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Projet de loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé

Projet de loi modificatif--Message des Communes--Motion d’adoption des amendements des Commune--Report du vote

8 juin 2023


L’honorable Dennis Glen Patterson [ - ]

Honorables sénateurs, il y a près d’un an, le 22 juin 2022, au Sénat, j’ai participé au débat sur le projet de loi S-5, et je me suis exprimé sur les changements que j’estimais nécessaires non seulement pour renforcer le projet de loi, mais aussi pour qu’il réponde véritablement aux préoccupations importantes et légitimes dont des intervenants m’avaient fait part et qu’ils avaient exprimées plus tard au comité.

À ma grande déception, bien que ces amendements aient été adoptés par le comité, ils ont par la suite été rejetés par le même comité lorsque celui-ci a dû, de façon inattendue, reprendre l’étude article par article du projet de loi qui avait pris une semaine, parce que la participation virtuelle d’un sénateur membre de notre comité avait été jugée irrecevable en raison du fait qu’il se trouvait à l’étranger à ce moment-là.

J’ai été assez exaspéré de voir des amendements adoptés par le comité, puis rejetés lors d’une mise aux voix ultérieure, après que le gouvernement ait eu le temps de formuler des objections. Pour couronner le tout, en recevant le message dont nous sommes saisis aujourd’hui, nous avons pu constater que d’autres amendements que j’avais proposés ont été supprimés par l’autre endroit, ce qui fait que le projet de loi n’est pas aussi efficace qu’il pourrait l’être.

Les amendements sur les organismes génétiquement modifiés que j’ai proposé d’apporter à l’article 39.1 visaient à donner suite aux préoccupations alarmantes et très judicieuses de Nature Canada et d’autres témoins ayant comparu devant le Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Ils amélioraient la transparence et donnaient plus souvent l’occasion à la population de donner son avis lorsque le ministère envisage d’autoriser la vente et la reproduction d’organismes génétiquement modifiés au Canada.

J’ai été déçu que ces amendements soient supprimés, lors de l’étude en comité de la Chambre des communes, et remplacés, comme on peut le voir dans ce message, par des versions édulcorées qui ne prévoient pas de processus rigoureux de réglementation qui favorise la tenue de véritables consultations. J’ajouterais que mes recommandations avaient l’aval de l’Assemblée des Premières Nations et de la Fédération du saumon atlantique.

Dans ce message décevant, on peut voir que la seule chose nécessaire est la publication d’un avis de consultation, et que « les ministres consultent toute personne intéressée avant l’expiration du délai d’évaluation de ces renseignements ». Contrairement au libellé que je proposais afin que la population puisse participer concrètement au processus, l’expression « toute personne intéressée » oblige la population à se tenir au courant des derniers développements en matière de réglementation. Elle n’oblige pas le gouvernement à prendre d’autres mesures que le simple fait de publier un avis de consultation sur un site gouvernemental que la plupart des gens ne verront pas ou ne réussiront pas à trouver.

Cela me rappelle encore une fois Mme Karen Wristen, de l’organisme Living Oceans. Elle a dit au comité qu’elle avait été surprise qu’une nouvelle espèce de saumon de l’Atlantique génétiquement modifiée ait été introduite dans les eaux canadiennes de l’Île-du-Prince-Édouard. Cette avocate est très active au sein des ONG s’occupant d’environnement, et elle n’en revenait pas — et moi non plus — que cet événement ait échappé à sa connaissance. Je me demande donc qui sont les parties intéressées qui seraient tenues au courant des consultations et qui seraient invitées à donner leur point de vue au ministre.

Avant de rédiger ma réponse à ce message, j’ai pris soin de consulter MM. Hugh Benevides et Mark Butler, de Nature Canada, afin de savoir ce qu’ils avaient pensé des délibérations de l’autre endroit, car j’estime qu’il est de notre devoir, en tant que sénateurs, de faire entendre la voix des personnes marginalisées tout au long du processus législatif. Selon ce qu’ils m’ont dit, des compromis ont été proposés afin de trouver un juste milieu entre les amendements adoptés par notre comité et ceux de l’autre endroit. Ils espéraient que toutes les parties seraient satisfaites de ces compromis et adopteraient les recommandations qui leur avaient été faites afin que les sénateurs soient eux aussi satisfaits du message qui leur serait envoyé, puisque les amendements proposés auraient permis une certaine participation du public à l’exercice extrêmement important d’évaluation des risques.

