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La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

Projet de loi modificatif--Troisième lecture

17 juin 2025


L’honorable Pierre J. Dalphond [ + ]

Propose que le projet de loi C-202, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), soit lu pour la troisième fois.

L’honorable Paula Simons [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-202, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement en ce qui concerne la gestion de l’offre, qui est identique au projet de loi C-282 présenté lors de la dernière législature.

Le 30 novembre 2023, à l’occasion du cinquième anniversaire de la signature de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, je suis intervenue ici même pour exposer les problèmes que j’observais dans le projet de loi C-282. Ce mois-là, Joe Biden était encore président, mais Donald Trump montait dans les sondages. En conséquence, j’ai lancé une mise en garde contre l’adoption de cette mesure législative. J’aimerais citer un court extrait de ce discours :

Le projet de loi [...] interdirait à la ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique de prendre un engagement au nom du gouvernement du Canada, par un traité ou une entente en matière de commerce international, qui aurait pour effet soit d’augmenter le contingent tarifaire applicable aux produits laitiers, à la volaille ou aux œufs, soit de diminuer le tarif applicable à ces marchandises lorsqu’elles sont importées en sus du contingent tarifaire applicable. Cette mesure législative rendrait les secteurs des produits laitiers, de la volaille et des œufs intouchables, et la gestion de l’offre, inaliénable. En plus d’entraver la capacité des négociateurs à obtenir la meilleure entente possible pour les exportateurs et les importateurs canadiens dans le cadre de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, elle minerait la position du Canada en tant que défenseur du libre-échange dans le monde et réduirait notre capacité à lutter contre les politiques protectionnistes qui nous désavantagent. Cette approche nous nuira non seulement dans les négociations avec les États-Unis et le Mexique, mais aussi dans toutes les futures négociations en vue d’éventuels accords de libre-échange avec l’Europe, l’Asie, l’Amérique latine et la région indo-pacifique.

Honorables sénateurs, beaucoup de choses ont changé depuis novembre 2023. L’idéalisme canadien relativement à la protection offerte par l’ACEUM a disparu à jamais. La politique commerciale du président — si je peux la qualifier ainsi — est un mélange de malveillance et de caprice caractérisé par des droits de douane qui vont et viennent et qui changent au gré de ses lubies et des affronts qu’il estime avoir subis. J’avais naïvement espéré que si nous agissions de bonne foi et que nous entamions la renégociation de l’ACEUM avec les mains propres et une marge de manœuvre, nous pourrions obtenir un résultat équitable pour le Canada.

Toutefois, comme nous l’avons constaté, il n’existe aucun moyen efficace d’amadouer ou de calmer le président Trump. L’adoption de ce projet de loi serait sans aucun doute un geste provocateur, mais il se sent si facilement provoqué, parfois pour des raisons totalement imaginaires, qu’il semble inutile de marcher sur la pointe des pieds.

Nous pourrions certainement faire valoir qu’en raison de cet homme imprévisible, qui fait fi de toutes les normes régissant les négociations commerciales internationales, nous devrions protéger les producteurs agricoles canadiens par tous les moyens dont nous disposons.

Personnellement, je n’ai jamais été aussi peu encline à acheter une coupe de yaourt ou une pépite de poulet américaine. Ce n’est pas seulement par patriotisme et par désir de jouer du coude et de refuser d’acheter des produits américains. C’est parce que l’assouplissement récent des règles américaines en matière d’inspection alimentaire et de santé publique devrait tous nous faire réfléchir.

La grippe aviaire fait rage dans le secteur américain de la volaille. Elle a franchi la barrière d’espèce et a infecté le cheptel laitier américain dans tout le pays.

À la suite de la crise de la vache folle, quand l’encéphalopathie spongiforme bovine a été découverte en Alberta, le Canada a interdit d’intégrer des produits animaliers dans l’alimentation des vaches. Toutefois, aux États-Unis, il est désormais courant de nourrir le bétail avec des détritus de volaille, une source bon marché de protéines et d’azote, ce qui pourrait expliquer pourquoi les vaches laitières américaines sont atteintes d’une maladie qui n’était pas censée les infecter et qui, heureusement, n’a pas atteint notre cheptel laitier.

