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Projet de loi relative au cadre national sur les cancers liés à la lutte contre les incendies

Deuxième lecture--Suite du débat

2 mai 2023


L’honorable Hassan Yussuff [ + ]

Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole au sujet du projet de loi C-224, Loi relative au cadre national sur les cancers liés à la lutte contre les incendies. Je suis honoré d’en être le parrain au Sénat et vous remercie de me donner le temps et l’occasion d’en expliquer l’importance et de faire valoir pourquoi il doit être renvoyé au comité dans les plus brefs délais.

Honorables sénateurs, en général, les travailleurs ne s’attendent pas à ce que leur travail les fasse mourir. Or, c’est exactement ce qui se produit chez les pompiers partout au pays, et ce, à un rythme alarmant, en raison de leur constante exposition à des niveaux élevés de substances cancérigènes. Le projet de loi C-224 est un pas positif pour aider à remédier à ce problème, et il comprend deux principales mesures en vue de soutenir les pompiers canadiens dans leur combat contre le cancer.

Premièrement, le projet de loi vise à mieux faire connaître les cancers liés à la lutte contre les incendies en désignant le mois de janvier « Mois de la sensibilisation au cancer chez les pompiers ».

Deuxièmement, et c’est la mesure la plus cruciale, le projet de loi vise à établir un cadre national pour étudier ces cancers. En effet, sans travaux de recherche, sans données à jour et sans communication d’information entre les municipalités et les provinces, les pompiers continueront de procéder à l’aveuglette lorsqu’il s’agit de se protéger au travail. Chers sénateurs, j’aimerais vous parler aujourd’hui de la raison d’être de ce projet de loi et des façons dont il pourrait aider les femmes et les hommes des services d’incendie qui risquent leur vie pour sauver la nôtre.

Je dirais que beaucoup de sénateurs n’accepteraient pas un emploi qui nécessite de courir tête première vers le danger. Les chances que nous acceptions cet emploi seraient encore plus minces après avoir appris qu’il nous exposerait à un risque quatre fois plus élevé de développer un cancer. C’est pourquoi nous sommes sénateurs, et non pompiers.

Ce que je viens de décrire, c’est l’emploi de près de 126 000 pompiers qui travaillent dans quelque 3 200 services d’incendie aux quatre coins du pays. Ces femmes et ces hommes courageux se présentent au travail en sachant que 85 % des demandes d’indemnisation pour accident du travail mortel dans leur profession sont attribuables à des cancers professionnels.

Pendant des décennies, nous avons adopté une approche disparate pour nous attaquer à la question des cancers liés à la lutte contre les incendies. Alors que certaines provinces et certains territoires ont reconnu jusqu’à 20 types de cancers liés à la lutte contre les incendies, d’autres n’en ont reconnu que 9. Cette situation est inacceptable pour les pompiers et leur famille. La capacité des travailleurs d’obtenir une indemnité d’accident du travail parce que leur travail les a rendus malades ne devrait pas dépendre de la province ou du territoire dans lequel ils vivent, un point c’est tout.

Le projet de loi C-224 s’attaque à ce problème en prévoyant l’élaboration d’un cadre national pour examiner le lien entre la lutte contre les incendies et le cancer et cerner les lacunes dans la formation et l’éducation des pompiers et des professionnels de la santé en ce qui concerne la prévention et le traitement du cancer.

Le cadre prévoira également des recommandations concernant les dépistages périodiques des cancers liés à la lutte contre les incendies. Il encouragera le partage des connaissances sur la prévention et le traitement des cancers liés à la lutte contre les incendies. Ce projet de loi contribue grandement à aider les pompiers canadiens à se concentrer sur une seule chose : faire leur travail.

