Aller au contenu

Le Code criminel—La Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels—La Loi sur le transfèrement international des délinquants

Projet de loi modificatif--Adoption du quinzième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

21 juin 2023


L’honorable Brent Cotter [ - ]

Propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, il s’agit d’un rapport sur le projet de loi S-12, qui propose de modifier le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants. Il s’agit d’un projet de loi important qui vise à répondre à certaines dispositions du Code criminel qui ont été déclarées invalides par la Cour suprême du Canada et à certaines autres questions d’importance publique, en particulier pour les victimes de crimes sexuels.

Votre comité a sérieusement étudié le projet de loi, a reçu quatre mémoires durant cinq réunions et 12 heures de délibérations, et a entendu 15 témoins, y compris l’honorable David Lametti, ministre de la Justice et procureur général, des membres des forces de l’ordre, les responsables du registre des délinquants sexuels, des représentants d’organisations de femmes et de victimes, ainsi que des victimes de violence sexuelle. Ces témoignages étaient impressionnants, percutants et, dans certains cas, émouvants.

En guise de préambule à ce rapport, je souligne que ce projet de loi a été présenté au Sénat, ce qui est quelque peu inhabituel pour ce type de projet de loi. Sa marraine est la sénatrice Busson, et le porte-parole qui en est responsable est le sénateur Boisvenu.

L’un des avantages d’avoir étudié ce projet de loi en premier — ce qui a pour ainsi dit fait de nous la Chambre de premier examen objectif —, c’est le plus grand degré de liberté et d’ouverture dont nous avons disposé pour élaborer les amendements, y compris les amendements du gouvernement, avec la bienveillance de la sénatrice Busson. De nombreux amendements ont même été présentés par la marraine, avec le soutien du gouvernement. Tout se passait comme si le ministre Lametti se trouvait à l’extérieur de la salle du comité, en train d’écouter les témoins et de déterminer comment il pourrait contribuer à l’amélioration d’un bon projet de loi. Je ne pense pas qu’il ait réellement été présent, mais c’est ainsi que j’imaginais la scène.

Les sénateurs ont écouté les témoins avec attention et ils ont rédigé des amendements en fonction des réserves et des idées exprimées lors des auditions du comité et dans les mémoires présentés.

Je voudrais maintenant parler un peu du projet de loi et des amendements qui ont été adoptés par le comité. Ma première partie reprend un peu les observations faites lors de la deuxième lecture. J’essaierai de rester bref, mais il s’agit d’un projet de loi important, non seulement par ses effets, mais aussi par ses déclarations sur la place du respect et de l’intervention des victimes dans le processus de justice pénale.

Un des éléments centraux du projet de loi S-12 est la réponse à la décision de 2022 de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Ndhlovu, où la cour a jugé que deux dispositions du Code criminel du Canada — relatives à l’enregistrement des délinquants sexuels au Registre national des délinquants sexuels — étaient inconstitutionnelles. Depuis 2011, le Code criminel exige l’enregistrement dans ce registre de quiconque a commis un crime sexuel et prévoit que cet enregistrement devienne permanent si le délinquant commet une deuxième infraction à caractère sexuel.

La Cour suprême a invalidé la disposition relative à l’enregistrement à vie obligatoire des récidivistes et indiqué que l’application de sa décision était immédiate et rétroactive. La disposition relative à l’enregistrement obligatoire de tous les délinquants sexuels a été déclarée invalide, mais l’application de la décision avait été fixée à un an plus tard, afin de donner le temps au Parlement d’y répondre au moyen d’un projet de loi. La disposition sera invalidée en octobre 2023 à moins que le Parlement ne trouve une solution adéquate.

Le projet de loi S-12 modifie le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants notamment dans le but de régler les problèmes relatifs à la constitutionnalité, mais aussi d’ajouter certaines dispositions.

En ce qui concerne l’inscription des délinquants sexuels au registre national, elle demeure obligatoire pour les pédophiles à risque élevé et les délinquants sexuels récidivistes. Je tiens à préciser que ce registre n’est pas tout à fait semblable au système du Centre d’information de la police canadienne, que vous connaissez peut-être mieux. Il s’agit d’un registre que la police peut consulter pour enquêter sur des crimes similaires et, je pense, dans certains cas, afin de prévenir des crimes. C’est un registre relativement important qui renferme de nombreux renseignements sur les délinquants sexuels et qui doit être tenu à jour. Ainsi, les délinquants sexuels sont sans l’obligation de fournir des renseignements supplémentaires, notamment sur leurs déplacements, afin que le registre reste à jour.

J’ai indiqué que les pédophiles et les délinquants sexuels récidivistes doivent obligatoirement être inscrits au registre. Tous les autres délinquants sexuels seront soumis au principe d’inscription par défaut au registre. Certains délinquants peuvent contester ce principe s’ils satisfont à certains critères et s’ils démontrent qu’ils ne représentent pas un danger pour le public. Dans de tels cas, un juge a le pouvoir discrétionnaire de décider d’ordonner ou non l’inscription du délinquant en question au registre. Les dispositions du projet de loi relatives aux règles d’inscription et à l’assouplissement de celles-ci ont été adoptées sans amendement par le comité.