Toutefois, l’autre endroit a rejeté cette offre de compromis. Il n’y a maintenant aucune garantie que les ministres responsables de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement vont déterminer que des personnes sont intéressées et qu’elles devraient donc être consultées. Cela reste à l’entière discrétion du ministre, dans un ministère qui ne semble pas considérer que la question d’organismes génétiquement modifiés qu’on introduit au Canada a la moindre importance. Il n’y a aucune exigence en ce qui concerne le type ou la qualité de la consultation, pas plus qu’au sujet des données qui doivent en faire partie. Les amendements adoptés à l’autre endroit ne prévoient pas non plus que la réglementation doive tenir compte des connaissances autochtones ou de données scientifiques provenant d’autres parties prenantes, à part bien sûr le promoteur — manifestement mû par ses propres intérêts — ou le gouvernement.

D’autre part, avec les amendements de compromis à l’article 108.1 les ministres ne détermineraient pas qui pourrait être intéressé. L’occasion de « [...] présenter des connaissances autochtones et des renseignements scientifiques utiles [...] » ne dépendrait pas de la décision décrite au paragraphe 108.1(1).

Au lieu de cela, un promoteur déposant des renseignements indiquant qu’il souhaite fabriquer ou importer un nouvel organisme vivant aux termes de l’article 106 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement déclencherait la publication automatique de ce fait dans le Registre de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement — c’est le paragraphe 108.1(2) —, informant ainsi les peuples autochtones et le public de la proposition d’introduction d’un nouvel organisme vivant. Or, rien de tel ne s’est produit dans le cas du saumon génétiquement modifié, ce qui a contraint des membres du public à demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale.

L’amendement proposé à l’article 114, qui permet de prendre des règlements, autoriserait simplement le gouvernement, à la suite de sa réforme, toujours promise, mais encore à venir, du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles (organismes), à y inclure des dispositions sur la manière dont le régisseur peut recevoir « [...] toute connaissance autochtone et information scientifique pertinente [...] » afin qu’elle puisse être prise en compte dans le cadre de l’évaluation.

Chers collègues, comme nous l’avons entendu, c’est la première fois depuis des dizaines d’années que la Loi canadienne sur la protection de l’environnement est modifiée de manière substantielle. Le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de l’autre endroit, après avoir étudié attentivement ces questions, a recommandé en 2017 que :

Le Comité recommande que la [Loi canadienne sur la protection de l’environnement] soit modifiée de manière à mettre en place un processus d’évaluation des risques plus ouvert, exhaustif et transparent qui favorise davantage la participation du public à l’évaluation des nouveaux organismes vivants modifiés.

Parce que cette recommandation claire a été présentée après une étude exhaustive et réfléchie par un comité de l’autre endroit, je trouvais important que nous saisissions l’occasion, au Sénat, de la mettre en œuvre au lieu de la laisser rejoindre d’autres rapports parlementaires qui dorment sur des tablettes à accumuler de la poussière.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui parce que je suis extrêmement déçu du long parcours sinueux qu’a dû emprunter le projet de loi tout au long du processus législatif. Je trouve malheureux que nous ayons laissé passer l’occasion d’obtenir une participation significative du public au sujet d’une décision aussi grave que celle de permettre l’introduction d’organismes génétiquement modifiés au Canada, y compris des individus d’une espèce emblématique comme le saumon de l’Atlantique. Nous avons ici un exemple concret des dangers associés à ce projet de loi édulcoré. C’est pour cette raison que je n’appuierai pas le message.

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du message sur le projet de loi S-5, la mise à jour de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement proposée par le ministre Guilbeault. Le projet de loi S-5 apportera à cette loi des modifications intéressantes et opportunes; par exemple, le Canada suivra l’exemple du Québec en reconnaissant le droit des citoyens à un environnement sain. Dans ce message, la Chambre des communes accepte et améliore même les nombreux amendements du Sénat visant à minimiser et, espérons-le, à éliminer la pratique cruelle des essais de toxicité sur des animaux. Je remercie le ministre Guilbeault et le sénateur Gold de ce résultat fantastique dont peuvent se réjouir les Canadiens, le gouvernement et les deux Chambres.

Honorables collègues, pour mettre les choses en contexte, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement est une loi importante qui sert déjà à interdire les microbilles de plastique dans les articles de toilette, à interdire l’amiante et à empêcher l’utilisation de produits chimiques dangereux dans les biberons. L’année dernière, le gouvernement a utilisé cette loi pour interdire les plastiques à usage unique, ainsi que pour lutter contre la pollution plastique qui envahit nos cours d’eau et nos océans et tue des espèces marines comme les baleines et les tortues de mer. Ce changement est contesté devant les tribunaux par Dow, Impériale et d’autres représentants des gros producteurs de plastique, de même que par les gouvernements de l’Alberta et de la Saskatchewan.

