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Régie interne, budgets et administration

Troisième rapport du comité--Ajournement du débat

18 février 2020


L’honorable Raymonde Saint-Germain [ + ]

Propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je vous présente aujourd’hui le troisième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, qui vous recommande l’adoption d’une nouvelle Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail au Sénat. Cette refonte très attendue de la politique qui est actuellement en vigueur, et qui date de 2009, est incontournable.

En plus de devoir se conformer à la Loi sur les relations de travail au Parlement et à la Loi canadienne sur les droits de la personne, le Sénat, comme employeur, doit en effet remplir de nouvelles obligations en vertu du Code canadien du travail, obligations qui entreront en vigueur au cours de la présente année.

La nouvelle politique fera en conséquence référence aux expressions « harcèlement » et « violence en milieu de travail », conformément aux définitions établies par le code. La définition du harcèlement est modernisée afin d’inclure ses diverses formes, soit le harcèlement sexuel, le cyberharcèlement, l’intimidation, le harcèlement de groupe et la violence en milieu de travail. Considération fondamentale, le harcèlement fondé sur des motifs de distinction illicites au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne sera dorénavant assujetti à la politique.

Ces motifs de distinction illicites incluent, notamment, la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre et l’état matrimonial.

Le renforcement de la confidentialité sous-tend toutes les étapes de mise en œuvre de cette politique.

La Loi modifiant le Code canadien du travail interdit la communication de tout renseignement susceptible de révéler l’identité d’une personne concernée par une plainte, tant les plaignants et les personnes mises en cause que les témoins, sans leur consentement. Le projet de politique respecte cette obligation et la divulgation non autorisée de renseignements peut faire l’objet de mesures disciplinaires.

Conformément à la Loi modifiant le Code canadien du travail, la politique doit s’appliquer aux anciens employés qui ont subi du harcèlement ou de la violence, sous réserve de délais qui seront prescrits par règlement.

Cela dit, en plus de la nécessité de se conformer à ces obligations légales additionnelles, le Sénat devait modifier sa politique en vigueur en matière de harcèlement, qui date de plus de 10 ans.

C’est le constat qu’ont fait en février 2019 les membres du Sous-comité sur les ressources humaines du Comité de la régie interne à la suite de leur examen détaillé de cette politique, après avoir entendu 19 témoins, dont des sénateurs, des représentants des employés du Sénat ainsi que des universitaires et d’autres experts dans les domaines du harcèlement au travail et de la santé et de la sécurité au travail.

Le projet de politique qui est devant nous tient compte des 28 recommandations qu’ont formulées les membres du sous-comité dans leur deuxième rapport intitulé Modernisation de la politique du Sénat contre le harcèlement : Ensemble pour un milieu de travail sain, adopté par le Comité de la régie interne le 21 mars 2019 et adopté par le Sénat le même jour.

Honorables sénateurs, le Sénat n’a pas toujours été exemplaire ni même à la hauteur des exigences légitimes auxquelles un employeur doit d’assujettir.

Environ 750 personnes travaillent au Sénat, et chacune mérite respect et considération dans un milieu de travail sain.

La politique proposée est fondée sur deux piliers : la prévention et la gestion des plaintes. Nous devons vraiment concentrer nos efforts sur la prévention. Nous devons contrer les effets toxiques et préjudiciables du harcèlement par la formation, la sensibilisation et la détection précoce des cas possibles de harcèlement et de violence. La gestion du risque est donc essentielle, et nous avons tous la responsabilité, le devoir de favoriser un milieu de travail sain exempt de harcèlement et de violence.

Les plaintes déposées aux termes de la nouvelle politique seront gérées indépendamment et complètement à l’externe. Il est important de renforcer la crédibilité du processus de plainte existant et de garantir son impartialité. Cette indépendance sera assurée par le recours à une tierce partie neutre qui sera chargée de gérer la totalité du processus de plainte, de la réception et la détermination de l’admissibilité de la plainte jusqu’à la conclusion de l’enquête, au besoin, y compris divers modes alternatifs de règlement des différends et services de médiation s’il y a lieu. La protection à l’égard des représailles est aussi un élément déterminant de cette politique.

Il y a des conflits qui ne peuvent pas être réglés au moyen d’une plainte et il y a des situations qui n’exigent pas de mesures disciplinaires. C’est pourquoi la politique prévoit également la mise en œuvre de mesures réparatrices et correctives.

La Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement en milieu de travail au Sénat est accompagnée de deux ordres de renvoi, un au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement et l’autre au Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Je veux souligner qu’il est important d’obtenir les commentaires des membres de ces deux comités afin que la politique puisse être mise en œuvre correctement, soigneusement et équitablement. Les deux comités sont tenus de faire rapport au Sénat d’ici le 30 avril 2020.

Parlons d’abord des deux motifs de renvoi au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Étant donné que la politique s’applique aux sénateurs, ce comité déterminera si des modifications au Règlement du Sénat sont nécessaires pour sa mise en œuvre. Les changements pourraient inclure des éclaircissements sur la complémentarité des politiques, des dispositions et du Règlement du Sénat ainsi que sur l’application et les limites du privilège parlementaire dans le cadre de cette politique.

