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Projet de loi sur l’interdiction de l’exportation par voie aérienne de chevaux destinés à l’abattage

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat

5 décembre 2024


L’honorable Charles S. Adler [ + ]

Honorables sénateurs, je suis ici aujourd’hui pour apporter mon soutien total au projet de loi C-355, Loi visant à interdire l’exportation par voie aérienne de chevaux destinés à l’abattage et apportant des modifications connexes à certaines lois. Actuellement, la réglementation sur le transport des chevaux par voie aérienne est la même — elle est identique — que ces chevaux soient élevés pour remporter des médailles ou pour fournir de la nourriture. Qu’il s’agisse de chevaux élevés pour le Trophée de la reine ou pour terminer dans une assiette, les règles sont censées être les mêmes. Pourtant — et c’est une précision importante —, dans la pratique, les chevaux élevés au Canada qui sont envoyés à l’autre bout du monde pour y être abattus ne sont pas transportés par voie aérienne dans les mêmes conditions que les autres chevaux.

La Dre Mary Jane Ireland, vétérinaire en chef à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, a dit au comité que les exigences réglementaires avaient été mises à jour en 2019 et elle a ajouté ceci :

L’objectif de ces modifications était de prévenir les souffrances évitables des animaux tout au long du processus de transport en définissant les conditions d’un transport sans cruauté de tous les animaux par tous les modes de transport.

C’est l’objectif de la loi.

Les exigences réglementaires prévoient que le transport d’un cheval ne peut excéder 28 heures. La réglementation n’exige pas que le cheval soit nourri, qu’on lui donne de l’eau ou qu’il ait suffisamment de place pour s’étendre au sol ou pour se reposer pendant le transport. On parle d’un transport de 28 heures sans nourriture, sans eau et sans repos.

Selon Kaitlyn Mitchell d’Animal Justice :

Des recherches scientifiques récentes montrent que même de courts trajets routiers de trois heures ou plus peuvent avoir un effet négatif sur les fonctions endocriniennes et immunitaires des chevaux.

Cette pratique est néfaste pour les chevaux; les recherches parlent de 3 heures, alors imaginez 28 heures.

Ces êtres sensibles, doux et majestueux sont transportés par camion des parcs d’engraissement où ils sont élevés jusqu’à des aéroports, ce qui constitue un voyage de plusieurs heures. Ils sont ensuite sortis du camion, parfois à l’aide d’un aiguillon, et placés dans des caisses en bois. Lorsqu’ils sont dans une caisse, ils restent sur le tarmac bruyant de l’aéroport pendant un certain temps avant d’être chargés dans un avion-cargo. Ils effectuent alors un long vol sans nourriture, ni eau, ni repos. Dans ces circonstances, il est tout à fait raisonnable de penser que ces chevaux risquent fort de souffrir ou d’être blessés, voire pire, au cours du processus. Beaucoup de chevaux meurent. C’est sans parler du fait qu’on n’a aucun moyen de savoir combien de temps il faut avant que ces chevaux puissent boire, manger et se reposer quand ils finissent par arriver à destination.

Lors de l’étude du projet de loi à la Chambre des communes, on a dit à nos collègues législateurs que cinq chevaux étaient morts depuis 2013 et qu’aucune blessure importante n’avait été signalée pendant le transport de 47 000 chevaux à l’étranger pour y être abattus. Compte tenu du témoignage de la Dre MaryJane Ireland au Comité de l’agriculture et de l’agroalimentaire, nous avons des raisons de remettre sérieusement en question ces chiffres.

La Dre Ireland a expliqué au comité le rôle des inspecteurs canadiens pendant le transport des chevaux :

[...] les inspecteurs et les vétérinaires [...] sont présents à l’aéroport lorsque les animaux sont déchargés des camions, placés dans les caisses et mis à bord des avions, afin d’assurer qu’ils sont aptes à voyager, qu’ils sont en bonne santé, qu’ils ne sont pas en surnombre et qu’ils sont compatibles entre eux.

Toutefois, une fois que les portes sont fermées au Canada et que l’avion est en vol, le Canada — l’autorité responsable — n’a absolument aucun moyen de savoir ce qu’il advient de ces chevaux. Les inspecteurs canadiens ne sont pas présents à bord des avions ni au sol lorsque les chevaux arrivent à destination.

Le Canada s’en remet donc entièrement aux autorités locales à l’étranger pour savoir s’il y a eu un décès ou une blessure pendant le transport. Les autorités canadiennes n’ont aucun moyen de vérifier ou de contrôler les renseignements reçus, de sorte que le nombre de décès et de blessures pourrait être nettement différent de ce que rapporte l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Tout ce que nous avons, c’est la présomption que les autorités locales à l’étranger nous disent la vérité. Aucun mécanisme de contrôle ou de signalement n’est en place.

