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Affaires juridiques et constitutionnelles

Motion tendant à autoriser le comité à examiner certains événements liés à l'ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada et à inviter des témoins--Motion d'amendement--Suite du débat

18 mars 2019


L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) [ + ]

Honorables sénateurs, j’aimerais aujourd’hui répondre aux interventions des sénateurs Harder et Pratte concernant la motion tendant à autoriser le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à examiner, afin d’en faire rapport, les allégations voulant que des personnes au sein du cabinet du premier ministre aient tenté de faire pression sur l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada.

Ces allégations des plus graves soulèvent des préoccupations en ce qui a trait à l’ingérence dans le bureau et les fonctions de la procureure générale du Canada qui risquent de porter atteinte à l’administration de la justice dans notre pays.

On peut donc dire, à voir les preuves accablantes présentées jusqu’à présent, que le gouvernement du Canada est empêtré dans un scandale qui force les Canadiens à se demander ce qui peut bien se passer dans les officines du pouvoir.

Le premier ministre Trudeau a été accusé, de manière crédible, par sa propre procureure générale, Jody Wilson-Raybould, de s’être immiscé, pour des considérations politiques, dans les poursuites dont fait l’objet une société d’ingénierie bien branchée. Jody Wilson-Raybould a fait l’objet de pressions — menaces, intimidation — pour qu’elle se mêle des procédures judiciaires contre SNC-Lavalin et conclue une entente spéciale.

Plus personne ne doute qu’il y a eu un effort soutenu et coordonné de la part du personnel politique pour la convaincre de suspendre les poursuites contre SNC-Lavalin. N’oublions pas un détail extrêmement important : SNC-Lavalin s’est fait prendre par Élections Canada pour avoir versé plus de 100 000 $ en dons illégaux au Parti libéral du Canada. Plus ça va, et plus on dirait qu’il y a des règles pour les libéraux et leurs petits amis et d’autres pour le reste du monde. Ce n’est pas là le Canada pour lequel nos grands-parents se sont battus et ce n’est pas non plus le Canada que je souhaite laisser à mes petits-enfants.

En conséquence, la question, à savoir la primauté du droit, qui est notre principe constitutionnel le plus ancien et le plus fondamental, va droit au cœur de notre démocratie et de notre système de gouvernement. Cela signifie simplement que tous les citoyens sont assujettis également à la loi, quels que soient leur richesse, leur position dans la société ou les liens qu’ils ont noués avec le parti au pouvoir.

La protection de nos principes constitutionnels fondamentaux est un enjeu auquel le Sénat s’est toujours intéressé et qui fait partie de ses responsabilités. Le sénateur Harder, qui représente le gouvernement au Sénat, ainsi que certains sénateurs du groupe des sénateurs indépendants ne sont peut-être pas toujours d’accord avec moi et mes collègues conservateurs sur le rôle et les fonctions du Sénat, mais certainement pas à propos de ce rôle-ci.

À la lumière de l’importance constitutionnelle fondamentale des questions soulevées à la suite de ce scandale croissant, je dois avouer, honorables sénateurs, que je suis très troublé par ce que j’ai entendu dire ici dans le cadre des débats qui ont déjà eu lieu sur cette motion.

C’est une chose pour le sénateur Harder, le leader du gouvernement au Sénat, d’affirmer qu’il ne pense pas qu’il revienne au Sénat de jouer un rôle dans l’examen du scandale du premier ministre, puisqu’il est le sénateur à qui il revient au premier chef de présenter, de promouvoir et de défendre les projets de loi ministériels de même que le gouvernement. Je m’y attendais, même si j’avais espéré quelque chose de mieux de sa part. Comme l’un de mes collègues me l’a dit : « Il ne pouvait pas dire autre chose, n’est-ce pas? »

En revanche, je suis très troublé, étant donné ce qui est en jeu, de voir d’autres sénateurs, dont des indépendants, emboîter le pas en s’opposant à une enquête pour aller au fond de ce scandale. Pourquoi ne voudraient-ils pas aller au fond des choses, étant donné que le gouvernement fait son possible pour l’empêcher et ne fournit aucun détail ni argument convaincant pour réfuter les allégations les plus graves et les preuves fournies par l’ancienne procureure générale?

Les Canadiens veulent des réponses. Le Parti conservateur, le NPD et le Parti vert tentent d’obtenir des réponses à la Chambre des communes. Les journalistes tentent eux aussi d’obtenir des réponses. En fait, par l’entremise de ces institutions, des Canadiens font maintenant front commun pour essayer d’obtenir des réponses satisfaisantes et complètes et faire toute la lumière sur ce scandale. La presse et la Chambre des communes n’y sont pas parvenues jusqu’à maintenant. Dans le cas de la Chambre des communes, c’est à cause des tergiversations du gouvernement et des membres libéraux du Comité de la justice, dont je parlerai plus longuement dans quelques instants.

Depuis environ cinq semaines, le premier ministre cherche constamment à présenter le scandale sous un autre jour dans l’espoir que nous ne sachions jamais le fin mot de l’histoire. Les députés libéraux à la Chambre des communes, plus particulièrement au Comité de la justice, ont bloqué les efforts déployés pour faire toute la lumière sur ce scandale. Ils ont voté contre l’assermentation de témoins et contre une nouvelle convocation de Jody Wilson-Raybould alors qu’ils avaient permis au greffier du Conseil privé, Michael Wernick, de venir témoigner de nouveau.

Les députés libéraux qui font partie du Comité de la justice ont utilisé leur majorité pour protéger Justin Trudeau en ne permettant pas que d’autres témoins qu’il est nécessaire d’entendre comparaissent devant le comité. Qui plus est, pas plus tard que la semaine dernière, ils ont coupé court à la réunion d’urgence du comité chargé d’examiner l’affaire SNC-Lavalin. J’en dirai un peu plus là-dessus dans quelques instants.

