Projet de loi no 2 sur les mesures d'urgence visant la COVID-19
Troisième lecture
11 avril 2020
Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour proposer la troisième lecture du projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19. Je vous remercie tous d’être ici aujourd’hui ainsi et je tiens également à remercier notre personnel dévoué qui veille toujours à ce que nous puissions bien faire notre travail.
Je voudrais aussi prendre une minute pour remercier les fonctionnaires du ministère qui ont travaillé sans relâche pour mettre au point le projet de loi C-14 et, avant cela, le projet de loi C-13 : Andrew Marsland, Miodrag Jovanovic, Maude Lavoie, Brian Ernewein, Ted Cook et Trevor McGowan. Ils méritent toute notre gratitude pour les efforts herculéens qu’ils ont déployés.
Nous faisons face à une crise sans précédent, et les Canadiens comptent sur nous, leurs législateurs, pour travailler pour eux. Chers collègues, notre adoption rapide et décisive du projet de loi C-14 aidera les entreprises et les travailleurs à traverser la tempête à laquelle tant de gens font face. De plus, cela enverra un signal positif de réconfort à des millions de Canadiens qui doivent combattre cette crise. Le plan d’intervention économique du Canada à la COVID-19 consiste en un ensemble complet de mesures visant à fournir un soutien aux Canadiens : 107 milliards de dollars en soutien direct, 85 milliards de dollars en soutien aux liquidités grâce à des reports d’impôts, de TPS, de TVH et de droits de douane, et plus de 570 milliards de dollars supplémentaires en soutien au crédit et aux liquidités.
Le projet de loi C-14 prévoit des mesures essentielles pour appuyer les travailleurs et les entreprises du Canada. La Subvention salariale d’urgence du Canada aidera les entreprises les plus touchées par la pandémie de COVID-19 et contribuera à protéger les emplois dont dépendent les Canadiens. La subvention vise à empêcher la perte d’autres emplois et à encourager les employeurs à réembaucher les travailleurs qui ont été mis à pied à cause de la COVID-19. Elle vise à permettre aux employeurs de reprendre leurs activités normales plus facilement après la crise.
Vu l’évolution de la situation, et grâce à la participation et à la coopération de tous les législateurs, le gouvernement a pris la décision d’accorder une subvention bonifiée aux personnes les plus touchées par la crise. Au titre du projet de loi C-14, la subvention correspond à 75 % de la première tranche de 58 700 $ normalement touchée par un employé. Il s’agit d’une prestation pouvant atteindre 847 $ par semaine par employé. Le programme sera en vigueur du 15 mars au 6 juin 2020. Chers collègues, le programme fournira une aide à la rémunération estimée à 73 milliards de dollars.
La subvention salariale sera offerte aux employeurs de toutes tailles et de tous les secteurs de l’économie, à l’exception des entités du secteur public. Boulangeries, cinémas, quincailleries, et j’en passe : si vous avez été durement touché par la COVID-19, vous pourriez être admissible.
Pour être admissible, un employeur devrait attester d’une baisse de ses revenus bruts d’au moins 15 % en mars de cette année et de 30 % en avril ou en mai. Pour déterminer la baisse de revenus, les entreprises peuvent choisir de comparer leurs revenus avec ceux du même mois de l’année 2019 ou prendre la moyenne des revenus de janvier et février 2020.
Le critère relatif à la baisse des revenus de 15 % pour le mois de mars tient compte du fait que les gouvernements provinciaux ont obligé beaucoup d’entreprises à cesser leurs activités entre la mi-mars et la fin mars.
Pour accroître la souplesse du programme, une fois qu’un employeur est jugé admissible pour une période donnée, il serait automatiquement admissible pour la période suivante du programme. Par exemple, un employeur dont la baisse des revenus était supérieure à 15 % en mars serait admissible pour les deux premières périodes du programme couvrant la rémunération versée entre le 15 mars et le 9 mai. De même, un employeur dont les revenus ont chuté de 30 % en avril serait admissible pour les deuxième et troisième périodes du programme couvrant la rémunération versée entre le 10 mai et le 6 juin.
Les organismes sans but lucratif et les organismes de bienfaisance enregistrés pourront également bénéficier de tous les assouplissements nécessaires aux fins de l’application du critère de la baisse des revenus. Ce secteur, qui est d’une importance primordiale en cette période de crise, fait face à différentes pressions en ce qui a trait au financement. Par conséquent, les organismes à but non lucratif et les organismes de bienfaisance pourront décider d’inclure les revenus gouvernementaux ou de les exclure lorsqu’ils établiront à combien s’élève la baisse de leurs revenus.
La Subvention salariale d’urgence du Canada est une mesure clé qui permettra de garantir que les emplois sont protégés en cette période incertaine, et que les travailleurs disposent de revenus fiables pour subvenir aux besoins de leurs familles. Cela permettra aux employeurs de réembaucher des travailleurs qu’ils ont dû mettre à pied, et de conserver ceux qui sont encore en poste.
Pour que la subvention soit utilisée correctement, le gouvernement met en place des mesures sévères de lutte contre la fraude. Les entreprises devront désigner un agent pour vérifier l’exactitude de ce qu’elles réclament. S’il s’avère qu’un employeur a réduit artificieusement son revenu afin d’être admissible à la subvention, il se verra imposer une pénalité de 25 % sur la subvention reçue. De plus, les employeurs qui font des déclarations fausses ou trompeuses seront passibles d’une peine d’emprisonnement de cinq ans.
Le programme existe pour aider les employeurs qui sont les plus durement touchés. Il existe pour les grandes et les petites entreprises, les organismes sans but lucratif et les organismes de bienfaisance enregistrés, pour qu’ils puissent garder leurs employés ou les réembaucher pour reprendre rapidement leurs activités une fois cette crise passée. Par exemple, une petite entreprise familiale ayant 25 employés qui a été obligée de fermer à la mi-mars serait admissible à la subvention. Si le salaire moyen des employés était de 4 250 $ par mois, l’entreprise serait admissible à une subvention salariale de 79 688 $ par mois, pour une subvention totale de 239 063 $ sur les trois prochains mois. Cela représente 75 % des salaires mensuels et permettra à l’entreprise de garder ses 25 employés pendant la crise. De plus, l’entreprise disposera d’un délai supplémentaire pour le paiement de l’impôt sur le revenu — jusqu’au 31 août 2020 —, ce qui lui donnera la souplesse financière nécessaire pour répondre à ses besoins immédiats. Les versements de TPS/TVH et les paiements de droits de douane peuvent aussi être reportés jusqu’au 30 juin.
Le gouvernement s’efforce constamment de recueillir les commentaires et les avis des intervenants, des représentants élus, des sénateurs et des gouvernements provinciaux et territoriaux en ce qui a trait à l’ensemble des mesures qui sont mises en œuvre. Il s’agit notamment de cerner les lacunes, puisqu’il y en aura certainement, étant donné la rapidité avec laquelle il a fallu concevoir un programme d’une telle ampleur. Par exemple, nous tiendrons compte des réalités propres aux collectivités rurales et nordiques du pays. Le gouvernement s’engage également à soutenir les activités précommerciales des entreprises et à aider les entreprises qui devraient subir une baisse de revenus dans les mois à venir. Il faudra peut-être leur offrir des mesures différentes si l’ensemble des autres mesures actuellement offertes ne sont pas suffisantes. Quoi qu’il en soit, honorables sénateurs, il est encore trop tôt pour proposer d’autres solutions. Les mesures proposées dans le projet de loi C-14 à l’égard des revenus sont conçues en fonction des baisses de liquidités actuelles. Cependant, le gouvernement continuera de tenir compte de la rétroaction, et il s’engage à soutenir les divers secteurs et les différentes entreprises selon leurs besoins.
Honorables sénateurs, les mesures d’aide mises en place lors de l’adoption du projet de loi C-13, qui visait à créer la Loi sur les mesures d’urgence visant la COVID-19, sont considérées comme des mesures d’urgence. Ainsi, avec l’adoption du projet de loi C-14, ces mesures prendront fin le 30 septembre.
Honorables collègues, tous les ordres de gouvernement, qu’il s’agisse des administrations municipales ou des gouvernements provinciaux et fédéraux, ont dit sans équivoque qu’ils prendront toutes les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité des Canadiens, stabiliser l’économie et atténuer les répercussions économiques de cette pandémie. Tous les législateurs doivent composer avec les effets de la pandémie en adoptant les bons outils, dans le bon ordre et au bon moment.
Je demande à tous les honorables sénateurs d’appuyer le projet de loi C-14 afin que nous puissions aider les Canadiens en cette période critique et permettre au pays de se remettre sur pied quand le moment viendra. Je vous remercie de votre très bienveillante attention.
Chers collègues, j’aimerais commencer, une fois de plus, en disant que nos pensées et nos prières accompagnent tous les Canadiens touchés par la COVID-19, et en particulier ceux qui ont perdu des membres de leur famille ou des amis à cause de ce virus. Le décès d’un être cher est toujours difficile, mais en ce moment, ce l’est encore plus en raison des restrictions liées à la quarantaine qui prive de moments précieux les familles souhaitant accompagner leurs proches qui en sont à leurs derniers jours.
Je voudrais aussi remercier chaleureusement tous ceux qui sont aux premières lignes de la lutte contre cette pandémie, des travailleurs de la santé en passant par les camionneurs jusqu’aux employés dans les supermarchés. Nous vous remercions tous pour le travail que vous accomplissez.
Sur une note plus personnelle, chers collègues, j’aimerais vous souhaiter à tous ainsi qu’à ceux qui nous regardent de joyeuses Pâques.
Aujourd’hui, nous célébrons la journée entre la mort et la résurrection de Jésus Christ. Ce fut une journée d’incertitude, d’appréhension et de peur pour les disciples du Christ, qui ne savaient que le lendemain serait la journée de la résurrection, qui changerait tout.
Je sais que cette année, Pâques sera très différent pour nous tous, mais je prie pour que nous trouvions tous un peu de joie et que nous espérions en l’avenir.
Chers collègues, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est le projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19. Ce projet de loi met en œuvre la Subvention salariale d’urgence du Canada, et c’est la loi no 2 parce que la première était inadéquate tout simplement.
La dernière fois que nous nous sommes réunis dans cette enceinte, il y a deux semaines à peine, vous vous souviendrez que j’ai demandé au ministre des Finances pourquoi il avait opté pour une subvention salariale de seulement 10 %, alors que le Royaume-Uni et le Danemark avaient instauré une subvention à hauteur de 80 % et de 75 % respectivement.
La réponse du ministre m’a abasourdi. Il a affirmé qu’il devait rectifier mes propos parce qu’en fait, le programme du gouvernement était semblable à celui du Royaume-Uni et meilleur que celui du Danemark. La période des questions s’est poursuivie, mais j’essaie toujours de comprendre comment une subvention salariale de 10 % peut être meilleure qu’une subvention de 75 %.
À peine deux jours plus tard, le gouvernement a soudainement fait volte-face et a annoncé qu’il allait finalement accorder une subvention salariale de 75 %. Moins de 48 heures plus tôt, le ministre des Finances s’était indigné que je lui demande si cette subvention était suffisante et avait agi comme si c’était la meilleure initiative au monde. Maintenant, le gouvernement s’empresse d’ajouter 71 milliards de dollars supplémentaires aux fonds pour répondre aux lacunes bien précises que nous avions soulevées, même s’il avait affirmé ne pas en avoir besoin.
Honorables sénateurs, il y a quelque chose qui cloche avec ce scénario, et je n’éprouve aucun plaisir à le souligner. C’est comme si des pompiers s’étaient précipités sur les lieux d’un incendie pour finalement se rendre compte qu’il n’y a pas assez d’eau dans leur citerne.
Le fait que nous soyons obligés de le souligner m’a beaucoup inquiété, et je suis toujours aussi inquiet aujourd’hui. Le manque de discernement, la piètre planification, les mauvaises décisions et la lenteur à réagir sont devenus la règle pour le gouvernement, et non l’exception.
Le premier ministre nous assure encore et encore que le gouvernement a la situation bien en main, qu’il suit les choses de très près et qu’il s’appuie sur les meilleurs avis médicaux et scientifiques. Or, nous découvrons ensuite qu’il en fait trop peu et qu’il a agi trop tard.
Prenons par exemple la réaction du gouvernement lorsque la Chine a finalement confirmé la flambée de coronavirus à Wuhan. Alors que d’autres pays se sont empressés de contrôler les passagers des lignes aériennes et d’interdire l’entrée de voyageurs en provenance de la Chine, le premier ministre a prétendu que nous devions continuer comme si de rien n’était. Il suffisait de se laver les mains.
Deux jours plus tard, alors que Taïwan commençait déjà à mettre en quarantaine les voyageurs en provenance de la Chine, la grande responsable de la santé au fédéral a publié le message suivant sur Twitter : les Canadiens qui se rendaient à Wuhan devraient consulter un professionnel de la santé s’ils ne se sentaient pas bien à leur retour. Pas un mot sur un contrôle, un dépistage ou une quarantaine. Pour les voyageurs symptomatiques de retour au pays, on a simplement recommandé d’envisager de s’isoler pendant 14 jours.
Seulement trois jours plus tard, le 25 janvier, le Canada a annoncé son premier cas de COVID-19. Sans surprise, c’était une personne qui avait récemment voyagé à Wuhan, en Chine.
La ministre libérale de la Santé, Patricia Hajdu, a assuré aux Canadiens que le gouvernement prenait des mesures. Ils ont dû — croyez-le ou non — afficher des messages sur les tableaux des arrivées dans les aéroports et ajouter des questions de dépistage sanitaire supplémentaires aux kiosques électroniques destinés aux voyageurs internationaux.
Nous étions censés croire que ces efforts reflétaient les meilleurs conseils médicaux et scientifiques disponibles pour protéger les Canadiens.
Inutile de dire, chers collègues, que cela n’a pas convaincu tout le monde. Seulement deux jours plus tard, un deuxième cas de COVID-19 a été déclaré au Canada.
Le député conservateur Matt Jeneroux a pris la parole à la Chambre et a demandé :
[...] comment les Canadiens peuvent-ils être assurés [que le gouvernement] prend les mesures appropriées pour empêcher le virus de se propager?
La ministre Hajdu a répondu :
[...] le risque pour les Canadiens demeure faible. Nos services continuent de travailler en étroite collaboration [...]
Ce n’était certainement pas une réponse rassurante.
Le député conservateur Todd Doherty a relancé la ministre :
Quand le gouvernement va-t-il mettre en place un plan réel incluant un processus de dépistage plus poussé?
La ministre Hajdu a donné une réponse typiquement évasive :
Nous avons pris de nombreuses mesures pour informer les voyageurs en provenance des régions touchées sur ce qu’ils doivent faire s’ils soupçonnent qu’ils ont la maladie. Nous avons donné une formation aux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada pour qu’ils soient en mesure d’aider les personnes qui pourraient être malades.
