissions scolaires et des établissements scolaires s’est éloigné des sports et des loisirs pour se concentrer davantage sur l’éducation et la littérature.
Nous essayons toujours de faire passer ce message, mais comme ce sont les commissions scolaires qui gèrent ces installations de manière indépendante, nous devons les convaincre. Bon nombre de ces installations... par exemple, le gymnase. Nous leur disons : « Nous allons créer un programme en soirée afin que les enfants soient occupés pendant ces heures et continuent d’être proactifs. Ce sont vos élèves de toute façon, mais la FMM prendra en charge les frais nécessaires ». Ils répondent : « Non, non, nous ne voulons pas abîmer le revêtement de nos planchers ». C’est pourtant la raison d’être d’un gymnase. Je ne plaisante pas, et je n’invente pas cette conversation. C’est la réalité, et cela nous pose de réelles difficultés lorsqu’il s’agit de promouvoir cette possibilité.
Je vais vous donner un autre exemple. J’ai lancé un programme de violon parce que je crains beaucoup que la musique métisse ne disparaisse. Elle ne peut être écrite, car elle repose entièrement sur des sons. Nous avons donc lancé un programme de violon. Mon directeur général a attiré mon attention sur ce problème il y a environ 20 ans. Nous n’avions pas beaucoup d’argent, mais il a déclaré : « Il faut lancer un programme de violon, car j’ai peur que nos violonistes disparaissent et avec eux, notre culture. Si cela se produit, une partie de nous disparaîtra ».
J’ai accepté, mais j’ai dit : « Je ne vois pas les jeunes enfants se précipiter sur des violons. Je ne les vois tout simplement pas s’intéresser à cela. Ils voudront des guitares, des batteries ou des instruments pour jouer du rock ». Mais il m’a convaincu. Nous n’avions pas beaucoup d’argent, mais nous avons tout de même acheté une centaine de violons, des t-shirts et des écharpes. Nous avons rencontré le responsable d’une des écoles, et nous lui avons dit : « Écoutez, si nous payons un professeur de violon, c’est-à-dire un de nos aînés, pour venir enseigner cet instrument aux enfants, accepteriez-vous que ces cours aient lieu? Même s’ils ont lieu en après-midi ou en soirée? ». L’une des écoles a tenté le coup. Ils ont dit : « D’accord, allons-y », et ce programme s’est répandu comme une traînée de poudre. Nous avons maintenant acheté plusieurs milliers de violons, et il y a des enfants qui jouent du violon partout et qui composent maintenant leur propre musique.
Je me suis demandé comment il se faisait que cela ait fonctionné, puis j’ai compris. J’ai observé l’enthousiasme sur les visages des familles. Les enfants montent sur scène dans les petites salles de leurs villages, et leurs grands-parents, leurs parents, leurs tantes, leurs oncles viennent les admirer pendant qu’ils jouent du violon sur la scène. C’est donc une simple question d’admiration. Tout à l’heure, elle m’a demandé comment j’arrive à faire ce que je fais. Eh bien, il faut inculquer la fierté à ces jeunes. Comme je l’ai mentionné, à 14 ans, ils vendent leurs CD. Aujourd’hui, ils sont passés à la vente de nouvelles technologies, mais il y a quelques années, ils vendaient leurs CD pour montrer leur esprit d’entreprise.
Nous devons avoir une grande discussion avec nos ministres fédéraux et provinciaux, qui doit déboucher sur une réaction commune. Nos gouvernements et les Premières Nations ont également des revenus. Faisons-les participer à ces programmes, et saisissons cette occasion de dire aux écoles qu’elles doivent nous permettre d’utiliser le système si nous le finançons.
Le sénateur Cuzner : Si vous ne pouvez pas y avoir accès, cet actif est immobilisé.
M. Chartrand : Je suis parfaitement d’accord. Cet actif a été financé par les contribuables, dont moi-même. C’est ainsi qu’ils ont construit les terrains de baseball, les terrains de basketball, les gymnases et les autres installations que nous ne sommes pas autorisés à utiliser.
Nous pourrions repartir à zéro, mais cela coûterait trop cher, et nous entrerions en concurrence avec les écoles. Si le gouvernement fédéral prenait cela au sérieux comme nous le faisons, je pense que nous verrions des changements positifs.
La vice-présidente : Nous sommes arrivés à la fin de l’audience du premier groupe d’experts. Nous n’avons pas le temps d’organiser une deuxième série de questions, mais j’aimerais que chaque sénateur qui devait participer à la deuxième série de questions lise sa question à haute voix afin qu’elle figure dans le compte rendu, et nous pourrons ensuite inviter nos témoins à fournir des réponses à ces questions par écrit. Chers témoins, cette idée est-elle acceptable?
M. Chartrand : Madame la sénatrice, j’ai quatre collaborateurs derrière moi. Ils feraient bien de prendre des notes à ce sujet. Nous présenterons nos réponses par écrit, je vous l’assure.
M. Gray : Oui. Cela ne pose pas de problèmes. Nous soutenons cette idée.
La vice-présidente : Je vous en remercie.
La sénatrice Moodie : J’ai deux questions à poser. Je vais les lire très rapidement. Je suis très intéressée par ce que j’entends au sujet du processus et des recommandations pour modifier ce processus. Et j’aimerais comprendre un peu mieux deux aspects du processus. Ce que nous entendons, c’est la question de savoir si nous avons besoin de créer un processus distinct et parallèle pour nous occuper de vos communautés, un processus axé sur les différences, et où vous pensez que cela s’inscrit dans le projet de loi en tant que recommandation. Je pense que cela ferait partie des considérations. Pensez-vous la même chose?
La deuxième question concerne les rapports. J’adore l’idée d’avoir un rapport annuel sur le bien-être des enfants, et je me demande où vous pensez que cela devrait figurer dans le contexte du projet de loi. Faudra-t-il l’inscrire dans la section consacrée à l’examen et aux rapports?
La vice-présidente : Je vous remercie, sénatrice Moodie.
La prochaine question sera lue par la sénatrice Greenwood.
M. Chartrand : Recevrons-nous une copie des questions?
La vice-présidente : Oui, nous pouvons vous en remettre une copie.
M. Chartrand : Merci.
La sénatrice Greenwood : Mes questions portent sur les indicateurs, l’évaluation et les résultats.
Je souhaite connaître votre avis concernant les résultats de l’évaluation et les indicateurs qui seraient acceptables pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Je vous invite à vous exprimer en fonction de votre point de vue.
Je cherche des évaluations, des résultats et des indicateurs qui seraient acceptables pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis, et je me demande comment ces mesures pourraient être élaborées et évaluées. Le projet de loi lui-même fait allusion à des normes internationales. Je voudrais savoir quelles seraient les normes acceptables pour les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Merci.
La vice-présidente : La prochaine question qui sera lue à haute voix est celle de la sénatrice McPhedran.
La sénatrice McPhedran : Président Chartrand, nous savons qu’il existe une stratégie pour les enfants inuits. Nous savons que nous disposons du principe de Jordan, mais vous avez abordé une lacune importante.
