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L'avenir de CBC/Radio-Canada

Interpellation--Suite du débat

24 octobre 2024


Honorables sénateurs, je suis consciente de l’heure et je vous remercie du temps et de l’attention que vous m’accordez ce soir.

J’aimerais commencer par exprimer ma gratitude aux Premières Nations qui, depuis des millénaires, sont les gardiens de la terre et de tous ceux qui y vivent, au Yukon, et qui ont accueilli les nouveaux arrivants et partagé avec eux les richesses de la terre. Je remercie les Algonquins anishinabes, qui sont les gardiens de la terre à Ottawa, où nous faisons notre travail.

Je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation du sénateur Cardozo attirant notre attention sur l’avenir de CBC/Radio-Canada.

Honorables sénateurs, pour savoir où nous allons, il est important de savoir d’où nous venons. Afin de parler de l’avenir de CBC/Radio-Canada, en particulier de la radio de CBC/Radio-Canada, j’aimerais vous donner une idée d’où nous venons, en particulier au Yukon.

On soulignera très bientôt le 88e anniversaire de CBC/Radio-Canada, le 2 novembre. Faisons un bref retour en arrière avec un article du Whitehorse Star de 1938 qui décrivait le premier rapport de CBC/Radio-Canada au Parlement, dans lequel la société faisait état d’un excédent de 128 819 $ et de recettes totales de 836 998 $ au cours de ses cinq premiers mois d’activité. Deux mois plus tard, le Whitehorse Star citait le magazine Maclean’s, qui remettait en question ce que CBC/Radio-Canada apportait réellement aux Canadiens et se demandait si cela en valait la peine. Fait intéressant, deux semaines après la fin de l’exercice 1937-1938, CBC/Radio-Canada déclarait des recettes de 2,2 millions de dollars et un excédent au Parlement.

Avançons de quelques années jusqu’au 20 novembre 1942. Grâce au réseau militaire, le Yukon était sur les ondes nationales de CBC/Radio-Canada, qui assurait la couverture de l’inauguration officielle de la route militaire Alcan — la route de l’Alaska —, une cérémonie spéciale qui s’est déroulée au Sommet Soldier’s sur le lac Kluane.

Honorables sénateurs, le réseau militaire que je viens de mentionner, comme la route de l’Alaska, a été un élément essentiel de l’infrastructure du Nord au Yukon, et l’histoire de l’avènement de CBC/Radio-Canada au Yukon est un héritage de plus de la présence militaire américaine.

En février 1944, CFWH commence à émettre à 19 heures. Cette station de radio est la première du corps expéditionnaire de l’armée dans le commandement de l’intendance du Nord-Ouest, et elle est exploitée par et pour des militaires sous l’autorité de la direction des services spéciaux du département de la Guerre des États-Unis. CFWH émet sur la fréquence 1240 kilohertz avec un émetteur de 100 watts depuis les installations de l’armée à McCrae, près de Whitehorse. Toute la programmation est américaine.

Dans les mois qui suivent le lancement de la station, une émission de demandes spéciales intitulée Platter Parade devient populaire auprès du personnel militaire et des habitants civils de la région de Whitehorse. La collection de CFWH passe à 800 disques, ce qui lui permet d’accéder à 90 % des demandes. En outre, CFWH doit déménager son studio dans de nouvelles installations parce que le local d’origine devient trop petit pour de nombreuses émissions avec participation du public que la station a l’intention de réaliser. La programmation hebdomadaire est publiée dans le journal Whitehorse Star pendant de nombreuses années.

En octobre 1945, des dispositions ont été prises pour commencer à diffuser des nouvelles canadiennes à l’antenne de CFWH pendant 15 minutes le soir, 3 fois par semaine. Les émissions provenaient du service des relations publiques du 6e Commandement de service à Edmonton. L’annonceur était l’adjudant Fred Ayer. Il avait lu les nouvelles locales sur les ondes de CFWH auparavant, quand il était stationné à Whitehorse.

Le 15 décembre 1945, Whitehorse a participé à une émission entièrement canadienne le jour de Noël. Cette émission spéciale de Noël a été diffusée à partir de Toronto à 11 h, heure de Whitehorse. Les contributions locales comprenaient des chants de la chorale de l’église Christ Church et des témoignages de citoyens sur la période de Noël à Whitehorse en temps de guerre.

Le 1er juin 1946, le contrôle et les activités ont été transférés de l’armée américaine au réseau routier du Nord-Ouest de l’armée canadienne. Le personnel d’antenne, entièrement bénévole, incluait des habitants de la région ainsi que des militaires de l’Aviation royale canadienne. Les Yukonnais ont appris l’horloge de 24 heures parce que les annonces étaient faites en temps militaire.

Le 16 octobre 1946, à l’époque où la politesse était de mise en politique, CBC a commencé à diffuser des émissions politiques en temps gratuit sur le réseau transcanadien. L’émission The Nation’s Business était diffusée le mercredi.

