C-4 : « Loi de mise en oeuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique »
Discours complet
13 mars 2020
L’honorable Sénateur Peter M. Boehm :
Note : Le projet de loi C-4, « Loi de mise en oeuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique», a reçu la sanction royale le 13 mars 2020. En tant que parrain du projet de loi C-4 au Sénat, voici le discours que j’étais prêt à prononcer ce jour-là à l’étape de la deuxième lecture au Sénat. Toutefois, étant donné la situation d’urgence mondiale que représente la pandémie de COVID-19 et l’urgence par la suite pour le Parlement d’adopter des lois gouvernementales cruciales, j’ai prononcé une version abrégée du discours, dont le texte est disponible ici :
Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui à titre de parrain du projet de loi C-4, Loi portant mise en oeuvre de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis du Mexique.
L’Accord Canada–États-Unis–Mexique, ou l’ACEUM, dit « CUSMA » en anglais, est aussi appelé « le nouvel ALENA », « l’ALENA 2.0 » ou « l’ALENA plus ». Aux États-Unis, on l’appelle l’USMCA et au Mexique, le T-MEC. Cet accord trinational est, essentiellement, une version modernisée du traité initial de 1994.
C’est l’ALENA du XXIe siècle.
Peu importe de quel côté sont vos allégeances — ou si vous balancez d’un côté à l’autre, comme il m’arrive de le faire —, cet accord sera profitable pour le Canada, ainsi que pour l’économie, l’industrie, le secteur agricole et agroalimentaire et les travailleurs du pays.
Tous les Canadiens sont gagnants.
Une fois qu’il sera mis en oeuvre, l’Accord ne fera pas que protéger les emplois des Canadiens, il préparera également le pays aux emplois de demain.
Il assurera également la stabilité, la prévisibilité et, le plus important, la croissance à long terme du marché nord-américain.
Nous ne devons pas seulement être satisfaits du résultat final de plus d’un an de négociations ardues avec au moins un opposant particulièrement coriace.
Nous devons également être satisfaits de l’équipe qui nous a conduits au point où nous en sommes.
L’équipe de négociation canadienne – et il s’agissait bel et bien d’une équipe – dirigée par l’ancienne ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, et le négociateur commercial en chef, Steve Verheul, était composée de certains des meilleurs et des plus brillants fonctionnaires du Canada et du monde.
Je suis honoré d’avoir travaillé avec plusieurs d’entre eux au cours de mon ancienne carrière.
En effet, lorsque j’étais en poste à Berlin, M. Verheul et moi collaborions étroitement sur l’Accord économique et commercial global, l’entente bilatérale avec l’Europe entamée par le précédent gouvernement conservateur, et plus particulièrement sur la question du règlement des différends entre investisseurs et États.
Toutes les Canadiennes et tous les Canadiens devraient être fiers des personnes qui nous représentent et qui défendent nos intérêts à l’international.
Elles sont tout simplement les meilleures du monde pour faire ce qu’elles font.
Cet accord résulte d’un effort global qui a été consenti par le gouvernement et la fonction publique.
Le premier ministre Justin Trudeau a communiqué à maintes reprises avec ses homologues : le président américain Donald Trump et l’ancien président mexicain Enrique Peña Nieto, ainsi que successeur de ce dernier, Andrés Manuel López Obrador.
J’ai eu l’honneur d’être au fait de certains de ces entretiens.
Ce nouvel accord — signé à Mexico le 10 décembre 2019 — renforce l’accord initial de 1994 en modernisant des chapitres clés, dont certains devaient assurément être revus.
Il représente également une amélioration par rapport à l’ACEUM initial, qui a été signé le 30 novembre 2018 pendant le Sommet des dirigeants des pays du G20 qui se tenait à Buenos Aires.
Alors, en réalité, il s’agit de l’ACEUM 2.0… ou « du nouvel ACEUM », ou… peu importe.
Ni le Canada ni le Mexique ne voulaient renégocier l’ALENA, même s’il était généralement admis que des changements devaient y être apportés.
Après tout, depuis l’entrée en vigueur de cet accord, nous sommes entrés dans l’ère du numérique, nos chaînes d’approvisionnement mondiales se sont multipliées, et l’environnement fait face à une menace accrue.
On nous a poussés à renégocier un accord commercial qui, à tous égards, a très bien servi le Canada et l’Amérique du Nord pendant plus de 25 ans.
On semblait nous offrir le choix suivant : l’élimination de l’ALENA ou son amélioration.
La question était de savoir à quelles conditions.
Nous avons choisi d’améliorer l’ALENA. L’accord que nous avons obtenu conserve tous les éléments de l’ALENA qui revêtent de l’importance pour le Canada, tout en apportant des améliorations à plusieurs d’entre eux.
Toutefois, comme dans toutes les négociations, c’est donnant-donnant.
Aujourd’hui, je veux parler de certains des faits saillants de cet accord, de certains des défis qui y sont associés et de l’état actuel de notre relation avec les États-Unis et, de plus en plus, avec le Mexique.
Mais d’abord, un peu d’histoire.
Nos relations commerciales avec les États-Unis sont très diversifiées, détaillées et complexes. Choisissez votre adjectif.
Elles sont généralement fondées sur le respect mutuel.
D’ailleurs, nous sommes passés du commerce de marchandises de base, comme le bois d’oeuvre, les minéraux métalliques, les produits de la pêche et d’autres produits alimentaires, aux chaînes d’approvisionnement intégrées complexes et à la livraison « juste à temps » dans le secteur automobile.