Puis-je vous demander si votre gouvernement travaille déjà à l’élaboration d’une stratégie ou d’un plan concernant les enfants métis? Dans l’affirmative, pourrions-nous mieux comprendre en quoi le projet de loi, s’il était adopté, pourrait être utile à cet égard? Pourriez-vous également aborder dans votre réponse la question du suicide chez les jeunes? Merci.
La vice-présidente : La prochaine question qui sera lue à haute voix est celle de la sénatrice Petitclerc.
La sénatrice Petitclerc : Si vous me le permettez, j’aimerais que les deux témoins me donnent leur point de vue sur une stratégie qui permettra de lutter spontanément contre la pauvreté, bien sûr, mais aussi contre la toxicomanie, les problèmes de santé mentale et le suicide. Vous avez abordé ce sujet, monsieur le président Chartrand.
Dans quelle mesure sera-t-il important qu’une stratégie aborde également la question de l’accès au sport et aux loisirs, comme vous l’avez évoqué? Pourriez-vous nous donner tous les deux votre avis à ce sujet?
La vice-présidente : Merci à tous. Je mentionne à nos témoins que notre dernière réunion pour recueillir des témoignages aura lieu mercredi prochain. Nous passerons à l’étude article par article jeudi prochain.
Nous vous expliquerons comment examiner les questions et soumettre vos réponses. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous faire parvenir vos réponses concises avant le lundi 24 novembre.
Sénateurs, cela nous amène à la fin de l’audition du premier groupe d’experts. Je tiens à remercier MM. Chartrand et Gray des témoignages qu’ils ont apportés aujourd’hui.
Dans le cadre de l’audition de notre prochain groupe d’experts, nous accueillons par vidéoconférence, Omid Razavi, directeur exécutif de It Gets Better Canada, ainsi qu’Alfred Burgesson, ancien membre du Conseil des jeunes, et Mamadou Diallo, conseiller jeunesse, qui comparaissent en personne.
Je remercie tous les témoins de s’être joints à nous aujourd’hui. Vous disposerez de cinq minutes chacun pour faire votre déclaration préliminaire, qui sera suivie des questions des membres du comité.
Monsieur Razavi, la parole est à vous.
Omid Razavi, directeur exécutif, It Gets Better Canada : Monsieur le président, madame la vice-présidente, distingués membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, merci de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui.
Je m’appelle Omid Razavi, mes pronoms sont « il » et « lui », et je suis directeur général de It Gets Better Canada. Aujourd’hui, nous sommes le seul organisme de bienfaisance national qui se consacre exclusivement aux jeunes 2SLGBTQI+ au Canada.
Chez It Gets Better Canada, nous comprenons à quel point il est important d’écouter les jeunes et d’amplifier leur voix. Le plus grand atout de notre organisme de bienfaisance est notre vaste réseau pancanadien constitué de jeunes 2SLGBTQI+ qui soutiennent nos programmes.
Notre réseau nous permet de comprendre concrètement les obstacles auxquels les jeunes queers sont confrontés aujourd’hui, et ce n’est un secret pour personne que ces obstacles sont de plus en plus nombreux.
Avec plus de 1,2 million d’impressions sur les réseaux sociaux au cours de la dernière année seulement, nous constatons une augmentation des besoins en ressources. Bien que croissante, notre présence sur les réseaux sociaux s’est vue accompagnée d’une augmentation des attaques et de la haine en ligne. Ce phénomène est toutefois loin de rendre compte de la réalité et des préjudices auxquels les jeunes 2SLGBTQI+ sont confrontés sur le Web en ce moment.
Conscients de cela, nous venons de lancer notre dernière ressource, GLO, une application mobile conçue pour sécuriser et protéger les jeunes queers lorsqu’ils naviguent sur les réseaux sociaux, notamment en ce qui concerne la désinformation et l’intelligence artificielle. Cette application qui s’appuie sur des recherches et des consultations auprès des jeunes a été rendue possible grâce à un financement fédéral transitant par Femmes et Égalité des genres Canada.
Nous félicitons le comité d’avoir reconnu l’importance de consulter les enfants et les jeunes, et la nécessité d’élaborer une stratégie nationale pour les soutenir. Je suis ici aujourd’hui pour représenter notre réseau de jeunes et je vous demande de veiller à ce que les consultations tiennent compte des importantes nuances qui existent au sein de la communauté 2SLGBTQI+.
Le projet de loi lui-même ne fait aucune référence à la communauté 2SLGBTQI+ au Canada. Il se contente de faire allusion, dans son préambule, à la question du genre et de l’identité sexuelle. Je comprends qu’il s’agit d’une stratégie nationale pour les jeunes, mais il n’existe pas de solution toute faite lorsqu’on tient compte des différences en matière d’égalité entre les différents groupes. Pour éviter de perpétuer le statu quo, le gouvernement doit prendre des mesures particulières pour des communautés ciblées. Je vous demande de veiller à ce que toute création de matériel ou publication de données se fasse en collaboration avec un ensemble diversifié de groupes de parties prenantes de la communauté 2SLGBTQI+ au Canada.
Il est important de souligner que le projet de loi fait référence à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, ou CNURDE. J’en profite donc pour rappeler certains des principes fondamentaux de cette convention, à commencer par la non-discrimination. Selon le site Web du gouvernement du Canada, le principe de non-discrimination de la CNURDE est défini comme suit :
Les droits de tous les enfants doivent être respectés sans aucune discrimination. Peu importe leur sexe, s’ils sont riches ou pauvres, leur religion, leur race, leur langue ou s’ils ont des besoins spéciaux.
À l’heure actuelle, au Canada, les jeunes transgenres ne jouissent pas de ce droit. Dans deux provinces, la Saskatchewan et l’Alberta, les jeunes transgenres n’ont pas accès aux soins médicaux dont ils ont besoin. En Alberta, à l’école, les jeunes transgenres ne peuvent pas non plus être désignés par leur nom ou leurs pronoms sans le consentement de leurs parents, et les filles transgenres ne sont pas autorisées à jouer dans des équipes sportives féminines après l’âge de 12 ans.
Ces projets de loi sont clairement discriminatoires. Cela est confirmé par l’injonction prononcée contre le projet de loi 26 pour violation des droits garantis par la Charte. Si un projet de loi viole intentionnellement les droits garantis par la Charte d’un groupe particulier, à savoir les jeunes transgenres, et qu’il est conçu à cette fin, il s’agit d’une discrimination sanctionnée par l’État. Si le gouvernement canadien souhaite agir conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, il doit défendre les jeunes transgenres et leur droit d’accéder aux soins médicaux dont ils ont besoin, de vivre dans la dignité et d’avoir des activités sociales.
Un autre principe de la convention, c’est le droit à la vie et au développement, qui est décrit comme suit sur le site Web du gouvernement du Canada :
La Convention déclare que les gouvernements doivent faire tout ce qu’ils peuvent pour assurer la survie des enfants et les aider à atteindre leur plein potentiel.
