LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 21 octobre 2025
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui à 9 heures (HE), pour examiner, en vue d’en faire rapport, les services locaux fournis par CBC/Radio-Canada.
Le sénateur Larry W. Smith (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Avant de commencer, j’invite les sénateurs à consulter les affichettes sur la table qui énoncent les lignes directrices destinées à prévenir les incidents acoustiques. Veuillez garder votre oreillette loin des microphones en tout temps. Ne touchez pas au microphone. Il sera activé et désactivé par l’opérateur de la console. Évitez de manipuler votre oreillette quand votre microphone est allumé. Vous pouvez le garder à l’oreille ou le placer sur l’autocollant marqué à cette fin.
Nous répétons ce message chaque fois que nous nous réunissons parce qu’il y a eu des incidents audios plus tôt cette année. Il nous incombe à toutes et à tous, collectivement, de respecter ces dispositions afin de nous protéger les uns les autres. Je vous remercie de votre collaboration.
Je m’appelle Larry Smith. Je suis sénateur du Québec et je préside ce comité. J’invite maintenant mes collègues à se présenter.
La sénatrice Simons : Sénatrice Paula Simons, de l’Alberta. Je viens du territoire visé par le Traité no 6.
Le sénateur Wilson : Sénateur Duncan Wilson, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Mohamed : Sénatrice Farah Mohamed, de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Arnold : Dawn Arnold, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Quinn : Jim Quinn, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Hay : Katherine Hay, de l’Ontario.
La sénatrice Osler : Flordeliz (Gigi) Osler, du Manitoba.
La sénatrice Dasko : Sénatrice Donna Dasko, de l’Ontario.
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.
Le président : Merci, chers collègues. Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes qui sont ici aujourd’hui, ainsi qu’à celles qui nous suivent en ligne sur sencanada.ca.
Nous sommes réunis pour poursuivre notre étude sur les services locaux offerts par CBC/Radio-Canada, que le comité avait entamée en 2024, conformément à son ordre de renvoi général de la législature précédente. Nous l’avons ravivée pour terminer cet important travail.
[Français]
Dans ce contexte, le comité entend aujourd’hui les dirigeants de la Société Radio-Canada.
Sur ce, j’aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à Marie-Philippe Bouchard, présidente et directrice générale; Brodie Fenlon, directeur général et rédacteur en chef; Jean Francois Rioux, directeur général, Services régionaux; et Bev Kirshenblatt, directrice générale, Affaires institutionnelles et réglementaires.
[Traduction]
Merci à nos témoins. J’invite maintenant Mme Bouchard à faire sa déclaration liminaire, qui sera suivie des questions des sénateurs. Chers collègues, si vous souhaitez poser une question, veuillez en informer notre greffière qui ajoutera votre nom à la liste.
Marie-Philippe Bouchard, présidente et directrice générale, Société Radio-Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, bonjour. Nous vous sommes reconnaissants de l’intérêt porté à CBC/Radio-Canada et du travail déjà accompli par votre comité.
[Français]
Même si je n’étais pas encore entrée en poste quand votre étude a débuté l’automne dernier, je comprends que nous vous avons présenté de l’information sur nos services. Nous espérons aujourd’hui profiter de cette rencontre avec vous pour souligner toute l’importance qu’incarnent les services aux communautés dans le cadre de notre mandat, mais aussi dans nos liens avec les Canadiens et les Canadiennes, et le rôle que ces services joueront à l’avenir.
Depuis la dernière réunion du comité sur cette étude, nous avons continué d’accroître notre présence partout au pays, en déployant des journalistes dans plus de 20 communautés où CBC et Radio-Canada n’avaient aucune présence locale l’année dernière encore.
Nous avons trois objectifs : fournir une information fiable et exacte; avoir nos journalistes sur le terrain et en contact avec les communautés qu’ils servent; et veiller à ce que leurs contenus soient offerts sur toutes les plateformes fréquentées par les Canadiens.
Ensemble, CBC et Radio-Canada déploient aujourd’hui leur présence locale dans 91 communautés; 27 d’entre elles comptent la présence des deux. Cette présence est particulièrement importante dans les communautés linguistiques en situation minoritaire et dans le Grand Nord.
Nous avons ajouté à l’offre de services locaux de CBC des balados et des chaînes de diffusion en continu afin de toucher un plus grand nombre de Canadiens. Quant à Radio-Canada, elle offre des infolettres locales quotidiennes dans 17 communautés, ainsi que 18 vidéojournaux régionaux.
Cet ancrage local est essentiel. C’est par lui que les gens accèdent à l’information qui les concerne directement. C’est par lui que la confiance s’établit. Il nous aide à faire connaître les perspectives locales au reste du pays. Comme vous le savez, la situation pour les nouvelles et l’information locales est difficile.
La disparition des nouvelles locales, balayées par les plateformes numériques mondiales, est l’un des grands enjeux de politique auxquels nous faisons face. Les plateformes étrangères accaparent désormais plus de 90 % des revenus publicitaires numériques au Canada. Ces revenus soutenaient auparavant un écosystème de l’information diversifié, avec des journalistes dans la presse, dans les stations de radio et dans les stations de télévision locales. Aujourd’hui, les médias d’information locaux disparaissent.
Pendant ce temps, l’influence des plateformes des médias sociaux s’amplifie. Elle contribue à la polarisation. Les gens ont de plus en plus de mal à discerner l’exactitude des informations.
[Traduction]
Un média de service public, qui sert l’ensemble des Canadiens en leur fournissant des nouvelles fiables et qui soutient la culture canadienne, est plus important que jamais. Mais ce n’est plus suffisant. Dans cet environnement, CBC/Radio-Canada doit devenir un service public national qui rassemble les Canadiens, qui soutient les cultures canadienne et autochtones, et qui soutient l’écosystème médiatique canadien.
C’est ce que j’ai pu entendre lors de mes rencontres avec les Canadiens partout au pays, et qui est reflété dans le nouveau plan stratégique qui orientera nos décisions au cours des cinq prochaines années.
Notre stratégie comprend trois piliers : Le premier est la proximité. Nous devons être présents dans un plus grand nombre de communautés tout en offrant des contenus pertinents dans la vie de tous les jours des résidents. Le deuxième est l’agilité numérique, soit faire en sorte que notre contenu soit facilement accessible sur les plateformes que les Canadiens utilisent et s’assurer que les avancées technologiques, comme l’intelligence artificielle, soient utilisées pour le bien commun. Le troisième pilier est notre rôle rassembleur, qui consiste à trouver des façons de favoriser la compréhension en créant des moments de partage et d’expériences communes pour les Canadiens.
Nous suivrons ces priorités clés en proposant des contenus et des points de vue qui servent non seulement les utilisateurs actuels, mais aussi les personnes qui présentement n’utilisent ou n’apprécient peut-être pas ce que nous avons à offrir, en particulier les enfants et les jeunes, les nouveaux arrivants au Canada et les personnes insatisfaites de nos services actuels. De plus, nous améliorerons notre collaboration avec les médias privés et communautaires pour soutenir un écosystème médiatique sain. Nous agirons en tant que pollinisateur et non comme concurrent.
Nous travaillons avec les communautés. Dans le cadre de notre programme Collab, nous entretenons des partenariats avec plus de 250 bibliothèques publiques locales. Nous proposons des activités qui répondent à ce que les communautés attendent de nous. Il y a des ateliers sur la production vidéo ou la création d’un balado, et des séances pour apprendre à repérer les fausses nouvelles. Nous enregistrons aussi des émissions de télévision ou de radio en public avec la communauté locale.
Et, nous voudrions en faire plus. Il reste encore 26 communautés de plus de 50 000 habitants dans lesquelles CBC/Radio-Canada n’a pas de présence locale. Je suis convaincue qu’en resserrant nos liens à l’échelle locale nous générerons une valeur publique plus grande auprès des Canadiens et du pays.
Merci de votre écoute. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci, madame Bouchard. Avant de passer aux questions des sénateurs, je tiens à rappeler à mes collègues qu’ils doivent poser des questions concises et indiquer à qui elles s’adressent.
J’invite la vice-présidente, la sénatrice Dasko, à poser la première question. Nous permettrons ensuite au sénateur Cardozo de poser une question spéciale, puisqu’il ne sera pas très longtemps présent parmi nous et qu’il sera remplacé par la sénatrice Hay, si j’ai bien compris.
La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins pour leur présence.
Nous avons entrepris cette étude exhaustive l’an dernier au cours de la dernière législature. Comme nous avons tenu 10 réunions et reçu 30 mémoires, nous avons donc véritablement approfondi le sujet. Inévitablement, nous sommes sortis du thème des services locaux pour parler de la société dans son ensemble, notamment de son avenir et de la vision que les gens ont de CBC/Radio-Canada — beaucoup de sujets très pertinents.
Cela étant posé, j’ai une question plutôt générale à poser. Je veux parler du plan quinquennal auquel vous avez fait allusion tout à l’heure, et plus particulièrement de l’accent que vous mettez sur les enfants, les jeunes, les nouveaux arrivants et ceux qui ne sont pas satisfaits de CBC/Radio-Canada ou qui ne vous suivent pas sur les ondes. Je m’intéresse beaucoup aux deux dernières catégories de personnes : celles qui ne sont pas satisfaites et celles qui ne consomment pas les services de la SRC. Pouvez-vous me dire de qui il s’agit? Pouvez-vous me dire quels sont les Canadiens qui entrent dans ces catégories? Commencez par nous préciser votre approche en la matière.
Deuxièmement, qu’allez-vous faire pour leur plaire? Modifier la programmation, les messages ou les plateformes? Qu’avez-vous appris à leur sujet pour pouvoir les attirer sur vos ondes? J’imagine que certains ne seront jamais intéressés, mais c’est une autre réalité de la vie. Ce sont mes questions.
Mme Bouchard : Tout ce que nous pouvons faire, c’est proposer des produits. L’idée n’est pas de forcer qui que ce soit à consommer nos services, mais nous voulons nous assurer d’offrir un format et des sujets dans des endroits où ils susciteront de l’intérêt.
Pour répondre à votre première question, nous savons que les jeunes Canadiens ont déjà pour pratique de fréquenter les médias sociaux ou d’autres plateformes étrangères pour s’informer. Nous savons aussi, grâce à notre relation continue avec les auditoires et à nos sondages, que dans certaines régions — je l’ai entendu dire lors de mes déplacements au pays —, les gens ont l’impression qu’il existe parfois un décalage entre le contenu que nous offrons et ce qui se passe dans leur vie.
Une grande partie de la solution consiste à être plus présents dans les collectivités. C’est ce que nous essayons de faire sur le plan journalistique, par exemple, en revenant sur place dans un certain nombre de collectivités d’où nous avions disparu, car c’est une façon de nous rapprocher des lieux de vie des gens, d’être en prise sur ce qui les préoccupe et sur les problèmes qui surgissent dans leur vie.
Deuxièmement, nous devons présenter nos contenus sur les plateformes que les gens fréquentent. Il faut que celles et ceux qui passent tout leur temps sur YouTube — ce qui est le cas pour une grande partie de la population — soient en mesure de trouver le contenu de Radio Canada qui lui parle. Il s’agit d’offrir notre contenu là où les gens le consomment.
Enfin, nous devons nous montrer ouverts. On m’a rappelé récemment — et c’est l’expérience que j’ai acquise pendant toutes les années où j’ai travaillé pour la société avant de revenir comme PDG — que tout le monde a une opinion sur le service, ce qui est précieux parce que nous en tirons des leçons. Nous devons être ouverts à ces opinions et à ces questions, car elles montrent que les gens s’attendent à obtenir certaines choses d’un bien public qui leur appartient. Il est très important d’avoir cette attitude.
Je vais demander à mes collègues de vous donner des exemples, pour leurs marchés respectifs, de la façon dont nous tenons compte des avis des auditoires et des communautés. Je pourrais peut-être demander à M. Fenlon de commencer.
Brodie Fenlon, directeur général et rédacteur en chef, Société Radio-Canada : Merci.
Pour répondre à la première partie de votre question, je dirais que tout a été dit. C’est en effet une question de format, de choix de sujets et de plateformes. Nous devons être en mesure de nous attaquer à tous ces aspects. L’expansion de nos services à des endroits que nous n’avons jamais été présents nous rapproche de gens qui ne pensent peut-être pas que leurs points de vue, leurs communautés ou leurs points de vue sont reflétés dans nos programmes.
Nous nous demandons par ailleurs comment parvenir à faire connaître les sujets d’intérêt local à des auditoires nationaux. Nous prenons très au sérieux le rôle et le mandat qui doivent être à l’image de notre pays.
