La Loi sur la radiocommunication
Projet de loi modificatif--Troisième lecture
20 avril 2023
Propose que le projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de prendre la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi que j’ai présenté, le projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication.
J’ai toujours dit que la force du Sénat résidait dans le travail de ses comités. Je suis reconnaissant d’avoir travaillé sur ce projet de loi en comité avec un groupe de sénateurs aussi dévoués, sous la présidence compétente du sénateur Housakos. Leurs questions réfléchies et leur ouverture à la collaboration nous ont aidés à présenter ce que je considère comme la meilleure version de ce projet de loi.
Comme les sénateurs le savent, les ressources de nos bureaux sont loin d’égaler celles d’un ministère. Cette approche collaborative de la rédaction du projet de loi, en particulier dans des domaines complexes comme l’utilisation et l’attribution de la large bande, est donc la bienvenue.
En remerciant les membres du comité, je m’en voudrais de ne pas saluer à cet égard ma compétente et infatigable directrice des affaires parlementaires, Claudine Santos, qui m’a soutenu avec brio dans la recherche d’un consensus sur le peaufinage du projet de loi.
Je remercie également les nombreux témoins et intervenants qui ont donné de leur temps, de leur énergie et de leur expertise pour contribuer à l’élaboration des amendements à ce projet de loi.
Les gens qui connaissent bien le projet de loi S-242 l’appellent maintenant communément le projet de loi du « c’est à prendre ou à laisser ». Cette mesure vise à assurer le déploiement du spectre acquis par un promoteur. Il tente de réduire la quantité de spectre inutilisé en faisant subir des conséquences aux promoteurs qui se livreraient à la pratique de trafic du spectre ou de squattage du spectre, comme nous sommes venus à l’appeler après avoir entendu la sénatrice Simons utiliser cette expression en comité. Certains d’entre vous se demandent peut-être ce que je viens de dire. Il m’a fallu un certain temps pour bien comprendre ce que cela signifiait.
Le spectre sans fil est une ressource limitée, qui fait référence à la gamme de fréquences utilisées pour les communications sans fil, comme le WiFi et le service cellulaire. Il s’agit essentiellement d’une autoroute pour l’échange de données et de signaux entre un appareil personnel et Internet.
Il y a des différentes voies, ou bandes de fréquences, au sein du spectre sans fil. Chacune d’entre elles a sa propre limite de vitesse, et chacune est désignée pour divers types de trafic de données. Le gouvernement réglemente et attribue ces bandes de fréquences à différentes entreprises et organisations aux fins d’utilisation, s’assurant qu’il y a suffisamment de spectre disponible pour tous et que des appareils différents puissent communiquer entre eux sans interférence.
Au Canada, la réglementation du spectre sans fil relève d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ministère affectueusement connu sous le sigle ISDE. ISDE est responsable de créer et de mettre en œuvre des politiques et des programmes liés à l’utilisation efficace du spectre. Cela comprend l’octroi de licences et la répartition du spectre entre les divers utilisateurs, tels que les fournisseurs de services sans fil, les radiodiffuseurs et les organismes du gouvernement.
ISDE veille également à ce que l’utilisation du spectre ne perturbe pas les autres utilisateurs, tels que les stations de radio. Les décisions que prend le ministère ont une incidence sur la rapidité avec laquelle les Canadiens sont branchés.
Les enchères du spectre sont une méthode utilisée par les gouvernements pour octroyer les licences d’utilisation du spectre au plus offrant. Dans une vente aux enchères du spectre, les entreprises et les organismes enchérissent sur le droit d’utiliser certaines bandes de fréquence pour leurs services de communication sans fil. Il s’agit d’un processus compétitif où les participants enchérissent les uns sur les autres pour obtenir la licence.
Le gouvernement récolte les profits des enchères, qui peuvent s’avérer considérables étant donné que la demande à l’égard du spectre s’accroît à mesure que les technologies et services sans fil évoluent et se multiplient. À la dernière vente aux enchères du spectre, qui a eu lieu en avril 2019, le gouvernement du Canada a vendu 104 licences et empoché 3,4 milliards de dollars.
