
Langues officielles
Motion tendant à autoriser le comité à étudier la décision du gouvernement d’attribuer un contrat pour un programme de bourses d’études à l’organisme UNIS--Suite du débat
3 décembre 2020
Chers collègues, avant de vous exposer le problème auquel notre pays est confronté, je tiens à vous expliquer ma vision du bilinguisme au Canada. Le problème du système bilingue dans lequel nous évoluons est qu’il n’encourage pas le bilinguisme. C’est un système qui encourage la bipolarisation et non l’union. Les communautés francophones d’un océan à l’autre son entourées de communautés anglophones beaucoup plus importantes. Le Québec, qui est censé porter le flambeau de la langue française, est entouré de forces anglophones au sud, au nord, à l’est et à l’ouest. Même Montréal, qui est notre métropole francophone, est de plus en plus anglophone.
La stratégie que nous privilégions est inefficace. La condition du français est en train de s’effriter à une vitesse effarante. Le français est perçu par les nombreux arrivants et anglophones qui s’installent dans les régions francophones comme un mal nécessaire. Le français ne devrait pas être un obstacle à la prospérité, mais bien un outil pour l’atteindre. Le français et l’anglais devraient aller de pair au lieu d’être des forces opposées. Nous devons encourager un vrai bilinguisme pour permettre aux communautés francophones et anglophones d’être réellement unies et pour briser les barrières linguistiques qui freinent tant de gens.
Les politiciens de tous les partis politiques confondus utilisent le sujet de la langue pour gagner des votes et du capital politique. Malheureusement, malgré le fait que ce soit un thème récurrent dans le discours politique, peu d’actions concrètes et efficaces sont menées pour remédier à la situation critique du bilinguisme canadien. Cessons d’utiliser la langue comme un outil politique et unissons nos voix, en français et en anglais, pour faire en sorte que le Canada soit un pays réellement bilingue. Tout le monde en sortira gagnant.
J’aimerais maintenant exposer une des décisions les plus dommageables que le gouvernement Trudeau a prises depuis le début de son règne.
Au cours des derniers mois, nous avons constaté la corruption de ce gouvernement dans le scandale entourant l’organisme UNIS. Ce scandale a prouvé que la famille Trudeau et ses amis libéraux n’ont aucun scrupule lorsqu’il s’agit de sommes d’argent. Ils ont accepté des centaines de milliers de dollars et se sont fait payer des voyages luxueux par une fondation qui ne paie même pas ses conférenciers. Ce scandale était si grave que le ministre des Finances a dû démissionner, puisqu’il avait lui aussi accepté des pots-de-vin de l’organisme UNIS. Le geste était à ce point inacceptable que le seul député possédant les compétences nécessaires pour occuper le poste de ministre des Finances a dû démissionner. En effet, ce genre de comportement, de la part de nos dirigeants démocratiquement élus, est tout à fait inacceptable. D’ailleurs, ce n’est pas la première, mais bien la troisième fois que Justin Trudeau refuse de reconnaître un conflit d’intérêts lorsque cela l’avantage.
Ce qui est encore plus disgracieux, c’est le fait que tous les pots-de-vin que l’organisme UNIS a versés à la mère, au frère et à la femme du premier ministre, en plus du premier ministre lui-même, ont manifestement fonctionné. Après que les membres de la famille de Justin Trudeau ont été grassement payés pour leur bénévolat, c’était maintenant au tour du premier ministre du Canada lui-même de retourner l’ascenseur vers ses amis, les frères Kielburger. Il a donc décidé unilatéralement, sans faire d’appel d’offres, de leur confier la gestion de 900 millions de dollars en bourses canadiennes pour le bénévolat étudiant, et ce, sans même penser à confier cette responsabilité à la fonction publique qui, selon plusieurs rapports, aurait été tout à fait en mesure de s’occuper de ce programme. Il est très payant d’avoir Justin Trudeau comme ami, car l’organisme UNIS devait toucher 43,5 millions de dollars pour distribuer ces bourses.