Ni ces excellentes relations commerciales, grâce auxquelles plus de deux milliards de dollars de marchandises et de services traversent les frontières tous les jours, ni ce nouvel accord ne peuvent être entièrement saisis dans les 280 caractères offerts par cette égocentrique « caisse de résonance » qu’est Twitter – bien que plusieurs l’aient tenté. Plusieurs fois.
Quand j’étais en poste à l’ambassade canadienne à Washington, de 2001 et à 2004, nous nous sommes penchés longuement sur le dossier du conflit du bois d’oeuvre.
Un jour, le comité exécutif était réuni, sous la présidence de l’ambassadeur de l’époque, Michael Kergin. Cette journée, qui avait commencé comme toutes les autres, allait changer pour toujours le monde tel que nous le connaissions.
C’était le 11 septembre 2001.
Mes collègues et moi nous trouvions à l’ambassade lorsque les avions ont percuté le World Trade Center et le Pentagone.
À l’horizon, nous pouvions voir la fumée qui s’élevait du Pentagone en flammes.
Chose certaine, un pareil événement met les choses en perspective.
Nous avons laissé tomber le nouveau projet d’accord sur le bois d’oeuvre pour nous occuper de questions de sécurité nationale et nord-américaine.
Tout cela pour dire que notre relation bilatérale avec les États-Unis va bien au-delà du conflit sur le bois d’oeuvre, de l’ALENA, de l’ACEUM et des échanges commerciaux en général.
Nous étions de solides alliés avant même que le Canada ne devienne un pays, non seulement par la force des choses, à cause de notre frontière commune, mais aussi par respect pour l’ordre international fondé sur des règles et compte tenu de la création d’institutions internationales multilatérales.
Nous avons travaillé ensemble mettre tout cela en place après la Deuxième Guerre mondiale.
À de nombreux égards, à part la Guerre de 1812, rares sont les pays voisins qui entretiennent des rapports aussi pacifiques et mutuellement avantageux.
Toutefois, malgré les liens pacifiques et les relations commerciales fructueuses qui existent depuis longtemps entre nos deux pays, il y a des obstacles commerciaux depuis le début, avant même que le Canada ne devienne un pays.
Le bois d’oeuvre était au coeur du débat, même à cette époque.
Il y a des choses qui ne changent pas, chers collègues.
Notre relation commerciale – bien que mutuellement bénéfique, particulièrement depuis 1994 – n’a jamais été égalitaire parce que les règles du jeu n’ont jamais été équitables.
Peu importe le sujet des négociations, les gouvernements canadiens qui se sont succédé – et j’ai servi comme fonctionnaire pour quelques-uns d’entre eux – ont tenté de faire pencher la balance en notre faveur.
C’est tout ce que nous pouvons faire étant donné que notre population et notre produit intérieur brut représentent tous deux environ le dixième de celui de nos voisins.
Nous voici maintenant rendus au point où je vais faire l’historique des accords commerciaux et de la réciprocité entre le Canada et les États-Unis.
Je m’efforcerai d’être bref.
Au fil du temps, nous avons conclu de nombreux accords commerciaux avec les Américains, avec plus ou moins de succès.
Même avant que le Canada n’obtienne sa souveraineté en 1867, le Royaume-Uni a signé avec les États-Unis, en 1854, un accord de réciprocité qui s’appliquait aux territoires britanniques de l’Amérique du Nord.
Malgré le rejet du traité en 1866, celui-ci constitue la première tentative de mise en oeuvre du libre-échange en Amérique du Nord.
En effet, le Traité de réciprocité canado-américain de 1854 mettait l’accent sur des enjeux comparables à ceux qui ont attiré beaucoup d’attention pendant les négociations entourant l’ALENA et l’ACEUM, c’est-à-dire l’agriculture et, bien sûr, le bois d’oeuvre.
La position des producteurs de céréales et des minotiers du Haut-Canada, qui estimaient qu’un partenariat solide avec les États-Unis serait avantageux pour l’économie, a été à l’origine de notre premier accord commercial bilatéral il y a 166 ans.
Au moment de l’annulation du traité en 1866, les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis avaient connu une croissance considérable à laquelle la prospérité a emboîté le pas.
Or, le protectionnisme ne date pas d’hier. Des détracteurs du libre-échange aux États-Unis et des Américains mécontents de l’appui implicite accordé par la Grande-Bretagne aux États confédérés pendant la guerre de Sécession, de 1861 à 1865, ont uni leurs efforts pour faire échouer l’entente.
Après cette guerre dévastatrice, la population des États-Unis souhaitait tourner son attention sur elle-même. C’était la version d’« America First » du XIXe siècle.
À mesure que le Canada et son économie progressaient, la dynamique avec les États-Unis a changé.
Entre 1866 et 1911, il y a eu maintes reprises de signer un nouvel accord commercial, mais le protectionnisme et les priorités divergentes l’ont empêché.
Pendant la campagne électorale de 1891, Wilfrid Laurier et les libéraux ont milité en faveur de négociations de libre-échange avec les Américains. Ce sont toutefois les conservateurs, dirigés par le premier ministre John A. Macdonald, qui ont remporté les élections et qui, à l’inverse des libéraux, avaient fait campagne sur la menace d’une invasion américaine.
La question de la réciprocité a été reléguée au second plan dans les deux pays jusqu’en 1908, lorsque le républicain William Howard Taft a été élu président des États-Unis.
Le président Taft appréciait le Canada et possédait même une maison à La Malbaie, dans la région de Charlevoix, au Québec.
Il a qualifié son air d’« enivrant comme le champagne, mais sans la gueule de bois du lendemain ».
Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi il était si populaire auprès des résidents locaux de ce qui s’appelait à l’époque « Murray Bay ».