La mise aux enchères du spectre est une pratique très répandue dans bon nombre de pays, y compris aux États-Unis, au Canada et en Europe, qui permet d’attribuer de précieuses fréquences et de générer des recettes pour l’État.
Les fréquences du spectre inactifs ou non déployés sont des fréquences qui ont été attribuées à une entreprise de télécommunications ou à une organisation par un gouvernement ou un organisme de réglementation, mais qui n’ont pas été entièrement utilisées ou déployées pour offrir des services de communication. Ce spectre non utilisé peut être une ressource précieuse, car il y a souvent une demande élevée de bande passante supplémentaire afin de répondre aux besoins croissants au chapitre des données et de la connectivité. Dans certains cas, des entreprises de télécommunications peuvent décider de garder leur spectre non déployé afin qu’il prenne de la valeur au fil du temps. Dans ces cas‑là, on parle parfois d’arbitrage de spectre. Au Canada, il arrive souvent que des entreprises choisissent de vendre ce spectre à d’autres organisations pour réaliser d’énormes profits, laissant ainsi tomber les collectivités à qui aurait bénéficié la connectivité que le spectre leur aurait procurée.
Au Canada, le gouvernement attribue à certaines entreprises de télécommunications des licences de spectre assorties d’une subvention substantielle. Dans bien des cas, ces entreprises peuvent ne pas employer ou déployer entièrement le spectre qui leur a été attribué. Elles peuvent choisir plutôt de vendre leur spectre inutilisé à d’autres entreprises pour réaliser des profits considérables. Elles se trouvent ainsi à transformer la subvention du gouvernement en profit.
Le trafic du spectre — j’adore l’expression imagée de la sénatrice Simons, le squattage du spectre — est une pratique qui consiste à acheter du spectre à un prix très réduit, à ne pas le déployer, puis à le revendre des années plus tard. C’est très lucratif, mais cela laisse des collectivités en plan — surtout dans les régions rurales, éloignées ou nordiques et les communautés autochtones —, parce que le spectre, qui devrait être une ressource publique, aurait dû servir à les brancher. À mon avis, le spectre devrait être utilisé pour brancher les Canadiens plutôt qu’être gardé en réserve pour être revendu à profit.
C’est là qu’intervient le projet de loi S-242. Bien qu’il ne s’agisse en aucun cas d’une panacée à tous les maux qui affligent le réseau de télécommunications à large bande au Canada, j’estime que c’est une bonne solution à un problème précis. Le projet de loi a évolué au fil du dialogue avec les experts de l’industrie, les promoteurs, les universitaires et, comme je l’ai dit, mes respectés collègues pour devenir une mesure législative qui propose d’établir un modèle où, si on n’utilise pas le spectre, on le perd ou on doit le partager, ce qui garantira le branchement d’un plus grand nombre de Canadiens.
Actuellement, les conditions de déploiement liées aux licences octroyées sont laissées à l’entière discrétion d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Très peu de licences sont révoquées pour cause de non-respect des conditions de déploiement. C’est ce que le comité a appris lors de l’étude du projet de loi. Pourtant, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, a parlé à diverses reprises du fossé numérique dont pâtissent les Canadiens vivant en milieu rural.
Selon le site web du CRTC, « de nombreux Canadiens, en particulier ceux dans les régions rurales et éloignées, n’ont pas un accès adéquat » aux services Internet. Selon la carte nationale des services Internet à large bande, publiée par le gouvernement, diverses régions rurales et éloignées sont soit mal desservies, c’est‑à-dire que soit elles n’atteignent pas le seuil national de 50 mégabits par seconde en téléchargement et de 10 mégabits par seconde en téléversement, soit elles ne sont pas du tout raccordées. Pour moi, c’est une indication claire que les conditions actuelles de déploiement sont trop laxistes.
Le projet de loi S-242 propose d’établir les conditions de déploiement minimales que de nombreux intervenants, y compris des fournisseurs d’accès à Internet en tant que tels et l’Association des fournisseurs de service Internet sans fil, ou CanWISP, ont jugées justes et raisonnables. Le projet de loi exigerait simplement que tous les détenteurs de licences de spectre déploient le spectre à 50 % de la population dans des zones géographiques prescrites du territoire couvert par la licence — c’est ce qu’on appelle les zones de niveau 5 — dans les trois ans suivant l’acquisition de la licence. Ainsi, ceux qui achètent des licences qui couvrent un territoire étendu, c’est-à-dire les licences de niveau 1 à 4, ne pourront pas satisfaire aux conditions de déploiement en se contentant de desservir les grandes zones urbaines : ils seront également tenus de desservir les petites zones rurales et éloignées de ce territoire.