Chers collègues, il est vrai que les pompiers, comme tous les premiers répondants, s’engagent à prendre un certain degré de risque. Ils s’engagent à venir en aide à leurs voisins dans les pires moments de leur vie. Ils entrent dans des bâtiments quand tout le monde s’enfuit et, de plus en plus, ils répondent à des appels médicaux. Cependant, ils ne se sont pas engagés à mourir. Ce n’est le cas d’aucun travailleur au pays.

Aujourd’hui, nous demandons à nos pompiers de prendre des risques qui vont au-delà du devoir et de ce que toute personne raisonnable devrait attendre d’eux. Les familles ne devraient pas être forcées de voir leurs proches tomber malades et risquer de les perdre à cause d’un cancer professionnel.

J’ai récemment eu l’honneur de m’entretenir avec Craig et Alisen Bowman, de Welland, en Ontario. Craig a 47 ans, il est l’époux d’Alisen et le père de deux enfants, Lexi et Colin, dont il est très fier. Il a été pompier professionnel pendant plus de 20 ans pour la Ville de Welland. En mai dernier, on lui a diagnostiqué un cancer de l’œsophage de stade 4.

Comme vous pouvez vous en douter, Craig était en bonne santé et en bonne forme avant son diagnostic. Personne dans sa famille n’avait eu de cancer, et ses médecins estiment que c’est son métier de pompier qui est à l’origine de sa maladie. Comme si sa famille n’était pas déjà assez éprouvée, voilà que Craig n’a pas droit aux indemnités offertes aux travailleurs, car pour un cancer de l’œsophage, il faut 25 années de service, et il lui en manque deux.

La maladie de Craig aurait pu être évitée, chers collègues. Nous le savons maintenant. Nous avons en effet appris qu’outre les dégâts causés par les incendies eux-mêmes, l’équipement de protection peut aussi rendre les pompiers malades.

C’est sans parler du fait qu’il arrive souvent qu’ils n’ont pas les installations ou les protocoles pour procéder à une décontamination en règle, qui est nécessaire pour atténuer les effets des substances cancérigènes qui collent à leur équipement. Nous avons besoin de ce cadre national afin de mieux comprendre les répercussions à court et à long terme de ces éléments sur la santé des pompiers.

Les pompiers savaient déjà tout ça. Depuis des années, ils poussent un cri d’alarme au sujet des taux élevés de cancer dans leur profession, et ils avaient raison. Selon l’Association internationale des pompiers, 95 % des pompiers qui meurent dans l’exercice de leurs fonctions meurent d’un cancer lié à leur métier.

Dernièrement, l’Organisation mondiale de la santé a désigné le métier de pompier comme une profession cancérigène du groupe 1, ce qui confirme qu’il s’agit de l’un des métiers les plus dangereux du monde.

Sénateurs, le projet de loi C-224 vise à fournir des données concrètes, des solutions et des mécanismes de reddition de comptes aux pompiers qui doivent vivre avec la menace constante d’un cancer professionnel. L’élément « reddition de comptes » est particulièrement important.

Dans l’année suivant la date d’entrée en vigueur de la loi, le ministre responsable doit présenter un rapport énonçant le cadre national sur la prévention et le traitement de cancers liés à la lutte contre les incendies.

Dans les cinq ans suivant la date du dépôt de ce rapport, le ministre doit faire rapport au Parlement de l’efficacité du cadre national ainsi que de l’état de la prévention et du traitement des cancers liés à la lutte contre les incendies.

Différentes provinces et différents territoires se penchent sur ce dossier depuis des années. Espérons que le projet de loi C-224 les encouragera à poursuivre leur collaboration et aidera les municipalités, les provinces et le gouvernement fédéral à prendre de meilleures décisions pour les pompiers canadiens.

Avant de conclure, je tiens évidemment à remercier ma collègue de l’autre endroit, la députée Sherry Romanado, du travail qu’elle fait pour défendre les intérêts des pompiers. Comme vous le savez, il faut du doigté pour faire progresser un projet de loi d’initiative parlementaire à l’autre endroit. C’est d’autant plus vrai pour le faire adopter avec le soutien unanime de tous les partis. Les députés reconnaissent que ces personnes protègent nos familles et assurent la sécurité de nos collectivités.