Avançons de 108 ans, jusqu’au moment où les États-Unis ont élu un autre président républicain qui a visité Charlevoix une fois – bien que celui-ci menace constamment d’augmenter les tariffs.
Bien trop souvent, il donne suite à ses intentions.
Nous nous souvenons tous de ce qui s’est passé avec l’acier et l’aluminium l’an dernier – nous y reviendrons.
Revenons au président Taft. Malgré le sentiment protectionniste qui prévalait aux États-Unis, particulièrement au sein de son propre parti, le président Taft a défendu la conclusion d’un accord de libre échange avec le Canada.
Les mêmes sentiments ne se manifestaient pas de manière aussi marquée au Canada, où on craignait que l’histoire ne se répète.
De fait, on craignait, comme ce fut le cas avec le Traité de réciprocité canado-américain de 1854, qu’un nouvel accord ne soit pas renouvelé s’il ne convenait plus aux Américains.
En 1910, les libéraux dirigés par Laurier – qui est devenu premier ministre après les élections de 1896 – ont lancé des négociations de libre-échange avec les États-Unis.
Les pourparlers ont été couronnés de succès et un accord, davantage axé sur le bois d’oeuvre et les produits naturels que sur les produits manufacturés, a été annoncé au début de 1911.
Malgré un passage difficile au Sénat protectionniste, en juillet 1911, la loi de mise en oeuvre avait été adoptée par les deux chambres du Congrès des États-Unis.
Au Canada, cependant, le projet de loi a été contesté de façon beaucoup plus marquée à la Chambre des communes en raison d’une vive opposition, principalement de la part des conservateurs, mais également de la part de certains libéraux, qui formaient le gouvernement.
En fin de compte, les députés qui s’opposaient à l’accord ont réussi à faire en sorte que la population canadienne se prononce sur la question.
Lors des élections de 1911, dont le thème principal était la réciprocité, Wilfrid Laurier et les libéraux ont subi une cuisante défaite.
Les électeurs se sont fermement opposés au traité et ont porté au pouvoir les conservateurs, qui étaient dirigés par Robert Borden.
Après ce dénouement, les deux partis principaux et la population ont considéré que le sujet était clos. En effet, il ne serait pas question de libre-échange avec les voisins du Sud avant le milieu des années 1930.
C’est en novembre 1935, pendant la Grande Dépression, que le Canada a signé avec les États-Unis sa première entente de libre-échange depuis 1854.
L’accord a ouvert la voie à une ère nouvelle dans les relations canado-américaines et a contribué à forger des liens étroits entre le premier ministre William Lyon Mackenzie King et le président Franklin Roosevelt.
L’Accord commercial Canada–États-Unis est entré en vigueur le 1er janvier 1936 et il a été mis à jour en 1938.
Il a finalement été suspendu en 1948 quand les deux pays ont signé l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, ou GATT, qui est devenu plus tard l’Organisation mondiale du commerce.
Maintenant, chers collègues, passons à l’époque moderne.
Le grand accord de libre-échange suivant entre les deux pays allait être l’Accord de libre-échange Canada–États-Unis, qui a été signé en 1988 par le gouvernement conservateur du premier ministre Brian Mulroney et le président Ronald Reagan.
Les élections de 1988 ont été, en somme, les deuxièmes élections axées sur la réciprocité et leur principal objectif était le nouvel accord de libre-échange avec les États-Unis.
Cette fois-ci, les rôles étaient inversés : les conservateurs étaient pour et les libéraux étaient contre.
Ce sont toutefois les conservateurs qui ont remporté les élections, comme en 1911.
À l’instar des accords précédents, l’ALECEU – en fait d’acronyme, il y a mieux – a éliminé de nombreuses barrières commerciales entre les deux pays. C’était un grand changement.
Six ans plus tard, cet accord était remplacé par l’Accord de libre-échange nord-américain qui, comme vous le savez tous, a toujours force de loi jusqu’à ce que l’ACEUM entre en vigueur.
Par conséquent, bien que les 140 premières années de notre relation commerciale avec les États-Unis aient connu beaucoup de hauts et de bas, les 25 dernières années ont été marquées par un succès retentissant.
Malgré le grand climat d’incertitude qui a marqué les dernières années, notre nouvel accord promet d’inaugurer une ère encore plus productive pour le commerce nord-américain.
Évidemment, le traité dont nous sommes saisis aujourd’hui n’est pas binational.
Depuis l’adoption de l’ALENA en 1994, les échanges commerciaux entre les trois plus grands pays de l’Amérique du Nord sont régis par un seul accord.
Ahora, permítanme algunas palabras sobre México. (Permettez-moi maintenant de dire quelques mots à propos du Mexique.)
Avant l’entrée en vigueur de l’ALENA, il n’y avait aucun accord commercial officiel entre le Canada et le Mexique.
Nos deux pays entretiennent des relations diplomatiques solides depuis 1944, mais ce n’est qu’en 1994 que nos rapports ont franchi cette étape très importante.
Chers collègues, je ne suis pas un expert en géométrie – vous pouvez me croire sur parole –, mais pour moi, les relations nord-américaines ressemblent un peu à un triangle isocèle.
Les deux côtés les plus longs représentent la relation que le Canada et le Mexique entretiennent chacun de leur côté avec les États-Unis, et le côté le plus court représente la relation entre le Canada et le Mexique.
Peut-être qu’un jour, dans un avenir lointain, ces relations seront illustrées par un triangle équilatéral.
Les trois pays sont membres du G20 et la relation entre le Canada et le Mexique a évolué. En effet, le pays que nous considérions comme une belle destination touristique pendant l’hiver est devenu un partenaire commercial important.
