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La Loi sur le divorce—La Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales—La Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Débat

2 avril 2019


Son Honneur le Président [ - ]

Honorable sénatrice Dasko, je vous rappelle qu’il vous reste environ quatre minutes avant la période des questions et que, à ce moment-là, je devrai malheureusement vous interrompre.

Honorables sénateurs, j’interviens pour parler des objectifs du projet de loi C-78, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi.

Je salue le gouvernement d’avoir présenté ce projet de loi. Il est rare que l’on rouvre la Loi sur le divorce pour y apporter des réformes significatives. En effet, on ne l’a fait que quatre fois en 50 ans.

Avant d’entrer dans les détails du projet de loi, j’exhorte les honorables sénateurs à prendre un peu de recul par rapport au texte. Le projet de loi C-78 est un point d’un arc de cercle, la poursuite de changements fondamentaux dans la façon dont nous abordons le mariage et sa rupture.

Le mariage et le divorce sont un excellent miroir de l’évolution des valeurs sociales qui ont transformé pour toujours la société canadienne. Jusqu’à la fin des années 1960, le mariage était considéré comme un lien indestructible, qui durait toute la vie. En le brisant, on s’exposait à de graves sanctions religieuses. Le divorce était rare et difficile à obtenir. Si pour beaucoup cette institution offrait confort et stabilité, pour d’autres elle était synonyme de malheur et de contrainte.

Or, tout cela allait changer à l’issue de deux révolutions. Il y a d’abord eu la génération du baby-boom et ses valeurs — méfiance à l’égard de l’autorité, volonté d’épanouissement personnel et contrôle de sa destinée — qui ont fini par dominer, marquant la fin du mariage traditionnel.

Les personnes à l’origine de la deuxième révolution, le mouvement pour l’égalité des femmes, ont exigé que les femmes soient traitées de manière équitable et que l’on reconnaisse activement leur contribution à la société.

On ne peut pas oublier l’histoire de l’Albertaine Irene Murdoch, qui, en 1973, s’est fait dire par la Cour suprême du Canada qu’elle ne faisait que ce qui était attendu d’une épouse et que sa demande en vue d’obtenir une partie du ranch familial était irrecevable. Au cours des années suivantes, son cas a entraîné une réforme du droit familial et des changements considérables aux lois sur les biens matrimoniaux dans presque toutes les provinces.

À l’échelle fédérale, la Loi sur le divorce de 1968 a été la première mesure importante visant à mettre fin à la protection du mariage par l’État. Elle a fait en sorte que le divorce soit accessible tant aux hommes qu’aux femmes. Elle a établi un motif sans notion de faute pour dissoudre un mariage, introduisant ainsi le concept d’échec permanent du mariage en tant que motif de divorce. Les révisions apportées en 1985 à la Loi sur le divorce prévoyaient d’autres changements aux motifs de divorce, ainsi qu’aux pensions alimentaires. Les révisions de 1997 mettaient l’accent sur la pension alimentaire pour enfants.

En 2005, le Canada est devenu le quatrième pays à légaliser le mariage entre personnes du même sexe. De plus, l’adoption par des parents de même sexe est légale dans toutes les provinces et tous les territoires, quoique les règles varient.

Nous avons également d’autres facteurs à considérer. Au cours des 50 dernières années, le cadre de reconnaissance des droits a été amélioré de façon majeure. Nous devons comprendre et appliquer les obligations en matière de droits internationaux, y compris celles découlant de la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de même que de plusieurs conventions de La Haye concernant les droits de l’enfant. Nous devons aussi comprendre et appliquer notre propre Constitution et sa Charte des droits et libertés.

Au cours de ces décennies, nous avons beaucoup appris au sujet de la famille et du droit de la famille. Notre société évolue et nos obligations en matière de droits de la personne évoluent. Je pense que nous connaissons maintenant une autre vague de changements sociaux qui comprend la lutte contre la violence sous toutes ses formes, ce qui m’amène au projet de loi C-78.

Je remercie le sénateur Dalphond de son excellent aperçu du projet de loi C-78. J’appuie entièrement les objectifs du projet de loi, qui sont : promouvoir l’intérêt de l’enfant, aider à lutter contre la violence familiale, aider à réduire la pauvreté chez les enfants et accroître l’accessibilité et l’efficacité du système de justice familiale canadien.

Honorables sénateurs, nous pouvons renforcer ces objectifs importants. Nous pouvons améliorer le projet de loi, en particulier en ce qui a trait à la lutte contre la violence familiale et les préjudices connexes pour les femmes et les enfants. La Loi sur le divorce étant la loi fédérale la plus utilisée, il est de notre devoir d’en faire la meilleure loi possible.

