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Projet de loi modifiant certaines lois et d'autres textes en conséquence (armes à feu)

Deuxième lecture--Débat

31 mai 2023


L’honorable Hassan Yussuff [ - ]

Propose que le projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à propos du projet de loi C-21, Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu).

Chers collègues, je tiens à reconnaître dès le début de ce débat qu’il n’est jamais facile de discuter des armes à feu. Ce sujet est généralement fort émotif et source d’opinions bien tranchées, mais aussi de division et de polarisation, car il s’agit de vie et de mort, de la sécurité des collectivités, ainsi que des droits et des privilèges des Canadiens.

Pour certains, les armes à feu sont des outils. Ils les utilisent pour protéger leurs animaux d’élevage, pour se protéger dans la nature, pour chasser à des fins récréatives ou pour se nourrir, ou pour viser une cible lors d’une compétition. D’autres n’utilisent les armes à feu que pour s’amuser. Pour d’autres encore, les armes à feu, en particulier celles que l’on considère comme des armes d’assaut, sont des instruments grotesques de mort et de destruction qui ont causé des douleurs et des souffrances immenses à des innocents et qui n’ont pas leur place dans notre société. Je sais que le débat ne sera pas facile et je m’attends à ce que les collègues de cette enceinte aient des opinions bien arrêtées dans les deux camps.

Chaque fois qu’un gouvernement restreint ou limite la capacité des citoyens de posséder des biens comme des armes à feu, il nous revient, en tant que législateurs, de nous pencher sérieusement là‑dessus. Honorables collègues, je considère que ce projet de loi vise essentiellement à établir un juste équilibre entre le droit des Canadiens de vivre dans des collectivités sécuritaires et le privilège accordé à des Canadiens de posséder certains types ou modèles d’armes à feu pour la chasse ou le tir sportif. Trouver le juste équilibre n’est pas chose facile.

Selon certains militants pour le contrôle des armes à feu, ce projet de loi ne va pas assez loin. D’après certains militants pour les droits des propriétaires d’arme à feu, il va trop loin. Au cours du débat, j’aimerais que vous songiez à cet équilibre entre les droits et les privilèges de la population. Au bout du compte, j’estime que le projet de loi permet d’établir un juste équilibre entre le droit des Canadiens de vivre dans des collectivités sécuritaires, en réduisant le nombre d’armes à feu en circulation, et le privilège des Canadiens d’utiliser certains modèles d’arme à feu pour le tir sportif, le tir sur cible, la collection, la chasse, et cetera.

Honorables sénateurs, aujourd’hui, j’aimerais parler de ce que ce projet de loi vise à faire et dissiper certaines idées fausses en précisant ce qu’il ne vise pas à faire. Il n’y a pas de solution miracle pour combattre la violence armée, et ce projet de loi ne se veut pas une solution miracle. C’est tout simplement une solution de plus à un problème très complexe pour rendre les collectivités plus sécuritaires, et elle s’inscrit dans un ensemble de mesures que j’aimerais maintenant expliquer plus en détail.

Tout d’abord, le projet de loi C-21, présenté il y a un an, codifierait dans la loi un gel national sur la vente, l’achat et le transfert d’armes de poing, qui est entré en vigueur par voie réglementaire le 21 octobre 2022. Cela signifie que tout détenteur légal d’une arme de poing qui en possédait une avant le 21 octobre de l’année dernière peut la conserver et l’utiliser. Il ne pourra toutefois pas acheter de nouvelles armes de poing, ni transférer ou vendre ses armes de poing, et personne qui n’avait pas d’arme de poing en octobre dernier ne pourra en acquérir une.

Dans la population en général, il n’existe que des raisons limitées faisant en sorte que quelqu’un est autorisé à acquérir ou à posséder une arme de poing, qui est une arme à feu à autorisation restreinte, notamment pour une collection ou pour le tir à la cible ou des compétitions de tir à la cible. La chasse n’est pas une raison reconnue.

Je tiens à préciser que le gel des armes de poing n’empiète aucunement sur les privilèges qui permettent aux Canadiens de chasser. L’interdiction des armes de poing restreint uniquement le privilège d’environ 275 000 Canadiens de collectionner des armes de poing et de les utiliser pour le tir sportif ou récréatif.

La prévalence des armes de poing au Canada ne cesse d’augmenter. Entre 2010 et 2020, le nombre d’armes de poing a augmenté de 74 % pour atteindre 1 million d’armes de poing détenues par environ 275 000 personnes dans notre pays.

Des recherches indiquent qu’il y a une corrélation entre la disponibilité des armes à feu et le nombre de crimes, d’actes de violence et d’utilisations illégitimes impliquant une arme à feu. En limitant l’accessibilité aux armes de poing et en gelant la vente, l’achat et le transfert de ces armes, le gouvernement prévoit limiter l’augmentation du nombre d’armes de poing personnelles et ainsi réduire la violence liée aux armes à feu.