Le premier ministre et le pouvoir exécutif, de concert avec leurs complices au sein du comité de la Chambre, participent à ce que l’on ne peut que qualifier d’opération de camouflage — j’utilise cette expression à dessein et en toute sincérité — pour prévenir la communication d’autres renseignements préjudiciables sur les rouages internes du bureau du premier ministre Trudeau.

Sénateurs, permettez-moi de répéter ce que le chef du Parti libéral Justin Trudeau a déclaré en 2014 :

Si le Sénat a un rôle à jouer, c’est assurément de servir de contrepoids au pouvoir extraordinaire que détiennent le premier ministre et son cabinet, surtout dans le cas d’un gouvernement majoritaire.

Collègues, le premier ministre Trudeau a fait campagne en disant aux Canadiens que son gouvernement et lui allaient rétablir un sentiment de confiance à l’égard de la démocratie et faire preuve de plus d’ouverture et de transparence.

Malgré les accusations dévastatrices de l’ancienne procureure générale, le premier ministre soutient toujours qu’aucun acte répréhensible n’a été commis.

Il est donc plus nécessaire que jamais d’obtenir tous les faits pertinents sur cette affaire. Une autre entité doit se pencher sur ce scandale.

Ces seuls arguments devraient donner aux sénateurs indépendants le mandat clair et le désir de se pencher de près sur le dossier et d’obtenir des réponses sur ce scandale qui, depuis des semaines, oblige le gouvernement Trudeau à ne faire presque rien d’autre que limiter les dégâts.

Sénateurs, j’aimerais revenir sur les arguments que le sénateur Harder, soit le représentant du premier ministre dans cette Chambre, a présentés pour justifier son opposition à cette motion et pour mettre en doute la pertinence de confier au Sénat la responsabilité d’étudier de près cette affaire très grave qui a plongé le gouvernement dans un scandale, voire une crise.

Le sénateur Harder a exprimé des réserves en disant que le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles devrait se concentrer sur l’étude des projets de loi ministériels, dont les projets de loi C-75 et C-78. Sénateur Harder, je suis conscient que vous avez la responsabilité de faire avancer le programme législatif du gouvernement. Or, je n’ai aucun doute que le comité, sous la présidence du sénateur Joyal, saura mener une étude adéquate, détaillée et non partisane sur cette affaire très grave tout en s’acquittant de ses autres responsabilités.

Avant tout, n’oublions pas la gravité des allégations voulant que le premier ministre du Canada et ses associés aient tenté de contourner la règle de droit à des fins politiques et partisanes pour aider des proches du gouvernement et essayer par le fait même de promouvoir ce que le premier ministre percevait comme un intérêt politique et partisan.

Honorables sénateurs, nous avons le devoir, l’obligation et la possibilité de protéger l’intégrité de nos institutions démocratiques et juridiques. C’est d’autant plus vrai lorsqu’elles pourraient faire face à la corruption. J’irais jusqu’à dire que le Sénat est fait sur mesure pour mener une enquête appropriée et complète sur ce scandale et pour aller au fond des choses.

Je veux aussi réfuter un autre argument du leader du gouvernement. Il a affirmé que le Sénat ne devrait pas s’en mêler étant donné qu’un processus juste et impartial est déjà en cours, soit l’enquête menée par le commissaire à l’éthique. Ce n’est pas la première fois que nous entendons les libéraux répéter ce mantra.

La portée de l’enquête du commissaire à l’éthique est très limitée en ce qui concerne les relations entre le premier ministre, l’ancienne procureure générale et leur personnel respectif. Par conséquent, le commissaire ne sera pas en mesure d’obtenir des réponses suffisantes pour les Canadiens dans ce dossier.

Soit dit en passant, le commissaire à l’éthique est malheureusement malade. Il ne pourra pas reprendre complètement ses activités avant au moins 30 à 45 jours, ce qui retardera la conclusion de l’enquête. Il est bien beau de dire que le bureau a la capacité de faire le travail, mais il n’y a qu’une seule personne qui peut présenter le rapport final, et c’est le commissaire.

Je tiens aussi à soulever le paradoxe dont a parlé le sénateur Harder, c’est-à-dire le fait que le commissaire à l’éthique est un mandataire non partisan et indépendant qui est crédible et digne de confiance. N’est-ce pas exactement la principale caractéristique attribuée au Sénat par le gouvernement et les sénateurs indépendants, ou est-ce un autre cas où les paroles du gouvernement ne reflètent pas ses gestes? Le premier ministre et le leader du gouvernement au Sénat craignent-ils tout simplement le résultat d’une enquête menée sous le contrôle majoritaire ultime des sénateurs indépendants? Étant donné le pouvoir, le mandat et la soi-disant indépendance du Sénat, n’est-il pas vrai que le gouvernement, par l’entremise de son porte-parole au Sénat, craint que nous puissions tirer ce scandale au clair?

Un autre argument soulevé par le leader du gouvernement au Sénat est que le décret levant le secret professionnel et l’obligation de confidentialité du cabinet de Mme Wilson-Raybould ne s’applique pas au Sénat et vise seulement le Comité de la justice de la Chambre des communes et le commissaire à l’éthique.

La solution à ce problème est entre les mains et fait partie des pouvoirs du premier ministre. Ce dernier peut et devrait simplement faire en sorte que le décret s’applique aux témoignages livrés ici. Par conséquent, le refus du gouvernement de prendre cette mesure n’est pas un argument valable pour nous empêcher d’enquêter sur cette affaire.

Comme je l’ai dit, le premier ministre Trudeau a fait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher l’ancienne procureure générale de dire ce qu’elle a appelé « ma vérité », c’est-à-dire toute son histoire. Cependant, après des semaines de pression, le premier ministre s’est finalement rendu compte que ce scandale n’allait pas disparaître, et il a permis à Mme Jody Wilson-Raybould de parler, mais en respectant ses conditions. Elle ne pouvait parler que de ce qui est arrivé avant le moment où elle a été rétrogradée au poste de ministre des Anciens Combattants.