Je fais fond sur ma propre expérience et mes propres connaissances dans le domaine. Je suis membre du conseil d’administration du Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes, un organisme qui se spécialise dans le droit des femmes à l’égalité.

Son Honneur le Président [ - ]

Pardonnez-moi, sénatrice Dasko.

Honorables sénateurs, je crois comprendre que la ministre a été légèrement retardée. Les sénateurs sont-ils d’accord pour que nous poursuivions l’étude de cette affaire à l’ordre du jour jusqu’à l’arrivée de la ministre?

Merci.

Toutefois, en ce qui concerne le projet de loi, deux omissions quant à l’égalité hommes-femmes et à l’analyse comparative entre les sexes me laissent perplexe.

Premièrement, l’énoncé concernant la Charte présenté par la ministre de la Justice le 22 mai 2018 concernant le projet de loi C-78 ne dit rien sur la façon dont il répond aux exigences de l’article 15 de la Charte, qui porte sur le droit à l’égalité. Par conséquent, nous ne pouvons pas compter sur l’analyse du gouvernement sur la manière dont le projet de loi C-78 garantit l’égalité réelle.

Deuxièmement, le gouvernement n’a fourni aucune analyse comparative entre les sexes plus pour le projet de loi C-78. Nous ne pouvons pas continuer à parler de l’importance des analyses comparatives entre les sexes et des analyses intersectionnelles pour, en définitive, ne pas en mener ou ne pas donner suite à leurs conclusions.

J’exhorte le comité qui étudiera le projet de loi C-78 à examiner tout particulièrement dans quelle mesure ce dernier répond aux obligations énoncées dans la Charte, ainsi qu’aux obligations internationales mentionnées tout à l’heure.

La Loi sur le divorce crée un cadre pour le système en général. Il prévoit des directives que les juges appliqueront dans des cas précis. La plupart des couples décident eux-mêmes comment ils vont partager leurs responsabilités parentales après la rupture du mariage. Même si la Loi sur le divorce est la loi fédérale la plus utilisée, les procédures judiciaires entourant les droits des parents sont relativement rares. Toutefois, c’est souvent un juge qui tranche dans les cas les plus complexes et conflictuels. Il nous incombe de garantir que la loi applicable donne des indications précises au système en général et aux juges pour trancher dans des cas précis.

Honorables sénateurs, j’avance qu’il y a quatre façons de nous assurer que le projet de loi C-78 atteint ses objectifs. Mon premier argument est que nous devrions maintenir et protéger entièrement l’orientation principale proposée dans le projet de loi. L’article 12 du projet de loi ajoute un nouvel article 16 à la Loi sur le divorce.

Le tribunal tient uniquement compte de l’intérêt de l’enfant à charge lorsqu’il rend une ordonnance parentale ou une ordonnance de contact.

Notre collègue le sénateur Dalphond a fait remarquer qu’il s’agit d’un principe juridique fondamental en droit de la famille tant au Canada qu’à l’étranger. La force de ce critère, en vigueur ici depuis 1985, est qu’il place clairement les enfants, et non les parents, au cœur de la décision.

Le sénateur Dalphond a souligné que le projet de loi ne prévoit pas de présomption en faveur de la garde conjointe, comme on l’appelle parfois, ni de présomption en faveur du partage égal des responsabilités parentales. J’appuie entièrement cette décision de rejeter l’introduction d’une telle présomption.

Si nous adoptions la voie de la présomption d’un partage égal des responsabilités parentales, dans tous les cas, les parents partageraient également le rôle parental et le temps parental, à moins que l’un d’eux puisse démontrer qu’il y a des raisons pour lesquelles l’autre parent ne devrait pas avoir un droit égal. Cela rendrait secondaire l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est la dynamique entre les parents qui déterminerait l’orientation, le temps et les ressources du tribunal.

Le projet de loi C-78 donne de nouvelles directives précises aux juges sur ce qu’ils doivent prendre en considération lorsqu’ils déterminent ce qui est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Le paragraphe 16(3) fournit une longue liste de 11 facteurs dont les juges doivent tenir compte lorsqu’ils rendent des ordonnances parentales. Par exemple...

Son Honneur le Président [ - ]

Je suis désolé, sénatrice Dasko. La ministre est arrivée. Je m’excuse, mais je dois vous interrompre. Vous disposerez du reste de votre temps de parole après la période des questions.

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