Aller au contenu

Projet de loi concernant un cadre fédéral relatif au trouble du spectre de l'autisme

Deuxième lecture--Ajournement du débat

30 novembre 2021


L’honorable Pierre J. Dalphond [ - ]

J’ai une question pour le parrain du projet de loi.

Son Honneur la Présidente suppléante [ - ]

Sénateur Housakos, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Housakos [ - ]

Bien sûr.

Le sénateur Dalphond [ - ]

Merci, sénateur Housakos, pour cette initiative que je trouve tout à fait intéressante.

Le Sénat a adopté trois projets de loi qui vous ont certainement servi de modèles : la Loi relative au cadre sur les soins palliatifs au Canada, en décembre 2017, la Loi sur le cadre fédéral relatif à l’état de stress post-traumatique, en juin 2018, et la Loi relative au cadre national sur le diabète, en juin 2021.

Pouvez-vous nous parler de résultats qui ont été obtenus à la suite de ces projets de loi? J’exclurais probablement celui sur le diabète parce qu’il a été adopté tout juste avant le déclenchement des élections. Toutefois, les projets de loi adoptés en 2017 et 2018 avaient les mêmes échéances que les vôtres, soit 12 mois pour établir un cadre et 18 mois pour faire rapport à la Chambre et au Sénat. Pouvez-vous nous donner de l’information sur la mise en œuvre de ces cadres?

Le sénateur Housakos [ - ]

Je ne les connais pas tous. Je sais, à propos de celui sur le trouble de stress post-traumatique, que le gouvernement a légèrement tardé à respecter les échéanciers, mais qu’il y avait la conférence nationale et qu’un rapport a été déposé au Parlement à l’égard de cette motion en particulier.

Comme chacun le sait, les motions constituent des suggestions qui sont faites au gouvernement, et nous espérons que celui-ci fasse preuve de bienveillance et qu’il les adopte.

Dans le cas qui nous intéresse, le sénateur Boehm et moi avons décidé d’en faire un projet de loi parce que, entre autres, cela a plus de poids qu’une simple motion. En toute justice, nous avons tâché de le rendre aussi peu prescriptif que possible pour laisser au gouvernement toute la souplesse dont il pourrait avoir besoin.

Nous tentons d’avancer lentement, mais sûrement, comme on le dit, pour montrer la voie et brasser un peu les choses. Puisque les gouvernements successifs ont été réticents à se pencher sur cette question, nous considérons que l’adoption du projet de loi dans son état actuel, dans un esprit de souplesse et de coopération, ne pourra qu’encourager le gouvernement à prendre le relais, à l’instar de ce qu’il a fait pour la plupart des motions, même si, comme dans le cas du trouble de stress post-traumatique, il y a eu un retard de six ou sept mois.

Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi à l’étude. Je félicite le sénateur Housakos de l’avoir présenté et je salue le travail qu’il accomplit dans la communauté de l’autisme, particulièrement à Montréal.

Chers collègues, cet enjeu n’a rien de partisan. Le trouble du spectre de l’autisme touche des familles de partout au pays, peu importe leur lieu de résidence, leur origine ethnique ou le parti pour lequel elles votent.

Ce qui me plaît particulièrement dans ce projet de loi, c’est qu’il demeure général pour tenir compte des diverses compétences en jeu et des différentes façons de composer avec le trouble du spectre de l’autisme au Canada. Il s’agit donc d’un cadre qui permettrait de créer une stratégie nationale sur l’autisme.

Le projet de loi propose des mesures générales, notamment un soutien financier pour les personnes autistes et leur famille, des avantages fiscaux appropriés, un réseau de recherche, une campagne de sensibilisation du public, l’utilisation de ressources en ligne pour faire connaître les pratiques exemplaires, et des mécanismes de reddition de comptes.

Il recommande la tenue de consultations d’un bout à l’autre du gouvernement fédéral ainsi qu’auprès des provinces, d’intervenants concernés, d’experts et de groupes de défense des droits. J’ajouterais à cette liste les personnes qui défendent leur propre cause, dont plusieurs ont communiqué avec moi. De plus, il est important, pour le Sénat comme pour l’autre endroit, de prévoir un mécanisme pour les rapports au Parlement.