Il s’agit de nous rendre dans un plus grand nombre d’endroits et de nous appuyer ensuite sur le réseau que nous avons le privilège de couvrir pour faire passer ce genre de traitement à un niveau supérieur afin de mieux refléter la vie des gens et notre époque.
Jean-Francois Rioux, directeur général, Services régionaux, Société Radio-Canada : Notre premier mandat consiste à servir les Canadiens. Chaque fois que je me rends dans une collectivité — je voyage beaucoup partout au pays —, j’entends les gens dire qu’ils veulent se voir dans nos programmes, pas eux personnellement, mais qu’ils veulent voir des Canadiens comme eux. Ils veulent intervenir ou dire ce qui se passe dans leur communauté et quels sont les problèmes.
Cela revient à ce que disait Mme Bouchard au sujet de l’ouverture nécessaire. Nous devons être à l’écoute des gens.
La semaine dernière, j’étais justement à Rouyn-Noranda, dans le nord du Québec. Avant cela, j’étais à Sept-Îles et je serai à Regina dans deux semaines. Chaque fois que je demande aux gens comment nous pouvons améliorer ce que nous faisons, ils citent beaucoup d’exemples de choses intéressant leurs collectivités qui devraient être accessibles à d’autres Canadiens. C’est donc ce que nous faisons. L’an dernier, nous avons lancé un nouveau bulletin de nouvelles d’Ottawa, diffusé à 18 h 30, qui couvre toutes les stations régionales du pays. Il ne s’agit pas de nouvelles, mais plutôt d’une façon pour nous de mettre les nouvelles en contexte. Nous avons un peu moins de couverture, mais nous approfondissons les thèmes traités qui arrivent d’un peu partout au pays.
Nous le faisons également sur les plateformes numériques qui sont fondamentales. Il y a cinq ans, nous avons décidé d’utiliser des téléphones cellulaires avec cadrage vertical pour les vidéos. Nous avons décidé de diffuser de courts bulletins de nouvelles, non pas pour les gens qui regardent le bulletin de 18 heures — parce que nous savons qu’ils sont au rendez-vous —, mais pour ceux qui ne syntonisent pas. Nous avons remporté un grand succès. Nous avons triplé le temps d’écoute qui est passé — et cela va vous sembler limité — à une minute et 30 secondes. Il faut en effet savoir que, sur les plateformes numériques, un arrêt d’une minute et 30 secondes est une éternité.
Nous avons tenté la formule sur Facebook au début, mais nous nous sommes très vite rendu compte que cette plateforme n’était pas la bonne parce que le temps de visionnement y est de six à huit secondes.
Nous essayons donc d’autres formules pour rejoindre d’autres auditoires.
Le plus important dans tout cela, c’est la capacité de s’adapter et d’essayer de servir autant de Canadiens que faire se peut. Vous avez raison : nous n’aurons jamais tout le monde; c’est impossible.
Le sénateur Wilson : Je suis un nouveau venu tant au Sénat que dans l’étude en cours. Une chose m’a vraiment frappé, lorsque j’ai parcouru les documents : une observation formulée en novembre dernier par Pierre Tousignant, le président du Syndicat des travailleuses et travailleurs de Radio-Canada. Témoignant devant le comité, il a souhaité une plus grande collaboration entre les réseaux français et anglais de CBC/Radio-Canada. Selon lui, leurs dirigeants respectifs pratiquent une gestion en vase clos et rendent impossibles toutes les tentatives de coproduction entre les deux réseaux.
Qu’en pensez-vous? Je songe notamment à la nécessité, si je comprends bien, de maintenir des structures éditoriales distinctes pour Radio-Canada et le service anglais de CBC. Il me semble que, surtout en ce moment où l’unité nationale est si importante, une meilleure compréhension au Canada anglais de ce qui se passe dans le Canada français et vice-versa serait une valeur énorme que la société d’État pourrait apporter. Quel est votre avis?
Mme Bouchard : Bonne question. J’ai visité nos stations de l’Ouest, de Québec et du Nord. Je comprends la position adoptée par le représentant syndical au Québec, mais si on parcourt le pays, on constate que les stations de CBC/Radio-Canada collaborent énormément entre elles, ce qui est indispensable. À Moncton, à Vancouver ou à Edmonton, les équipes collaborent pour certaines affectations et elles échangent de l’information sur les sujets qui sont couverts. Les réseaux ont des objectifs différents parce qu’ils s’adressent à des auditoires différents. Néanmoins, il arrive souvent, surtout dans les communautés minoritaires de langue française, que les efforts soient conjugués parce que les spectateurs regardent à la fois CBC et Radio-Canada. Nous essayons de rendre les deux services complémentaires pour proposer un contenu informationnel varié et diversifié.
Pour être efficaces, nous envoyons souvent une seule caméra sur les lieux et les images vont aux deux réseaux. La collaboration est très poussée.
La collaboration est également considérable au niveau des réseaux. Lorsqu’il y a déploiement à l’étranger, par exemple, les réseaux ont leurs propres journalistes, mais il y a une grande mise en commun aux plans de l’information et de la stratégie lorsqu’il s’agit de savoir comment couvrir telle ou telle crise, de façon qu’une information complète soit proposée aux Canadiens.
Il y a de nombreux points de contact, et je ne suis pas d’accord pour dire qu’il existe des cloisonnements étanches.
Je suis allée en Belgique, un pays qui a deux radiodiffuseurs, un français et un flamand, puisqu’il y a là-bas deux langues officielles. Un mur se dresse entre les deux. Ce n’est pas le cas de CBC/Radio-Canada. Nous sommes une organisation qui s’efforce le plus efficacement possible de refléter la diversité et la nature originale de la culture, tant en français qu’en anglais et dans huit langues autochtones. Cela ne nous empêche pas de travailler ensemble.
Le sénateur Cardozo : Merci, sénatrice Hay, de m’avoir cédé votre créneau pour la première heure. Je siège à un autre comité en même temps, mais à moi comme à tout le monde ici, cette question me tient vraiment à cœur. Madame Bouchard, nous avons eu l’occasion d’en discuter plus tôt, et j’ai été heureux des échanges que nous avons eus lorsque vous avez été nommée.
La société d’État fait bien des choses correctement, mais certaines pourraient être mieux faites. Sur trois points, je voudrais savoir comment vous vous y prendriez, que vous receviez ou non des fonds beaucoup plus généreux. Souvent, d’aucuns prétendent qu’il faudrait accorder plus de fonds, comme cela se fait en Europe. Je ne crois pas que nous en arrivions là, mais, quoi qu’il en soit, nous devons quand même agir sur ces trois plans.
D’abord, la programmation locale, dont vous avez parlé avec éloquence. L’enjeu n’est pas l’utilisation de l’argent de Google ou des 150 millions de dollars de plus pour offrir cette programmation, mais plutôt un changement fondamental de la nature de la société d’État afin qu’elle s’intéresse davantage à l’ensemble du Canada au lieu de se concentrer sur ses sièges sociaux de Toronto et de Montréal.
Deuxièmement, vous avez utilisé le terme « pollinisateur ». J’ai entendu l’expression « mutualisation des biens créatifs ». Dans le débat que nous avons tenu au Sénat l’automne dernier, la sénatrice Miville-Dechêne a parlé de l’idée de partager le contenu payé par les contribuables, si ce contenu n’est pas partagé librement avec d’autres médias.
Troisièmement, il y a la question des partis pris dont nous n’avons pas encore parlé aujourd’hui. Une bonne partie de la population croit que CBC/Radio-Canada a un parti pris, qu’elle a une certaine approche politique et tend à être sermonneuse. Comment réagissez-vous? Une partie de la population est formée de détracteurs à tout crin de la société. Ces gens croient que vous êtes déphasés. Comment gérez-vous ces situations?
Mme Bouchard : Je vais commencer par la dernière, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.
Il est difficile d’accepter ce point de vue, car nos émissions quotidiennes d’information obéissent à des normes, pratiques et lignes directrices journalistiques plutôt strictes qui se traduisent par une approche pluraliste, une diversité de points de vue et une couverture équitable. C’est notre « credo » et c’est ainsi que nous fonctionnons. La notion selon laquelle nous serions politiquement orientés va vraiment à l’encontre de tout ce que nous croyons et de l’indépendance que nous préservons avec acharnement et qui est protégée par la Loi sur la radiodiffusion et d’autres textes législatifs.
Le sénateur Cardozo : En tant que fervent partisan de CBC/Radio-Canada, je dirais que, dans l’ensemble, les reportages sont très impartiaux. Il y a deux ou trois personnes qui contrôlent plus volontiers la véracité des faits allégués par des membres de l’opposition que par des députés du gouvernement libéral. Ou bien on vérifie les faits allégués par tout le monde, ou bien on ne le fait pour personne.
Mme Bouchard : Je vais inviter M. Fenlon à répondre à cet élément de la question, mais je voudrais revenir sur une autre assertion que vous évoquez, soit que nous ne reflétons pas nécessairement ce que les auditeurs jugent important. C’est pourquoi nos antennes locales et notre retour sur des terrains dont nous avons été absents sont des solutions, jusqu’à un certain point. Si nous faisons du bon travail, nous réussirons à refléter plus de réalités, de points de vue et de sensibilités que nous ne faisons à partir des grandes villes où nous sommes maintenant.
C’est une conséquence de l’érosion de nos ressources au fil du temps. Au milieu des années 1980, lorsque je me suis jointe à la société, il y avait plus de stations et de journalistes sur le terrain dans l’ensemble du Canada. Il y a eu des compressions. Il fallait aussi travailler avec la technologie traditionnelle. Pour diffuser des bulletins d’information, il fallait des studios et une infrastructure lourde. Nous sommes aujourd’hui très agiles. Le numérique nous aide. Nous continuons de mettre au point des technologies qui nous permettent de produire du contenu complet — pas seulement des informations, mais aussi des sports et de la culture — avec de l’équipement très léger. Par conséquent, nous pouvons imaginer un monde où nous pourrions être présents dans plus de localités où il se passe des choses importantes — pas seulement des problèmes — pour la population locale, qui se sentira représentée, prise en compte.
Il y a des solutions, mais elles doivent régler le bon problème. Le problème, c’est notre manque de liens avec la population dans certaines régions à cause des problèmes passés d’organisation et de ressources, que nous essayons de régler. Avec le temps, nous verrons que la proximité accroît la confiance, qu’elle aide la population à se sentir davantage représentée et prise en compte.
Le sénateur Cardozo : C’est l’un des points qui sont ressortis de bon nombre de nos audiences. Merci.
Mme Bouchard : Si M. Fenlon veut bien parler de la vérification des faits...
M. Fenlon : Deux choses. D’abord votre question sur la programmation locale.
Nous avons fait preuve d’une grande diligence pour essayer de créer plus de programmation locale avec des budgets fixes. Nous avons lancé des balados locaux. Nous en sommes à 12, et un autre est à venir. Nous avons lancé 14 canaux de diffusion en continu. Ils élaborent et créent de nouvelles émissions en reprenant du contenu existant sous de nouvelles formes, mais cela se fait surtout à l’interne. Nous savons que c’est ce que nous allons devoir faire, et nous allons réaffecter des ressources pour en faire plus. Nous prenons ce défi au sérieux.
Pour ce qui est des partis pris, j’ai travaillé pour un certain nombre d’organismes de presse et de médias privés. Je peux dire que CBC/Radio-Canada est la société qui rend le plus de comptes et est tenue de respecter les normes les plus élevées de toutes les organisations pour lesquelles j’ai travaillé. J’ai été au service d’un certain nombre d’entre eux : Sun Media et Globe and Mail, entre autres. Nous sommes appelés à défendre notre journalisme et nos normes, et un ombudsman indépendant nous demande des comptes.
J’entends néanmoins les préoccupations au sujet des préjugés, et nous les prenons au sérieux. Nous en discutons régulièrement. Que devons-nous corriger, ou qu’est-ce qui mène à cette perception?
J’ajouterai que c’est un défi et une critique auxquels font face plusieurs radiodiffuseurs publics partout dans le monde. Nous constatons aussi ce genre de critique, mais nous y sommes ouverts. Nous recherchons l’excellence.
Le sénateur Cardozo : Envisageriez-vous une émission comme Face Off, que vous avez eue il y a quelques années avec deux hôtes, un de droite et un de gauche? Claire Hoy et Judy Rebick l’ont fait il y a quelques années, et j’ai trouvé que c’était une très bonne façon de discuter des questions en profondeur.