C’était comme si le gouvernement ne se rendait pas compte que le virus constituait un véritable danger pour les Canadiens, même si d’autres pays étaient déjà confrontés à une phase avancée d’infection et avaient fermé leurs frontières et imposé la quarantaine.
Pendant un mois et demi, le gouvernement libéral a continué à dire qu’il n’était pas nécessaire de soumettre les voyageurs à un contrôle, notamment à des tests à l’arrivée, de limiter les déplacements et de fermer les frontières. On nous a affirmé que l’isolement volontaire suffisait. Et encore, on disait qu’il n’était nécessaire que dans le cas des personnes présentant des symptômes.
Le gouvernement a manqué de vigilance alors que des voyageurs porteurs du virus traversaient la frontière à pied, en voiture et en avion.
Pas plus tard que le 13 mars, le premier ministre justifiait encore son inaction en déclarant :
Rappelons-nous qu’il y a quelques semaines, nous nous sommes interrogés pour savoir si nous devrions entièrement fermer nos frontières à la Chine comme l’ont fait les États-Unis. Nous n’avons pas retenu cette approche. Nous avons géré la situation de façon à assurer un contrôle et la non-propagation du virus, ce qui nous porte à croire que les autorités nationales de la santé publique nous donnent les bonnes recommandations pour le Canada.
Le premier ministre nous donnait ni plus ni moins une petite tape virtuelle sur l’épaule alors qu’il se vantait de l’approche de son gouvernement.
Or, à peine trois jours plus tard, il a abruptement changé son fusil d’épaule, annonçant que le Canada fermait ses frontières et limitait les vols internationaux. C’était comme s’il venait de se réveiller. Mais il n’était pas encore pleinement réveillé puisque le gouvernement n’avait pas encore imposé de contrôle en bonne et due forme ni de quarantaine obligatoire aux voyageurs en provenance de l’étranger.
Chers collègues, je pourrais continuer encore longtemps. Ce gouvernement a, à maintes reprises et de manière tragique, mal géré cette crise en faisant trop peu, trop tard. Trop peu parce qu’il ne voulait offenser personne en fermant les frontières. Trop tard parce qu’au moment où il a pris des mesures, nous étions déjà aux prises avec une pandémie et la transmission communautaire. Trop peu parce qu’il a envoyé notre matériel de protection excédentaire en Chine, pour se rendre compte trop tard que nous aurions nous-mêmes besoin de ce matériel. Trop peu parce qu’il a insisté sur le fait que les tests n’étaient pas nécessaires pour les voyageurs internationaux qui entraient au Canada. Trop tard parce que même si les passagers symptomatiques ne sont plus autorisés à prendre un avion à destination du Canada, ils ne font toujours pas l’objet de tests à leur arrivée.
Honorables collègues, je crois que par ses constantes maladresses dans la gestion de cette crise de santé le gouvernement nous a menés directement vers une crise économique. Imaginez si au lieu de nous traiter tous comme des enfants pendant deux mois et de refuser de nous écouter, le premier ministre avait pris des mesures concrètes. Imaginez si, il y a un mois à peine, nous avions été convoqués ici en vue d’adopter un projet de loi visant à injecter 71 milliards de dollars dans notre système de santé pour protéger les travailleurs de la santé de première ligne, augmenter le nombre d’unités de soins intensifs, équiper adéquatement les foyers pour personnes âgées, accroître le nombre de tests de dépistage exhaustifs menés partout au pays, ériger des hôpitaux temporaires, et assurer un approvisionnement amplement suffisant de masques faciaux, de respirateurs et d’autres fournitures essentielles.
Imaginez comment cela aurait amélioré les choses, mais cela ne s’est jamais produit. Au lieu de cela, nous tentons tant bien que mal d’aider les Canadiens à conserver leur emploi, à payer leur loyer et à payer l’épicerie, alors qu’on nous demande d’accepter le fait qu’entre 11 000 et 22 000 Canadiens pourraient mourir.
Je me rends compte que même si le gouvernement avait agi rapidement, préventivement et courageusement, il y aurait quand même eu des répercussions économiques. Toutefois, en en faisant constamment trop peu et en agissant constamment trop tard pour protéger la santé des Canadiens, en minimisant les risques et en gaspillant du temps précieux, il a accru spectaculairement les répercussions économiques.
Voilà qu’il remet ça en attendant encore à la dernière minute pour annoncer quelques demi-mesures destinées à protéger le bien-être financier des Canadiens. Je rappelle que le gouvernement a attendu jusqu’au 18 mars pour annoncer son Plan d’intervention économique pour répondre à la COVID-19. Il avait alors prévu de consacrer 27 milliards de dollars en mesures de soutien direct aux Canadiens et 55 milliards de plus pour garantir les besoins en liquidités. Aussi bien dire qu’il s’est armé d’un fusil à eau pour éteindre un véritable brasier. Le pire, c’est que tout le monde à part le gouvernement semblait l’avoir constaté. Selon un sondage réalisé par le Conseil canadien des innovateurs auprès de 651 PDG, 94 % d’entre eux croyaient qu’ils n’auraient pas droit à la subvention salariale parce que les critères étaient trop restrictifs, et ce, même après que le gouvernement a annoncé qu’il faisait marche arrière et qu’il faisait passer le taux de subvention salariale de 10 à 75 %.
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a elle aussi sondé ses membres, et elle a constaté que la subvention salariale n’aiderait que le tiers d’entre eux.
Il y a de quoi se demander qui le gouvernement a consulté, finalement, avant de rédiger son projet de loi. Nous savons que le comité du Cabinet et les sous-ministres se sont rencontrés, mais qu’en est-il des entreprises que l’on cherchait à aider?
Dans une lettre adressée au ministre des Finances, les sénateurs Anderson, Duncan et Patterson ont souligné que le projet de loi en question exclut des industries et des secteurs de premier plan dans les territoires et dans l’ensemble des régions rurales et nordiques du Canada. Apparemment, le gouvernement n’a même pas pris la peine de communiquer avec eux, mais les sénateurs que je viens de mentionner l’ont fait. Ils ont rapidement découvert que les entreprises qui ne génèrent pas de revenus, notamment les sociétés d’exploration minière, les petites sociétés minières, les entreprises de construction et les jeunes pousses du secteur des technologies ne sont pas admissibles aux subventions. Voilà qui aura un effet de dominos ainsi que des répercussions négatives sur le secteur du tourisme réceptif, un secteur saisonnier, ainsi que sur les entreprises autochtones qui participent au dynamique secteur d’exploitation des ressources, car celles-ci seront toutes laissées pour compte. C’est alarmant.
Chaque jour, les travailleurs essentiels quittent la sécurité de leur foyer pour servir leur pays. Le premier ministre aurait peut-être dû faire la même chose et se rendre à son bureau pour consulter les Canadiens de manière appropriée au lieu de rester à Rideau Cottage bien longtemps après ses 14 jours d’isolement.
Honorables sénateurs, le projet de loi dont nous sommes saisis prévoit la mise en œuvre de la Subvention salariale d’urgence du Canada. Cette initiative porte bien son nom parce qu’elle vient en aide aux familles et aux entreprises qui éprouvent des problèmes financiers urgents. Or, chers collègues, je tiens à vous dire que l’une des pires choses qui puissent arriver lorsqu’on tente de répondre à une urgence, c’est de prendre des mesures insuffisantes, mais que la pire de toutes, c’est de les prendre trop tard.
Voilà ce que ne cesse de faire le gouvernement, au beau milieu de la pire crise des 100 dernières années. Il n’en fait pas assez et il le fait trop tard. Le gouvernement ne fait que réagir, il ne voit pas venir les coups. L’approche fragmentaire qu’il a adoptée fait que des milliers de Canadiens passent entre les mailles du filet, qui ressemble plutôt à une passoire.
Le caucus conservateur permettra que le projet de loi à l’étude soit adopté rapidement aujourd’hui, chers collègues, parce que les Canadiens en ont urgemment besoin. Toutefois, ce dont les Canadiens ont vraiment besoin, c’est d’un meilleur leadership de la part du gouvernement. Pour le bien du pays, j’espère que le gouvernement le comprendra. Merci.
Honorables sénateurs, lorsque j’ai pris la parole au sujet du premier projet de loi de réponse d’urgence à la COVID, le projet de loi C-13, il y a moins de deux semaines, je déplorais le fait que 25 Canadiens avaient été emportés par le nouveau coronavirus. Il y en a maintenant 700 et le nombre continue d’augmenter.
Dans la même période, le nombre d’entreprises qui ont suspendu leurs activités ou qui ont carrément fermé s’est multiplié et plus de 1 million de Canadiens se retrouvent désormais sans emploi. Ce sont 5,6 millions de demandes — un nombre ahurissant — qui ont été reçues pour la prestation d’urgence liée à la COVID-19 qui faisait partie du projet de loi adopté le 25 mars.
Si quelqu’un doutait encore de la nécessité d’élargir et de bonifier le plan d’intervention économique en réponse à la crise sanitaire actuelle, les événements des deux dernières semaines l’auront sûrement convaincu.
Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd’hui : pour étudier un nouveau train de mesures élargies présentées en réponse à la COVID-19 au moyen du projet de loi C-14.
Je voudrais d’abord reconnaître le travail de nos collègues de l’autre endroit, qui ont tout fait pour en arriver à une entente au sujet du projet de loi dans un laps de temps relativement court. J’appuie le projet de loi et je suis impatient de le voir adopté plus tard aujourd’hui.
J’ai aussi hâte qu’on crée un mécanisme de surveillance relatif à la COVID-19 selon lequel deux comités sénatoriaux permanents pourront suivre les progrès d’Équipe Canada face à la crise actuelle et offrir des conseils constructifs concernant les mesures prises. De plus, j’appuie la création d’un comité spécial sur la COVID-19 à une date ultérieure dans le but d’étudier, avec du recul, les leçons à tirer de cette crise et la façon pour le Canada de mieux se préparer à une future pandémie ou à d’autres situations sanitaires d’urgence.
L’autre endroit s’est doté de son propre mécanisme de surveillance, alors il est important que nos comités ne refassent pas simplement ce que la Chambre des communes aura déjà fait. La pire chose que nous pourrions faire subir aux fonctionnaires de première ligne pendant la crise serait de jouer aux gérants d’estrade et de dédoubler les efforts de surveillance. C’est pourquoi le Sénat, en tant qu’institution moins partisane que la Chambre des communes, doit être à la hauteur de ce rôle pour lequel il est particulièrement bien outillé.
Je ne parle pas ici du proverbial « second examen objectif », puisque nous n’aurons probablement pas à nous pencher sur de nouvelles lois durant la pandémie. Je fais plutôt référence aux qualités d’une Chambre haute qui lui procurent une saine distance à l’égard des clivages politiques, un certain détachement par rapport au moment présent et, par conséquent, cela lui permet d’être plus orientée vers l’avenir. Même s’il est difficile pour quiconque de voir au-delà de la crise économique et sanitaire qui nous afflige à l’heure actuelle, c’est précisément le Sénat qui doit regarder en avant et réfléchir à « l’après-COVID-19 ».
Devant vous, chers collègues, je reconnais que penser à cet « après » pourrait comprendre d’innombrables aspects, et ce n’est pas le moment d’examiner chacun d’eux. J’aimerais toutefois soulever quelques points de réflexion :
Premièrement, nous devrions prendre en considération la répartition des répercussions de la crise sanitaire de la COVID-19 et la répartition des mesures d’aide financière qui ont été mises en place pour l’affronter. C’est un triste fait que lorsque l’économie traverse une crise majeure, les mesures mises en place pour remédier aux répercussions de cette crise — bien qu’admirables —, aident souvent davantage les personnes qui étaient mieux nanties avant la crise que les plus démunis au départ.
Dans la mesure où l’inégalité des revenus et de la richesse était déjà un facteur de stress au sein de la société canadienne, nous devons veiller à ne pas aggraver ce stress par les choix que nous faisons en réponse à la crise actuelle.
Deuxièmement, nous devrions songer à ce que la crise de la COVID-19 nous révèle au sujet du contrat social du Canada et de ce que les Canadiens considèrent comme étant le filet de sécurité sociale national. Au cours des dernières semaines, il y a eu d’extraordinaires discussions sur la place publique partout au pays — et aujourd’hui en comité plénier — sur le fait de veiller à ce que personne ne passe entre les mailles du filet. La population canadienne procède à une extraordinaire réflexion sur ce sujet, ce qui est assurément un reflet de l’évolution de notre contrat social et de ce que nous considérons comme étant le filet de sécurité sociale canadien approprié.
Cet état d’esprit — je n’ose dire ce consensus — en évolution soulève bien des questions quant à cette détermination à ne laisser tomber personne : des questions au sujet du rôle du gouvernement et de son importance pour la société; des questions au sujet de la tolérance à l’égard de la dette et des déficits; des questions au sujet des attentes des citoyens; et de nombreuses questions et nouvelles idées importantes au sujet de l’aide sociale et du soutien du revenu.
Troisièmement, comme certains de nos collègues l’ont déjà demandé : quand doit-on redémarrer l’économie, et comment? Le premier ministre Trudeau a déjà dit qu’il s’attendait à ce que l’économie canadienne rebondisse :
[...] je sais que, si nous unissons nos efforts, l’économie va rebondir une fois la crise terminée.
J’espère sincèrement qu’il a raison, chers collègues, mais nous ne pouvons pas nous y fier.
Comme je le disais lorsqu’il était question du projet de loi C-13, le meilleur moyen de protéger l’économie demeure de juguler le mieux possible la crise sanitaire actuelle afin que les taux d’infection tombent à des niveaux acceptables ou de trouver un traitement à cette nouvelle maladie, idéalement les deux.
Il est beaucoup trop tôt pour que le gouvernement et l’opposition commencent à parler de redémarrer l’économie, et nous l’avons encore entendu de la bouche du ministre Morneau. Il n’est toutefois pas trop tôt pour que le Sénat indépendant se penche sur la question, avec l’aide des plus grands cerveaux du pays. La clé pour comprendre les coûts d’un quelconque relâchement des restrictions de même que les risques pour l’activité économique, c’est d’avoir des données de qualité et de les appliquer à toute une panoplie de modèles.
Une grande partie de ces données existe déjà, mais il devrait y avoir une base centrale permettant aux chercheurs du pays et du monde entier d’y avoir accès pour faire leurs travaux de modélisation. Le gouvernement pourrait déjà consacrer des ressources à ce genre de chose et en faire une priorité. Il n’est pas trop tôt pour cela.
Quatrièmement, même si l’économie rebondit, elle aura changé. Les nouveaux modèles d’affaires, l’accélération de tendances économiques séculaires, les réflexes politiques découlant des pressions sociales et, élément très important, les changements de comportements auront causé des dommages permanents à certains secteurs et à certaines entreprises. Il ne serait pas opportun de refuser dans la crise actuelle un soutien à des secteurs touchés par des problèmes structurels de plus longue date, des problèmes qui ont été aggravés par la crise de la COVID-19. Le coût d’un bouleversement économique sur le plan humain est bien réel et tout ensemble de mesures d’aide doit en tenir compte, même si la crise sanitaire actuelle n’est pas à l’origine de ce bouleversement.