Cependant, concentrons-nous sur les aspects positifs de ce message sur le projet de loi S-5, en particulier l’acceptation et l’amélioration des amendements du Sénat visant à réduire et, espérons-le, à éliminer progressivement les essais de toxicité sur les animaux.

Comme les sénateurs s’en souviennent peut-être, lors de la période des questions du 3 mars 2022, j’ai demandé au ministre Guilbeault si le gouvernement était ouvert à des amendements du Sénat pour renforcer le projet de loi S-5 afin d’aider le gouvernement à respecter sa promesse électorale d’éliminer progressivement les essais de produits chimiques sur les animaux d’ici 2035. Le ministre a répondu oui avec enthousiasme, ce qui montre que la période des questions aux ministres peut être utile.

Aujourd’hui, je tiens également à remercier la sénatrice Galvez, qui a accepté de présenter quelques amendements rédigés par mon équipe avec l’aide d’associations de défense des droits des animaux. Grâce à l’ouverture du ministre et à la volonté de la sénatrice Galvez de participer à l’aventure et grâce à nous tous et aux efforts déployés, nous avons un projet de loi qui est maintenant sur le point d’être envoyé à Rideau Hall et qui contient des dispositions sur les essais sur les animaux.

Ce changement est important. Comme je l’ai dit à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-5, les essais de toxicité constituent la plus nuisible et la plus douloureuse des utilisations des animaux dans le domaine de la recherche scientifique. Des essais de toxicité ont été effectués sur environ 90 000 animaux en 2019 seulement. De plus, ces essais font partie de la catégorie E des techniques d’expérimentation du Conseil canadien de protection des animaux. Qu’est-ce qu’un essai de catégorie E? Les essais de catégorie E sont les essais les plus douloureux qui peuvent être effectués sur des animaux. Ils peuvent causer la mort, des douleurs intenses ou une très grande détresse, et peuvent inclure l’infliction de brûlures ou de traumatismes sans l’usage d’anesthésiques, et l’ingestion forcée ou l’application topique de substances mortelles.

J’ai été choqué d’apprendre à quel point ces tests étaient pratiqués au Canada. J’ai également été surpris d’apprendre qu’un grand nombre d’espèces étaient soumises à des essais de catégorie E. En effet, ces essais sont effectués sur des cochons d’Inde, des lapins, des souris et d’autres petits mammifères, mais aussi sur des cochons, des moutons, des castors, des poulets, des dindes, des colibris et de nombreux poissons de mer et d’eau douce. En envoyant ce message, nous faisons un grand pas vers un Canada plus compatissant et plus humain, et nous reconnaissons que ces animaux sont nos semblables et qu’ils sont des êtres sensibles qui méritent notre respect.

Grâce à l’ouverture d’esprit du ministre Guilbeault et à l’aide de la sénatrice Galvez, cette promesse a pu se concrétiser.

Je tiens également à remercier et à féliciter les organisations qui ont contribué à ce succès.

Il s’agit d’Animal Justice Canada, de Humane Canada, du Canadian Centre for Alternatives to Animal Methods, Humane Society International/Canada et la Canadian Society for Humane Science.

Camille Labchuk, avocate et directrice générale d’Animal Justice, un organisme national de défense des droits des animaux, nous adresse le message suivant, sénateurs :

Les amendements au projet de loi S-5 défendus par les sénateurs ont amélioré le préambule ambitieux initialement inclus dans le projet de loi. Nous avons maintenant une voie audacieuse et concrète à suivre, visant à exclure définitivement les animaux des essais de toxicité douloureux. Cela nous permettra d’être plus en phase avec les autres administrations qui sont à l’avant-garde du changement concernant l’utilisation des animaux dans la science, comme les États-Unis et l’Union européenne.

Les amants des animaux de tout le pays sont reconnaissants aux sénateurs de leur travail sur ce projet de loi et sur bien d’autres. Le Sénat a été un véritable chef de file pour faire évoluer les lois canadiennes désuètes sur la protection des animaux, qu’il s’agisse des animaux utilisés dans les essais, dont les essais de cosmétiques, des baleines et des dauphins emprisonnés dans les aquariums, des requins tués pour leurs ailerons ou d’autres animaux sauvages en captivité.

