L'étude sur les obligations découlant des traités et les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis
Vingtième rapport du Comité des peuples autochtones et demande de réponse du gouvernement--Ajournement du débat
26 septembre 2024
Propose :
Que le vingtième rapport du Comité permanent sénatorial des peuples autochtones, intitulé Archives manquantes, enfants disparus, qui a été déposé auprès de la greffière du Sénat le jeudi 25 juillet 2024, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Relations Couronne-Autochtones étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre des Services aux Autochtones Canada, le ministre du Patrimoine canadien et le président du Conseil du Trésor.
— Honorables sénateurs, je me présente devant vous aujourd’hui en ma qualité de président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. À partir de la fin du XIXe siècle, le gouvernement du Canada, en partenariat avec de nombreuses églises, y compris l’Église catholique, a géré des pensionnats indiens. Ce système fonctionnait parallèlement à d’autres lois et politiques fédérales conçues pour perturber, déplacer, assimiler et éradiquer les peuples autochtones. On estime que plus de 150 000 enfants autochtones ont été contraints de fréquenter ces établissements, et que certains ont été transférés entre plusieurs établissements. Trop d’entre eux ont souffert de négligence, de maladies et de mauvais traitements; trop d’entre eux ne sont jamais rentrés chez eux.
Il était fréquent que les parents ne soient pas informés du transfert de leur enfant dans d’autres établissements ou de son décès et de son lieu d’inhumation. Nombre d’entre eux ont été enterrés dans des sépultures anonymes, mais ils n’ont jamais été oubliés par leurs proches. Les archives relatives aux pensionnats et aux établissements connexes, à savoir les hôpitaux, les sanatoriums et les maisons de correction, sont d’une importance capitale si l’on veut non seulement découvrir, répertorier et raconter toute la véritable histoire du Canada, mais aussi prendre en charge les conséquences intergénérationnelles des pratiques néfastes, assimilatrices et génocidaires imposées à des générations d’Autochtones.
Malheureusement, de nombreux obstacles continuent d’empêcher les familles et les communautés d’accéder aux archives relatant la vie et la mort d’enfants autochtones dans les pensionnats et les établissements connexes.
Fin juillet, le comité a publié un rapport provisoire intitulé Archives manquantes, enfants disparus qui traite de ce sujet. Vous vous demandez peut-être comment nous en sommes arrivés là. En juillet 2023, notre comité a publié un rapport provisoire intitulé Honorer les enfants qui ne sont jamais rentrés auprès des leurs : vérité, éducation et réconciliation.
Aux termes de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, les parties, ce qui inclut le gouvernement du Canada et les églises qui géraient les pensionnats, ont accepté de divulguer tous les documents pertinents en leur possession ou sous leur contrôle, sous réserve des lois relatives à la protection de la vie privée et à l’accès à l’information, au Centre national pour la vérité et la réconciliation, qui a été créé pour archiver de façon permanente les documents de la Commission de vérité et réconciliation du Canada et qui continue d’enrichir cette collection afin de favoriser la recherche et l’apprentissage continus. Toutefois, en mars 2023, des représentants du Centre national pour la vérité et la réconciliation et du Bureau de l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes ont indiqué qu’il manquait des documents. Par conséquent, nous nous sommes engagés à tenir des audiences publiques à l’automne 2023 afin de mieux comprendre pourquoi les obligations de divulgation n’ont pas été remplies.
Entre septembre 2023 et avril 2024, le comité a tenu 10 réunions au cours desquelles il a entendu 39 témoins. Il a adressé des invitations à tous les détenteurs de documents n’ayant pas encore été transmis au Centre national pour la vérité et la réconciliation, selon une liste détaillée qu’il a présentée en 2023. On comptait parmi eux des représentants de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, ainsi que de Bibliothèque et Archives Canada, de même que des coroners et d’autres fonctionnaires du Manitoba, des Territoires du Nord-Ouest, de l’Ontario, du Québec et de la Saskatchewan. Les témoins de l’Église catholique, qui était la seule à figurer sur la liste, comprenaient des représentants des Archives générales des Oblats à Rome et, au Canada, des Oblats de Marie-Immaculée, de l’Archidiocèse de Keewatin-Le Pas, des Archives Deschâtelets-NDC et des Sœurs de la Charité à Halifax.