J’aimerais terminer ma déclaration en vous faisant part des réflexions de l’un des membres de notre comité consultatif des jeunes, Rowan, un impressionnant jeune transgenre de l’Alberta :
Dans ma collectivité d’origine, deux jeunes transgenres âgés de moins de 18 ans se sont suicidés. Une préoccupation courante, fondée sur des preuves, est l’augmentation documentée du risque de suicide chez les jeunes transgenres lorsque des politiques qui s’opposent à eux sont, ne serait‑ce, que débattues. Le Trevor Project a constaté en 2024 qu’un projet de loi anti-trans peut augmenter de 70 % le risque de tentative de suicide chez les jeunes trans. Si un gouvernement est censé faire de son mieux pour aider les enfants à vivre et à grandir, cela signifie qu’il doit s’attaquer à la cause profonde du risque de suicide. En tant qu’ancien jeune transgenre suicidaire, je voulais être en mesure de vivre comme je suis sans être persécuté, mais je ne voyais pas cela comme une possibilité. J’ai obtenu mon diplôme d’études secondaires avant que la loi anti-trans ne s’implante au pays. J’ai commencé ma transition médicale avant qu’elle n’entre en vigueur dans ma province. Je n’aurais jamais pu imaginer que je verrais cela comme une possibilité à cause de mon gouvernement.
Si le gouvernement souhaite agir conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, il doit protéger les jeunes transgenres contre les facteurs qui font grimper leur taux de mortalité. Ce projet de loi doit inclure des mesures de protection pour les jeunes 2SLGBTQI+, en particulier pour les jeunes transgenres. J’exhorte le gouvernement à agir en conformité avec la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant. Les écosystèmes les plus sains sont les plus diversifiés. Si nous voulons que notre pays prospère, nous ne pouvons pas continuer à tuer son avenir.
Je vous remercie.
La vice-présidente : Je vous remercie.
Monsieur Burgesson, vous avez la parole.
Alfred Burgesson, fondateur et chef de la direction, Tribe Network : Merci de m’avoir invité à vous faire part de mes observations au sujet du projet de loi S-212. Mes points de vue et mes connaissances sur cette question sont basés sur mes expériences personnelles. J’ai eu 29 ans la semaine dernière, alors je pense encore avoir un an pour être suffisamment crédible pour m’exprimer à ce sujet, mais sachez que j’apprécie vraiment la chance qui m’est donnée d’être ici aujourd’hui. Merci, sénateurs, de votre important travail sur cette question.
Mon parcours en tant que défenseur des jeunes a commencé au secondaire et, ces dernières années, j’ai eu l’occasion de poursuivre ce travail au sein du Conseil jeunesse du premier ministre et en coprésidant le collectif responsable du premier Rapport sur l’état de la jeunesse du Canada, en 2021.
Je voudrais souligner plusieurs points. Le premier est l’importance de ce projet de loi. Le Canada n’a actuellement aucun plan unifié pour les enfants et les jeunes. Le rapport sur la situation des jeunes était un exercice d’écoute, mais il n’a débouché sur aucune politique concrète dans ce domaine.
Aujourd’hui plus que jamais, les enfants et les jeunes font face à un avenir précaire. J’ai des amis et des pairs qui ont peur de ce qui les attend et qui ne veulent pas avoir d’enfants dans le monde dans lequel nous vivons. Je trouve ce constat très triste, mais cela s’explique en grande partie par le fait que les jeunes sont en train de perdre espoir en un avenir durable. Les jeunes d’aujourd’hui sont aux prises avec une augmentation insoutenable du coût de la vie, qu’il s’agisse de faire des études en bonne et due forme, de s’alimenter ou de se loger. Il y a un manque d’engagement significatif auprès des jeunes pour ce qui est de régler ces problèmes, et il en résulte une profonde méfiance à l’égard des institutions qui nous gouvernent aujourd’hui.
Pour restaurer cet espoir, je pense qu’il est nécessaire de nous doter d’une stratégie nationale ayant pour objet de s’attaquer aux problèmes qui préoccupent vraiment les enfants et les jeunes. Cette stratégie nationale doit être conçue en collaboration avec les jeunes.
Je voudrais vous exposer quelques enseignements que j’ai tirés de mon expérience en tant que président du collectif responsable du rapport sur la situation des jeunes en 2021. Ce rapport était axé sur six grands thèmes : vérité et réconciliation, environnement et action climatique, santé et bien-être, leadership et impact, emploi et compétences en matière d’innovation, et apprentissage. Le rapport soulignait que les jeunes exigent des gestes significatifs plutôt que symboliques, ainsi que des mesures audacieuses et une responsabilisation en matière de réconciliation et d’action climatique. À l’heure actuelle, de nombreux jeunes vivent une crise de santé mentale. Ils ont un accès inégal aux soins de santé, ce qui reste un obstacle majeur pour eux. Les jeunes d’aujourd’hui sont confrontés à de sérieux obstacles en matière d’emploi et de développement de carrière. L’éducation devient de plus en plus coûteuse et elle est mal adaptée aux compétences requises dans le monde réel.
Je vous recommande vivement de lire ce rapport. Vous pouvez le trouver en ligne en recherchant « Rapport sur l’état de la jeunesse du Canada ». Il s’agit d’un rapport audacieux qui s’appuie sur les opinions des jeunes de tout le pays.
Pour terminer, permettez-moi de vous faire part de mon point de vue et de mes recommandations concernant la mise en œuvre de ce projet de loi. J’ai examiné le projet de loi et je suis d’accord avec la plupart des éléments qui y sont abordés. Voici quelques mesures qui, selon moi, devraient être ajoutées à ce projet de loi, notamment l’intégration du rapport national sur l’état de la jeunesse et l’engagement de procéder à sa mise à jour au moins tous les quatre ans.
Lorsqu’il s’agit de jauger la qualité de vie au Canada, je crois qu’il faudrait avoir recours à une approche approfondie et rigoureuse. Nous avons un excellent exemple en Nouvelle-Écosse grâce à l’organisme Engage Nova Scotia. En 2019, Engage Nova Scotia a mené une enquête sur la qualité de vie. Je faisais partie de cette équipe et je siège actuellement au conseil d’administration de cet organisme. J’ai donc pu constater de mes propres yeux le potentiel que représente la collecte de données essentielles sur les citoyens. Je crois fermement que ces données peuvent éclairer les décisions politiques futures de notre pays, et ce, à tous les échelons de gouvernement.
Nous devons également veiller à ce que le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires jouent leur rôle dans la lutte contre les inégalités chez les jeunes en créant des bureaux du commissaire aux enfants et aux jeunes dans les régions.
Je ne prétends pas avoir toutes les réponses, et le gouvernement ne devrait pas non plus prétendre les avoir. Cependant, je crois qu’il faut commencer par poser les bonnes questions et utiliser les idées des jeunes pour prendre de meilleures décisions pour l’avenir. Après tout, c’est sur les décisions prises aujourd’hui que se fonde l’avenir dont nous allons hériter.
J’exhorte le gouvernement à appuyer le projet de loi et à veiller à ce que sa mise en œuvre tienne compte des voix et des réalités des jeunes de tout le pays.
