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La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Ajournement du débat

18 novembre 2020


Propose que le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole à titre de marraine à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada).

Chers collègues, je suis désolée de ne pas pouvoir prononcer mon discours en français.

Je veux d’abord remercier tous les sénateurs qui sont intervenus pendant les débats au Sénat lorsqu’il s’est formé en comité plénier et ceux qui ont participé à l’étude de la teneur du projet de loi par le Comité des finances nationales. La population canadienne peut avoir l’assurance que, dans l’ensemble des travaux du Sénat, autant au Comité des finances nationales qu’hier, individuellement et collectivement, les sénateurs ont rapporté avec diligence au Sénat et au gouvernement les préoccupations des gens qu’ils représentent, ainsi que l’opinion et les préoccupations des minorités, des régions et de ceux qui n’arrivent pas toujours à se faire entendre.

Encore une fois, chers collègues, je suis impatiente d’entendre vos observations, vos appuis et vos conseils quant à ce projet de loi. Je recommande au Sénat d’adopter le projet de loi C-9, parce que je crois que ce dernier tient compte des besoins et de l’opinion des Canadiens.

La subvention pour le loyer règle le problème du manque d’efficacité, si je peux m’exprimer ainsi, de l’ancienne Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial, et permet aux locataires d’avoir accès aux fonds plutôt que ce soit seulement les propriétaires.

Je suis convaincue que le gouvernement et, sur le plan administratif, l’Agence du revenu du Canada et ses fonctionnaires très compétents sont en mesure d’atteindre l’objectif du projet de loi C-9 et de veiller à ce que les fonds soient versés de manière efficace et rapide aux personnes qui en font la demande. La mesure de soutien en cas de confinement est une autre aide bien nécessaire.

Chers collègues, permettez-moi brièvement, en tant que marraine du projet de loi C-9 et sénatrice pour le Yukon, de parler de l’importance de la prolongation de la Subvention salariale d’urgence du Canada.

Au cours de la session parlementaire précédente, le Comité des finances nationales s’est penché sur certaines mesures d’urgence liées à la pandémie offertes par le gouvernement fédéral. Joe Sparling, d’Air North, le transporteur aérien du Yukon, représentant la Northern Air Transport Association, a été très clair. Il était reconnaissant du soutien reçu et a indiqué au comité que la subvention salariale, entre autres mesures d’aide, était ce qui leur avait permis de garder leurs employés et de maintenir les normes de service sans avoir à annuler des trajets ni à augmenter les prix. N’oublions pas, chers collègues, que le transport aérien est un service essentiel pour bien des petites collectivités canadiennes du Nord et ailleurs au pays. M. Sparling a demandé à ce que la subvention salariale soit prolongée jusqu’à juin 2021, ce que permet le projet de loi C-9.

Joe Sparling a su incarner l’esprit nordique, et les valeurs d’indépendance et de persévérance qui lui sont associées, comme le sénateur Tannas l’a dit hier. Témoignant devant le comité, M. Sparling s’est exprimé sans ambages en ces termes :

Nous ne pouvons pas recevoir d’aide financière indéfiniment, et il faudra patienter encore longtemps avant qu’il y ait une reprise de la demande de transport aérien. Dans le Nord, il nous faut trouver des façons de devenir autosuffisants après la pandémie, et d’en faire davantage avec l’aide financière qui nous est accordée en cette période de crise.

Une économie saine et prospère a permis de soutenir un marché concurrentiel aux prises avec un recul de plus de 50 ans en matière de trafic aérien, mais la concurrence des routes menant aux points d’entrée a fait grimper de plus de 30 % l’aide financière dont nous avons besoin.

Chers collègues, je souhaite insister sur l’aspect relatif à la concurrence des routes menant aux points d’entrée, car il est directement lié aux observations du Comité des finances concernant le projet de loi C-9.

Chers collègues, tout au long de la pandémie, nous avons entendu dire que nous étions tous dans le même bateau et que nous nous en sortirions ensemble. Étant donné qu’Air North possède toutes les parts du marché dans ses corridors aériens, Joe Sparling a déclaré que la compagnie serait en mesure de rembourser chaque dollar de l’aide financière reçue, ce qui permettra de financer d’autres entreprises en difficulté, à condition qu’elles possèdent toutes les parts du marché dans leurs corridors aériens. La concurrence en matière de corridors aériens que connaît Air North, malgré les efforts déployés par tout le monde pour travailler avec leurs concurrents, représente un défi similaire à celui décrit par les représentants de Restaurants Canada. Au cours de l’étude préalable du projet de loi C-9 par le Comité des finances, le premier ministre de l’Ontario, l’honorable Doug Ford, par exemple, a exhorté les entreprises de livraison de nourriture à travailler avec les restaurants afin qu’ils puissent se partager les revenus découlant des dépenses de consommation et qu’aucun secteur ne réalise des profits au détriment d’un autre.

La Subvention salariale d’urgence du Canada et d’autres programmes d’aide du gouvernement ont permis à Air North de survivre. Je tiens aussi à vous souligner, chers collègues, que la compagnie appartient à la Première Nation des Gwitchin Vuntut et aux Yukonnais. Cela dit, lorsque les gouvernements négocient des mesures d’aide pour les grandes compagnies aériennes et d’autres secteurs, veuillez envisager de soulever ces questions et d’encourager les entreprises qui reçoivent de l’aide gouvernementale à coopérer les unes avec les autres plutôt qu’à se faire concurrence.

