Projet de loi sur la reconnaissance de la Nation haïda
Troisième lecture
22 mai 2024
Honorables sénateurs, je suis ravie d’intervenir aujourd’hui au sujet du projet de loi S-16, Loi concernant la reconnaissance de la Nation haïda et du Conseil de la Nation haïda.
Essentiellement, le projet de loi S-16 vise à reconnaître l’autodétermination des peuples autochtones. Ces peuples ont des droits inhérents à l’autodétermination, reconnus par le droit international en matière de droits de la personne. La reconnaissance et le respect de l’autodétermination autochtone sont des piliers des droits fondamentaux de la personne. L’autodétermination permet aux communautés de se gouverner elles-mêmes d’une manière qui respecte et préserve leurs cultures, leurs langues, leurs traditions et leurs croyances spirituelles uniques. Cette autonomie est vitale pour la sauvegarde du patrimoine culturel et de l’identité autochtones.
La reconnaissance de l’autodétermination autochtone permet aux communautés de mener des initiatives de développement social et économique adaptées à leurs propres besoins, priorités et aspirations. Il s’agit notamment d’initiatives visant à remédier aux disparités socioéconomiques et à améliorer les conditions de vie au sein même des communautés.
L’autodétermination fait partie intégrante du processus de réconciliation. Elle respecte les droits et la souveraineté des Autochtones et favorise des relations équitables fondées sur le respect mutuel et la coopération. L’autodétermination permet aux communautés de prendre des décisions concernant la gestion et l’utilisation de leurs terres et ressources traditionnelles, notamment au moyen de pratiques qui priorisent la durabilité environnementale et respectent le savoir autochtone en matière d’écosystèmes.
Le projet de loi S-16 vise également à permettre à la nation haïda de choisir elle-même sa forme de gouvernance. Ce choix est important et doit être respecté pour plusieurs raisons. L’autodétermination permet à la nation haïda de maîtriser son propre destin et de façonner son avenir en fonction de ses valeurs, de ses intérêts et de ses aspirations.
Les communautés autochtones ont des traditions culturelles, des langues et des modes de vie uniques qui sont profondément liés à leurs structures de gouvernance. Quand ils choisissent leurs propres structures de gouvernement, les peuples autochtones peuvent faire en sorte que leur patrimoine culturel soit préservé et que les décisions soient prises d’une manière qui respecte et reflète leurs valeurs et leurs normes culturelles et en est le reflet. Les peuples autochtones ont le droit de déterminer librement leur statut politique et d’assurer leur développement économique, social et culturel. Choisir leurs propres structures de gouvernement permet aux communautés autochtones d’exercer ce droit et de se gouverner de la manière qui répond le mieux à leurs besoins et à leurs aspirations.
Les communautés autochtones sont les mieux placées pour comprendre leurs besoins, leurs priorités et leurs défis. Quand elles choisissent leurs propres structures de gouvernement, elles peuvent mettre en place des systèmes de gouvernance réactifs, responsables et efficaces pour répondre aux besoins uniques de la communauté. Cela peut conduire à une prestation de services plus efficiente, à des processus décisionnels améliorés et à de meilleurs résultats pour les membres de la communauté.
Les structures de gouvernement autochtones offrent aux membres de la communauté des possibilités significatives de participer à la prise des décisions et d’y être représentés. Lorsqu’ils choisissent leurs propres structures de gouvernement, les peuples autochtones peuvent s’assurer que la voix des membres est entendue, que leurs préoccupations sont prises en compte et que leurs intérêts sont représentés à tous les échelons de gouvernement.
Les structures de gouvernement autochtones offrent aux communautés autochtones une plateforme leur permettant de dialoguer avec d’autres gouvernements et organisations à différents niveaux. Le travail de représentation et de défense des droits que mènent les autochtones se trouve renforcé lorsqu’ils choisissent leurs propres structures de gouvernement, ce qui conduit à une plus grande reconnaissance de leurs droits et de leurs intérêts sur la scène internationale.