Après le témoignage de Mme Jody Wilson-Raybould devant le Comité de la justice de la Chambre, le premier ministre a également fait comparaître de nouveau le greffier du Conseil privé, et a demandé à son ancien secrétaire principal, Gerald Butts, d’essayer de présenter une version du scandale le faisant bien paraître.

Il est manifeste que le Comité de la justice de la Chambre a été contrôlé par le cabinet du premier ministre grâce à la majorité libérale. Je trouve que c’est un grave problème. Cela ne poserait évidemment aucun problème si le Sénat, en tant qu’organisme indépendant, se penchait sur cette question. J’aurai d’autres choses à ajouter à ce sujet.

Honorables sénateurs, le sénateur Harder vous a présenté des arguments pour tenter de vous convaincre de ne pas faire votre devoir dans ce dossier. Toutefois, la seule question que vous devez vous poser est la suivante : souhaitez-vous faire partie du problème ou de la solution?

Permettez-moi maintenant d’aborder des questions que le sénateur Pratte a soulevées dans sa réponse à la motion visant la tenue d’une enquête au Sénat. Je respecte son expérience et ses connaissances. Cependant, malgré tout le respect que je lui dois, je crois qu’il a tort. Ses réflexions montrent qu’il a accordé beaucoup d’attention à cette affaire, et je l’en remercie.

Le sénateur Pratte a posé la question suivante : cette question mérite-t-elle de faire l’objet d’une enquête parlementaire?

Tout le monde est sans doute d’avis qu’il faut une enquête pour que les Canadiens obtiennent enfin les réponses à leurs nombreuses questions. Comme on a pu le constater, malheureusement, un comité de la Chambre des communes ne suffit pas, car beaucoup de protagonistes n’ont pas eu l’occasion de présenter leur version des faits. Pourquoi?

Premièrement, pour des raisons purement partisanes, la majorité libérale au sein du comité de la Chambre a refusé d’inviter l’ancienne procureure générale à témoigner une deuxième fois pour répondre aux témoignages livrés par le greffier du Conseil privé et par Gerald Butts, l’ancien secrétaire principal du premier ministre. Je reviendrai dans un moment à ce geste d’une partisanerie flagrante posé à cet égard cette semaine.

En outre, le comité de la Chambre n’a pas permis la comparution d’autres témoins pertinents, comme le premier ministre. Le comité a pourtant accepté d’entendre de nouveau le greffier du Conseil privé, un fonctionnaire non élu, sans permettre, je le répète, à l’ancienne procureure générale de faire de même.

Je veux faire valoir que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présidé par le sénateur libéral Joyal et constitué d’une majorité de sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, serait en mesure d’agir de manière tout à fait impartiale et rigoureuse.

Si je ne m’abuse, la composition exacte est de six membres du Groupe des sénateurs indépendants, une sénatrice non affiliée et quatre sénateurs conservateurs, ce qui place les membres du Groupe des sénateurs indépendants en position majoritaire. Comprenons-nous bien. Il ne s’agit pas de savoir qui a le plus de pouvoir, mais de permettre vraiment une bonne représentation.

C’est le comité sénatorial qui, vu son indépendance, est le mieux outillé pour mener une telle enquête.

Comme nous le savons, le comité sénatorial ferait également une bonne enquête et offrirait certainement l’occasion à l’ex-procureure générale de donner sa propre version complète des faits et de répliquer aux propos de M. Butts et du greffier, en plus de convoquer tous les témoins concernés à comparaître devant lui sans que, pour des raisons partisanes ou d’autres raisons, ils aient à craindre un traitement hostile ou ils bénéficient d’un traitement de faveur.

La deuxième question soulevée par le sénateur consiste à déterminer si c’est le rôle du Sénat d’enquêter dans cette affaire.

Autrement dit, ne devrait-on pas permettre au Sénat de mener une enquête plus adéquate que celle que la Chambre des communes effectue dans ce dossier? Le Sénat devrait avoir la possibilité de compléter le travail de la Chambre des communes, si nous sommes d’avis que son enquête est insuffisante et n’est pas assez approfondie ou que le comité de la Chambre montre clairement qu’il entend ne pas mener d’enquête approfondie et complète.

À maintes reprises, le sénateur Harder a avancé qu’il est tout à fait indiqué que le Sénat complète les enquêtes et les autres travaux insuffisants de la Chambre.

Comme il a déjà été mentionné, jusqu’à maintenant, l’approche de la majorité libérale au comité de la Chambre des communes a été de limiter les témoignages dans le but de mettre fin à l’enquête le plus rapidement possible. Compte tenu de cette approche, nous devrions adopter cette motion maintenant, puisque cela montrera notre détermination à remplir notre fonction. En fait, son adoption montrera au groupe majoritaire dans le comité de la Chambre ainsi qu’au gouvernement que nous sommes sérieux et que, s’ils ne font pas un travail exhaustif, nous sommes déterminés à nous en charger nous-mêmes.

La troisième question du sénateur Pratte se rapportait au moment choisi. Le Sénat devrait-il se pencher sur cette question maintenant ou attendre que la Chambre des communes ait terminé son travail?

Je suis d’accord avec le sénateur Pratte pour dire que le Sénat ne peut attendre le rapport du commissaire à l’éthique, car il pourrait arriver trop tard pour que nous puissions faire notre propre enquête. La présente législature tire à sa fin et l’élection générale arrivera par la suite. Ce serait ridicule de nous priver de l’occasion d’aller au fond des choses dans cette affaire, peu importe ce que nous pourrions trouver. Nous devons nous assurer de tenir le gouvernement et le premier ministre responsables de leurs actes devant les Canadiens.