M. Fenlon : L’un des défis, c’est que nous sommes déterminés à assurer un bon équilibre, et il n’y a pas d’équilibre dans un seul article ou un seul reportage; il faut que cet équilibre se manifeste au fil du temps. Une émission comme celle-là est très efficace pour créer une sorte d’équilibre, bien qu’on puisse parfois basculer dans une fausse équivalence.
Nous examinons toutes sortes d’options de programmation. La première option pour nos journalistes est de trouver les voix et les points de vue à faire valoir et d’atteindre un équilibre dans leur travail quotidien. Ils peuvent ainsi faire entendre ces voix et trouver des experts et des points de vue divergents, les faire ressortir pour le public, qui peut dès lors se faire sa propre idée. C’est le grand point de repère. Le journalisme est une entreprise humaine, et les humains font des erreurs et sont imparfaits, mais je comprends ce que vous dites. Nous nous demandons ce que nous pouvons faire d’autre dans la programmation pour contrer l’idée qu’il y a un parti pris dans notre travail.
M. Rioux : Voici quelques exemples de la façon dont nous pouvons faire les choses différemment avec l’argent que nous avons. J’aime dire à mes collègues : « Nous devons apprendre à faire les choses différemment avec ce que nous avons. »
Voici un exemple simple. Cet été, nous avons organisé un spectacle culturel. La rédaction était à Toronto. La coordination s’est faite à Ottawa. Le dispositif technique relevait de Moncton. L’émission provenait d’un endroit différent chaque semaine. Nous sommes allés de Vancouver au Nouveau-Brunswick, puis au Québec et en Ontario. Tout cela a été fait avec la nouvelle technologie que nous avons découverte lorsque nous avons introduit des vidéos verticales dans notre production, ce qui signifie que nous avons pu réaliser cette émission à 10 fois moins cher qu’il y a 10 ou 15 ans.
La technologie joue un rôle important, tout comme les artisans qui travaillent aux projets et leur capacité d’essayer différentes choses, quitte à faire des erreurs. C’est ainsi que nous avons pu produire cette émission.
Voici un deuxième exemple. Je le cite sans cesse à mes collègues. C’est différent. Il s’agit de la messe du dimanche matin.
Depuis je ne sais plus combien de temps, nous produisons la messe du dimanche matin à Radio-Canada. J’étais enfant, et je m’en souviens. Il y a quelques années, quelqu’un à Québec est venu nous voir et nous a dit : « Voici un petit défi pour vous. Vous serez responsable de la messe. Je ne vous donnerai pas plus d’argent, mais je ne vous en enlèverai pas non plus. »
J’ai répondu : « Excellent. » J’ai demandé : « Pourriez-vous s’il vous plaît élaborer un plan pour que nous puissions diffuser cette messe hebdomadaire 52 semaines par année, plus Noël et Pâques sans argent, le moins cher possible? » Les artisans y ont travaillé. Le premier budget était de 325 000 $. J’ai refusé. Le deuxième était de 125 000 $. J’ai répondu : « Non, le meilleur marché possible. »
Nous faisons cela depuis 11 ans, et le budget annuel est de 27 000 $. Pas moins de 60 minutes de télévision pour ce montant... Il y a des choses, quand on sait...
[Français]
— la feuille de route —
[Traduction]
... parce que c’est la même chose depuis des milliers d’années ou des siècles, et c’est facile pour nous. Nous pouvons installer des caméras robotisées. Nous pouvons en fait tout contrôler de l’extérieur du bâtiment si nous le voulons.
Il s’agit de définir les besoins et la qualité de production voulue. Cela ne plaît pas? On jette tout et on recommence. Nous devons nous adapter.
Je disais tout à l’heure qu’il faut s’adapter. Ce sont là quelques-unes des façons dont nous pouvons le faire.
Mme Bouchard : Puis-je répondre à votre troisième point au sujet de notre relation avec les médias privés et communautaires? J’ai parlé à de nombreux médias locaux privés et communautaires au cours de mes déplacements. Leurs besoins varient. Chacun a ses propres succès, difficultés et modèles d’affaires. Parfois, il s’agit de partager des occasions de formation pour les journalistes. Nous le faisons. Parfois, il s’agit de partager les coûts d’un sondage à réaliser avant une élection. Nous le faisons. Parfois, il s’agit d’avoir accès à un certain espace. Nous en discutons. Parfois, il s’agit de partager du contenu, mais ce n’est pas tout le monde qui veut du contenu. Parfois, ils ne veulent pas de notre contenu parce qu’ils veulent rester distincts.
Nous avons une approche souple. Lorsque je rencontre un dirigeant d’un journal communautaire, d’une station de radio ou d’un exploitant privé, ma première question est la suivante : qu’est-ce qui fonctionne pour vous? De quoi avez-vous besoin? Cela nous amène dans différentes directions.
Avec l’équipe, nous examinons toutes sortes de façons d’appuyer et de renforcer ce qui existe. Nous espérons également pouvoir soutenir les formes émergentes de services d’information dans de nouveaux formats. Si nous revenons dans les régions et que nous sommes plus présents dans un plus grand nombre de collectivités, cela créera un appétit pour le contenu local, ce qui en aidera d’autres à avoir leurs propres médias, mais peut-être pas sous la forme qu’ils avaient auparavant. Certaines formes et certains modèles d’affaires ont disparu, et je ne pense pas qu’ils ne reviennent jamais. D’autres formes de médias locaux peuvent exister aux côtés de CBC/Radio-Canada.
Nous pouvons maintenir l’élan.
[Français]
La sénatrice Simons : Je suis une ancienne journaliste et réalisatrice de Radio-Canada à l’époque d’Alex Frame et Harold Redekopp.
[Traduction]
Je révèle mon âge.
Je vais poser trois brèves questions.
Il y a eu des élections municipales en Alberta hier. La première chose que j’ai faite ce matin a été de consulter le site Web de CBC pour voir les résultats. Je ne suis pas allée regarder une vidéo. J’ai consulté le site Web de la presse écrite, qui concurrence directement les très actifs Edmonton Journalet Calgary Herald. Je voulais comprendre. Certains ont dit qu’il n’était pas juste que vous présentiez un produit imprimé qui concurrence la presse écrite et rapporte des recettes publicitaires.
La question est la suivante : combien en coûterait-il pour renoncer aux recettes publicitaires que rapporte le produit imprimé, qui est ma principale source d’information? Pourriez-vous continuer d’offrir ce produit imprimé sans les recettes de la publicité?
Mme Bouchard : Bonne question. La publicité se vend sous diverses formes. Nous avons la possibilité de faire de la publicité dans les journaux. Il peut s’agir d’une vidéo, d’une superposition ou de divers scénarios. Parfois, la campagne d’un annonceur prend plusieurs formes. Il n’est pas nécessairement facile d’établir la valeur attribuée à un type particulier de publicité. Je suis certaine que nos spécialistes des finances et des ventes sont en mesure de l’estimer. Voilà une chose.
Par ailleurs, la concurrence pour la publicité ou la disponibilité ne se fait pas nécessairement entre nous. Elle nous oppose aux grands... Oui, effectivement.
La sénatrice Simons : Je comprends.
Mme Bouchard : Si nous nous retirions, il n’y aurait pas forcément une augmentation de la publicité vendue par ces médias, malheureusement.
Nous pourions discuter des moyens d’améliorer notre collaboration à cet égard. L’idée est aussi de créer des occasions pour les entreprises locales de communiquer avec les Canadiens dans un environnement sécuritaire où la vie privée est respectée et où nous n’utilisons pas les pratiques qui ont cours sur certaines plateformes, etc. Un autre facteur qui compte est le nombre d’annonceurs locaux et d’entreprises canadiennes qui s’adressent aux marchés canadiens.
Je n’ai pas de réponse complète à vous donner. Nous pouvons examiner la question et voir s’il y a des modèles permettant une collaboration plus poussée avec les entreprises locales et le radiodiffuseur.
En fait, nous avons eu des entretiens avec des fournisseurs régionaux de services d’information pour chercher comment nous pourrions mieux coordonner ou faire croître le marché pour les médias canadiens sans qu’il s’agisse nécessairement d’une substitution : rien pour nous, et donc davantage pour vous. Ce n’est pas ainsi que les choses se passeront. Nous nous en tirerons mieux si nous faisons croître ce marché dans l’espoir que les radiodiffuseurs en profiteront davantage que si nous nous retirons carrément en espérant pour le mieux.
La sénatrice Simons : Voici la deuxième question. À une certaine époque, les stations régionales produisaient beaucoup plus de contenu vedette. Je me réjouis qu’on investisse dans les bureaux régionaux en Alberta. Je vois constamment des affectations, car tous mes amis sont au service de CBC. Je vois les affectations. Vous ouvrez davantage de bureaux régionaux. C’est formidable.
Je remarque un recul pour ce qui est par exemple des captations de concerts symphoniques et des enregistrements de prestations théâtrales. Il fut un temps où le réseau CBC-2 était rempli de contenu artistique et culturel local, ce qui ne coûtait pas très cher à produire puisqu’il s’agissait de reprendre des manifestations d’art vivant.
A-t-on songé, dans le grand édifice bleu, à revenir à une période où nous présenterions des artistes locaux sur le réseau national?
M. Fenlon : Premièrement, vous parlez de programmation originale. Nous mettons en valeur les productions artistiques, culturelles et musicales locales tout au long de la journée dans nos émissions sur ces marchés locaux.
La sénatrice Simons : Je ne parle pas des marchés locaux, mais d’une époque où il y avait des producteurs locaux qui faisaient éclore les talents et produisaient des concerts symphoniques et de jazz — des réalisations qui, ensuite, étaient reprises par le réseau. Il y a maintenant peu de programmes artistiques et culturels qui viennent des régions. Par exemple, il y avait une émission de réseau qui venait d’Edmonton, une émission humoristique appelée The Irrelevant Show. Elle a disparu. Toute cette programmation vient maintenant de Toronto. À une certaine époque, on se rendait au Edmonton International Fringe Theatre Festival, le plus grand festival de théâtre du pays, pour enregistrer des spectacles en direct — il s’agissait généralement de spectacles solos —, puis on les diffusait à l’échelle nationale. Vous enregistriez des concerts de l’orchestre de Calgary ou de l’Orchestre symphonique d’Edmonton. Cela ne se fait plus.
M. Fenlon : Je ne suis pas d’accord pour dire que cela ne se fait plus du tout; nous avons environ sept émissions régionales de musique, par exemple, offertes dans les régions, et ensuite...
La sénatrice Simons : Ma question porte sur la diffusion de contenu local sur le réseau.
M. Fenlon : Oui, et j’allais dire qu’il y a 14 autres émissions de musique des réseaux régionaux qui proviennent des régions et sont diffusées à l’échelle nationale sur CBC Music ou sur CBC Radio One. Il y en a, mais il n’y a pas de doute qu’il y en a moins que dans les années 1990 et avant mon temps. Il a peut-être fallu faire des choix, puisque les budgets ont été réduits. Je...
La sénatrice Simons : Je me demande pourquoi ces choix ont été faits.
M. Fenlon : Je ne peux pas répondre de ce qu’on a fait à l’époque.
Mme Bouchard : J’étais là, mais je n’occupais pas un poste de direction. J’ai été témoin de la diminution des productions locales et nationales de divers genres.
Nous avons essayé d’en rétablir quelques-unes. Monsieur Rioux, vous avez peut-être des exemples pour Radio-Canada.
Quand nous en sommes rendus à dire qu’il faut ramener des journalistes dans des régions où une population de 50 000 personnes n’est pas desservie, c’est qu’il faut repartir à zéro. J’espère que nous pourrons ensuite en faire davantage sur le plan de la diversité des reflets renvoyés à l’auditeur sur les plans non seulement des informations, mais aussi de la culure, des sports et de la vie communautaire.
Ajoutons toutefois que les ressources de la société, aujourd’hui, ne représentent qu’une faible part de ce qu’elles étaient dans les années 1980 et 1990. Cela ne va pas sans conséquences. Je présume que les choix ont été faits en fonction de ce qui était logique à l’époque pour assurer des services de base au plus grand nombre possible de Canadiens. Ce n’est pas le service généreux que nous aimerions pouvoir offrir.
La sénatrice Simons : Vous avez parlé du recours à l’intelligence artificielle, ce qui m’a donné froid dans le dos. Qu’est-ce que cela veut dire? J’espère qu’il ne s’agit pas d’y recourir pour rédiger ou présenter les bulletins d’information.
Mme Bouchard : Pas du tout. Je tiens à vous rassurer. J’ai eu l’occasion hier, lorsque j’ai comparu devant le comité de la Chambre des communes, d’aborder la question et d’expliquer comment nous concevons l’intelligence artificielle, qui est un moyen d’accomplir parfois certaines tâches plus rapidement, mais pas du tout en remplaçant la créativité humaine ou le jugement humain dans la prestation de services d’information.