Le projet de loi mise sur l’utilisation des licences subordonnées pour assurer le respect des conditions de déploiement. Il accorderait au ministre la flexibilité de décider soit d’annuler carrément la licence ou de réaffecter des zones de services de niveau 5 couvertes par la licence à d’autres fournisseurs qui sont prêts et en mesure de desservir les régions mal desservies. En cas d’annulation d’une licence, le ministre doit réaffecter le spectre dans les 60 jours suivants, en utilisant soit un autre processus concurrentiel, soit un autre système de réaffectation, comme le principe du premier arrivé, premier servi. Le promoteur et ses sociétés affiliées ne pourraient pas faire une nouvelle demande.
Le troisième élément important de ce projet de loi est la disposition relative à la responsabilité civile. Cette disposition vise à faire en sorte que si un titulaire de licence agit de mauvaise foi, ne respecte pas les conditions de déploiement et voit sa licence révoquée, la population qui était desservie par ce fournisseur et qui a perdu ce service en raison de cette révocation peut intenter des poursuites au civil en dommages-intérêts. À ma connaissance, le Québec est la seule province dotée d’un code de responsabilité civile qui permettrait aux clients d’intenter ainsi des poursuites contre une société. C’est pourquoi je pense que cette disposition est nécessaire, car elle permettrait à ceux qui perdent leur connexion en raison des actions ou de l’inaction relative d’un titulaire de licence d’intenter des poursuites. Il est bien établi en droit que des poursuites en responsabilité civile ne peuvent être engagées que si le plaignant démontre l’existence de pertes ou de dommages découlant de la négligence ou de l’intention malveillante d’un tiers.
À l’heure actuelle, Innovation, Sciences et Développement économique Canada peut hésiter à révoquer une licence si cela entraîne la déconnexion d’un certain pourcentage de la population. C’est pourquoi je soutiens que la disposition relative à la responsabilité civile aiderait non seulement Innovation, Sciences et Développement économique Canada à prendre la décision de révoquer une licence sachant qu’il existe un recours pour toute personne déconnectée, mais elle pourrait également inciter les titulaires de licences à respecter les conditions de déploiement.
Tous les témoins qui ont comparu ont déclaré qu’ils appuient l’esprit et l’intention du projet de loi. Les seuls témoins qui ont indiqué que le projet de loi est carrément inutile sont ceux d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada — il faut dire que la manière dont le ministère administre le déploiement du spectre est, franchement, critiquée par l’existence même du projet de loi — ainsi que l’Association canadienne des télécommunications sans fil — qui est à l’origine du squattage du spectre pour en faire le trafic. Je vous laisse le loisir d’utiliser cette information à votre guise.
Honorables sénateurs, depuis 2012, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté cinq résolutions pour établir que l’accès à Internet est un droit de la personne. Dans monde de plus en plus numérique, l’accès à Internet ne se limite pas à visionner un film diffusé en continu ou à jouer à un jeu en ligne, c’est aussi la possibilité de démarrer une entreprise, de consulter un spécialiste, d’étudier à partir de son domicile, de fournir des services gouvernementaux de télésanté, et plus encore.
Je remercie mes collègues pour leur appui à ce projet de loi. C’est une petite pièce dans un très grand casse-tête. Toutefois, je pense que ces mesures législatives nous permettront de faire un pas de plus pour combler les lacunes dans le fossé numérique. Il ne fait aucun doute que de faire en sorte que tout le spectre disponible soit déployé est primordial pour que tous les Canadiens soient connectés. Merci. Qujannamiik.
Honorables sénateurs, on m’a demandé de prononcer le discours que voici au nom du sénateur Black, qui ne peut le faire lui-même ce soir. Je dois dire, chers collègues, que c’est la première fois que je prononce ainsi un discours pour une autre personne. Je souligne d’emblée qu’il est beaucoup plus long que mes discours habituels, et je vous prie d’être indulgents. Par ailleurs, c’est aussi la première fois que je prononce deux fois des discours après 22 h 30 pendant la même semaine. J’espère ne pas en faire une habitude.