Il serait toutefois irresponsable de la part d’un gouvernement de ne pas se soucier des causes immédiates, par opposition aux changements fondamentaux ou structurels qui influent sur certaines industries et causent des difficultés qui pourraient se prolonger bien au-delà de la présente crise sanitaire. Il est donc plus important que jamais, chers collègues, que nous réfléchissions à la nouvelle économie et à la manière dont le Canada ne peut pas se contenter de traverser cette crise, mais doit la traverser de façon à positionner le pays pour l’avenir.
Cinquièmement, nous devons réfléchir au contexte économique international, qui change aussi vite que le contexte économique national que je viens de décrire. Nombreux sont ceux, dans ce pays et ailleurs, qui prônent l’esprit de clocher, une économie repliée sur elle-même, l’isolationnisme et le protectionnisme. Nous devons nous y opposer et garder à l’esprit que le Canada ne peut prospérer que s’il fait partie de l’économie mondiale.
Bien sûr, les choses ne seront plus les mêmes qu’avant. Toutes les entreprises devront se pencher sur des concepts tels que le second approvisionnement ou la redondance d’entreprises et peut-être même un certain degré d’autosuffisance dans un certain nombre de secteurs stratégiques. Toutefois, ce n’est pas le moment de parler de la mise en place de barrières tarifaires ou d’autres mesures protectionnistes simplement par réflexe politique face aux défis sanitaires et économiques du moment.
Chers collègues, de nombreux autres dossiers qui se pointent à l’horizon doivent retenir l’attention du Sénat. Je n’ai pas le temps de tous les énumérer, mais je mentionnerai, par exemple, l’incidence de l’après-COVID-19 sur les relations internationales, en particulier sur les relations entre les grandes puissances, la coopération multilatérale, les déplacements de réfugiés et le techno-nationalisme. Tous ces dossiers devront être étudiés un autre jour.
Cependant, comment ferons-nous ce travail sans nous réunir? Comment le Sénat pourra-t-il jouer un rôle en période de distanciation sociale et dans un contexte où il est convoqué aussi peu fréquemment?
Premièrement, permettez-moi de remercier Son Honneur du leadership dont il a fait preuve en amorçant les démarches visant à trouver des solutions techniques, logistiques et administratives afin que le Sénat et ses comités puissent se réunir à distance. Je remercie également l’Administration du Sénat du travail qu’elle fait déjà pour étudier ces options. Je sais que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration déploie également des efforts à ce chapitre.
Nous avons entendu plus tôt le préavis d’une motion demandant que l’Administration du Sénat poursuive ses efforts en vue d’étudier des solutions techniques et logistiques qui permettraient au Sénat de se réunir à distance. Cette motion reflète le profond désir de nombreux sénateurs de s’acquitter de leurs fonctions parlementaires ou, ce qui est encore plus probable, leur frustration face à leur incapacité de s’acquitter pleinement de ces fonctions à l’heure actuelle.
Si je puis me permettre, je dirais qu’elle illustre aussi le désir de nombreux sénateurs d’adapter notre institution bien-aimée aux réalités du XXIe siècle en donnant aux sénateurs la possibilité de se réunir à distance. D’autres parlements se penchent sur cette question avec beaucoup de sérieux et d’intensité. D’autres organisations qui fonctionnent bien et qui sont beaucoup plus grandes que la nôtre relèvent déjà ces défis. Je reconnais que nous avons des besoins spéciaux au sein du Parlement en raison de notre caractère bilingue particulier et du Règlement du Sénat — et que tous ces besoins doivent être satisfaits —, mais il est temps de nous attaquer à ces questions. Il n’y aura jamais une meilleure occasion de le faire que maintenant que nous nous trouvons dans une situation qui nous prive de la possibilité de nous réunir en personne.
Chers collègues, comme vous le savez, la Chambre des communes donne suite à certaines de ces questions. Aujourd’hui même, le leader du gouvernement à la Chambre nous a informés que, en plus des deux comités de surveillance qui ont été établis, c’est-à-dire ceux de la santé et des finances, la Chambre va trouver un moyen pour permettre aux membres d’au moins quatre autres comités de se réunir à distance : le Comité de l’industrie, le Comité des ressources humaines, le Comité des opérations gouvernementales et le Comité de la procédure.
Chers collègues, nous ne savons pas quand nous reviendrons à notre mode de fonctionnement normal. Cela pourrait bien être long. Voilà pourquoi nous ne devons pas gâcher l’occasion de travailler sur des solutions pour les réunions à distance afin que, lorsque nous reviendrons, ce soit à un Sénat qui non seulement aura prouvé sa responsabilité et sa pertinence pendant la crise actuelle, mais qui sera aussi nouvellement équipé pour fonctionner plus efficacement grâce aux nombreux outils de connectivité déjà disponibles.
Honorables sénateurs, permettez-moi d’ajouter mon point de vue sur le projet de loi C-14 qui est devant nous. Ne soyez pas surpris : vous ne m’aurez probablement jamais entendu dire une chose pareille à propos du gouvernement actuel du Canada. La situation commande de notre part que nous soyons tous et toutes unis derrière ceux qui nous gouvernent, afin de leur permettre de mettre en place, le plus rapidement possible, des mesures d’aide pour nos entreprises et pour nos travailleurs et travailleuses. L’emploi est un facteur de santé économique. Il y a donc urgence d’agir, un point, c’est tout. Les Canadiens et les Canadiennes vivent actuellement le drame de leur vie. On n’a jamais imaginé l’ampleur qu’allait prendre ce virus qui a déjà tué beaucoup trop de personnes, ici et ailleurs dans le monde.
Malgré tous les efforts du personnel de nos systèmes de soins de santé, la liste des morts s’allonge tous les jours et ce n’est pas fini. Cependant, comme plusieurs, je n’ose même plus croire aux projections qui sont faites. Au-delà des morts, l’économie de la planète est bouleversée. Sans des interventions politiques parfois vertigineuses, pour ne pas dire improvisées, plusieurs secteurs de l’économie canadienne ne se relèveront jamais de la pandémie qui nous frappe. La faillite guette plusieurs entreprises, grandes ou petites, et les mises à pied seront financièrement catastrophiques pour les travailleurs et leurs familles. Le gouvernement doit donc être en mesure d’agir.
Après le projet de loi C-13, que nous avons adopté le 25 mars, nous avons devant nous le projet de loi C-14. Il ne faudrait pas se surprendre d’avoir bientôt un projet de loi C-15. Imposer des délais serait irresponsable, et ceux qui attendent impatiemment des interventions financières ne nous le pardonneraient jamais. Convenons de la chose suivante : nous faisons une pause en ce qui a trait à notre devoir de poser des questions pour sauver l’économie, mais nous examinerons ultérieurement les actions des décideurs politiques. Le Sénat est un acteur politique de vérification, et je suis tout à fait persuadé que nos comités actuels, et peut-être d’autres qui viendront s’y ajouter ultérieurement, feront en sorte que nous pourrons poser, au cours des semaines et des mois à venir, toutes les questions requises sur ce qui est en train de se passer.
À mon avis, ce n’est pas le moment de s’objecter par conviction politique aux décisions qui sont prises dans l’urgence afin de sauver nos citoyens, notre économie et le Canada. Cela étant dit, il ne faut pas comprendre, de la position que j’adopte aujourd’hui, que je suis en train de faire de l’aveuglement volontaire. À mon âge, j’ai encore un bon œil et je suis parfaitement lucide. En échange de l’adoption rapide du projet de loi C-14, je m’attends à un exercice de transparence sans précédent de la part du gouvernement du premier ministre Justin Trudeau. La démocratie l’exige.
Le gouvernement du premier ministre Trudeau ne doit pas faire de dépenses déraisonnables même durant cette même période. Il n’a jamais trouvé l’argent nécessaire pour acheter les équipements médicaux recommandés par divers organismes de vérification pour que le Canada soit capable de faire face à une pandémie. On voit le résultat de cette insouciance aujourd’hui. Le Canada avait de l’argent pour tout, sauf pour l’essentiel.
Ce que je viens de vous dire est extrêmement grave. Des rapports de vérification, dont un qui remonte à 2006, mettaient en évidence le fait que le Canada manquait d’équipements médicaux pour faire face à une pandémie. Un rapport plus récent faisait état en 2018 du manque de respirateurs au pays, des respirateurs pour lesquels on est prêt à payer le gros prix actuellement. J’ai été surpris de constater qu’une des auteures du rapport qui nous alertait déjà en 2006 est la Dre Theresa Tam, l’actuelle directrice de la santé publique du Canada. Elle ne pouvait pas ignorer les lacunes en équipements médicaux au pays, qui ont été mises en évidence à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie par des experts d’ici et de partout ailleurs dans le monde.
Si elle accepte un jour de venir témoigner devant le Sénat, il serait intéressant de lui demander comment elle a pu conclure, le 29 janvier dernier, que le Canada courait un très faible risque d’être touché par le coronavirus, d’autant plus que l’on sait que les services de renseignement des Forces armées canadiennes, où l’on retrouve des scientifiques comme elle, avaient prévenu le gouvernement Trudeau un mois plus tôt du risque d’éclosion du coronavirus chez nous.
Je veux bien être accommodant pour sauver l’économie, mais je ne serai jamais accommodant pour camoufler l’incompétence qui a mis en danger la vie des Canadiens.
Au-delà de l’examen de cette loi sur l’aide financière que le gouvernement propose d’accorder aux entreprises et aux sociétés, le Sénat aura tout intérêt à se pencher sur les informations dont disposaient le premier ministre et certains de ses ministres dès le début de janvier 2020. On sera peut-être surpris d’apprendre que le gouvernement actuel n’a pas pris au sérieux les avertissements de nos alliés, d’où le comportement insouciant, négligent et incompétent du premier ministre et de ses troupes à l’apparition du virus. Nous allons en payer le prix, nous allons nous relever, mais il faudra aussi demander des comptes à ceux qui ont manqué à leur devoir.
Quand on ajoute à ce que je viens de vous dire le fait que le premier ministre Trudeau a tardé de façon — j’irais presque jusqu’à dire honteuse — à fermer nos frontières aux étrangers, malgré les informations dont il disposait, il y a de quoi être furieux devant cette absence totale de leadership que je ne suis pas le seul à avoir constaté depuis le début de cette crise et à l’occasion d’autres crises que le Canada a vécues depuis sa réélection.
Je vous le dis sans détour, le leadership du premier ministre Trudeau, quand une crise frappe, est désolant, pour ne pas dire inquiétant. En plus, nous avons eu droit à une série d’improvisations qui font que certains Canadiens sont traités de façon inéquitable, pour ne pas dire discriminatoire, en ce qui a trait aux programmes d’aide qui sont mis en place.
Puis-je me permettre de vous rappeler qu’il y a encore au Canada des millions de citoyens qui ne sont pas branchés sur Internet, malgré les milliards de dollars d’investissements promis par les libéraux lors des campagnes électorales de 2015 et 2019? Savez-vous qu’en pleine crise ce gouvernement a pu traiter de façon instantanée les demandes soumises par Internet pour obtenir l’aide de 2 000 $ par mois? Comment peut-on dire à ceux qui ne sont pas branchés sur Internet que cela prendra 10 jours de plus pour traiter leur dossier parce qu’ils ne peuvent pas communiquer avec le gouvernement en utilisant cet outil? Je vous dirais qu’en 2020, c’est honteux.
Je vais quand même approuver le projet de loi C-14 aujourd’hui. Je le fais pour le bien de l’économie. Je ne peux m’empêcher de condamner le manque de vision politique et économique de ceux qui nous gouvernent actuellement. Pensons simplement à la réouverture éventuelle de nos frontières aux étrangers. Il faudra bien le faire un jour. Pourtant, je n’ai encore rien vu ou entendu au sujet de la mise en place d’un système de contrôle sanitaire qui protégera nos citoyens contre tout arrivant qui risquerait de les infecter ou de déclencher une seconde vague de la COVID-19.
Il faudra consacrer d’importantes sommes d’argent pour le contrôle futur de l’immigration et des touristes qui viendront nous visiter. Cela nécessitera une nouvelle réglementation et des investissements dans le contrôle de nos frontières. Jusqu’à aujourd’hui, on n’a rien entendu de la part du premier ministre Trudeau, qui était pourtant si réfractaire à la fermeture de nos frontières.
Si on se fie aux dernières semaines, on aura encore droit à une belle improvisation politique coûteuse quand viendra le moment d’ouvrir nos frontières. Va-t-on, encore une fois, être à la remorque des décisions américaines?
Revenons maintenant au projet de loi C-14 et à l’obligation morale que j’ai de l’approuver pour sauver nos entreprises et les emplois qui s’y rattachent. Ce projet de loi va permettre aux libéraux de distribuer des millions de dollars parce que le pays se trouve en état d’urgence économique. Sincèrement, j’espère qu’ils ne le feront pas dans l’espoir qu’on oublie leurs décisions fort discutables depuis le début de la pandémie.
J’aimerais rappeler à tous les sénatrices et sénateurs, comme le disait notre collègue le sénateur Dalphond dans une lettre d’opinion publiée hier, que le Sénat doit assumer son devoir de surveillance des décisions politiques, même en période de crise. Nous devons le faire sans priver le gouvernement actuel du pouvoir d’agir rapidement.
Nos comités ont fait la preuve de leur aptitude pour la recherche et l’écoute et leurs rapports ont toujours démontré le sérieux avec lequel les sénateurs abordent les grands enjeux de notre société. Nous devrons assurément faire une analyse sérieuse de cette triste période dans l’histoire de notre pays dès que nous pourrons reprendre nos travaux.
Je reconnais d’emblée que certaines erreurs sont excusables, pourvu qu’on les corrige. Cependant, je serais profondément désolé de nous voir nous engager dans des exercices et des examens qui ne serviraient qu’à camoufler les erreurs et l’incompétence politique. La transparence sera un élément essentiel de ce à quoi nous nous attendrons de la part de ceux qui ont pris des décisions durant cette pandémie.
Pour les travaux à venir, je serai vigilant pour les Canadiennes et les Canadiens que je représente et je souhaite que tous les sénateurs en fassent autant.
En terminant, j’en profite pour offrir un message de sympathie à tous nos concitoyens qui ont perdu des êtres chers durant cette pandémie et pour leur souhaiter bon courage à tous et à toutes. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole brièvement au sujet du projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19.
Je vais parler au nom de notre leader, la sénatrice Cordy. Par courtoisie, j’ai l’intention de céder le reste du temps qui m’est imparti au sénateur Harder, ancien représentant du gouvernement et actuel sénateur non-affilié.