En septembre, Animal Justice a publié un rapport en s’appuyant sur des documents que Life Investigation Agency, un groupe de défense des droits des animaux basé au Japon, a obtenus du gouvernement japonais. Le récent rapport fait état d’un nombre beaucoup plus élevé de décès et de blessures que les chiffres rapportés au comité. Il indique que les chevaux exportés du Canada vers le Japon à des fins d’abattage sont fréquemment blessés, voire tués en raison de la nature périlleuse du voyage. Voici ce qu’il dit — et je rappelle qu’il s’appuie sur l’information obtenue du gouvernement japonais :

[...] de juin 2023 à mai 2024 seulement, au moins 21 chevaux expédiés du Canada au Japon à des fins d’abattage...

 — ce qui veut dire que, sur une période de moins d’un an, 21 chevaux expédiés du Canada au Japon —

... sont morts pendant le transport ou dans les heures et les jours qui ont suivi. Beaucoup d’autres ont souffert de blessures douloureuses et de complications de santé (par exemple de la fièvre ou une diarrhée prolongée) qui semblent avoir été causées par le processus de transport.

Après leur arrivée au Japon, les chevaux exportés à des fins d’abattage meurent de déshydratation, de stress, de pneumonie et d’autres problèmes de santé.

Certaines juments enceintes subissent des fausses couches douloureuses.

Les données du gouvernement japonais montrent même que certaines juments sont mortes peu après leur arrivée à la suite de fausses couches. Les données montrent également une tendance troublante à fournir des soins vétérinaires et un suivi inadéquats pendant le transport et après l’arrivée des chevaux au Japon.

La source s’intitule Flight to Fatality, un rapport publié par Animal Justice en septembre 2024. Encore une fois, ces chiffres sont fondés sur les données du gouvernement du Japon.

On ne se demande donc pas pourquoi le transport de chevaux vivants destinés à l’abattage n’est plus autorisé ou est en voie de ne plus l’être dans de nombreux pays que nous considérons comme des démocraties comparables à la nôtre. En effet, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et d’autres prennent des mesures pour mettre fin à cette pratique, et les Canadiens prient cette auguste institution démocratique de leur emboîter le pas. Nous pouvons faire ce qui s’impose en adoptant simplement le projet de loi C-355.

Si vous me permettez, j’aimerais faire une observation plus personnelle. Alors que je parle aujourd’hui, je pense à une personne qui m’était très chère. Elle s’appelait Sharon. Sharon était une bonne amie, mais elle était surtout une amoureuse des animaux, notamment des chevaux. Il ne fait aucun doute qu’elle aurait fait partie des milliers de Canadiens qui ont signé des pétitions ou envoyé des courriels à des sénateurs et à des députés pour demander la fin de l’exportation par avion de chevaux vivants destinés à l’abattage.

Chaque jour, dans cette vie, nous avons le choix de faire preuve d’humanité ou d’en être dépourvu. C’est le choix que le Sénat est appelé à faire ce soir. Fera-t-il preuve d’humanité? J’espère sincèrement que oui.

Renvoyons le projet de loi au comité sans plus tarder. Le projet de loi C-355 est au Sénat depuis le 21 mai. Cinq sénateurs et moi-même avons pris la parole à l’étape de la deuxième lecture. J’espère que vous vous joindrez à moi pour adopter le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture et en le renvoyant au comité avant l’ajournement des Fêtes.

Je vous remercie d’avoir écouté mon discours sur le projet de loi qui, une fois adopté, mettra fin, espérons-le, aux souffrances de milliers de chevaux.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ + ]

Mon ami le sénateur Adler accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Adler [ + ]

Je répondrai volontiers à une question de mon concitoyen manitobain.

Le sénateur Plett [ + ]

Merci, sénateur Adler. J’ai entendu dans votre discours un certain nombre de mentions comme « il semble que » , « c’est ce qu’on nous dit », « c’est ce que dit Animal Justice » et « nous pensons que c’est ce qui se passe ». Sénateur Adler, à Winnipeg, on offre un excellent service de transport d’animaux vivants, qu’il s’agisse de chevaux ou d’autres animaux. On trouve aussi de tels services à Edmonton.

J’imagine, sénateur Adler, puisque vous êtes si sûr de la façon dont ces chevaux sont traités, que vous avez saisi l’occasion de vous rendre à l’aéroport de Winnipeg et, en fait, que vous avez vérifié que ces chevaux sont placés dans ces stalles et qu’ils sont traités de façon inhumaine — j’ai du mal avec le mot « inhumaine » quand il ne s’agit pas d’humains, mais néanmoins, traités de façon inhumaine, de façon cruelle. J’imagine que vous avez vu de vos propres yeux, comme moi, comment ils sont traités.