Honorables collègues, au nom du sénateur Black, je prends la parole au sujet du projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication. Comme le savent bon nombre d’entre vous, le sénateur Black a toujours défendu les intérêts des Canadiens des régions rurales et nordiques et les défendra toujours.
Il a vécu et travaillé dans des régions rurales pendant la majeure partie de sa vie et il continuera à défendre les intérêts des régions rurales du Canada à la Chambre rouge.
Il aimerait commencer son discours en remerciant son collègue du Nunavut, l’honorable sénateur Patterson, d’avoir porté cette question à l’attention du Sénat. Le sénateur Black estime qu’il s’agit d’une étape importante pour accroître l’efficacité, la connectivité et la compétitivité du Canada en cette nouvelle ère technologique.
Internet n’est plus un luxe, mais une nécessité pour les Canadiens. C’est un outil essentiel pour la communication, l’éducation, les soins de santé, les affaires et bien plus encore. Il a transformé le mode de vie des Canadiens et notre façon de travailler et d’interagir, non seulement les uns avec les autres, mais aussi avec les gens du monde entier. Il est devenu une partie importante de notre vie quotidienne.
Hélas, chers collègues, tous les Canadiens n’ont pas le même accès à Internet et c’est particulièrement vrai pour les gens qui vivent dans des collectivités rurales.
Le projet de loi S-242 est un texte législatif essentiel qui vise à modifier la Loi sur les radiocommunications dans le but d’améliorer l’accès à l’Internet à haut débit pour tous les Canadiens, y compris ceux qui vivent dans des collectivités rurales et éloignées. Ce projet de loi « à prendre ou à laisser », comme on l’a qualifié, vise à atteindre cet objectif en modifiant la politique canadienne relative à la vente spectre pour fournir des services à large bande dans les régions rurales et éloignées, afin d’obliger les fournisseurs de services à élargir leur réseau pour atteindre un plus grand nombre de Canadiens. Il est indispensable que ceux qui détiennent des parties du spectre fournissent le haut débit nécessaire pour que les communautés mal desservies puissent bénéficier d’un service haut débit fiable.
Pour ce faire, les parties inutilisées du spectre seraient mises à la disposition d’autres utilisateurs, tels que les petites sociétés Internet dans les communautés rurales, sans que cela n’ait d’impact sur le fonctionnement des détenteurs de licences. Comme l’a mentionné le sénateur Patterson du Nunavut, il est important pour les Canadiens que, lors de la prochaine vente aux enchères de spectre, chaque opérateur ait accès à 100 mégahertz de spectre 5G, à condition qu’il soit prêt à l’utiliser.
Chers collègues, je dois avouer que j’aime beaucoup ce discours. Le sénateur Black a écrit un très bon discours, et je suis d’accord avec tout ce qu’il dit ici. Cette mesure aura certainement des répercussions sur l’Île-du-Prince-Édouard. J’espère que ce discours continuera ainsi, de mieux en mieux, car je l’ai reçu il y a quelques minutes à peine.
Chers collègues, cette approche a été couronnée de succès dans d’autres pays, comme les États-Unis, où la Federal Communications Commission a adopté des politiques similaires pour promouvoir l’utilisation efficace du spectre et étendre l’accès à Internet à large bande. En adoptant de telles politiques au Canada, nous pouvons faire en sorte que les communautés rurales et isolées et les entreprises agricoles aient accès aux outils dont elles ont besoin pour avoir du succès à l’ère numérique. Il s’agit d’une étape essentielle pour que tous les Canadiens aient un accès de qualité à Internet haute vitesse, quel que soit leur lieu de résidence ou de travail. En éliminant le « squattage du spectre », comme l’ont mentionné mes collègues — la sénatrice Simons, je crois, et le sénateur Patterson — le projet de loi S-242 contribuera à combler le fossé numérique et aidera les petites entreprises à fournir des services indispensables aux Canadiens qui ont été laissés pour compte pendant bien trop longtemps par les grandes entreprises de communication qui s’accaparent le spectre.
