Aller au contenu

Projet de loi sur l'édiction d'engagements climatiques

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat

7 avril 2022


Propose que le projet de loi S-243, Loi édictant la Loi sur la finance alignée sur le climat et apportant des modifications connexes à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole pour vous présenter le projet de loi S-243, Loi édictant la Loi sur la finance alignée sur le climat et apportant des modifications connexes à d’autres lois. Cette loi est un outil législatif efficace pour assurer la cohérence, accroître la transparence et mettre en œuvre des mécanismes de responsabilisation tout en protégeant le système financier des risques climatiques et en alignant les finances sur nos engagements nationaux et internationaux en matière de changements climatiques. Ces éléments sont essentiels à une transition harmonieuse vers une économie à faible émission de carbone, qui est déjà en marche et s’accélère dans le monde entier.

Cette initiative législative est la prochaine étape naturelle et logique de la lutte contre les changements climatiques après l’adoption de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, que j’ai parrainée, ici, au Sénat. C’est aussi un moyen de positionner avantageusement le Canada dans la course vers une révolution industrielle propre afin d’augmenter ses chances de demeurer un pays prospère et concurrentiel.

Dans mon intervention, je présenterai le contexte financier et climatique justifiant les objectifs et la teneur du projet de loi. Je décrirai les travaux et le processus qui nous ont conduits à cette proposition. Enfin, je me plongerai dans le projet de loi lui-même et aborderai les problèmes auxquels il vise à remédier.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, composé des plus grands climatologues du monde, vient de publier les trois parties de son sixième rapport d’évaluation, un document phare qui traite des fondements physiques de la climatologie, des conséquences de la crise climatique et de la manière dont le monde peut réduire ses émissions à un niveau acceptable.

Le Groupe d’experts a constaté que les pays prenaient du retard sur les politiques et les mesures nécessaires, que les apports financiers étaient de trois à six fois inférieurs aux niveaux requis d’ici 2030, et que des changements radicaux seraient nécessaires dans tous les aspects de l’économie mondiale. Il est encore possible d’éviter les pires conséquences, mais seulement si les gouvernements agissent immédiatement et décisivement, par exemple en réduisant leurs émissions de moitié d’ici 2030. Heureusement, le rapport indique que des options d’atténuation sont possibles, au bas prix de 100 $ US par équivalent d’une tonne de CO2 ou moins.

Au moment de la publication de ce rapport, le secrétaire général des Nations unies António Guterres n’a pas mâché ses mots. Il a décrit la deuxième partie comme étant un « recueil de la souffrance humaine et une accusation accablante envers l’échec des dirigeants dans la lutte contre les changements climatiques ». Lundi, il a dit que « les véritables radicaux dangereux sont les pays qui augmentent la production de combustibles fossiles ».

Chers collègues, nous sommes des décideurs; nous sommes ces dirigeants. Je ne sais pas si vous avez une idée à quel point il est déprimant pour les scientifiques, les professionnels de la santé, les jeunes générations, les entreprises responsables, les travailleurs pour une transition équitable, les peuples autochtones, les communautés racialisées touchées par la pollution, et les femmes et les filles sur qui le changement climatique a un impact disproportionné d’être témoins d’une trajectoire si destructrice pour notre planète.

Plusieurs choses devraient maintenant être bien évidentes : tous ces acteurs nous perçoivent comme étant complices de la crise. Ils ont perdu confiance en notre processus démocratique. Les phénomènes météorologiques extrêmes augmentent en fréquence et deviennent plus destructeurs et coûteux. Les risques climatiques sont systémiques et croissants. Retarder davantage la prise de mesures de lutte contre les changements climatiques serait dangereux. Non, l’objectif de ce discours n’est pas de faire la morale; il s’agit simplement des faits.