Dans le cadre de cette formidable réussite, je tiens à saluer tout particulièrement Kaitlyn Mitchell, avocate-conseil d’Animal Justice. Son expertise a été déterminante dans l’élaboration de nos amendements sénatoriaux concernant les essais de toxicité sur les animaux. Où que se trouve Mme Mitchell aujourd’hui, je lui dis merci et je l’invite à se lever et à nous saluer. Grâce à votre détermination et à vos compétences juridiques, vous avez évité à d’innombrables animaux de connaître une fin horrible et douloureuse.

Je n’ai aucun doute que les sénateurs se joindront à moi pour féliciter Mme Mitchell ainsi que l’ensemble des organisations et des personnes qui ont contribué à atteindre ce remarquable jalon.

Pour poursuivre sur cette lancée de bonnes nouvelles, avec le projet de loi C-47, la loi portant exécution du budget, le gouvernement prend les moyens pour mettre fin aux essais effectués sur des animaux dans le domaine des cosmétiques. Ces mesures législatives réalisent l’objectif de l’ancienne sénatrice Carolyn Stewart Olsen, quand elle avait présenté son projet de loi durant la 42e législature.

Le gouvernement du Canada fait des progrès sur plusieurs aspects relatifs au bien-être des animaux en donnant suite à ses promesses électorales dans ce domaine, et d’autres avancées sont à venir. Ces progrès sont une source de célébration en cette période de crise climatique majeure qui affecte l’environnement et les animaux. D’ailleurs, le sénateur Murray Sinclair nous a enseigné à avoir de l’empathie envers toutes les formes de vie dans notre démarche de réconciliation.

Par conséquent, j’ai bon espoir que mes collègues se joindront à moi pour agréer cet excellent message de l’autre endroit, qui est très bien reçu.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du message de la Chambre des communes sur le projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé.

Comme vous le savez tous, à votre grande joie sans doute, je dispose d’un temps illimité pour m’exprimer aujourd’hui. Alors, afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur l’objet du vote, j’ai pensé qu’il serait bon de commencer par lire en entier le message dont nous a informés la présidence l’autre jour, à moins que l’un d’entre vous propose de m’en dispenser. Je pourrais me laisser convaincre.

Le sénateur Plett [ - ]

Très bien. Une fois suffit, et je suis persuadé que tous les sénateurs sont d’accord.

Le Sénat a adopté le projet de loi S-5 et l’a renvoyé à la Chambre des communes le 22 juin 2022, c’est-à-dire il y a 351 jours. Pour un projet de loi que le gouvernement était pressé de faire adopter — c’est pour cette raison qu’il a d’abord été présenté au Sénat —, on peut dire que les choses ont avancé à pas de tortue. Le projet de loi C-28, qui était identique au projet de loi S-5, a d’abord été présenté en avril 2021, lors de la dernière législature. Il y a donc deux ans — heureusement que c’était pressant.

Comme mon collègue conservateur de la Chambre des communes l’a dit il y a quelques semaines, si les choses ont avancé lentement, c’est carrément la faute du premier ministre, qui a égoïstement déclenché des élections coûteuses et inutiles dans l’espoir — mais sans succès — d’obtenir la majorité parlementaire que les Canadiens lui avaient refusée en 2019. Chers collègues, cet échec a coûté 600 millions de dollars aux contribuables; 600 millions de dollars pour en arriver essentiellement au même gouvernement minoritaire que M. Trudeau dirigeait avant les élections.

J’exagère, bien sûr. Il ne s’agit pas exactement du même gouvernement minoritaire que les Canadiens lui ont imposé en 2019. Il s’agit maintenant d’une coalition coûteuse entre le NPD et le Parti libéral pour laquelle aucun Canadien n’a voté.

Une somme de 600 millions de dollars — imaginez si cet argent avait été consacré à l’environnement. Bon, à voir le triste bilan du gouvernement dans ce dossier, ces millions auraient quand même été gaspillés, mais différemment. Une chose est sûre : le gouvernement promet terre et monde dans le dossier de l’environnement, mais il ne fait à peu près rien. Pendant toutes leurs années au pouvoir, les libéraux n’ont par exemple jamais atteint la moindre cible de réduction des émissions de gaz carbonique, cibles qui avaient été adoptées par le gouvernement Harper et que les libéraux ont vertement dénoncées pendant la campagne électorale de 2015 — pour finalement les adopter eux-mêmes par la suite.