Enfin, voici quelques organismes jeunesses qui, à mon avis, devraient être consultés au cours de ce processus : le Centre d’éducation Ulnooweg dans la région mi’kmaq, la PREP Academy à Halifax, qui s’adresse aux élèves afro-néo-écossais, et Les enfants d’abord Canada, qui s’adresse aux jeunes de tout le pays.
Je vous remercie de m’avoir donné cette occasion de vous parler.
La vice-présidente : Merci.
Monsieur Diallo, la parole est à vous.
[Français]
Mamadou Oury Diallo, conseiller jeunesse, à titre personnel : Honorables sénateurs, c’est un immense honneur de prendre la parole aujourd’hui devant vous. Lorsque je suis arrivé au Canada il y a 10 ans, je ne m’imaginais pas prendre la parole devant des sénateurs. Merci pour cet honneur, et merci de me donner l’occasion de contribuer à vos travaux.
Permettez-moi d’ouvrir avec les mots de Nelson Mandela :
Rien ne révèle mieux l’âme d’une société que la façon dont elle traite ses enfants.
Aujourd’hui, nous savons que le Canada fournit d’importants efforts pour les jeunes et les enfants, mais nous ne disposons toujours pas d’une vision nationale cohérente pour garantir le bien-être des enfants et des jeunes au Canada.
Des données récentes de Statistique Canada montrent que les jeunes âgés de 15 à 24 ans représentent plus de 12 % de notre population, mais ils ont un taux de chômage presque deux fois plus élevé. Près de 914 000 jeunes âgés de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi, ni aux études, ni en formation.
Honorables sénateurs, derrière chaque chiffre se trouve un potentiel, une trajectoire qu’on peut choisir de soutenir ou d’abandonner. Si vous me le permettez, je voudrais tracer un parallèle très simple.
Je suis arrivé ici comme jeune immigrant noir dans la seule province officiellement bilingue du pays, le Nouveau-Brunswick. Dans cette province, j’étais dans une communauté de langue officielle en situation minoritaire. Comme plusieurs jeunes, j’ai connu une adaptation difficile, un sentiment d’isolement; j’ai subi la pression de réussite, avec une barrière linguistique vécue de deux côtés : être parfois trop francophone, parfois pas assez.
Grâce à des programmes et à des adultes qui ont cru en moi et à une communauté qui m’a offert une place, j’ai pu non seulement m’intégrer, mais aussi apprendre, contribuer et m’élever. Ma trajectoire n’a rien d’exceptionnel. Elle montre simplement ce qui devient possible quand un pays investit réellement dans ses jeunes et décide de leur faire confiance, peu importe l’origine, la langue ou le contexte social.
C’est exactement ce que propose ce projet de loi : transformer des réussites individuelles en réalités collectives.
Ce projet de loi ne se limite pas à énoncer des intentions. Pour moi, il crée un cadre national solide, mesurable et responsable. Il vise à réduire et ultimement à éradiquer la pauvreté infantile, à assurer à chaque enfant un niveau de vie suffisant, à renforcer l’alignement du Canada avec ses engagements internationaux, à placer les enfants et les jeunes au cœur des politiques publiques et à instaurer un mécanisme de reddition de comptes clair et transparent.
Comme le disait Marian Wright Edelman , les enfants sont 100 % de notre avenir. Si cela est dit, à mon sens, c’est aussi vrai. Investir dans les jeunes n’est pas qu’un geste symbolique; c’est l’investissement social le plus rentable qui soit. Aujourd’hui, les jeunes sont la génération la plus connectée, la plus innovante, la plus capable de répondre aux défis climatiques, technologiques et démographiques.
Pour reprendre les mots de Kofi Annan, aucun outil ne sera plus efficace pour façonner un avenir meilleur que l’autonomisation de nos jeunes. Je suppose et je formule le vœu aujourd’hui que ce projet de loi ne soit pas seulement une obligation morale, mais qu’il soit un levier stratégique pour bâtir un Canada plus juste, plus prospère et plus durable.
En tant que membre du groupe consultatif jeunesse de plusieurs organisations, dont la Commission canadienne pour l’UNESCO et la Fondation Michaëlle Jean, nous voulons que les jeunes soient impliqués dans le processus de décision des politiques publiques. C’est en mettant en place ces stratégies que les jeunes seront des vecteurs de changement, qu’ils seront impliqués et que ces politiques seront mises en place pour et par les jeunes.
Je formule le vœu sincère que cette séance ne soit pas qu’un simple exercice parlementaire, mais un engagement clair, durable et historique en faveur des enfants et des jeunes du Canada.
Je vous remercie.
[Traduction]
La vice-présidente : Merci à vous tous pour vos déclarations liminaires. Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité.
Pour ce groupe d’experts, les sénateurs disposeront de quatre minutes pour poser leurs questions — ce qui comprend les réponses. Veuillez indiquer si votre question s’adresse à un témoin en particulier ou à tous les témoins.
La première question sera posée par la sénatrice McPhedran. Puis, ce sera au tour de la marraine du projet de loi, la sénatrice Moodie.
La sénatrice McPhedran : Merci d’avoir pris le temps de vous présenter devant nous aujourd’hui.
Par mes questions, j’ai essayé de recueillir plus de renseignements non seulement pour notre comité, mais aussi, je l’espère, pour la mise en œuvre de ce projet de loi. J’ai pour ce faire demandé aux témoins de nous en dire plus sur le déroulement du processus, en particulier sur la manière dont vous comptez atteindre les jeunes avec lesquels vous avez des liens particuliers. Dans cette optique, j’aimerais que vous me donniez le plus de détails que vous êtes disposés à me donner.
En d’autres termes, qui faut-il contacter? Quel type de processus faut-il mettre en place? Quel type de suivi faut-il prévoir? Je sais que vous n’avez pas été informés longtemps à l’avance de cette question, mais compte tenu de votre expérience, vous serez sans doute en mesure de nous donner de plus amples détails.
M. Burgesson : Je pense qu’il est nécessaire de créer un bureau pour les enfants et les jeunes du pays. Je sais que nous avons actuellement une ministre responsable des enfants et des jeunes. Dans un monde idéal, nous aurions un commissaire aux échelons fédéral, provincial et territorial.
J’ai eu le plaisir de faire partie du Conseil jeunesse du premier ministre pendant quelques années. En ce qui concerne ce projet de loi et sa mise en œuvre, j’espère que si un bureau est créé, il sera doté de personnel à temps plein et dévoué qui couvrira chaque province et travaillera peut-être en collaboration avec les provinces afin de recueillir de l’information et des observations sur la situation des enfants dans chaque région du pays.
Je suis tout à fait d’accord avec l’idée de créer un bureau pour les enfants et les jeunes. Dans le meilleur des cas, nous pourrons également inciter les provinces et les territoires à faire de même, s’ils ne l’ont pas déjà fait.