Je remercie également l’Association internationale des pompiers et l’Association canadienne des chefs de pompiers des efforts qu’elles déploient pour défendre leurs membres et les travailleurs. Bon nombre des pompiers qui luttent pour l’application des changements inspirés par le projet de loi C-224 ne vivront pas assez longtemps pour profiter des retombées. Pourtant, ils cherchent inlassablement à créer un milieu de travail plus sûr pour la relève.

Honorables collègues, nous ne risquons rien en adoptant ce projet de loi. Il a été adopté à l’unanimité par la Chambre des communes parce que les députés ont reconnu que le temps presse, et que les pompiers ont besoin de notre protection et de notre soutien. Nous avons besoin de recherches et de données pour protéger nos pompiers afin qu’ils puissent mieux nous protéger.

Le projet de loi C-224 nous offre une formidable occasion de faire ce qu’il faut pour eux. Adoptons donc maintenant ce projet de loi, et renvoyons-le au comité pour un examen plus approfondi. Les pompiers et leur famille ne peuvent pas attendre. Je crois que cette mesure législative sera extrêmement utile pour notre pays, de même que pour les hommes et les femmes qui font tant de bien en notre nom à tous. Merci beaucoup.

Sénateur Yussuff, je vous remercie de votre discours et de votre initiative dans ce dossier. Je remercie également la députée Sherry Romanado.

À l’évidence, il est inconcevable que les pompiers portent des uniformes qui, même s’ils sont conçus pour les protéger contre le feu, présentent pour eux un danger parce qu’ils contiennent des substances cancérogènes qui les exposent à un risque mortel. Est-ce qu’on pourra simplement instaurer les normes, ou le gouvernement fédéral devra-t-il négocier avec les gouvernements provinciaux? Le processus sera-t-il interminable, une fois le projet de loi adopté?

J’ajoute que je serai certainement heureux d’appuyer le projet de loi.

Le sénateur Yussuff [ + ]

Merci beaucoup pour cette question. Comme vous le savez, je pense que la majorité des règlements en matière de santé et de sécurité au travail relèvent des gouvernements provinciaux et territoriaux. C’est là qu’il faut mettre le plus d’efforts, dans le contexte de ce que certaines provinces et certains territoires font déjà. Bien entendu, ce n’est pas facile, car il n’y a pas d’approche uniforme dans la façon de traiter le cancer à l’échelle du pays, et encore bien moins dans la façon d’empêcher les pompiers d’être exposés aux substances cancérogènes présentes lorsqu’ils vont combattre un incendie.

J’ai espoir, si ce projet de loi est adopté, que le fait que le gouvernement fédéral prenne l’initiative contribuera à coordonner cet effort et à mettre de l’avant une approche nationale montrant comment mieux protéger les pompiers dans leur travail. J’espère surtout que cette mesure permettra d’appliquer correctement la réglementation. En outre, il pourrait bien entendu y avoir une action nationale coordonnée pour déterminer comment étudier les effets de ces substances cancérogènes sur les pompiers, ainsi que l’évolution de leurs maladies dans leur vie quotidienne.

Par-dessus tout, l’équipement que les pompiers utilisent pour se protéger lorsqu’ils vont combattre un incendie ne doit pas les rendre malades. Il faut donc redoubler d’efforts pour trouver des moyens de décontaminer l’équipement de protection qu’ils utilisent au quotidien. À l’heure actuelle, la manière d’aborder cette question à l’échelle du pays manque d’uniformité.

De plus, la recherche peut nous aider à trouver une meilleure façon d’aider les pompiers à se protéger après avoir lutté contre un incendie dans les collectivités de l’ensemble du pays.