Aux États-Unis, des dizaines de travailleurs agricoles ont également contracté la grippe aviaire, également connue sous le nom de H5N1.

La grippe aviaire n’est pas le seul problème. Sous la direction — si je puis dire — de Robert F. Kennedy fils, les inspecteurs des aliments ont été licenciés par milliers, de même qu’une grande partie du personnel de communication chargé d’informer les Américains des épidémies résultant des bactéries E. coli et Listeria. Au printemps, le service d’inspection des aliments américain a abandonné un projet de contrôle des quantités de salmonelle dans la dinde et le poulet crus, en plus de reporter ses projets d’échantillonnage des produits de volaille panés prêts à cuire, tels que les croquettes et le poulet à la Kiev, en vue de détecter la présence de salmonelle.

Le secrétaire Kennedy, qui ne croit littéralement ni à la théorie microbienne ni à la pasteurisation, souhaite que son département se consacre plutôt à l’élimination de ce qu’il appelle les « toxines », quelque chose qui pour lui va des colorants alimentaires au fluorure en passant par l’huile de canola, plutôt qu’à la protection des Américains et des consommateurs qui achètent des produits alimentaires américains contre toute contamination bactérienne.

Si nous ne pouvons plus compter sur la salubrité des aliments exportés par les États-Unis, le gouvernement a plus que jamais la responsabilité de protéger les consommateurs canadiens contre les maladies d’origine alimentaire.

Donc, oui, le projet de loi C-202 a une incidence différente de celle du projet de loi C-282 de 2023. C’est sans doute la raison pour laquelle ce projet de loi a été adopté à l’unanimité par la Chambre des communes sans étude en comité.

Or, c’est justement cette rapidité qui me met mal à l’aise.

Oui, le projet de loi C-282 a effectivement été étudié en long et en large — on pourrait dire de façon exhaustive — au Sénat l’an dernier. Les témoins, pour et contre, ont été amplement entendus. Nous avons fait notre travail de second examen objectif et avons pleinement fait profiter l’autre endroit de nos conseils.

Oui, la nouvelle Chambre des communes a exprimé sa volonté de façon on ne peut plus claire.

Pourtant, ayant passé les trois dernières années à titre de vice-présidente du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, je pense que j’ai une certaine responsabilité de faire connaître les préoccupations des producteurs agricoles. Je représente fièrement l’Alberta et les Albertains au Sénat, et comme tous les députés de l’Alberta, y compris tous les députés conservateurs, ont voté en faveur de ce projet de loi, j’estime qu’il m’incombe d’intervenir et de faire part à la Chambre et au pays des préoccupations des producteurs de bétail, des producteurs de légumineuses et des producteurs de céréales et de canola de l’Alberta, dont certains ont communiqué avec moi cette semaine.

Voici comment Greg Northey, président de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, a décrit le projet de loi :

Comme les versions précédentes de ce projet de loi, le projet de loi C-202 affaiblirait le secteur agroalimentaire canadien, nuirait à nos relations commerciales et porterait préjudice aux milliers d’agriculteurs, d’éleveurs, de transformateurs et d’exportateurs agroalimentaires qui dépendent du libre accès aux marchés mondiaux pour gagner leur vie [...]

Tyler Fulton, président de l’Association canadienne des bovins, s’est exprimé en ces termes dans une déclaration publiée hier :

Le projet de loi C-202 n’est pas une politique commerciale isolée et il ne concerne pas la gestion de l’offre, il sera très difficile d’inverser la tendance et les dommages causés à notre réputation mondiale et à nos possibilités commerciales [...] Malheureusement, ce projet de loi va non seulement lier les mains de nos négociateurs commerciaux, mais il est en train de briser les communautés rurales et de monter les agriculteurs canadiens les uns contre les autres.

Pas plus tard que cet après-midi, Shane Strydhorst, président d’Alberta Pulse Growers, m’a écrit ceci :

Les producteurs de légumineuses à grains exportent la grande majorité de ce qu’ils produisent. En effet, plus de 85 % des légumineuses à grains cultivées au Canada sont vendues à l’étranger. La décision d’appuyer un projet de loi qui nuit au système commercial fondé sur des règles dont nous dépendons soulève de graves préoccupations quant à la capacité du Canada de négocier des accords avantageux pour notre secteur.