Une analyse récente de l’Office of Management and Budget des États-Unis a révélé que les changements climatiques pourraient provoquer des pertes représentant 7,1 % des revenus annuels — l’équivalent de 2 billions de dollars américains par année — d’ici la fin du siècle. Cela veut dire que les dommages financiers futurs sont susceptibles d’éclipser les dommages actuels si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au même rythme.

À plus court terme, selon une étude effectuée par l’Institut Swiss Re, un réchauffement planétaire de 2 à 2,6 degrés pourrait coûter au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis entre 6 % et 7 % de leur PIB annuel d’ici 2050.

En 2015, l’Accord de Paris a été adopté par 196 nations. Cet accord vise à garder le réchauffement climatique bien en dessous de 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, en s’efforçant de le limiter à 1,5 degré. En novembre, le Canada a présenté sa contribution déterminée à l’échelle nationale (CDN) lors de la COP26 qui s’est tenue à Glasgow. Il s’est engagé à réduire de 40 à 45 % ses émissions, par rapport aux niveaux de 2005, d’ici 2030, ce qui a été officialisé l’an dernier par l’adoption de la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité.

La COP26 a été l’occasion pour les pays de soumettre des CDN ambitieuses tout en abordant la question du financement de la transition. Elle n’a pas réussi à atteindre tous ses objectifs, mais plusieurs initiatives prometteuses ont vu le jour, notamment la Glasgow Financial Alliance for Net Zero, dirigée par l’ancien gouverneur de la Banque du Canada et envoyé spécial des Nations unies pour le financement de l’action climatique, Mark Carney. Cette alliance est un groupe d’acteurs financiers qui se sont engagés à placer le changement climatique au centre de leur travail. J’appuie les efforts de Mark Carney. Il est clair que nous n’atteindrons jamais nos objectifs sans la participation entière et proactive du secteur financier.

Au Canada, le secteur financier soutient massivement les industries à fortes émissions avec des milliards de dollars en fonds directs. Exportation et développement Canada a soutenu l’industrie en fournissant entre 8 milliards et 12,4 milliards de dollars en financement et assurance par année de 2015 à 2020, ce qui entre en contradiction directe avec les objectifs de réduction des subventions et des émissions du gouvernement. Les six grandes banques canadiennes ont fourni 694 milliards de dollars de financement et ont investi 125 milliards de dollars dans les combustibles fossiles depuis 2015.

Malgré les bonnes intentions que sous-tendent ces collaborations internationales, il existe une contradiction évidente entre les promesses et les actions des acteurs financiers. Partout dans le monde, les politiques gouvernementales et les avancées technologiques évoluent rapidement, alors que la transition progresse. Au Canada, les objectifs de réduction des émissions n’ont jamais été atteints et le système financier est menacé par les risques climatiques. Nos institutions financières doivent rattraper leur retard et s’aligner sur la science climatique la plus récente. Nous devons nous appuyer sur les efforts des nations développées en matière de finance durable, comme les pays européens, les membres de l’Union européenne et les pays du Commonwealth. Nous pourrons ainsi déclencher une transformation économique qui alimentera la prospérité future de manière durable, en préservant notre pays et la planète telle que notre génération l’a connue.

À l’heure actuelle, notre secteur financier doit composer avec des conditions climatiques de plus en plus instables et un avenir incertain, le rendant vulnérable à des risques majeurs. Toutefois, ces risques ne se reflètent pas dans les prix du marché, ce qui pourrait orienter les mouvements de capitaux vers des actifs plus risqués, à forte intensité d’émissions plutôt que vers des actifs sobres en carbone. Si les prévisions du marché évoluent soudainement à cause de l’accélération des politiques mondiales, de progrès technologiques ou d’une série de phénomènes météorologiques destructeurs comme ceux que nous observons actuellement, cela pourrait donner lieu à une modification massive des prix. Si une telle situation se produit, des actifs produisant des émissions élevées valant des milliards de dollars pourraient se retrouver immobilisés, ce qui entraînerait des pertes pouvant se répercuter sur l’ensemble du système financier et le rendre instable ou provoquer son effondrement généralisé.