Avant de vous faire part des propos de notre leader, je tiens à souligner que le groupe progressiste du Sénat est petit, mais combatif. Il est composé de sénateurs qui sont d’ardents partisans de la Charte des droits et libertés et qui croient au renouvellement de la relation avec les peuples autochtones du Canada. Notre devise vient du terme algonquin Mamidosewin, qui peut signifier un lieu de rencontre ou le fait de se diriger ensemble vers un but commun. Dans le cas qui nous occupe, Mamidosewin peut vouloir dire travailler en collaboration durant la pandémie pour le bien de tous les Canadiens.
Passons maintenant aux propos de la sénatrice Cordy :
Honorables sénateurs, le projet de loi à l’étude constitue une bouée de sauvetage fort nécessaire aux employeurs durant cette période de bouleversement économique sans précédent au pays.
Tandis que se poursuivent les mesures du gouvernement en réponse à la COVID-19 afin de restreindre la propagation, les entreprises canadiennes pâtissent. C’est ce que nous avons entendu aujourd’hui. Les revenus ont chuté et, dans bien des cas, ils sont minimes ou inexistants. Résultat : un nombre effarant de Canadiens sont maintenant sans emploi. Le taux de chômage au Canada monte en flèche. En mars, le taux s’est chiffré à 7,8 % et il continue d’augmenter.
Le portail de la Prestation canadienne d’urgence du gouvernement fédéral a été lancé cette semaine pour les Canadiens qui ont perdu leur emploi directement à cause de la COVID-19. Le gouvernement rapporte que, depuis l’activation du portail lundi, 3,8 millions de travailleurs ont demandé la Prestation canadienne d’urgence et que Service Canada a traité un peu plus de 5,6 millions de demandes d’assurance-emploi avec effet rétroactif au 15 mars.
Les travailleurs canadiens et les entreprises canadiennes ont un urgent besoin de l’aide du gouvernement pour les aider à traverser cette crise. J’applaudis les initiatives que le gouvernement a prises pour réagir à la situation. Je songe particulièrement à la Prestation canadienne d’urgence et au processus de demande qui a été lancé cette semaine. De toute évidence, c’est un succès. Force est de reconnaître qu’il est facile d’obtenir la prestation et qu’elle est versée très rapidement dans le compte bancaire des demandeurs.
Maintenant, nous devons nous occuper des entreprises et leur donner les outils nécessaires pour endiguer les pertes d’emplois et leur permettre de garder leurs employés. J’ose espérer que la subvention salariale prévue dans la mesure législative dont nous sommes saisis permettra d’atteindre ces objectifs.
Malheureusement, certaines entreprises et organisations passeront à travers les mailles du filet et ne pourront pas bénéficier du programme de subvention salariale. Des questions demeurent quant à l’admissibilité des organismes caritatifs et sans but lucratif, des organisations religieuses et des nouvelles entreprises.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aidera un grand nombre d’entreprises canadiennes dans l’immédiat, mais le gouvernement doit continuer à chercher des moyens de soutenir les organisations qui ne bénéficieront pas de cette mesure.
Honorables sénateurs, alors que nous naviguons dans ces eaux troubles et inconnues, je tiens à remercier tous nos dirigeants et travailleurs de la santé partout au pays qui sont chaque jour confrontés à de nouveaux défis. Je les remercie pour leur dévouement et leur capacité d’adaptation au fur et à mesure qu’on leur présente de nouvelles informations. Je les remercie également de nous garder en sécurité et d’intervenir auprès de nos êtres chers dans les moments où ils sont le plus effrayés et où il nous est impossible de les réconforter en personne.
Je tiens à féliciter ceux qui sont en première ligne dans nos épiceries et nos pharmacies, dans nos ports et sur nos routes afin d’assurer le maintien des chaînes d’approvisionnement, sans oublier ceux qui livrent du propane et du mazout domestique dans nos foyers. Nous sommes conscients des longues heures et de l’énergie que vous consacrez à votre travail tout en vous mettant peut-être en danger.
Merci à tous nos créateurs et artistes qui ont imaginé des initiatives destinées à nous faire participer et à nous divertir afin de nous aider à mieux supporter les interminables heures passées à la maison.
Un gros merci aux enseignants qui trouvent de nouvelles façons de rejoindre leurs élèves et de veiller à ce qu’ils continuent d’apprendre à la maison dans des classes virtuelles et au moyen d’activités en ligne.
Enfin, à tous les Canadiens qui restent à la maison et pratiquent la distanciation sociale pour limiter la propagation, on ne saurait trop insister sur l’importance de vos efforts. À tous ceux qui font preuve d’une grande bienveillance en vérifiant si leurs voisins, les membres de leur famille et leurs amis vont bien, je vous invite à continuer de le faire. On parle de distanciation sociale, mais il serait peut-être plus approprié de parler de distanciation physique. Nous sommes naturellement des êtres sociables. Dans une période comme celle que nous vivons, il est essentiel d’accorder une grande importance à la santé mentale, ce qui veut dire, entre autres choses, de garder contact avec les êtres qui nous sont chers et d’avoir un mot gentil pour les personnes qui sont seules et vulnérables.
Honorables sénateurs, pour conclure, je tiens à répéter que j’appuie entièrement le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui. Les entreprises et les travailleurs canadiens ont désespérément besoin de l’aide qui y est prévue. Plus vite les entreprises canadiennes recevront cette aide, mieux ce sera.
À tous les Canadiens qui nous regardent ou nous écoutent aujourd’hui et à tous mes collègues du Sénat, soyez prudents, veillez à votre santé et, comme le dit le premier ministre McNeil de la Nouvelle-Écosse, « restez donc chez vous, bon sang ».
Ce sont les paroles de la sénatrice Cordy. Merci.
Merci, sénateur Munson, de me laisser les quelques minutes qui restent.
Honorables sénateurs, nous vivons une période de profondes turbulences qui vient bousculer la façon dont nous vivons, dont nous travaillons et dont nous jouons. De la moindre ferme aux grands centres urbains, le Canada et le monde au grand complet sont touchés, et nous sommes encore incapables de prédire avec précision comment tout cela finira, et quand.
Parce qu’elle est exceptionnelle, la période actuelle requiert des efforts exceptionnels de la part des Canadiens, des municipalités, des provinces, du gouvernement du Canada et, de plus en plus, des organismes internationaux. Aujourd’hui, nous approuverons une de ces mesures exceptionnelles afin de subventionner une part importante du salaire d’un grand nombre de travailleurs canadiens des secteurs privé, caritatif et à but non lucratif.
C’est du jamais vu pour le Canada, ce qui en dit long sur la nature encore inédite du défi que nous devons encore relever. L’objectif de cette politique publique est clair : l’économie ne doit pas manquer de liquidités, les ménages doivent pouvoir subvenir à leurs besoins et les travailleurs doivent conserver leur emploi si nous voulons survivre à court terme et retomber sur nos pieds dès que les circonstances le permettront.
Quand cette initiative a été annoncée, il y a une dizaine de jours, un grand nombre de chefs d’entreprise m’ont appelé pour me témoigner de leur appui le plus complet et pour me dire qu’ils n’auraient plus besoin de remercier leurs employés, car ils auraient désormais les moyens de survivre et de se préparer à reprendre le collier le moment venu.
Les organismes caritatifs et à but non lucratif, de leur côté, m’ont dit que, grâce à ce soutien, ils pourront voir aux besoins immédiats tout en commençant à se réinventer.
Rien que par cette mesure, nous augmentons considérablement notre déficit collectif à court terme pour atténuer les coûts du ralentissement économique et mieux nous équiper collectivement pour un retour à une situation économique plus normale. Le gouvernement du Canada ne peut pas être le trésorier pour toujours, mais il peut et doit l’être pour l’instant. Ce projet de loi mérite notre soutien.
La grande perturbation du dernier mois a révélé beaucoup de choses sur nous-mêmes. J’aimerais souligner brièvement certains des faits que j’ai observés.
Premièrement, le fédéralisme canadien fonctionne. Les gouvernements provinciaux sont intervenus et, dans certains cas, ont surpris leurs citoyens par la façon dont ils ont collaboré avec les villes de leur juridiction, et avec le gouvernement fédéral. Un Sénat voué aux intérêts des régions devrait marquer une pause et dire d’une seule voix : les choses vont très bien. Il suffit en effet de regarder à quelques kilomètres au sud pour constater que le fédéralisme peut être mis à rude épreuve dans des moments comme celui-ci.
Certes, tous les gouvernements comptent, mais je m’inquiète de plus en plus des instances de coordination internationale, telles que le G7, le G20, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et les autres organismes des Nations unies. Plus précisément, ce n’est pas leur insuffisance que je déplore, mais le fait que leurs États membres ne leur donnent pas les outils nécessaires pour faire le travail qui doit être accompli. Je m’inquiète, chers collègues, pour l’Afrique, mais c’est un autre sujet.
Deuxièmement, la science et l’expertise comptent, de même que les agents de première ligne en cas d’urgence, les premiers intervenants, les chercheurs. La gestion du secteur privé en cette période de crise est remarquable. Lorsqu’on voit certaines entreprises se réorganiser et se rééquiper aussi rapidement, on constate qu’elles ont bénéficié, si l’on peut dire, de l’expérience de 2008-2009. Par exemple, l’Ontario a perdu 50 000 entreprises manufacturières au cours de ces années. Cela signifie que celles qui ont survécu ont une certaine résilience qui est manifestement mise à l’épreuve ces jours-ci, mais elles ont une certaine expérience pour s’en sortir.
Les institutions sont importantes. Elles sont importantes parce que la confiance est importante. Si nous ne croyons pas pouvoir compter sur les institutions pour donner des avis éclairés, utiles et justifiés, il nous sera impossible de respecter le principe de la distanciation sociale et d’adopter les comportements nécessaires. Par conséquent, nous devrions réfléchir à l’idée que nos institutions doivent davantage permettre la critique lorsqu’il s’agit de gérer des situations comme celle que nous vivons actuellement. La recherche de l’efficacité pure et simple dans nos institutions n’est pas dans notre intérêt à long terme.
Il faut être capable de s’adapter sans tarder dans une situation qui évolue rapidement. Cette capacité doit être respectée, et non ridiculisée, y compris au Sénat. Lorsque de nouvelles lacunes surviennent, nous devons être en mesure de réagir rapidement et être encouragés à le faire. La surveillance parlementaire est extrêmement importante, tandis qu’il n’est pas vraiment utile de remettre les décisions en question dans les coulisses.
Enfin, nous devons commencer à réfléchir à notre retour à la normale ou à notre nouvelle réalité. En cette période de transition, je dirais que nous devons acquérir une plus grande tolérance au risque dans le secteur public.
J’ai quelque peu critiqué les prétendues réformes sur la reddition de compte il y a 10 ans. J’ai dit une fois que, si la fonction publique était une partie de hockey, les équipes seraient composées uniquement de gardiens de but parce qu’il est préférable de ne pas se faire compter de but que d’en compter. Nous ne traverserons pas cette crise si nous n’avons pas une équipe de hockey complète, avec des attaquants et des personnes qui prennent des risques, des gens qui sont prêts à encaisser des buts parce que la partie doit être gagnée. Pour ce faire, il faut que les institutions publiques, comme le Sénat, la Chambre des communes, le Bureau du vérificateur général et les autres qui sont chargées d’assurer une surveillance adéquate, soient aussi conscientes de la nécessité d’insuffler une culture du risque et de l’innovation dans la fonction publique. Je félicite les fonctionnaires qui ont su nous amener jusqu’ici en prodiguant des conseils et en les appliquant, mais, chers collègues, la mise en œuvre du projet de loi que nous adopterons aujourd’hui signifie que des erreurs seront commises. Des gens déjoueront le système, et je suis persuadé que des sages nous diront comment tel ou tel choix n’aurait pas dû être fait.
La prise de risques est essentielle pour traverser cette crise.
Ainsi, ce que nous faisons est absolument nécessaire, mais pas viable à long terme. Pour que le Canada sorte de cette crise, il faut que tout le monde se montre patient, compréhensif et courageux.
Bon sang, c’est difficile de passer en dernier, mais je vais essayer de faire quelques commentaires au sujet du projet de loi C-14.
Les mesures que le gouvernement a annoncées sont des mesures exhaustives et ciblées qui visent à fournir une aide financière aux Canadiens les plus vulnérables ainsi qu’à stimuler l’activité économique et à maintenir la liquidité de l’économie canadienne. Aujourd’hui plus que jamais, les Canadiens comptent sur leur gouvernement pour prendre des décisions difficiles qui protègent la santé et le bien-être de ses citoyens, mais aussi leurs moyens de subsistance.
Plus que jamais, il est impératif d’empêcher l’érosion de la confiance dans nos institutions. Nous y parviendrons grâce à une politique transparente et responsable, comme celle dont vient de parler le sénateur Harder.
Le total de la réponse budgétaire du gouvernement à la COVID-19 a dépassé les centaines de milliards de dollars et comprend notamment des mesures de dépenses directes totalisant 107 milliards de dollars. Selon les prévisions du directeur parlementaire du budget, le déficit fédéral devrait maintenant atteindre 184 milliards de dollars, ce qui pourrait faire grimper le ratio de la dette par rapport au PIB du Canada à son plus haut niveau en 20 ans, soit 40 %. Bien que ces chiffres soient décourageants, nous comprenons qu’il est du devoir du gouvernement de faire tout ce qu’il faut pour que le pays traverse cette période difficile.
À l’heure actuelle, ces programmes de dépenses ne sont assortis d’aucune note de calcul des coûts de la part du gouvernement. Il existe une incertitude quant à la durée et à la portée de ces programmes. Il existe une incertitude quant à la manière dont ces programmes seront financés, et il y a une incertitude quant à l’impact de la crise sur les recettes fiscales fédérales à venir.
Actuellement, il est impossible de connaître les répercussions futures de ces dépenses sur les Canadiens. En bref, je crains que le gouvernement manque à son devoir de transparence et de responsabilité à cet égard.
Cependant, le Parlement, surtout en situation de gouvernement minoritaire, peut jouer un rôle important sur le plan de la reddition de comptes. Le premier ministre a parlé d’Équipe Canada dans ses remarques depuis le début de la pandémie de COVID-19 au Canada. Il a dit que la lutte contre ce virus doit être un effort d’Équipe Canada, ce qui signifie que le gouvernement fédéral devra travailler en collaboration non seulement avec les autres ordres de gouvernement, mais aussi avec les autres partis. Ainsi, lorsque l’opposition à la Chambre des communes a rejeté l’idée d’accorder au ministre des Finances des pouvoirs illimités en matière de dépenses et de fiscalité pendant deux ans, il ne s’agissait pas d’une tactique partisane; c’est plutôt que le Parlement, en tant qu’institution, a exercé son devoir constitutionnel de demander des comptes au gouvernement en place.
N’oublions pas une chose. La vérité crée toujours la confiance et conduit à la transparence. Comme le sénateur Harder l’a dit, le ton et l’attitude sont extrêmement importants pour nous tous à mesure que nous avançons.