L’honorable Pat Duncan [ + ]

Je remercie le sénateur de parrainer ce projet de loi, et j’aimerais aussi indiquer que je suis prête à l’appuyer. Je suis désolée de ne pas vous avoir donné de préavis à ce sujet. J’aimerais poser une question complémentaire à celle du sénateur Cardozo.

Comme vous le savez, j’ai eu à gérer des dossiers liés à l’indemnisation des travailleurs et j’ai aussi défendu les intérêts des travailleurs. Comme vous l’avez indiqué, les mesures qui sont prises dans ce dossier ne sont pas du tout uniformes à l’échelle du pays, et il est grand temps d’apporter des réformes à cet égard.

Je me demande si, dans le cadre de l’étude de ce projet de loi de la Chambre des communes, vous avez envisagé, ainsi que d’autres personnes qui se penchent sur la question, d’apporter des modifications ou de mettre en place un processus qui pourrait nous aider à convaincre de façon amicale les commissions des accidents du travail de l’ensemble du pays d’adopter le genre de norme et de cadre réglementaire que vous avez proposés.

Le sénateur Yussuff [ + ]

Merci beaucoup pour cette question. Je pense que vous abordez l’une des difficultés les plus fondamentales auxquelles les pompiers et leur famille sont confrontés lorsqu’ils tombent malades à cause de leur travail. Bien entendu, ce sont les provinces qui, dans une large mesure, établissent les systèmes d’indemnisation des travailleurs, et c’est à elles d’adapter leur système pour reconnaître que ces substances cancérigènes ont des répercussions graves sur la vie de ces travailleurs dans l’exercice de leurs fonctions. Bien sûr, il n’y a pas d’uniformité d’une province à l’autre.

Il est aujourd’hui ahurissant de constater que, dans certaines provinces ou certains territoires, 29 des substances cancérigènes sont reconnues pour ce qu’elles sont tandis que, dans d’autres, il s’agit de 9 ou 16, voire moins.

Ainsi, la réalité est que les pompiers qui ont la chance de vivre dans une province ou un territoire éclairé qui a pris la décision d’allonger sa liste des substances cancérigènes auxquelles les travailleurs peuvent être exposés dans le cadre de leur travail bénéficieront d’indemnités pour accident du travail s’ils tombent malades, mais que ceux qui vivent dans bien des régions glisseront entre les mailles du filet.

Comme vous le savez, il n’existe pas de régime d’indemnisation des accidents du travail au niveau fédéral. Selon moi, il serait imprudent d’apporter un amendement au projet de loi dans l’espoir que cela motivera les provinces. Il serait essentiel que le gouvernement fédéral essaie de rassembler les provinces et les territoires, d’une part parce qu’il serait positif et instructif de montrer ce que font déjà certaines provinces et certains territoires, et d’autre part parce que certains d’entre eux ont besoin de reconnaître que c’est la voie à suivre.

Je sais que votre territoire se démarque en matière de reconnaissance des substances cancérigènes, et ce, grâce à un leadership politique éclairé. Il reste toutefois beaucoup à faire dans d’autres provinces.

De nombreux pompiers qui souffrent de cancers liés à ces agents cancérigènes espèrent que, dans un avenir proche, l’ensemble des provinces et des territoires adopteront une norme commune sur la manière de traiter les travailleurs lorsqu’ils tombent malades et, plus important encore, qu’ils leur accorderont évidemment l’indemnisation dont ils ont besoin. Il faut toutefois reconnaître que l’indemnisation n’empêchera pas des gens de mourir à cause d’un agent cancérigène et qu’il y a là un défi plus important à relever. Comment empêcher ces substances cancérigènes de se retrouver dans la société? Plus important encore, comment garantir que l’équipement utilisé par ces travailleurs lorsqu’ils entrent dans les bâtiments et les maisons pour lutter contre les incendies ne les rende pas malades par la suite?