L’IA permet de recenser des masses de données, ce que des humains mettraient une éternité à faire. Il y a encore un humain à la fin du processus pour vérifier les résultats et les remettre en question. Cela nous permet de faire un travail qui ne serait pas humainement possible.
Certains principes régissent notre utilisation de l’IA. Je tiens à souligner l’un d’eux : la préservation de la propriété intellectuelle et le respect du créateur. En musique, littérature, écriture et expression artistique, les machines peuvent créer, nous le savons, mais ce n’est pas de la création humaine. Il est important que celui qui reçoit les œuvres puisse faire la distinction entre les deux types de production.
Ce qui compte, c’est la transparence au sujet de notre usage de l’IA, de la protection de la propriété intellectuelle et la lutte contre les manifestations inquiétantes de l’IA, comme les fausses informations et la polarisation. Nous utilisons même des outils de l’intelligence artificielle et collaborons avec des partenaires étrangers du service public afin d’élaborer une approche permettant de proposer des échanges civils. J’ignore si vous avez consulté récemment un flux de X ou des propos publiés sur d’autres médias sociaux, mais c’est parfois effrayant. Pour ma part, j’en suis effrayée.
Nous voulons que les gens aient la possibilité d’avoir une conversation au lieu de récompenser des positions violentes et extrêmes. Nous pouvons ramener ce genre d’échanges et, avec nos partenaires d’autres médias du service public — de grandes organisations —, nous avons piloté un projet et l’avons mis à l’essai dans diverses cultures. Le phénomène est mondial. Grâce aux enseignements des Allemands, des Australiens et des Suisses — et à nos apprentissages en français et en anglais —, nous créons un merveilleux milieu de travail expérimental.
Si nous pouvons déployer ce modèle et ranimer l’intérêt pour ce que nous pouvons apprendre les uns des autres, pour de vrais échanges, ce sera un acquis précieux. Quand on peut s’exprimer, on se sent investi. Nous voulons continuer à encourager ce mouvement tout en écartant ce qui est toxique.
C’est une utilisation de l’intelligence artificielle qui nous permet de travailler pour le bien public. Nous nous intéressons à l’IA pour servir le bien public.
Le président : Madame la présidente, pourriez-vous, à propos du sujet abordé par la sénatrice Simons, mettre vos réflexions sur papier, quelque chose de bref, concis et circonscrit, et nous les communiquer d’ici quelques semaines? Nous discuterons des délais.
Bon nombre de nos comités s’interrogent sur l’intelligence artificielle. Pour certains d’entre nous, y compris moi — je ne suis toujours pas plus évolué que Fred Caillou —, il serait utile de pouvoir connaître l’expérience vécue par ceux qui sont déjà dans ce monde-là. Le message n’a pas à être long, mais il serait formidable de recevoir une réponse complète.
Mme Bouchard : Je viens de consulter celui qui se chargera de la tâche que vous venez de nous confier, et il est d’accord. Oui, nous transmettrons à la greffière un document qui répondra à votre demande.
Le président : Merci. Je vous en suis reconnaissant.
[Français]
La sénatrice Osler : Je pose cette question au nom de mon collègue le sénateur Réjean Aucoin.
[Traduction]
Que prévoit CBC/Radio-Canada pour améliorer la prestation à l’échelle nationale et régionale de ses services offerts aux communautés francophones en situation minoritaire partout au Canada, étant donné que le mandat de base de la société d’État à l’égard de ces communautés a été renforcé par la nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles et que le gouvernement du Canada a reconnu officiellement le déclin de la langue et de la culture françaises et a renforcé l’obligation de consulter ces communautés pour éviter que les décisions ne leur nuisent?
De plus, pourriez-vous nous parler du plan que vous avez pour le faire sur les plateformes classiques et numériques?
Mme Bouchard : Je vous remercie de la question.
Le service aux communautés francophones en situation minoritaire est au cœur de notre action. Cela a été au cœur de ma carrière puisque, entre mes séjours à Radio-Canada, j’ai été au service de TV5 Québec Canada, qui avait un mandat similaire pour servir les francophones d’un bout à l’autre du Canada et dans l’ensemble de la francophonie mondiale.
Je m’y connais un peu.
J’ai déjà communiqué avec la plupart des associations, et j’ai siégé à la table des dirigeants ce printemps. Chaque fois que je me rends dans l’une ou l’autre de nos stations — et grâce à mes contacts avec la communauté —, je passe toujours du temps avec les institutions francophones et les leaders de la collectivité francophone pour arriver à comprendre leurs besoins. Nous prenons le processus de consultation très au sérieux, et nous sommes assidus à cet égard.
Vous avez tout à fait raison : le service aux francophones d’aujourd’hui est le même du point de vue des changements dans la consommation des médias. Il faut s’adapter à ce qu’est une francophonie moderne.
C’est aussi une francophonie diversifiée, car l’immigration a aidé à maintenir les communautés. Il faut aussi être conscient de cette réalité.
J’invite M. Rioux de vous donner des exemples de ce que nous avons ajouté, des exemples de notre adaptation aux besoins des collectivités.
M. Rioux : Étant donné la nature du sujet, je vais répondre en français.
[Français]
Personnellement, j’ai commencé ma carrière à Regina, en Saskatchewan. Ma femme est fransaskoise. Nos trois enfants sont nés en Saskatchewan. J’aurais énormément de difficulté dans ma propre maison à ne pas remplir le mandat de Radio-Canada, car je me le ferais rappeler tous les jours.
Ce mandat est au cœur de ce que l’on est.
Je continue de penser que la pérennité du service public passe par les communautés à l’extérieur des grands centres, particulièrement par les communautés en situation minoritaire. C’est pourquoi nous avons commencé depuis plusieurs années à accélérer le mouvement vers le numérique qui donne plus de chances de faire rayonner les histoires. La force du local est d’être sur place et de parler aux gens de la place. Pendant quelques années, il y a eu un concept : le « glocal », soit ramener les histoires globales au local. Maintenant, on est plus dans le « lobal », soit prendre les histoires locales et les amener au global. C’est ce que l’on essaie de faire.
Les plateformes numériques nous donnent cette force. Quand on regarde les chiffres — parce que la beauté du numérique, c’est que tout est chiffré, tout est mesurable —, on réalise rapidement que souvent, une histoire qui sortira de Toronto ou Vancouver en Colombie-Britannique, et qu’une grande partie de l’auditoire qui va consulter la nouvelle vient de l’extérieur de la province, majoritairement du Québec. Il y a donc un intérêt ailleurs pour ce qui se passe, non seulement en francophonie dans l’actualité, mais pour savoir comment les francophones vivent dans leur région.
Au Nouveau-Brunswick, c’était déjà comme cela. Le sénateur Cormier pourra certainement le confirmer. Il y a toujours eu de la programmation culturelle présente au Nouveau-Brunswick. Maintenant, on l’a étendu dans l’Ouest canadien et en Ontario avec des émissions à la télévision qui rayonnent sur ARTV pour faire rayonner la culture francophone. On insiste : c’est vraiment tout ce qui touche la francophonie.
L’enjeu qu’on a, et Mme Bouchard l’a bien souligné, c’est que si le nombre de francophones baisse en pourcentage au Canada, il augmente en chiffres absolus. Il y a plus de francophones au Canada maintenant qu’il y en avait par le passé. La difficulté est de les rejoindre. La majorité vient de l’immigration. Quand je vais voir mes beaux-parents en Saskatchewan, que je vais à l’école secondaire, par exemple, et que je vois que l’équipe de basketball de l’école secondaire de Regina a gagné le championnat municipal, je fais wow! Quand mes enfants allaient là, ils n’étaient que quatre par classe. Tout d’un coup, je me rends compte que toute l’équipe est essentiellement composée de gens qui viennent d’ailleurs, qui ont immigré au Canada. Il faut les rejoindre. C’est la complexité.
Comme Mme Bouchard l’a dit, on rencontre habituellement les groupes associatifs. J’étais avec ma patronne, Dany Meloul, à Winnipeg. C’était sa première visite dans une station régionale. Nous avions à peu près une vingtaine de personnes devant nous, et elle a demandé : « Qui a le câble à la maison? » Personne ne lève la main. Je dirais que 75 % de ces gens avaient immigré au Canada. Personne n’avait le câble. Donc, comment les rejoindre? Souvent, le problème est qu’ils ne connaissent pas vraiment le diffuseur public ou les diffuseurs en général. Ils restent connectés sur leur pays. C’est très bien, on peut le comprendre. Cette difficulté s’ajoute au fait que les gens se déconnectent des médias traditionnels pour aller vers les médias numériques.
[Traduction]
La sénatrice Osler : Pouvez-vous nous en dire plus? Vous avez parlé de l’importance de la consultation et du maintien des services. Et aussi de la diversité de la francophonie moderne au Canada. Comment allez-vous vous ancrer dans ces collectivités?
Mme Bouchard : L’une des réponses, c’est que les trois piliers de notre plan stratégique permettront de répondre à certaines de ces priorités. Le premier pilier est la proximité, le fait d’être là et de comprendre ce qu’est la communauté et ce qui s’y passe. Le deuxième est l’agilité numérique. M. Rioux en a parlé. Il faut donc avoir le bon contenu sur la bonne plateforme. Si on essaie de joindre de nouveaux arrivants pour leur faire découvrir les services du radiodiffuseur public, il est probablement préférable de passer par YouTube. Il y a plus de chances de les y retrouver que si on reste sans bouger sur sa propre plateforme.
Nous cherchons les différentes raisons à prendre en compte pour avoir une action délibérée.
Il ne faut pas en déduire que nous nous écartons de nos plateformes parce qu’on trouve une valeur fondamentale dans la constitution d’une masse critique de contenu en français disponible numériquement. J’y crois beaucoup. Le raisonnement n’est pas forcément le même pour le contenu anglophone dans une perspective planétaire, bien que le contenu canadien, même en anglais, mérite d’être mis à l’honneur. Quoi qu’il en soit, l’offre d’une masse critique de contenu numérique francophone à un endroit où on peut le comprendre et le trouver présente beaucoup d’intérêt si on veut créer un point de contact fiable pour tous les membres des communautés francophones.
Rassembler, c’est une question d’empathie. Il s’agit de proposer à un auditoire national l’histoire locale. Et d’amener les Québécois, qui forment le groupe le plus important de francophones qui regardent et écoutent notre contenu, à être plus conscients de ce qui se passe dans toutes ces autres communautés très riches. Il s’agit de s’intéresser non seulement à leurs problèmes, mais aussi à leur création, à leur richesse, à ce qu’elles ont à nous apprendre.
Ces trois piliers nous permettent d’exercer la responsabilité très importante que nous confient la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les langues officielles.
[Français]
M. Rioux : Il est important aussi de donner de la visibilité. Je pense à des téléséries dramatiques comme Mont-Rouge ou comme Eaux turbulentes, qui a été produite dans le Nord de l’Ontario. Il y a En direct de l’univers qu’on fait chaque année pour la Semaine de la Francophonie, et aussi l’émission spéciale sur Édith Butler ou sur un artiste provenant d’une autre province. Tous ces aspects sont importants.
Pour revenir à ce que M. Fenlon disait plus tôt, l’important n’est pas nécessairement une seule occasion, mais c’est l’accumulation des choses, et certainement la progression que l’on peut avoir. Je suis à Radio-Canada depuis longtemps. Depuis peut-être six ou sept ans, on a vu un changement à l’intérieur de la programmation nationale. Par exemple, il y a la plateforme TransCanada, où l’on a des francophones d’un peu partout au pays qui viennent échanger avec l’animatrice sur ce qui se passe.
Il faut aussi faire confiance, célébrer quand cela fonctionne bien et encourager pour que cela fonctionne mieux.
La sénatrice Osler : Je vous remercie.
Le sénateur Cormier : Bonjour. Bienvenue, madame Bouchard. Félicitations pour votre nomination.
Comme la plupart des gens autour de cette table, je suis un passionné de Radio-Canada. J’y ai travaillé aussi. J’ai eu ce grand privilège.
Pour continuer à promouvoir et défendre Radio-Canada, on a besoin de données justes et probantes et d’informations pertinentes. Mes questions porteront sur la relation entre Radio-Canada et les producteurs indépendants des communautés de langue officielle en situation minoritaire. J’ai deux questions. Je vais les poser, parce que je ne voudrais pas être coupé.