Dans le cas des compagnies aériennes, particulièrement celles qui demandent actuellement de l’aide, nous devons nous assurer qu’aucune région du pays n’est mal desservie. De plus, quand nous aurons traversé la pandémie, nous devons nous assurer que les transporteurs aériens et, en fait, toutes les entreprises ont survécu et que tous les Canadiens, où qu’ils vivent, ont accès à une qualité de vie saine et à des services. Tous les sénateurs doivent se rappeler que nous sommes tous dans le même bateau et que nous faisons tous partie de l’Équipe Canada.

Honorables sénateurs, je m’en voudrais de ne pas évoquer brièvement d’autres observations contenues dans le rapport du Comité des finances nationales. Nous avons indiqué clairement que les entreprises qui ont bénéficié d’un financement public ne devraient pas verser en même temps des dividendes à leurs actionnaires. Il ne faut pas oublier que certains secteurs se portent très bien ces jours-ci. Une entreprise dont la marge bénéficiaire est suffisante pour verser des dividendes n’a pas besoin de financement public, qui doit être réservé à ceux qui en ont vraiment besoin.

La prévisibilité des programmes suscite également des préoccupations. Cela a été un problème pour certains sénateurs, étant donné que les informations sur les programmes sont seulement disponibles jusqu’au 19 décembre 2020. Je comprends ces préoccupations. Je crois aussi que le libellé du projet de loi C-9 permettra d’ajuster les programmes de façon responsable à l’aide de règlements pour répondre et s’adapter de façon appropriée aux répercussions que la pandémie de COVID-19 a sur l’économie et nos vies en général.

Le comité a fait remarquer avec inquiétude qu’il faudrait soutenir les entreprises et les organisations qui sont laissées pour compte. Je suis optimiste; je crois que le gouvernement prendra des mesures pour les aider.

Honorables sénateurs, je tiens à vous exprimer de nouveau ma gratitude pour le travail acharné qui a été accompli afin que nous étudiions en profondeur le projet de loi C-9 dans les meilleurs délais. Le personnel des sénateurs, le personnel de l’Administration du Sénat, les interprètes, les analystes de la Bibliothèque du Parlement, tous ont accumulé les heures supplémentaires pour nous aider dans notre travail, qui est de nous assurer que les Canadiens recevront le soutien dont ils ont besoin pour traverser la pandémie, tandis que nos priorités absolues demeurent la santé et la sécurité. Tout le monde a veillé à ce que nous puissions faire notre travail et étudier le projet de loi du gouvernement avec un regard juste et critique. Nous savons combien le projet de loi est important et combien il est nécessaire de l’adopter. Je vous remercie tous d’avoir fait en sorte que les Canadiens reçoivent dans les meilleurs délais le soutien dont ils ont besoin. Gùnáłchîsh, mahsi’cho. Merci.

L’honorable Larry W. Smith [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de porte-parole au sujet du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu en ce qui a trait à la Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et à la Subvention salariale d’urgence du Canada.

En prolongeant la Subvention salariale d’urgence du Canada et en créant la Subvention d’urgence pour le loyer du Canada, qui est une nouvelle mouture de l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial, le projet de loi C-9 vient en aide aux propriétaires de petites entreprises et aux entrepreneurs de partout au Canada qui en ont grandement besoin.

Je remercie la sénatrice Duncan, la marraine du projet de loi, d’avoir expliqué de quelle manière il aidera ceux qui en ont le plus besoin.

Toutefois, je tiens à souligner quelques préoccupations au sujet de ce projet de loi pour m’assurer qu’elles seront consignées dans le hansard. Depuis quelques semaines, j’ai entendu plusieurs parties prenantes se prononcer sur le projet de loi C-9 lors de réunions de comité, et j’en arrive à la conclusion que ce texte de loi comporte toujours des lacunes importantes.

Au début, les représentants des différents secteurs se sont dits déçus par le taux réduit de la subvention salariale. Les critères d’admissibilité rigides de la première mouture de la subvention salariale ont eu pour effet de punir les entreprises qui ont connu de petites augmentations de revenus dépassant à peine le seuil d’admissibilité, ce qui les a immédiatement rendues inadmissibles. Cette conséquence non prévue a eu l’effet de dissuader les entreprises qui voulaient garder leurs portes ouvertes et garder leurs employés; elles ont préféré fermer boutique jusqu’à ce que les directives de santé publique soient retirées et qu’elles puissent reprendre leur niveau d’activité normal.

À cause de cela, le Comité sénatorial permanent des finances nationales, lors de son étude des programmes d’aide, a recommandé au gouvernement d’envisager l’adoption « d’un seuil d’admissibilité progressif, ou variable, pour la Subvention salariale d’urgence du Canada, et prolonger cette dernière pour les secteurs particulièrement touchés »

Je dois reconnaître que le gouvernement a effectivement adopté un seuil d’admissibilité progressif pour la Subvention salariale d’urgence du Canada qui, même s’il est assez complexe, a permis aux entreprises de poursuivre leurs activités sans craindre de perdre la subvention salariale dont elles ont tellement besoin.

Toutefois, le gouvernement a fait un pas en arrière avec sa nouvelle mouture de la Subvention salariale d’urgence du Canada. En effet, cette dernière fait passer la subvention salariale maximale de 75 % à 65 %, et elle n’offre pas de soutien ciblé aux secteurs les plus durement touchés par la pandémie, notamment les secteurs de l’hébergement, de l’hôtellerie et des services alimentaires.