Les émissions de gaz carbonique n’ont pas diminué depuis que le gouvernement libéral—néo-démocrate est aux commandes, elles ont augmenté — malgré la tant vantée taxe sur le carbone, qui constitue un fiasco aussi total qu’abject et qui coûte une fortune aux Canadiens, alors que l’inflation fait des siennes et que les taux d’intérêt sont à la hausse — au pire moment qui soit, bref.

Le gouvernement a beau vanter les remboursements de la taxe sur le carbone, le directeur parlementaire du budget a clairement dit que cette taxe coûte plus cher à la majorité des Canadiens que ce qu’ils reçoivent en remboursements. L’année dernière, le commissaire à l’environnement a publié 10 rapports sur la manière dont le gouvernement libéral protège l’environnement. Plus de la moitié d’entre eux montrent que ce dernier a failli à la tâche.

Même les Nations unies ont jugé bon de s’en mêler. Elles ont en effet constaté, dans un rapport publié lors de la COP 27, en Égypte, que le Canada arrive au 58e rang sur 63 pays dans le dossier de l’environnement.

« Le Canada est de retour » a clamé Justin Trudeau lors de la conférence de la COP 21 à Paris. Le Canada est de retour, peut-être, mais en queue de peloton, en 58e position.

Je ne m’étendrai pas sur les détails du projet de loi ou du message. Les deux Chambres du Parlement ont déjà consacré beaucoup de temps à ce dossier. Ces efforts ont collectivement abouti à un projet de loi qui avait le soutien de tous les partis ainsi que celui du gouvernement, de l’industrie et des écologistes lorsqu’il a été présenté à la Chambre des communes. Mais ensuite, honorables sénateurs, fidèles à leur habitude, les libéraux n’ont pas pu laisser passer l’occasion de faire encore plus l’étalage de leur propre vertu, et ils l’ont fait à la dernière minute, à l’étape du rapport à la Chambre des communes. Je ne pourrais pas mieux expliquer la situation que ne le fait le communiqué de presse publié par le caucus des conservateurs de l’Alberta le 19 mai, dont voici un extrait :

À l’étape du rapport, le NPD a proposé un amendement qui empiète sur les compétences provinciales en matière de réglementation de la fracturation hydraulique et des bassins de décantation de résidus miniers, amendement auquel les députés libéraux s’étaient opposés au Comité de l’environnement. Malgré leur opposition en comité, les députés du gouvernement ont ensuite fait volte-face et ont voté en faveur de cet amendement du NPD qui empiète sur les compétences provinciales.

L’amendement du NPD, adopté avec l’appui de dernière minute des libéraux, constitue une atteinte manifeste aux compétences provinciales. Par conséquent, cette mesure législative risque de causer des batailles judiciaires et de l’incertitude.

En conséquence, le Parti conservateur retire son appui au projet de loi S-5

Le communiqué de presse dit ensuite ceci :

[Le] cadre de surveillance réglementaire du Canada est fondé sur une séparation claire des responsabilités entre les provinces et le gouvernement fédéral, comme le prévoit la Constitution. Les efforts répétés pour brouiller les frontières entre les champs de compétence ont mené à un processus d’approbation des projets alambiqué, à des dédoublements de coûts et à de l’incertitude pour les investisseurs.

L’incertitude engendrée par l’imprévisibilité du gouvernement néo-démocrate—libéral en matière de politique énergétique a un coût réel pour les Canadiens. Le Canada doit élaborer une politique fédérale claire s’il veut attirer et conserver les emplois et les investissements.

Pour dire les choses clairement, chers collègues, l’amendement du NPD donne au gouvernement fédéral le pouvoir d’exiger la production d’informations sur les bassins de décantation et la fracturation hydraulique. C’est de là que découle l’empiétement sur les compétences provinciales.

Malheureusement, le Sénat avait adopté cet amendement à la version originale du projet de loi S-5 et les députés libéraux de la Chambre des communes ont voté pour le retirer du projet de loi parce qu’ils estimaient qu’il était redondant. À la seule fin d’impressionner certains groupes environnementaux, les libéraux ont fait un virage à 180 degrés et ont réintroduit l’amendement dans le projet de loi. La position des libéraux à propos de l’amendement est « redondant » une semaine et « essentiel » la semaine suivante.

L’Alberta a déjà intenté une action en justice contre le gouvernement fédéral parce que le plastique figure à la partie 2 de l’annexe 1 du projet de loi en tant que substance à réglementer.

Y a-t-il quelqu’un pour douter sincèrement que Danielle Smith, première ministre de l’Alberta récemment élue et critique virulente de politique énergétique du fédéral, aura la moindre hésitation à contester la disposition du projet de loi devant les tribunaux?