Les émissions de la CBC ont été mises à la disposition de CFWH et d’autres stations de radio en région éloignée en 1952. Au début, cela représentait environ 25 heures de programmation par semaine, puis 60 heures en 1956. Il ne s’agissait pas d’émissions en direct. Elles étaient envoyées de Montréal et dataient déjà d’environ deux semaines lorsqu’elles arrivaient sur les ondes au Yukon.

En mai 1956, des discussions s’engagent au sein de la collectivité et à l’échelle nationale entre la CBC, le ministère des Affaires du Nord et l’Aviation royale du Canada sur l’avenir des stations de radio communautaires dans le Nord et la possibilité que la CBC prenne en charge le service. Le 28 août 1958, une lettre du député conservateur Erik Nielsen expose les plans de la CBC concernant la prise en charge des services de radio dans le Nord du Canada.

Le 9 novembre 1958, la station bénévole CFWH quitte les ondes. C’est le bénévole Terry Delaney qui annonce la fin des émissions. Une cérémonie spéciale a lieu le dimanche soir pour marquer le transfert. F.H. Collins, commissaire du Yukon, Gordon Cameron, maire de Whitehorse, et Erik Nielsen, député de Yukon, assistent à la cérémonie. Dès le lendemain, soit le 10 novembre, CFWH, propriété de la CBC, entre en ondes. Terry Delaney, devenu employé de la CBC, annonce le début des émissions.

Un réseau d’émetteurs-relais de faible puissance a été installé dans les années 1960 dans la plupart des localités situées le long de l’autoroute. Tout comme la route de l’Alaska a permis de relier Dawson Creek, en Colombie-Britannique, à Fairbanks, en Alaska, en passant principalement par le Yukon, et tout comme les rivières et ensuite les routes ont permis de transporter l’or, l’argent, le plomb et le zinc qui venaient de Dawson, Mayo et Faro, CBC/Radio-Canada a permis de relier les Yukonnais entre eux et de relier le Yukon aux Canadiens de tout le pays et du monde entier.

À l’été 1965, Bob Charlie, de Dakwäkäda, Haines Junction — qui deviendrait plus tard chef des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik — se joint à l’équipe de CBC/Radio-Canada. Il anime la populaire émission de demandes spéciales du samedi. Il succède à Gertie Tom, qui avait animé dans la langue des Tutchonis du Sud. L’émission a changé de nom pour devenir « Klahowya », ce qui signifie « Allô, ça va? » dans la langue d’une Première Nation de la Colombie-Britannique.

Bien avant que nous soyons éclairés par les travaux de la Commission de vérité et réconciliation, à laquelle a participé Marie Wilson, ancienne communicatrice de CBC North, les auditeurs des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon ont grandi en écoutant les histoires d’Ookpik, le hibou de l’Arctique. Elles étaient écrites et produites par Les McLaughlin, qui avait commencé sa carrière à la radio à CFWH.

Chers collègues, j’ai parlé de Terry Delaney il y a quelques instants. Voici un fait peu connu au sujet de ma propre histoire : un de mes premiers emplois à la fin du secondaire a été à la radio de la CBC, à Whitehorse. Pendant l’émission du matin, je lisais les nouvelles sportives nationales qui arrivaient par télex. Terry Delaney m’a appris à couper le papier qui sortait du télex et à le lire. Parmi mes meilleurs souvenirs à la CBC figurent l’entrevue que j’ai faite avec Clarence Campbell le jour où il a pris sa retraite de la LNH ainsi que l’appel téléphonique inusité, tard en soirée pendant l’émission musicale du week‑end, d’un auditeur d’Inuvik qui pensait qu’il s’agissait d’une émission de demandes téléphoniques.

Aujourd’hui, les journalistes communautaires de CBC Yukon parcourent le territoire depuis Old Crow jusqu’à Watson Lake et de Beaver Creek à Faro afin de continuer à unir le Yukon avec leurs reportages sur la communauté pendant l’émission du matin. Nous syntonisons régulièrement l’émission Midday Café, le midi, pour savoir ce qui se passe en Alaska et écouter Leonard Linklater, un Vuntut Gwitchin d’Old Crow. L’après-midi, David White passe en revue les nouvelles artistiques, les nouvelles musicales et celles du monde des affaires. Toutes ces émissions incluent des nouvelles rapportées en toute équité et impartialité, sans oublier les essentiels bulletins sur les conditions météo et l’état des routes.

La portée de CBC/Radio-Canada Yukon sur l’ensemble du territoire n’est pas exclusive au Yukon. Les Canadiens de tout le pays se souviendront des voix distinctives de Peter Gzowski et de Barbara Frum, ainsi que de l’émission Cross Country Checkup le dimanche après-midi, qui apportait un discours civilisé sur les questions nationales avec des interlocuteurs venant des quatre coins du pays. La radio de CBC/Radio-Canada continue à nous relier et à représenter une identité nationale.