Chers collègues, alors que le protectionnisme se propage et que des droits de douane et des obstacles non tarifaires au commerce surgissent de partout, le Canada ne doit pas céder au protectionnisme populiste. En tant que chef de file mondial, il doit montrer l’exemple en éliminant les obstacles et non en les érigeant plus haut.

Rappelons-nous que le projet de loi C-202 ne s’applique pas qu’aux États-Unis. Il est plus important que jamais pour le Canada de bâtir des relations commerciales solides avec des pays autres que les États-Unis. Nous voulons peut-être signifier à Donald Trump que nous lui tiendrons tête, mais quel message envoyons-nous à nos alliés économiques ailleurs dans le monde? Par exemple, comment allons-nous conclure un nouvel accord commercial avec le Royaume-Uni si nous ne sommes plus ouverts à réduire les droits de douane sur le fromage britannique? Nos artères ont peut-être besoin qu’on les protège de la crème épaisse, mais les agriculteurs canadiens en ont-ils vraiment besoin?

Scott Keller cultive de l’orge, du blé, des pois et de la féverole à New Norway, en Alberta. Pas plus tard que ce matin, il m’a écrit ceci :

Dans un environnement commercial de plus en plus instable, le Canada doit redoubler d’efforts pour accroître l’accès aux marchés, diversifier ses marchés d’exportation et renforcer ses relations diplomatiques, et non signaler son retrait au profit du protectionnisme.

Enfin, je m’inquiète des répercussions du projet de loi C-202 sur l’unité nationale. Il s’agit bien sûr d’un projet de loi d’initiative parlementaire présenté par le Bloc québécois. Ce dernier défend avec force et efficacité les intérêts des producteurs laitiers du Québec et préconise la séparation du Québec du reste du Canada.

Il semble étrange de permettre à un parti séparatiste de définir dans une telle mesure la politique commerciale nationale du Canada, au détriment des producteurs et des exportateurs agricoles de l’Ouest canadien. Dans ma province, l’Alberta, le discours séparatiste devient malheureusement de plus en plus vigoureux et virulent. Un petit groupe de séparatistes purs et durs exercent une influence disproportionnée sur la politique provinciale, et certains leaders provinciaux, qui devraient pourtant être mieux avisés, se plient aux exigences de ces agitateurs séparatistes pour des motifs stratégiques. Il serait profondément ironique que, dans le but de satisfaire les séparatistes québécois, nous finissions par apporter de l’eau au moulin du lobby séparatiste en Alberta et en Saskatchewan.

À un moment où les Canadiens doivent faire front commun contre les menaces économiques et politiques que pose le gouvernement Trump, nous devons nous méfier des risques liés au fait de monter une partie du pays contre l’autre, surtout compte tenu de ce qui pourrait être la lacune fondamentale cachée dans le projet de loi. Le libellé du projet de loi C-202 apporte une modification vraiment maladroite à la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement en insérant une référence à la gestion de l’offre dans la section générale qui définit les pouvoirs, les devoirs et les fonctions du ministre, ce qui lie ainsi les mains de ce dernier. Toutefois, je vous laisse sur cette question provocante : ce ministre conclut-il réellement des accords commerciaux, ou s’agit-il plutôt d’une prérogative de la Couronne? Est-il possible que le projet de loi soit purement symbolique et ne soit pas contraignant pour l’exécutif? Si tel est le cas, le fait de monter une région contre une autre ne devient-il pas encore plus malicieux et dangereux?

En fin de compte, nous ne sommes pas élus. Nous sommes nommés et nous n’avons pas de comptes à rendre aux électeurs canadiens. La Chambre s’est exprimée clairement et d’une seule voix, et nos traditions et conventions parlementaires nous demandent de nous en remettre à elle.

Néanmoins, je suis reconnaissante d’avoir eu l’occasion de prononcer ce discours ce soir pour rappeler à tout le monde, y compris aux Canadiens, que nous aussi avons voix au chapitre et que nous avons la responsabilité de nous exprimer.