Comme le sénateur Housakos l’a dit, la mise en place d’une stratégie nationale sur l’autisme n’est pas une idée nouvelle. Toutefois, même si on a beaucoup discuté, peu a été fait à ce sujet depuis la publication en 2007 d’un rapport intitulé Payer maintenant ou payer plus tard : les familles d’enfants autistes en crise par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Notre collègue, la sénatrice Cordy, a contribué à la rédaction de ce rapport bien connu et souvent cité, puisqu’elle était membre de ce comité à l’époque.

Sur le plan de la santé, nous devons reconnaître que le gouvernement est préoccupé depuis presque deux ans par une pandémie qui n’est pas encore terminée, étant donné que de nouveaux variants de la COVID-19 continuent de faire leur apparition. Cette situation a retenu toute l’attention des planificateurs de politiques, ainsi que des unités opérationnelles des gouvernements fédéral et provinciaux. Espérons, cependant, que cette pandémie devienne bientôt une endémie. Le projet de loi pourrait encourager le déploiement ou la poursuite d’efforts visant à mettre en place une stratégie nationale sur l’autisme. En fait, l’ancien sénateur Munson et moi avions prévu de rencontrer l’ancienne ministre de la Santé pour parler d’une telle stratégie, mais c’est à ce moment-là que la pandémie nous a frappés de plein fouet.

L’objet n’est pas de remplacer des activités qui pourraient être en cours, mais de les structurer et de leur donner un sens, grâce à la publicité entourant le projet de loi.

Un certain nombre de sénateurs se sont intéressés de près aux troubles du spectre de l’autisme. Le sénateur Housakos en a nommé quelques-uns, mais je souhaiterais saluer la sénatrice Bernard, le sénateur Loffreda, le sénateur Harder, la sénatrice Hartling, et mon collègue et voisin de pupitre, le sénateur Kutcher, qui en sait beaucoup sur les maladies et la santé mentales.

Nous ne pouvons passer sous silence les précieuses contributions de notre ancien collègue le sénateur Munson, qui a fait valoir la nécessité d’adopter une stratégie nationale, qui a veillé à la création de l’événement annuel L’autisme sur la Colline, et qui s’est fait le porte-parole de nombreux organismes. Le sénateur Munson était également membre du comité qui a réalisé en 2007 le rapport intitulé Payer maintenant ou payer plus tard.

Ce travail ne se limite toutefois pas au Sénat. À la Chambre des communes, le député Mike Lake défend vaillamment la nécessité d’adopter une stratégie, pas seulement au Canada, mais à l’échelle internationale.

L’Alliance canadienne des troubles du spectre autistique a défini des préceptes clairs pour cette stratégie. Le sénateur Housakos les a évoqués. Je vais en parler davantage.

En ce qui concerne la recherche, nous devons nous rendre compte que le partage des connaissances se fait seulement de façon fragmentée à l’échelle du pays, et que nous ne disposons pas de normes nationales. Pour changer la donne, il faudrait mettre en place un cadre national de leadership et organiser régulièrement des rencontres entres les ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux, en plus de créer un groupe consultatif national qui pourrait évaluer les normes d’accessibilité ainsi que les éléments intersectionnels pour veiller à ce que les immigrants racialisés et les nouveaux les arrivants, les Autochtones et les personnes vivant dans des collectivités rurales et éloignées ne subissent pas de discrimination.

L’abordabilité des services et l’accès à ces derniers sont des éléments importants pour permettre aux personnes autistes d’atteindre leur plein potentiel et de vivre une vie épanouie. C’est un aspect qui pourrait également englober un examen, un renouvellement ou une amélioration des mesures fiscales fédérales, notamment du crédit d’impôt pour personnes handicapées, ainsi que des programmes de formation complets pour améliorer l’accès au marché du travail et la création d’une initiative nationale de réduction des listes d’attente touchant à l’autisme. Les listes d’attentes pour les traitements, les évaluations, la formation et l’obtention d’une place en éducation spécialisée ou dans un foyer collectif spécialisé pour adultes sont incroyablement longues. Dans ma province, l’Ontario, le gouvernement actuel et ses prédécesseurs n’ont pas pris ce problème à bras le corps.

La possibilité d’amener les traitements liés aux troubles du spectre de l’autisme dans le giron de l’assurance-maladie a aussi été mentionnée par de nombreux intervenants; il serait bon de l’examiner.