Aussi fascinante que soit l’histoire de la radio de CBC/Radio-Canada au Yukon, ainsi que ma conviction de sa pertinence pour toutes les régions de notre pays, qu’en est-il de son avenir, comme le demande l’interpellation dont nous sommes saisis? Je vous invite à faire un retour en arrière ou, plus immédiatement, à faire une recherche sur Internet, sur le site de Protection civile Canada ou sur celui qui concerne la préparation aux urgences dans votre région. Vous constaterez que la plupart des sites, sinon tous, recommandent d’inclure dans votre trousse d’urgence une radio FM à piles.

Honorables sénateurs, permettez-moi de raconter une autre histoire de ma région. En mai dernier, j’ai participé à la conférence annuelle de l’Association of Yukon Communities, à Dawson City, qui se trouve à 500 kilomètres au nord de Whitehorse, quand le câble à fibres optiques qui relie le Yukon au Sud a été coupé. Toutes les connexions cellulaires et Internet ont disparu. Par conséquent, le service d’urgence 911 du Yukon et les systèmes de paiement électronique sont tombés en panne, et les participants à la conférence ont posé leur téléphone cellulaire, puis ils ont discuté entre eux. Les bénévoles de la Yukon Amateur Radio Association ont immédiatement utilisé leurs radios amateurs pour relayer les messages entre les premiers intervenants et les personnes ayant besoin d’aide.

Permettez-moi de vous lire un courriel de Pam Buckway, une Yukonnaise qui a passé une grande partie de sa vie à Beaver Creek, qui se trouve au kilomètre 1 202 de la route de l’Alaska. Elle a fait ses études en radiotélévision à l’Université de l’Alaska, à Fairbanks. Par la suite, elle est retournée au Yukon pour devenir annonceuse à la CBC. Sa voix très familière à de nombreux Yukonnais. Elle m’a écrit ceci :

Quand il y a une panne d’électricité ou de téléphonie cellulaire, j’attrape ma radio amateur d’une main et mon radio-transistor de l’autre pour écouter CBC Radio. Le mandat de CBC est d’être le reflet des Canadiens pour qu’ils puissent se connaître les uns les autres. Elle doit continuer à le faire. J’adorais écouter Peter Gzowski interviewer des gens. Aujourd’hui, j’adore le jeune Tom Power à l’émission « Q ». Lui et l’équipe de recherche de son émission m’apprennent beaucoup de choses sur les arts et les divertissements que je ne chercherais jamais à découvrir par moi-même. J’adore « Reclaimed » et la musique autochtone du monde entier que cette émission présente chaque semaine. J’écoute aussi les émissions « The Current » et « As It Happens » quand je le peux. CBC News reste ma source d’information de confiance. La CBC doit rester une institution publique.

Pendant l’événement de Dawson, alors que toutes les lignes de communication étaient coupées, l’équipe de CBC Radio diffusait ses émissions à partir du parc Shipyards, près du centre culturel Kwanlin Dün. Cette équipe de CBC est devenue la principale source — la seule source — d’information pour 44 000 Yukonnais. Elle leur indiquait les endroits où aller s’ils avaient besoin d’aide, l’emplacement des abris. Elle leur permettait de localiser les ambulances et les véhicules de patrouille de la GRC et leur indiquait ce qu’il fallait faire en cas d’urgence. CBC Radio, qui a la réputation d’être une source digne de confiance d’information exacte, était le seul moyen de communication fiable pour tous ceux qui disposaient d’une radio FM.

Je tiens à ajouter que je suis reconnaissante envers Ted Laking, qui souhaite être le candidat conservateur pour le Yukon lors des prochaines élections fédérales, d’avoir reconnu l’importance de ce service et de CBC/Radio-Canada. Dans une déclaration publique récente à propos de l’avenir de CBC/Radio-Canada, il a dit : « CBC Radio joue un rôle extrêmement important en reliant nos collectivités [...] »

Il a ajouté : « Je continuerai à défendre ce rôle essentiel dans la promotion des enjeux propres aux collectivités et de la sécurité publique. »

Même si les plus jeunes que moi passent peut-être plus de temps à écouter SiriusXM ou les stations de radio commerciale locales, CBC Radio demeure de toute évidence un élément essentiel de nos collectivités.

Récemment, ce fait a été confirmé à mes yeux lorsque j’ai participé à l’assemblée générale des Premières Nations de Champagne et d’Aishikik. Une jeune femme qui travaillait à la station de recherche du lac Kluane pendant l’été m’a demandé quel était l’avenir de CBC/Radio-Canada. Elle m’a dit : « C’est très important pour nous lorsque nous sommes dans la nature. » C’est la seule source d’information sur les feux de forêt, les systèmes météorologiques attendus et les conditions routières — c’est de l’information dont on ne peut se passer. C’est ce que m’a dit une jeune scientifique instruite qui passe une bonne partie de son temps à faire de la recherche essentielle pour notre pays, à Calgary. Elle m’a demandé ceci : « Je vous prie de faire tout votre possible pour que CBC/Radio-Canada demeure un radiodiffuseur public national. »

Ma promesse à ce jeune scientifique était la suivante : je ferai de mon mieux. J’espère que mon intervention d’aujourd’hui alimentera la réflexion de mes collègues.

Shä̀w níthän, mahsi’cho, gùnáłchîsh. Merci.

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