Il y a quelques semaines, le sénateur Black a eu l’occasion de rencontrer un fournisseur de services à large bande local, ici à Ottawa, qui lui a parlé de la difficulté à étendre ses services dans les régions rurales de l’Est du Canada. Pendant des années, l’entreprise a travaillé fort pour se développer et gagner de nouveaux clients, mais comme de grandes sociétés détiennent les licences de spectre, elle a beaucoup de difficulté à y arriver.
Le sénateur Black félicite Storm Internet, qui, comme de nombreuses organisations au pays, déploie des efforts soutenus pour servir les Canadiens et il remercie les représentants de Storm Internet d’avoir pris le temps de le recevoir dans leurs bureaux d’Ottawa.
Chers collègues, le projet de loi S-242 va bien au-delà de l’accès à Internet. Il vise à égaliser les chances pour tous les Canadiens, peu importe où ils vivent. Il vise à garantir que tous les Canadiens ont accès aux mêmes possibilités, qu’ils habitent dans une grande ville ou dans une région rurale. C’est particulièrement important pour les localités rurales qui n’ont souvent pas accès aux mêmes services et ressources que les villes. En garantissant que toutes les entreprises de télécommunications utilisent le spectre qu’elles ont acheté, le projet de loi S-242 permettra aux localités rurales et aux petits fournisseurs de services Internet de concurrencer sur un pied d’égalité les centres urbains.
Ce changement pourra, à son tour, favoriser la croissance économique et créer de nouveaux débouchés pour les Canadiens vivant dans des régions rurales et éloignées, ce qui sera avantageux, non seulement pour ces collectivités, mais également pour les nombreuses entreprises et industries qui les soutiennent.
Le sénateur Black voulait aussi mentionner la nécessité pour les exploitations agricoles d’avoir accès à des services Internet à large bande. La croissance et l’innovation du secteur agricole requièrent un plus grand recours aux technologies dans la plupart sinon la totalité des activités.
Au Comité de l’agriculture et des forêts, le sénateur Black a entendu parler de l’importance, dans les exploitations agricoles, de la collecte de données, du réseautage et de la collecte de renseignements à mettre en commun dans l’ensemble du pays en ce qui concerne la santé des sols, ce qui n’est, honorables sénateurs, qu’un seul aspect de ce secteur. Les agriculteurs dépendent des technologies et continueront de devoir accéder à des services Internet à large bande pour améliorer et peaufiner leurs pratiques.
Le secteur agricole est confronté à des défis uniques qui exigent des solutions créatives. L’industrie évolue rapidement grâce aux progrès de la technologie et de l’automatisation, qui transforment la manière dont les agriculteurs travaillent. Toutefois, afin de maintenir cette trajectoire positive, des mesures gouvernementales sont nécessaires afin de garantir que tous les Canadiens soient connectés à Internet; pas seulement les citadins, mais aussi ceux qui produisent les aliments que nous mangeons.
Honorables collègues, j’aimerais compléter le temps de parole du sénateur Black en discutant de l’écart entre ceux qui ont un accès à Internet et ceux qui n’en ont pas. Seulement 59 % des familles au revenu le plus faible du Canada ont un accès à Internet. Dans les régions rurales, où vivent la majorité des Autochtones du Canada, cette proportion est encore plus faible. Seulement 40,8 % de la population a accès à un service à large bande suffisamment rapide pour pouvoir utiliser efficacement un ordinateur et des ressources en ligne. En cette ère de travail fondé sur la technologie, de telles disparités sont inacceptables et nous devons faire en sorte de répondre aux besoins de tous les Canadiens en comblant les écarts et les disparités qui privent des Canadiens de certaines possibilités.
Bien entendu, l’adoption du projet de loi S-242 n’est qu’une partie de la solution. Nous devons aussi continuer d’investir dans les infrastructures et d’autres initiatives afin d’étendre l’accès aux services Internet à large bande et à d’autres services numériques. Il faut notamment appuyer des initiatives communautaires visant à créer et entretenir des réseaux à large bande locaux, et travailler avec les sociétés de télécommunications afin d’étendre la couverture dans les régions mal desservies.
