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Projet de loi de 2021 sur les opérations au port de Montréal

Rejet de la motion d'amendement

30 avril 2021


L’honorable Frances Lankin [ + ]

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-29 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 6, à la page 3, par adjonction, après la ligne 31, de ce qui suit :

« (3) Durant la période qui commence à l’entrée en vigueur de la présente loi et qui prend fin à l’expiration de la convention collective, telle que prorogée par le paragraphe 6(1), les employés bénéficient des conditions d’emploi qui étaient en vigueur au 9 avril 2021. ».

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénatrice Bellemare, avez-vous une question?

La sénatrice Bellemare [ + ]

Je voulais aussi parler de l’amendement.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Dalphond, avez-vous une question?

Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Il reste deux minutes pour poser des questions à la sénatrice Lankin.

Sénatrice Lankin, si votre amendement est adopté, nous devrons renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes et attendre sa réponse, ce qui pourrait retarder d’une semaine son adoption. Avez-vous songé aux répercussions sur la situation à Montréal?

La sénatrice Lankin [ + ]

Merci de votre question. Oui, assurément pour Montréal, pour le Québec et pour l’Ontario, ma province, il faut bien comprendre les impacts économiques potentiels qui ont été mentionnés, alors, oui, j’y ai pensé.

Si on pense à la rapidité avec laquelle nous avons traité les projets de loi concernant les mesures d’urgence en réponse à la COVID, je ne sais pas s’il faudrait une semaine. Il ne faudrait pas nécessairement une semaine. Cependant, il est absolument important que nous nous assurions que le projet de loi respecte le critère de l’atteinte minimale et qu’il réponde au déséquilibre entraîné par la persistance des risques pour les travailleurs causés par la modification unilatérale des dispositions relatives à la sécurité d’emploi. Cet amendement est nécessaire et mènera à une application équitable.

Comme je viens de parler des projets de loi relatifs aux mesures d’urgence en réponse à la COVID, je voudrais souligner que les choses auraient pu être faites différemment. J’en ai parlé lorsque le Sénat s’est formé en comité plénier plus tôt. Le projet de loi C-14 a récemment été renvoyé au Comité des finances, qui en a achevé l’étude aujourd’hui. Le Sénat l’étudiera mardi, je crois. Dans ce projet de loi, il y a une disposition qui permettra au gouvernement de mettre en place des règlements pour protéger les stocks de fournitures médicales et empêcher les pénuries, notamment des stocks de médicaments ou de composants de médicaments.

Je veux aussi souligner qu’on a bien offert de transporter les marchandises en question. Qu’on n’ait pas demandé au syndicat de décharger ces cargaisons en particulier m’indique qu’on a choisi une approche qui a laissé la situation s’envenimer.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénatrice Lankin, votre temps de parole est écoulé. La parole est au sénateur Gold.

Le sénateur Gold [ + ]

Merci, Votre Honneur.

Honorables sénateurs, tout d’abord, sénatrice Lankin, je vous remercie de vos interventions très éclairées et de vos gentils commentaires à propos de mes remarques. J’ajouterai que vous savez à quel point nous vous estimons au Sénat, surtout pour votre détermination à faire respecter la Charte et les droits des travailleuses et des travailleurs. Comme on dit en français :

— c’est tout à votre honneur.

Je ne répéterai pas ce que j’ai dit au sujet de la Constitution. Cependant, votre amendement ne répond pas à bon nombre des questions et des préoccupations que vous avez soulevées. Cela dit, avec tout le respect que je vous dois, honorables sénateurs, je maintiens que cet amendement est à la fois inutile et, à mon avis, inapproprié. Le gouvernement ne peut pas l’appuyer. Permettez-moi d’expliquer pourquoi.

Comme nous le savons, l’article 6 du projet de loi C-29 prévoit clairement que :

La convention collective est prorogée à compter du 1er janvier 2019 jusqu’à la prise d’effet d’une nouvelle convention collective à intervenir entre les parties.

Tout cela signifie que le projet de loi C-29 prévoit explicitement que la convention collective qui s’appliquait de 2013 à 2018 serait prolongée jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention collective.

Comme on nous l’a dit et signalé à maintes reprises, cette convention collective est celle qui a été négociée avec succès dans le passé par ces parties. Par conséquent, si le projet de loi C-29 est adopté, les parties seront tenues de respecter toutes les conditions de la convention collective jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention collective entre les deux parties.

Il est important de noter qu’aucune modification unilatérale apportée par l’une ou l’autre des parties ne serait maintenue après l’adoption du projet de loi C-29. La convention collective qui a expiré le 31 décembre 2018 serait maintenant en vigueur.

Selon le syndicat, deux mesures mises en œuvre par l’employeur depuis le 9 avril sont en cause, comme nous l’avons entendu. La première mesure concerne les heures rémunérées garanties, y compris les heures non travaillées. Le syndicat, l’employeur et la ministre nous ont confirmé que la mesure ne s’appliquerait plus, car elle n’est pas conforme à la convention collective de 2013-2018.

La deuxième mesure concerne les changements d’horaires de travail. Honorables sénateurs, je tiens à dire que la mesure est conforme à la convention collective que les parties ont conclue en 2013. Par conséquent, il s’agit d’une pratique qui fait partie des relations de travail depuis un certain temps déjà.

Qu’entend-on par là? On entend par là que le syndicat était pleinement au courant que l’employeur pouvait changer les horaires conformément à la convention collective en vigueur conclue entre les deux parties.

Honorables sénateurs, nous devons nous poser la question suivante. Est-ce le rôle du Sénat de supprimer des mesures visant à modifier une convention collective et de supprimer des mesures qui font partie d’une convention collective que les parties ont négociée entre elles?