La moitié des actifs mondiaux liés aux combustibles fossiles pourrait perdre toute valeur d’ici 2036, en cas de passage à la carboneutralité. De plus, les trois quarts du pétrole canadien seraient inutilisables dans un monde où le réchauffement serait limité à 2 degrés Celsius. Ceux qui sont lents à décarboniser en subiront les conséquences, alors que ceux qui seront rapides à le faire — les pionniers — seront avantagés.

Des initiatives comme le Groupe de travail sur la divulgation de l’information financière relative aux changements climatiques cherchent à améliorer et à accroître la communication d’information financière liée au climat grâce à des divulgations volontaires, dans l’espoir que les investisseurs puissent avoir une meilleure vue d’ensemble des répercussions des changements climatiques sur leur portefeuille d’investissement. Malheureusement, l’absence de cadre législatif et de capacité de mise en application entraîne un manque d’uniformité dans l’application. Ceux qui divulguent de l’information sont désavantagés par rapport à ceux qui ne le font pas et finissent par être pénalisés par les investisseurs.

Même si la crise climatique représente un risque incroyable pour le secteur financier, l’inverse est aussi vrai. Ensemble, ces deux effets opposés s’appellent la « double importance relative ». En investissant massivement dans les industries aux émissions les plus importantes, le secteur financier favorise l’augmentation des émissions libérées dans l’atmosphère. Ces émissions financées ajoutent au fardeau de la crise climatique.

En 2015, Morgan Stanley Capital International a évalué l’empreinte carbone de plusieurs de ses indices et a découvert qu’un investissement de 1 million de dollars américains pouvait entraîner jusqu’à 439 tonnes d’équivalent CO2.

Comment une seule institution financière peut-elle résoudre ce problème épineux? Le secteur financier est sur la ligne de front des risques climatiques et, malgré son soutien continu des combustibles fossiles, à l’instar de certaines grandes sociétés internationales, il s’est empressé d’annoncer des engagements en matière de décarbonisation pour prouver sa volonté de changer. Pourtant, ces engagements manquent de transparence et de reddition de comptes. Au mieux, ils nous offrent un faux sentiment de réconfort du fait que des mesures seraient en cours pour lutter contre les changements climatiques. Au pire, ils sont une tentative délibérée d’écoblanchiment pour retarder la prise de mesures substantielles.

Il n’existe toujours pas de normes claires ou de mesures d’application qui apporteraient la transparence nécessaire à ces engagements. Certes, nous applaudissons les secteurs privés qui se sont fixé des cibles climatiques ambitieuses et qui font des progrès importants vers leur atteinte. Le projet de loi S-243 les soutient pleinement. Cependant, les entreprises individuelles n’ont ni la responsabilité ni la motivation de veiller à ce que leurs pairs et leurs concurrents leur emboîtent le pas. Elles ne peuvent à elles seules assurer une transition ordonnée et complète de l’économie et encore moins assumer la responsabilité de réduire le risque posé par les changements climatiques à l’ensemble du secteur financier. Seul le gouvernement peut remplir cette fonction.

Ce sont les problèmes que mon projet de loi résout. Alors, comment le projet de loi S-243 a-t-il été élaboré?

En septembre 2020, j’ai invité plusieurs experts au Sénat pour obtenir leurs idées sur la façon dont le Canada peut développer une économie plus équitable et plus résiliente après s’être remis de la pandémie. Ces experts comprenaient Peter Victor, économiste et professeur émérite de l’Université York; Cameron Hepburn, directeur de la Smith School of Enterprise and the Environment de l’Université d’Oxford; et Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’économie et ancien économiste en chef de la Banque mondiale. Ce webinaire et nos recherches sur les différentes approches préconisées pour la relance économique après la pandémie ont mené à la publication d’un livre blanc intitulé Se propulser vers l’avant : Une relance propre et solidaire après la pandémie de la COVID-19.