Nos échanges commerciaux bilatéraux, qui atteignaient environ 3 milliards de dollars américains lorsque l’ALENA est entré en vigueur, ont été multipliés par neuf par la suite et, en 2018, ils s’élevaient à près de 27 milliards de dollars américains.
De plus, le Canada et le Mexique collaborent étroitement dans des dossiers de politique étrangère qui concernent notre hémisphère et ils comparent souvent leurs expériences pour déterminer comment s’y prendre avec le voisin géant qui nous sépare.
On pourrait en parler longtemps.
Au début de mon discours, j’ai dit que l’ACEUM était une version améliorée de l’ALENA.
J’ai aussi dit que certaines dispositions méritaient effectivement d’être revues et modernisées, et ce, même si le Canada et le Mexique ne voulaient pas renégocier un accord commercial qui fonctionnait bien depuis plus de 25 ans.
Il s’agit notamment des dispositions qui concernent la main-d’oeuvre, l’environnement et les enjeux entourant la révolution numérique.
En l’occurrence, dans un contexte particulièrement difficile malgré l’absence de changements en profondeur, le Canada s’en est bien tiré : il a fait des gains en cédant peu de terrain.
Les négociateurs canadiens ont atteint leur but en maintenant essentiellement le statu quo, ce qui est d’autant plus impressionnant compte tenu du discours protectionniste et anti-ALENA qui est tenu au sud de la frontière et dont on entend souvent parler depuis 2015.
Comme je l’ai dit, l’objectif de nos négociateurs était de moderniser l’entente initiale signée en 1994, sans perdre de terrain.
Après tout, comme l’a dit Rona Ambrose, qui est membre du Conseil de l’ALENA créé par le gouvernement, il est normal que toutes les parties fassent quelques gains et quelques concessions pendant des négociations.
Mme Ambrose a tenu ces propos en août 2019, mais les critiques auxquelles elle répondait, notamment de la part de ses anciens collègues, ont commencé à se faire entendre longtemps avant cette date et ont continué tout au long des débats sur ce projet de loi à l’autre endroit.
L’ACEUM n’est pas parfait – en fait, quel accord l’est? –, mais tous les Canadiens, quelle que soit leur allégeance politique, devraient s’en réjouir.
Ce nouvel accord préserve, et c’est là un élément essentiel, l’accès sans droits de douane du Canada à ses plus grands marchés.
Chers collègues, on ne saurait trop insister sur l’importance de cet aspect de l’accord.
Le nouvel ALENA conserve également les dispositions sur le processus de règlement des différends, l’exception culturelle du Canada et l’admission temporaire qui se trouvaient dans l’accord initial signé en 1994.
De plus, l’accord actuel contient des dispositions plus rigoureuses au sujet des règles d’origine dans le secteur automobile, pour encourager la production en Amérique du Nord, des normes et des conditions de travail améliorées pour les trois pays, et des possibilités accrues pour les petites et moyennes entreprises au chapitre des échanges commerciaux et des investissements.
La négociation d’un certain nombre de ces points s’est avérée difficile.
Je pense plus particulièrement aux concessions faites par le Canada en ce qui concerne notre système de gestion de l’offre, qui feront en sorte que les agriculteurs américains auront un peu plus accès aux marchés canadiens des produits laitiers, des oeufs et de la volaille.
Certains agriculteurs canadiens assujettis au système de gestion de l’offre ne sont pas très heureux de l’accroissement de la concurrence, même s’ils ont reçu, et continueront de recevoir, des indemnités pour les pertes découlant de cette situation.
Dans quelques minutes, je parlerai plus en détail des indemnités.
Honorables collègues, il importe de se rappeler que le gouvernement des États-Unis réclamait le démantèlement complet de notre système de gestion de l’offre.
Les agriculteurs canadiens adorent ce système, mais ceux des États-Unis et d’autres pays le voient comme un irritant. Depuis longtemps, il est une pomme de discorde dans le cadre des négociations commerciales.
Les Américains n’ont jamais aimé notre système de gestion de l’offre.
Lorsque je travaillais à notre ambassade à Washington, j’ai participé à une rencontre avec un membre du Congrès du Midwest.
Il m’avait alors dit crûment, de manière tout à fait sérieuse, que s’il avait le pouvoir de prendre une telle décision, il ferait ajouter la Commission canadienne du blé à « l’axe du mal ».
C’est un peu extrémiste, surtout si l’on pense à ceux qui en font partie, mais il ne faut pas oublier que cela s’est produit au cours des années qui ont immédiatement suivi le 11 septembre.
Comme bon nombre d’entre vous le savent, la Commission canadienne du blé a graduellement cessé ses activités en 2012 à la suite de l’adoption d’une mesure législative présentée par le gouvernement Harper.
Bien entendu, le Canada vend toujours beaucoup de blé.
La Terre n’a pas arrêté de tourner, honorables collègues.
Malgré les efforts considérables déployés par les Américains pour éliminer le système de gestion de l’offre, notre gouvernement a défendu celui-ci et est parvenu à le conserver et, ce faisant, à protéger des dizaines de milliers d’emplois au pays.
Le Canada a accru progressivement l’accès aux marchés visés par le système de gestion de l’offre pour les États-Unis, conformément aux engagements pris dans le cadre des négociations visant à conclure un accord avec l’Union européenne, l’Accord économique et commercial global, ou AECG, et de celles relatives à l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP.
Même si nous avons fait quelques concessions en ce qui concerne l’accès au marché, les producteurs laitiers du Canada continueront d’approvisionner la grande majorité du marché canadien.