La convention collective prévoit une mesure objective des conditions qui devraient s’appliquer aux parties pendant la médiation ou l’arbitrage, jusqu’à ce qu’une nouvelle convention soit conclue en suivant le processus prévu dans le projet de loi C-29. L’amendement proposé par la sénatrice Lankin modifierait cette mesure objective. Une question se pose, qui est peut-être théorique pour certains : le Sénat souhaite-t-il modifier d’autres éléments de la convention collective? Plus précisément, est-ce notre travail ou notre rôle de faire une telle chose? Je ne crois pas.

Selon moi, ce n’est pas le rôle du Parlement d’apporter des changements à une convention collective existante. C’est notamment pour cette raison que le gouvernement n’est pas prêt à accepter cet amendement.

Ultimement, et en dépit de tout cela, grâce aux travaux du Sénat, nous savons maintenant que cette mesure, qui respecte néanmoins la convention collective, sera aussi retirée avec le consentement de l’employeur. En effet, en répondant aux questions du sénateur Dalphond, M. Tessier s’est engagé clairement au nom de l’employeur à retirer la mesure concernant les horaires aussitôt que le projet de loi entrera en vigueur. Comme gage de sa bonne foi afin de reprendre les négociations au point neutre, il rétablira les conditions de travail d’avant le 9 avril. Je n’ai aucune raison de douter de l’engagement que M. Tessier a pris devant la Chambre haute du Canada et le grand public.

Par conséquent, même s’il était souhaitable, ce qui n’est pas l’avis du gouvernement, l’amendement de la sénatrice Lankin n’est tout simplement pas nécessaire. De plus, chers collègues, je crois qu’il est important que nous tenions compte des problèmes très concrets que nous aurions si nous renvoyions cet amendement à la Chambre des communes, surtout dans un contexte de gouvernement minoritaire. Nous sommes ici aujourd’hui parce que le Sénat a été rappelé pour étudier le projet de loi C-29 étant donné qu’il s’agit d’un enjeu urgent pour le Canada, particulièrement dans le contexte de la pandémie actuelle. Présenter un amendement à cette étape-ci du processus aurait pour effet de laisser le projet de loi en suspens pendant trop longtemps, même si on imagine un scénario idéal dans lequel le gouvernement obtiendrait l’appui d’un autre parti et pourrait ainsi imposer l’attribution de temps à la Chambre des communes. L’adoption de ce projet de loi serait alors retardée de près d’une semaine.

Il n’est pas exagéré d’imaginer un retard d’une semaine, à tout le moins, ce qui entraînerait toutes les conséquences déjà mentionnées, sur lesquelles je ne m’attarderai pas.

Comme le coût de cet arrêt de travail se situe quelque part entre 40 et 100 millions de dollars, selon les estimations, et que des centaines de milliers d’emplois pourraient en souffrir, ce serait un lourd prix à payer pour les Canadiens, alors que nous savons qu’une mesure pourrait être en place dès demain.

Honorables collègues, à mon humble avis, si nous voulons agir de façon responsable, nous devons adopter le projet de loi à l’étude afin que le port de Montréal puisse rouvrir et que les parties entament rapidement le processus de résolution des différends de manière à trouver une solution stable et durable. Je vous remercie de votre attention.

L’honorable Diane Bellemare [ + ]

J’aimerais aussi intervenir contre l’amendement proposé.

Il est évident qu’en entendant M. Murray, conseiller syndical, cet après-midi, ma première réaction a été de me dire que c’était une bonne idée d’amender le projet de loi pour faire en sorte que les conditions de travail prévalant au 9 avril soient rétablies.

Cependant, après que nous avons entendu les témoins, mon avis a évolué.

D’abord, parce que le paragraphe 6(1) du projet de loi est clair, et que l’on rétablit les conditions d’emploi conformément à la convention collective antérieure, ce qui vient régler le problème des salaires pour les syndicats.

Deuxièmement, le témoignage du représentant patronal m’a convaincue sur le fait qu’ils sont prêts à retirer leur proposition concernant les quarts de travail et les échéanciers. De plus, les syndicats ont dit et répété que si ces deux conditions étaient assurées, ils retourneraient au travail et mettraient fin à la grève.

Donc, comme ces deux conditions sont, à mon avis, rétablies dans le contexte du projet de loi et des témoignages que nous avons entendus, et étant donné que ce n’est pas notre rôle d’intervenir dans le processus des négociations, je crois qu’il est légitime de voter en faveur de ce projet de loi pour mettre fin à un conflit très coûteux, et aussi parce que ce projet de loi fait presque l’unanimité au Québec.

En tant que sénatrice du Québec, je voterai contre l’amendement, mais en faveur du projet de loi C-29.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Est-ce que vous voulez participer au débat, sénateur Dalphond?

Oui, madame la Présidente.

Tout d’abord, je souscris aux propos du sénateur Gold. Il s’est exprimé plus éloquemment que je n’aurais pu le faire.

J’ajouterais que je suis aussi d’accord avec ma collègue la sénatrice Bellemare.

Pour ces motifs, je voterai contre l’amendement et je demande que nous mettions la question aux voix.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Est-ce que d’autres sénateurs veulent prendre la parole?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Que tous ceux qui s’opposent à la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Que tous ceux qui sont en faveur de la motion et qui sont présents dans la salle du Sénat veuillent bien dire oui.

Que tous ceux qui sont contre la motion et qui sont présents dans la salle du Sénat veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

À mon avis, les non l’emportent. Je ne vois pas de sénateur qui se lève. La motion est rejetée.

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