La sénatrice Duncan [ + ]

Merci beaucoup de cette réponse. N’y aurait-il donc pas une plus grande marge de manœuvre si le projet de loi et le règlement étaient axés sur l’équipement? Si j’ai bien compris, il s’agit d’un argument clé qui a été présenté.

Par ailleurs, les commissions des accidents du travail se réunissent au moins une fois par an. Toutes les commissions du pays se réunissent. Peut-être devrait-on recommander que le ou la ministre responsable du projet de loi participe à cette réunion et tente de travailler avec les provinces et les territoires sur cette question très importante.

Le sénateur Yussuff [ + ]

Merci encore de votre question complémentaire. Je crois que l’uniforme des pompiers est problématique, car s’il protège contre le feu, il ne protège pas contre les substances cancérigènes.

Je ne doute pas qu’on finira par créer de meilleurs uniformes, mais entretemps, nous devons trouver le moyen de bien les décontaminer quand les pompiers reviennent des lieux d’un incendie.

Même si le projet de loi ne précise pas de quel ministre il relèvera s’il est adopté, à mon humble avis, il devrait s’agir du ministre du Travail et de celui de la Santé, car ce sont les deux piliers de ce texte législatif. Ces deux ministres devront s’entendre sur la manière dont ils solliciteront leurs collègues des provinces et des territoires afin de faire respecter le projet de loi, mais aussi pour répondre à quelques-unes des questions que vous avez posées. Le ministre du Travail, par exemple, pourrait s’occuper de l’uniformité d’un bout à l’autre du pays et de la manière dont les cancers propres aux pompiers sont traités par les régimes d’indemnisation des travailleurs.

En même temps, puisque ce sont les lois provinciales sur la santé et la sécurité qui régissent l’équipement et l’usage qui en est fait, il y aurait moyen, si jamais l’équipement nécessaire existait à certains endroits du pays, de trouver une méthode universelle pour décontaminer les uniformes des pompiers.

Il serait également important que ces deux ministres collaborent, mais aussi que leur collaboration permette de régler tous les points que ce projet de loi tente de régler, en tenant compte du fait qu’il faudra l’appui des provinces et des territoires pour changer le système canadien actuel, qui est une mosaïque de systèmes en fait. Espérons que la persuasion morale et les efforts politiques pourront changer les choses au bout du compte.

Comme vous le savez, les hommes et les femmes qui font ce travail ne se posent pas de questions. Ils comprennent qu’il existe un risque. J’en ai parlé aux membres de la famille de Craig. C’était très difficile, car j’étais incapable de leur expliquer pourquoi le système d’indemnisation des accidents du travail de l’Ontario refuse de leur accorder des indemnités et pourquoi, alors qu’ils en ont le plus besoin, ils doivent se demander ce qui va arriver s’ils n’obtiennent pas ces indemnités.

Il faudrait faire quelque chose pour l’épouse et les deux enfants de Craig pendant qu’il suit son traitement. Je crois que c’est terrible. Comme vous le savez, les pompiers sont conscients que leur travail est dangereux. Par ailleurs, ils choisissent ce métier. La société admet que les pompiers sont nécessaires. Sans eux, qui viendra à notre rescousse pour lutter contre les incendies?

Pourtant, ces travailleurs sont confrontés à des difficultés juridiques. À mon avis, si le Sénat adopte ce projet de loi et que celui-ci entre en vigueur, nous pourrons sans doute accélérer les efforts du gouvernement fédéral en tant que chef de file dans le but de rassembler tous les éléments ainsi que les gouvernements provinciaux et territoriaux, afin de réaliser l’objectif de ce projet de loi.

Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-224. Je tiens à remercier le sénateur Yussuff d’avoir parrainé le projet de loi et d’avoir formulé des observations utiles et détaillées.

Dans tout le pays, 32 000 pompiers et 100 000 pompiers volontaires jouent un rôle essentiel pour assurer notre sécurité et celle de nos collectivités. Les Canadiens respectent les pompiers. Nous apprécions le travail qu’ils accomplissent, un travail à la fois essentiel et dangereux.