Il est impératif que le Sénat se positionne pour être prêt à traiter cette question dès qu’il le faudra, et ce, bien avant la fin de l’actuelle législature. Voilà pourquoi il faut adopter la motion dès maintenant.

La dernière question qu’a soulevée le sénateur Pratte est la suivante : compte tenu du libellé de la motion, est-ce que le comité du Sénat est le bon outil?

D’après moi, le comité du Sénat est le meilleur outil. Quel autre outil parlementaire permettrait un examen adéquat et non partisan en profondeur?

La motion à l’étude est nécessairement anticipatoire, compte tenu de la nature constitutionnelle très sérieuse des questions en jeu, des actions prises jusqu’à maintenant par le Comité de la justice de la Chambre des communes et de son attitude. Le comité du Sénat pourrait avoir la latitude voulue pour choisir quand commencer ses travaux.

L’adoption de cette motion maintenant serait comme une mesure incitative. Ce serait comme l’épée de Damoclès au-dessus de la tête de ceux qui veulent empêcher le Parlement d’aller au fond de cette affaire pour encourager les autres, si on veut. Si personne ne peut traiter adéquatement et entièrement cette affaire, ce sera à nous au Sénat de le faire.

Le sénateur Pratte a affirmé qu’il considérait que cette motion repose sur des motivations partisanes. Si c’était le cas, pourquoi proposerait-elle que la question soit étudiée par un comité sénatorial présidé par un sénateur libéral au sein duquel le Groupe des sénateurs indépendants détient la majorité? On ne peut faire moins partisan.

Pour reprendre les paroles du sénateur Pratte :

[...] notre devoir en tant que législateurs indépendants n’est ni envers l’opposition ni envers le gouvernement. Notre devoir est de servir la vérité. En servant la vérité, nous servons les Canadiens.

L’adoption de la motion nous permettra de satisfaire les devoirs et les aspirations mentionnés par le sénateur Pratte.

J’espère avoir répondu aux préoccupations du sénateur Pratte.

Je tiens à terminer en faisant le point sur les développements récents.

J’ai reçu une note qui dit : « Nous avons appris ce soir que les députés libéraux membres du Comité de la justice ont envoyé une lettre dans laquelle ils prétendent avoir terminé l’étude de cette affaire. De plus, ils affirment avoir atteint leur objectif. »

Comme les honorables sénateurs le savent, nous avons été témoins du spectacle qui s’est déroulé au Comité de la justice de la Chambre des communes, alors que la majorité libérale a refusé de considérer de permettre à l’ancienne procureure générale de revenir devant le comité afin de terminer son témoignage et de répondre aux déclarations du greffier du Conseil privé et de l’ancien secrétaire principal du premier ministre.

Je tiens à lire de nouveau la note parce que je viens de la voir : « Nous avons appris ce soir que les députés libéraux membres du Comité de la justice ont envoyé une lettre dans laquelle ils prétendent avoir terminé leur travail dans cette étude. De plus, ils affirment avoir atteint leur objectif. »

Il est maintenant clair que le premier ministre et les libéraux à la Chambre des communes n’ont pas l’intention de permettre au comité de la Chambre de faire un travail complet et approfondi et de faire toute la lumière sur cette grave affaire.

Cette situation démontre clairement qu’il est essentiel pour le comité sénatorial de se pencher sur cette question, car il s’agit de la seule façon de faire toute la lumière sur cette affaire. Le Sénat a pour tradition d’être peu partisan et de mener des études approfondies. Il est donc très bien placé pour poursuivre le travail du comité de la Chambre des communes, maintenant que ce comité et le gouvernement sont résolus à fermer le dossier avant que les Canadiens puissent connaître le fin fond de l’histoire.

La motion à l’étude présente donc à la fois des possibilités et des défis, particulièrement pour les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants : ils ont ici l’occasion de démontrer l’indépendance dont ils parlent si souvent et si fièrement.

Si la motion à l’étude est rejetée, ce sera en raison des votes des sénateurs indépendants. Ils sembleront alors, malgré leurs affirmations, peu disposés à faire preuve d’indépendance envers le pouvoir politique et, dans le cas en question, envers le premier ministre lui-même.

L’heure de la vérité a sonné pour mes amis et collègues d’en face. Les gestes qu’ils poseront maintenant passeront à l’histoire.

J’ai besoin d’un peu de repos. Merci.

L’honorable Yuen Pau Woo [ + ]

L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Smith [ + ]

Je ferai de mon mieux.

Le sénateur Woo [ + ]

Je remercie le sénateur Smith d’avoir confirmé que les sénateurs indépendants ne sont pas partisans et vont réellement prendre des décisions indépendantes.

Vous avez laissé sous-entendre que votre propre groupe était partisan et adopterait une position partisane dans toute enquête ou étude éventuelle.

N’est-il donc pas indiqué dans ce cas que les sénateurs indépendants prennent en compte dans leur décision d’appuyer ou non la tenue d’une enquête le fait qu’un nombre important de sénateurs adopteront une approche partisane, ternissant ainsi le travail du comité et rendant l’étude inutile?

Le sénateur Smith [ + ]

J’avoue que j’ai l’impression d’être comme le sénateur Harder parfois.

Pour répondre à votre question, je pense qu’il faut bien retenir que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles est dirigé par un leader renommé, compétent et crédible, Serge Joyal, un homme qui, à mon avis, d’après ce que j’ai pu entendre depuis huit ans, est au-dessus de la partisanerie. J’ai appris une chose, soit d’écouter ce que les leaders ont à dire — j’ai probablement plus parlé ce soir que pendant n’importe quelle autre séance. Il est un des leaders que j’admire, et il le sait, car je le lui ai dit.