En outre, le Canada a négocié un accès réciproque au marché des produits laitiers des États-Unis, notamment un accès égal en matière de poids à la plupart des produits laitiers.
Il convient également de souligner que ces trois grands accords commerciaux multilatéraux maintiennent notre système de gestion de l’offre.
Au sujet de compensation, le gouvernement a annoncé en août 2019 les détails concernant l’enveloppe financière qui avait d’abord été proposée dans son budget en mars dernier.
En vertu du programme de paiement direct pour les producteurs laitiers, le gouvernement indemnisera 11 000 producteurs de lait de vache soumis à la gestion de l’offre pour contrer les pertes qu’ils subiront en raison de l’ACEUM, ainsi que celles déjà ressenties à cause de l’AECG et du PTPGP.
Sur une période de huit ans, le gouvernement versera un total de 1,75 milliard de dollars aux producteurs de lait de vache.
La première tranche, de 345 millions de dollars, sera distribuée d’ici le 31 mars 2020, date à laquelle ce programme d’un an prendra fin.
La somme individuelle dépendra de la valeur du quota d’un producteur et sera déterminée par la Commission canadienne du lait.
Lors du dernier discours du Trône, prononcé dans cette Chambre le 5 décembre dernier, le gouvernement a confirmé que plusieurs producteurs recevraient leur premier paiement compensatoire plus tard ce mois-là.
Tous les producteurs de lait de vache qui ont fait une demande d’indemnisation avant le 13 décembre, dans le cadre du programme de paiement direct pour les producteurs laitiers, ont effectivement reçu des paiements avant le 31 décembre.
Un autre aspect fort litigieux dont il a été question dans le cadre des négociations est la protection et l’application des droits de propriété intellectuelle, l’une des disciplines les plus exigeantes et les plus techniquement complexes de la politique commerciale moderne.
Le nouvel ALENA établit des normes minimales claires en ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle et leur application en Amérique du Nord.
Grâce à ces normes, les innovateurs canadiens pourront continuer de faire des affaires avec nos partenaires américains et mexicains, avec confiance, puisqu’ils bénéficieront de normes stables sur la protection et l’application des droits de propriété intellectuelle associés à leurs produits, sur les trois marchés.
Aux termes de l’ACEUM, les trois parties ont approuvé un chapitre complet, mis à jour, sur la protection et l’application des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit des obligations relatives aux droits d’auteur et aux droits connexes, aux marques de commerce, aux indications géographiques, aux dessins industriels, aux brevets, à la propriété intellectuelle pharmaceutique, à la protection des données relatives aux produits chimiques agricoles, aux secrets commerciaux et à l’application des droits de propriété intellectuelle dans les contextes civil, criminel et frontalier.
Le Canada, les États-Unis et le Mexique ont également convenu de supprimer une disposition négociée dans l’ACEUM initial, qui portait sur la protection des données relatives aux médicaments biologiques.
Cela signifie que le Canada n’aura plus à modifier son régime pour offrir une protection des données pendant dix ans pour ce type de produits pharmaceutiques.
En outre, le Canada ne sera pas tenu d’apporter des changements à son régime de brevets ou de propriété intellectuelle dans le domaine pharmaceutique pour mettre en oeuvre les dispositions modifiées.
En d’autres mots, honorables collègues, nous n’avons plus à nous inquiéter et à attendre deux ans de plus pour profiter des percées en ce qui concerne le botox.
Par ailleurs, pendant les négociations, le Canada a été on ne peut plus clair : il serait inacceptable d’éliminer le chapitre 19, qui porte sur le processus de règlement des différends en matière de contestation des droits antidumping et compensateurs, comme le souhaitaient les États-Unis.
De l’avis de Mme Ambrose, pour le Canada, il s’agissait de l’élément central de l’accord.
Les Américains voulaient éliminer totalement le chapitre 19 pour que seuls les tribunaux des États-Unis puissent rendre des décisions concernant les différends commerciaux.
Même s’il s’agissait de l’un des points les plus litigieux pour nos deux pays, le Canada est parvenu à maintenir le mécanisme indépendant de l’ALENA pour le règlement des différends commerciaux entre les gouvernements.
L’un des aspects de l’ALENA original que le Canada voulait éliminer avant de conclure le nouvel accord est ce qu’on appelait la « clause de proportionnalité sur l’énergie ».
Essentiellement, aux termes de cette clause, les États parties à l’ALENA devaient donner à leurs homologues d’occasion de conserver un pourcentage proportionnel de l’offre nationale de produits énergétiques (pétrole, gaz et autres), en fonction des récents niveaux d’exportation.
Même si cette clause n’a jamais été invoquée, son élimination dans l’ACEUM représente une victoire pour le Canada.
Le NPD en particulier s’est toujours opposé à cette disposition, pour des motifs environnementaux.
Le fait que la proportionnalité en matière d’énergie ne soit pas incluse dans l’ACEUM est important, puisque cela montre que l’Amérique du Nord bénéfice d’une grande sécurité énergétique.
Le règlement des différends et la sécurité énergétique sont deux enjeux extrêmement complexes. D’ailleurs, ils ont fait l’objet d’innombrables gazouillis, comme cela été mentionné plus tôt.
Sur ce point, aucun discours sur cet accord ne serait complet sans parler de l’acier et de l’aluminium.
J’ai mentionné plus tôt que j’aborderais ce sujet plus en détail, en particulier en ce qui concerne les droits imposés par les États-Unis en 2018 sur l’acier et l’aluminium en provenance du Canada, du Mexique et de l’Union européenne.
Ces tariffs étaient injustes et arbitraires.