Lorsque les pompiers répondent à un appel, ils savent qu’ils peuvent être confrontés à des dangers immédiats. Ils savent qu’il peut y avoir des risques physiques chaque fois qu’ils pénètrent dans un bâtiment en feu. Un toit peut s’effondrer, un plancher peut céder, et j’en passe.

Les pompiers sont également confrontés à un certain nombre de dangers moins immédiats lorsqu’ils interviennent sur un incendie. Comme le sénateur Yussuff nous l’a dit, et comme nous le savons, certains produits ménagers deviennent très dangereux lorsqu’ils brûlent. Cela signifie que lorsqu’ils sont appelés sur les lieux d’un incendie, les pompiers peuvent être exposés à des substances toxiques, telles que des ignifugeants potentiellement nocifs dans les meubles rembourrés, les matelas ou les appareils électroniques.

Nous savons que les ignifugeants chimiques peuvent sauver des vies en ralentissant l’allumage et la propagation du feu, mais ils peuvent également avoir des effets nocifs sur la santé, comme le cancer, lorsqu’ils sont brûlés et inhalés.

Bien que l’exposition à ces substances soit rare et restreinte pour la majorité des gens, elle est plus fréquente pour les pompiers. En réalité, les pompiers sont plus à risque de développer un cancer et, malheureusement, d’en mourir en raison de l’exposition à ces substances. C’est vrai pour presque tous les types de cancers, chers collègues, mais c’est particulièrement le cas pour les cancers du système digestif, de la bouche ainsi que des voies respiratoires et urinaires.

Par ailleurs, selon des recherches récentes, les femmes et les personnes issues de groupes racialisés qui exercent la profession de pompier sont encore plus à risque de développer un cancer et d’en mourir.

Chers collègues, le cancer représente 86 % des demandes d’indemnisation à la suite d’un décès lié au travail chez les pompiers au Canada. Or, ces sombres statistiques ne s’appliquent pas uniquement aux pompiers canadiens. Le sénateur Yussuff a mentionné le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS. En effet, au mois de juillet de l’année dernière, ce centre, qui est l’organisme spécialisé de recherche sur le cancer de l’OMS, a classifié comme cancérogène l’exposition des pompiers à des substances toxiques. En reconnaissance de cette réalité, l’Association internationale des pompiers a désigné janvier comme Mois de la sensibilisation aux cancers des pompiers.

Le gouvernement est déterminé à protéger les pompiers du pays. C’est pourquoi il a mis en œuvre diverses mesures d’appuis pour eux. Le gouvernement du Canada a créé le Programme de subvention commémoratif pour les premiers répondants afin de soutenir les familles des pompiers et des premiers répondants qui ont perdu la vie à cause des tâches liées à leur emploi. Grâce à ce programme, le gouvernement fédéral verse à ces familles un montant forfaitaire unique non imposable qui peut atteindre 300 000 $.

Le gouvernement a également élaboré un plan d’action fédéral visant à protéger les pompiers contre les produits chimiques nocifs libérés par les incendies résidentiels. Annoncé en 2021, le plan d’action est axé sur les ignifugeants chimiques qui se trouvent, comme je l’ai mentionné il y a un instant, dans de nombreux articles ménagers, y compris les meubles rembourrés et les appareils électroniques, pour ne nommer que ces deux-là.

Nous faisons des progrès importants dans la lutte contre les ignifugeants chimiques nocifs et dans le soutien de la mise au point et de l’utilisation de solutions de rechange plus sûres.

En outre, le gouvernement du Canada fait des investissements considérables dans la prévention du cancer et la recherche sur le cancer, y compris la recherche sur les liens entre la lutte contre les incendies et le cancer. Entre 2015 et 2020, le gouvernement a investi environ 927 millions de dollars dans la recherche sur le cancer par l’intermédiaire des Instituts de recherche en santé du Canada.