Si on regarde la composition du comité — je pense que c’est six, quatre et un —, il y a quatre conservateurs, mais les indépendants et les libéraux sont majoritaires et ont le pouvoir, si on veut utiliser ce mot, d’influer sur les décisions.

Je ne vois donc pas où vous voulez en venir en parlant de partisanerie chez les conservateurs. Nous sommes tous des Canadiens. Nous voyons peut-être les choses un peu différemment des personnes d’en face, mais nous savons respecter tout le monde. Voilà ce qui est important.

Nous nous disputons peut-être lorsque nous siégeons, mais en dehors des heures de séance, nous pouvons nous regarder droit dans les yeux, nous serrer la main et passer à autre chose. Toute personne qui pense autrement ne comprend pas pleinement comment fonctionne la politique. Je peux vous dire que j’ai déjà été critiqué parce que j’ai affirmé que la politique est semblable à un sport. En effet, la politique peut être un sport sanguinaire, selon la façon dont vous vous comportez. Or, nous sommes tous ici pour tenter de faire du Canada un meilleur pays, et la composition de ce comité donnera à ses membres le pouvoir de faire ce qui leur semble indiqué.

Il est important de reconnaître que nous avons présenté la motion afin que vous ne puissiez pas accuser les méchants conservateurs de partisanerie puisque le comité est composé d’une façon qui devrait lui permettre de faire son travail.

Ayant eu l’occasion et la chance de diriger les travaux d’un comité pendant quelques années, je dois dire que le travail accompli par les comités sénatoriaux est spectaculaire. Les comités font un excellent travail parce que leurs membres s’y investissent corps et âme et qu’ils se servent de leurs connaissances pour assurer leur bon fonctionnement. Je crois réellement que la façon dont ils sont constitués permet une telle chose.

Le sénateur Woo [ + ]

Je vous remercie, sénateur Smith, d’admettre que toute enquête de la part de votre groupe aurait une dimension partisane. Est-ce que vous convenez que, au moment de décider s’ils veulent appuyer l’amendement à la motion principale, les sénateurs indépendants devraient se demander dans quelle mesure la partisanerie pourrait gâcher l’enquête d’un comité et donc lui nuire?

Le sénateur Smith [ + ]

Je vous remercie de vos commentaires. Je ne voudrais pas que la discussion prenne une tournure négative, mais je trouve étrange que vous souleviez la question de la partisanerie. Toutes les personnes ici présentes ont des convictions politiques. C’est vrai pour les sénateurs de ce côté-ci de la Chambre, pour ceux au bout de l’allée et pour ceux de l’autre côté de la Chambre. Tout le monde a des convictions politiques. Je me demande donc pourquoi vous parlez de partisanerie.

Vous défendez des convictions politiques parce qu’elles vous sont chères. Je vous prie de ne pas dire que vous êtes les seuls à défendre des convictions politiques, contrairement à nous. C’est de la foutaise. C’est un manque d’honnêteté envers vous-même et envers les autres personnes ici présentes.

Si j’ai fait un commentaire déplacé, Votre Honneur, je m’en excuse, mais je crois quand même qu’il est important de rappeler à l’ordre ceux qui font des affirmations peu crédibles. Ce n’est pas une question de partisanerie. Il s’agit d’aller au fond...

Son Honneur le Président [ + ]

Je suis désolé de vous interrompre, sénateur Smith. Lorsque vous avez la parole, je vous invite à rester près de votre microphone. Autrement, nous ne pouvons pas vous entendre.

L’honorable Pierrette Ringuette [ + ]

Accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Smith [ + ]

Vous m’épuisez, sénatrice Ringuette. Je vais accepter une autre question parce qu’il faut faire avancer les choses.

La sénatrice Ringuette [ + ]

Vous êtes un athlète. Vous êtes capables d’en prendre.

Je voulais faire appel à la mémoire institutionnelle. Il y a quelques années à peine, le Sénat a été aux prises avec un « scandale ». Pouvez-vous me dire quel comité de la Chambre des communes a enquêté sur le scandale du Sénat?

Le sénateur Smith [ + ]

À ce que j’ai compris, tous les renseignements ont été divulgués. Si nous parlons du scandale qui a eu lieu il y a trois ou quatre années, je crois que, très tôt dans le processus, le premier ministre avait veillé à ce que tous les renseignements soient communiqués aux gens qui examinaient le dossier.

Je vais résumer la situation. Quelque chose s’est passé, c’est indéniable. Personne ne remet en question l’erreur de jugement. Personne ne la nie. Cependant, l’affaire actuelle dépasse l’erreur de jugement. Jetons un coup d’œil aux faits. Il s’agit de la primauté du droit. Par chance, j’ai passé mes examens à la faculté de droit de l’Université McGill. J’ai donc étudié ce qu’est la primauté du droit. C’est un principe fondamental de notre pays. Si nous ne défendons pas et que nous ne respectons pas la primauté du droit, nous nous exposons à des problèmes. Il faut être discipliné et s’appuyer sur un système de croyances. Au Canada, nous croyons en la primauté du droit. Ce fait est potentiellement remis en question parce que des allégations demeurent.

Comparons des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges. Autrement dit, adoptons une approche juste et équilibrée lorsque nous formulons des affirmations.

La sénatrice Ringuette [ + ]

La réponse courte à ma question, c’est aucun. La Chambre des communes ne s’est pas mêlée des affaires du Sénat. Elle n’a même pas demandé à son commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique de faire enquête. Vous dites qu’on doit comparer des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges, mais le fait est que, dans les deux cas, il s’agit de scandales allégués. Pourquoi le Sénat devrait-il intervenir dans un dossier qui concerne l’autre endroit? Quand le Sénat s’est retrouvé dans une posture semblable, l’autre endroit n’est pas intervenu et il a respecté le processus que nous avions instauré. Nous devrions faire de même.