Ma première question concerne le financement de Radio-Canada qui a connu une baisse de 2 % par rapport à la période de 2023-2024. Dans les conditions du renouvellement de licence qui fut accordé à la SRC par le CRTC pour la période 2022-2027, le financement accordé aux producteurs indépendants doit croître de 3 à 6 %. Dans le contexte budgétaire actuel, comment allez-vous vous assurer de pouvoir remplir cette obligation?
Ma deuxième question est plus spécifique. En effectuant une recherche à partir des documents publics de l’Alliance des producteurs francophones du Canada (APFC), j’ai constaté qu’il y avait un enjeu réel sur la méthode de calcul utilisée par la SRC dans ses rapports au CRTC pour comptabiliser les dépenses des émissions francophones canadiennes des producteurs indépendants des CLOSM.
Dans une lettre adressée au secrétaire général du CRTC le 16 septembre 2025, l’APFC affirmait ce qui suit :
Les dépenses déclarées par Radio-Canada pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire doivent refléter uniquement la part des droits de licence détenue par les producteurs des CLOSM, et non la totalité des droits versés aux projets coproduits avec les non-CLOSM.
Je pense aux coproductions avec le Québec, par exemple. Je continue :
À ce jour, les informations fournies par Radio-Canada ne semblent pas refléter correctement cette distinction. Les investissements faits spécifiquement et uniquement auprès des producteurs des CLOSM doivent être connus pour qu’on puisse déterminer si, d’une part, Radio-Canada respecte ses conditions de licence et si, d’autre part, le système de radiodiffusion contribue à l’épanouissement des communautés de langue officielle.
Ma question pour vous est la suivante : comment allez-vous rectifier le tir? C’est une information extrêmement importante, et si elle n’est pas juste et exacte, c’est déterminant pour vraiment faire valoir la contribution exceptionnelle. J’applaudis tous les projets qui ont été faits avec les producteurs indépendants. Cependant, comment allez-vous rectifier le tir pour vous assurer que la méthode de calcul utilisée reflète vraiment les investissements réels de la SRC envers les producteurs indépendants?
Si cette information est disponible, je pense qu’il serait très utile pour notre étude de l’obtenir, puisqu’on veut évidemment le bien-être et le meilleur de Radio-Canada.
Mme Bouchard : Je vous remercie de votre question. Je voudrais juste commencer et je vais évidemment céder la parole à ma collègue Bev Kirshenblatt concernant les obligations de rapport et d’informations qui sont rattachées à nos conditions de service.
Évidemment, on rencontre les membres de l’APFC, avec qui j’ai eu des relations en continu au cours des dernières années. C’est important, parce que dans ces rencontres, on discute des besoins des producteurs en milieu minoritaire pour continuer à développer leurs entreprises, à acquérir de nouvelles compétences et à retenir des capacités de production à travers des talents, et voir comment nous pouvons aider dans notre réseau avec les producteurs du Québec, de l’étranger et en milieu minoritaire, afin de donner encore plus de capacité de développement et de rayonnement à leur travail.
Ces consultations sont importantes. On y assiste avec assiduité. Nos échanges sont concrets et réels et portent sur la manière dont on peut faire en sorte que des projets voient le jour et que les producteurs puissent continuer à déployer leurs talents. Ils veulent essentiellement produire des projets de plus en plus intéressants et diversifiés.
Si parfois certains aspects ne sont pas accessibles pour eux, d’une certaine façon, nous pouvons servir d’entremetteurs. Justement, ces maillages avec les producteurs du Québec peuvent être une occasion pour les producteurs indépendants en milieu minoritaire de réaliser des projets qu’ils ne pourraient pas nécessairement réaliser seuls. Parfois, il y a des jumelages entre producteurs indépendants en milieu minoritaire. Tout cela est une dynamique plutôt positive.
Maintenant, en ce qui concerne les engagements que nous avons pris lors de notre dernier renouvellement, ils visaient notamment à augmenter la proportion de nos dépenses de production allouées aux producteurs en milieu minoritaire au cours des années de la licence. Ces engagements sont liés à des obligations de production de rapport annuel.
Je demanderais peut-être à Mme Kirshenblatt d’expliquer la façon dont on comptabilise ces dépenses de production.
[Traduction]
Bev Kirshenblatt, directrice, Affaires institutionnelles et réglementaires, Société Radio-Canada : Globalement, au départ, voici la formule selon laquelle nous avons toujours présenté nos rapports au CRTC et celui-ci a défini nos obligations pour une nouvelle licence.
Aux termes de la décision rendue en 2022 sur le renouvellement de notre licence, on utilise le montant total consacré à la programmation canadienne, et le numérateur est un certain montant que nous sommes tenus de consacrer à la production indépendante. C’est le point de départ.
Ensuite, pour la production indépendante, le conseil a établi des niveaux pour garantir une certaine production indépendante venant des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le conseil établit des seuils que nous sommes tenus de respecter chaque année.
Comment se fait le calcul? C’est le cœur de votre question. Nous prenons en compte ce que j’appelle les coproductions. Ce sont des coproductions auxquelles prend part un producteur de l’extérieur du Québec, et il peut y avoir un producteur du Québec. Nous avons toujours tenu compte de ces productions. Lorsque le conseil a établi le niveau ou le seuil de dépenses approprié, il a inclus ce montant parce qu’il est fondé sur des données historiques.
[Français]
Le sénateur Cormier : Je comprends que c’est inclus, mais ces dépenses sont destinées au Québec et non aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, et c’est là que réside le nœud de la question ici.
Si ces dépenses ne s’en vont pas officiellement dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire, alors pourquoi les comptabiliser? Cela fausse les données. Cela ne nous permet pas d’avoir un portrait juste de la situation. C’est ma grande préoccupation. Si vous investissez dans la Société Radio-Canada, il faut avoir un portrait juste. S’il y a une ambiguïté dans votre mode de calcul, je ne sais pas comment vous comptez régler la question. Je crois qu’elle est importante. J’aimerais que la réponse soit assez précise.
Mme Bouchard : Je vais tenter de répondre le plus clairement possible. Sous réserve de la correction que Mme Kirshenblatt pourra apporter à ma réponse, je crois que ce qu’elle essaie de dire, c’est que lorsque tout cela a été déterminé devant le CRTC, la base sur laquelle nous sommes partis, tout comme le CRTC, était nos dépenses de l’époque. Nos dépenses de l’époque incluaient un certain nombre de coproductions. Dans ce contexte, la dépense totale en coproductions indépendantes a été incluse, et par la suite, nous avons continué avec cette même méthode. Si nous voulons décortiquer cela par la suite, il faut reprendre le calcul à l’origine.
Le sénateur Cormier : Oui.
Mme Bouchard : Il faut voir ce que cela changera.
Il y a une autre question très importante pour moi : puisque nous sommes en relation d’affaires avec les producteurs, la confidentialité des modalités des productions indépendantes uniques doit être préservée. Lorsqu’on se trouve dans de petits bassins avec cinq productions, par exemple, on ne peut pas aller dans le menu détail, parce qu’on identifie des ententes d’affaires, et que cela est nuisible aux parties prenantes avec lesquelles on est en relation. Il faut tenir compte de cela si on veut s’embarquer dans un détricotage. Aussi, il faut le faire en collaboration avec le CRTC, parce que nous-mêmes, tout seuls, sommes dans un système qui a été agréé de part et d’autre.
Le sénateur Cormier : Je vous remercie de cette réponse. J’espère que vous trouverez la solution à ce problème en collaboration avec le CRTC, parce que je crois que c’est fondamental, non pas pour pointer du doigt Radio-Canada, mais au contraire, pour exposer les investissements réels qui sont faits au sein des communautés.
Mme Bouchard : J’aimerais rappeler que souvent, pour qu’une production se qualifie pour du financement au Fonds des médias du Canada ou autrement, au niveau des enveloppes de production en milieu minoritaire, le producteur en milieu minoritaire doit être majoritaire.
Le sénateur Cormier : Oui.
Mme Bouchard : Le producteur recherchera donc la majorité de l’investissement. Toutefois, le producteur qui n’est pas en situation minoritaire est là pour des raisons souvent fonctionnelles et pratiques. Il ne détient pas le contrôle effectif de la production, parce que c’est le producteur en milieu minoritaire qui le détient. Donc, même si on détricotait, on verrait quand même que le gros de l’enveloppe va au producteur en milieu minoritaire. Cela dit, notre problème est fonctionnel. Si on veut trouver une solution, cela devra se faire en triangulation avec le CRTC.
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup de votre réponse.
Le sénateur Quinn : Madame Bouchard et votre équipe, merci pour votre présentation concernant le plan stratégique.
[Traduction]
Dans l’exposé, j’ai trouvé rafraîchissant que vous disiez qu’il est particulièrement important pour la société d’État d’être présente dans les régions du Nord où vivent des minorités linguistiques. Une partie de la stratégie consisterait à être présent dans les collectivités et à présenter du contenu qui est important dans la vie de ces collectivités.
Est-ce qu’une partie de ce plan consistera à examiner le fonctionnement de la structure et de la gouvernance de CBC/Radio-Canada? À l’heure actuelle, pour la prise de décisions en matière de politique journalistique touchant ma province, le Nouveau-Brunswick — et d’autres provinces comme le Québec et le Canada atlantique —, il y a un directeur principal pour tout cela qui est en poste à Montréal. Pour ce qui est de la direction éditoriale journalistique des émissions d’information du Nouveau-Brunswick, le responsable se trouve à Halifax. Envisage-t-on de transférer une partie de ces responsabilités au marché local?
Mme Bouchard : Je n’en suis pas encore là. Parfois, ces structures ont été conçues pour améliorer l’efficacité, ce qui se comprend. Je peux témoigner de la valeur exceptionnelle de notre rédactrice en chef actuelle pour le Québec et l’Est; elle a de l’expérience, connaît les différentes réalités du marché et est en prise là-dessus. Pour ma part, je n’ai pas d’inquiétude. Je comprends que, du point de vue de l’image, on puisse se faire une idée différente.
M. Fenlon : Les décisions éditoriales courantes — ce qui sera couvert et comment cela sera présenté — sont toutes prises à l’échelle locale. Certains de ceux dont vous avez parlé sont des gestionnaires. Ils sont responsables de la stratégie.
Je tiens à préciser que nous sommes une organisation très décentralisée pour ce qui est des décisions courantes sur les faits à couvrir et le choix de ce qui est important pour la collectivité. La gestion se situe au niveau local.
Le sénateur Quinn : Merci. Je peux dire en toute honnêteté que des artisans qui sont au service de CBC/Radio-Canada dans ma province et avec qui j’ai discuté ont soulevé ce problème. Ils craignent que des décisions de cet ordre ne soient prises loin de chez eux.
À dire vrai, nous, Canadiens de l’Atlantique, observons ce qui se passe et constatons que des décisions prises à Toronto et à Montréal ont un retentissement chez nous. Nous avons l’impression de rester à l’écart.
Pour revenir aux autres choses que vous avez dites tout au long des échanges de ce matin, vous avez noté que vous alliez voir comment CBC/Radio-Canada s’y prendra pour être présente là où elle ne l’a pas été par le passé. Voici ma question : comment allez-vous rétablir votre présence là où vous avez été présents par le passé?
Si mon collègue, le sénateur Percy Downe, était là, il parlerait avec passion de ce qui s’est passé à l’Île-du-Prince-Édouard. Je peux parler avec passion de ce qui s’est passé au Nouveau-Brunswick. Des décisions ont été prises par le passé. Nous avons tous subi des compressions budgétaires. Nous avons pris des mesures que nous croyions être les bonnes.
Certains de vos propos m’ont donné à penser que, avec le recul, les décisions prises dans le temps ne vous semblent pas correspondre à la réalité d’aujourd’hui. Je ne dirais pas qu’il y a eu des erreurs, mais ce sont les décisions d’une autre époque. Je vois votre stratégie, et vos dirigeants semblent dire : « Nous allons retourner sur certains de ces marchés. » Est-ce exact? Vous allez revenir chez nous?
Mme Bouchard : Oui, j’adore cette expression. C’est ma vie.
Nous allons le faire de façon moderne. Nous n’allons pas rétablir les grandes stations où tout le monde travaillait à l’interne. À mon avis, les choses ne se passent pas ainsi de nos jours. Nous devons être plus souples. Nous avons la capacité, tant du point de vue de la main-d’œuvre et des compétences que de celui de la technologie, d’être beaucoup plus souples.
Pour revenir aux marchés locaux, il faut d’abord avoir des artisans sur le terrain. Il faut du personnel.
Le sénateur Quinn : Oui.
Mme Bouchard : Il faut des êtres humains sur le terrain qui nouent des relations pour comprendre ce qui se passe et transmettre des messages : « Cela ne m’a pas plu » ou « J’ai adoré cela. » Nous recevons les deux, je vous l’assure. Cela nous rend plus accessibles.