La Chambre de commerce du Canada, qui représente plus de 200 000 entreprises au pays, a écrit ceci dans un mémoire :

La décision de réduire à 65 % la subvention salariale maximale ne cadre pas avec ce qui s’est produit lors de la première vague et de l’été. Les dernières données sur l’emploi montrent que, pour la première fois depuis le mois d’avril, des emplois ont été perdus en octobre dans les secteurs des services alimentaires et de l’hébergement. À l’instar d’autres secteurs en difficulté, ces secteurs ont besoin de subventions salariales plus élevées, et non plus faibles, pour les aider à composer avec de nouvelles restrictions après 8 mois de pertes de revenus sans précédent.

Les données sur l’emploi de septembre publiées par Statistique Canada ont certes montré les conséquences néfastes de la deuxième vague de la pandémie sur les hôtels et les restaurants canadiens. Les gains d’emploi au pays ont été neutralisés par les pertes d’emploi dans les secteurs de l’hébergement et des services alimentaires. Ces secteurs, qui dépendent de la présence physique de clients et ne sont pas en mesure de changer de vocation comme d’autres, ont enregistré des pertes de 48 000 emplois, surtout en raison des fermetures supplémentaires imposées par les responsables de la santé publique au Québec et en Ontario.

Alors que nous traversons cette seconde vague de COVID-19, les pertes d’emploi pourraient s’aggraver dans les secteurs les plus touchés. Doug Porter, économiste en chef à la Banque de Montréal, a dit ceci aux investisseurs récemment :

[...] il deviendra de plus en plus difficile de faire progresser l’emploi, surtout dans un contexte où plusieurs provinces imposent une nouvelle série de restrictions.

Chers collègues, bien que plusieurs industries se soient rétablies, tels les commerces de grossistes et les services techniques et scientifiques, plusieurs autres secteurs ne s’en sont pas encore sortis. Pour vous donner une idée des dommages disproportionnés qu’entraîne cette pandémie dans certains secteurs, j’attire votre attention sur les statistiques financières trimestrielles publiées par Statistique Canada. Selon ces données, le secteur des arts et des spectacles ainsi que celui de l’hébergement et des services alimentaires, secteurs qui représentent 2,5 % du chiffre d’affaires du Canada, ont subi des pertes de revenus nets avant impôt de 173,9 % au cours du deuxième trimestre.

Pour ceux qui n’auraient pas écouté quand je parlais anglais, je rappelle que le secteur de l’hébergement et des services alimentaires, qui représente 2,5 % du budget total ou du chiffre d’affaires du Canada, a subi des pertes de 173,9 % au cours du deuxième trimestre de 2020, une situation épouvantable.

Voilà pourquoi j’exhorte le gouvernement à se montrer proactif et à fournir une aide plus ciblée aux secteurs les plus durement touchés par la pandémie, particulièrement dans la foulée des nouveaux confinements ordonnés par les autorités de la santé publique.

Il faut augmenter le taux de la subvention salariale pour prévenir d’autres mises à pied. La méthode actuelle, qui offre la même solution à tout le monde, laisse à désirer.

Par ailleurs, la nouvelle Subvention d’urgence pour le loyer est décidément préférable à l’ancienne Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial, puisqu’elle permet aux locataires de demander eux-mêmes une subvention pour le loyer. Dans le cas de l’ancien programme, le gouvernement concluait plutôt des ententes avec les propriétaires; il leur fournissait des fonds une fois qu’ils avaient accepté de réduire le coût du loyer. Beaucoup de petites entreprises étaient donc à la merci des propriétaires et, dans bien des cas, les grands propriétaires refusaient carrément de participer au programme. D’après les chiffres fournis par la ministre des Finances, alors qu’on avait prévu un budget de 3 milliards de dollars pour le programme d’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial, à peine plus de 60 % de cette somme a été distribuée.

Le principal défaut de la Subvention d’urgence pour le loyer, cela dit, c’est qu’elle est directement liée à la Subvention salariale d’urgence, ce qui empêchera à coup sûr de nombreux locataires commerciaux d’obtenir l’aide espérée. Une fois le nouveau programme en vigueur, l’Agence du revenu du Canada versera rétroactivement de l’argent aux entreprises qui ont payé un loyer, ce qui veut dire que celles qui n’en payaient pas, ou qui ont conclu une entente de report, se retrouveront les mains vides.

Selon l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises, que Statistique Canada publie chaque mois, 16,1 % des entreprises du pays ont repoussé le paiement de leur prêt hypothécaire ou de leur loyer. Cette proportion est encore plus élevée dans le secteur des services d’hébergement et de restauration, à 41,8 %, ainsi que dans celui des arts, des spectacles et des loisirs, à 32,6 %. D’autres avant moi ont expliqué la précarité de ces entreprises et les problèmes qu’elles doivent surmonter.

Le président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Dan Kelly, a dit ceci au comité :

Cela crée un énorme problème du type de « l’œuf ou la poule » pour les petites entreprises. En effet, elles ont besoin de la subvention parce qu’elles n’ont pas les fonds nécessaires pour payer leur loyer, mais le programme exige de payer d’abord le loyer pour ensuite demander un remboursement.