Merci, hiy hiy.

L’honorable Marty Deacon [ + ]

Sénatrice Simons, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Simons [ + ]

Oui.

La sénatrice M. Deacon [ + ]

C’est important, et il est important que vous ayez parlé. Je vous en suis très reconnaissante ce soir.

Comme vous l’avez mentionné, au cours de l’étude du projet de loi C-282, la mouture précédente du projet de loi à l’étude, le comité s’est fait dire que la mesure législative serait loin de protéger les secteurs soumis à la gestion de l’offre, qu’elle leur ferait plutôt porter une cible rouge bien visible.

Je pense à cela dans le contexte des négociations en cours et à venir avec les États-Unis et de l’approche administrative actuelle en matière de primauté du droit. Pensez-vous que nos homologues américains apprécieront la loi si elle est adoptée et qu’ils passeront simplement à autre chose lorsque nous leur dirons que la loi nous interdit de discuter des secteurs soumis à la gestion de l’offre?

La sénatrice Simons [ + ]

J’aimerais seulement avoir la capacité de prédire ce que feront Donald Trump et son gouvernement. Je pense qu’il est impossible de répondre à votre question. Compte tenu de la capacité du président à percevoir de la malveillance là où il n’y en a pas et à en injecter là où elle n’est pas nécessaire, je ne sais pas si c’est la meilleure stratégie à adopter. Mais, encore une fois, cela ne dépend pas de nous.

L’honorable Amina Gerba [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole avec beaucoup d’enthousiasme, comme vous pouvez l’imaginer, pour appuyer l’adoption du projet de loi C-202, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre).

Ce projet de loi, adopté par consentement unanime et sans débat à l’autre Chambre le 5 juin dernier, envoie un message très clair : la gestion de l’offre est une politique fondamentale que le Parlement canadien souhaite protéger de manière complète et durable. Il ne s’agit pas d’un simple geste symbolique; il s’agit d’un engagement législatif clair qui vise à empêcher le ministre des Affaires étrangères de compromettre, dans le cadre des négociations commerciales internationales, les piliers de notre système de gestion de l’offre. Ce système soutient des milliers d’entreprises agricoles, favorise la stabilité des prix et garantit la souveraineté alimentaire de notre pays.

Honorables sénateurs, ce projet de loi est identique au projet de loi C-282, adopté à l’autre endroit le 21 juin 2023, que j’ai eu l’honneur et le privilège de marrainer à l’époque. Le projet de loi C-282 a donné lieu à une grande première dans cette Chambre puisque le porte-parole, le sénateur Harder, et moi-même étions tous deux membres du Groupe progressiste du Sénat. Cette situation inédite n’a nullement compromis la cohésion de notre groupe. Bien au contraire, elle a enrichi nos débats et fait ressortir notre vitalité démocratique.

Chers collègues, bien que le projet de loi C-282 soit mort au Feuilleton à la suite de la prorogation, le travail remarquable accompli par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international demeure d’une valeur inestimable.

Durant les sept réunions consacrées à l’étude objective du projet de loi C-282, le Comité des affaires étrangères et du commerce international a entendu des dizaines de témoins, pour et contre le projet de loi. Leurs témoignages riches et contrastés ont non seulement nourri les débats, mais ils ont aussi renforcé la légitimité de cette initiative. Ils ont permis aux honorables membres de cette Chambre de se forger une opinion éclairée sur cette importante politique canadienne qui date de plus de 50 ans.

Aujourd’hui, nous avons l’occasion, et même le devoir, de continuer à aller de l’avant. Nos collègues de l’autre Chambre ont parlé d’une seule voix. Ils ont reconnu l’urgence d’agir dans un contexte de tensions commerciales croissantes, notamment avec les États-Unis.

Les députés élus au Parlement ont choisi de protéger nos producteurs de lait, de volaille et d’œufs en leur offrant un cadre législatif stable et prévisible.

Honorables sénateurs, la politique de gestion de l’offre est essentielle pour l’ensemble du Canada et elle l’est encore plus pour ma province, le Québec, car elle garantit la stabilité de nos secteurs agricoles et la sécurité alimentaire de nos communautés.