Honorables sénateurs, je vais conclure mon intervention en citant une publication de la Bibliothèque du Parlement intitulée La répartition des pouvoirs législatifs entre le fédéral et les provinces aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867.

On peut y lire ceci :

[P]our déterminer si une question est de compétence fédérale ou provinciale, il ne suffit pas toujours de lire le texte de la Constitution. Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, avec le temps, de nombreux secteurs de politiques qui n’étaient pas explicitement prévus par la Constitution ont fait leur apparition. Deuxièmement, l’interprétation judiciaire a donné à certains articles de la Constitution une portée plus large que ce qui pourrait résulter d’une lecture normale et, inversement, a limité la portée d’autres articles. Les tribunaux ont aussi estimé qu’il y avait, pour certains domaines, chevauchement des compétences ou compétence commune.

L’environnement est certainement l’un des secteurs qui n’étaient pas explicitement prévus par la Constition et qui ont fait leur apparition depuis. Il est aussi bien clair que ce sont habituellement les provinces qui légifèrent dans le domaine des ressources naturelles.

En 1982, l’article 92A a été ajouté à la Constitution. Cet article élargit la compétence exclusive des provinces en matière de ressources naturelles à la prospection des ressources naturelles non renouvelables ainsi qu’à l’aménagement, à la conservation et à la gestion des emplacements et des installations destinés à la production d’énergie électrique.

Il y a certes des domaines qui font exception et que le gouvernement peut réglementer. Toutefois, cet amendement de dernière minute à l’étape de l’étude en comité, que le comité de la Chambre avait rejeté et qui est redondant, nous a-t-on dit, a ouvert inutilement une boîte de Pandore et cible encore une fois une province que le gouvernement libéral a, de toute évidence, dans sa mire depuis qu’il est arrivé au pouvoir, en 2015.

Honorables sénateurs, la volte-face du gouvernement dans ce dossier et l’empiétement sur les compétences fédérales auquel elle ouvre la porte est la goutte qui fait déborder le vase en ce qui nous concerne, et je crois que tous les sénateurs devraient être du même avis. Après tout, nous sommes censés représenter les régions et les provinces, comme le prévoit la Constitution, non? Comme le disait notre estimé ex-collègue le sénateur Joyal dans le livre Protéger la démocratie canadienne  :

[...] l’un des éléments clés du compromis de la Confédération a été la création d’un Sénat ayant le pouvoir législatif requis pour défendre les intérêts des divers éléments constituants du pays.

Il cite nul autre que le premier premier ministre du Canada, le grand sir John A. Macdonald, qui a écrit ceci :

À la chambre haute sera confié le soin de protéger les intérêts de section; il en résulte que les trois grandes divisions seront également représentées pour défendre leurs propres intérêts contre toutes combinaisons de majorités dans l’Assemblée.

Nous sommes nommés en fonction de la province d’où nous venons. En comité, nous nous présentons en nommant cette province. Je représente le Manitoba et la division de l’Ouest, qui comprend aussi l’Alberta, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan. Il est de notre devoir de veiller aux intérêts de la région et de la province que nous représentons, et c’est ce que j’entends faire.

C’est au Sénat de trouver, à l’issue d’un second examen objectif, le moyen de protéger les compétences provinciales contre les intrusions du fédéral.

Le Parti conservateur du Canada est et sera toujours là pour défendre les provinces contre les tendances centralisatrices du Parti libéral et du NPD.

Avec les dispositions du projet de loi S-5, le gouvernement fédéral veut étendre ses pouvoirs sur l’industrie minière. Nous savons que les libéraux aimeraient imposer aux provinces ce qu’on appelle des normes nationales en matière de qualité de l’air ou de l’eau. Nous ne pouvons pas tolérer ces atteintes à notre Constitution.

Honorables collègues, je vous invite à vous joindre à nous et au sénateur Patterson pour voter contre la motion du sénateur Gold et ainsi indiquer clairement que le Sénat rejette cette approche paternaliste imposée par Ottawa et qu’il est fier de jouer son rôle en se portant à la défense de la primauté du droit et en veillant au respect de la Constitution. Merci.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Son Honneur la Présidente [ - ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente [ - ]

À mon avis, les non l’emportent.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Conformément à l’article 9-10(2) du Règlement, le vote est reporté à 17 h 30, à la prochaine séance du Sénat, et la sonnerie retentira à compter de 17 h 15.

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