Le projet de loi S-12 modifierait également le Code criminel en ce qui concerne les victimes, de sorte que la cour puisse tenir compte de leurs désirs lorsqu’elle impose, modifie ou lève une interdiction de publication protégeant leur identité. Le projet de loi S-12 donnerait aux victimes la possibilité d’indiquer si elles souhaitent recevoir des renseignements de manière continue concernant le délinquant après la détermination de la peine.

Je crois que vous comprendrez que les interdictions de publication ont été mises en place, de manière plutôt sévère, dans le but de protéger la victime et sa vie privée en empêchant que les renseignements à son sujet soient divulgués à grande échelle. Cependant, ce projet de loi tente d’adopter une approche plus modérée qui s’adapte à l’intérêt des victimes. Je vais concentrer le reste de mes observations sur cet aspect du projet de loi ainsi que sur les amendements que le comité a apportés à ses diverses dispositions. Je vous épargnerai les détails concernant l’appui pour les amendements. Je me contenterai de dire qu’ils ont joui d’un appui généralisé ou qu’ils ont été présentés à la demande pressante de témoins et d’auteurs de mémoires. Bref, des modifications ont été apportées aux interdictions de publication, notamment par le comité.

Les articles 2 et 3 du projet de loi portent sur cette question. Le premier soulève la question de la portée des interdictions de publication. À l’heure actuelle, le Code criminel interdit la publication de renseignements qui risquent de permettre d’identifier une victime ou un témoin d’infraction sexuelle et il précise qu’il est interdit de publier ou de diffuser ces renseignements de quelque façon que ce soit.

Dans sa version initiale, le projet de loi S-12 élargissait cette interdiction de publication en précisant qu’il était également interdit « de rendre autrement accessible » tout renseignement protégé. Le comité a supprimé cet ajout. L’article pertinent du Code criminel demeure donc essentiellement inchangé. Les membres du comité craignaient que l’expression « de rendre autrement accessible » soit trop large et qu’elle puisse même englober rétroactivement des publications antérieures à l’interdiction, telles que des renseignements contenus dans des archives de presse.

Le deuxième volet de l’interdiction de publication dans ces amendements se concentre sur la contribution et les renseignements des victimes. Je pense que ces aspects sont essentiels dans la mesure où ils visent à mieux respecter les souhaits des victimes. Le Code criminel exige actuellement que le juge ou le juge de paix, à la première occasion raisonnable, informe la victime ou le témoin mineur de son droit de demander une interdiction de publication. Les articles 2 et 3 du projet de loi modifient le Code criminel pour exiger que le juge ou le juge de paix — qui ordonne une interdiction de publication — informe la victime ou le témoin, dans les plus brefs délais, qu’ils sont assujettis à une interdiction de publication et qu’ils peuvent en demander la modification ou la révocation.

Toujours selon le projet de loi d’origine, avant de rendre une ordonnance interdisant la publication, le juge ou le juge de paix devait — les mots sont importants — s’enquérir auprès du poursuivant si des mesures avaient été prises pour consulter la victime avant que la demande d’interdiction soit faite. Le comité n’a pas trouvé qu’il s’agissait d’une déclaration suffisamment ferme de la représentation de la victime par rapport à sa position concernant l’imposition de l’interdiction. C’est important pour les victimes et les témoins, car en cas d’ordonnance interdisant la publication, cela limitera grandement leur capacité, s’ils le souhaitent, de parler de l’affaire ou de leur expérience.

Par conséquent, le comité a amendé le projet de loi afin que le juge ou le juge de paix agisse ainsi : si la victime ou les témoins sont présents, il faut leur demander directement s’ils souhaitent une ordonnance interdisant la publication, et non uniquement les consulter; et en l’absence de la victime ou des témoins, il faut demander au poursuivant s’il a établi que la victime ou les témoins souhaitent une ordonnance interdisant la publication.

Toujours selon les dispositions amendées, le poursuivant doit informer la victime ou les témoins de ce qui suit : en cas d’ordonnance interdisant la publication, il doit leur faire part des effets de l’ordonnance, des situations dans lesquelles ils peuvent communiquer des renseignements sans contrevenir à l’ordonnance. Le poursuivant doit aussi informer les témoins ou la victime de leur droit de demander la révocation ou la modification de l’ordonnance. Le poursuivant doit ensuite aviser le juge ou le juge de paix qu’il a fait son devoir.

J’espère que vous estimerez que cela renforce la faculté d’agir et le sentiment de contrôle sur une question d’une grande importance pour les victimes et les témoins dans ces circonstances et que cela accorde beaucoup moins de considération au processus décisionnel des procureurs et des juges.