[Français]
M. Diallo : Je soutiens également l’idée de créer un bureau pour les jeunes, mais surtout l’idée que les jeunes doivent être impliqués dans le bureau pour faire avancer les choses. Je pense que l’un des processus les plus importants serait de s’assurer d’être inclusif, que toutes les provinces sont représentées autour de la table, mais aussi que les sociétés civiles sont impliquées. Par exemple, dans mon cas, je suis impliqué dans plusieurs comités consultatifs, notamment la Commission canadienne pour l’UNESCO et la Fondation Michaëlle Jean. Nous faisons aussi quelques travaux avec la Fondation canadienne des relations raciales.
Je crois que la société civile a un rôle tout aussi important à jouer. Ce serait bien de les inclure dans le processus de consultation. Il y a des jeunes qui sont des entrepreneurs et qui éprouvent certaines difficultés. Il faut donc trouver des voies et des mécanismes pour atteindre ces jeunes à travers des organisations déjà constituées pour faire avancer les différents objectifs.
Merci.
[Traduction]
M. Razavi : J’adore cette question. On peut y réfléchir longuement, mais je pense que cela commence par une volonté de susciter ou, dans bien des cas, de regagner la confiance de nos jeunes. Cela signifie entre autres choses qu’il faudra travailler avec des organismes comme le nôtre qui ont des comités consultatifs de jeunes. Il existe de nombreux organismes de qualité à l’échelle nationale qui comptent dans leurs conseils jeunesse des jeunes vraiment motivés, et je pense que c’est un excellent point de départ. Il serait assurément intéressant d’envisager de renforcer la confiance en travaillant avec nous en tant que relais.
La sénatrice Moodie : Merci aux témoins qui ont accepté de se joindre à nous aujourd’hui.
Pour moi, c’est un exercice fascinant que d’écouter certains de vos propos. Cela concerne certains domaines dans lesquels j’ai travaillé et où j’ai tenté d’apporter des changements.
J’examine certains des principaux obstacles auxquels les jeunes peuvent être confrontés lorsqu’ils tentent d’influencer les décisions du gouvernement. J’examine également le paysage fédéral actuel dans la perspective des enjeux qui sont les plus importants pour les jeunes.
Comment une stratégie nationale pourrait-elle contribuer à résoudre certains des problèmes auxquels vous devez faire face dans ces deux domaines et ainsi créer un cadre national uniforme et responsable qui profiterait aux enfants et aux jeunes de Canada tout entier?
M. Burgesson : Le projet de loi proposé prévoit notamment de définir des objectifs et de les mesurer à l’aide d’indicateurs. C’est essentiel. Il est important de fixer des objectifs mesurables et judicieux pour que cela ait un sens. J’ai été heureux de voir cela dans le projet de loi. Comme je l’ai déjà dit, des efforts ont été déployés à l’échelle nationale par des organismes tels que le Conseil jeunesse du premier ministre. Les organismes de ce type sont des espaces très importants qui permettent aux jeunes de s’exprimer et de s’adresser au premier ministre ou aux fonctionnaires, aux ministres autour de la table, et d’influencer les politiques en temps réel. Je pense qu’il est nécessaire de disposer d’un plan stratégique concret et tangible, mesurable dans le temps.
[Français]
M. Diallo : Oui. Je crois qu’il est important d’avoir une stratégie nationale qui tienne compte des enjeux de différents groupes sociaux. Par exemple, nous avons de jeunes Autochtones qui ont des difficultés et de jeunes afrodescendants qui ont des enjeux différents.
Je pense qu’il serait bien d’avoir des objectifs mesurables dans la stratégie, mais il faudrait aussi qu’ils soient ciblés vers des groupes sociaux en fonction de leurs besoins. Ce serait extrêmement important de faire en sorte que toutes ces minorités visibles soient prises en compte dans cette stratégie.
[Traduction]
M. Razavi : Merci. Il est vraiment important pour nous de reconnaître que, même si nous voulons former des défenseurs et des décideurs politiques parmi nos jeunes, nous constatons par ailleurs qu’il y a beaucoup d’épuisement professionnel. Nous travaillons nous-mêmes avec des écoles à travers le pays, et les éducateurs, les champions, ceux qui s’efforcent de les mobiliser, sont aux prises avec un phénomène étendu d’épuisement professionnel et avec un problème d’hésitation quant à ce qu’ils peuvent enseigner et ce qu’ils ne peuvent pas enseigner. Ce serait formidable si nous pouvions voir un certain mécanisme axé sur l’éducation qui permettrait aux jeunes de comprendre les types d’actions auxquels ils peuvent avoir accès pendant leurs études secondaires ou après. Il faut également tenir compte de la manière dont nous protégeons leurs mentors, mais aussi eux‑mêmes face à l’épuisement qui les guette aujourd’hui.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice Senior : Merci à vous trois d’être ici. Je voudrais être un peu plus précis. J’ai beaucoup apprécié notre précédente série de questions concernant les enjeux qui touchent les jeunes Métis, Inuits, et ceux issus des Premières Nations. Je voudrais également profiter de cette occasion pour me concentrer sur les jeunes noirs et racialisés.
Je tiens à mentionner officiellement la problématique du racisme anti-Noirs, car il est important de reconnaître que les jeunes les plus à risque qui pourraient bénéficier de cette stratégie sont ceux de la communauté 2SLGBTQI+, en particulier ceux qui sont noirs et racialisés, ainsi que les jeunes Noirs de tout le pays, surtout ceux qui vivent en marge de la société et dans la précarité économique.
Je tiens à aborder ce sujet, car nous voulons que la stratégie ne se contente pas de prendre les meilleurs éléments, mais qu’elle touche réellement les jeunes les plus à risque au pays, afin qu’elle ne soit pas simplement une énième initiative, n’est-ce pas? Je voudrais que vous soyez franc avec nous et que vous nous expliquiez ce que la stratégie pourrait faire résoudre de manière concrète ces problèmes particuliers.
Ce matin, j’ai assisté à une réunion qui portait sur la situation des jeunes Noirs au sein du système scolaire ici même à Ottawa. C’est déplorable, car les jeunes Noirs sont vraiment marginalisés à Ottawa, mais aussi dans tout le pays. À Toronto, il y a quelques années, 40 % des jeunes Noirs se trouvaient en situation d’échec à l’école.
Soyons réalistes et parlons-en comme si c’était important. Que celui qui souhaite commencer le fasse, s’il vous plaît.
[Français]
M. Diallo : J’aimerais commencer en parlant des jeunes Noirs.
Nous savons qu’il y a beaucoup de travail à faire en ce qui concerne la lutte contre le racisme. Je me suis beaucoup impliqué ces trois dernières années avec le Conseil des personnes d’ascendance africaine du Nouveau-Brunswick. Je crois que cette stratégie a plusieurs niveaux. Moi, par exemple, je viens du Nouveau-Brunswick. C’est une province officiellement bilingue. Les francophones sont une minorité et ils représentent environ 30 % de la population. Donc, imaginez un jeune Noir qui est confronté à des enjeux parfois compliqués. Il est à la fois noir — ce qui est un motif de discrimination —, il est francophone, mais il vit aussi dans un environnement totalement bilingue où il parle moins l’anglais. Ce jeune rencontre souvent des difficultés lorsqu’il s’agit d’avoir accès à des emplois de qualité.