C’est ainsi que CBC Gem devient une présence familière au lieu d’être seulement un logo lointain. Il faut d’abord du personnel sur le terrain, puis il faut tendre à la communauté un miroir où elle se reconnaît et elle est vue par le reste du Canada grâce au numérique et à divers formats, comme l’audio et la vidéo, grâce à une présence locale auprès du milieu des affaires, qu’il faut comprendre, à la prise de conscience de ses triomphes et de ses difficultés, grâce à une présence auprès des médias locaux. Voilà comment on bâtit et parfois rebâtit la confiance. C’est là notre orientation.
Le sénateur Quinn : Ma dernière question porte sur un plan stratégique, qui comporte habituellement des sous-éléments, comme des objectifs et des choses de cette nature. Y a-t-il un document ou des renseignements à ce propos? Quels sont les objectifs à court terme de la société par rapport au plan stratégique et peut-être aux objectifs à moyen terme? Cela nous aiderait à mieux comprendre où vous voulez en arriver.
Mme Bouchard : Tout un suspense.
Le sénateur Quinn : S’agit-il d’une nouvelle production?
Mme Bouchard : Je le voudrais bien. Ce serait un peu ennuyeux.
Le sénateur Quinn : Je suis encore accroché à la messe produite à 27 000 $.
Mme Bouchard : Nous avons élaboré une nouvelle série d’indicateurs que nous avons communiqués au conseil d’administration. Nous discutons encore avec lui de la façon de les présenter. Disons que nous mesurons des aspects dont il n’était pas tenu compte par le passé. Il s’agit par exemple de notre rayonnement. Combien de Canadiens rejoignons-nous chaque semaine ou chaque mois? Ils portent sur la mobilisation. Combien de temps les auditeurs passent-ils avec nous? Oublions ces visions étroites comme la part de marché et interrogeons-nous sur le temps que l’auditeur nous accorde. C’est plus important.
Le sénateur Quinn : Sera-t-il possible à un moment ou l’autre de faire connaître les données?
Mme Bouchard : Oui. Ensuite, nous nous interrogeons sur la perception. Nous sondons les Canadiens... C’est l’un des sondages les plus rigoureux dans le paysage médiatique. Nous sondons l’opinion des Canadiens sur leurs services, sur ceux qu’ils possèdent pour savoir ce qu’ils pensent de leurs services et des services dont ils sont propriétaires et qui leur sont fournis de manières diverses.
Ensuite, nous examinons notre empreinte économique. Nous considérons la valeur que nous créons en tant que force économique. Les études que nous avons récemment commandées à Nordicity montrent que pour chaque dollar investi dans le radiodiffuseur public, celui-ci rapporte 1,72 $. Nous avons une activité économique positive nette dans son ensemble.
Nous sommes une source incroyable de promotion pour les musiciens canadiens. Nous générons du travail pour des productions indépendantes en dehors de nos 7 000 employés qui font aussi l’épicerie et vivent quelque part, etc. Il est important de mesurer notre empreinte et notre impact économiques par les temps qui courent.
Enfin, nous voulons aussi mesurer la valeur que nous apportons à nos 7 000 employés. C’est beaucoup de monde. Nous voulons avoir une bonne culture et montrer comment nous développons des talents en représentant le Canada tel qu’il est aujourd’hui : la diversité culturelle et géographique de la société canadienne. Où sont nos employés? Où sont-ils affectés? Nous allons suivre cela.
Pour ce qui est du cadre des valeurs, nous sommes encore en train de le peaufiner. Les objectifs? C’est une discussion que nous aurons avec le conseil d’administration.
La sénatrice Mohamed : Tous autant que nous sommes, nous pourrions raconter comment CBC/Radio-Canada nous a touchés. Je suis venue au Canada, et je me souviens que la première chose que mes parents faisaient le matin, c’était écouter CBC. Quand j’ai vécu à l’étranger, c’était la première chose que je faisais.
Vous avez parlé de la confiance et de ceux en qui nous avons confiance pour nous informer, que ce soit Nahlah Ayed ou Matt Galloway. Je me couche avec le son d’Adrienne Arsenault dans les oreilles. Il y a cet élément de confiance, vous avez raison.
Je reviens sur vos propos au sujet de la diversification de votre auditoire : croissance, contenu et mode de prestation. Je veux parler plus particulièrement des jeunes.
Cet été, je suis allée au Festival de Stratford pour l’émission « Ideas » de CBC. Le mois dernier, je me suis rendue à Toronto pour participer à « Ideas » avec Alex Neve, des conférences Massey. Dans quelques semaines, elle fera la même chose ici. J’ai remarqué qu’il n’y avait pas beaucoup de jeunes dans la salle, là-bas. Pourtant, c’est là que les conversations de confiance aboutissent dans ces espaces.
Pour en revenir sur ce que vous avez dit sur le fait d’être à l’écoute, sur les déplacements et sur ce que vous entendez des gens, pouvez-vous nous dire précisément ce que vous faites pour mobiliser les jeunes parce qu’il s’agit d’un public grandissant, du moins je l’espère? Qu’entendez-vous précisément? Qu’est-ce que cela signifie à part — et je reconnais que c’est extrêmement important — le fait que les présentateurs aient l’air différents ou que les gens que nous voyons à nos écrans ou que les propos qu’ils tiennent puissent sembler différents? Quelles autres mesures concrètes prenez-vous pour mobiliser les jeunes? Qu’avez-vous entendu de la part de ces jeunes pendant vos déplacements?
Mme Bouchard : Nous essayons de mobiliser toutes les générations. Nous avons des programmes scolaires dans le cadre desquels nous invitons divers écoliers à visiter nos installations afin qu’ils puissent voir comment on fait un court bulletin de nouvelles ou une vidéo verticale. Nous collaborons également avec les universités. Nous tenons des séances et des discussions sur les fausses nouvelles et diverses choses qui ont une incidence sur leurs relations avec les médias, mais je peux vous dire que ce n’est pas facile à résoudre.
C’est commun à tous les médias, qu’ils soient traditionnels et tout particulièrement publics. C’est une conversation que nous avons avec tous nos collègues. Je pense que c’est une approche multitactique. Nous devons inclure davantage de jeunes dans notre processus créatif. J’adore l’expérience. Cela permet d’éviter beaucoup d’erreurs, sans toutefois nécessairement correspondre à la philosophie et aux préoccupations des jeunes. Nous devons donc intégrer ces éléments dans nos processus créatifs et notre approche de la façon dont nous allons servir notre avenir, car ils sont notre avenir. Peut-être que nos collègues voudront ajouter quelque chose, parce qu’ils ont des exemples concrets.
M. Fenlon : Comme l’a dit Mme Bouchard, c’est un des plus grands défis auxquels font face les médias. Il y a un fossé générationnel complet entre l’endroit où les gens commencent leur parcours d’information. Les programmes que vous avez mentionnés sont d’abord et avant tout linéaires. L’âge moyen de leur public se situe entre 60 et 62 ans — ce n’est pas un jugement.
Les jeunes Canadiens commencent leur parcours pour trouver du contenu sur les médias sociaux, les réseaux et les agrégateurs. Ils consomment à partir de sources multiples et parfois ne savent même pas de quelles sources ils consomment, parce qu’elles découlent d’algorithmes. Nous devons être les deux à la fois et bien le faire.
Il peut s’agir d’un défi de plateforme. Par exemple, environ 1,2 million de Canadiens regardent en moyenne chaque jour « The National » à la télévision. Vous aurez 400 000 visionnements supplémentaires sur YouTube. Dans le cas des téléspectateurs, comme je l’ai dit, l’âge moyen est d’environ 60 ans. Pour le public sur YouTube, l’âge moyen est d’environ 45 à 50 ans. Si notre animatrice, Adrienne Arsenault, raconte une version de son histoire pour TikTok, nous la présentons maintenant à un public d’âge moyen dans la vingtaine.
Cela ne veut pas dire que tout ce que nous faisons sur une plateforme fonctionne sur les autres parce qu’il faut alors tenir compte du format et du style. Les conventions de chacune de ces plateformes sont différentes.
Le premier défi, c’est la plateforme. Vous devez être à ces endroits multiples parce que les auditoires de différents âges se trouvent dans des zones différentes. Ensuite, il faut agir intelligemment pour connaître ce qu’ils recherchent. Quelles sont les histoires qui les interpellent? Cela aussi est différent. Ce n’est donc pas facile, mais nous travaillons fort pour essayer de trouver une solution.
M. Rioux : C’est un défi auquel sont confrontés tous les radiodiffuseurs du monde. Vous pouvez regarder. Beaucoup d’études ont été faites pour savoir ce que veulent les jeunes auditoires. Ils veulent moins de politique ou plus d’économie familiale. Ils veulent ceci et cela. Nous devons adapter une partie de notre stratégie à ces priorités pour les auditoires plus jeunes.
Nous devons également changer la façon dont nous racontons l’histoire, car nous ne pouvons pas mettre sur TikTok quelqu’un qui a été présentateur à la télévision pendant 30 ans et lui demander de faire la même chose qu’il fait tous les jours à 18 heures. Cela ne fonctionne pas. Nous avons essayé; cela ne fonctionne pas. Nous devons aussi laisser les jeunes — les nouveaux journalistes — nous aider à créer du contenu d’une manière différente tout en respectant nos cinq règles fondamentales de journalisme. C’est un peu difficile, car la résistance fait partie du processus.
Je pense que nous nous débrouillons assez bien, en fait, parce que ce que M. Fenlon disait pour YouTube est également vrai du côté de la radio. J’étais à la radio il y a 15 ans, et l’âge moyen du public était de 53 ans. Nous en étions fiers, mais nous disions tout de même que nous devions attirer un auditoire plus jeune parce qu’autrement, ils vieilliraient avec nous, ce qui est vrai parce qu’aujourd’hui l’âge moyen est d’environ 62 ans.
Cependant, si vous utilisez notre application audio, l’âge moyen est de 44 ans. Une de mes filles écoute la radio tous les jours, mais sur son téléphone cellulaire. Dès qu’elle monte dans sa voiture, elle va sur l’application. Nous devons être en mesure d’équilibrer notre programmation linéaire et notre programmation numérique non seulement pour servir les gens d’un certain âge — sans parler d’âge —, mais aussi pour répondre aux besoins des publics plus jeunes. Ce n’est pas un équilibre facile. Mais nous y travaillons, c’est certain. Les résultats sont là. Nous le voyons sur le numérique. C’est évident.
M. Fenlon : Puis-je donner un autre exemple? Andrew Chang était l’animateur de l’émission « The National », puis il a lancé un programme axé sur le numérique intitulé « About That ». C’est une série explicative, liée aux nouvelles. Son émission et lui ont attiré un auditoire important sur YouTube. Elle s’adresse à un groupe démographique différent, de sorte que certains peuvent apprendre à le faire d’une nouvelle façon. Cela a été un grand succès. Alors nous apprenons tout le temps ce qui fonctionne et quels formats fonctionnent. Nous avons connu un certain succès.
La sénatrice Mohamed : Je tiens à reconnaître que CBC/Radio-Canada a fait un excellent travail sur le plan de la diversité. Bon nombre des gens dont nous venons de parler apportent vraiment cela. Pour les nouveaux arrivants ou pour ceux qui ont du mal à trouver où obtenir leurs nouvelles et ce en quoi ils veulent avoir confiance, je pense que c’est un élément important. Je tiens à le reconnaître.
La sénatrice Arnold : Merci à tous d’être ici. Je me sens très privilégiée de participer à cette discussion fascinante. Je suis triste d’être une nouvelle sénatrice. En effet, je n’étais pas au courant des autres conversations.
Madame Bouchard, j’ai bien aimé votre réponse au sujet de la collaboration avec les entreprises privées locales. Je pense que c’est essentiel dans des marchés comme celui de Moncton, au Nouveau-Brunswick, où on voit — pas avec Radio-Canada — un véritable déclin dans nos médias locaux. Cela me garde éveillée la nuit, à titre d’ancienne mairesse, en pensant à ce déclin de la démocratie et de l’engagement de notre population. Cela m’inquiète vraiment.
Pour ce qui est de votre commentaire sur la souplesse, j’ai récemment accordé une entrevue à Radio-Canada. Je suis arrivée, j’ai regardé autour de moi et j’ai demandé : « où est la fourgonnette? » Aucune fourgonnette. Le type était à vélo et avait un iPhone. Je ne sais pas si vous pouvez être plus souple que cela. C’était assez fantastique.