Le sénateur Smith [ + ]

Je pourrais vous répondre que l’idée m’a bel et bien été suggérée par mes confrères. Nous voulons qu’un comité du Sénat s’intéresse aux activités de l’exécutif, pas de la Chambre des communes.

Son Honneur le Président [ + ]

Honorables sénateurs, la tradition a toujours été que, pour éviter la confusion, un seul sénateur à la fois a la parole.

La sénatrice Ringuette [ + ]

Précisément. Je crois que vous venez de donner la bonne réponse, celle que tous les honorables sénateurs devraient garder en tête. L’autre groupe parlementaire n’a pas jugé bon de faire enquête, et le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles non plus. Des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges, comme vous dites.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénateur Smith, un certain nombre d’autres sénateurs souhaitent poser une question. Acceptez-vous d’y répondre?

Le sénateur Smith [ + ]

Si vous permettez, Votre Honneur, je dois avouer que ma tension artérielle est plutôt élevée aujourd’hui. Je veux bien répondre à une autre question, mais pas plus, parce j’ai l’impression que la discussion ne mène nulle part pour le moment.

L’honorable Patrick Brazeau [ + ]

Le sénateur Smith accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Smith [ + ]

Je ferai de mon mieux, sénateur.

Le sénateur Brazeau [ + ]

Merci, sénateur Smith. J’ai écouté votre discours avec beaucoup d’intérêt. Je regrette d’avoir à le dire, mais je suis partisan des Alouettes. La qualité de leur jeu se détériore, à l’instar de celle de certaines de vos observations.

Avec mes collègues autochtones au Sénat, j’ai envisagé de faire quelque chose à propos de la façon dont le parti de l’ancienne ministre de la Justice, Mme Wilson-Raybould, l’aurait apparemment entachée ou traitée. En tant que sénateur autochtone indépendant qui était auparavant partisan... On ne peut pas dire que nous ne sommes pas partisans. Je vais parler en mon propre nom, mais vous étiez là en 2013, alors saviez-vous que, pour faire toute la lumière sur le fameux scandale du Sénat, j’ai demandé à votre parti — vous n’en étiez pas le leader à l’époque — de rendre publique et de téléviser toute enquête, quelle que soit la tribune, mais qu’il a refusé?

Parce que vous croyez si fermement en la primauté du droit, vous avez plutôt décidé de jeter certaines personnes dans la fosse aux lions en disant essentiellement qu’elles étaient coupables avant même qu’elles aient subi un procès adéquat, impartial et équitable.

Vous vous souviendrez sans doute que certains sénateurs — le sénateur Tkachuk, la sénatrice Stewart Olsen, l’ancienne sénatrice Marjory LeBreton — et Nigel Wright, l’ancien chef de cabinet du premier ministre Harper, ont aussi perdu leur emploi en raison de ce scandale présumé, créé de toutes pièces. Pourquoi proposez-vous que cette affaire soit traitée au Sénat alors que vous n’étiez pas prêt à faire de même en 2013?

Êtes-vous en train d’admettre essentiellement que vous étiez dans l’erreur? Les sénateurs d’en face ne devraient pas secouer la tête, car ils ont tous voté contre.

Le sénateur Smith [ + ]

Je suis conscient de l’expérience que vous ainsi que d’autres sénateurs avez vécue. Ce fut un épisode très malheureux pour tout le monde. Trois d’entre nous ont eu affaire au vérificateur général pendant 24 mois et ont fait l’objet d’accusations — je dirai des allégations inappropriées pour la plupart des personnes concernées. Il est regrettable que vous ayez eu à vivre cette expérience, mais c’est comme ça.

Je ne démentirai rien, mais je dirai ceci. Je n’affirme pas que j’aurais fait les choses autrement si j’avais été leader. Tout ce que je peux dire, c’est que je n’étais pas leader à l’époque.

Cette période a été éprouvante pour vous et pour d’autres sénateurs, mais nous nous penchons maintenant sur un autre incident. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est plus important que ce que vous avez vécu, puisque l’épreuve que vous avez subie est la chose la plus importante que vous avez vécu dans votre vie. Je le reconnais. Cependant, nous devons nous concentrer sur la question à l’étude aujourd’hui. Nous ne devrions pas ressasser le passé et comparer la situation actuelle à ce que vous et moi avons fait par le passé. Je ne dis pas que la situation actuelle est plus grave, mais que la situation et les allégations sont très graves. C’est une question qui ne concerne pas seulement certaines personnes, mais notre pays. Nous devons en tenir compte, mais j’ai beaucoup d’empathie pour vous. Je crois que vous êtes une bonne personne et je suis très fier de la façon dont vous vous êtes remis de cette épreuve.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénateur Smith, êtes-vous prêt à répondre à d’autres questions?

Le sénateur Smith [ + ]

Je vous dirais que je suis prêt à répondre à une question ou deux encore, mais, comme vous, je...

Le sénateur Brazeau [ + ]

Je serai très bref. Je vous remercie de vos bons mots. Il n’est pas question ici de fouiller dans le passé. Il faut se tourner vers l’avenir pour que ce qui s’est produit ici en 2013 n’arrive plus à personne, que ce soit dans cette enceinte ou à l’autre endroit.

Ce que j’essaie de dire, c’est que vous ne pouvez pas, après ce qui s’est passé en 2013, décider de tenter de faire ce que le Parti libéral est peut-être en train de tenter de faire aujourd’hui à l’autre endroit. On souhaite la tenue d’une enquête complète ou on ne la souhaite pas. Il faut être cohérent. Je n’ai pas de question à vous poser, mais je vous demande de vous tourner vers l’avenir et d’éviter de faire volte-face, car cela ruine la vie de certaines personnes.