Dans les écoles, on voit des plaintes de jeunes qui sont victimes de racisme. Je crois que c’est un point extrêmement important que vous soulevez quand vous parlez des difficultés que rencontrent les jeunes en général, mais plus particulièrement les jeunes racisés. Cette stratégie devrait se pencher là-dessus.
Dans le cas du Nouveau-Brunswick, il y a eu des rapports présentés au gouvernement en ce sens. Le résultat des rapports et des recommandations a été transmis au gouvernement. Il faut s’assurer qu’il y a une connexion entre le gouvernement fédéral, les provinces et la société civile pour mettre en œuvre des recommandations qui ont été faites au gouvernement.
Je suppose que dans les autres provinces, il y a du travail qui est fait. Il reste à déterminer comment on réussira à mettre toutes ces recommandations en œuvre. En mon sens, c’est un travail qui est le devoir de tous.
Merci.
Le sénateur Boudreau : Ma question serait pour M. Diallo.
On entend ce slogan de plus en plus souvent : « rien pour nous sans nous ». Vous avez dit plus tôt à quel point il était important d’avoir une réussite individuelle avant d’avoir une réussite collective. C’est resté avec moi.
J’aimerais vous demander ceci : en tant que jeune dans la société, quel a été pour vous l’élément déclencheur qui vous a permis de devenir un leader au sein de la jeunesse? Comment est-ce qu’on peut recréer cet élément déclencheur pour impliquer davantage de jeunes Canadiens? Ultimement, si on veut développer une stratégie pour la jeunesse, il faut qu’elle ait son mot à dire. Quel est l’élément déclencheur qui vous a permis d’être assis ici aujourd’hui?
M. Diallo : L’élément déclencheur était de vouloir servir. Je voulais agir autour de moi à plusieurs niveaux. Lorsque j’étais étudiant, j’ai été impliqué dans des organisations d’étudiants internationaux. De fil en aiguille, j’ai défendu les intérêts des personnes afrodescendantes de la province en tant que président. Cependant, le point de rencontre de toutes ces volontés était la volonté de servir. Je pense que chaque jeune a le devoir de se demander ce qu’il peut apporter à sa communauté. Avec cette question, on trouve la solution et la réponse qui permet de se développer individuellement, mais de changer et d’apporter des changements autour de soi dans la communauté.
Je crois qu’il est extrêmement important que les jeunes prennent conscience qu’il ne faut pas toujours attendre qu’on mette en place des stratégies pour les aider; ils doivent se dire de façon proactive que nous avons un devoir et une responsabilité de faire en sorte qu’une lumière luise là où il y a de l’obscurité. Cela peut être à tous les niveaux dans notre environnement, à petite ou grande échelle. Je crois que c’est extrêmement important.
Merci.
[Traduction]
La sénatrice Arnold : Je tiens tout d’abord à vous remercier pour votre présence parmi nous aujourd’hui.
[Français]
C’est très spécial de recevoir quelqu’un de Moncton aujourd’hui.
[Traduction]
Il s’agit d’une discussion vraiment intéressante, et je tiens également à remercier M. Razavi d’avoir soulevé l’enjeu de l’épuisement professionnel, qui est bien réel. Beaucoup de personnes autour de cette table se souviennent probablement avoir été impliquées dans des projets lorsqu’elles étaient jeunes, avoir répondu à des questions, avoir participé à différentes stratégies, et ainsi de suite.
J’ai été très attristé, M. Burgesson, lorsque vous avez évoqué le premier Rapport sur l’état de la jeunesse du Canada, qui a été en quelque sorte mis de côté et dont les recommandations n’ont pas été mises en œuvre.
Comment obtenir un engagement réel? Comment atteindre les jeunes? Comme l’a souligné la sénatrice Senior, nous ne voulons pas seulement la crème de la crème. Comme d’autres sénateurs, j’ai rencontré cette semaine des représentants de l’Alliance canadienne des associations étudiantes, ou ACAE. Des jeunes super brillants et géniaux. Mais comment aborder les vrais problèmes? Monsieur Burgesson, vous pourriez peut-être répondre à cette question. J’aimerais savoir comment, selon vous, nous pouvons aborder les vrais problèmes.
M. Burgesson : Pour aller au cœur des problèmes, il faut que les jeunes travaillent dans les milieux où les décisions sont prises ou les efforts déployés. Je sais que nous avons un Secrétariat de la jeunesse. Je connais certaines des personnes qui y travaillent, et ce sont des gens extraordinaires qui se soucient beaucoup des jeunes et de leur avenir. Je ne sais pas si le fait d’avoir mis ne place le Secrétariat de la jeunesse au sein de la fonction publique permet aux jeunes de moins de 29 ans de participer à la prise de décision, à la mise en œuvre et à l’exécution de la stratégie en question.
Il y a peut-être un petit problème d’interprétation, pour ainsi dire. Vous rédigez un rapport à partir de votre expérience personnelle et vous espérez que la personne qui le lit pourra le mettre en œuvre. Plus nous donnons aux jeunes les moyens de participer à la mise en œuvre concrète des recommandations et de faire partie des équipes qui s’en chargent au quotidien, plus nous avons de chances d’obtenir de bons résultats.
Loin de moi l’idée de critiquer les membres du Secrétariat de la jeunesse ou les personnes qui travaillent avec les jeunes au sein du gouvernement. Nous avons évidemment besoin d’eux, mais nous avons besoin que les jeunes s’impliquent, qu’ils travaillent à l’intérieur et à l’extérieur du système, pour aider à mettre en œuvre ces recommandations et ces idées.
La sénatrice Greenwood : Je tiens à remercier nos témoins d’être présents, et je salue M. Razavi, qui communique avec nous par visioconférence. Merci.
Ma question fait suite à certaines questions posées par mes collègues. Je voulais simplement souligner qu’il existe une grande diversité parmi les enfants et les jeunes à travers le pays. Je réfléchissais à la manière dont nous pouvons tenir compte de toute cette diversité lorsque nous pensons à l’évaluation et aux normes, car c’est ce qui figure dans le projet de loi lorsque nous nous demandons si nous avons bien fait notre travail.
Avez-vous des idées sur la manière d’intégrer cette diversité lorsque nous commençons à évaluer ou à établir des normes pour tous les enfants et les jeunes de ce pays, non seulement ceux qui ont leur place aux tables où se prennent les décisions, mais aussi ceux qui vivent dans la pauvreté, et même dans la rue? Comment pouvons-nous les intégrer tous?
Monsieur Razavi, je souhaite commencer par vous, je vous prie.
M. Razavi : Oui. Merci de poser cette question. Les jeunes sont très diversifiés, en particulier au sein de la communauté queer. Les consultations comme celle d’aujourd’hui constituent un point de départ important, mais il s’agit d’aller encore plus loin, de nouer des liens avec davantage d’organisations locales, de s’assurer qu’elles sont bien préparées pour réussir et d’intégrer cela dans le plan. À quoi cela ressemble-t-il pour elles? Parfois, il s’agit simplement de comprendre leurs besoins en matière de financement, car ce sont elles qui travaillent sur le terrain, au niveau local, et qui vous apporteront la plus grande transparence dont vous avez besoin.