Une autre dimension importante est la vulnérabilité potentielle des personnes qui pourraient enfreindre l’interdiction de publication et il s’agirait d’un fardeau criminel qui serait axé, le plus souvent, sur la victime ou le témoin. Le revers de la médaille, c’est que les personnes qui enfreignent l’interdiction de publication pourraient en être tenues criminellement responsables et, dans certains cas, c’est comme passer deux fois à la moulinette de la justice criminelle.

Le projet de loi prévoyait une certaine protection pour les victimes et les témoins à cet égard. Le comité a élargi cette protection en amendant le projet de loi de sorte que la victime ou le témoin ne soit pas tenu criminellement responsable du non-respect de sa propre interdiction de publication, à condition qu’il ne révèle pas, intentionnellement ou par imprudence grave, l’identité d’une autre personne protégée par l’interdiction de publication. Dans le même ordre d’idées, une interdiction de publication ne s’applique pas lorsqu’une victime, un témoin ou une personne associée au système judiciaire divulgue des informations, mais n’a pas l’intention de les rendre publiques.

Il existe aussi dans ces dispositions une dimension qui touche la façon de modifier ou de révoquer plus tard une interdiction de publication. Le projet de loi initial disait que la victime ou le témoin pouvait demander au tribunal de le faire, et que le tribunal devait tenir une audience. Le comité a amendé cette disposition pour faciliter le processus pour la victime ou le témoin qui désire modifier ou révoquer une interdiction de publication. Le projet de loi amendé prévoit cette obligation pour le procureur. Le projet de loi amendé par le comité exige qu’un procureur, quand les victimes ou les témoins le demandent, présente une demande de modifier ou de révoquer le décret en leur nom, dès que possible, même si les victimes ou les témoins peuvent faire cette demande eux-mêmes, s’ils le souhaitent.

De plus, un tribunal doit modifier ou révoquer l’interdiction de publication, comme demandé, encore une fois par les victimes ou les témoins, à moins que cela n’entrave la protection de la vie privée d’une autre personne qui est également protégée par l’interdiction de publication, et, dans ce cas, le tribunal doit tenir une audience pour déterminer si l’interdiction de publication doit être modifiée ou levée.

Il est important, dans ce contexte, de souligner que l’accusé n’est pas considéré comme une des personnes protégées par l’interdiction. Le projet de loi modifié précise que l’accusé ne peut pas formuler de demande relative à la levée ou à la révocation de l’interdiction de publication. C’est assez évident, puisque l’objectif de l’interdiction de publication est de protéger la vie privée des victimes et des témoins, et non de l’accusé. La seule partie concernant l’accusé, c’est qu’il a le droit d’être informé si l’interdiction a été levée, annulée ou modifiée.

Enfin, en ce qui a trait à un autre article — l’article 5, qui, encore, porte sur les interdictions de publication et sur la responsabilité criminelle —, pour revenir à la question de la responsabilité criminelle de la violation d’une interdiction de publication, le comité a aussi amendé l’article 5 du projet de loi pour préciser qu’une victime ou un témoin ne doit pas être poursuivi pour avoir violé sa propre interdiction de publication et, ce faisant, avoir révélé des renseignements qui pouvaient permettre d’identifier une autre personne protégée par l’interdiction, et un avertissement ne serait pas suffisant dans ces circonstances.

Il est juste de dire à ce point-ci que le comité a renforcé le respect témoigné aux victimes et aux témoins par le droit criminel dans ces circonstances, qui sont souvent très traumatisantes et bouleversantes pour les victimes et les témoins.

Enfin, au sujet des interdictions de publication, une nouvelle disposition...

Sénateur Cotter, demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Cotter [ - ]

Encore deux minutes, si vous le permettez.

Y a-t-il consentement?

Le sénateur Cotter [ - ]

Je m’excuse de ne pas avoir parlé un peu plus vite.

L’article 32.1 est un nouvel article présenté au comité, qui reflète les recommandations antérieures du comité dont j’ai déjà parlé, mais qui étend le cadre de protection des victimes en ce qui concerne les ordonnances de non-publication et la protection contre la responsabilité criminelle, et qui impose le cadre pour les ordonnances de non-publication aux commissions d’examen qui traitent des cas de personnes déclarées non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux.

Il y a deux amendements plus ou moins techniques dont je ne parlerai pas. Je conclurai en soulignant, tout d’abord, le travail acharné et collégial du comité sur ce projet de loi, y compris une étude article par article qui a duré trois heures et demie lundi soir, puis le fait que le personnel a été en mesure de présenter le projet de loi hier. Cela nous a permis de bien travailler, et le personnel a dépassé les attentes en nous guidant tout au long des délibérations article par article et en mettant le rapport à votre disposition. Je voudrais également remercier la sénatrice Busson, qui a parrainé le projet de loi et qui nous a guidés dans l’examen de nombreux amendements, le sénateur Boisvenu, qui a été le porte-parole, et en particulier les sénateurs, ainsi que notre greffier, Mark Palmer, qui ont fait en sorte qu’un processus parfois désorganisé se déroule de manière transparente, logique et efficace. Merci.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Busson, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Haut de page