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Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement à mettre en œuvre la huitième recommandation du premier rapport du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance--Suite du débat

3 mai 2022


Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion no 3 inscrite au Feuilleton et présentée par notre collègue la sénatrice Omidvar, qui a déjà prononcé un discours à son sujet, sur la gouvernance des organismes de bienfaisance — une autre excellente initiative de notre collègue. La motion demande que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à mettre en œuvre une des recommandations du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance. Cette recommandation propose que l’Agence du revenu du Canada inclue des questions à l’intention des organismes sans but lucratif au sujet de la représentation de la diversité dans les conseils d’administration, questions auxquelles les organismes devront répondre au moment de produire leur déclaration annuelle.

La mesure de la diversité se ferait au moyen des quatre catégories employées dans la législation sur l’équité en matière d’emploi : les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles.

Cette proposition est l’une des recommandations du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance dont le rapport intitulé Catalyseur du changement : une feuille de route pour un secteur de la bienfaisance plus robuste, a été adopté par le Sénat le 3 novembre 2020.

Ce comité était présidé par le sénateur Terry Mercer, et sa vice-présidente était la sénatrice Omidvar. Le rapport du comité expose une superbe analyse et présente d’excellentes recommandations pour moderniser et améliorer nos organismes de bienfaisance. J’en recommande fortement la lecture.

Si la motion était mise en œuvre, tous les organismes de bienfaisance et sans but lucratif seraient tenus de donner, sur les formulaires qu’ils doivent soumettre annuellement à l’Agence du revenu du Canada, des renseignements sur la diversité des membres de leur conseil d’administration, en plus des autres renseignements exigés concernant leur exploitation.

Le secteur de la bienfaisance est un élément vital de l’économie et de la société canadiennes. Comptant quelque 86 000 organismes de bienfaisance enregistrés et 85 000 organismes sans but lucratif, ce secteur a généré une activité économique totale d’environ 170 milliards de dollars en 2017, ce qui représente 8,5 % du PIB du Canada, selon Statistique Canada. En outre, le secteur emploie près de 2,5 millions de personnes. Les organismes du secteur varient en taille, allant de très grands à extrêmement petits.

Par ailleurs, les secteurs de la bienfaisance et sans but lucratif assurent la prestation de services dans presque tous les domaines de la vie canadienne. Pensons notamment aux soins de santé, à l’éducation, aux arts, aux sports et loisirs, à l’environnement, aux soutiens sociaux et à la justice pénale.

Le secteur de la bienfaisance a également une relation spéciale avec les communautés désavantagées au pays. En fait, il leur offre des services essentiels en aidant les personnes et les groupes de personnes au moyen de politiques et de programmes ciblant directement les personnes désavantagées et dans le besoin. Il est perçu comme étant beaucoup plus convivial et axé sur les personnes que le secteur privé, par exemple.

Les secteurs de la bienfaisance et des organismes sans but lucratif sont dirigés par des conseils de gouvernance — aussi appelés conseils d’administration — dont les membres peuvent être élus ou nommés. Ces conseils constituent le niveau le plus élevé de direction dans chacun des organismes.

Les administrateurs établissent les priorités et les politiques de l’organisme et embauchent les cadres qui le dirigent. J’imagine que la plupart des honorables sénateurs ont déjà été membres de tels conseils et qu’ils comprennent très bien les responsabilités que cela implique.

Compte tenu du lien entre le secteur de la bienfaisance et les communautés diversifiées et désavantagées, il est important que le leadership au sein de ce secteur reflète cette diversité.

Maintenant, la plupart des organismes de bienfaisance doivent recueillir des fonds. Il est important de le souligner, parce que la nécessité de recueillir des fonds et de trouver des donateurs exerce une influence externe sur la composition des conseils, du moins, c’est habituellement le cas. Ce pourrait être un point d’achoppement concernant les efforts visant à améliorer la représentativité, dans la composition des conseils et dans les postes de direction, des communautés diversifiées auxquelles ces organismes de bienfaisance offrent des services.