La sénatrice Greenwood : Chers témoins, quelqu’un d’autre souhaite-t-il prendre la parole?
[Français]
M. Diallo : Je pense effectivement que ce que vient de dire M. Razavi est fort important. Les jeunes au Canada sont très diversifiés, mais il arrive que partout au Canada, dans les provinces, les enjeux soient complètement différents.
L’une des choses que l’on pourrait faire pour y arriver, c’est identifier les organisations qui sont justement là pour travailler avec les jeunes et pour les jeunes, et leur demander quelles sont leurs difficultés et comment on pourrait mieux les soutenir. Ont‑elles besoin de plus de financement? Ont-elles besoin d’accompagnement? Ont-elles besoin de ressources? Cela nous permettrait de faire en sorte que les objectifs de la stratégie ne soient pas juste pour la forme, mais qu’ils traitent aussi le fond et qu’ils atteignent les jeunes, qui sont les principaux bénéficiaires.
Je pense qu’il serait important d’avoir des comités consultatifs représentés par des jeunes de diverses communautés : des Autochtones, des Noirs, etc., qui comprennent et vivent ces enjeux, qui sont à la fois des jeunes, mais qui comprennent aussi les besoins et qui parlent avec des amis qui vivent ces enjeux. C’est un travail de fond.
C’est une excellente question dont on pourrait parler longuement, mais il y a un travail individuel et collectif à faire en ce sens.
[Traduction]
M. Burgesson : Je suis d’accord avec ce qui a été dit jusqu’à présent. La sénatrice Senior a fait un commentaire sur l’éducation, l’esprit d’entreprise et les résultats économiques. Cette stratégie ou ce bureau devrait disposer de groupes d’experts supplémentaires sur certains segments de la société. Qu’il s’agisse de pauvreté, d’éducation ou de potentiel économique, je pense que vous devez vous assurer que des personnes ayant une expérience concrète dans ces domaines spécifiques participent aux discussions.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice Petitclerc : J’ai une question d’ordre général.
[Français]
Merci beaucoup d’être ici.
[Traduction]
En vous écoutant tous, je perçois beaucoup d’expertise, de compétence et de connaissances acquises sur le terrain. Vous savez exactement ce que vous devez faire, à qui vous vous adressez et ce dont ils ont besoin. C’est ce que je me demande quand il s’agit de stratégies: quel type de stratégie pourrait apporter davantage que ce que vous faites déjà? C’est une question. Avez-vous besoin d’une stratégie ou de plus de financement? Je suppose que c’est la question simple si je me permets d’être franc. Je crois au pouvoir d’une stratégie, mais comment relier les points? Comment nous assurer que nous vous laissons faire ce que vous faites le mieux dans le cadre de la stratégie?
Qui souhaite s’exprimer en premier?
M. Diallo : Je peux y aller le premier. En gros, nous avons besoin d’aide pour ces deux éléments principaux: une stratégie, mais aussi un financement adéquat.
[Français]
La raison est simple : si nous avons des fonds, mais que nous n’avons pas de stratégie claire, je ne crois pas que l’on atteindra les objectifs. Cependant, si on a une stratégie, mais pas de fonds, cela devient tout aussi difficile. Je pense que les deux sont complémentaires. Il faut voir de quoi les jeunes et les organisations ont besoin au chapitre financier pour atteindre les objectifs et comment on peut les inclure dans la stratégie, pour que cela bénéficie aux jeunes qui sont les principaux concernés. Ce serait la clé de la stratégie : approfondir les consultations, poser la question — comme le disait mon collègue — et s’assurer que les jeunes concernés ont une voix et qu’on leur donne la parole.
Comment peut-on s’assurer d’aider les jeunes entrepreneurs qui ont des difficultés? Pour les jeunes Autochtones, quels sont les allègements fiscaux qu’on pourrait leur offrir? Pour les jeunes Noirs, comment pourrait-on les accompagner? Il faut s’assurer que tous ces accompagnements soient alignés avec les objectifs de la stratégie.
Merci.
[Traduction]
M. Burgesson : Si je peux me permettre, en ce qui concerne la stratégie ou le financement, il s’agit clairement des deux. Je pense que le gouvernement fédéral doit prendre les devants dans ce domaine, car certaines provinces ne font pratiquement rien pour se concentrer sur les questions touchant les jeunes. En créant le Conseil jeunesse du premier ministre, le gouvernement fédéral a, selon moi, incité de nombreuses administrations municipales et certains gouvernements provinciaux à faire de même et à mettre en place une table ronde où elles peuvent au moins écouter les jeunes. Il est important d’avoir une stratégie, car cela permet de montrer la voie et de donner l’exemple à d’autres gouvernements. Je m’en tiendrai là.
La vice-présidente : Monsieur Razavi, vous disposez d’une minute, je vous prie.
M. Razavi : Je n’aborderai pas l’enjeu du financement, même s’il est important. Vous avez mentionné la nécessité de relier les points, et cela passe en grande partie par la compréhension de la situation des jeunes. Nous devons aller à leur rencontre là où ils se trouvent, et pour nous, cela passe principalement par les réseaux sociaux en ligne, en veillant à ce qu’ils constituent des espaces sûrs. Nous constatons une telle augmentation des discours haineux. Nous devons nous efforcer de mobiliser les jeunes sur ces réseaux, afin de leur donner les moyens de se défendre et de le faire d’une manière qui leur permette d’en apprendre davantage sur qui ils sont et sur leurs droits et leurs accès, en toute sécurité.
Cela signifie qu’il faut mettre en place davantage de réglementations et de politiques afin de lutter contre les discours haineux sur des plateformes telles que Meta, TikTok, et ainsi de suite. Je pense que cela doit vraiment être une priorité absolue.
La vice-présidente : Chers collègues, cela conclut notre première série de questions. Nous avons trois sénateurs pour la seconde série de questions, et 10 minutes seulement au total. Je vous demanderai donc de limiter vos questions et réponses à trois minutes chacun. Je ne veux interrompre personne, mais je vais devoir me montrer un peu plus strict sur le temps imparti.
Nous allons à présent commencer par la sénatrice Senior. Souhaitez-vous répéter votre question précédente aux témoins qui n’ont pas pu y répondre lors du premier segment?
La sénatrice Senior : Je vous remercie. Ma question était, en résumé : comment atteindre les personnes les plus vulnérables, et leur faire comprendre qu’il s’agit d’un problème de longue date? Quelles seraient les solutions pour mettre en place une stratégie efficace permettant de résoudre certains de ces problèmes?
Je souhaite commencer par entendre la réponse de M. Razavi.