Pour ces raisons, je crois que le Sénat dispose de tous les outils et est en position d’agir en qualité d’organisme de surveillance — un rôle que notre institution exerce déjà dans notre système démocratique. Le Sénat se doit de prendre la responsabilité d’examiner attentivement ces programmes fiscaux en questionnant les experts et en offrant des recommandations s’il y a lieu. Nous pouvons agir rapidement et, dans la mesure du possible, nous pouvons nous adapter au nouvel environnement de travail, mais nous ne devons jamais céder notre devoir constitutionnel, qui est de tenir le gouvernement responsable de ses décisions.
Par exemple, s’il est vrai que le gouvernement s’est efforcé de venir en aide aux Canadiens et aux entreprises d’ici qui sont touchés par cette pandémie, l’industrie pétrolière et gazière de l’Ouest canadien, elle, attend toujours un plan fédéral pour ce secteur. Je ne vais pas m’attarder longtemps sur le sujet, mais je tiens à dire que nous devons régler cette question. L’Ouest canadien est extrêmement important et son secteur énergétique représente jusqu’à 10 % du PIB du pays. Nous nous devons de trouver des façons de protéger cette industrie et l’environnement. Il faut tenir compte de ces deux réalités : comment pouvons-nous les concilier?
Je n’ai pas de réponse définitive à donner. Aujourd’hui, le ministre Morneau est venu nous parler de la gestion de la crise actuelle. J’espère toutefois que le gouvernement prendra les devants bientôt pour faire avancer le dossier de l’énergie.
Toujours en ce qui concerne la transparence et la reddition de comptes, nous avons appris que, pendant la pandémie, le traitement des demandes d’accès à l’information fonctionne au ralenti à l’échelle du pays et qu’il est même suspendu au fédéral. Les Canadiens qui souhaitent demander des comptes au gouvernement en s’appuyant sur l’accès à l’information se butent à des obstacles. En réponse à une demande, Services publics et Approvisionnement Canada a dit ce qui suit dans un courriel :
Le Bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels a décidé de mettre en suspens toutes les demandes liées à l’accès à l’information et à la protection des renseignements personnels jusqu’à ce que la situation revienne à la normale.
Toby Mendel, directeur général du Centre for Law and Democracy, a exprimé ses craintes en ces mots :
D’une part, on a ce besoin pressant de reddition de comptes par le gouvernement et, d’autre part, le fonctionnement des institutions chargées de la reddition de comptes est réduit par rapport à la norme.
Je le répète, nous devons renforcer un modèle de comportement qui nous permettra d’aller de l’avant plutôt que de mettre des bâtons dans les roues.
Il s’agit là d’un autre exemple où le gouvernement échoue à son devoir en matière de reddition de comptes envers la population. La COVID-19 a certainement mis en évidence de nombreuses failles dans notre système de santé publique de même que dans notre économie. Tous s’entendent pour dire que les erreurs politiques commises par le gouvernement fédéral ont amplifié la gravité de l’impact du virus.
Sandy Buchman, le président de l’Association médicale canadienne a dit ceci :
J’essaie de comprendre la réponse du gouvernement aujourd’hui, car je pense que tout le monde a été pris par surprise. Ceux qui sont en première ligne ne cessent de nous répéter qu’ils ne sont pas prêts et qu’ils ont peur. On entend cela partout.
Le rapport de 2006 de la Dre Theresa Tam a été mentionné précédemment : elle y lançait une mise en garde contre une pandémie similaire à la COVID-19 et donnait des conseils pour maintenir des stocks suffisants d’équipements médicaux et la capacité d’accueil des hôpitaux pour faire face à une forte augmentation du nombre de patients.
Le temps passant et le virus s’affaiblissant, les gens retrouveront lentement une vie normale — quelle que soit cette nouvelle normalité —; il sera alors important pour nous de poser des questions difficiles au nom des Canadiens. Les Canadiens voudront savoir où les politiques de leur gouvernement ont échoué, où il y a eu des lacunes en matière de responsabilités et quelles leçons ont été tirées, et ce, afin d’être mieux préparés en cas de nouvelles tragédies.
Sans obligation de rendre des comptes et sans transparence, il n’y a pas de confiance. La confiance dans nos institutions et notre gouvernement est primordiale aujourd’hui. Aujourd’hui, nous avons besoin d’une plus grande reddition de comptes, et pas l’inverse. Nous avons besoin de plus de transparence, et pas l’inverse. Le gouvernement fédéral doit chiffrer de manière détaillée les coûts liés aux mesures fiscales qu’il a annoncées. Il doit expliquer minutieusement ses décisions relativement à la COVID-19.
Enfin, ce dont nous avons besoin pour l’avenir, c’est un plan stratégique à long terme assorti des ressources financières, du matériel et du leadership appropriés afin de nous montrer proactifs et pour que notre pays soit prêt à surmonter la prochaine épidémie à laquelle nous serons confrontés et à laquelle nos concitoyens canadiens seront confrontés. Merci.
Honorables sénateurs, au cours des derniers jours, le gouvernement fédéral a fait preuve d’écoute en assouplissant les critères des subventions salariales de 75 % destinées à aider les entreprises à traverser le pire de la crise. Aucun programme ne peut répondre à tous les besoins. Il sera beaucoup plus difficile pour de petites entreprises qui ont déjà mis à pied leurs employés et qui ont peu de liquidités de se prévaloir de ces subventions. Si elles ont une masse salariale de plus de 50 000 $, il leur reste la possibilité de demander un prêt de 40 000 $ sans intérêt pendant deux ans et demi, le quart étant non remboursable. Encore faut-il que ces petites entreprises soient capables de rembourser ce prêt. Qui sait comment l’économie se relèvera?
Des centaines de milliers de travailleurs mis à pied à cause de la COVID-19 reçoivent, ces jours-ci, leur paiement de l’assurance-emploi ou de la Prestation canadienne d’urgence. J’ai été soulagée de constater que le système informatique de l’Agence du revenu du Canada a tenu bon. Il y a eu des ratés, mais, somme toute, moins de lenteur administrative qu’on pouvait le craindre. Je tiens donc à remercier les employés de la fonction publique qui ont participé à ce vaste effort.
Toutefois, il y a aussi les laissés-pour-compte, ceux qui ont perdu leur emploi, par exemple, avant que le coronavirus frappe et qui n’ont droit ni aux prestations d’urgence ni à l’assurance-emploi. Combien sont-ils? Le ministre Morneau, tout à l’heure, n’a pas voulu nous donner une estimation de leur nombre. Peut-être ne le connaît-il pas. On ne sait pas non plus quand et comment on leur viendra en aide. Pourtant, c’est notre devoir de le faire.
Cette crise sanitaire sans précédent nous oblige à faire un profond examen de conscience. Je vis au Québec, où le nombre de décès attribuables à la pandémie dans les CHSLD, les ressources intermédiaires et les résidences privées pour personnes âgées est devenu un enjeu des plus dramatiques. La moitié de tous les décès causés par la COVID-19 y sont survenus. Évidemment, nous savons que les personnes âgées de plus de 70 ans sont les plus susceptibles de mourir de ce nouveau virus, mais ce n’est là qu’une partie de l’explication. La société québécoise — donc nous tous — a fait le choix de l’institutionnalisation des personnes âgées vulnérables dans de grands établissements où il manque chroniquement et cruellement de personnel, dont le taux de roulement est affolant. Trois fois plus d’aînés vivent dans des institutions au Québec qu’ailleurs au pays. Ce choix de société donne lieu aujourd’hui, dans certains de ces établissements, à une véritable médecine de guerre. Ces établissements sont des mouroirs derrière des portes closes. Des êtres humains souffrent durant leur agonie, et ils meurent souvent sans soins médicaux et sans être accompagnés.
Le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec ont mal évalué l’énorme besoin en masques. Il n’y avait pas assez d’équipement de protection pour protéger le personnel infirmier et médical ainsi que les préposés à l’extérieur des hôpitaux. On a donc envoyé au front, sans masques et sans formation, des préposés aux bénéficiaires payés 13 $ de l’heure pour s’occuper, souvent seuls, de 10 à 25 personnes âgées en lourde perte d’autonomie. Pourtant, ils prennent soin d’êtres humains fragiles, dans des foyers où des centaines de personnes âgées, atteintes de démence ou de la maladie d’Alzheimer, se touchent et se contaminent, faute d’un encadrement suffisant.
On a retrouvé dans une de ces résidences, que l’on a qualifiée de camp de concentration, des malades affamés, souillés ou morts. Les employés avaient fui et déserté l’établissement. Ces incidents se produisent chez nous!
Depuis quelques jours, le gouvernement redirige du personnel vers ces oubliés de la crise. Il est clair qu’il faudra réfléchir, une fois passée cette crise sanitaire aiguë, à la préparation et à la réponse des autorités face aux plus vulnérables qui n’ont pas droit, aujourd’hui, à une mort digne. Il faudra aussi s’interroger sur le peu de valeur que l’on accorde aux métiers pourtant essentiels et difficiles d’auxiliaires et de préposés aux bénéficiaires qui s’occupent de personnes âgées en perte d’autonomie, des métiers essentiellement féminins, sous-payés et dévalorisés. Depuis la pandémie, on les appelle les « fées » au Québec. Cependant, cette admiration pour leur courage et leur dur labeur devrait se refléter dans leurs conditions de travail.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui avec une pensée toute particulière envers nos concitoyens et concitoyennes du Canada et du Québec, qui vivent sans doute la crise la plus difficile de leur existence. C’est pourquoi j’aimerais, dans un premier temps, offrir mes condoléances aux familles qui ont malheureusement perdu un proche en raison du coronavirus et leur offrir tout mon soutien.
J’aimerais aussi saluer le courage et la volonté de tous ceux et celles qui travaillent, de près ou de loin, au service des Canadiens et des Canadiennes durant cette crise. Ces personnes qui risquent leur vie dans l’intérêt national méritent toute notre reconnaissance, et j’aimerais que vous vous joigniez à moi pour leur dire merci pour leur dévouement et leur sens du devoir.
Je veux, au passage, souligner le travail exceptionnel de notre premier ministre, M. Legault, et de son équipe. Depuis le début de cette crise, M. Legault a fait preuve d’un grand leadership qui rassure le Québec. Nous lui disons merci.
Chers collègues, je suis préoccupé par la gestion actuelle du gouvernement. Je ne doute aucunement de sa volonté d’aider et de protéger les Canadiens et les Canadiennes. Toutefois, je suis troublé par la qualité dans les communications du gouvernement depuis le début de cette crise. Celui-ci s’est engagé à collaborer avec les partis de l’opposition et à être transparent avec la population du pays. Or, je constate que, sur plusieurs sujets extrêmement importants, comme ceux de l’économie et de la sécurité publique, nous n’avons pas de réponses claires aux questions légitimes que nous avons posées.
Les décisions gouvernementales qui ont été prises pour stopper cette crise auront de graves conséquences à long terme sur l’économie et sur les Canadiens et les Canadiennes. Je comprends la nécessité de devoir soutenir l’économie en faisant d’énormes dépenses budgétaires. Je ne conteste pas ce choix. Toutefois, je m’interroge sur le plan à long terme du gouvernement qui fera suite à l’énorme déficit accumulé, un plan qui aura un effet pendant une longue période. Je suis bien conscient que l’économie est un enjeu majeur sur lequel nous devons réfléchir durant cette crise, mais je suis avant tout préoccupé, vous le comprendrez, par la sécurité publique du Canada.
Les réponses évasives du ministre de la Sécurité publique, M. Blair, à mes questions lors de notre précédent échange ne m’ont pas convaincu et, surtout, sont loin de me rassurer.
Au Canada, nous comptons près de 70 000 agents de police, dont 20 000 sont membres de la GRC. Quelque 7 000 agents en uniforme font partie de l’Agence des services frontaliers du Canada. Plus de 6 000 agents correctionnels travaillent pour le Service correctionnel du Canada, en plus de 1 000 agents de libération conditionnelle et membres du personnel de soutien. Ces agents protègent les Canadiens et les Canadiennes, mais nous avons aussi l’obligation de les protéger.
J’avais demandé au ministre Blair quels étaient les moyens envisagés pour protéger les agents du Service correctionnel face à la COVID-19. Voici sa réponse, et je cite :
Nous donnons également de la formation à nos agents. Nous nous assurons qu’ils disposent d’un stock d’équipement de protection individuelle adéquat pour répondre à leurs besoins.
Ce passage illustre le manque de profondeur de la réponse du gouvernement en ce qui concerne la protection du personnel des pénitenciers. Nous n’avons pas de plan réel ni de détails. Il semblerait que la situation soit de plus en plus préoccupante dans plusieurs pénitenciers fédéraux au Québec et, sans doute, ailleurs au Canada. Quelles sont les exigences précises en matière d’équipement de protection individuelle pour l’ensemble de ces agents? Avons-nous suffisamment de stock d’équipement de protection pour les protéger? Quel est le plan du gouvernement en cas d’éclosion de la COVID-19 dans un pénitencier, comme cela se produit au Québec à l’heure actuelle?
Ce qui me préoccupe davantage, c’est la solution de libérer des détenus dans la collectivité. C’est une réponse illogique et dangereuse pour la sécurité publique du Canada et à laquelle la majorité des Québécois et des Canadiens s’opposent. C’est comme si, dans une résidence pour personnes âgées, nous décidions de libérer des lits par crainte d’une pandémie. Ce serait illogique.
Je peux comprendre la problématique de la contamination de la COVID-19 dans les pénitenciers. Cependant, nous devons admettre que nous n’avons pas les moyens de surveiller ces délinquants remis en liberté en cas de récidive. Cette constatation a été confirmée par le vérificateur général lui-même.
Est-ce que nos maisons de transition et nos établissements correctionnels communautaires sont prêts à recevoir un afflux de délinquants? Est-ce que les municipalités et les services de santé locaux sont informés en amont des décisions prises par Service correctionnel Canada?
Dans sa réponse au Sénat, le ministre Blair avait conclu qu’il avait demandé à la commissaire de Service correctionnel Canada et à la présidente de la Commission des libérations conditionnelles du Canada d’envisager la possibilité de prendre des mesures pour faciliter la libération anticipée de délinquants non dangereux. J’aimerais savoir ce que l’on entend par « délinquants non dangereux ». Est-ce que cela inclut les individus reconnus coupables d’infractions commises à l’aide d’une arme à feu ou liées au crime organisé? Qu’en est-il des individus trouvés coupables de multiples introductions par effractions ou vols, et des trafiquants de drogue?
D’autre part, je rappelle que le contexte actuel au Canada n’ajoute aucune crédibilité à la libération anticipée des détenus. En effet, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes étudie en ce moment même les circonstances de la libération d’Eustachio Gallese. Ce dernier, qui a commis le terrible meurtre de Marylène Levesque, était un récidiviste, puisque quelques années auparavant, il avait tué sa propre conjointe, Chantal Deschênes.