L’été dernier, nous avons adopté la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité, un cadre de responsabilisation juridiquement contraignant pour que le gouvernement atteigne la carboneutralité d’ici 2050, ce qui a donné lieu à un débat important dans cette enceinte.

En janvier, la Banque du Canada et le Bureau du surintendant des institutions financières ont publié le rapport final du projet pilote visant à analyser des scénarios climatiques afin de mieux comprendre les risques pour le système financier associés à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Les auteurs mettent l’accent sur la nature systémique du risque climatique qui menace l’économie et l’ensemble du système financier et reconnaissent la nécessité de renforcer la capacité d’évaluer ces risques. Malheureusement, ils ne parviennent pas à formuler de recommandations importantes favorisant la prise de mesures proactives par les institutions financières pour lutter contre le changement climatique. Il se fait tard pour agir. Il n’y a pas de temps à perdre face à l’urgence climatique.

En tenant compte de ces développements, mon bureau et moi‑même avons travaillé au cours des derniers mois sur un livre blanc, dans le but de provoquer la prochaine progression logique de la transition. En nous fondant sur les pratiques exemplaires internationales et les grands penseurs dans les domaines de la politique économique, de la climatologie et de la finance durable, ainsi que sur les échanges qui ont eu lieu à la COP26 et au sommet GLOBE, nous avons cerné les lacunes dans le secteur financier canadien et avons proposé une série de recommandations.

Ces recommandations définissent ce que représenterait pour le Canada le passage de retardataire à chef de file en instaurant un système financier stable, aligné sur le climat et à faibles émissions de carbone. Les conclusions, recommandations et rétroactions colligées à ce jour se retrouvent dans le livre blanc publié le mois dernier et intitulé Aligner la finance canadienne sur les engagements climatiques.

Les rétroactions ont été jusqu’à maintenant inspirantes, et je remercie sincèrement tous mes collègues qui ont pris le temps de lire le document et de répondre à mon analyse, à mes interventions et à mes recommandations.

Grâce à ces connaissances, le projet de loi S-243 a été conçu en collaboration et en consultation avec Me Karine Péloffy, de mon bureau, et le professeur Amr Addas, de l’Écosystème de la durabilité de l’Université Concordia, avec l’appui de la Fondation familiale Trottier. Nous avons organisé une série de consultations et de réunions de groupe de travail. Nous avons convoqué plus de 40 experts nationaux et internationaux du domaine de la finance durable et provenant de divers horizons. Ils représentaient des entités d’investissement, des régimes de pensions, des groupes de réflexion, des cabinets d’avocat et le milieu universitaire, et ils ont réuni l’expertise des domaines de la finance et du climat dans l’espoir d’élaborer une solution rigoureuse, mesurée et cohérente pour aider notre secteur financier à s’aligner sur nos engagements en matière de climat.

Dans le cadre de ces consultations, nous avons recueilli des commentaires exceptionnels, qui ont été regroupés dans le document de travail intitulé « Ce que nous avons entendu » publié plus tôt aujourd’hui. Ces consultations avaient pour but d’obtenir des conseils sur les obligations fiduciaires des directeurs, les processus de préparation de rapport et de planification des institutions, les normes de fonds propres, les divulgations, les technologies et comment tous ces éléments sont utilisés, et bien plus encore. Le bilan de tous les commentaires reçus se reflète directement dans le projet de loi proposé aujourd’hui.

Le projet de loi S-243 est complémentaire à la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité; il améliore la structure, la cohérence et l’efficience des efforts pour atteindre les objectifs auxquels nous nous sommes engagés en incluant le secteur financier dans la course vers la carboneutralité — la dernière pièce maîtresse pour activer la machine vers la transition.