Il est important de s’assurer que les services d’intervention en développement de la petite enfance soient accessibles pour l’ensemble du spectre de l’autisme au moyen de ce qu’on appelle le bilan de santé amélioré à 18 mois afin que les enfants aient accès à des services d’intervention en bas âge. Cette mesure devrait être normalisée et étendue à tout le pays.

Comme l’a mentionné le sénateur Housakos, près de 80 % des adultes autistes au Canada sont chômeurs et une bonne partie des autres sont sous-employés. Cela reflète l’étendue du spectre, mais également l’absence de programmes de formation préalable à l’emploi et de financement. Il y a tellement à faire à cet égard; un effort concerté permettrait d’attirer le secteur privé, notamment au moyen d’incitatifs sectoriels fédéraux.

En ce qui concerne le logement, il devrait y avoir un supplément pour personnes handicapées à l’Allocation canadienne pour le logement. La Société canadienne d’hypothèques et de logement pourrait également jouer un rôle relativement à l’offre et l’établissement de contacts entre les promoteurs immobiliers et les organismes de services aux autistes.

Enfin, il y a les données. On parle de données dans le contexte de la pandémie de COVID. Les systèmes de données devraient être liés pour assurer un meilleur échange de renseignements. Une campagne médiatique devrait être lancée pour améliorer la perception publique du trouble du spectre de l’autisme, l’équité et l’inclusion, comme le propose d’ailleurs le projet de loi dont nous sommes saisis.

Chers collègues, il s’agit d’un sujet profondément personnel pour moi. Le troisième de nos quatre enfants, Nikolas, est autiste. Il est né alors que j’étais affecté à San José, au Costa Rica. Nous avons dû le ramener au Canada pour obtenir un diagnostic. Il a reçu un mauvais diagnostic à Ottawa. Nous avons dû procéder à d’autres tests de diagnostic. Il a maintenant 33 ans et demeure non verbal, mais il comprend trois langues.

Il a été difficile de recevoir ses diagnostics, d’obtenir des traitements et de trouver du soutien dans le cadre d’une vie passée dans le service extérieur qui a mené ma famille, à partir de la naissance de mon fils, de San José à Ottawa, ensuite de Washington à Ottawa et enfin de Berlin à Ottawa.

Il ne fait aucun doute que vivre avec son handicap permanent a été le plus grand des défis pour lui, ses frères, sa sœur, mon épouse et moi. Nous nous sommes débrouillés et avons persévéré, tout comme lui. D’autres gens ont été moins chanceux. Il y a des familles dont les relations se désintègrent, des services qui ne sont pas offerts, des diagnostics ratés et des listes d’attente qui s’allongent sans fin.

Au cours de nos voyages et lorsque nous avons vécu ailleurs dans le monde, nous avons vu comment les autres pays s’occupent des personnes autistes. On peut en apprendre beaucoup lorsqu’on regarde ce qui se fait ailleurs. Par exemple, Nikolas a vécu dans un foyer collectif pendant deux ans dans l’État de Brandebourg, en Allemagne, à environ une heure et demie de Berlin, où nous habitions.

Par pure coïncidence, Nikolas habite maintenant à une heure et demie d’Ottawa dans un petit foyer collectif. Il va bien. Il vient parfois à la maison. Nous lui rendons également visite, comme ce fut le cas la fin de semaine dernière. La pandémie a rendu les rencontres plus difficiles, mais nous avons pu aller au restaurant avec lui samedi dernier. Comme plusieurs d’entre nous, il n’aime pas trop les masques. Je crois que le recours au Règlement nous l’a montré; pas la peine de vous faire entendre pour le dire.

Comme d’autres parents de personnes autistes, nous nous inquiétons de l’avenir de notre enfant et nous nous demandons qui prendra soin de lui dans le futur. Chers collègues, le pays a une longue tradition en matière de prise en charge des personnes désavantagées. D’ailleurs, cela fait partie de notre identité. De nombreux types de handicaps exigent notre aide.

L’autisme doit être abordé de façon directe. À mon avis, un cadre fédéral pourrait établir des paramètres pour ce qui s’annonce être un chemin fort difficile. Le projet de loi à l’étude permettrait justement de le faire. J’appuie sans réserve le projet de loi et je remercie une fois de plus le sénateur Housakos de l’avoir présenté. Je recommande de renvoyer le projet de loi au comité le plus rapidement possible afin qu’il soit amélioré au besoin.

Haut de page