Le sénateur Smith [ + ]

J’accepte ce que vous dites, mais ce qu’il est important de comprendre, ici, c’est que la motion a été présentée de telle sorte que, compte tenu de sa composition, le comité, qui est présidé par le sénateur Joyal, fera véritablement preuve d’indépendance, que ce soit aux yeux des sénateurs indépendants ou des leaders au Sénat. En tant qu’observateur, je pense donc que la partisanerie n’est pas un enjeu dans ce dossier.

Le comité se composera de quatre sénateurs conservateurs, qui devront exercer leur jugement dans leurs rapports avec les autres membres du comité, qui formeront la majorité. Vous ne pouvez donc pas dire que ce ne sera pas le cas. Nous tentons de créer le meilleur moyen possible d’obtenir tous les faits de manière non partisane. Les Canadiens veulent connaître les faits. Avez-vous déjà vu une telle frénésie de la part des médias et des Canadiens, qui souhaitent à tout prix connaître les faits? L’avez-vous constatée?

Le sénateur Brazeau [ + ]

Oui.

Le sénateur Smith [ + ]

Avec tout le respect que je vous dois, si j’avais été à votre place, j’aurais ressenti exactement la même chose. Toutefois, lorsqu’on compare les médias sociaux d’aujourd’hui à ce qui existait il y a quatre ou cinq ans, il faut admettre que les choses ont beaucoup changé. Nous tentons de trouver le moyen de répondre aux préoccupations de tous les sénateurs et de permettre une analyse juste de la situation.

Son Honneur le Président [ + ]

Je m’excuse, sénateur Brazeau, le sénateur Smith a dit qu’il accepterait seulement une question de plus, et la sénatrice Lankin s’est levée à quelques reprises.

L’honorable Frances Lankin [ + ]

Merci, sénateur Smith, de votre discours et des questions que vous avez abordées. Je suis d’accord avec vous sur une bonne partie de ce que vous avez dit; j’imagine que la plupart des sénateurs le sont. Je pense à l’importance de la primauté du droit et à l’importance de comprendre ce qui est arrivé, compte tenu des différents points de vue à ce sujet.

Je dirais que la cause dont vous parlez ne profiterait pas de l’emploi de mots comme « corruption ». Je ne sais pas si « corruption » est le terme juste, même si les faits, à mesure qu’ils sont dévoilés, semblent accabler l’organe exécutif ou le cabinet du premier ministre. Même si vos propos ont été équilibrés, surtout pendant les questions et les réponses, je pense que les allégations de partisanerie par rapport à la motion découlent du chahut des gens et de la jubilation exprimée à cette perspective.

Nous comprenons que nous sommes dans une période préélectorale et qu’il y a un intérêt partisan à s’éterniser sur le sujet. Tous ces éléments alimentent la situation, mais aucun d’eux n’écarte l’aspect politique de la question, à savoir si elle doit être examinée davantage et si le Sénat est le lieu approprié pour le faire.

Il y a deux semaines, j’espérais intervenir à ce sujet. Quand j’ai vérifié, on m’a dit que vous alliez demander l’ajournement. Je tenais à souligner que ce ne sont pas les gens de ce côté-ci qui ont causé des retards ou des blocages. Certains d’entre nous souhaitent prendre la parole à ce sujet. Pour ma part, je n’ai pas encore pris de décision. Je suis l’évolution du dossier et je viens tout juste d’apprendre, grâce à vos observations, que le comité de l’autre endroit n’entendra pas d’autres témoignages. Je dois donc tenir compte de ce nouvel élément.

Je vous demanderais de comprendre ma préoccupation. Quand il s’agit d’un enjeu aussi crucial que celui-là — un point sur lequel nous sommes d’accord —, ne serait-il pas préférable d’aborder l’étude, si nous la faisons, avec l’objectif d’aller au fond des choses, au lieu d’utiliser des mots propres à évoquer une réaction partisane, en déclarant d’ores et déjà qu’il y a corruption? Vous avez déjà souligné que nous n’avons pas tous les faits et qu’il s’agit d’allégations. J’aimerais donc savoir comment vous passez ainsi d’une position à l’autre.

Le sénateur Smith [ + ]

Il semble y avoir des faits qui ont été présentés par les diverses sources de collecte d’information qui mènent potentiellement à des conclusions et à des mots qui ont été prononcés, tels que corruption ou manipulation. Quoi qu’il en soit, comme vous l’avez dit plus tôt, tout dépend de votre perspective. Je crois que l’élément le plus important dans la rédaction collective de la motion était de déterminer qui pourrait être le leader le plus crédible pour examiner ce fait.

Nous en sommes venus à proposer le nom du sénateur Joyal, quoique, évidemment, nous devons demander officiellement la permission. Il s’agit d’une personne qui a fait ses preuves et qui, au fil de nombreuses années, a fait preuve d’une crédibilité et d’une compétence extraordinaires.

Le deuxième aspect était le fait que les sénateurs Woo, Plett et d’autres avaient participé à la création de ces comités. Des négociations difficiles ont eu lieu. Au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, une percée a été réalisée par le Groupe des sénateurs indépendants : il y détient la majorité des sièges.

En considérant le processus sous la direction du sénateur Joyal, il est devenu évident que le meilleur moyen de traiter de la question était d’éliminer tout risque de commentaires du genre « vous avez autant de représentants que nous et ce ne sera pas juste ». Ce risque est éliminé parce que nous avons fait en sorte que la personne qui dirigera l’exercice soit la personne appropriée, et que vous ayez la force de la majorité.

Par conséquent, si nous voulons honnêtement faire la lumière sur cette affaire et examinons l’expérience du comité libéral de la Chambre, je pense que nous poserions normalement les mêmes questions que nous posons actuellement au sujet de la clôture du débat, du refus d’inviter des témoins et du refus de permettre à tous les témoins de participer afin qu’ils puissent établir tous les faits. Je crois qu’il s’agit d’une affirmation exacte.