Pour le Québec, elle revêt une importance toute particulière. C’est précisément pour cette raison que j’ai accepté avec fierté de marrainer le projet de loi C-282 et que je soutiens pleinement le projet de loi C-202.

Honorables collègues, il est impératif que nous respections la volonté de la Chambre élue, que nous reconnaissions le travail déjà accompli dans cette enceinte et que nous agissions de manière décisive pour adopter ce projet de loi sans plus tarder.

En votant en faveur du projet de loi C-202, nous envoyons un message clair : le Sénat du Canada est à l’écoute de la population et des agriculteurs et il tient à préserver la sécurité alimentaire des Canadiens.

Puis-je vous poser une question, madame la sénatrice?

La sénatrice Gerba [ + ]

Oui, bien sûr.

Je vais poser une question sur l’origine de ce débat. L’année dernière, quand vous étiez la marraine de ce projet de loi, il n’était pas très populaire.

Vous avez mené ce débat, qui n’était pas très populaire à ce moment-là. Aujourd’hui, après les dernières élections, tous les partis politiques sont favorables à ce projet de loi. Nous savons qu’il a été adopté à l’unanimité à la Chambre. Qu’est-ce qui a changé dans les dernières années?

La sénatrice Gerba [ + ]

Merci beaucoup pour la question, monsieur le sénateur Cardozo.

Effectivement, le contexte a complètement changé. D’ailleurs, on avait prévu que le prédécesseur de ce projet de loi aurait un impact important si jamais le nouveau président, le président Donald Trump, revenait au pouvoir, et il est revenu. C’est ce contexte qui a changé, car il a exigé beaucoup de choses. Une des choses qui ont été imposées à la table de négociations par ce président, c’est la gestion de l’offre. Heureusement, notre premier ministre a décidé de se tenir debout et nous a promis, dans son plan de campagne, qu’il allait protéger la gestion de l’offre. Il a promis cela aux Québécois et aux Canadiens, et c’est pour cette raison que ce projet de loi a été adopté à l’autre endroit sans débat.

L’honorable Mary Coyle [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur les terres non cédées du peuple algonquin anishinaabeg pour parler brièvement du projet de loi C-202, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre).

Je m’inspirerai en grande partie de mon discours sur le projet de loi C-282, le projet de loi identique présenté lors de la 44e législature. Comme ma collègue la sénatrice Gerba l’a fait avant moi, je tiens à parler aujourd’hui du travail accompli au Comité des affaires étrangères, car nous n’aurons pas l’occasion d’examiner ce projet de loi.

Aujourd’hui, nous étudions le projet de loi d’initiative parlementaire C-202 en témoignant notre respect envers les secteurs soumis à la gestion de l’offre au Canada. Ces agriculteurs sont nos concitoyens et nous fournissent un approvisionnement fiable en aliments de bonne qualité. Nous menons aussi cette étude en faisant preuve de respect et de considération envers les autres secteurs agricoles et les entreprises non agricoles du Canada.

Honorables collègues, le Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce international a étudié la première mouture de ce projet de loi, le projet de loi C-282, de façon rigoureuse, équitable et indépendante. Nous avons examiné les répercussions potentielles de ce projet de loi sur de nombreux secteurs de notre économie et sur la prospérité globale du Canada, ainsi que les répercussions à long terme du projet de loi sur nos politiques de commerce international et nos pratiques de négociation.

Le Comité des affaires étrangères et du commerce international a tenu neuf réunions et entendu 52 témoins représentant un large éventail de points de vue : anciens négociateurs commerciaux, experts en commerce, fonctionnaires ministériels et représentants de secteurs agricoles soumis ou non à la gestion de l’offre. Nous avons constaté que, même si le projet de loi vise à apporter la stabilité et la certitude souhaitée aux secteurs assujettis à la gestion de l’offre, il comporte des risques réels pour la capacité de négociation du Canada et pour notre économie, et qu’il exacerbe l’incertitude déjà croissante dans les autres industries, agricoles et non agricoles. Cela reste une réalité.