L’accès à un service Internet à large bande n’est pas le seul problème auquel sont confrontés les collectivités rurales et le secteur agricole. De nombreuses collectivités rurales éprouvent également de la difficulté à accéder aux services de base tels que les soins de santé, l’éducation et les transports. Ces difficultés peuvent être aggravées par l’absence d’une connexion Internet fiable. Nous avons entendu dire que de nombreux professionnels — médecins, avocats, comptables et infirmières — ne veulent pas s’installer dans des zones rurales dépourvues d’infrastructures de base, parmi lesquelles un accès sûr et stable à Internet.
Les régions rurales continueront à perdre des habitants si le gouvernement ne les aide pas à obtenir ces services fondamentaux. Nous devons également reconnaître que les défis auxquels sont confrontés les collectivités rurales et le secteur agricole sont complexes et multidimensionnels. Nous devons adopter une approche globale afin de relever ces défis et veiller à ce que tous les Canadiens, quel que soit leur lieu de résidence ou leur secteur d’activité, aient accès aux outils dont ils ont besoin pour réussir dans le monde d’aujourd’hui.
En conclusion, le sénateur Black exhorte ses collègues à appuyer le projet de loi S-242 — tout comme moi, d’ailleurs. En éliminant le squattage du spectre par le biais de dispositions de retrait des bandes inutilisées nous pouvons contribuer à combler le fossé numérique au Canada et veiller à ce que tous les Canadiens, quel que soit l’endroit où ils travaillent, se divertissent et vivent, et aient des chances égales de réussite.
Merci, chers collègues.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication. J’aimerais remercier ma collègue, la sénatrice Patterson, du Nunavut, d’avoir présenté ce projet de loi et d’y avoir travaillé avec autant de diligence.
Je crois que le projet de loi poussera vraiment le gouvernement à agir. Chers collègues, on observe de graves problèmes de connectivité dans les régions rurales et éloignées du Canada. Il y a des sénateurs qui se sont eux-mêmes heurtés à bon nombre de ces problèmes. Par exemple, le sénateur Manning, qui est membre du Comité sénatorial des transports et des communications ayant étudié le projet de loi, a parlé de beaucoup de défis qu’il a dû lui‑même relever dans sa province, Terre-Neuve-et-Labrador.
Je sais que d’autres sénateurs connaissent aussi très bien les difficultés sérieuses que vivent les Canadiens dans les provinces, les territoires ou les régions qu’ils représentent. C’est particulièrement vrai pour le sénateur Patterson, bien sûr.
D’ailleurs, quand le sénateur Patterson a parlé de son projet de loi au Comité sénatorial des communications, il a parlé de l’une des principales raisons l’ayant mené à présenter ce projet de loi. Plus précisément, il a dit ceci :
Bon nombre d’entre vous se souviendront des diverses questions que j’ai posées ou des diverses interventions que j’ai faites au fil des ans au sujet de l’amélioration de la connectivité dans les régions rurales et éloignées de notre vaste pays. Ma région est probablement l’exemple parfait de l’éloignement et de l’inaccessibilité. Ce projet de loi est une autre tentative pour aider tous les Canadiens à avoir accès au même niveau de service que vous et moi, ici, à Ottawa.
Honorables sénateurs, je crois que ceux d’entre nous qui vivent dans les centres urbains, où un grand nombre de commodités nous semblent aller de soi, doivent réfléchir aux défis auxquels sont confrontés beaucoup de résidants des zones rurales et éloignées, qui ne bénéficient pas des mêmes commodités. En fait, je crois qu’il est inexact de décrire la connectivité comme une simple commodité. Dans cette société branchée qui est la nôtre, il est devenu essentiel de voir à ce que tous les Canadiens bénéficient de chances au moins semblables dans le monde numérique.
Pendant mon discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi, j’ai fait référence à un article de la revue Policy rédigé par Helaina Gaspard, Alanna Sharman et Tianna Tischbein de l’Université d’Ottawa. Dans leur article, intitulé « Governing Connectivity: How is Spectrum Policy Impacting the Lives of Canadians? », elles soulignent à quel point l’accès au spectre est essentiel à tout le monde dans l’économie numérique. Voici un extrait du texte :
Le spectre joue un rôle direct ou indirect dans la plupart des domaines du développement industriel et de l’activité économique. De la connectivité à la médecine en passant par le transport et la navigation, la politique du spectre — les politiques qui déterminent la manière dont le spectre est attribué aux divers utilisateurs et à différentes utilisations — a des répercussions sur les économies et les populations.
