AFFAIRES COURANTES — Les emplois de la fonction publique fédérale
Préavis d'interpellation
18 juin 2019
Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :
J’attirerai l’attention du Sénat sur a)L’importance du gouvernement fédéral à titre de plus gros employeur du Canada, plus de 200 000 civils étant à son service;
b)Bien que l’on comprenne qu’une grande proportion des employés fédéraux travaillent dans la capitale nationale, la tendance des dernières années fait en sorte que la répartition des emplois entre Ottawa et les régions est de plus en plus disproportionnée en faveur de la région de la capitale nationale;
c)Dans le passé, environ le tiers des emplois fédéraux étaient dans la région de la capitale fédérale. Cette proportion a cependant grimpé dans les dernières années — au cours desquelles différents gouvernements se sont succédé —, pour atteindre près de 46 % l’année dernière;
d)Cette tendance est illustrée par le fait qu’entre 2008 et 2018, la fonction publique fédérale a connu une croissance nette de 11 470 emplois. La majeure partie de ces emplois ont été créés dans la région de la capitale nationale, aux dépens des autres régions du pays;
e)Les effets de cette concentration se manifestent de deux façons. Tout d’abord, les fonctionnaires fédéraux sont à bien des égards le « visage » du gouvernement aux yeux de la population canadienne. Une répartition plus égale de ces employés dans tout le Canada servirait à accroître la visibilité du gouvernement fédéral. La décentralisation rapproche le gouvernement des citoyens et des citoyennes qu’il sert;
f)Cependant, l’avantage le plus concret et le plus évident de la décentralisation des emplois pour les régions est de nature économique. Tout comme le public a le droit d’avoir rapidement accès à ceux et celles qui fournissent les services publics, les diverses provinces et régions du pays apprécient la présence de l’effectif stable bien payé que les fonctionnaires fédéraux représentent. Pareil effectif, essentiellement à l’abri du cycle d’expansion et de ralentissement que d’autres industries connaissent, peut fournir le fondement sur lequel une économie régionale saine peut reposer et croître, comme on l’a effectivement vu dans le cas de la région de la capitale nationale;
g)L’exemple d’Anciens Combattants Canada (ACC) illustre les retombées positives de la décentralisation du gouvernement. ACC est le seul ministère dont l’administration centrale nationale est située en dehors de la région d’Ottawa. La décision qui a été prise de déménager ACC à Charlottetown a eu un effet profond et durable sur l’Île-du-Prince-Édouard sur les plans économique et social;
h)Les 1 230 employés d’ACC qui travaillent actuellement à l’Île-du-Prince-Édouard représentent une masse salariale d’environ 90 millions de dollars, qui va à l’achat de voitures, de résidences et des biens et services qui font partie du quotidien, ce qui constitue une contribution importante à l’économie de l’Île;
i)Certes, les emplois fédéraux ne suffisent pas à garantir l’existence d’une économie saine. Un développement économique viable n’est possible que dans le cadre d’une économie équilibrée réservant une place de choix à un secteur privé vigoureux, lequel investira le temps et les fonds nécessaires pour créer des emplois qui garderont les Canadiens chez eux pour y bâtir leur avenir. Cela dit, une économie équilibrée signifie aussi que le plus gros employeur du Canada, c’est-à-dire le gouvernement fédéral, doit lui aussi assumer un rôle important;
j)La répartition des emplois fédéraux dans tout le Canada comporte aussi d’importantes retombées sociales. Dans le cas de l’Île-du-Prince-Édouard, cela peut se voir dans la croissance remarquable de l’emploi de la langue française. Selon Statistique Canada, l’Île-du-Prince-Édouard se classe au troisième rang des provinces, après le Québec et le Nouveau-Brunswick, quant à la connaissance des deux langues officielles. Il n’y a pas à douter que la présence historique et la vigueur de la collectivité acadienne dans l’Île ont favorisé cette situation, mais la plus grande contribution à la croissance de la langue française dans cette province au cours des quarante dernières années a été la présence d’Anciens Combattants Canada;
k)La résistance au déménagement des emplois dans tout le Canada est illustrée on ne peut mieux par le fait que le sous-ministre d’Anciens Combattants Canada ne travaille pas à temps plein à l’Administration centrale nationale, à Charlottetown. Le titulaire actuel du poste est le seul sous-ministre qui, contrairement à bon nombre de ses prédécesseurs, ne vit pas et ne travaille pas dans la province où est établie l’Administration centrale nationale du Ministère. Au quotidien, cela crée un vide dans la direction d’un ministère qui a eu à sa tête 23 ministres en 30 ans;
l)Par conséquent, la salle du Sénat devrait examiner les possibilités de décentraliser les emplois et les services fédéraux, et exhorter le gouvernement du Canada à rétablir la répartition historique des emplois, c’est-à-dire en conserver le tiers dans la région de la capitale nationale et distribuer les autres dans le reste du pays. Il contribuerait ainsi à la croissance économique et à la stabilité de toutes les régions du Canada.