Lorsqu’elle a témoigné devant le Comité des finances nationales la semaine dernière et lors de son passage dans cette Chambre, la ministre des Finances a expliqué que le gouvernement avait l’intention de présenter un projet de loi qui tiendrait compte des dépenses de loyer à titre de frais admissibles, permettant ainsi à un plus grand nombre d’entreprises d’avoir accès aux subventions. La ministre prétend qu’il n’y aura pas de délai dans la mise en œuvre du projet de loi C-9 une fois que celui-ci recevra la sanction royale. Cependant, des mois se sont écoulés depuis la transformation du programme d’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial à la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer, et les locataires attendent toujours. Or, ils ne peuvent plus se permettre d’attendre longtemps.

J’incite donc le gouvernement à trouver des solutions rapidement afin de combler les lacunes dans ce projet de loi.

Chers collègues, j’aimerais aborder un sujet qui me semble absent d’une bonne partie de nos discussions sur l’aide aux entreprises. Même s’il ne fait aucun doute que le projet de loi C-9 empêchera des faillites et aidera les entreprises à se maintenir à flot, il ne garantira pas leur survie jusqu’à ce que la pandémie prenne fin d’une certaine façon. Un membre de ma famille travaille dans le secteur de la restauration. Je sais que les acteurs de ce milieu s’inquiètent du fait que ces programmes ne feront que repousser les faillites et les fermetures définitives inévitables si les gouvernements ne trouvent pas de solutions pour permettre aux restaurants de rester ouverts pendant la pandémie.

M. Kelly n’a pas mâché ses mots devant le comité :

À mon avis, des centaines de milliers d’entreprises sont essentiellement en faillite, mais elles n’ont pas terminé le processus en tant que tel [...] Nos recherches démontrent qu’une petite entreprise sur sept fera faillite d’ici la fin de la pandémie.

La hausse des taux d’infection partout au pays accentue la pression sur les décideurs alors qu’ils tentent de tenir compte des risques pour la santé et des risques pour l’économie qui sont associés à des fermetures supplémentaires. Ils s’attaquent à la tâche titanesque de freiner la propagation de la maladie tout en empêchant que les torts économiques soient irréparables. En ce moment, il n’y a pas de système de données ouvertes, transparentes et accessibles des trois ordres de gouvernement. Je me dois de souligner que la sénatrice Marshall a soulevé ce point à maintes reprises pendant nos audiences.

Dans son premier rapport annuel publié en octobre, le Conseil consultatif canadien de la statistique souligne à quel point ce problème nuit à notre capacité de combattre cette pandémie. Il dit :

Les lacunes statistiques importantes et l’absence de données coordonnées au Canada nuisent grandement à la capacité des décideurs et des administrations publiques de différents paliers, ainsi que du grand public, d’appréhender les principaux défis sociaux, de santé, économiques, environnementaux et énergétiques auxquels fait face la population canadienne, et d’y répondre.

Jan Kestle, membre du conseil consultatif et présidente d’Environics Analytics, a mis encore davantage en évidence les systèmes désuets de déclaration employés par les agences de la santé publique, notamment le recours à des télécopieurs plutôt qu’à des outils numériques pour communiquer des renseignements liés à la COVID-19, ce qui ralentit gravement la capacité du gouvernement de surveiller et d’évaluer l’évolution de la pandémie ainsi que son incidence sur les Canadiens.

Non seulement ces lacunes statistiques réduisent la capacité des gouvernements de prendre des décisions rapides et efficaces par rapport à la pandémie, elles exacerbent les problèmes avec lesquels sont déjà aux prises les propriétaires de petite entreprise d’un océan à l’autre. Par exemple, les statistiques de Restaurants Canada montrent que, collectivement, les membres de cette organisation ont dépensé 750 millions de dollars depuis mars 2020 pour installer des barrières dans leurs établissements, acheter de l’équipement de protection individuelle et former leur personnel en prévision d’une réouverture sécuritaire partout au Canada. Malgré leurs mois de préparation et toutes les mesures de protection mises en place, on ferme ces entreprises à 24 heures ou à 48 heures d’avis dans certaines régions sans justifier cette fermeture par la moindre statistique.

Alors, vous obtenez vos 40 000 $ ou vos 50 000 $, peu importe, et vous les investissez dans de l’équipement de protection individuelle, mais où sont les clients qui devraient venir manger dans votre restaurant et vous apporter des revenus? Ils ne sont pas là. Donc, ce que nous faisons, c’est de donner de l’argent à des gens qui, s’ils gardent leur établissement ouvert, finiront par faire faillite de toute façon. Ils en sont bien conscients d’ailleurs.

Voici ce que Lauren van den Berg, de Restaurants Canada, a affirmé devant le comité :

[...] lorsqu’on nous demande de fermer pratiquement sans nous donner de préavis [...] on ne nous communique pas les données.

Les restaurants sont une solution de rechange sécuritaire aux rassemblements privés, qui sont la source de toute la transmission communautaire [...]

Le problème ne vient pas des restaurants, il vient des fêtes privées qui ont lieu à l’intérieur.

Lorsque des données ont été publiées concernant les taux de transmission [...] en ce qui concerne les événements où il y a eu propagation, il s’agit des rassemblements privés.

Cette frustration a aussi été exprimée par d’autres intervenants venus témoigner devant le comité. Dans sa présentation, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a indiqué clairement que :

[de plus en plus, ses membres commencent] à avoir l’impression qu’ils servent de boucs émissaires, qu’on les fait fermer parce qu’on veut faire comprendre à la population qu’il faut prendre la COVID au sérieux, pas parce que la propagation de la COVID se produit dans ces entreprises comme telles [...]

