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La Loi sur l'assurance-emploi—Le Règlement sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat

19 mai 2022


Honorables sénateurs, je prends la parole depuis le territoire traditionnel de la Première Nation des Kwanlin Dün et du Conseil des Ta’an Kwäch’än.

Un peu plus tard aujourd’hui, je rejoindrai le Conseil des femmes autochtones du Yukon, qui organise le Forum sur la reddition de comptes et le rassemblement familial des femmes, des filles, des personnes bispirituelles et des personnes LGBTQQIA autochtones assassinées ou portées disparues.

La reddition de comptes est une qualité, une valeur et un principe que je défends en tant que politicienne et en tant que Canadienne.

Aujourd’hui, je prends la parole dans cet esprit à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard). Les sénateurs se souviendront peut-être que je me suis proposée pour reprendre le flambeau de ce projet de loi au Sénat lorsque sa marraine, notre ancienne collègue la sénatrice Diane Griffin a proposé de passer à l’étape de la deuxième lecture le 3 mars dernier. Aujourd’hui, je rends compte à mon ancienne collègue et à l’ensemble des sénateurs concernant le projet de loi S-236.

Comme nous l’ont dit notre collègue récemment partie à la retraite et la porte-parole, la sénatrice Rose-May Poirier, qui est intervenue le 28 avril, l’Île-du-Prince-Édouard possède deux régions de l’assurance-emploi, ce qui provoque un déséquilibre et des injustices pour les habitants de cette île. Ce sont ces injustices, décrites avec tant d’éloquence par la sénatrice Poirier et la sénatrice Griffin, qui m’ont poussé à agir.

Honorables sénateurs, la délimitation des zones aux fins de l’assurance-emploi touche d’autres régions au Canada, y compris le territoire du Yukon. Ce qui distingue l’Île-du-Prince-Édouard, c’est la petite superficie de la province comparativement au Yukon. Cette petite superficie fait en sorte que la délimitation d’une zone côtière est complètement inéquitable.

Au Yukon, la capitale, Whitehorse, constitue une zone tandis que le reste du territoire en constitue une seconde. La majorité de la population est concentrée à Whitehorse. Cette ville est là où se situe le siège du gouvernement territorial; les bureaux du Conseil des Premières Nations du Yukon, un organe qui regroupe les chefs et les conseillers des 14 Premières Nations du Yukon autour d’une même table pour prendre les décisions; les bureaux de la Première Nation des Kwanlin Dün, la plus grande Première Nation du Yukon qui se gouverne de manière autonome, ainsi que le conseil des Ta’an Kwäch’än; et les bureaux de l’administration municipale de la Ville de Whitehorse.

En plus d’être le siège de ces entités de gouvernance, Whitehorse possède aussi un aéroport international achalandé, le plus gros hôpital du Yukon, en plus d’être le lieu d’approvisionnement au détail pour tout le Yukon, le Sud-Est de l’Alaska et les communautés les plus nordiques d’Inuvik et de Tuktoyaktuk, représentées par notre collègue la sénatrice Anderson.

Bref, les possibilités d’emploi diffèrent grandement de celles qui existent à proximité de Haines Junction, soit, à l’Ouest, le bureau central du Parc national et de la réserve Kluane ainsi que le gouvernement des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik et, au Sud, la localité de Teslin sur la route de l’Alaska.

On peut comprendre le découpage des régions économiques du Yukon. Les autres possibilités d’emploi les plus proches se trouvent à plus de 70 kilomètres dans le cas de Carcross, ou à plus de 100 kilomètres dans le cas des grands centres comme Haines Junction or Teslin.

Permettez-moi, pour illustrer un peu la question des régions économiques, de mentionner un concept semblable qui concerne nos fonctions de sénateurs et le temps que nous passons ici. Le district parlementaire, qu’on appelait auparavant « région de la capitale nationale » dans le Règlement administratif du Sénat, s’étend « dans un rayon de 100 kilomètres de la Colline du Parlement ».

L’Île-du-Prince-Édouard est divisée en deux zones économiques. Charlottetown forme l’une des deux zones. Très peu de régions de l’Île-du-Prince-Édouard se trouvent à 100 kilomètres de Charlottetown. Des insulaires m’ont dit qu’on risquerait d’aboutir dans l’océan si on parcourait 100 kilomètres à partir de leur zone économique. En pratique, des gens peuvent vivre dans la région de Charlottetown, qui comprend les villes de Stratford et de Cornwall, et travailler dans une autre zone. L’inverse est aussi vrai : des gens peuvent travailler dans une zone économique et vivre dans une autre. Voilà la situation qui m’a amenée à me pencher sur ce projet de loi. Il existe une situation tout à fait inéquitable en ce qui concerne les prestations d’assurance-emploi versées à l’Île-du-Prince-Édouard.

Honorables sénateurs, la marraine et le porte-parole pour le projet de loi ont expliqué en termes plus éloquents que les miens que cette situation fausse le nombre d’heures de travail ouvrant droit aux prestations et la période d’admissibilité de l’assurance-emploi en ce qui a trait aux prestations fondées sur l’adresse résidentielle, même si des travailleurs sont embauchés dans le même lieu de travail. L’évaluation d’impact qui accompagne le règlement modificatif publié dans la Gazette du Canada le 2 juillet 2014 montre l’effet attendu de ce changement dans la région de Charlottetown et que, sur les 6 560 demandeurs projetés de l’assurance-emploi, 5 450 verraient leurs prestations réduites de plus de 2 000 $. Pendant ce temps, dans l’autre région de l’Île-du-Prince-Édouard, sur un total de 15 070 demandeurs projetés, 9 150 verraient leurs prestations augmenter d’environ 1 620 $.