Le gouvernement du Canada appuie également le Partenariat canadien contre le cancer et CARcinogen EXposure Canada, un institut qui fait le suivi de l’exposition aux cancérogènes professionnels et environnementaux sur le lieu de travail.

Chers collègues, le projet de loi C-224 demande au ministre de la Santé d’élaborer un cadre national visant à mieux faire connaître les cancers liés à la lutte contre les incendies et à améliorer l’accès à la prévention et au traitement du cancer pour les pompiers.

Comme le souligne le sénateur Yussuff, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui comporte essentiellement trois parties : premièrement, il appuie l’amélioration de l’accès à la prévention et au traitement du cancer pour les pompiers; deuxièmement, il désigne le mois de janvier comme Mois de la sensibilisation au cancer chez les pompiers; et enfin, il établit de nouvelles exigences en matière de rapports sur l’efficacité du cadre, y compris un rapport qui doit être présenté au Parlement.

Ce projet de loi créera un cadre commun sur lequel le gouvernement pourra se fonder pour la suite des choses. Ce cadre aura la mobilisation comme pierre angulaire et il permettra aux parties intéressées et aux autorités concernées de mettre en commun l’information dont elles disposent et de faire profiter les autres de leurs bons coups.

De cette façon, le gouvernement du Canada pourra sensibiliser la population et faire connaître aux autres les pratiques exemplaires des parties intéressées et des autorités concernées, le tout dans le but que les pompiers du pays, quel que soit l’endroit où ils vivent, aient droit à la meilleure prévention et aux meilleurs traitements qui soient.

Le gouvernement du Canada appuie sans réserve le projet de loi C-224, et s’il entend respecter les compétences des provinces et des territoires et continuer à tisser des liens avec eux, il espère pouvoir mieux protéger les pompiers du pays.

S’il se dote d’un cadre national, le gouvernement du Canada pourra continuer d’agir. Il pourra chercher à améliorer l’accès des pompiers aux programmes de prévention du cancer et aux traitements. Il pourra financer la recherche sur les liens entre le métier de pompier et certains types de cancer et en faire connaître les résultats, il pourra faciliter la collecte de données sur la prévention et le traitement des cancers liés à lutte contre les incendies de même que la diffusion de l’information et des connaissances pertinentes, notamment en ce qui concerne les besoins en formation, en éducation et en orientation. Il pourra recommander aux pompiers de subir régulièrement des tests de dépistage du cancer et il pourra préparer un résumé des normes qui identifient les cancers liés à la lutte contre les incendies comme une maladie professionnelle.

Le gouvernement entend en outre désigner le mois de janvier Mois de sensibilisation aux cancers chez les pompiers. Il n’y a rien de tel, chers collègues, pour mobiliser l’ensemble des personnes concernées, qu’il s’agisse des pompiers eux-mêmes ou des professionnels de la santé du Canada, et les convaincre de se renseigner sur ce sujet capital.

En conclusion, j’aimerais remercier encore une fois le sénateur Yussuff, qui a parrainé ce projet de loi, et le sénateur Wells, porte‑parole du projet de loi.

Grâce à un cadre national, le gouvernement du Canada améliorera notre compréhension des liens entre la lutte contre les incendies et le cancer et adoptera une approche plus proactive pour prévenir le cancer chez les pompiers.

Ce gouvernement travaillera en étroite collaboration avec les provinces, les territoires, les groupes autochtones, les scientifiques, les professionnels de la santé et la communauté des pompiers pour façonner ce cadre, afin d’élaborer une approche qui répond aux besoins des pompiers de tout le pays.

Avec tous ses partenaires, le gouvernement poursuivra ses efforts visant à mieux protéger les pompiers contre les produits chimiques nocifs et, au bout du compte, à réduire les risques de cancer liés à l’exposition professionnelle. Les pompiers canadiens ne méritent rien de moins.

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