La nation haïda est un peuple autochtone avec une histoire riche et complexe de résilience, de richesse culturelle et d’efforts soutenus pour récupérer et revitaliser son patrimoine en dépit des défis historiques et des problèmes contemporains. Comme je l’ai dit lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, les Haïdas habitent l’archipel de Haida Gwaii — anciennement connu sous le nom d’îles de la Reine-Charlotte — depuis des milliers d’années. Leur histoire est profondément liée à la richesse de l’environnement naturel des îles, qui leur fournit d’abondantes ressources pour leur subsistance et leurs pratiques culturelles. L’histoire de la reconnaissance et de l’autodétermination de Haida Gwaii est également longue et complexe et se décrirait au mieux comme une progression graduelle, étape par étape, échelonnée sur un siècle à faire valoir ses droits fonciers et à négocier pour remédier à des griefs historiques liés à la dépossession des terres, à la suppression culturelle et à l’oppression coloniale.
De nombreux textes législatifs et accords ont précédé le projet de loi S-16, jetant les bases de la consultation et de la coopération entre la nation haïda et le gouvernement sur des questions liées à l’autonomie gouvernementale, à la gestion des ressources, à l’utilisation et à la propriété des terres, au patrimoine culturel et aux dispositions relatives à la protection et à la conservation des écosystèmes de la région.
Le projet de loi S-16 et la reconnaissance du Conseil de la Nation haïda sont l’aboutissement du travail accompli en amont. Pendant l’étude au comité, le président Gaagwiis a reconnu le leadership qui a conduit à ce moment. Il a déclaré :
Nous sommes vraiment très chanceux d’avoir eu tout ce leadership et tout ce travail de dirigeants et de personnes qui sont aujourd’hui nos ancêtres, et je suis toujours impressionné par ce qu’ils ont pu accomplir et mettre de l’avant pour nous aujourd’hui et pour les générations futures.
Le projet de loi S-16 ouvre également la voie à une nouvelle ère d’autodétermination pour la nation haïda, puisque le Canada et la Colombie-Britannique reconnaissent légalement la nation haïda comme détentrice de droits inhérents à la gouvernance et à l’autodétermination, et que le Conseil de la Nation haïda est autorisé à exercer ces droits et à prendre des décisions à leur sujet.
Le projet de loi S-16 reconnaît la relation historique qui se poursuit entre la nation haïda et le gouvernement du Canada, affirmant les droits du peuple haïda à gouverner ses propres affaires, à prendre des décisions sur les questions qui ont une incidence sur sa communauté, sa culture et son territoire, et à gérer ses ressources.
Le projet de loi S-16 souligne l’importance de la réconciliation entre la nation haïda et le gouvernement du Canada en favorisant une relation qui est fondée sur le respect mutuel, la coopération et le partenariat et qui évolue au fil du temps.
Honorables sénateurs, l’évolution de cette relation est l’une des raisons pour lesquelles le projet de loi S-16 et la reconnaissance juridique du Conseil de la Nation haïda sont si importants.
Au comité, quand l’honorable sénateur Prosper a demandé au président Gaagwiis comment le projet de loi S-16 incorporerait la loi haïda dans une structure de gouvernance, ce dernier a répondu que le projet de loi S-16 ne concernait pas directement les traditions juridiques haïdas, mais il a donné ce point de vue important :
[...] la relation entre la nation haïda, le conseil de la nation haïda et le Canada en ce qui concerne les ressources pour soutenir l’évolution continue de notre autonomie gouvernementale afin de faire un examen approfondi et de discuter avec notre peuple de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas et de continuer d’apprendre de nos expériences pour intégrer davantage notre culture, notre histoire et nos valeurs à notre forme moderne de gouvernance. Il s’agit d’apprendre comment cela s’articule dans la langue, la culture, les processus et les systèmes.
Il y a là une belle occasion de poursuivre cette croissance dans cette évolution pour combiner certains des éléments que nous avons adoptés au sens occidental dans la formation d’une constitution et l’adoption de certains systèmes ou processus d’autres gouvernements et nations. Un aspect intéressant de cela consiste à continuer d’intégrer une plus grande part de notre culture et de notre histoire à la façon dont notre gouvernance évolue afin de mettre en œuvre nos lois alors que nous avançons dans ce cheminement.
J’ai demandé au président Gaagwiis ce que pourrait être la période de transition après l’adoption du projet de loi S-16. Il a dit que la priorité était la gouvernance et la gestion des terres :
Notre expérience a montré que les lois provinciales n’ont pas fonctionné en notre faveur pour ce qui est de s’occuper de la terre et de redonner les avantages à la nation haïda et à la population de Haida Gwaii. Par conséquent, nous cherchons à rectifier cela en puisant dans notre histoire, notre expérience et notre culture pour élaborer les lois.