Si la plupart des gens invités ont fini par accepter de comparaître, quelques invitations sont restées sans réponse ou ont été refusées après de nombreuses demandes. Nous avons été troublés de ne pas obtenir de réponse de la part des Archives provinciales de l’Alberta et des bureaux d’état civil du Manitoba et du Québec. Par ailleurs, nous sommes heureux que plusieurs témoins aient trouvé des documents supplémentaires après notre invitation.
Par exemple, l’archidiocèse de Keewatin-Le Pas a transmis les archives la veille. Nous étions très reconnaissants à tous les témoins qui ont participé à l’étude, y compris les leaders des Premières Nations qui ont parlé des efforts déployés pour accéder aux archives et surmonter les obstacles.
Parmi les principaux éléments révélés, les témoins ont relevé plusieurs obstacles qui empêchent les Autochtones de trouver des archives et d’y accéder pour les consulter. Par exemple, de nombreux documents ont été perdus ou détruits et il peut être incroyablement difficile de repérer les documents qui existent encore, parce qu’il y a très peu d’informations, voire aucune, sur la façon de les trouver et l’endroit où les trouver. En outre, les documents sont éparpillés un peu partout au Canada et détenus par les gouvernements, les églises, etc. Il y a même des documents qui se trouvent à Rome.
Par conséquent, des familles autochtones ont dû faire appel à différentes administrations et bureaucraties complexes pour tenter d’obtenir des informations.
Le rapport provisoire donne également un aperçu des approches employées par les provinces et territoires pour retrouver les dossiers concernant les pensionnats et fait notamment état de certaines avancées prometteuses. Par exemple, le comité a entendu que le Québec avait adopté un projet de loi qui permet un meilleur accès aux dossiers relatifs à la disparition ou au décès des enfants admis dans les établissements provinciaux et les organismes religieux, ce qui a mené à quelques demandes d’exhumation, de rapatriement et d’inhumation.
En Ontario, le Bureau du coroner en chef a mis sur pied une équipe d’enquête sur les décès dans les pensionnats pour examiner les décès susceptibles d’être survenus dans les établissements de la province. De plus, il a été en mesure de trouver des renseignements supplémentaires pour plus de 30 % des enfants autochtones de l’Ontario figurant dans le Registre commémoratif, et il a découvert 70 décès qui ne figuraient pas dans ce registre. Ces développements sont un bon début, mais il reste beaucoup de travail à faire par tous les ordres de gouvernement.
En tout, le rapport comprend 11 recommandations, dont un appel au gouvernement du Canada pour qu’il oblige les groupes catholiques, en particulier les oblats, à transmettre sans plus attendre tous les documents pertinents contenant des dossiers personnels au Centre national pour la vérité et la réconciliation.
Nous demandons également au gouvernement du Canada d’augmenter le financement pour que le Centre national pour la vérité et la réconciliation puisse gérer correctement sa collection qui s’étoffe et qui pourrait comprendre 24 millions de documents, et d’augmenter le financement pour accélérer les efforts pour retrouver, transcrire, numériser et, dans certains cas, traduire les documents des groupes catholiques en la possession du Royal BC Museum et de la Société historique de Saint-Boniface.
En outre, en sachant que beaucoup d’argent et de temps a servi à lutter en justice contre les survivants du pensionnat St. Anne, nous demandons au gouvernement du Canada d’adopter la politique officielle consistant à divulguer les documents de façon proactive et à donner la priorité à la négociation et à la médiation plutôt qu’aux procès.
Chers collègues, je vous invite à lire, avant le 30 septembre, le rapport provisoire intitulé Archives manquantes, enfants disparus.
Les Autochtones ont le droit individuel et collectif de connaître la vérité sur ce qui leur est arrivé, à eux ainsi qu’à leurs familles et à leurs communautés. La société dans son ensemble a le devoir non seulement de se souvenir, mais aussi de faire face à l’histoire.
Le gouvernement du Canada doit également prendre des mesures concrètes pour appuyer la quête continuelle de justice, de vérité et de guérison. Le rapport provisoire fournit une feuille de route claire pour avancer dans un esprit de réconciliation.
Merci, wela’lin.