Des précisions de la part du comité s’imposent depuis longtemps. Elles ont été demandées plusieurs fois au Sénat, y compris la semaine dernière, et au comité. L’étude du comité devrait permettre de définir les limites du privilège parlementaire pour cerner les comportements qui enfreignent la politique.

Passons maintenant aux deux motifs de renvoi au Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Le renvoi est justifié par le besoin de modifications au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs pour permettre la mise en œuvre de la politique.

Ces modifications comprennent, primo, le rôle supplémentaire qui serait accordé au conseiller sénatorial en éthique de recommander des mesures réparatrices, correctives ou disciplinaires lorsque le mis en cause est un sénateur, à la suite d’une enquête concluant que ce dernier a commis un acte de harcèlement au titre de la politique et, secundo, le mandat supplémentaire qui serait donné au comité du fait de l’inclusion dans le code d’éthique de dispositions sur le harcèlement et la violence en milieu de travail.

En conclusion, je vous rappelle qu’il est de notre devoir de fournir à tous les sénateurs ainsi qu’au personnel du Sénat un milieu de travail exempt de harcèlement et de violence, un milieu de travail sain et enrichissant qui favorise la croissance professionnelle, individuelle et collective. Le projet de politique qui est devant vous est une mesure moderne qui vise à prévenir le harcèlement et la violence et à définir un processus impartial et rigoureux lorsqu’une telle situation survient.

Si elle est adoptée, la version préliminaire de la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail au Sénat nous permettra de remplir notre devoir en tant qu’employeur et de servir d’exemple de milieu de travail sûr et respectueux.

Pour toutes ces raisons, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration recommande ce qui suit :

1. Que la version révisée de la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail au Sénat, qui se trouve en annexe du présent rapport, soit adoptée;

2. Que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement soit autorisé à examiner et faire rapport sur les modifications corrélatives pertinentes au Règlement du Sénat et d’exiger qu’il présente son rapport au Sénat au plus tard le 30 avril 2020;

3. Que le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs soit autorisé à examiner et faire rapport sur les modifications corrélatives pertinentes au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et d’exiger qu’il présente son rapport au Sénat au plus tard le 30 avril 2020;

4. Que la version révisée de la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail au Sénat entre en vigueur le jour suivant l’adoption des deux rapports suivants par le Sénat :

a) le rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement visé à l’alinéa 2;

b) le rapport du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs visé à l’alinéa 3.

5. Qu’il est entendu que la Politique du Sénat sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail de 2009 et le Processus provisoire de traitement des plaintes de harcèlement, qui sont actuellement en vigueur, soient annulés et abrogés à l’entrée en vigueur de la politique révisée; cependant, tout traitement de plaintes qui est en cours à ce moment se poursuivra comme si la politique révisée n’était jamais entrée en vigueur.

L’honorable Lillian Eva Dyck [ + ]

La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Saint-Germain [ + ]

Avec plaisir.

La sénatrice Dyck [ + ]

Merci, sénatrice Saint-Germain. C’était un très bon discours. Comme vous l’avez dit, il est temps de moderniser notre politique. Ma question porte sur le discours que j’ai prononcé la semaine dernière sur l’échappatoire qui existe actuellement en ce qui concerne le privilège parlementaire, à savoir que le comportement des sénateurs pendant les travaux du Sénat, comme dans les réunions de comité, n’est pas assujetti à la politique du Sénat contre le harcèlement.

La politique révisée et les ordres de renvoi dont vous avez parlé visent-ils à éliminer cette échappatoire pour que le privilège ne protège plus les sénateurs qui se comportent de manière contraire à l’éthique?

La sénatrice Saint-Germain [ + ]

Je vous remercie de votre question.

Les sénateurs sont assujettis à la politique en vigueur, et les membres du sous-comité et du Comité de la régie interne ont bien l’intention qu’ils continuent d’y être assujettis.

Vous avez soulevé avec pertinence la présence de manquements, de zones grises et de fossés dans le cadre de la politique actuelle. Certains de ces manquements, zones grises ou fossés sont liés à une interprétation restrictive des privilèges du Parlement. La politique actuelle sous-estime également les responsabilités du Sénat et des sénateurs à titre d’employeurs; dans d’autres situations, cela découle d’une interprétation qui n’est pas assez claire des règles administratives.

Les propositions que nous faisons, ainsi que le Comité de la régie interne, consistent à référer à deux sous-comités notre code d’éthique et de déontologie; conformément aux rapports que présenteront les sous-comités, et qui devraient normalement être amendés, cela nous permettra de renforcer l’application de la politique.

De plus, le Comité du Règlement du Sénat pourra poursuivre le travail qu’il a accompli. Ce comité a déjà produit deux rapports : l’un en 2015 et l’autre en 2019. Manifestement, nous sommes assez près du but, qui serait celui de bien préciser la complémentarité de la politique du Sénat en matière de harcèlement et des obligations des sénateurs à titre de membres d’un groupe, d’un environnement de travail, ainsi que des obligations du Président de maintenir l’ordre et le protocole pendant les travaux de la Chambre et de celles qui relèvent manifestement du privilège parlementaire. Tout cela sera couvert.