M. Razavi : Merci. Je pense qu’il est vraiment important de reconnaître que les personnes les plus à risque, malheureusement, n’ont souvent pas beaucoup d’occasions de trouver des espaces sécuritaires autour d’elles, et que, la plupart du temps, c’est également le cas à la maison. Nous devons réfléchir à la manière dont nous pouvons créer des espaces sécuritaires, qu’il s’agisse de financer des centres communautaires ou d’autres initiatives au sein des organismes. Cela permettra aux jeunes marginalisés de se sentir en sécurité, afin qu’ils puissent se réunir et apporter la contribution ou le résultat que vous attendez, et qu’ils ressentent véritablement ce niveau de confiance dont je ne cesse de parler.
M. Burgesson : Si je peux me permettre, je pense que nous devons établir des partenariats avec les personnes les plus proches des jeunes que vous considérez comme étant à risque et leur donner les moyens, que ce soit par le biais de financements ou de ressources, d’aider ces jeunes comme elles le peuvent le mieux. Il ne s’agit pas de leur dire « vous allez faire ceci », ni de leur imposer quoi que ce soit, mais plutôt de donner aux personnes les plus proches des jeunes à risque les moyens de faire ce travail.
Je vais vous donner un exemple lié à l’autonomisation économique qui, selon moi, mérite notre attention et celle du gouvernement en général. Lorsque j’ai lancé ma première entreprise, je me suis rendu dans un centre d’innovation à Halifax. Il existe plusieurs dizaines de centres d’innovation financés par des fonds publics à travers le pays. Je suis entré dans ce centre et je n’ai vu personne qui me ressemblait, ni parmi les membres. Je n’en voyais pas non plus dans leur équipe. Je n’en voyais pas non plus dans leur conseil d’administration. C’est un problème très important en dehors de Toronto, la diversité au sein de l’écosystème de l’innovation, où beaucoup d’argent est investi, et je pense qu’il faut y prêter attention.
Le gouvernement a investi dans des programmes tels que le Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires. Ce type de programmes sont vraiment essentiels, car ils permettent aux groupes les plus proches des entrepreneurs noirs de bien les accompagner.
Ce qui m’inquiète dans cet exemple, c’est que vous financez cette sous-stratégie d’entrepreneuriat noir, qui est distincte de l’écosystème traditionnel. Qu’il s’agisse des supergrappes, qui reçoivent des milliards de dollars, ou des pôles d’innovation où les sociétés de capital-risque investissent massivement dans les fondateurs, nous devons veiller à ce que des ponts soient établis en matière d’autonomisation, mais aussi de parcours.
Je pense que c’est la clé pour répondre à la question que vous avez posée tout à l’heure sur le racisme anti-Noirs.
La sénatrice Senior : Je tiens à remercier l’ensemble de nos invités.
La sénatrice Moodie : Je voudrais revenir sur un point. Nous avons eu de merveilleuses discussions sur les problèmes auxquels sont confrontés les enfants et les jeunes, ainsi que sur la manière de les aborder et de les résoudre.
Je voudrais revenir au projet de loi, car j’ai entendu une suggestion intéressante tout à l’heure. Elle a été faite lors de la dernière table ronde au sujet d’un groupe consultatif à l’échelle nationale. Lors de cette discussion, il était question des affaires autochtones. J’ai entendu cette suggestion de manière plus approfondie dans cette conversation, alors je me demande ce que vous pensez de la nécessité d’intégrer un groupe consultatif à ce processus qui serait décrit dans ce projet de loi, et de ce que nous devrions dire au gouvernement au sujet du cadre à établir pour élaborer une stratégie. Devons-nous inclure cela, et qui devrait en faire partie? S’agit-il de groupes distincts, ou de la mise en place de processus parallèles?
L’autre volet de cette question concerne la manière dont vous envisagez la composition de ce groupe consultatif par le gouvernement.
La vice-présidente : Sénatrice Moodie, à quel invité souhaitez-vous d’abord adresser votre question?
La sénatrice Moodie : Je vais commencer par M. Burgesson, puis M. Diallo, et ensuite M. Razavi.
M. Burgesson : Excellente question. Je pense qu’il serait essentiel de mettre en place un groupe consultatif dans le cadre du processus de consultation. Cela faciliterait la communication avec les différentes communautés dans les différentes régions et les différentes populations à travers le pays.
Il sera également important de disposer d’un groupe consultatif ou, pourrions-nous dire, d’un panel d’experts jeunesse tout au long de ce processus afin d’analyser et de synthétiser les informations et les données que vous obtiendrez au cours du processus de consultation.
Comme je l’ai déjà mentionné, le risque lié au fait que de nombreux renseignements soient simplement partagés au sein de la fonction publique pour être déchiffrées est que, s’il n’y a pas de jeunes autour de la table pour donner un sens à ce type de renseignements, il y a un risque de retard ou de mauvaise interprétation des informations si les jeunes ne participent pas à la synthèse des données. Je pense que votre commentaire sur la nécessité d’avoir une sorte de panel ou de groupe national est essentiel.
Une manière d’envisager la création d’un tel groupe serait peut-être de le comparer à un conseil d’administration. Vous avez un certain nombre de personnes qui assistent à chaque réunion mensuelle, puis vous avez des comités spécialisés dans différents domaines, qu’il s’agisse des relations avec les Autochtones, de la réduction de la pauvreté ou de la lutte contre le racisme anti-Noirs. Vous pourriez créer des sous-comités au sein de cet organisme afin d’approfondir davantage certains sujets.
La vice-présidente : Sénatrice Moodie, votre temps de parole est écoulé, mais je vais accorder environ 30 secondes à chacun des autres témoins pour répondre brièvement à votre question.
Monsieur Diallo, souhaitez-vous commencer?
[Français]
M. Diallo : Oui. Merci.
Je crois qu’il est crucial d’avoir un comité consultatif des jeunes. Ce comité pourrait être constitué en partie d’un groupe d’experts qui comprennent les enjeux que vivent les jeunes. Ils pourraient aider à atteindre les objectifs de la stratégie. Ils comprennent le processus, ils peuvent être un vecteur de liaison entre les objectifs de la stratégie et les jeunes concernés. Je crois qu’il est fondamental que ce groupe soit constitué de jeunes et d’experts qui comprennent les enjeux. Il est indispensable qu’on ait un comité.
Merci.
[Traduction]
La vice-présidente : Je vous remercie.
Monsieur Razavi, vous avez 30 secondes, je vous prie.
M. Razavi : Je vous remercie. Je suis tout à fait d’accord avec la structure proposée par M. Burgesson. Cela demande beaucoup de travail, mais si nous ne sommes pas là pour faire ce travail, alors pourquoi faisons-nous cela? Nous devons le faire correctement, et cela nécessite d’écouter les jeunes et de les consulter, tout en respectant la diversité des jeunes que nous devons consulter.
Je suis d’accord avec tout ce qui a été dit, et j’aimerais souligner à quel point cette discussion est essentielle.
La vice-présidente : Je tiens à remercier tous nos invités.
Mesdames et messieurs les sénateurs, cela nous amène à la fin de cette table ronde. Je tiens à remercier tous les témoins pour leur témoignage aujourd’hui.
(La séance est levée.)