La Loi sur les douanes—La Loi sur le précontrôle (2016)
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Débat
11 mai 2022
Honorables sénatrices et sénateurs, alors que nous nous préparons à terminer le débat de principe à l’égard du projet de loi S-7, permettez-moi de faire quelques commentaires qui pourraient être utiles lors de l’étude en comité.
D’entrée de jeu, je tiens à remercier la sénatrice Boniface pour son discours du 28 avril qui a très bien expliqué l’origine du projet de loi et son contenu. Il s’agit essentiellement d’une proposition du gouvernement d’assujettir l’examen ou la fouille d’appareils numériques personnels comme les téléphones intelligents, les tablettes et les ordinateurs à l’existence au préalable, selon l’agent des douanes, de préoccupations générales raisonnables qu’une infraction aux lois qu’il est chargé d’appliquer a été commise.
Comme l’a mentionné la sénatrice, ce projet de loi est la réponse proposée par le gouvernement à la suite d’une décision rendue par la Cour d’appel de l’Alberta le 29 octobre 2020 dans l’affaire Canfield, qui a conclu que l’application à ces appareils de l’alinéa 99(1)a) de la Loi sur les douanes en matière d’inspection de biens représentait une violation de l’article 8 de la Charte des droits et libertés qui garantit une sphère d’autonomie et de vie privée à tous les citoyens canadiens. Cet arrêt a aussi accordé au Parlement 12 mois pour corriger la situation, délai qui a ensuite été prolongé au 28 avril 2022, mais non par la suite.
Dans un jugement de la Cour supérieure de l’Ontario rendu le 14 avril dernier, soit après le dépôt du projet de loi, dans l’affaire Pike, cette cour est arrivée à la même conclusion que la Cour d’appel de l’Alberta. Le juge a aussi refusé d’accorder un nouveau délai d’un an au gouvernement et a préféré s’en tenir au délai arrêté par la Cour d’appel de l’Alberta. Le résultat de ces deux jugements est le suivant : depuis le 29 avril 2022, tant en Alberta qu’en Ontario, les agents des douanes ne peuvent procéder à la fouille d’un des appareils numériques mentionnés précédemment que s’ils ont des soupçons raisonnables de croire qu’une infraction à une loi applicable par eux a été commise.
Cela veut dire qu’en ce moment, à l’aéroport le plus achalandé du Canada, l’aéroport international Pearson de Toronto, les agents des douanes ne peuvent demander d’avoir accès au contenu d’un dispositif numérique que s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner qu’il contient un document que l’on ne peut pas importer légalement au Canada. Bien sûr, cela vaut pour tous les aéroports internationaux en Alberta et en Ontario, ainsi que pour tous les postes de douane frontaliers dans ces deux provinces. En d’autres mots, depuis le 29 avril, pour une grande partie des voyageurs qui entrent au Canada, leurs dispositifs personnels peuvent seulement faire l’objet d’une fouille si l’agent des douanes a des motifs raisonnables de soupçonner que le voyageur tente d’importer du contenu illégal. C’est un critère que la sénatrice Boniface a décrit — avec raison — comme étant plus strict que celui que propose le projet de loi.
Lorsque le comité étudiera le projet de loi, il devrait se pencher sur ce nouveau fait important pour mesurer, le cas échéant, les difficultés dans les opérations douanières en Alberta et en Ontario par rapport à celles dans le reste du Canada. En effet, les autres provinces et territoires peuvent continuer d’utiliser le régime existant, où les agents des douanes appliquent l’alinéa 99(1)a) de la Loi sur les douanes pour fouiller des appareils personnels, étant seulement limités par les lignes directrices émises par l’Agence des services frontaliers du Canada. La Cour d’appel de l’Alberta et la Cour supérieure de l’Ontario ont toutes les deux déclaré que ces lignes directrices sont insuffisantes pour répondre aux exigences juridiques parce qu’elles ne sont pas juridiquement contraignantes.
Soit dit en passant, c’est le même critère que les agents des douanes ont toujours appliqué à l’inspection des envois postaux, sans qu’ils se plaignent d’être incapables d’empêcher les produits illégaux comme la pornographie juvénile d’être importés au Canada par la poste. Il s’agit sans doute d’un autre aspect du système actuel qui pourrait être étudié en comité.
Comme l’a souligné la Cour d’appel de l’Alberta, le contenu d’un dispositif personnel est infiniment plus vaste en ce qui a trait aux renseignements personnels que ce qu’on trouverait dans une lettre, même une lettre très longue.