Pour couronner le tout, les droits pour le Canada ont été imposés en vertu de l’article 232 du Trade Expansion Act de 1962, qui permet au président d’imposer des droits de douane sur les marchandises entrant aux États-Unis qui sont jugées comme étant une « menace pouvant compromettre la sécurité nationale ».
En bref, les États-Unis ont imposé des tariffs sur l’acier et l’aluminium sous le couvert de préoccupations en matière de « sécurité nationale ».
L’utilisation d’une telle désignation contre le Canada, parmi tous les pays, était aussi injustifiée que fallacieuse.
Il n’y avait aucun fondement d’atteinte à la sécurité nationale pour ces tariffs.
Le président Trump l’a admis lorsqu’il s’est rendu sur Twitter le 8 juin 2018 pour se plaindre des droits de douane canadiens sur les produits laitiers américains.
La réponse du Canada dans ce contexte n’est que l’un des nombreux exemples du fort leadership qui a été exercé, compte tenu des enjeux sans précédent associés au libre-échange.
Comme la vice-première ministre, Mme Freeland, l’a souligné dans le discours qu’elle a fait à l’autre endroit lorsqu’elle a présenté le projet de loi C-4, le 30 janvier :
Nous nous sommes défendus résolument, mais sans rancoeur, en imposant des droits de douane parfaitement réciproques, dollar pour dollar, sur des marchandises américaines, pendant que les membres d’Équipe Canada parcouraient les États-Unis pour rappeler à nos amis, alliés et voisins qu’ils ont eux aussi besoin de nous pour faire du commerce international.
Honorables collègues, il aurait été facile, pour nos élus, de faire des menaces et des commentaires négatifs semblables à ceux qui ont visé notre pays, mais ce n’est pas ainsi que se comportent les Canadiens.
Nous défendons ce en quoi nous croyons avec respect et dignité.
Nous devons tous nous réjouir de ce fait.
Je reprends les propos de l’immortel Tom Petty, qui a chanté, en anglais bien sûr, « we will stand our ground, and we won’t back down », qu’on peut traduire par « nous défendrons notre position et nous ne reculerons pas ».
Le 1er juin 2018, des droits à l’importation de 25 % sur l’acier canadien et de 10 % sur l’aluminium canadien sont entrés en vigueur.
Le Canada a répliqué en imposant des tariffs équivalents sur l’acier et l’aluminium américains.
Ce n’est que le 17 mai 2019 que les tariffs ont été abolis, dans les deux pays, après la signature de l’accord.
Il n’y a pas eu de gagnant dans ce dossier.
Des deux côtés de la frontière, les producteurs d’acier et d’aluminium, ainsi que les travailleurs de ce secteur, ont subi les contrecoups parce qu’ils ont été pris entre l’arbre et l’écorce.
Ne vous méprenez pas, cependant : l’intervention mesurée et proportionnelle du Canada a contribué à mettre un terme à cette mini-guerre commerciale injustifiée.
Dans le cadre du nouvel ALENA, notre équipe a négocié deux lettres d’accompagnement avec les États-Unis, qui sont toutes deux entrées en vigueur le 30 novembre 2018.
Aux termes de cette première lettre d’accompagnement, qui ne cible pas des produits spécifiques, le Canada
a obtenu l’engagement des États-Unis à exempter le Canada pendant au moins 60 jours de l’application de toute mesure prise en vertu de l’article 232. Pendant cette période, les deux pays chercheraient à négocier une solution appropriée en fonction des dynamiques de l’industrie et des courants commerciaux antérieurs.
La deuxième lettre d’accompagnement porte sur les automobiles et garantit que chaque année, 2,6 millions d’automobiles originaires du Canada seront exemptées des mesures énoncées à l’article 232 – ce qui exclut les utilitaires légers, qui sont complètement exemptés.
Cette lettre exempte également des pièces d’auto originaires du Canada pour une valeur de 32,4 milliards de dollars américains chaque année.
Les deux séries d’exemptions sont extrêmement importantes parce qu’elles permettraient aux fabricants canadiens d’automobiles et de pièces de continuer à participer aux chaînes d’approvisionnement intégrées, même si d’autres droits étaient imposés aux termes de l’article 232.
Il est important de souligner que ces lettres d’accompagnement n’empêchent pas le Canada d’exercer ses droits aux termes des règles de l’Organisation mondiale du commerce.
Nous serons toujours en mesure de contester les mesures adoptées en invoquant l’article 232 et d’exercer des représailles contre les États-Unis, comme ce fut le cas pour l’acier et l’aluminium.
Cela m’amène à la dernière pierre d’achoppement, qui est peut-être la plus importante et qui a beaucoup retardé le processus aux États-Unis, et, en conséquence, le processus de ratification dans son ensemble.
Je parle, bien entendu, des normes du travail au Mexique, qui étaient une grande source de préoccupations pour les démocrates de la Chambre des représentants.
Le T-MEC, qui est le nom donné à l’ACEUM au Mexique, comprend des normes du travail qui ne figuraient pas dans l’ALENA initial.
Comme la vice-première ministre l’a déclaré en janvier, au Forum économique mondial de 2020, à Davos, ces réformes liées au travail sont probablement l’aspect le plus révolutionnaire du nouvel accord.
Il s’agit d’une autre victoire pour le Canada, qui a exercé de fortes pressions pour que ces normes soient incluses dans un chapitre leur étant consacré et pour que des chapitres soient aussi ajoutés pour traiter de l’environnement et des peuples autochtones.
Le chapitre sur le travail indique clairement que les trois signataires respecteront les principales conventions de l’Organisation internationale du travail, qui abordent, entre autres, le droit des travailleurs à la liberté d’association et à la négociation collective, y compris la disposition prévoyant que tous les votes relatifs aux questions syndicales et à l’élection des dirigeants syndicaux doivent se faire en privé.