Nous avons fait ce travail avant que vous fassiez cette intervention, que j’ai trouvée très documentée, très sérieuse et très crédible. De toute évidence, nous en sommes arrivés aux mêmes conclusions et nous nous accordons sur les manquements qui doivent être corrigés; voilà notre but.

Je voudrais poser une question à la sénatrice Saint-Germain.

Son Honneur le Président [ + ]

Il vous reste environ une minute du temps qui vous est attribué, sénatrice Saint-Germain.

La sénatrice Galvez veut vous poser une question.

La sénatrice Saint-Germain [ + ]

Je suis prête à entendre la question et à y répondre.

Merci beaucoup.

Je reçois avec beaucoup de bonheur cette nouvelle sur la modernisation de la politique sur le harcèlement. C’est un sujet très important. Je pense que, historiquement, on a entendu parler dans cette enceinte de plusieurs cas dans lesquels la relation de pouvoir était évidente, c’est-à-dire que quelqu’un se trouvait en position d’autorité par rapport à une autre personne, par exemple un sénateur et une employée. Cependant, il n’est pas seulement question de harcèlement sexuel, mais aussi de harcèlement pour toutes sortes de raisons, comme certains cas pour lesquels les conflits d’intérêts peuvent être une cause d’intimidation et de harcèlement de la part d’un collègue.

Est-ce que, dans votre étude, vous comptez examiner cette combinaison de situations? Est-ce que les ressources humaines vont travailler en collaboration avec le conseiller sénatorial en éthique?

D’autre part, le légiste connaît bien ses clients; par conséquent, à titre de sénateurs, nous avons tous le même droit d’accès à l’expertise du légiste.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénatrice, votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous demander cinq minutes de plus?

La sénatrice Saint-Germain [ + ]

Si mes collègues sont d’accord, je l’apprécierais.

La sénatrice Saint-Germain [ + ]

Merci, honorables sénateurs. Votre question contient plusieurs éléments importants. Vous faites référence aux conflits d’intérêts des sénateurs, un sujet qui est déjà couvert par le code d’éthique, et je crois que le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs peut déjà s’en charger.

Ce que vous avez décrit ressemble à de l’abus de pouvoir. À la page 2 du projet de politique, on peut lire la définition suivante du terme « abus de pouvoir » :

Le fait d’exercer de façon indue le pouvoir inhérent à son poste dans le but de compromettre l’emploi d’une autre personne, d’entraver l’exécution de son travail, de mettre son moyen de subsistance en danger ou de s’ingérer de façon négative dans sa carrière. L’abus de pouvoir inclut l’humiliation, l’intimidation, les menaces et la coercition.

Toute action associée à l’exercice approprié des responsabilités ou de l’autorité sur le plan des conseils, de la distribution du travail, du counseling, de l’évaluation du rendement [...] ne constituent pas de l’abus de pouvoir.

On peut également lire la définition de « harcèlement », qui dit ce qui suit :

Tout comportement ou acte inopportun et offensant envers une ou plusieurs personnes en milieu de travail, et dont l’auteur savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’un tel comportement ou acte pouvait offenser ou importuner.

Le harcèlement comprend tout acte, propos ou geste répréhensible — qu’il s’agisse d’un incident unique ou récurrent — qui diminue, rabaisse, humilie ou embarrasse une personne.

Il y a des obligations légales qui nous sont imposées par les modifications apportées au Code canadien du travail, ainsi que les modifications apportées à la Loi canadienne sur les droits de la personne et, bien sûr, à titre de législateurs. Nous avons adopté ces lois et nous y sommes donc assujettis. Personne ici n’est au-dessus des lois.

Quant à votre dernière question sur les responsabilités du légiste, je vous dirais que, dans toute institution, y compris dans une institution publique et politique comme le Sénat, l’administration est toujours plus efficace lorsqu’elle reçoit de l’autorité décisionnelle des ordres clairs et un encadrement conséquent.

Je crois que cette politique, en raison de tous les aspects extrêmement précis de sa mise en œuvre, donnera des orientations claires à l’administration, et ce sera le rôle du Comité de la régie interne, en qualité de représentant de l’employeur, de s’assurer que la politique est bien mise en œuvre.

Je vous dirais aussi que le processus intérimaire qui a été mis en place d’ici à l’adoption de cette politique est un processus qui, normalement, ne doit pas impliquer d’ingérence interne de quiconque, ni d’un sénateur ni de l’administration. De plus, s’il y a des situations qui sont portées à notre attention, nous devrons, en tant que membres du Comité de la régie interne, et je devrai, à titre de présidente du sous-comité, les considérer avec la plus grande attention.

J’ai de bonnes raisons de croire que ce processus intérimaire a été fragilisé, et je m’engage à examiner les motifs qui ont provoqué cette situation. Je vous remercie.

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