Je pense que l’idée est que, s’ils vont chercher le bon chef et jouissent d’une majorité de sénateurs indépendants, il y a d’autres sénateurs qui y mettront leur grain de sel. Il n’y a aucun doute à ce sujet. Cependant, il est aussi vrai que les chiffres favorisent les sénateurs indépendants. Pourquoi le comité ne peut-il pas faire son excellent travail comme d’habitude et découvrir tous les faits et ensuite se prononcer?

Le commissaire à l’éthique? Allons donc. L’imposition d’une amende de 200 $ à quelqu’un qui possède une propriété en France ou qui fait quelque chose pendant un voyage? Le commissaire à l’éthique dispose peut-être des pouvoirs d’un juge de la Cour supérieure, mais il n’a pas le pouvoir d’effectuer le même type d’analyse que le comité.

En y regardant bien, nous devons nous demander si nous faisons partie de la solution. Quelle est la réponse? C’est à chacun d’en décider. Quelle importance cela revêt-il pour chacun de vous que la primauté du droit soit un pilier? Nous avons chacun des piliers dans notre vie, mais c’est un pilier sur lequel le Canada s’est construit. Vous devez bien y réfléchir parce que cela pourrait vous aider à vous faire une idée.

Vous savez quoi? Comme l’a dit le sénateur Brazeau au sujet des choses du passé, des erreurs ont été commises. Que ce soit nous ou des gouvernements précédents, des erreurs ont été commises. Ainsi est faite l’existence humaine. Mais devinez quoi? Comme vous l’avez dit, sénateur Brazeau, nous voulons regarder vers l’avenir. J’estime qu’en formant ce comité, nous pourrions créer un précédent fantastique qui nous amènerait à former d’autres comités pour obtenir les résultats que nous voulons sur des enjeux importants.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénateur Smith, j’ai vu un autre sénateur se lever.

Sénateur Dalphond, voulez-vous poser une question?

Oui, monsieur le Président.

Son Honneur le Président [ + ]

Répondrez-vous à une autre question, sénateur Smith?

Le sénateur Smith [ + ]

Votre Honneur, puis-je faire une demande? Je suis allé visiter le Sénat d’un autre pays et je suis revenu en avion avec quelqu’un. Je souffre encore du décalage horaire, mais je répondrai à une seule autre question, car, après, j’aurai vraiment besoin d’une pilule.

Merci, cher collègue, de votre générosité. Ma question est simple, mais j’ai d’abord un préambule à faire.

Je conviens avec vous que le Sénat a le pouvoir de surveiller le gouvernement et de poser des questions. Il ne s’agit pas ici du verdict du Sénat et de la façon dont il se gouverne. Il s’agit de la manière dont le gouvernement est régi et de la manière dont il se comporte. Nous avons le droit de poser des questions au gouvernement et nous avons le droit de nous prononcer et de rédiger des rapports sur la séparation des pouvoirs et sur le rôle du procureur général par rapport à celui du ministre de la Justice dans tous ces enjeux qui sont fondamentaux dans un ordre constitutionnel comme le nôtre. Je suis tout à fait convaincu que c’est le rôle du Sénat de se pencher sérieusement sur ces questions.

Je m’interroge cependant sur la proposition que vous faites de voir le Comité de la justice se pencher sur ce dossier. Ainsi, au lieu de passer en revue le projet de loi C-58 dont il est saisi, au lieu de passer en revue le projet de loi C-78, qui modifie la Loi sur le divorce, ce qui intéresse des millions de Canadiens, et le projet de loi C-75, qui est lié à la décision Jordan rendue par la Cour suprême et qui apporte des améliorations au Code criminel, le comité retarderait ou sacrifierait ces projets de loi. Si nous renvoyons la question au comité et lui demandons de faire rapport d’ici juin, il ne fera rien d’autre d’ici là.

En conséquence, la motion ne devrait-elle pas être amendée et renvoyée à un comité spécial plutôt qu’au Comité de la justice?

Le sénateur Smith [ + ]

À première vue, j’estime que la question devrait être renvoyée au Comité de la justice. Le sénateur Harder, le sénateur Plett et moi avons discuté à maintes reprises de la façon d’organiser l’étude des projets de loi dont nous sommes saisis. En ce qui concerne les projets de loi que vous avez mentionnés, soit les projets de loi C-75 et C-78, entre autres, si on considère les études à faire...

Le sénateur Mercer [ + ]

Le sénateur Day n’était pas à la réunion?

Le sénateur Smith [ + ]

Il n’a peut-être pas assisté à cette réunion en particulier. Je suis désolé, sénateur Mercer. Si j’ai oublié de mentionner quelqu’un, je m’en excuse.

La sénatrice Lankin [ + ]

Nous savons que c’était une rencontre bilatérale.

Le sénateur Smith [ + ]

Si vous examinez les projets de loi sur la table et l’enjeu dont nous sommes saisis, vous devez vous poser la question suivante : quelle priorité devrait-on accorder à la question de la primauté du droit par rapport aux projets de loi sur la table?

Je considère que la primauté du droit est un principe fondamental de la société canadienne. Nous avons tous notre propre système de valeurs. Mes valeurs viennent de ma mère, la fille d’un ministre anglican, de mon grand-père et de ma mère. J’allais déjà à l’église quand j’avais six ans. Ma mère m’avait inculqué ses valeurs. Quant à mon père, c’était un homme formidable. Or, il est ici question de la primauté du droit, une valeur qui revêt une importance fondamentale dans la vie des Canadiens.

Comment pourrons-nous nous pencher là-dessus quand nous avons des projets de loi à étudier? Eh bien, je suppose que nous devrons améliorer nos compétences de gestion parce que lorsqu’un problème se présente, il faut trouver une façon de le gérer. À mon avis, le problème en question constitue probablement une grande priorité pour la société canadienne.

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