En ce qui concerne ces règles, dans le chapitre sur le règlement des différends, le Canada a établi un processus bilatéral avec le Mexique, plus précisément un mécanisme d’intervention rapide en matière de main-d’oeuvre propre aux installations, qui « fournira au Canada un processus amélioré pour veiller à la mise en oeuvre efficace de certaines obligations en matière de main-d’oeuvre dans les installations visées ».
Au bout du compte, ce nouveau mécanisme permettra de voir à ce que les employeurs des installations visées respectent leurs engagements concernant les droits des travailleurs.
Le Mexique a aussi conclu une entente similaire avec les États-Unis.
Fait d’une importance capitale, les décisions prises dans le domaine du travail ont été fermement appuyées par les principales organisations commerciales des États-Unis, y compris la Chambre de commerce des États-Unis et la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations industrielles.
Le président de la Fédération, Richard Trumka, a indiqué que l’ACEUM est un accord que les travailleurs peuvent appuyer avec fierté.
Il en va de même pour nos travailleurs canadiens, honorables collègues.
Ici, au pays, le président national d’Unifor, Jerry Dias, qui n’était certainement pas un partisan de l’ALENA initial, a déclaré, à la signature de l’accord, en décembre dernier, qu’il « fournit une feuille de route pour mettre en oeuvre les changements nécessaires à la politique […] au profit des travailleuses et travailleurs [et que les] améliorations annoncées […] constituent un coup de pouce utile pour atteindre ces objectifs. »
Qui plus est, et heureusement, le président López Obrador a aussi déclaré qu’il est déterminé à réformer les pratiques du Mexique dans le domaine du travail, et il a promis de favoriser le respect de la réglementation au Mexique, comme le font le Canada et les États-Unis sur leur propre territoire.
Le gouvernement du Canada demeure résolu à assurer l’équité en ce qui concerne les normes du travail en Amérique du Nord, et dans cet esprit, il travaille avec des représentants du gouvernement du Mexique pour appuyer les efforts déployés par ce pays concernant la réforme du travail.
Outre les changements visant la propriété intellectuelle, et plus précisément les médicaments biologiques, et les réformes du travail sans précédent, divers autres changements, qui sont énoncés dans la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd’hui, ont été apportés à l’accord signé en 2018.
Des mises à jour ont aussi été effectuées en ce qui concerne le règlement des différends entre États et les règles d’origine, plus particulièrement celles touchant l’acier et l’aluminium.
Comme je l’ai mentionné il y a quelques minutes, l'accord contient un chapitre dédié à l’environnement.
Cela renforce davantage la remarque selon laquelle il s’agit, comme l’a dit la vice-première ministre le 30 janvier, de « l’accord commercial le plus progressiste que notre pays n’ait jamais négocié » et, selon son estimation, de « l’accord commercial le plus progressiste au monde ».
En matière d’environnement, l’enjeu majeur est que les dispositions pourraient être visées par le processus de règlement des différends.
L’objectif est ici de s’assurer que les parties ne peuvent pas obtenir d’avantage concurrentiel en violant ou en assouplissant volontairement les règles environnementales pour attirer des entreprises.
Cela établit un bilan positif entre l’économie et les considérations environnementales – reconnaissant qu’on ne peut sacrifier l’un au profit de l’autre.
Ce chapitre introduit aussi de nouvelles obligations en vue de relever des défis environnementaux complexes à l’échelle mondiale comme « le commerce illicite d’animaux sauvages, la pêche illégale et l’épuisement des stocks de poissons, la sauvegarde des espèces en péril, la protection de la biodiversité, les substances appauvrissant la couche d’ozone et la pollution marine ».
Le chapitre de l’ACEUM portant sur l’environnement « comprend un nouvel article qui précise sept accords multilatéraux sur l’environnement (AME) et qui obligent les trois parties à s’acquitter de leurs obligations respectives en vertu des AME auxquels elles sont parties ».
Essentiellement, ce chapitre comprend aussi des engagements portant sur la qualité de l’air et les déchets marins.
Il s’agit d’une première pour un chapitre sur l’environnement d’un accord de libre-échange.
Fait tout aussi important, le Canada a fait de l’égalité entre les sexes et de l’autonomisation économique des femmes des priorités absolues.
L’intérêt du Canada à l’égard de ces questions se manifeste dans son approche inclusive en matière de commerce.
Cette approche vise à s’assurer que les avantages et les possibilités découlant du commerce et des investissements internationaux profitent à un plus grand nombre de personnes.
Partout dans l’accord, on trouve des dispositions sexospécifiques, notamment dans les chapitres sur le travail, l’investissement et les petites et moyennes entreprises, ou PME.
Je désirais attendre à la fin pour parler de ce qui, selon moi, constitue l’une des plus grandes victoires du Canada, tant concrètement que symboliquement. Je parle ici des progrès importants qui ont été marqués afin de respecter les intérêts des peuples autochtones dans le cadre des échanges commerciaux internationaux.
Je sais que ce chapitre a fait l’objet de nombreuses discussions entre bon nombre de nos collègues dans cette enceinte.
Je me réjouis de voir que tant de personnes se sont mobilisées concernant cet aspect très important de l’accord.
Je n’ai pas hésité, dans cette Chambre et à l’extérieur de celle-ci, à dire que je suis un grand partisan de la réconciliation et à souligner le fait que la plus importante relation du Canada est, et doit être, celle qu’il entretient avec les peuples autochtones.