Les faits que je viens d’évoquer sont tout simplement inacceptables. Cependant, notre beau premier ministre est allé encore plus loin dans son mépris envers les contribuables canadiens. Pour couronner le tout, UNIS, l’organisme qui a graissé la patte de M. Trudeau et de sa famille, n’était même pas qualifié pour s’occuper de la partie francophone des bourses. Bien que M. Trudeau soit très généreux envers ses amis avec l’argent des contribuables, il n’a pas été assez astucieux pour se rendre compte que son cadeau aux frères Kielburger allait à l’encontre de la Loi sur les langues officielles. M. Trudeau méprise tellement les communautés francophones à travers le pays qu’il a oublié de tenir compte de cela lorsqu’il a échafaudé son plan pour récompenser ses amis. Après avoir versé des centaines de milliers de dollars à ses proches, il s’est avéré que l’organisme UNIS n’était pas le seul organisme qualifié pour gérer ces fonds. En fait, l’organisme UNIS n’était pas du tout qualifié pour assumer cette responsabilité.
Honorables sénateurs, malgré la gravité des faits que je viens de vous exposer, j’aimerais souligner une chose encore plus troublante pour une bonne partie des Canadiens. L’incapacité de l’organisme UNIS à gérer le programme de bourses en français est une autre preuve que les libéraux n’ont aucun intérêt pour la langue française. Étrangement, ce n’est pas la première fois que les libéraux manquent de respect envers l’une des deux langues officielles de notre grand pays. Une députée libérale du Québec a récemment mis en doute le déclin de la langue française au Québec. Ironiquement, cette députée a été élue dans une circonscription de la région de Montréal où le français est très menacé. Les propos de cette députée étaient à ce point irrespectueux que Mélanie Joly, ministre libérale responsable des langues officielles, l’a corrigée sur la place publique. La députée en question s’est alors excusée de ses propos insensibles sur les réseaux sociaux, mais c’était trop peu, trop tard. Elle avait, une fois de plus, démontré que les libéraux ne s’occupent pas de la situation du français au Canada, et encore moins au Québec.
Ces propos ne sont pas nouveaux de la part de personnes haut placées au Parti libéral. En septembre dernier, la directrice du Parti libéral du Canada au Québec a affirmé sur les réseaux sociaux que la loi 101 était « oppressive » et qu’elle a gâché l’éducation en langue anglaise. Bien sûr, honorables sénateurs, comme tout bon libéral, lorsqu’elles ont commencé à essuyer de fortes critiques pour leurs propos inacceptables, elles se sont toutes les deux excusées sur les médias sociaux. La directrice du Parti libéral du Canada au Québec est allée jusqu’à supprimer sa publication afin de limiter les dégâts. Aucune lettre d’excuses ne pourra effacer l’ignorance dont ces deux personnes haut placées au Parti libéral ont fait preuve envers la langue française. Malheureusement pour les francophones du Canada, ces deux personnes disent simplement tout haut ce que le gouvernement pense tout bas.
Peu importe l’opinion des libéraux au sujet du déclin de la langue française, il est tout simplement irresponsable de suggérer qu’il n’existe pas. Nous ne pouvons nous permettre, en tant que nation bilingue, de mettre de côté l’une de nos langues fondatrices. Après avoir constaté que le français est en chute libre, la moindre des choses que le gouvernement libéral devrait faire est d’offrir des services équivalents en anglais et en français.
C’est pourquoi je me prends la parole aujourd’hui afin de dénoncer l’action du gouvernement fédéral envers l’une des langues fondatrices de notre beau pays. Le français est dans l’eau chaude partout au Canada et même au Québec. Or, le gouvernement nous sert les belles paroles habituelles et veut nous promettre que la langue française n’a jamais été en aussi bonne position. Force est de constater que cette affirmation est complètement fausse. Il faut remédier à la situation immédiatement.
Bien sûr, l’état du français pourrait être amélioré par des programmes d’aide et d’autres subventions. Toutefois, le seul moyen d’assurer la continuité du français est de considérer cette langue à sa juste valeur, c’est-à-dire une langue officielle qui doit être respectée dans les actions du gouvernement.