Je pense que ce que nous avons entendu autour de la table et ce que nous entendons dans notre société en ce moment, c’est l’importance de la démocratie et l’importance de la cohésion nationale. Je suis curieuse : serait-il utile que CBC/Radio-Canada soit déclarée service essentiel? Qu’en pensez-vous?
Mme Bouchard : C’est drôle. Je dois y réfléchir. J’ai toujours pensé que la façon dont la Loi sur la radiodiffusion a été rédigée, notre responsabilité au sein d’un système de radiodiffusion diversifié nous donnait une place très spéciale, avec une responsabilité très particulière. Elle assure notre indépendance par rapport au gouvernement, ce qui est important pour notre crédibilité et notre relation avec les Canadiens.
Je me suis toujours sentie en sécurité dans cet environnement, mais c’est l’environnement dans lequel j’ai grandi. Je ne sais pas, madame Kirshenblatt, si vous avez des idées sur un cadre qui serait plus explicite — en tout cas, dans notre stratégie, nous sommes d’avis que nous devons agir comme service public essentiel. C’est ce dont le monde d’aujourd’hui a besoin et dont les Canadiens ont besoin. Je ne sais pas comment la loi elle-même pourrait être modifiée pour refléter cela de façon plus explicite; je n’y ai pas beaucoup réfléchi. Je ne sais pas si Mme Kirshenblatt veut ajouter quelque chose à ce sujet.
Ce qui est important, c’est de préserver l’indépendance. Cela a toujours été la clé pour se définir et faire en sorte que le média de service public soit le service essentiel qui appartient à la population.
Mme Kirshenblatt : La seule chose que j’ajouterais, c’est que l’actuelle Loi sur la radiodiffusion prévoit déjà trois éléments du système : public, privé et communautaire. Au sein de l’élément public, elle énonce un mandat très large pour CBC/Radio-Canada, et elle établit ou assure l’indépendance.
Ce que nous entendons, cependant, c’est l’importance des types de programmation qu’offre le radiodiffuseur public. Il s’agit de savoir comment le faire sur toutes les plateformes pour plaire à divers segments démographiques d’un bout à l’autre du pays.
D’une certaine façon, il semble clair que nous entendons dire à quel point le rôle du radiodiffuseur public est important. Ce que mes collègues vous disent, c’est que la société doit continuer d’évoluer pour demeurer essentielle aux Canadiens.
La sénatrice Hay : Quelle discussion fascinante. Merci à tous d’être ici.
Je vais poursuivre dans la même veine que ma collègue, la sénatrice Mohamed, au sujet des jeunes.
Étant donné que les radiodiffuseurs publics sont les seuls au Canada à produire du contenu organisé pour les enfants et les jeunes, c’est un peu comme le Far West. Il est plus important aujourd’hui que jamais d’avoir recours à des éducateurs, des professionnels, et cetera, avec des normes, des pratiques et du contenu adapté à l’âge. À l’heure actuelle, il n’est pas surprenant qu’il n’y ait pas de limites. Les jeunes peuvent consommer un contenu diffusé sur des plateformes étrangères et des médias sociaux générés par l’intelligence artificielle. Cela se fait 24 heures sur 24, sept jours sur sept par des jeunes grâce à leurs gadgets et téléphones, peut-être à 2 heures du matin.
Je ne suis peut-être pas d’accord avec vous sur le fait que les jeunes sont un problème difficile à résoudre; je pourrais vous en parler plus tard hors ligne.
J’ai deux questions qui sont liées. Quelle est la stratégie en vue de produire un contenu médiatique numérique plus substantiel pour les enfants afin de rejoindre les jeunes d’un bout à l’autre du pays — français, anglais et rêver peut-être de l’inuktitut, du cri et de l’ojibwé, car c’est là le potentiel — pour que les enfants puissent se voir à CBC/Radio-Canada? S’ils se considèrent comme des enfants, ils seront vos consommateurs à l’âge adulte.
Ma deuxième question porte sur le contenu canadien. Quelle est votre stratégie pour que les talents canadiens, comme les producteurs, les écrivains, les rédacteurs en chef et les acteurs, soient bien financés — pas à leur détriment — afin que nous alimentions le paysage canadien avec des histoires, des héros et des aspirants d’ici?
Mme Bouchard : Permettez-moi de dire d’entrée de jeu que quand je dis qu’il s’agit d’un problème difficile à résoudre, c’est le problème qui est en cause et non les gens. Soyons aussi précis en ce sens qu’il y a de nombreuses générations d’enfants, de jeunes et de jeunes adultes. Chacun a besoin de son approche structurée. Il y a diverses stratégies à déployer pour eux.
Dans certaines régions, nous avons plus de succès aujourd’hui; dans d’autres, nous avons perdu beaucoup de terrain et il faut reconstruire.
Le groupe qui est probablement le plus difficile à atteindre — non pas à percer, mais à rejoindre — ce sont les adolescents. Ils sont tellement exposés aux médias sociaux; c’est dans ce contexte qu’ils vivent. Ils sont tous tellement réseautés avec leurs amis par l’entremise de ces plateformes, qui n’ont pas été conviviales pour les enfants et les adolescents.
Nous devons unir nos efforts — éducateurs, créateurs de contenu, radiodiffuseurs et plateformes — pour être en mesure de régler ce problème de détresse et de contenu nocif qui est consommé et qui n’a pas nécessairement été limité par quoi que ce soit.
Notre approche consiste à fournir un contenu utile. Nous ne sommes pas en mesure d’intervenir pour limiter l’accès à ce qui existe déjà ou à le structurer. Cela relève d’autres acteurs de la politique publique. C’est soit la loi, soit le CRTC, soit la politique des télécommunications, soit autre chose. Cela ne relève pas de nous.
Ce que nous pouvons faire, c’est travailler avec nos très proches alliés et collaborateurs, c’est-à-dire l’environnement de production du secteur privé, apporter les outils dont nous disposons, soit toutes les données que nous générons grâce aux contacts que nous avons avec des auditoires de divers âges afin d’en apprendre davantage sur ce qui fonctionne pour eux, enrichit leur vie et les mobilise. Nous pouvons adopter une approche systématique pour produire un contenu adapté à leur consommation.
Encore une fois, je parle de différentes générations.
Nous avons déjà des produits numériques conçus pour certaines cohortes. Nous avons CBC Kids News. Nous avons MAJ — L’actualité pour les jeunes qui s’adresse davantage aux adolescents ou aux enfants plus jeunes. Ensuite, nous avons Rad qui cible les personnes plus âgées ou les jeunes adultes qui consomment l’information d’une façon complètement différente de celle de leurs pairs.
C’est une question d’intention et de ressources. La question des ressources est importante. Si nous voulons atteindre tous ces objectifs très valables, nous devrons faire des choix en fonction des ressources dont nous disposons. Ou bien, nous allons devoir mutualiser ou mettre en commun des ressources avec d’autres acteurs. Ou encore, si les Canadiens estiment que c’est un bon investissement, le gouvernement pourrait peut-être investir davantage dans sa fonction publique afin que nous puissions rejoindre tous ces auditoires avec un contenu approprié et les bonnes stratégies en matière de plateformes.
La sénatrice Hay : Dans le même ordre d’idées, travaillez-vous auprès des jeunes? Élaborez-vous conjointement votre stratégie avec les jeunes? C’est peut-être la façon de régler le problème.
Je dirais aussi que si les ressources sont le problème et que, par conséquent, nous ne nous inquiétons pas des ressources — même si je suis certaine que vous vous en préoccupez —, nous devrons nous pencher sur la question à un autre moment, mais nous parlons de long terme. Si vous ne fidélisez pas CBC/Radio-Canada maintenant, quand mon petit-fils de 6 ans aura 35 ans, il ne s’inquiétera même pas de CBC/Radio-Canada — je ne sais pas si c’est vrai.
Je suis curieuse de savoir si votre stratégie devrait inclure le long terme et ne pas nécessairement dire : « aujourd’hui, nous n’avons pas les ressources nécessaires, alors nous ne mobiliserons pas les jeunes. »
Mme Bouchard : Je suis entièrement d’accord avec vous. J’y crois fermement. Nous travaillons pour assurer notre pérennité auprès des générations futures. Afin de leur offrir des avantages et de créer de la valeur, nous devons nous en préoccuper dès aujourd’hui, voire hier. Ce groupe démographique est donc une cible essentielle que nous avons identifiée dans notre stratégie.
Il ne s’agit pas de les ignorer en disant « Tant pis » ou d’attendre qu’ils s’adaptent à nos offres. Je suis convaincue qu’ils ne le feront pas. C’est pourquoi la prise en compte de ce public est au cœur de ma vision des services que nous devons fournir.
Mes collègues peuvent peut-être vous fournir des exemples concrets de l’implication des jeunes dans l’élaboration de contenu.
M. Fenlon : Je commencerai par un exemple, celui du CBC Creator Network que gère notre service local. Nous nous associons à de jeunes créateurs prometteurs qui possèdent déjà leurs propres projets et bases d’abonnés et qui sont présents sur les médias sociaux. Nous collaborons avec eux pour intégrer leurs récits à notre programmation et les soutenir dans leur démarche. Il s’agit d’un échange d’idées et de connaissances mutuellement bénéfique. Une relation s’établit avec le radiodiffuseur public, ce qui leur permet de parler de nos activités à leur propre public, qu’ils ont bâti de manière indépendante.
M. Rioux : C’est essentiellement la même approche.
Par exemple, depuis quelques années, nous produisons une émission pour enfants à Edmonton, en Alberta, destinée aux francophones de tout le pays. Dans les grandes lignes, nous visitons des écoles partout au pays pour échanger avec les enfants. Toutefois, comme l’a souligné Mme Bouchard, le défi est bien plus vaste que la simple production d’une émission jeunesse.
Il y a sept ans, lorsque j’ai commencé ce travail, j’ai participé à une conférence où nous avions invité des élèves d’une école francophone de l’Ontario. Après un très beau concert de leur part, nous avons discuté avec eux et avons rapidement réalisé que leurs références culturelles n’étaient ni canadiennes ni francophones, mais entièrement américaines. Certains croyaient même que Drake était américain.
Bien que nos propres enfants aient grandi depuis, je constate que l’éducation a également un rôle à jouer, car ce problème nous dépasse. Ma femme, qui est institutrice, me raconte des histoires préoccupantes sur la consommation médiatique des enfants dans les autobus scolaires.
Il y a cinq ou six ans, nous avons comparu devant une commission parlementaire du Québec pour suggérer le lancement d’une initiative visant à mieux faire comprendre la consommation médiatique actuelle au public. L’enjeu est là : les gens ne mesurent pas pleinement les conséquences de l’utilisation de leur téléphone cellulaire pour consommer des médias. Nous devons agir.
Nous pouvons faire du bon travail et nous nous y efforçons, mais nous ne représentons qu’une partie de la solution. Un rôle plus important est nécessaire pour capter l’attention du public. Les choses ont beaucoup changé au fil des ans. J’ai grandi avec Radio-Canada, la seule chaîne que mes parents nous autorisaient à regarder, et nous n’avions que trois chaînes à l’époque. Aujourd’hui, nous évoluons dans un environnement où le téléphone cellulaire donne accès à tout ce que l’on désire. Capter l’attention de ces enfants est devenu un défi complexe.
La sénatrice Hay : J’aimerais revenir à ma deuxième question, qui concerne l’investissement dans les talents canadiens, notamment les producteurs et les scénaristes. Un investissement accru dans ces talents pourrait-il contribuer à résoudre le problème des jeunes qui croient que Drake est américain?
Mme Bouchard : Nous sommes actuellement le principal investisseur dans la production canadienne, et je m’attends à ce que cela se poursuive.
Notre mission est de mettre en valeur et de développer les talents d’ici. Les ressources financières, le temps et l’expertise que nous investissons dans le développement de programmes et de formats variés pour qu’ils voient le jour sont considérables. Ce travail fait partie intégrante de notre mandat et bénéficie à l’ensemble de l’écosystème.
Lorsqu’une émission, patiemment développée avec la CBC ou Radio-Canada sur une ou deux années, réussit son lancement, elle prend de l’ampleur, devient disponible sur d’autres plateformes, et est parfois reprise par des géants comme Netflix ou Disney. C’est un avantage total pour le producteur, et cela accroît la visibilité et le financement de la marque. Tout cela s’est produit parce que nous avons assuré l’incubation du projet.
Nous prenons ce travail très au sérieux et en sommes fiers. Nous ne sommes pas toujours reconnus pour nos réalisations, mais ce n’est pas grave. Nous savons que cette étincelle et cet accompagnement sont nécessaires pour aider au développement de marques et de créations exceptionnelles.