D’après mon expérience et mes observations, la question de la diversité revient souvent dans les discussions avec les membres des conseils et les dirigeants que je connais et c’est un signe encourageant. Or, il est difficile de mesurer les progrès réalisés. D’ailleurs, les rares études menées sur le sujet montrent qu’il existe bel et bien un déficit de représentation.

Une étude importante menée par des chercheurs de ce qui s’appelait alors l’Université Ryerson, intitulée Diversity Leads, a examiné la composition des conseils d’administration de cinq secteurs dans huit villes du pays en 2017. Les femmes représentaient environ 43 % des membres bénévoles des conseils d’administration de collèges et d’universités, tandis que les minorités visibles représentaient respectivement 12 % et 15 % des membres de ces conseils. Dans le secteur hospitalier, les femmes représentaient environ 40 % des membres des conseils d’administration, et les minorités visibles, 15 %. Je ne mentionnerai même pas les chiffres épouvantables que l’étude a compilés pour le secteur des entreprises, qui n’est pas le sujet qui nous occupe aujourd’hui. Il n’en reste pas moins que les chiffres que je viens de mentionner pour les secteurs autres que celui des entreprises indiquent une sous-représentation des femmes et des minorités visibles par rapport au pourcentage de ces groupes dans l’ensemble de la population.

Les sources de données que nous pouvons examiner pour comprendre la diversité dans la gouvernance des organismes de bienfaisance et sans but lucratif sont très rares. C’est précisément l’objet de cette motion : recueillir des données systématiques pour examiner les structures de gouvernance du secteur — ses conseils d’administration — sous l’angle de la diversité afin de mieux comprendre les paramètres du défi à relever.

Avant de conclure, j’aimerais commenter brièvement deux mesures législatives importantes qui comprennent des mesures favorisant la diversité, afin de les comparer à la motion que nous étudions.

Ces deux mesures législatives sont la Loi sur l’équité en matière d’emploi et l’ancien projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Selon la Loi sur l’équité en matière d’emploi adoptée en 1995, les industries sous réglementation fédérale, les sociétés d’État, les autres organisations fédérales ainsi que des organisations de la fonction publique fédérale doivent recueillir chaque année des données sur la représentation des quatre groupes désignés au sein de leur effectif et faire rapport sur les mesures prises afin de parvenir à la pleine représentation de ces groupes. Elles doivent passer en revue leurs systèmes, leurs règles et leurs usages afin de déterminer quels sont les obstacles à l’emploi qui en résultent pour les membres des groupes désignés. S’il y a sous-représentation, elles doivent préparer un plan sur l’équité en matière d’emploi établissant des objectifs de recrutement et d’avancement des membres des quatre groupes désignés et proposant des mesures à prendre pour atteindre ces objectifs.

Le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, prévoit que certaines sociétés fassent rapport sur la diversité au sein des administrateurs et des membres de la haute direction, et plus particulièrement des mêmes quatre groupes désignés dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi, soit les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les personnes qui font partie des minorités visibles. Ces sociétés doivent aussi indiquer si elles ont mis en œuvre des politiques en matière de diversité, en quoi ces politiques consistent, et pourquoi elles n’ont pas de telles politiques, le cas échéant.

La motion dont nous sommes saisie aujourd’hui porte sur un aspect de ces deux mesures législatives, c’est-à-dire la collecte de données sur la diversité. La motion ne porte pas sur des mesures qui viseraient à décrire, à expliquer ou à mettre en œuvre des politiques ou des programmes axés sur la diversité. Cependant, c’est une étape très importante pour améliorer la diversité dans le secteur des organismes de bienfaisance. Ce que l’on peut mesurer mène à des résultats.

Alors, chers collègues, je me réjouis d’appuyer cette motion. Comme la sénatrice Omidvar l’a déclaré, c’est très pratique et très réalisable. De plus, je crois sincèrement que cela contribuera à promouvoir la diversité dans notre société. Merci.

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