Qu’on me comprenne bien : je ne m’oppose pas au confinement et aux fermetures de certains lieux. En fait, je pense que des mesures de confinement ciblées et étayées par des données sont essentielles dans notre lutte contre ce virus mortel. Toutefois, j’exhorte le gouvernement fédéral à agir et à fournir les données essentielles qui manquent actuellement concernant notre système de santé, par exemple, des données ouvertes et transparentes indiquant les endroits où le virus est transmis, par rapport à ceux où il ne l’est pas, permettra aux Canadiens de prendre des décisions éclairées. Cela permettra également aux entreprises de savoir à quoi s’en tenir, ce qui est dans leur intérêt.

Chers collègues, l’étude préalable réalisée par le Comité des finances nationales nous montre clairement que nous devons voter en faveur du projet de loi C-9, puisque l’aide aux entreprises est nécessaire à la survie de ces dernières. Il est aussi évident que les propriétaires de petites entreprises et les entrepreneurs sont frustrés par le manque de transparence des gouvernements. L’idée pour eux de fermer leurs portes pour toujours n’est pas une option.

Pour conclure, je me permets de citer la Dre Vera Etches, médecin hygiéniste en chef à Santé publique Ottawa, qui a récemment suggéré à la province de l’Ontario de trouver une approche plus équilibrée pour lutter contre la pandémie, et aussi d’apprendre à coexister avec le virus avec prudence. Le 2 novembre 2020, dans une lettre adressée au maire d’Ottawa, elle a déclaré ce qui suit :

J’ai examiné les taux de chômage résultant de la réponse à la pandémie de COVID-19, les indicateurs de la santé mentale de notre communauté et les défis découlant d’un arriéré de procédures chirurgicales et médicales, et je conclus qu’il faut faire davantage pour permettre aux gens de retrouver plus de soutien et de services habituels dans leur vie.

Pour apprendre à coexister avec ce virus et gérer cette pandémie au moyen d’une approche plus équilibrée, le gouvernement fédéral doit redoubler d’efforts dans la collecte et la communication des données. Il doit innover pour créer un environnement qui assurera la sécurité des Canadiens, mais aussi la pérennité de nos petites entreprises. Merci beaucoup.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénateur Smith, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Smith [ + ]

Certainement.

L’honorable Lucie Moncion [ + ]

Vous avez déclaré dans votre allocution qu’une approche universelle ne convenait pas à la subvention pour le loyer. Lorsque nous avons rencontré la ministre, elle a soutenu que, même si la solution ne règle pas tous les problèmes, elle s’applique à la majorité des cas.

Puisque, selon vous, l’approche universelle n’est pas la bonne, pouvez-vous nous indiquer quelle serait la solution qui remédierait au problème que le projet de loi C-9 vise à régler?

Le sénateur Smith [ + ]

Selon moi, il existe des points névralgiques. Si on compare certaines industries comme la restauration et l’hôtellerie au secteur des technologies de pointe, on constate que beaucoup d’entreprises de technologies de pointe ont rebondi de manière formidable après le premier malaise de la COVID-19, si je peux m’exprimer ainsi. Toutefois, d’autres industries ont été si durement frappées que leur rétablissement sera retardé et beaucoup plus lent.

Je donne des exemples d’industries présentés au comité. Évidemment, cela ne vient pas de moi, mais des témoins entendus par le comité. Ceux-ci ont clairement affirmé qu’il fallait être en mesure d’analyser et de comprendre quelles entreprises sont les plus gravement touchées et de leur offrir, proportionnellement, plus d’aide qu’à celles qui vont déjà bien. Je crois que cela pourrait être la réponse à la question.

Cela dépend aussi de la qualité des données, de la qualité du leadership et de la collaboration du gouvernement fédéral avec les gouvernements provinciaux et les administrations locales. Il faut un leadership fort. Si les gens prennent des initiatives chacun de leur côté, soudainement, on se trouve avec beaucoup de monde qui tente de faire quelque chose, mais dont l’action n’est pas coordonnée s’il n’y a pas de leadership fort. Les gens ont besoin de leadership. À ce stade-ci, je suis persuadé que le gouvernement fédéral a la responsabilité d’agir en leader et d’appuyer les gouvernements provinciaux. C’est un juste équilibre qui est délicat à établir, certes, mais il faut que cela se fasse.

La sénatrice Moncion [ + ]

La ministre Freeland a consulté l’industrie pour trouver le juste équilibre. Elle comprend qu’il est impossible de remédier à tous les problèmes. Vous parlez de leadership et je me demande comment vous pouvez douter du leadership de la ministre dans cette situation.

Le sénateur Smith [ + ]

Je vous remercie de la question. Je ne doute pas du leadership de la ministre Freeland. Je lui ai dit que la situation actuelle est pour elle une occasion de faire preuve de leadership à titre de rassembleur en coordonnant la réponse et en faisant intervenir les provinces et les groupes représentant les divers secteurs économiques de sorte que les gens puissent voir clairement qu’une aide supplémentaire sera offerte aux industries qui en ont besoin.

Bien entendu, l’autre problème, c’est que, lorsque l’ancienne vérificatrice générale de Terre-Neuve a indiqué à la ministre des Finances, alors que nous étions formés en comité, que nous devions améliorer la transparence, que nous avions besoin de plus de statistiques et de renseignements plus actuels, cette dernière lui a répondu que le gouvernement nous offrirait des mises à jour économique, mais ne présenterait pas de budget. Nous comprenons qu’il faut intervenir sur le terrain et aider les gens. Toutefois, en même temps, il faut comptabiliser le tout, car toutes ces dépenses vont revenir nous hanter à moins que nous sachions exactement ce qui est fait et vers où nous nous dirigeons.