Le projet de loi comprend aussi d’autres mesures importantes visant à s’attaquer au rôle alarmant que jouent les armes à feu dans la violence fondée sur le sexe grâce à des dispositions permettant d’intervenir rapidement. Il prévoit aussi renforcer les contrôles aux frontières en augmentant les peines maximales pour les trafiquants d’armes; conférer des pouvoirs pour lutter contre la contrebande et le trafic d’armes à feu et les infractions qui y sont liées; modifier la définition d’« arme à feu prohibée » qui se trouve dans le Code criminel afin d’y inclure une nouvelle description technique concernant les armes à feu de style armes d’assaut, qui ne s’appliquerait qu’aux armes à feu conçues et fabriquées après la date d’entrée en vigueur du projet de loi; et s’attaquer à la menace grandissante que représentent les armes à feu fabriquées illégalement, aussi appelées « armes fantômes ».

Comme ces deux dernières mesures sont particulièrement importantes, j’aimerais commencer avec elles mon explication de l’objectif de ce projet de loi.

Le projet de loi C-21 ajoute une toute nouvelle définition technique portant sur les caractéristiques d’une arme à feu de style arme d’assaut à la définition d’« arme à feu prohibée » qui se trouve dans le Code criminel. La future et nouvelle définition se concentre sur les armes à feu semi-automatiques à percussion centrale qui ne sont pas des armes de poing et qui ont été conçues à l’origine avec un chargeur détachable d’une capacité de six cartouches ou plus.

Il est important de noter que cette nouvelle définition ne s’appliquera qu’à titre prospectif, c’est-à-dire qu’elle ne concernera que les armes à feu conçues et fabriquées après la date d’entrée en vigueur de cette disposition. Je tiens à préciser qu’aucune arme légale à feu semi-automatique et à percussion centrale actuellement en circulation qui n’est pas une arme de poing ne sera concernée par cette nouvelle définition.

En intégrant des critères techniques dans cette définition, on demande à l’industrie de jouer son rôle dans la protection de nos communautés contre ces armes dangereuses. Comme je viens de le dire, cela n’aura pas d’incidence sur la classification des armes à feu existantes sur le marché canadien.

La proposition de définition technique prospective des caractéristiques des armes à feu de type arme d’assaut nous permet de réagir de manière proactive aux progrès réalisés sur le marché des armes à feu et de tenir à l’écart de nos communautés les armes à feu conçues pour tuer le plus grand nombre de personnes le plus rapidement et le plus facilement possible. Cela fait partie de l’ensemble des mesures visant à assurer la sécurité des Canadiens. Nous avons assisté à beaucoup trop de tragédies, y compris celles qui ont eu lieu récemment en Nouvelle-Écosse, en Ontario et au Québec.

Le gouvernement a clairement indiqué que les armes à feu conçues pour la guerre, comme le AR-15, qui sont capables de tirer rapidement et d’infliger des dommages catastrophiques, n’ont pas leur place dans nos collectivités. Le projet de loi C-21 prévoit que le Parlement procède à un examen de la nouvelle définition technique d’une « arme à feu prohibée » au bout de cinq ans, ce qui permettra de déterminer si les objectifs des modifications proposées sont atteints. Le projet de loi C-21 apporte également plusieurs changements visant à contrôler l’achat — c’est-à-dire le transfert ou l’importation — de chargeurs de cartouches en exigeant un permis d’armes à feu valide.

Ces changements législatifs ont été largement appuyés par les deux côtés ainsi que par les Canadiens durant l’étude article par article du projet de loi à l’autre endroit. Sénateurs, ces changements répondent directement à la recommandation C.21 du rapport final de la Commission des pertes massives.

À mon avis, il s’agit d’une mesure sensée. Je vais vous donner un exemple concret pour vous expliquer pourquoi. En 2018, à Toronto, un tireur a tué 2 personnes et en a blessé 13 lors de ce qu’on appelle maintenant « la fusillade de l’avenue Danforth ». L’auteur de cette fusillade ne détenait pas de permis de possession d’arme, mais il était quand même légalement autorisé à acheter les chargeurs dont il s’est servi pour tuer et blesser ses 15 victimes.

Je ne détiens pas de permis de possession d’arme. Cependant, sénateurs, je peux me rendre à un magasin maintenant et acheter un chargeur pour une arme à feu légale sans présenter de permis. Comment peut-on justifier cela?

