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Projet de loi sur le cannabis

Projet de loi modificatif—Message des Communes— Adoption de la motion d’adoption de l’amendement des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat

19 juin 2018


L’honorable Sénateur Pierre J. Dalphond :

Honorables sénateurs, plusieurs membres de cette Chambre ont accompli un travail remarquable en ce qui a trait au projet de loi C-45. Ils méritent nos remerciements sincères pour leur dévouement et leurs efforts. J’ai pu suivre le débat à distance, notamment grâce aux médias, qui ont accordé une attention aux travaux du Sénat en raison de la qualité du travail accompli dans cette Chambre de second examen objectif et au sein des comités. Leur travail assidu a donné lieu à plus de 40 amendements au projet de loi reçu de la Chambre des communes. Les gouvernements du Québec et du Manitoba ont d’ailleurs invité le gouvernement fédéral et la Chambre des communes à accepter les amendements adoptés par le Sénat le 7 juin dernier et pour lesquels j’ai voté.

Nous avons reçu hier la réponse de la Chambre des communes qui nous informe qu’elle a accepté plusieurs de ces amendements, mais qu’elle a rejeté celui qui fait l’objet de la proposition de mon collègue, le sénateur Carignan. Nous devons maintenant réfléchir à notre réponse, et décider essentiellement si nous insistons pour que l’amendement reconnaissant aux provinces le pouvoir de réglementer la production à domicile soit réexaminé par la Chambre des communes. Au sens de l’article 16-3(2) du Règlement, et je cite :

[...] le Sénat insiste pour maintenir des amendements [...]

À mon avis, une réponse à celle de la Chambre des communes, une Chambre élue, commande de la part du Sénat un haut degré de déférence, puisque les élus seront, ultimement, responsables de leur réponse devant les électeurs.

Honorables sénateurs, je soumets à votre considération le fait que le Sénat ne devrait écarter une réponse de l’autre endroit que dans des situations très particulières, et jamais en fonction d’une opinion politique quant aux objectifs poursuivis par la législation en jeu. Cela a été fait aux étapes des première, deuxième et troisième lectures. Nous avons dépassé ce stade. En réalité, il doit s’agir d’une situation où les principes gouvernant les rapports entre les deux Chambres commandent à la Chambre haute d’insister sur sa position.

Autrement dit, nous en sommes à débattre non pas de la teneur du projet de loi, mais de la nature de la relation que nous aimerions établir entre la Chambre haute et l’autre endroit.

Je crois, à ce stade-ci, qu’il faut se fonder seulement sur d’autres critères que ceux qui ont été invoqués au cours des dernières minutes du débat. Je sais que certains sénateurs s’opposent au projet de loi et le font, à mon avis, pour de bonnes raisons, mais ce n’est plus l’objet du débat. Le débat a largement dépassé ce cadre. Nous devons définir la relation.

Honorables collègues, à titre de sénateur indépendant, permettez-moi de suggérer humblement, particulièrement à mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants, d’adopter, à cette étape du processus législatif, une approche de principe reposant sur l’application de critères objectifs, et non sur des opinions personnelles de nature politique, économique, sociologique ou autre.

À la lumière de certains discours prononcés précédemment au Sénat par des collègues beaucoup plus expérimentés que moi ainsi que de textes écrits par de savants auteurs, dont le professeur Thomas, de l’Université du Manitoba, je crois que nous devons procéder à une analyse contextuelle qui incorpore les critères suivants, et sans doute d’autres critères également.

Premièrement, la réponse, si elle est acceptée, entraînera-t-elle l’adoption d’une loi qui constituera une violation manifeste ou fort probable de la Constitution ou de la Charte des droits et libertés? Si la réponse n’est pas claire, ne faut-il pas laisser aux tribunaux la mission de répondre à cette question?

Deuxièmement, l’objet du projet de loi a-t-il été un enjeu de la campagne électorale pour le gouvernement, ou s’agit-il plutôt d’une question extrêmement controversée pour laquelle le gouvernement n’a pas reçu de mandat lors des dernières élections?

Troisièmement, la preuve faite devant les Chambres démontre-t-elle que les assises du projet de loi sont clairement mal fondées et que la réponse est, en pareil contexte, manifestement déraisonnable en partie ou en totalité?

Quatrièmement, la réponse montre-t-elle que la majorité porte atteinte aux droits d’une ou de plusieurs minorités, démontre-t-elle un mépris des droits linguistiques et favorise-t-elle une région au détriment d’une autre?

Cinquièmement, la réponse de la Chambre des communes écarte-t-elle des amendements proposés par le Sénat et visant à prévenir des préjudices imprévisibles et irréparables à l’intérêt national?

En l’espèce, le seul point soulevé pour insister sur notre amendement à la suite de la réponse de la Chambre des communes est l’avantage d’une clarification quant à la validité d’une loi adoptée par l’Assemblée nationale du Québec. Avec égard, mon collègue, le sénateur Carignan, me semble avoir démontré que le procureur général du Québec aura de très bons motifs à offrir pour défendre la validité constitutionnelle de la loi adoptée par l’Assemblée nationale du Québec si celle-ci est attaquée. De plus, si cette loi est attaquée, la décision reviendra aux tribunaux, et non aux membres du Sénat. La question de la validité de la loi de l’Assemblée nationale du Québec appartient aux tribunaux du Québec et, ultimement, à la Cour d’appel et à la Cour suprême, non pas au Sénat, ce que je soumets respectueusement. Je fais confiance à ce chapitre à mes anciens collègues qui, je le sais, feront un excellent travail.

Pour tous ces motifs, honorables sénateurs, je vous invite à voter contre l’amendement et à voter en faveur de la réponse de la Chambre des communes. Je vous remercie.

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