Encore une fois, c’est une question d’équilibre et une occasion de faire preuve de leadership. Ce n’est pas une critique personnelle, du moins certainement pas une critique personnelle de ma part. Qui suis-je pour critiquer ce que fait la ministre des Finances? C’est une observation. Nous avons besoin de statistiques et de renseignements. Nous sommes des parlementaires. Nous devrions avoir cela. De nombreuses personnes compétentes sont à notre disposition, et les Canadiens et les gens d’affaires méritent de connaître la vérité. Or, pour cela, nous devons être renseignés.

Je le répète : il ne s’agit pas là d’une critique. Je vois cela plutôt comme une occasion offerte. Je tente d’avoir une vision optimiste des choses, plutôt qu’une vision pessimiste. Une occasion s’offre à nous. Qui saisira la balle au bond? Je crois que cela doit être le gouvernement fédéral.

L’honorable Donna Dasko [ + ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Smith [ + ]

Je veux bien essayer. Je m’emballe tellement que ma tension artérielle est en train de monter.

La sénatrice Dasko [ + ]

Très bien, allons-y. Tout d’abord, si je peux me permettre de vous corriger, il s’agit de Jan Kestle d’Environics Analytics.

Le sénateur Smith [ + ]

J’ai tenté de prononcer ce mot cinq ou six fois. Je l’ai même lu au préalable. Je vous remercie grandement de la correction.

La sénatrice Dasko [ + ]

Je voulais apporter la correction, parce que j’ai passé ma carrière à Environics. Je voulais que le nom soit exact.

Je conviens de tout ce que vous avez dit au sujet de la collecte des données. Vous avez fait certaines remarques judicieuses et il semble toujours y avoir de la frustration. La ministre Freeland est venue hier et a parlé des données. Il y a toujours des négociations entre les provinces et le gouvernement fédéral au sujet de la collecte des données. Souvent, les provinces ne sont pas en mesure de recueillir les données qu’elles souhaitent par rapport à certains secteurs, volumes et échéanciers.

Ce qu’on m’a dit, c’est que le gouvernement fédéral dispose de pouvoirs constitutionnels qui, s’il le souhaite, lui permettraient de pratiquement exiger la collecte de données. Le gouvernement a le pouvoir de le faire s’il le veut, mais il ne l’a jamais fait.

Que pensez-vous de cela? Croyez-vous que le gouvernement devrait recourir à ce pouvoir compte tenu de toute la frustration que d’autres et vous avez manifestée?

Merci.

Le sénateur Smith [ + ]

Suggérez-vous que le gouvernement invoque la Loi sur les mesures de guerre ou une loi sur les mesures d’urgence?

La sénatrice Dasko [ + ]

C’est peut-être une solution, oui.

Le sénateur Smith [ + ]

La façon dont j’ai toujours abordé les situations d’affaires — car je suis issu du milieu des affaires —, c’est qu’il faut établir un processus d’évaluation selon lequel les conséquences s’intensifient à mesure que le dossier évolue.

Encore une fois, il s’agit d’une occasion pour le gouvernement de faire le point sur la situation et d’apporter les corrections qui s’imposent. Évidemment, nous avons essayé de présenter des améliorations possibles au Comité des finances. Il incombe maintenant au gouvernement d’examiner ce que nous avons proposé et d’évaluer où il en est, ce qu’il doit faire et comment il peut créer ce nouvel équilibre.

C’est exactement le genre de solution qui est envisagée par les États-Unis, qui est aux prises avec une montée en flèche des cas de COVID. Ils se demandent quels genres de mesures de confinement mettre en place pour améliorer leur situation.

Pour ce qui est du Canada, il doit simplement continuer d’effectuer des analyses, d’avoir des discussions, d’engager des dialogues et de veiller à ce que les secteurs les plus durement touchés obtiennent le soutien dont ils ont besoin pour survivre. Il faut persister dans l’orientation souhaitée, même s’il faut parfois nous arrêter et corriger le tir. L’objectif à atteindre consiste à trouver le bon équilibre entre vivre avec la COVID et relancer l’économie canadienne. Je suis persuadé que nous avons les capacités intellectuelles, le leadership économique et le leadership d’affaires nécessaires pour y arriver, mais nous devons travailler ensemble.

Encore une fois, je vais le dire simplement : c’est une excellente occasion pour la ministre et pour le gouvernement d’intervenir et de faire preuve du leadership nécessaire. C’est une énorme occasion, mais aussi un grand défi.

L’honorable Rosa Galvez [ + ]

Effectivement, comme le mentionnait le sénateur Smith, le mot magique ici, c’est « opportunité ».

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-9, qui prolonge la Subvention salariale d’urgence du Canada et met en œuvre une nouvelle mouture de la subvention pour le loyer. Il s’agit d’un autre projet de loi d’aide d’urgence qui est lié à la pandémie de COVID-19 et qui vise à réduire les difficultés économiques. Or, la crise sanitaire et la crise économique sont interdépendantes; ainsi, pour que les mesures législatives soient efficaces, elles doivent tenir compte des deux.

