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Projet de loi sur la reprise et le maintien des services postaux

Troisième lecture—Débat

26 novembre 2018


L’honorable Sénateur Peter M. Boehm :

Honorables sénateurs, je n’avais pas prévu que ce projet de loi serait le sujet de ma première intervention au Sénat. Cela dit, je ressens assurément le besoin de prendre la parole aujourd’hui.

Tout d’abord, j’aimerais remercier les témoins que nous avons entendus samedi dernier. Les ministres Hajdu et Qualtrough, Mme Jessica McDonald, présidente du conseil d’administration et PDG par intérim de Postes Canada, et M. Mike Palecek, président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, ont tous donné d’excellentes présentations judicieuses.

Je crois que nous nous entendons tous pour dire, peu importe vers quel côté du conflit de travail nous penchons, qu’il s’agit d’une situation difficile pour toutes les parties. Le débat d’aujourd’hui a bien illustré ce fait.

Nous avons tous reçu d’importants messages de la part de nos concitoyens, d’entreprises et de syndiqués des services postaux. Ils sont pertinents et touchants, et ils continuent d’affluer.

Malgré les opinions divergentes et souvent passionnées de tous, et surtout en raison du sérieux des conflits de travail, j’ai été encouragé par l’esprit général de décorum et de respect avec lequel tout le monde s’est comporté au Sénat, samedi dernier. Cela témoigne fièrement de la valeur de notre institution.

Dans cet esprit, Postes Canada devrait considérer qu’il s’agit d’une occasion de collaborer avec le syndicat pour se pencher sur les défis actuels et futurs, y compris l’évolution des activités commerciales et des conditions de travail de manière à tenir compte des nouvelles réalités de la livraison des lettres et des colis, de la santé et de la sécurité et, surtout, des questions d’équité salariale qui touchent les femmes.

Les répercussions attribuables aux technologies innovantes, comme l’a dit le sénateur Deacon, ont imposé un nouveau modèle de gestion à l’industrie de la logistique, partout dans le monde. L’adaptation s’impose, et demeurera la clé de la réussite.

Pour sa part, le syndicat doit montrer plus clairement qu’il comprend les difficultés économiques et commerciales que doit relever Postes Canada, et il doit être prêt à faire preuve d’une plus grande flexibilité en collaborant avec la société pour relever ces défis.

Des deux côtés, il doit y avoir une plus grande compréhension du fait que les interruptions de travail à Postes Canada perturbent également le travail et les sources de revenu de beaucoup de Canadiens et de collectivités, surtout rurales, qui comptent le plus sur Postes Canada. Bien entendu, il existe aussi des milliers d’entreprises, petites et grandes, dont les résultats financiers dépendent des services offerts par Postes Canada.

Je souhaite également dire que, même si cela n’a peut-être pas été bien compris ni bien accueilli par ceux qui sont en faveur de cette mesure législative — ou en tout cas, qui croient en sa nécessité — je crois que le Sénat a bien fait d’attendre jusqu’à aujourd’hui pour passer à l’étape de la troisième lecture.

La journée que nous avons prise hier pour réfléchir, plutôt que de siéger, nous a donné la possibilité de vraiment réfléchir à la mesure législative et à tout ce qu’elle implique. C’est ce que j’ai fait.

Je pense que, si nous l’avions adoptée samedi sans bien avoir étudié la question, cela aurait été mauvais pour les parties en cause et, par voie de conséquence, pour les Canadiens et même pour le Sénat, d’autant plus que nous avons reçu de l’information contradictoire de Postes Canada et du syndicat sur la situation concernant la quantité de colis qui attendent encore d’être livrés.

Qu’on parle d’un désaccord au sujet du nombre de remorques immobilisées sur les terrains de Postes Canada ou du fait qu’elles étaient vides ou non, des séquences filmées par des drones ou encore des déclarations dans les médias, ou du fait qu’un million de colis représentent beaucoup de retard ou la charge d’un lundi, il est clair que nous avions beaucoup d’information à soupeser.

Comme j’ai été négociateur sur la scène internationale pour divers gouvernements, j’ajouterais que je ne suis pas du genre à piquer une crise. Cela ne fait pas partie de mes tactiques ni de mon vocabulaire.

Nous devons aussi prendre en considération la gravité de la situation et les principes sous-jacents que sont la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association, de même que le droit de grève, la Cour suprême ayant, comme nous le savons, affirmé en 2015 que ce dernier était protégé par la Constitution.

En ce qui concerne la Charte des droits et libertés, nous devons être particulièrement prudents. La Charte et tous les éléments qui y sont codifiés doivent être respectés et ne peuvent pas être tenus pour acquis.

Je suis reconnaissant des précisions que le représentant du gouvernement a fournies plus tôt dans cette Chambre.

Autrement dit, honorables collègues, c’est une décision que nous ne pouvons pas prendre à la légère. Cependant, je dirai également que, dans une telle situation, qui a maintenant des répercussions à l’échelle tant nationale qu’internationale, nous avons aussi le devoir d’agir en fonction de l’intérêt national. Pour paraphraser notre collègue, le sénateur Woo, nous devons agir rapidement, mais sans nous presser.

Chers collègues, j’appuie le projet de loi C-89 parce que je crois qu’il est dans l’intérêt du public. Même si je crois fermement à la négociation collective et au droit des travailleurs de faire la grève lorsque les négociations de bonne foi échouent, je crois aussi que Postes Canada et les entreprises canadiennes, petites et grandes, souffriront de problèmes économiques à court et à long terme si ce conflit perdure. Il faudra pallier les occasions d’affaires perdues, et cela aura des répercussions à moyen et à long terme sur tout le monde, y compris l’industrie et les travailleurs de Postes Canada.

On a beaucoup parlé du fait que la période des Fêtes est la plus occupée pour Postes Canada et que nombre d’entreprises canadiennes ont besoin des profits supplémentaires qu’elles réalisent pendant cette période. Or, n’oublions pas que ces entreprises comptent beaucoup sur le service national des postes pendant les 11 autres mois de l’année également.

Honorables collègues, le projet de loi de retour au travail n’offre pas de solution garantie. Elle n’impose aucune solution, mis à part la médiation, qui est une mesure importante.

Après avoir écouté toutes les interventions, il est clair que l’industrie a changé et qu’elle continuera de le faire. C’est pourquoi des compromis réels et durables s’imposent, voire un renouvellement total des relations patronales-syndicales. Postes Canada et le syndicat doivent unir leurs efforts pour composer avec cette réalité, mais pas aux dépens des Canadiens. Merci, chers collègues

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