Compte tenu des efforts constants déployés par le Canada pour renouveler cette relation, l’un des objectifs de notre pays était de mieux tenir compte des intérêts commerciaux des peuples autochtones dans les négociations commerciales.
À cette fin, le gouvernement du Canada a lancé de vastes consultations auprès des dirigeants, des représentants et des propriétaires d’entreprises autochtones ainsi que des spécialistes des politiques afin de mieux comprendre les intérêts commerciaux des Autochtones et d’obtenir leurs commentaires sur les priorités à aborder dans le cadre des négociations.
Pour la toute première fois, un accord de libre-échange conclu par le Canada, l’ACEUM, comprend une exception générale qui confirme clairement que le gouvernement peut adopter ou maintenir les mesures qu’il juge nécessaires pour remplir ses obligations légales envers les peuples autochtones.
Cette exception montre que les gouvernements des trois pays sont déterminés à veiller à ce que les obligations prévues dans l’entente n’interfèrent pas avec les obligations juridiques d’un pays envers les peuples autochtones.
Comme ce fut le cas pour tous les autres accords de libre-échange conclus par le Canada, nos négociateurs ont « aussi maintenu la souplesse de certaines politiques afin d’offrir un traitement préférentiel aux peuples autochtones et aux entreprises appartenant à des Autochtones, notamment dans le secteur des services, de l’investissement, des marchés publics, de l’environnement et des entreprises appartenant à l’État ».
En ce qui concerne les marchés publics, le Canada continuera de profiter de la marge de manoeuvre qui lui est offerte par l’Accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce en ce qui concerne les États-Unis et par l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste pour ce qui est du Mexique afin de continuer de réserver certains marchés publics aux entreprises autochtones.
De plus, les résultats en matière d’environnement montrent le rôle important que jouent les peuples autochtones dans la conservation à long terme de l’environnement, les pêches durables, la gestion forestière et la conservation de la biodiversité.
Les dispositions en matière d’environnement tiennent aussi compte des droits des Autochtones en matière d’exploitation des ressources naturelles, qui sont protégés par la Constitution.
Les chapitres portant sur les produits textiles et les vêtements, les petites entreprises et l’investissement intègrent également des dispositions novatrices visant à faire progresser la participation et les priorités des peuples autochtones en matière de commerce et d’investissement en Amérique du Nord.
Enfin, pour la première fois dans un accord de libre-échange canadien, le préambule de l’ACEUM reconnaît l’importance d’une participation accrue des peuples autochtones au commerce et à l’investissement.
Chers collègues, le Canada ne souhaitait pas renégocier l’ALENA.
Nous reconnaissions que de petits ajustements pouvaient être apportés, mais nous ne voulions pas rouvrir un accord de libre-échange dont nous avons grandement profité pendant 25 ans.
On nous a forcé à le faire.
Les motifs qui soutenaient la renégociation l’ont rendue d’autant plus indésirable : les menaces et le protectionnisme, ainsi que le discours anti-ALENA du président américain.
Plus d’un an de négociations houleuses, marqué par une période d’incertitude pour les entreprises et les travailleurs partout sur le continent, a finalement mené à la signature d’un bon accord en novembre 2018.
La ratification a ensuite été retardée pendant plus d’un an parce que les démocrates du Congrès voulaient que des modifications soient apportées aux normes du travail et aux politiques environnementales.
Les changements ont rendu l’accord modernisé signé en décembre dernier beaucoup plus solide, mais le délai prolongé a apporté son lot d’incertitude et d’inquiétude.
Bon nombre d’intervenants se préoccupaient, à juste titre, des événements politiques qui se déroulaient aux États-Unis.
Toutes ces difficultés — qui ont été gérées de main de maître par l’équipe canadienne — ont rendu la conclusion de l’entente encore plus satisfaisante.
Cela dit, j’imagine que les négociateurs du Canada auraient été pleinement satisfaits de parvenir à une entente sans cette série de problèmes épineux.
Notre équipe de négociation a fait un travail remarquable dans des circonstances difficiles.
Ses membres méritent certainement nos remerciements et notre respect. Non seulement ils ont obtenu un accord solide pour les Canadiens, mais ils ont également offert leurs loyaux services au pays.
Le Conseil de l’ALENA du gouvernement mérite aussi des félicitations pour son travail.
Il était composé d’éminents Canadiens de tous les horizons et de toutes les allégeances politiques, notamment de Rona Ambrose, ancienne chef intérimaire du Parti conservateur, de Perry Bellegarde, chef national de l’Assemblée des Premières Nations, de James Moore, ancien député et ministre conservateur, et de Hassan Yussuff, président du Congrès du travail du Canada depuis 2014.
La somme des efforts de tous les membres de l’équipe a abouti à un accord qui est fortement appuyé par des groupes importants, comme le Conseil de la fédération, qui réunit les 13 premiers ministres des provinces et des territoires — un appui crucial —, la Chambre de commerce du Canada et la Fédération canadienne des municipalités.
Tous ont exhorté les parlementaires à ratifier rapidement l’entente, non seulement pour mettre fin à des années d’incertitude pour les travailleurs, l’industrie et le milieu des affaires du Canada, mais également pour permettre aux Canadiens de bénéficier enfin d’un accord commercial moderne et progressiste.
Honorables sénateurs, j’estime qu’il s’agit d’un bon accord pour le Canada et pour tous les Canadiens, voire tous les Nord-Américains, et qu’il assurera la stabilité, la fiabilité et la prévisibilité de nos échanges commerciaux avec nos voisins du continent, et ce, pour bon nombre d’années.
Le nouvel ALENA est un accord que vous pouvez appuyer avec fierté, ce que je vous exhorte à faire, honorables collègues.
Merci beaucoup.