Le projet de loi prévoit aussi des mesures pour cibler les « armes fantômes », qui sont des armes à feu fabriquées illégalement. Souvent, on se sert de l’impression 3D, qui peut utiliser le plastique, le métal ou des résines époxydes. Dans d’autres cas, diverses pièces sont assemblées, ce qui peut mener à des armes à feu sans numéro de série ou avec plusieurs numéros. Ces armes fantômes sont dangereuses : en plus de pouvoir servir à des actes violents, ces armes non identifiées et impossibles à dépister sont le choix privilégié pour un grand nombre d’activités criminelles. La facilité avec laquelle on peut trouver en ligne des schémas gratuits pour imprimer en 3D des composantes d’armes à feu est troublante.

Autre point tout aussi troublant, il est impossible de savoir exactement le nombre d’armes fantômes dans les rues au Canada aujourd’hui. Ce que nous savons, c’est que l’Agence des services frontaliers du Canada constate une augmentation du nombre de pièces d’armes à feu non contrôlées qui traversent la frontière. C’est lié à la production d’armes à feu illégales au Canada, et plusieurs de ces pièces sont essentielles à l’impression en 3D des armes fantômes.

Par exemple, en août 2022, l’Agence des services frontaliers du Canada a annoncé deux saisies importantes d’armes fantômes en Colombie-Britannique grâce à des interceptions dans des centres de distribution du courrier international. Cette découverte a mené à la saisie d’une imprimante 3D qui était en train d’imprimer une carcasse inférieure pour une arme de poing, de six carcasses pour arme de poing sans numéro de série et d’une arme de poing de 9 millimètres chargée, sans numéro de série.

En février 2022, l’Agence des services frontaliers du Canada a annoncé les résultats d’une enquête sur les armes à feu imprimées en 3D à la suite de l’interception, dans un centre de traitement de l’Ontario, de composantes d’armes à feu non déclarées, notamment des pièces métalliques couramment utilisées pour renforcer les armatures en plastique des armes de poing imprimées en 3D. L’enquête a abouti à la saisie de deux armes de poing imprimées en 3D et d’une imprimante 3D.

Les conséquences des armes à feu imprimées en 3D sont stupéfiantes, chers collègues. C’est exactement pourquoi elles sont visées par le projet de loi C-21.

Les mesures proposées modifieraient la Loi sur les armes à feu de manière à ce que les entreprises ou les particuliers qui vendent certaines pièces d’armes à feu soient tenus de confirmer que l’acheteur est titulaire d’un permis d’armes à feu en règle. Cette disposition s’apparente à l’obligation existante qui consiste à vérifier que les particuliers qui achètent des munitions possèdent un permis d’armes à feu valide.

D’autres dispositions proposées classeraient les armes à feu fabriquées illégalement dans la catégorie des armes à feu interdites et érigeraient de nouvelles infractions visant les armes fantômes, y compris la possession et la distribution de fichiers numériques pour l’impression en 3D d’armes à feu ou de dispositifs interdits à des fins de fabrication ou de trafic illégaux. Ces modifications relatives aux armes fantômes ont reçu le soutien unanime de tous les membres du comité chargé d’étudier le projet de loi à l’autre endroit.

Honorables sénateurs, j’aimerais me pencher sur un autre groupe d’importantes dispositions prévues dans le projet de loi C-21, qui visent à réduire la violence familiale liée aux armes à feu et l’automutilation. Les statistiques révèlent que les victimes de violence entre partenaires intimes sont environ cinq fois plus susceptibles d’être tuées par une arme à feu s’il y en a une au domicile. Voilà pourquoi de nouvelles mesures d’intervention d’urgence permettront aux tribunaux d’ordonner la saisie immédiate des armes à feu des personnes qui constituent une menace pour elles-mêmes ou pour autrui. Qui plus est, d’autres mesures de signalement permettront au contrôleur des armes à feu de suspendre un permis s’il reçoit des renseignements portant à croire que le titulaire n’y est plus admissible.

Ces mesures de signalement et d’intervention d’urgence ont récemment été renforcées par des modifications permettant de révoquer dans les 24 heures le permis d’arme à feu de quiconque se serait rendu coupable de violence familiale ou de violence entre partenaires intimes et de faire rapport aux autorités compétentes, dans les 24 heures, de toute ordonnance d’interdiction de port d’armes ou de protection.

Ces modifications prévoient clairement que les professionnels de la santé sont tenus de communiquer toute information pertinente si un patient peut constituer un danger pour lui-même ou pour autrui. Par ailleurs, il va sans dire qu’on ne divulguera pas l’identité de personnes vulnérables qui fournissent des renseignements aux tribunaux.

Je tiens à ce qu’il soit clair que les victimes ne seront pas tenues de recourir à ces dispositions législatives, qui visent simplement à offrir une protection additionnelle.

J’aimerais également présenter quelques autres statistiques importantes aujourd’hui.

Sénateur Yussuff, je dois vous interrompre. Toutefois, vous disposerez du reste de votre temps de parole lorsque cet article sera appelé.

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