J’ajoute, par ailleurs, que le 30 mars, le syndicat représentant les agents correctionnels a déclaré ceci, et je cite :
La libération de quelques individus ne résoudra pas la propagation potentielle de la COVID-19 dans nos établissements. Elle ne fera qu’augmenter le risque pour les Canadiennes et les Canadiens.
Même les détenus en liberté sous condition peuvent constituer une menace pour la société. Le Canada est en crise et ses citoyennes et citoyens font face à une menace potentiellement mortelle. Il serait irresponsable de l’accentuer.
Chers collègues, nous ne pouvons pas prendre la sécurité publique du Canada à la légère. Les questions sans réponses que laisse le gouvernement sur ce sujet doivent nous faire réagir. Le principe de libération anticipée de détenus est déjà un risque en soi, mais une libération anticipée sans planification est un geste irresponsable pour la sécurité de la collectivité.
D’après moi, nous essayons de résoudre un problème en en créant un autre bien plus grand. Nous devrions plutôt réfléchir à la façon de doter le Service correctionnel du Canada de ressources et de mesures adéquates pour protéger le personnel des prisons et pour garantir un fonctionnement normal des pénitenciers canadiens, comme l’ont fait la plupart des provinces. Elles ont doté les hôpitaux de personnel additionnel et de ressources supplémentaires pour assurer des services à ceux qui sont atteints de ce virus.
J’aimerais aussi attirer votre attention sur un autre problème que pourrait provoquer la libération anticipée des détenus. La priorité fondamentale de la Commission des libérations conditionnelles du Canada est de protéger la population canadienne. Cependant, comment pourrait-elle le faire si nous ne testons pas les délinquants qui risquent d’être remis en liberté ou si nous sommes incapables de surveiller leurs conditions de logement de manière à assurer la distanciation sociale requise? Combien de ces criminels risquent simplement de grossir les rangs de l’itinérance et de mettre davantage leur santé et celles des autres en danger? Nous savons que la COVID-19 est extrêmement contagieuse. Pourquoi le gouvernement n’est-il pas plus clair sur cette question? Libérer des détenus contagieux ne fera qu’aggraver la situation sanitaire.
J’estime qu’avec des moyens appropriés, donc avec plus de ressources pour les services correctionnels, ceux-ci seraient en mesure d’éviter que l’épidémie ne se propage dans les pénitenciers.
D’après un article de TVA que j’ai lu ce matin, des détenus libérés à l’établissement de Port-Cartier se retrouvent à 50 kilomètres de là, confinés dans un hôtel à Sept-Îles pour une durée de deux semaines. La députée de Duplessis et porte-parole du Parti québécois en matière de sécurité publique a exprimé sa grande préoccupation quant à la sécurité de la région. En vertu de quelle autorité le ministre ordonnerait-il légalement à la Commission des libérations conditionnelles de remettre en liberté certaines catégories de délinquants avant leur période d’admissibilité?
En vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Commission des libérations conditionnelles est un tribunal administratif indépendant qui doit garder cette responsabilité.
Au cours des derniers jours, j’ai été informé que plusieurs victimes n’ont pas été invitées aux audiences de libération conditionnelle. Le droit des victimes de participer aux audiences est donc brimé; elles se sont senties lésées et oubliées par notre système de justice, encore une fois.
Pourquoi sommes-nous si pressés de libérer des détenus en invoquant leurs droits tout en bafouant volontairement les droits des victimes et ceux de leur famille? Il est très important de se rappeler que le Canada s’est doté, en 2015, de la Charte canadienne des droits des victimes, laquelle a une valeur supraconstitutionnelle sur les lois des ministères. Alors, comment expliquer cette situation? Je trouve dommage d’affirmer que ce gouvernement a oublié ses obligations et qu’il démontre plus de sensibilité au sort des droits des criminels qu’au respect des droits des victimes.
Honorables sénateurs, il est du devoir du gouvernement d’assurer en priorité la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. Il est de notre responsabilité de le questionner et d’obtenir des réponses claires de sa part.
La sécurité de la population canadienne est l’une des plus importantes responsabilités du gouvernement sur laquelle nous ne pouvons transiger. Nous devons faire front commun face à cette crise qui nous touche tous et toutes de très près.
Je suis convaincu que nous trouverons les bons compromis pour aider les Canadiennes et les Canadiens à surmonter cette épidémie.
J’en profite pour souhaiter à tous les Canadiens, Canadiennes, Québécois et Québécoises de joyeuses Pâques!
Honorables sénateurs, que vous et vos proches restiez en santé et en sécurité. Merci.
Est-il possible de poser une question?
Sénateur Boisvenu, acceptez-vous de répondre à une question?
Absolument.
Je vous remercie de vos commentaires. J’allais me lever pour invoquer le Règlement au sujet de la pertinence de vos commentaires à la lumière de ce dont nous discutons, mais je ne le ferai pas.
Y a-t-il un problème avec la traduction?
Merci beaucoup. Je trouve intéressant que certains de vos commentaires proviennent des syndicats des gardiens.
Je ne suis pas sûre si le sénateur sait que de nombreux professionnels de la santé, y compris des épidémiologistes de premier plan au Canada, ont écrit aux autorités correctionnelles de tous les paliers de gouvernement pour leur recommander de réduire le nombre de personnes dans les prisons et de libérer des prisonniers afin que les prisons ne deviennent pas des vecteurs de transmission du virus et n’augmentent pas les pressions exercées sur le système de santé publique, surtout dans les collectivités où se trouvent des prisons. Ces mesures laisseraient le personnel et les prisonniers vraiment mettre en pratique la distanciation physique dans les prisons, ce qui nous permettrait de ne pas prolonger ou répéter la pandémie actuelle, de prévenir la réintroduction cyclique du virus et d’éviter que la pandémie actuelle persiste alors que c’est évitable. Je ne suis pas certaine si vous êtes au courant de cela. Si vous ne l’êtes pas, je serais ravie de vous communiquer cette information.
Je vous remercie de votre question. J’ai visité l’ensemble des pénitenciers du Québec et je peux vous assurer que la surpopulation qu’on y retrouve est rarissime. Les pénitenciers fédéraux au Québec sont très bien outillés, autant en équipement qu’en personnel, pour pratiquer la distanciation sociale requise. Il s’agit d’une question de gestion et de gros bon sens.
Chers et honorables sénateurs, je suis profondément honorée de prendre la parole parmi vous aujourd’hui en cette enceinte à l’appui du projet de loi C-14, qui prévoit une subvention salariale essentielle. Ce projet de loi vise à soutenir les travailleurs et les familles, les entreprises ainsi que la santé future de l’économie canadienne. Je signale que les sénateurs Ratna Omidvar et Colin Deacon ont contribué à mes observations.
À son point de presse du 8 avril, le ministre Morneau a déclaré :
En réponse à une crise de santé publique historique, nous offrons un soutien historique. Ces mesures économiques sont les plus importantes jamais prises de notre vivant.
Ces mesures comprennent le projet de loi à l’étude.
Avant de parler du projet de loi et d’autres mesures prises par le gouvernement, j’aimerais me joindre à mes collègues pour vous dire, ainsi qu’à tous les Canadiens, à quel point je suis reconnaissante des efforts surhumains des nombreuses personnes qui travaillent sans relâche et qui font preuve d’une grande intelligence, d’une grande créativité et d’un grand dévouement pour nous aider à traverser cette énorme crise sans précédent qui sévit au Canada et dans le monde entier.
Je suis reconnaissante envers les dirigeants politiques et de la santé publique de tous les ordres de gouvernement, dont la compétence inspire la confiance.
Je suis reconnaissante envers les fonctionnaires. Je salue notamment Rhonda Kropp, de l’Agence de la santé publique du Canada, et tous les fonctionnaires si essentiels avec qui nous interagissons à l’occasion des séances d’information technique quotidiennes à l’intention des parlementaires.
Je suis reconnaissante envers nos courageux et compétents travailleurs de la santé, notamment les travailleurs dans les services de santé mentale ainsi que les travailleurs de première ligne dans les épiceries, les banques d’alimentation, les refuges pour femmes et les organisations de défense et de soutien des prisonniers. Je suis surtout reconnaissante envers les personnes qui s’occupent de nos concitoyens les plus précieux et vulnérables, comme ma belle-mère, Eileen Coyle, une résidente dans une maison de santé à Almonte, en Ontario, qui est actuellement aux prises avec une flambée de cas de la COVID-19.
Je remercie les éducateurs, dont beaucoup s’occupent de leurs propres enfants tout en essayant de veiller au bonheur et à l’apprentissage de leurs élèves.
Je suis reconnaissante envers les artistes, qui ponctuent cette crise de beauté, qui nous divertissent et qui nous encouragent à amorcer une réflexion en cette période où nous avons le plus besoin d’eux. Comme l’a dit un rabbin pendant un discours que j’ai écouté récemment, « c’est le moment de réconforter les personnes perturbées et de perturber les personnes confortables ».
Je suis reconnaissante aux journalistes, qui travaillent jour et nuit pour tenir nos collectivités au courant des questions de santé publique et des mesures d’intervention d’urgence.
Je remercie les innovateurs, les scientifiques et les entrepreneurs, comme mes concitoyens d’Antigonish Kulbir Singh et Mike McAlduff, de Sona Nanotech, qui travaillent sans relâche pour créer et commercialiser leur test de dépistage rapide de l’antigène de la COVID-19.
Je remercie également tous leurs homologues sur la scène mondiale. Vous et de nombreux autres êtes d’importants membres d’Équipe Canada et d’Équipe Terre.
J’appuie ce projet de loi, ainsi que les autres vastes mesures sans précédent mises en place rapidement par le gouvernement pour aider les Canadiens à traverser la crise. J’étais bien contente de voir que le projet de loi reconnaît autant l’importance du secteur commercial privé que des secteurs caritatifs et sans but lucratif. Assurer la sécurité d’emploi et soutenir la continuité des activités est essentiel dans ces deux secteurs. C’est essentiel pour tous les Canadiens.
Honorables sénateurs, le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance a mis en évidence le rôle essentiel joué par ce secteur au Canada et partout sur la planète. À l’heure où nous avons besoin de ce secteur plus que jamais, Imagine Canada estime que les organismes de charité subiront cette année des pertes de 9,5 milliards de dollars à 15,7 milliards de dollars et qu’ils devront mettre à pied entre 118 000 et 194 000 personnes. Ce n’est que pour le secteur de la bienfaisance.
Compte tenu de cette situation urgente et potentiellement critique, il faut soutenir les organismes de charité au moyen des bonnes politiques afin qu’ils puissent continuer leur travail vital de réponse aux incidences de la crise. La subvention salariale de 75 % prévue dans le projet de loi qu’a décrite le sénateur Gold dans son discours aidera à coup sûr de nombreux organismes de charité à continuer leurs activités. Nous en sommes heureux. Cependant, le secteur réclame d’autres mesures du gouvernement pour répondre à ses besoins particuliers.
Le secteur de la bienfaisance réclame une approche pangouvernementale et demande au Conseil du Trésor d’émettre une directive à cet effet. Il réclame également l’apport de changements à la façon dont les diminutions des revenus sont calculées. Les accords de financement conclus par les organismes de bienfaisance avec le gouvernement fédéral et des organismes d’État seraient automatiquement renouvelés. Les fonds non dépensés des années précédentes seraient reportés. Il faudrait faire preuve de flexibilité quant à l’utilisation des fonds, ainsi que simplifier les exigences en matière de rapport — oui, le gouvernement doit vraiment passer de la défensive à l’offensive — et imposer un moratoire temporaire sur les restrictions qui permettent uniquement aux organismes de bienfaisance et aux fondations de verser des fonds aux donataires reconnus, afin qu’elles puissent former les partenariats essentiels requis pour atteindre les populations vulnérables en ce moment, y compris les Autochtones. Par ailleurs, au moment même où le gouvernement envisage de mettre en place des mesures d’aide spéciale pour des industries, comme les compagnies aériennes, le secteur de la bienfaisance exhorte le gouvernement à créer un important fonds de stabilisation adapté à ses besoins urgents.
Honorables sénateurs, il ne s’agit pas de demandes frivoles, mais de demandes de soutiens essentiels pour un secteur qui s’efforce tous les jours d’aider les Canadiens à surmonter cette crise.
En plus du secteur de la bienfaisance, il importe d’accorder une attention particulière aux entreprises en démarrage et aux sociétés en pleine croissance. Ces dernières sont essentielles à la reprise et à la force de l’économie canadienne de demain.
Depuis des dizaines d’années, on observe une hausse considérable des investissements canadiens dans des entreprises comme Shopify à Ottawa, Verafin à Terre-Neuve et SkipTheDishes dans l’Ouest. Pour parvenir à ses fins, le gouvernement fédéral devra mettre en place des programmes qui permettront de débloquer les investissements pour les particuliers et les entités qui ont été ébranlés, comme nous tous.
Honorables collègues, j’appuie le projet de loi C-14. Comme vous, je suis impatiente d’en savoir davantage et de contribuer à la mise en place de mesures supplémentaires pour répondre à d’autres besoins pressants qui découlent de la crise de la COVID-19.
Honorables sénateurs, j’aimerais conclure mes observations d’aujourd’hui en vous rappelant que, outre la distanciation sociale que nous devrons tous observer pendant les célébrations de Pâques, de la Pâque juive, du Vaisakhi, du ramadan et des autres fêtes, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, Theresa Tam, a recommandé aux Canadiens de rester chez eux pendant les vacances. À l’instar de la sénatrice Jane Cordy, j’aimerais citer un compatriote néo-écossais, le premier ministre Stephen McNeil, qui a dit à tout le monde : « Restez donc chez vous, bon sang. »
Honorables sénateurs, je termine ce soir en récitant des paroles — n’ayez crainte, je ne chanterai pas — d’une célèbre chanson de la famille Rankin :
[...] tout comme le soleil levant
Tout comme la mer
Tout comme le vent dans les arbres
Nous nous levons encore [...]
Oui, nous nous relèverons; j’en suis convaincue.
Welalioq. Merci.
Honorables sénateurs, je veux parler aujourd’hui des défis économiques sans précédent auxquels le Canada est confronté dans le contexte de la pandémie mondiale. Souvent, dans cette enceinte, et trop souvent peut-être, nous avons utilisé le mot « crise » pour décrire des événements et des défis que nous avons dû surmonter en tant que pays. Cependant, je crois que ce mot convient parfaitement à la situation qui sévit aujourd’hui dans le monde. En fait, je crois qu’il est impossible d’exagérer la dislocation économique et le choc que ressentent à l’heure actuelle les Canadiennes et les Canadiens.
Le Conference Board du Canada a annoncé qu’il prévoit que le Canada perdra 2,8 millions d’emplois en mars et avril seulement. Avant la crise actuelle, le taux de chômage au pays était de 5 %. Ce taux s’élève maintenant à 20 % et on s’attend à ce qu’il augmente considérablement.
Dans ma province, le Québec, on a perdu 264 000 emplois en mars seulement. Le taux de chômage au Québec est passé de 4,5 % à 8,1 %. Au Canada, seul l’Ontario a perdu plus d’emplois que le Québec.