La deuxième vague de la pandémie de COVID-19 est en cours depuis un certain temps, comme l’ont prédit les scientifiques du domaine de la santé publique. Le Canada compte maintenant des milliers de nouveaux cas et ma province, le Québec, est la province la plus durement touchée. Il semblerait que, encore une fois, notre pays est mal préparé pour affronter la deuxième vague et que, finalement, la COVID-19 demeurera parmi nous et deviendra une maladie endémique.

Les citoyens et les entreprises commencent à manquer de souffle. Ils se demandent s’il y a d’autres moyens de gérer la crise. Même si le SARS-CoV-2, ou la COVID-19, n’est pas comme la variole, le syndrome respiratoire aigu sévère, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient, la grippe espagnole ou la grippe porcine, nous aurions tout de même dû tirer de nombreuses leçons des épidémies précédentes liées à ces maladies. Cependant, la gestion de la COVID-19 exigera que nous allions au-delà des concepts plutôt flous que sont l’immunité de groupe, l’élimination et l’idée qu’il faille apprendre à vivre avec le virus, cette dernière option étant celle que préconise par certains politiciens.

Les pays qui ont bien géré la pandémie ont deux choses essentielles en commun : premièrement, ils ont identifié les personnes infectées en quelques heures grâce à des tests rapides et fiables et à la recherche des contacts — combien d’entre nous ont l’application sur leurs téléphones cellulaires —, ce qui a réduit le nombre de personnes touchées par une éclosion particulière; et deuxièmement, leurs systèmes de santé publique étaient beaucoup plus solides et souples.

Le Canada accuse toujours un retard sur le plan des tests rapides et de la recherche des contacts, et notre confinement n’est pas étanche. Nous ne parvenons donc pas à déterminer rapidement les lieux de contagion et les risques de propagation.

Les petites et moyennes entreprises, en offrant des services de base, sont la pierre angulaire des activités et des rassemblements locaux, et le gouvernement doit trouver des manières de leur permettre de fonctionner de façon sécuritaire.

Le projet de loi C-9 tente de régler les difficultés des entreprises en traitant leurs deux plus grandes dépenses : les salaires et le loyer. Le gouvernement doit donner aux entreprises la flexibilité requise pour changer de vocation, afin de répondre à des besoins urgents en matière de produits et services.

Le projet de loi C-9 propose de prolonger la Subvention d’urgence pour le loyer du Canada jusqu’à la fin de l’été 2021. La subvention était essentielle pour éviter la fermeture de plusieurs entreprises. La subvention a également assuré un lien entre les employeurs et leurs employés, car elle a permis à ces derniers de conserver leur salaire, un bénéfice qui facilitera le processus de relance.

La nouvelle Subvention salariale d’urgence du Canada prévoit remédier aux défaillances du programme précédent en éliminant notamment le critère selon lequel les propriétaires doivent avoir obtenu une approbation avant de recevoir une aide financière. Jusqu’à maintenant, seulement 22 % des petites entreprises ont eu accès au programme, et le gouvernement souhaite améliorer ce taux lamentable.

Cependant, comme l’ont souligné des témoins avisés au Comité des finances nationales, les petites entreprises sont toujours laissées pour compte. Nous avons le devoir de trouver un meilleur compromis et un meilleur équilibre entre les exigences sanitaires, les services offerts et les faillites d’entreprises. Nous avons le devoir d’élaborer et de réorganiser avec soin les programmes d’aide en fonction de la rétroaction reçue et de l’expérience acquise dans le cadre des projets de loi initiaux lors de la première vague, à commencer par le projet de loi C-14.

Les parties prenantes ont demandé que les programmes soient plus ciblés sur les besoins des différents secteurs. Certains secteurs ont besoin d’aide pour comprendre les détails administratifs des programmes, tandis que d’autres, comme les restaurants, sont confrontés au défi extraordinaire que représente le début de l’hiver canadien. Alors que les terrasses ont été autorisées à ouvrir pendant l’été et l’automne, elles seront fermées pendant les mois d’hiver. La seule option des restaurants est de livrer de la nourriture et d’assumer des frais de service de livraison élevés.

Le projet de loi C-9 oublie les entreprises, notamment les nouvelles entreprises, les entreprises saisonnières, les services professionnels et les professionnels indépendants. Les entreprises ont été gravement touchées par la pandémie, mais elles ont du mal à répondre aux exigences des programmes. Malgré leurs lacunes, le projet de loi C-9 et les projets de loi d’urgence précédents sont essentiels pour maintenir les travailleurs et les services de base à flot, mais ils coûtent cher et ils ne dureront pas éternellement.

Par ailleurs, on voit un gouffre se creuser entre deux types d’entreprises. Force est de constater, lorsque l’on examine la reprise économique, que la pandémie a permis à une poignée de secteurs de s’enrichir et en a poussé beaucoup à la faillite. En effet, seulement pendant les quatre derniers mois de la pandémie, les entreprises milliardaires du monde entier ont vu leur fortune collective grimper de 27,5 %, pour atteindre 10,2 billions de dollars, selon les données de PwC et les cotes de viabilité d’UBS.

Au Canada, la fortune totale des 20 milliardaires les plus riches a augmenté de 37 milliards de dollars depuis mars 2020. Il s’agit des gens les plus riches du pays, et non de petites entreprises locales. Comme l’explique mon livre blanc, bien que le Canada compte 0,5 % de la population mondiale, il se classe au huitième rang parmi les pays qui comptent le plus de millionnaires.