Au cours de notre étude, Jonathan Fried, ancien ambassadeur du Canada auprès de l’Organisation mondiale du commerce, a qualifié le projet de loi de camisole de force législative, et nous a avertis qu’une exigence législative aussi rigide limiterait les options stratégiques du Canada en excluant certaines discussions avant même le début des négociations. Nous venons d’entendre la sénatrice Simons évoquer les effets des menaces tarifaires de Donald Trump sur les questions de sécurité alimentaire aux États-Unis et les répercussions potentielles de ce projet de loi sur les agriculteurs de l’Alberta. Notre comité a entendu des témoignages d’autres secteurs et a reçu une lettre, le 31 octobre 2024, dont je vais citer brièvement un extrait :

S’il est adopté dans sa forme initiale, le projet de loi C-282 risque de lier, par la voie législative, les mains du Canada et de ses négociateurs commerciaux [...] Nous demandons aux sénateurs de faire passer les intérêts collectifs de toutes les industries canadiennes en priorité en rejetant le projet de loi C-282 et d’ainsi protéger notre prospérité économique future.

La lettre était signée par les Producteurs de bovins de l’Alberta, l’Alberta Canola Producers Commission, l’Alberta Cattle Feeders’ Association, Alberta Chambers of Commerce, Alberta Grains, Alberta Pulse Growers, la BC Association of Cattle Feeders, la BC Grain Producers Association, Beef Farmers of Ontario, la BC Cattlemen’s Association, l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, la Canadian Canola Growers Association, l’Association canadienne des bovins, la Canadian Oilseed Processors Association, le Conseil canadien du porc, l’Institut canadien du sucre, le Conseil canadien du canola, Cereals Canada, CropLife Canada, Fertilisants Canada, Grain Farmers of Ontario, les Producteurs de grains du Canada, le Greater Vancouver Board of Trade, Pulse Canada, Manitoba Beef Producers, Manitoba Canola Growers, la Manitoba Crop Alliance, Manitoba Pulse and Soybean Growers, l’Association nationale des engraisseurs de bovins, les Éleveurs de bovins du Nouveau-Brunswick, Nova Scotia Cattle Producers, Ontario Bean Growers, Ontario Greenhouse Vegetable Growers, la Prairie Oat Growers Association, Prince Edward Island Cattle Producers, la Saskatchewan Cattlemen’s Association, la Saskatchewan Heavy Construction Association, Saskatchewan Pulse Growers, la Saskatchewan Trucking Association, SaskOilseeds, Sask Wheat, Soy Canada et la Wheat Growers Association.

L’ancien vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères John Manley, ainsi que d’autres témoins, ont laissé entendre au comité que le projet de loi revenait à braquer les projecteurs sur les secteurs sous gestion de l’offre ou à agiter un drapeau rouge, et à signaler à nos partenaires commerciaux que le Canada est dans une position délicate à cet égard, mettant peut-être ces secteurs au centre des négociations par inadvertance.

À la lumière de ces risques, notre comité a proposé et adopté un amendement au projet de loi. Je n’en parlerai cependant pas plus, puisque cette question n’est plus pertinente pour le moment.

Comme l’a mentionné la sénatrice Gerba, le Sénat n’a pas pu finir d’étudier ce projet de loi en raison de la prorogation. Chers collègues, je tiens à souligner, en toute sincérité, que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a étudié le projet de loi précédent de manière juste, respectueuse, approfondie, judicieuse, indépendante et mesurée.

Chers collègues, j’encourage ceux d’entre vous qui s’y intéressent à consulter les transcriptions du comité ainsi que le compte rendu des débats du Sénat sur le projet de loi C-282.

Nous savons tous que le Parti libéral a promis de protéger le secteur de la gestion de l’offre dans sa plateforme électorale. Le projet de loi d’initiative parlementaire C-202 reflète cette promesse. Le projet de loi a été adopté à l’unanimité à l’autre endroit et le Sénat s’en remettra sans doute à la Chambre élue.

Chers collègues, je vous remercie sincèrement de m’avoir permis de verser au compte rendu du Sénat certains des travaux antérieurs du Comité sénatorial des affaires étrangères qui sont pertinents dans l’étude de cette importante question de négociations commerciales.

Wela’lioq, merci.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

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