Le sénateur Adler [ + ]

Merci beaucoup de votre question. Bien entendu, la question repose sur l’idée que les militants doivent être dénigrés et qu’on ne peut pas leur faire confiance.

Je comprends que de nombreuses personnes qui souhaitent maintenir le statu quo dans un certain nombre de domaines soient de cet avis et l’aient toujours été.

Heureusement, dans cette grande démocratie qu’est le Canada, on fait confiance aux militants. Sans eux, le Sénat serait privé de bien des personnes que nous avons l’honneur de compter parmi nous. Sans les militants, il n’y aurait pas d’Autochtones au Sénat. Sans les militants, il n’y aurait pas de femmes, de personnes de couleur, de membres de la communauté LGBT ni de personnes handicapées au Sénat. La liste est longue.

Franchement, je préférerais que les sénateurs se lèvent pour exprimer leur approbation du militantisme au lieu de le dénigrer.

Le sénateur Plett [ + ]

Je pourrais être aussi offensé que vous semblez l’être par ma question. En aucun cas je ne laissais entendre que les militants ne devraient pas être là.

Ma question était la suivante : l’avez-vous vu de vos propres yeux ou avez-vous simplement cru quelqu’un d’autre sur parole? Laissons les militants de côté. Je comprends cet aspect.

Sénateur Adler, lorsque je décide de m’occuper d’un projet de loi, que ce soit à titre de parrain ou de porte-parole, je fais mon devoir et je vais enquêter, comme je l’ai fait pour un projet de loi dont nous sommes saisis, le projet de loi S-15, pour lequel j’ai supplié les membres d’un comité de se rendre dans les zoos qui, selon eux, torturaient des éléphants. Ils ont refusé de le faire.

La question que je vous pose de nouveau, sénateur Adler, est la suivante : mis à part vos interactions avec les militants, avez-vous au moins saisi cette occasion? Sénateur Adler, vous avez été journaliste — journaliste d’enquête, si vous voulez. Avez-vous saisi l’occasion de faire votre devoir d’enquête et d’aller voir si ces animaux sont torturés?

Le sénateur Adler [ + ]

Avec tout le respect que je vous dois, et j’essaie de ne pas en faire une affaire personnelle — pas seulement parce que je vous aime bien et pas seulement parce que vous êtes un collègue du Manitoba —, comment diable le fait de se rendre à l’aéroport vous dit-il ce que les chevaux endurent lors de leurs longs vols à l’étranger? Honnêtement, sénateur, je ne comprends pas en quoi votre voyage à l’aéroport de Winnipeg nous donne de la substance. Je ne comprends pas.

Le sénateur Plett [ + ]

Eh bien, sénateur Adler, vous avez décrit comment ces chevaux étaient maltraités sur le tarmac de l’aéroport et pendant leur transport en camion. Vous avez dit à quel point c’était bruyant sur le tarmac. Vous avez parlé de la manière dont ils étaient embarqués et du fait qu’ils étaient incapables de bouger ou de se coucher dans les caisses. Tout cela est visible à partir du sol.

Il y a une semaine, je suis monté à bord d’un avion à Edmonton pour voir comment ils étaient traités à bord. Non, je n’ai pas fait le vol avec eux. Toutefois, vous avez aussi insinué que nous n’avons aucune idée de ce qui leur arrive dans les airs. On ne les autorise pas à sortir de leur caisse une fois en vol. En vol, ces caisses restent en place. Je pense que tout comme moi, vous comprenez cela.

Sénateur Adler, vous avez insinué que ces chevaux souffrent sur le tarmac et qu’ils sont traités avec cruauté lorsqu’on les fait entrer dans des caisses où ils sont incapables de bouger ou se coucher, ce qui est faux, sénateur Adler. Je les ai vus se tourner dans ces caisses. Je les ai vus regarder dans une direction puis, cinq minutes plus tard, ils étaient debout et tournés dans une autre direction.

Sénateur Adler, si vous dites qu’ils sont maltraités sur le tarmac, c’est parce que vous pouvez le voir. Je vous invite donc à venir avec moi à l’aéroport de Winnipeg le 16 décembre. Nous verrons bien.

Le sénateur Adler [ + ]

Je serais heureux de me rendre à l’aéroport ou ailleurs, sénateur Plett, mais l’idée qu’un sénateur ou deux se rendent à un aéroport pendant une journée donnée pour voir une chose que d’autres personnes n’ont pas vue ne me dit pas grand-chose, comme je l’ai déjà dit. Je cherche simplement...

Sénateur Adler, le temps prévu pour le débat est écoulé. J’imagine que vous ne demanderez pas plus de temps pour répondre à la question du sénateur Plett. Je me trompe?

Le sénateur Adler [ + ]

Non.

D’accord, merci.

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