Ce sera un processus continu. Nous l’avons qualifié de processus ordonné et graduel en ce qui a trait à la façon dont nous examinons chacun de ces secteurs de notre vie et de notre société, et à la façon dont la nation haïda, les gens qui vivent à Haida Gwaii et les gouvernements respectifs se penchent là‑dessus.
Honorables sénateurs, le projet de loi S-16 se prépare depuis plus de 50 ans. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a déjà adopté une mesure législative jumelle il y a près d’un an. C’est au tour du Canada d’honorer la volonté des Autochtones de Haida Gwaii.
La mesure législative affirme la reconnaissance, par le gouvernement du Canada, des droits inhérents à la gouvernance et à l’autodétermination de la nation haïda.
La constitution de la nation haïda a été officiellement adoptée en 2003. Elle charge le conseil de conduire les affaires extérieures de la nation haïda et de gérer les terres et les eaux de Haida Gwaii au nom de la nation haïda.
L’adoption de la mesure législative offre une occasion à la nation haïda de développer et d’affiner ses lois et ses pratiques pour gérer le territoire en fonction de l’histoire, de la culture et des valeurs haïdas. Selon les dirigeants de la nation, le projet de loi S-16 ne sera pas une source de conflit avec les habitants du territoire. En effet, les domaines comme la santé, l’éducation, les transports et les services d’urgence et d’incendie relèveront encore de la province et des municipalités qui se trouvent sur le territoire de Haida Gwaii, et l’accord n’aura aucune incidence sur les délimitations ou les fonctions municipales actuelles.
Le projet de loi S-16 respecte la volonté de la nation de Haida Gwaii tout en reconnaissant les efforts de coopération et les réalisations des habitants autochtones et non autochtones de ce territoire.
Cela me rappelle les exploits récents de l’équipe de basket-ball de l’école secondaire de Haida Gwaii, qui, il y a un mois, a dépassé toutes les attentes en remportant la médaille d’argent lors du dernier championnat provincial de la ligue 1A après avoir raté de justesse un tir de trois points effectué juste avant la sonnerie qui aurait pu lui donner une chance de décrocher l’or. Je cite un article du journal The Province :
« Tout le monde aime les histoires d’équipes données perdantes qui dépassent les attentes », affirme l’entraîneur des Breakers, Desi Collinson. « Les gens aiment ces histoires parce qu’ils peuvent comprendre le parcours de ces petites écoles. Les gens savent que tout le monde doit faire face à des obstacles dans la vie et qu’il faut travailler d’autant plus fort pour les surmonter. Ils le comprennent bien. »
« Quand les gens nous voient de cette façon et comprennent notre situation, peu importe qui ils sont ou d’où ils viennent, je crois que c’est signe d’une grande force de caractère. »
L’équipe est composée d’étudiants autochtones et non autochtones unis par leur amour pour le basket-ball et leur collectivité. Ensemble, ils ont su relever le défi et dépasser toutes les attentes en remportant beaucoup plus de succès que prévu.
Honorables sénateurs, en tant que sénatrice de la Colombie-Britannique, je suis heureuse d’appuyer le projet de loi S-16 visant à reconnaître la nation haïda et j’encourage tous les sénateurs à appuyer cette importante mesure législative.
Merci.
La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
Oui.
Je vous prie de m’excuser si ma question est un peu simple. J’ai bien aimé votre discours. Vous avez très bien expliqué la nécessité de ce projet de loi. C’était très important, surtout de la part d’une sénatrice de la Colombie-Britannique. Étant donné que, comme vous l’avez souligné, le gouvernement de la Colombie-Britannique a adopté une loi semblable, qu’ajouterions-nous, selon vous, en adoptant une loi fédérale équivalente à ce stade-ci?
Je ne peux pas parler en détail de la mesure législative de la Colombie-Britannique. Comme je l’ai affirmé, je crois que les deux mesures seront plus fortes ensemble. Je viens de la Colombie-Britannique, et l’archipel Haida Gwaii est un endroit très spécial de notre province. Le projet de loi à l’étude prévoit un soutien et une reconnaissance de la part du gouvernement fédéral, ce qui aidera vraiment la nation haïda à atteindre et à réaliser son plein potentiel.
Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)