Nous avons été avertis de nous attendre à ce que certaines régions du pays atteignent un taux de chômage aussi stupéfiant que 85 %. Une telle ampleur du chômage et du ralentissement économique est sans précédent, même en comparaison avec d’autres crises, comme le grand krach boursier de 1929. Nous appliquons une solution radicale pour que la distanciation sociale soit efficace et que le virus disparaisse. Même en réussissant à maintenir l’efficacité de la distanciation sociale, le virus tuera de 11 000 à 22 000 Canadiens. Nous avons tous pris connaissance de projections bien plus troublantes encore. Cependant, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les conséquences à long terme pour notre économie et les moyens de subsistance des Canadiens. Mes commentaires ce soir porteront sur certaines de ces conséquences.
Face à cette pandémie mondiale, tous les pays doivent surmonter des défis économiques semblables. Je crois toutefois qu’il faut faire preuve de franchise : certains pays sont mieux préparés que d’autres. De plus, certains parviennent à mieux gérer les défis économiques que d’autres.
À la base, il faut se demander à quel point notre pays est bien placé pour affronter les difficultés économiques imprévues qui surgissent inévitablement de temps à autre. Penchons-nous sur la première moitié de la dernière décennie. Le gouvernement d’alors a déployé des efforts considérables pour que le pays renoue avec l’équilibre budgétaire après les chocs économiques de 2008 à 2009. Grâce à ces efforts, les finances publiques fédérales ont retrouvé l’équilibre budgétaire en 2015. Le pays était donc bien placé pour prospérer et se préparer en vue d’un éventuel ralentissement économique. Le premier ministre Stephen Harper avait compris que les politiciens ont tendance à prendre les mesures qui sont populaires, mais que les véritables dirigeants prennent les mesures qui s’imposent.
Cependant, dans la seconde moitié de la décennie, le gouvernement actuel a adopté une approche différente. Au lieu d’accorder la priorité à son rôle de bon gestionnaire de l’économie, le gouvernement s’est délibérément lancé dans les déficits comme s’il n’y aurait plus jamais de temps difficiles. Par conséquent, au cours des cinq dernières années, la dette fédérale s’est alourdie de plus de 100 milliards de dollars. Face à la crise actuelle, le directeur parlementaire du budget a calculé que le déficit fédéral atteindra 184 milliards de dollars pour la prochaine année seulement. Ces dépenses seront trois fois supérieures à celles prévues dans le budget de 2009 pour répondre à une profonde récession en 2008 et 2009. Toutefois, à cette époque, le gouvernement fédéral avait réalisé des surplus budgétaires et bien géré les finances pendant près d’une décennie. Il y a 10 ans, il a été beaucoup plus facile de traverser la tempête, même si le retour à l’équilibre budgétaire dans les années suivantes a nécessité des efforts considérables. Malheureusement, l’avantage que nous avions alors a été cavalièrement dilapidé au cours des quatre dernières années.
Selon les prévisions, le ratio dette-PIB du Canada devrait passer de 30 % à 40 % en un an seulement. Chers collègues, on ne parle ici que de la dette fédérale. Les provinces ont une dette supplémentaire qui, comme l’indiquent de récents articles du Financial Post, représente le ratio dette collective-PIB le plus élevé au monde. Les gouvernements infranationaux du pays ont des ratios dette-PIB inégalés.
Chers collègues, je crains que nous ayons été tout simplement trop optimistes et trop irresponsables sur le plan financier au cours des quatre dernières années. Maintenant, nous ne pouvons qu’espérer que la reprise mondiale soit relativement rapide pour que nous puissions nous sortir de la crise actuelle.
Quelle que soit l’évolution de la situation économique mondiale, le Canada va être amené à faire des choix économiques et financiers très difficiles dans les années à venir. Une grande partie de cette situation sera attribuable aux décisions économiques désinvoltes qui ont été prises. À ce stade, il n’y a rien que l’on puisse faire pour corriger les mauvaises décisions du passé, chers collègues. Malheureusement, je suis tout aussi préoccupé par l’approche actuelle du gouvernement.
Tout d’abord, il est clair que le gouvernement n’a pas réagi assez vite à la crise. Le 18 mars, voilà à peine trois semaines, le gouvernement a annoncé la création d’une subvention salariale de 10 % pour les entreprises qui pourraient démontrer une perte de revenus de 30 % par rapport à la même période l’an dernier. Les entreprises ont largement critiqué cette mesure, qu’elles jugeaient tout à fait inadéquate face à l’ampleur de la crise.
Nous avons appris depuis que la subvention salariale sera multipliée par cinq pour atteindre 75 % et que les entreprises n’auront qu’à montrer une perte de 15 % au titre de leurs revenus. La portée de ce changement — et ce n’est pas là un changement mineur — indique que le processus de consultation du gouvernement auprès des entreprises canadiennes était tout à fait inapproprié.
Chers collègues, il y a aussi d’autres problèmes. Le programme est très complexe. Lorsqu’il a témoigné devant le Comité des finances de la Chambre des communes cette semaine, Dan Kelly, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, a déclaré que son groupe reçoit 800 appels par jour de la part d’entreprises canadiennes qui cherchent à comprendre les complexités des critères d’admissibilité à la Subvention salariale d’urgence du Canada. Kim Moody, du Conseil en matière de fiscalité canadienne, a dit au comité qu’il faudra de trois à six semaines avant que les entreprises canadiennes puissent obtenir des fonds en suivant le processus de demande prévu. Il a dit ceci :
De trois à six semaines, c’est tout simplement trop long — beaucoup trop long.
Chers collègues, il a tout à fait raison. Ceux d’entre nous qui ont déjà été entrepreneurs savent que six semaines, cela peut représenter la différence entre déclarer faillite et rester à flot.
La Chambre de commerce du Canada a exprimé des préoccupations semblables. Cela laisse supposer, chers collègues, que les consultations auprès des groupes d’entreprises ont été inadéquates. Je regrette, mais ce n’est pas une chose que nous pouvons nous permettre en cette période de crise. Le gouvernement ne peut pas fonctionner comme d’habitude parce que nous ne sommes pas dans une époque normale. Il devrait travailler en étroite collaboration avec les entreprises, et avec empressement.
Il y a également de plus en plus d’indications que le programme pourrait présenter des lacunes importantes. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a indiqué que jusqu’à 80 % des petites entreprises du Canada sont actuellement fermées. Cela représente un total stupéfiant de 110 000 entreprises dans tout le pays. Certaines PME auraient du mal à obtenir les prêts nécessaires. Cela a suscité de vives inquiétudes quant au fait que les critères de prêt de la Banque de développement du Canada sont tout simplement trop stricts et qu’ils favorisent les moyennes et grandes entreprises dont les flux de trésorerie sont déjà positifs. Nous ne répondons donc certainement pas à ceux qui en ont le plus besoin. Cela risquerait de laisser de nombreuses petites entreprises sur le carreau, et les petites entreprises sont la base sur laquelle fonctionne l’économie canadienne.
Tout cela est très préoccupant et devrait l’être pour nous tous. Le gouvernement a affirmé qu’une approche collaborative est un principe fondamental de la manière dont il prévoit affronter cette crise. Toutefois, ce à quoi nous assistons n’est pas le signe d’une approche collaborative.
Certaines personnes ont suggéré, en pleine crise, que le gouvernement devrait avoir des pouvoirs inconditionnels supplémentaires pour agir sans que les parlementaires assurent la surveillance de leurs actions ou les remettent en question.
Cependant, en présence d’un gouvernement qui traite plutôt cavalièrement les finances nationales depuis des années, qui tarde à adopter des mesures pour aider les entreprises canadiennes et qui semble maintenant élaborer des politiques sans trop se soucier de la transparence ou de la nécessité de mener des consultations efficaces, la surveillance parlementaire, chers collègues, prend toute son importance.
Chers collègues, il est indéniable que nous devons agir et adopter le projet de loi de toute urgence. Nous ne pouvons tout simplement pas faire autrement. J’ai toutefois de sérieuses réserves. Je ne peux qu’implorer le gouvernement de s’engager de nouveau à consulter les entreprises et d’autres intervenants et à susciter leur participation durant la crise actuelle. Nous faisons face à une crise qui n’est pas sans rappeler ce que nous avons vécu durant la Deuxième Guerre mondiale. L’ennemi n’est pas le même qu’à l’époque, mais il est tout aussi nécessaire que le gouvernement et l’industrie canadienne adoptent une approche concertée et véritablement nationale. Aujourd’hui, la survie des entreprises canadiennes et de l’économie nationale dépend de la solidité de cette collaboration. J’exhorte le gouvernement à s’engager de nouveau et sans équivoque à l’atteinte de cet objectif. Je presse la Chambre des communes et le Sénat d’insister clairement là-dessus.
Cela dit, le gouvernement tente de faire de son mieux — et je tiens à ce qu’il soit clair que je crois que tout le monde s’y emploie de bonne foi — mais force est de reconnaître que le Canada n’était pas prêt à faire face à une pandémie. Nous n’étions pas préparés, ni sur le plan financier ni sur le plan sanitaire. Nous avons laissé nos réserves d’équipement médical et nos réserves financières s’épuiser. Le gouvernement avait été mis en garde que ses dépenses effrénées des quatre dernières années allaient éventuellement mettre le Canada dans une situation désastreuse. Voilà ce qui se passe aujourd’hui, chers collègues. Que cette crise nous serve de leçon, une fois pour toutes. Nous ne devons plus jamais nous retrouver en pareille situation dans l’avenir. Merci.
Honorables sénateurs, l’adoption du projet de loi C-14, que j’appuie, achèvera probablement l’étape de secours immédiat pour le contrôle de la crise de la COVID-19. Je félicite le gouvernement, la Chambre des communes et tous ceux qui ont accompli un travail remarquable pour offrir une protection essentielle et un filet de sécurité d’urgence aux Canadiens dont les moyens de subsistance ont été perturbés par la pandémie.
Lorsque la situation se stabilisera au cours des prochains mois et que nous passerons de la planification des secours à celle du rétablissement, il faudra analyser les causes sous-jacentes et les circonstances qui ont permis à la crise d’atteindre une ampleur catastrophique. Les chercheurs en santé publique nous mettent en garde concernant une seconde vague d’infection et nous exhortent à la vigilance. Nous devons tirer des leçons rapidement et nous doter d’outils adéquats afin de préparer de meilleurs plans d’urgence pour la santé, la démocratie, l’éducation et l’économie.
Il apparaît évident que nous étions mal préparés pour faire face à la pandémie et aux répercussions économiques des mesures qui ont dû être prises. La crise met en lumière l’interdépendance absolue et la fragilité extrême du système hyper-capitaliste mondial. Nous dépendons de fabricants étrangers pour des produits sanitaires essentiels, et l’économie industrielle moderne, qui n’est pas viable sur le plan structurel, a provoqué une réaction en chaîne. Résultat : nous faisons face à un ensemble de crises. Par exemple, l’empiètement accru des êtres humains sur les habitats naturels fait augmenter les contacts entre les animaux sauvages et les êtres humains, ce qui accroît le nombre de pandémies en plus de contribuer aux changements climatiques. Ces questions sont interreliées et les solutions doivent donc être intégrées.
J’implore le gouvernement et tous les partis politiques de travailler ensemble et de concevoir des plans axés sur les données scientifiques, une vision à long terme, l’inclusion, l’efficacité économique et la durabilité environnementale.
Alors que nous nous tournons vers l’avenir, il y aura des appels au retour à la normale et, pour certains, cela signifiera de sacrifier encore davantage les mesures de protection de l’environnement minimales en place pour obtenir des gains à court terme.
Ce serait ignorer que la pollution est un facteur aggravant pour les virus comme la COVID-19 et que la pollution fait déjà beaucoup plus de victimes que ce virus, en plus de contribuer au dérèglement climatique. La pollution est une cause fondamentale de problèmes multiples et c’est un enjeu que nous ne pouvons plus continuer de négliger. Les pauvres conditions sanitaires des ouvriers outremer qui font partie de la chaîne de production des manufactures sont aussi à l’origine de cette pandémie.
Nous devons reconnaître qu’il n’est plus acceptable de retourner aux conditions d’avant la pandémie de COVID-19. Nous vivons un grand bouleversement. Cette situation sans précédent nous pousse à apporter des changements considérables. Nous ne pouvons pas minimiser l’ampleur des défis et du travail qui nous attendent. En cette période de crise, nombre de personnes pleureront la perte d’un être cher et connaîtront des épreuves douloureuses qui réduiront à néant leurs idées préconçues et qui les obligeront à voir les choses autrement.
Cependant, nous avons également une occasion exceptionnelle de nous préparer et d’amorcer un processus de planification intégrée et d’adaptation qui nous aidera à être plus résilients, plus heureux et plus solidaires.
Sur cette planète minuscule par rapport à l’immensité de l’univers, nous devons partager des ressources limitées. Les écosystèmes du monde entier, qui sont essentiels à notre survie et qui sont aussi vulnérables qu’indispensables, sont sur le point de s’effondrer. Heureusement, la créativité humaine n’a pas de limites, et il faut maintenant lui donner libre cours.
Dans les semaines et les mois qui suivront, nous serons à même de constater si les efforts seront à la hauteur des défis. Nous craignons déjà que certains groupes, en particulier les gens vulnérables, soient laissés à eux-mêmes, et il faudra peut-être trouver prochainement une solution universelle pour y remédier. Étant donné que nous avons conclu une entente, plus tôt aujourd’hui, afin que la Chambre de second examen objectif exerce une surveillance limitée à l’égard des mesures d’urgence, j’espère que nous serons en mesure de veiller à ce qu’aucun Canadien ne soit laissé pour compte.
Enfin, j’espère que les économies qui se régénèrent et qui sont résilientes, circulaires et centrées sur le bien-être des hommes et des écosystèmes, deviendront la nouvelle norme. L’économie est au service de l’humanité et non l’inverse. Il est temps que nos macro-indicateurs reflètent le bien-être et pas seulement la richesse.
La sécurité n’est pas un thème sur lequel on revient. La sécurité est le résultat d’une construction commune. Je vous remercie.
Honorables sénateurs, il y a un mois, nous ajournions nos travaux sans savoir à quoi nous attendre. Dans les semaines qui ont suivi, nous avons vécu — et continuons de vivre — des moments extraordinaires et sans précédent. Face à la crise, les Canadiens ont fait preuve d’ouverture, d’honnêteté, de vulnérabilité et de lassitude. Nous avons presque tous vu notre vie bouleversée. On nous a dit de garder nos distances avec nos amis et nos proches. Certains ont contracté cette maladie. D’autres ont perdu la vie.
Alors que nous sommes ici pour soutenir le projet de loi C-14, nous pensons au travail accompli dans notre lutte contre la COVID-19. En me voyant entourée d’un groupe restreint de sénateurs, je pense que nous devons représenter nos collègues absents de cette enceinte. Nous continuons également à être soutenus virtuellement par un personnel incroyable et souple, que je remercie vivement.