Honorables sénateurs, dans un rapport de juin 2016 intitulé Exploration des conséquences des récents changements à l’assurance-emploi et des moyens d’améliorer l’accès au programme, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées fait la recommandation suivante :

Le Comité conçoit que la récente division de l’Île-du-Prince-Édouard et des territoires en deux régions économiques distinctes de l’AE a eu des impacts négatifs importants sur le bien-être de ces communautés, et pour cette raison, le Comité émet la recommandation qui suit :

RECOMMANDATION 6

Le Comité recommande au gouvernement fédéral de reconsidérer les nouvelles régions économiques de l’assurance-emploi qui ont été créées en 2014, et de revenir au découpage précédent.

Honorables sénateurs, nous avons aussi étudié ce problème au Comité sénatorial des finances nationales. Le 25 mai 2021, ce comité a entendu les témoignages des maires des trois municipalités dont j’ai parlé plus tôt, durant lesquels le maire de Charlottetown a parlé de la promesse électorale du député Sean Casey d’inverser les deux régions actuelles. En outre, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a formulé les observations suivantes, dans son compte-rendu du 7 juin 2021 à propos du projet de loi C-30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures :

Votre comité a entendu que le ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada est conscient des préoccupations relatives aux multiples régions économiques de l’assurance-emploi dans de petites régions géographiques, comme les deux régions économiques de l’assurance-emploi de l’Île-du-Prince-Édouard. Votre comité s’inquiète des inégalités entre ces régions économiques de l’assurance-emploi, malgré l’allégement temporaire apporté par les mesures actuelles liées à COVID-19, et suggère donc que le gouvernement du Canada explore des solutions pour remédier à ces inégalités.

Récemment, le représentant du gouvernement au Sénat nous a écrit au sujet de l’examen de l’ensemble du régime d’assurance-emploi. La phase 1 est terminée et la phase 2 est en cours. Le rapport de la phase 1 ne mentionne pas la situation particulière de l’Île-du-Prince-Édouard. Comme il s’agit d’un examen de la situation globale, il n’est pas certain qu’il se penchera sur la situation bien particulière de l’Île-du-Prince-Édouard. Considérant l’iniquité du système actuel, je crois que les modifications relativement simples proposées par la sénatrice Griffin constituent une solution élégante et utile.

En tout respect, je rappelle aux honorables sénateurs les enjeux étudiés par la Chambre des communes et par les comités du Sénat et dont j’ai parlé plus tôt. J’ai bien écouté mes collègues et, même si je suis sénatrice depuis relativement peu de temps, j’ai remarqué l’excellence du travail mené par les comités sénatoriaux. J’apprécie leurs conseils quant au fait que, même si deux comités sénatoriaux et la Chambre ont fait des recommandations à ce sujet et que les comités en question — comme moi — ont écouté des Prince-Édouardiens, nous devons mener un examen exhaustif et étudier le projet de loi avec attention. Je parle évidemment du projet de loi S-236.

Certains sénateurs sont d’avis que le Comité des affaires sociales est le mieux placé pour mener une telle étude. Au Comité des finances nationales — où nous souscrivons à des principes de transparence et de reddition de comptes, comme nous le rappelle notre excellent président à presque toutes les réunions, et où nous avons entendu des témoins comme le maire de Charlottetown sur la question —, certains membres voudraient effectuer cette étude. Cependant, compte tenu des études en cours à ces deux comités, aucun d’entre eux n’a le temps ou les ressources pour examiner le projet de loi S-236 — et il n’est pas possible d’en dégager. En ce moment, le Comité de l’agriculture et des forêts a la capacité, le temps et les ressources pour étudier le projet de loi S-236. Je dois insister sur le fait que c’est le cas « en ce moment ».

Chers collègues, cette situation existe depuis 2014. Elle s’est améliorée brièvement pendant la pandémie avec le retour des navires de croisière à l’Île-du-Prince-Édouard, de la saison touristique et des semailles du printemps, autrement dit, avec le retour des emplois saisonniers. La distinction artificielle et inéquitable entre les Prince-Édouardiens des régions rurales et urbaines en ce qui concerne les prestations d’assurance-emploi doit prendre fin. Retarder cette étude à un moment où un comité sénatorial est parfaitement capable de s’en occuper perpétue le problème.

Plus tôt aujourd’hui, nous avons entendu des sénateurs parler de l’urgence de renvoyer d’autres projets de loi aux comités du Sénat aux fins d’un examen rapide. Je ne dis pas que cette question constitue une urgence nationale. Je dis qu’elle est urgente pour les Prince-Édouardiens, nos concitoyens canadiens, et que les sénateurs disposent des outils nécessaires pour régler cette question rapidement. Aujourd’hui, je demande que nous le fassions.

Les sénateurs se souviendront que je prends souvent la parole pour dire que je suis heureuse de pouvoir vous parler. Aujourd’hui, mon journal de reconnaissance m’a rappelé qu’il faut être authentique et fidèle à ce qui nous anime et utiliser cette passion pour agir dans l’intérêt des personnes, des lieux et des espaces qui nous entourent. Je crois que j’ai été authentique aujourd’hui au moment de manifester ma passion pour l’équité en matière de prestations d’assurance-emploi envers les Prince-Édouardiens. Avec toute la passion que j’ai pour le bon travail du Sénat, je vous demande respectueusement d’appuyer aujourd’hui l’adoption du projet de loi S-236 et son renvoi subséquent au Comité de l’agriculture.

Mahsi’cho. Gùnáłchîsh. Merci.

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