Selon un sondage mené par Abacus Data en septembre 2020, 85 % des gens pensent qu’il faudrait au moins créer une taxe ou augmenter les impôts pour les Canadiens les plus riches afin de permettre au pays de se remettre de la crise. Devant ce consensus remarquable qui unit des Canadiens de tous les horizons politiques, je déplore que la motion visant à taxer les gens extrêmement riches ait été rejetée pour des motifs partisans lundi, à l’autre endroit.

Dans ce contexte, comment peut-on se surprendre que des gens se méfient du gouvernement et des politiciens ou s’opposent aux confinements obligatoires? Les gens riches ont délaissé les grandes villes comme Toronto et Montréal pour s’installer en banlieue, et certains font même du télétravail à partir de la plage, comme on l’a vu dans le New York Times et le HuffPost.

Nous affrontons la même tempête, mais nous naviguons sur les vagues avec des bateaux différents; certains ont des voiliers luxueux, d’autres ont à peine un radeau.

Les nations qui ont maîtrisé la propagation du virus ont déjà commencé à planifier et à implanter la relance, bien que le virus soit toujours présent. C’est ce que le Canada doit faire aussi, si nous voulons nous en sortir en meilleure santé et plus prospères.

Le capitalisme prédateur a été un échec, et les décideurs que nous sommes doivent aujourd’hui prendre une décision difficile : quelles entreprises l’État doit-il soutenir et lesquelles doit-il laisser aller? Doit-on continuer de renflouer les entreprises qui ne se sont pas adaptées à la réalité pandémique? Celles dont l’avenir serait incertain, COVID ou pas, parce qu’elles ne cadrent pas dans un monde caractérisé par la résilience et le développement durable?

Partout dans le monde, on nous dit que le soutien de l’État doit aider les entreprises à innover et à s’adapter efficacement à la nouvelle réalité, que ce soit en réinventant carrément les services qu’elles offrent ou alors la manière dont elles les offrent. Il est par exemple question de créer un cadre qui récompenserait et indemniserait les entreprises pour leur contribution sociale. Au lieu de voler au secours du secteur hôtelier, par exemple, l’État peut lui donner un coup de pouce afin de l’inciter à élargir la gamme des services offerts — les hôtels pourraient, je ne sais pas, se spécialiser dans les logements locatifs pour personnes handicapées, offrir leurs locaux au réseau de la santé, à celui de l’éducation ou encore aux écoles sportives et artistiques ou aux entreprises de remise en forme.

Le soutien devrait être offert de préférence aux entreprises et aux sociétés qui contribuent concrètement à la collectivité et à l’environnement. De cette façon, le pays sera plus résilient et pourra mieux affronter les crises, actuelles et à venir. Celle que nous traversons actuellement, comme bon nombre de mes collègues l’ont dit avant moi, est l’occasion de faire véritablement passer les gens avant la cupidité et les profits, et il est grand temps que nous commencions à penser à ce que nous ferons pour nous en relever.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-9 et tous les autres projets de loi d’urgence se concentrent sur les travailleurs et les entreprises. Pourtant, les sans-abri n’ont été ciblés dans aucune de ces mesures. Peut-être aurions-nous pu inciter certaines catégories d’entreprise à participer à l’hébergement de ceux-ci en changeant leur modèle commercial, ce qui aurait permis de régler deux problèmes d’un seul coup.

Il y a cinq mois, nous aurions dû mieux planifier pour répondre à la réalité d’aujourd’hui. Notre échec a des conséquences sérieuses en raison de l’instauration de mesures de confinement additionnelles. Nous devrions apprendre du fait que nous échouons perpétuellement à bien prévoir les événements, ce qui est encore plus évident durant cette pandémie. Il nous faut éviter d’échouer encore une fois à planifier notre avenir en préparant déjà la relance.

À mesure que les incitatifs fiscaux s’écoulent, nous devons réfléchir à notre but collectif et à la manière de l’atteindre efficacement. Chers collègues, plutôt que de retourner aux vieilles normes de racisme systémique et d’inégalités croissantes, à l’aggravation du changement climatique et à la dégradation de l’environnement, nous avons l’occasion de nous propulser vers l’avant, en faisant des efforts de réconciliation, en imposant des taxes sur la richesse extrême, en faisant payer les pollueurs plutôt que de leur accorder des subventions et en prônant des mesures de conditionnalité et de transparence liées à l’aide financière qui est accordée.

Chers collègues, la semaine dernière, je vous ai fait parvenir un exemplaire d’un livre blanc sur la reprise dans lequel j’expose des considérations sociales, environnementales et économiques, et propose des recommandations concrètes pour la relance. J’espère vraiment que le nouveau comité sur la COVID se penchera sur ce document qui propose une vision transformatrice pour accroître le bien-être collectif global et la solidarité au sein de la population canadienne. Le document s’inspire de plus de 150 observations et propositions émanant de la société civile et des réponses de divers gouvernements du monde entier. Il y est également question de l’échec des mesures de relance traditionnelles, du piètre bilan en matière de gouvernance et de transparence, de l’exposition inutile aux risques financiers, de la contribution au changement climatique et des inégalités croissantes, ainsi que des avantages d’une relance verte et équitable, d’une plus grande justice sociale et environnementale, de la résilience économique et d’une croissance à faible intensité en carbone.

Honorables sénateurs, j’espère qu’après avoir voté en faveur du projet de loi C-9, nous collaborerons pour construire l’avenir que nous voulons pour nous, mais aussi pour les générations futures. Merci beaucoup, meegwetch.

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