Bien que nous soyons au cœur d’une crise mondiale que notre génération n’a jamais connue, nous sommes quand même capables d’apporter notre soutien en cas de graves perturbations. Nous devons rendre des comptes à nos communautés, soutenir les plus vulnérables, les informer des dernières nouvelles des gouvernements, trouver des solutions. Je suis très reconnaissante pour les mises à jour quotidiennes des parlementaires et le réseau de mes collègues du Sénat de toutes tendances qui nous ont aidés à aider les autres.
J’ai perdu une première amie des suites de la COVID-19. Quel chagrin. Quel choc. C’était une personne en bonne santé, dynamique, hors du commun. C’est une épreuve que nous allons probablement tous vivre. Au milieu de cette crise, il y a des gens extraordinaires, des Canadiens qui sont là pour aider les autres. Nous témoignons naturellement notre reconnaissance envers les professionnels de la santé qui font face à des situations que très peu d’entre nous sauraient imaginer.
Or, la liste ne s’arrête pas là. Les travailleurs des services essentiels méritent aussi nos remerciements. Dans bien des cas, ce sont des jeunes Canadiens qui travaillent à temps partiel et gagnent à peine plus que le salaire minimum. Ils ne pensaient pas travailler dans de telles conditions, mais ils continuent de se rendre au boulot. Nous devons les remercier et nous assurer que ce qu’on leur demande ne dépasse pas leurs forces.
En tant que sénatrice, je suis également reconnaissante du leadership que je vois en cette période de crise et de l’occasion qui m’est donnée de porter une plus grande attention aux besoins des gens de ma collectivité et de toutes nos collectivités. Je pensais comprendre ma collectivité. Ce n’était pas le cas. J’ai rencontré des représentants de différentes entités ou différents groupes — la prison locale pour femmes, les itinérants, les personnes ayant des problèmes de santé mentale, la banque alimentaire. Chacune de ces rencontres influe et va influer sur ma façon de voir les choses et ma façon de voir la mesure législative dont nous sommes saisis.
Comme chacun d’entre vous, j’ai écouté de nombreux Canadiens : les plus vulnérables; ceux qui essaient de garder la lumière allumée; ceux qui sont passés d’un bon revenu et d’une identité positive à un isolement total et à l’absence de chèque de paie; ceux qui travaillent dans le milieu des arts et qui n’ont absolument plus aucun revenu; ceux qui essaient simplement de naviguer sur les sites et les liens Web du gouvernement et qui tentent de trouver leur place; et ceux qui ont le sentiment de n’avoir leur place nulle part. Je comprends mieux ceux qui passent à travers les mailles du filet et la possibilité qu’a le Parlement d’influer sur l’adoption des mesures qui s’imposent.
Nous sommes tous témoins d’innovations importantes provoquées par des changements rapides. J’ai assisté virtuellement à de grandes réalisations sur le plan de la modernisation et de la réaffectation de nouveaux équipements à l’échelle locale. Je suis particulièrement fier que le terme « innovation » soit respecté comme quelque chose de bien plus grand que la technologie. C’est une façon de s’adapter et d’aider, de rester proches de ceux que nous aimons et d’aider ceux qui en ont besoin.
Les Canadiens, jeunes et moins jeunes, apportent leur contribution à leur manière. J’aimerais vous citer deux exemples de personnes qui m’ont écrit pour montrer comment les Canadiens de tous âges contribuent comme ils le peuvent. Dawn, d’Ottawa, a écrit ce qui suit :
Notre fils de 7 ans, Ollie, a un lymphome et a besoin d’une greffe de cellules souches. En raison de la COVID-19, nous avons dû faire appel à un donneur familial à demi compatible plutôt qu’à un donneur anonyme. Notre fille de 11 ans, Abby, a décidé de se porter volontaire au beau milieu d’une pandémie. Elle est incroyablement courageuse.
Carol, de Hammond, en Ontario, a écrit ceci :
Mon père a servi durant la Seconde Guerre mondiale. À 73 ans, voilà que je me bats dans la Troisième Guerre mondiale contre un ennemi appelé la COVID-19. Je fais mon effort de guerre en restant à la maison et en pratiquant la distanciation sociale. Maintenant, c’est à mon tour de me battre pour mon pays.
Honorables sénateurs, la lutte contre la COVID-19 ainsi que l’entraide et le leadership dont nous devons faire preuve ne cesseront pas de sitôt d’être nécessaires. Nous allons nous en sortir. Nous ne savons pas à quoi la suite ressemblera, mais nous pouvons contribuer à la façonner. Maintenant, nous avons le temps de réfléchir et de nous engager à prendre des mesures dès que cette crise sera terminée, puisque nous en aurons tiré des leçons. Par exemple, nous pourrions considérer les avantages d’un revenu de base garanti. Aujourd’hui, alors que nous étudions le projet de loi C-14 pour aider les Canadiens qui ont des besoins urgents, nous devons continuer à réfléchir et nous poser la question suivante : quel sera l’incidence de cette crise mondiale sur la Chambre des communes, sur le Sénat, sur le pays et sur le monde?
En tant que sénateurs, que sommes-nous prêts à faire différemment? Comment nos priorités changeront-elles? À l’avenir, comment appuierons-nous, individuellement et collectivement, les travailleurs de première ligne et ceux que nous avons peut-être oubliés dans tout cela?
J’ai entendu dire que ce que le gouvernement a entrepris revient à construire un avion en plein vol. Tout le monde est en territoire inconnu, et, pour que le scénario optimiste se concrétise, il est essentiel de faire confiance à tous les pouvoirs publics. Cela dit, le Parlement a un rôle crucial à jouer.
Tant ici qu’à l’autre endroit, on nous demande d’examiner le projet de loi dont nous sommes saisis à la lumière de nos connaissances. Nous sommes ici à titre de représentants de tous les Canadiens. Nous ne devons pas fuir nos responsabilités. Au contraire, nous devons faire de notre mieux pour trouver les solutions qui conviennent en cette période difficile. La patience est de mise, des erreurs seront commises, mais la meilleure façon de sortir de cette crise est de collaborer dans un esprit de collégialité. Peu importe le groupe ou le caucus auquel nous appartenons, nous sommes plus que jamais unis en tant que Canadiens, et je sais que nous sommes tous animés par le même désir d’apporter notre aide.
Honorables sénateurs, prenez soin de vous, de votre famille et de votre collectivité. J’espère que chacun d’entre nous pourra collectivement utiliser ce temps pour faire des Canadiens notre priorité numéro un tout en améliorant la souplesse et l’adaptabilité de la Chambre rouge dans la crise actuelle. Je vous remercie.
Honorables sénateurs, avant de traiter de l’important objectif du projet de loi, je tiens à saluer les efforts du gouvernement, du ministre des Finances et des milliers de fonctionnaires qui les appuient dans la conception et l’opération de divers programmes gouvernementaux conçus pour aider les Canadiens qui doivent traverser une période très difficile, dont certains doivent même pleurer des morts.
Je salue également le travail des partis de l’opposition à la Chambre des communes qui, le 25 mars dernier, tout en appuyant les efforts du gouvernement, avec l’esprit de l’« Équipe Canada», ont mis en place des mécanismes de frein et de contrepoids permettant aux élus de tous les partis de continuer d’exercer leurs fonctions dans un nouvel environnement technologique forcé par la pandémie.
Enfin, je transmets mon appréciation aux divers groupes représentés ici dans cette Chambre qui ont travaillé fort au cours des dernières semaines pour faire en sorte que le Sénat soit capable de remplir, lui aussi, son devoir constitutionnel de surveillance, au nom des Canadiens, par l’entremise de deux comités qui reflètent adéquatement la composition du Sénat.
Lorsqu’une personne est nommée au Sénat, cela signifie l’arrivée d’un nouveau sénateur. Je dois ajouter que tous les sénateurs sont égaux : ils ont les mêmes droits, les mêmes privilèges et les mêmes devoirs, peu importe leur origine, leur sexe, leur orientation sexuelle, leurs préférences politiques ou leur affiliation à un groupe du Sénat.
Comme je l’ai dit lors de la dernière réunion du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, je crois à l’égalité de tous les sénateurs. En cette période où le Sénat ne siégera pas régulièrement pendant un certain temps, il est essentiel que la composition des deux comités reflète bien la composition du Sénat, car ces deux comités seront le mini-Parlement, la mini-Chambre puisque nous suspendons les travaux de la Chambre du Sénat.
Compte tenu de l’importance des mesures proposées et de la rapidité de leur conception, le travail de ces deux comités pourra permettre de déceler, puis au gouvernement de corriger, toute lacune dans les mesures mises en place.
Je suis fermement convaincu, honorables sénateurs, que ce serait manquer à notre devoir que de ne pas jouer le rôle complémentaire qui est le nôtre et de ne pas passer au peigne fin le plan d’intervention du gouvernement en réponse à la COVID-19, surtout vu l’étendue des pouvoirs extraordinaires qu’il s’attribue. L’expérience nous montre que les comités du Sénat, comme celui des finances nationales ou des affaires sociales, abordent souvent des sujets différents de ceux abordés par les députés, comme les détails des politiques, les enjeux régionaux et territoriaux et les droits des minorités et des sans-voix, comme les Noirs, les habitants des régions rurales et les détenus.
D’accord, les comités autant que leurs employés dévoués devront s’adapter à la réalité des audiences à distance et aux contraintes technologiques, mais je suis persuadé que le Sénat saura relever ce défi, comme l’ont fait les Communes et de nombreux autres Parlements du monde.
Passons maintenant au projet de loi à l’étude et à ce qu’il contient. Plus tôt cette semaine, j’ai fait part au ministère des Finances d’une série de commentaires très techniques portant sur certains aspects du texte, mais je vous en fais grâce aujourd’hui. Je les ai avec moi, cela dit, si jamais vous souhaitez en prendre connaissance.
Je m’intéresserai plutôt à l’objectif avoué du projet de loi, à savoir réduire le nombre de travailleurs mis à pied en raison des graves répercussions économiques de la pandémie. Le but, ce n’est pas d’aider les entreprises, mais les travailleurs.
Honorables sénateurs, comme nous le savons tous — et comme l’a dit plus tôt mon collègue le sénateur Housakos —, des millions de Canadiens sont au chômage, et beaucoup d’autres risquent de perdre leur emploi. J’espère que le projet de loi servira à préserver ou à rétablir les emplois de centaines de milliers ou plus de Canadiens qui, autrement, seraient privés d’un chèque de paie ou d’un emploi.
Quand je songe à l’objectif du projet de loi à l’étude, je ne peux pas m’empêcher de penser à ce qu’un célèbre juge manitobain, le regretté juge en chef Brian Dickson, a écrit dans une décision de la Cour suprême rendue en 1987. J’étais déjà avocat à l’époque. Je le cite :
Le travail est l’un des aspects les plus fondamentaux de la vie d’une personne, un moyen de subvenir à ses besoins financiers et, ce qui est tout aussi important, de jouer un rôle utile dans la société. L’emploi est une composante essentielle du sens de l’identité d’une personne, de sa valorisation et de son bien-être sur le plan émotionnel […]
En cette période difficile où les employés, à l’instar des autres Canadiens, doivent endurer beaucoup de stress à domicile et au sein de leur famille, le projet de loi dont nous sommes saisis aidera grandement les nombreuses personnes ayant récemment été mises à pied ou étant sur le point de l’être. Je suis donc fier aujourd’hui de voter en faveur du projet de loi qui, en plus de soutenir des pans de l’économie nationale, contribuera à préserver la dignité de centaines de milliers de travailleurs canadiens.
En conclusion, le travail est un élément fondamental de la vie d’une personne, et touche sa subsistance, son estime de soi et sa dignité humaine. En cette période difficile pour des millions de travailleurs et de travailleuses, cette loi permet à plusieurs de préserver leur dignité, de réduire l’angoisse que ressentent les membres de leur famille et d’inspirer la confiance en des jours meilleurs. Merci. Meegwetch.
Honorables sénateurs, je tiens aussi à prendre la parole pour exprimer mon appui pour le projet de loi et je remercie tous nos collègues ici et à la maison de leurs contributions judicieuses et utiles à la discussion.
Au cours de cette pandémie, on a décrit la COVID-19 comme un important facteur d’égalisation. D’ailleurs, elle a mis en évidence le résultat de décennies de coupes dans les systèmes de santé et de services sociaux dans tout le Canada. Elle a également révélé la dévalorisation qui existe depuis longtemps du travail des intervenants de première ligne, les bas salaires et l’absence d’avantages sociaux et de protection pour les travailleurs sur lesquels nous comptons aujourd’hui, des commis de magasin aux livreurs, en passant par les nettoyeurs, les éboueurs, les employés saisonniers, les personnes qui font de petits boulots et — comme l’a souligné la sénatrice Miville-Dechêne — les gens qui travaillent dans les foyers de soins de longue durée à titre de préposés aux services de soutien à la personne, sans parler des artistes et de tant d’autres.
De jour en jour, il devient plus clair que, loin de toucher tout le monde de la même manière, la COVID-19 met en évidence et exacerbe les inégalités et fait des ravages disproportionnés parmi les personnes à faible revenu, les femmes qui tentent d’échapper à la violence, les sans-abris et les personnes racialisées, en particulier les Autochtones, les Asiatiques et les Afro-Canadiens. L’amalgame de mesures dont nous disposons aujourd’hui laisse encore pour compte bien trop de personnes.
Honorables sénateurs, le ministre nous invite à le conseiller sur les façons de répondre aux besoins des personnes qui ne sont toujours pas admissibles ou en mesure d’accéder aux ressources que nous mettons maintenant à leur disposition. En tant que sénateurs, nous avons la responsabilité particulière de représenter les membres les plus vulnérables de la société. Je suis impatiente de participer à nos efforts collectifs en vue de remédier aux lacunes qui subsistent.
Nous devons remédier à l’inégalité au chapitre de l’accès aux mesures économiques et remédier à la discrimination fondée sur la classe sociale, la race, le lieu de résidence géographique et le genre dénoncée tant par ceux qui sont le plus durement touchés par la COVID-19 et qui y sont le plus vulnérables, que par ceux que notre réponse à la COVID-19 a laissés en plan jusqu’à présent. Nous savons que les mesures que nous prenons en réponse à la COVID-19 risquent d’exacerber les énormes inégalités que cette pandémie met fortuitement en lumière.
Ceux d’entre nous qui travaillent à ces dossiers vous invitent tous, que vous soyez ici ou à la maison, à joindre vos efforts aux nôtres pour mettre fin à la discrimination dont trop de gens au pays sont actuellement victimes.
En terminant, je tiens à remercier tout spécialement l’ensemble des travailleurs de première ligne, mes collègues ici et à la maison, les équipes du Sénat qui ont rendu la séance d’aujourd’hui possible et tous les gens, où qu’ils soient, qui travaillent pour que nous traversions cette épreuve.
Meegwetch. Merci.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)