Voilà ce qui fait toute l’importance du projet de loi à l’étude, selon moi. Il attire notre attention sur un enjeu qui en mérite beaucoup plus : le défi de la connectivité pour les Canadiens vivant en région rurale ou éloignée. En présentant son projet de loi, le sénateur Patterson rend donc déjà à ces Canadiens un service considérable.
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a examiné le projet de loi et a entendu de nombreux témoins. Certains témoins ont dit craindre que, dans sa forme actuelle, le projet de loi puisse ne pas faciliter la connectivité en milieu rural de la façon prévue. Jonathan Black, directeur général de l’Association des fournisseurs de service Internet sans fil, a dit au comité que son association appuie sans réserve l’objet fondamental du projet de loi S-242 et l’adoption d’un cadre prévoyant le retrait du spectre s’il n’est pas utilisé. Cependant, il craint que l’imposition d’une « approche uniformisée en matière de déploiement » ne produise pas les résultats escomptés dans les zones rurales de l’Île-du-Prince-Édouard ou dans les localités côtières de la Colombie-Britannique. Il a aussi dit craindre que la responsabilité civile imposée par le projet de loi décourage les investissements.
Des préoccupations semblables ont été exprimées par Robert Ghiz, président et chef de la direction de l’Association canadienne des télécommunications sans fil, qui a aussi dit ceci au sujet du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique :
[...] le ministère a besoin d’un cadre souple qui lui permettra d’adapter ses processus liés aux conditions des licences d’utilisation du spectre aux caractéristiques uniques de la bande du spectre faisant l’objet des licences et de son utilisation proposée.
M. Ghiz a soulevé cette inquiétude :
Une exigence unique limitera la capacité du ministère à le faire et risque de compromettre l’objectif commun du ministère et de l’industrie d’améliorer la qualité et la couverture des réseaux.
Malgré ces préoccupations, nous devons encore faire face à un grave problème. Comme je l’ai indiqué lorsque j’ai parlé du projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, seulement 30 % des collectivités rurales ont accès à Internet haute vitesse, et seulement 24 % des collectivités autochtones ont accès à de tels services.
La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l’urgence d’accélérer les avancées en matière d’équité numérique pour les communautés rurales et autochtones. Si l’inégalité numérique se perpétue, elle ne fera qu’accroître le fossé socio-économique existant entre les Autochtones et les non-Autochtones, non seulement en matière de perspectives commerciales et d’emploi, mais aussi dans le domaine de l’éducation et de la santé physique et mentale. Les communautés autochtones doivent être pleinement équipées pour avoir accès à Internet haut débit, pour contribuer, prospérer et réussir dans la société numérique d’aujourd’hui. Nous devons donc encourager vivement les mesures concrètes visant à combler ces graves lacunes pour nos communautés les plus vulnérables.
Eva Clayton, la présidente du gouvernement Nisga’a Lisims, s’est exprimée au nom de nombreux Canadiens vivant dans ces communautés vulnérables lorsqu’elle a déclaré :
Le fait que ce projet de loi prévoit des recours juridiques et une certaine assurance que les fournisseurs de services seront tenus responsables des services offerts dans les communautés éloignées aidera non seulement les communautés à accéder à des services critiques et importants, mais réduira aussi une partie du fardeau financier nécessaire pour demeurer connecté lorsque la surveillance fait défaut.
De même, le professeur Jeff Church, de l’Université de Calgary, a exprimé sa satisfaction à l’égard du projet de loi S-242. Il a cité une analyse selon laquelle TELUS a constaté que « seulement 20 % des fréquences réservées pour les zones rurales ont été déployées », et que les fréquences réservées représentent entre 40 % et 60 % du total dans certaines ventes aux enchères. Il a fait valoir que cela indiquait une mauvaise répartition du spectre. Cette mauvaise répartition, a-t-il déclaré :
[...] devient notable lorsque le spectre a effectivement été attribué, mais que les régions rurales et éloignées restent malgré cela mal desservies, voire pas du tout.