Quant aux musiciens, nous jouons un rôle essentiel dans divers genres qui correspondent aux habitudes de consommation actuelles. Nous proposons des listes de lecture et agissons comme médiateurs, en présentant de nouveaux talents aux auditeurs grâce à la crédibilité de nos animateurs. Ce rôle est d’une valeur inestimable, et je pourrais en parler longtemps.
La sénatrice Dasko : J’ai plusieurs questions concernant le financement. Le parti au pouvoir vous a promis 150 millions de dollars durant la campagne électorale, mais a ensuite annoncé, en juillet, une réduction de 198 millions de dollars au budget de la SRC. J’aimerais que vous conciliiez ces deux annonces.
Premièrement, concernant les 150 millions : avez-vous l’assurance de recevoir ces fonds? Les avez-vous déjà obtenus ou avez-vous reçu une indication de leur versement? Comment prévoyez-vous les dépenser? S’agit-il de recettes générales ou sont-ils affectés à des projets particuliers?
Deuxièmement, concernant la réduction de 198 millions de dollars : d’où proviendront ces coupes? Croyez-vous que ces réductions auront effectivement lieu?
Enfin, vous recevez environ 7 millions de dollars de Google. Je pose cette question, car notre comité a beaucoup travaillé sur le projet de loi C-18, et je ne peux m’empêcher de m’interroger. Ces fonds sont-ils affectés à des dépenses précises?
Le président : Si vous n’avez pas le temps, veuillez nous transmettre des réponses écrites aux questions de la sénatrice Dasko.
Mme Bouchard : Je serai brève. L’argent de Google est directement investi dans le service local. Nous avons recruté 30 journalistes supplémentaires dans 22 localités du côté anglophone, et environ 10 du côté francophone, en plus d’ajouter d’autres types de services. Ces fonds sont entièrement dédiés au service local. Bien que cette somme constitue une rémunération pour des services et productions que nous réalisons déjà, nous avons choisi de bonifier nos activités grâce à elle.
Deuxièmement, concernant les 150 millions de dollars et la réduction potentielle des crédits : il s’agit de plans, avec lesquels nous ne pouvons que planifier. Nous planifions en fonction de notre stratégie, que je décris comme un accordéon : elle nous permet de prendre des décisions adaptées, que nous recevions des fonds supplémentaires ou qu’on nous demande de réduire notre dépendance aux crédits parlementaires. C’est sur la base de ces priorités que nous prendrons nos décisions. Nous sommes en attente. Je n’ai aucune assurance à cet égard. Toutes ces informations sont confidentielles au Cabinet. Nous sommes indépendants du gouvernement et ignorons ce qui va se passer.
Le sénateur Wilson : Voici ma question. Regarder la version diffusée de vos émissions est aujourd’hui un luxe, comparable à la lecture d’un journal papier.
Quand je regarde votre chaîne, je peux suivre « The National » en format de diffusion, et je confirme les statistiques de M. Rioux concernant les groupes d’âge, visibles dans la publicité.
Cependant, ce que je consomme et apprécie le plus est le contenu numérique sur l’application et CBC Gem. Ma question porte sur votre stratégie numérique, notamment la capacité de téléchargement sur Gem et potentiellement d’autres plateformes. Ce qui m’irrite le plus est que le seul moment où j’ai le temps de regarder ces émissions, c’est lors de mes 10 heures de vol hebdomadaires, et je ne peux pas les télécharger. C’est frustrant. Si je veux regarder « North of North », que vous coproduisez avec APTN et Netflix, je peux la télécharger sur Netflix. Or, je veux pouvoir télécharger votre contenu. Qu’est-ce qui fait obstacle à cette fonctionnalité?
Mme Bouchard : Cette fonctionnalité fait partie des priorités en matière de développement de produits. Permettez-moi de consulter nos équipes numériques à ce sujet. Je ne crois pas qu’il y ait un véritable obstacle technique. C’est simplement une question de priorisation dans les fonctionnalités offertes sur Gem jusqu’à présent. Je n’ai pas la réponse quant à la raison pour laquelle elle n’est pas disponible aujourd’hui, mais je soupçonne qu’il s’agit principalement d’une question de ressources et de temps pour développer cette fonctionnalité et les systèmes sous-jacents, car c’est un problème complexe. Je prends note de votre remarque et la transmettrai à notre équipe de stratégie numérique.
La sénatrice Simons : Je soutiens la motion du sénateur Wilson.
Madame Bouchard, lors du dernier tour de table, vous avez abordé votre stratégie en matière de médias sociaux.
Il est clair qu’en raison du projet de loi C-18 — une politique publique malavisée — Meta n’est plus une plateforme viable pour le partage d’informations. Pourtant, la SRC a choisi de maintenir sa présence sur X. Bien que beaucoup de vos journalistes utilisent Bluesky, la SRC n’y est pas présente, pas plus que sur Mastodon, qui me semble pourtant être la meilleure solution pour un radiodiffuseur public national.
Pourriez-vous expliquer pourquoi vous restez sur X, qui est devenu un site au contenu principalement haineux et d’extrême droite? Pourquoi n’êtes-vous pas sur Bluesky, où se déroule la majeure partie de la conversation politique canadienne? Avez-vous envisagé une stratégie Mastodon, comme la création d’une instance gérée par la SRC, qui offrirait aux gens une plateforme non commerciale et non américaine pour le partage d’informations?
Mme Bouchard : Je peux vous confirmer que, personnellement, je ne suis pas sur X. Notre utilisation des diverses plateformes est dictée par les habitudes de consommation et les besoins de notre public. M. Fenlon pourra vous en dire plus.
M. Fenlon : Je suis sur Bluesky.
La sénatrice Simons : Je suis abonnée à votre compte.
M. Fenlon : Excellent. C’est une question de choix stratégique et de rentabilité.
Du côté de la SRC, nous avons considérablement réduit notre activité sur X, bien que nos journalistes demeurent libres d’y être s’ils le souhaitent. Étant donné que X demeure une plateforme importante pour la diffusion de nouvelles et d’informations gouvernementales, nous ne pouvons pas simplement nous en retirer. Pour être honnête, notre présence y est désormais minime.
Nous cherchons avant tout à identifier les meilleures occasions d’atteindre les publics ciblés dans notre stratégie. Actuellement, nous concentrons nos efforts sur YouTube et TikTok. Il est regrettable d’être exclus des plateformes Meta, car elles rejoignent des publics importants, notamment sur Instagram. La perte de notre contenu journalistique sur ces plateformes a été navrante.
Nous cherchons également à transposer ce type de narration propre aux médias sociaux sur nos propres plateformes, afin que l’utilisateur puisse ouvrir notre application d’actualités et consommer un récit vertical, comme M. Rioux l’a mentionné.
Concernant Bluesky et Mastodon, nous procédons à une évaluation. Nous surveillons ces plateformes et n’excluons aucune possibilité, car les plateformes sociales évoluent constamment. Il faut toutefois faire des choix judicieux quant à l’allocation de nos ressources limitées, car toutes ces plateformes exigent beaucoup de temps et d’efforts.
[Français]
Le sénateur Cormier : Avant de poser ma question, je voudrais juste mentionner que je me lève avec OHdio, que je me couche avec OHdio et que je dîne avec OHdio. En fait, OHdio est mon partenaire de vie. Vous dire à quel point c’est important...
L’identification à Radio-Canada passe évidemment par la présence en région, mais aussi par la présence en région au réseau national. Comment pouvez-vous aider à une meilleure et à plus grande présence d’experts et d’académiciens qui viennent des régions et qui n’apparaissent pas au réseau national? Il faut pratiquement vivre au Québec pour se retrouver dans les grandes émissions nationales. Je sais que vous faites des efforts en ce sens, mais c’est un enjeu crucial...
Mme Bouchard : Je m’excuse de vous couper la parole, parce que je sens bien la passion dans votre plaidoyer. Je dois dire qu’il n’y en aura jamais assez, mais comme grande consommatrice de nos plateformes, j’ai remarqué une grande différence dans les 10 dernières années. Il y a eu une progression à la radio particulièrement. C’est remarquable. La télévision, c’est un autre environnement avec beaucoup de contenus et de divertissement, et en information, à RDI, vous avez une variété d’experts et de ressources qui viennent de la plupart de nos communautés. Donc, ce réseau se bâtit et se construit. Il n’y en aura jamais assez, je le comprends.
Je ne sais pas si mon collègue M. Rioux aurait quelque chose à ajouter concernant les stratégies.
M. Rioux : Peut-être davantage au niveau stratégique, effectivement.
Depuis trois ans, on a travaillé sur un carnet commun pour l’ensemble du pays pour classifier les possibles intervenants dans différents domaines. On a pris toutes les ressources de toutes les stations régionales pour alimenter ce bottin électronique, si vous voulez. Cela fonctionne quand même assez bien. Je dis toujours qu’il faut regarder d’où l’on part pour voir où l’on est rendu et vers où l’on veut aller. Est-ce qu’on peut faire mieux? Oui, et on y travaille, car ce bottin nous permet de voir quelles ressources sont utilisées à l’intérieur du réseau et des stations régionales.
D’ailleurs, n’oublions pas que bien souvent, ces ressources rayonneront peut-être dans d’autres stations comme Vancouver ou Québec, comme on le fait déjà avec l’économie, qui part de Toronto. Ce sont toutes les régions du pays qui en bénéficient tous les matins. Cela ne paraît pas énorme, mais cela confirme le statut de capitale économique de Toronto avec une journaliste qui ne fait que cela à partir de Toronto. On essaie donc de communiquer et partager le plus possible ces ressources.
Le sénateur Cormier : Je vous remercie de continuer de faire des efforts pour y contribuer. Vous créez de ce fait des vedettes et des personnalités auxquelles on adhère, et si elles apparaissent au réseau national, c’est qu’on a davantage besoin de personnes comme celles-là qui viennent de chez nous. Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Je constate, par exemple, que vous recrutez actuellement de nouveaux journalistes pour vos bureaux de Hinton, de Grande Prairie, de Fort McMurray et de Lloydminster, dans le nord de l’Alberta. Je suppose que des embauches similaires ont lieu partout au pays.
Ces journalistes travailleront de manière très isolée. Quel est le plan pour les soutenir dans leur travail régional? Et comment leur travail sera-t-il intégré à la fois à la programmation régionale et à celle du réseau national?
M. Fenlon : Nous sommes tout à fait conscients du risque d’isolement. Nous avons mis en place plusieurs mesures, notamment un processus d’intégration solide. Nous opérons selon un modèle en étoile où ces journalistes sont supervisés par des producteurs rattachés à un système et à un centre plus vastes.
L’objectif est d’avoir plus d’une personne dans ces localités; idéalement au moins deux, sinon plus.
Nous avons également veillé à installer ces journalistes dans des bureaux qui sont souvent des espaces de travail partagés, afin de favoriser une communauté autour d’eux. Nous complétons cela par une formation et un suivi réguliers.
La sénatrice Simons : Un reportage d’un journaliste de Hinton ou de Lloydminster sera-t-il diffusé à l’échelle nationale? Je veux m’assurer qu’il ne s’agit pas d’un simple geste symbolique. Comment ces histoires seront-elles réellement diffusées et entendues?
M. Fenlon : Absolument. Ce sera à double vocation. D’abord, ces histoires seront destinées à la communauté et porteront sur elle. Toutefois, il y aura toujours des occasions de les diffuser auprès du public partout au pays.
D’ailleurs, notre journaliste d’Oshawa a récemment produit un reportage majeur sur le secteur automobile qui a eu une couverture nationale. Nous souhaitons voir d’autres histoires de cette nature, même si elles sont d’une ampleur moindre. Je crois que la population canadienne aimerait voir plus de récits de ce genre. Les Canadiens et Canadiennes s’intéressent beaucoup à la vie de leurs concitoyens. C’est une excellente occasion pour nous de montrer l’ensemble du pays que nous partageons.
Le président : Sénatrice Dasko, avez-vous quelque chose à ajouter? Tout va bien? Puisque vous êtes notre vice-présidente, je souhaite aborder tous les aspects.
La sénatrice Dasko : Merci, monsieur le président.
Le président : Merci de votre présence aujourd’hui.
[Français]
Vous avez répondu avec une honnêteté et une sincérité que nous apprécions.
[Traduction]
Je vous remercie encore une fois. Avant de lever la séance, je rappelle aux sénateurs et sénatrices que notre prochaine réunion aura lieu à huis clos demain, le 22 octobre, à 18 h 45, afin de discuter des travaux futurs. Notre greffière, Andrea Mugny, vous enverra un message plus tard dans la journée pour vous informer de ce dont nous allons discuter.
(La séance est levée.)