Malgré la corruption évidente que je vous ai décrite, le plus dommageable dans ce scandale est le manque de respect apparent envers la langue française. Le fait que l’organisme UNIS ait dû faire affaire avec la firme de relations publiques National pour administrer le programme de bourses en français était tout à fait illégal, en vertu de l’article 25 de la Loi sur les langues officielles. Cet article stipule que tout organisme qui offre des services au nom du gouvernement fédéral doit le faire dans les deux langues officielles. Le programme orchestré par le gouvernement fédéral pour l’organisme UNIS n’a pas été conçu dans le respect de la Loi sur les langues officielles. C’est donc à notre tour, en tant que parlementaires, de nous prononcer en faveur du français et de nous assurer qu’il soit respecté. Nous devons aux communautés francophones de partout au Canada, trop souvent laissées pour compte, d’utiliser le pouvoir qui nous a été accordé pour nous assurer que la langue française soit respectée à sa juste valeur.
Le gouvernement se doit d’expliquer le raisonnement derrière la décision d’octroyer le contrat de la distribution des bourses à un organisme qui n’était pas en mesure de fournir des services dans les deux langues officielles. Ce genre d’action ne peut pas rester sans conséquence. Si nous n’allons pas au fond des choses, nous risquons que ce genre d’infraction devienne de plus en plus fréquente, ce qui fait du tort à toutes les communautés francophones du Canada.
Pour ces raisons, je propose que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la décision du gouvernement du Canada d’attribuer un contrat pour un programme de bourses d’études à l’organisme UNIS, un organisme tiers qui n’était pas en mesure de fournir des services dans les deux langues officielles, ce qui vient de toute évidence contrevenir à la Loi sur les langues officielles du Canada.
Honorables sénateurs, j’espère que vous appuierez cette motion. La demande n’est pas partisane, loin de là. C’est tout simplement une action que nous devons poser pour être en mesure de prospérer en tant que nation bilingue.
Merci, honorables sénateurs.
J’aimerais poser une question au sénateur Housakos, s’il accepte.
Avec plaisir.
Merci beaucoup pour ce discours et pour votre engagement en faveur de la promotion des deux langues officielles du Canada. Vous avez indiqué dans votre préambule que la question du bilinguisme était devenue un outil politique. J’aimerais que vous précisiez si, selon vous, le bilinguisme est devenu un outil politique pour tous les partis.
Ma deuxième question traite de la différence entre les langues officielles et les langues nationales, car je commence à entendre, dans le discours du chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, l’utilisation de l’expression des langues nationales, qui est nouvelle, et je me demandais si vous étiez en mesure de nous en dire davantage à ce sujet.
Premièrement, je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que tous les partis politiques et tous les politiciens au Canada utilisent souvent la langue française et le bilinguisme comme un outil politique, ce qui est malheureux.
En même temps, nous traversons une crise sérieuse au Canada. Nous sommes un pays officiellement bilingue. Cependant, ma préoccupation en tant que parlementaire est liée au fait que les régions à l’extérieur du Québec deviennent de plus en plus anglophones et que le Québec devient de plus en plus unilingue francophone. À mon avis, ce phénomène ne favorise pas l’unité nationale. Il faut avoir une vision commune, une vision qui utilisera nos deux langues fondatrices comme des outils pour unifier le pays.
En ce qui concerne votre deuxième question, je suis fier, en tant que membre du caucus du Parti conservateur du Canada, que notre chef, M. Erin O’Toole, se soit exprimé clairement sur le déclin de la langue française. Il est prêt à aller beaucoup plus loin pour appuyer la langue française que ne l’a fait aucun autre chef d’un parti national, selon moi. C’est une bonne nouvelle pour le bilinguisme et la langue française.
D’autre part, lorsqu’un gouvernement contrevient à la Loi sur les langues officielles, comme l’a fait le gouvernement actuel avec le projet qu’il voulait confier à l’organisme UNIS, des institutions comme le Sénat sont obligées de prendre des mesures pour protéger les objectifs et l’esprit de cette loi.
Votre temps est écoulé, sénateur. Voulez-vous encore cinq minutes pour répondre aux questions?