Lorsque j’examine ce que le comité a fait, je suis satisfait de la manière dont il a cherché à répondre à ce que ces témoins lui ont dit et à combler certaines de ces lacunes. Un amendement présenté par le sénateur Harder et appuyé par le sénateur Patterson prévoit une plus grande souplesse en accordant une plus grande marge de manœuvre au ministre et en travaillant éventuellement avec des petits fournisseurs de services pour assurer une plus grande couverture des régions rurales.
Le sénateur Patterson s’est également engagé dans d’importantes consultations avec les intervenants, afin d’améliorer son propre projet de loi au moyen d’amendements qui encouragent les détenteurs de licences à déployer le spectre de la manière la plus large et la plus inclusive possible, en particulier pour mieux desservir les régions rurales et isolées.
Lorsqu’il s’est exprimé en comité, le professeur Gregory Taylor, de l’Université de Calgary, a souligné que ce projet de loi avait introduit dans les discussions politiques des questions réelles qui n’avaient pas été suffisamment abordées jusqu’à présent. À l’évidence, il reste encore du travail à faire.
Le comité lui-même l’a reconnu dans ses propres observations sur le projet de loi en ce qui concerne la nécessité de politiques et de mesures incitatives gouvernementales supplémentaires pour encourager les promoteurs à desservir les régions rurales et éloignées, en particulier les communautés autochtones, qui comptent parmi les collectivités les moins connectées du pays. Étant donné que ces recommandations dépassent la portée de ce projet de loi, il incombera au gouvernement de prendre des mesures concertées.
Honorables sénateurs, cet écart de connectivité entre les régions urbaines et les régions rurales ou éloignées perdure depuis trop longtemps. En 2021, la plateforme électorale du Parti conservateur disait :
Alors que la technologie continue à évoluer, l’infrastructure de l’avenir — large bande et 5 G — sera de plus en plus essentielle à la création d’emplois.
La plateforme proposait de « Construire une infrastructure numérique pour connecter tous les Canadiens à Internet haute vitesse d’ici 2025 [...] [d’a]célérer la mise en place de la large bande dans les régions rurales[,] [d’a]célérer le processus de vente du spectre pour que ce dernier soit plus utilisé et [d’]appliquer des dispositions “utilisé ou perdu” pour assurer qu’il est réellement développé (surtout dans les régions rurales) [...] »
Le gouvernement actuel a également promis d’appliquer une approche selon laquelle les droits non utilisés seraient perdus, cet engagement ayant été précisément intégré à la lettre de mandat du ministre Champagne. Celle-ci donne au ministre la directive suivante :
Accélérer le déploiement du service à large bande en exigeant que ceux ayant acheté des droits pour déployer la large bande respectent les jalons établis dans l’offre de la large bande, sous peine de perdre leurs droits de spectre.
Ainsi, la majorité des gens s’entendent pour dire que cela doit se faire. Cependant, nous progressons trop lentement. Il ne fait aucun doute qu’en raison de la lenteur du gouvernement actuel à agir, le Canada accuse maintenant un important retard. Comme je l’ai mentionné à l’étape de la deuxième lecture, le Canada se situe en deçà de la moyenne de l’OCDE au chapitre de la connectivité. En comparaison, des pays tels que la Corée et la Norvège sont déjà en train de déployer la technologie 5G. La Corée travaille déjà sur les considérations liées à la 6G et le gouvernement et les universités participent à la planification et à l’étude des applications pour les utilisateurs finaux.
L’approche léthargique du Canada a des répercussions majeures sur la compétitivité du pays à l’échelle mondiale. Si nous n’agissons pas, non seulement cela aura des répercussions sur notre compétitivité économique, mais cela minera aussi la capacité du gouvernement d’assurer des services efficaces. Dans les domaines comme la prestation des soins de santé, par exemple, les conséquences sont très graves.
À mon avis, le projet de loi du sénateur Patterson apporte une contribution importante pour veiller à ce que nous réglions enfin cette question. Honorables sénateurs, je vous demande d’appuyer le renvoi du projet de loi à la Chambre des communes afin qu’il soit adopté et qu’il pousse le gouvernement à prendre des mesures stratégiques plus larges pour s’attaquer à ce problème important. Merci.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)