Des pays comme le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande ont déjà adopté des lois exigeant de bon nombre de leurs institutions financières qu’elles divulguent des informations en matière de lutte contre les changements climatiques. La Maison-Blanche a publié un décret en mai 2021 et, en reconnaissance des risques pour la stabilité du système financier que présentent les changements climatiques, elle a adopté une politique visant à favoriser la divulgation uniforme, claire, compréhensible, comparable et précise d’informations sur les risques financiers des changements climatiques. En octobre 2021, s’est ajoutée au décret une feuille de route visant à bâtir une économie plus résiliente face aux changements climatiques. Fondée sur l’approche de précaution, la feuille de route vise à mobiliser le secteur public et le secteur financier afin de soutenir la transition de l’économie américaine vers la carboneutralité et de protéger le système financier américain contre les risques financiers liés aux changements climatiques.

Récemment, la U.S. Securities and Exchange Commission a proposé de nouvelles règles visant à obliger les entreprises inscrites en bourse aux États-Unis à rapporter l’entièreté de leurs émissions. Ces changements placeraient les entreprises canadiennes dont le titre est échangé sur les marchés boursiers américains en situation fort désavantageuse, puisqu’elles seraient incapables de répondre aux normes et aux attentes des investisseurs américains.

Alors que d’autres pays du G20 disposent d’une gamme beaucoup plus importante d’options en matière d’énergie propre, notamment l’énergie marémotrice, houlomotrice, hydroélectrique, gravitaire, éolienne, solaire et nucléaire, nous continuons malheureusement à exploiter l’énergie du passé, qui est coûteuse, complexe, polluante et qui est source de discorde. Bref, la politique canadienne accuse du retard, et nos actions malavisées ont un impact majeur sur notre compétitivité internationale. Nous devons agir avec les outils législatifs à notre disposition.

C’est pour ces raisons urgentes que je présente le projet de loi S-243, qui aligne les activités des institutions financières fédérales et d’autres entités réglementées par le gouvernement fédéral sur l’intérêt économique et public prépondérant qu’est la réalisation de nos engagements climatiques. Ce projet de loi vise à faire des progrès rapides et significatifs pour préserver la stabilité des systèmes financiers et climatiques. Il reconnaît les risques systémiques qui pèsent sur tous les secteurs de l’économie si les apports financiers ne s’alignent pas sur les engagements climatiques.

Ainsi, qu’est-ce l’alignement? Les engagements climatiques se rapportent à nos obligations et aux engagements que nous avons pris au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, de l’Accord de Paris et de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité dans le but d’atteindre la cible de 1,5 degré avec peu ou pas de dépassement, d’éviter de faire stagner les émissions de carbone, de préserver les puits de carbone et d’améliorer la résilience.

L’alignement sur les engagements climatiques signifie de contribuer à la réalisation de ces engagements, d’éviter d’agir à l’encontre de ces engagements, d’éviter de prolonger l’impact du changement climatique ou de perturber les puits de carbone naturels, et d’engendrer des effets globalement positifs tout en respectant les droits des peuples autochtones, en utilisant les meilleures données scientifiques disponibles et en évitant de causer des préjudices aux obligations sociales et environnementales. Pour y parvenir, le projet de loi propose sept mesures importantes.

La première mesure concerne un enjeu dont nous avons souvent entendu parler dans nos consultations : le fait que l’obligation de fiduciaire inclue techniquement la considération du risque climatique. Cependant, en pratique, ce risque est ignoré ou sous‑représenté.

En 2019, le Groupe d’experts en financement durable a recommandé au gouvernement fédéral de « [...] préciser que l’obligation de fiduciaire [...] n’exclut pas la prise en compte des facteurs pertinents reliés aux changements climatiques ».

En outre, dans un rapport de septembre 2021, l’Institute for Sustainable Finance de l’Université Queen’s a sondé des experts du financement durable et a souligné la nécessité de préciser la portée de l’obligation de fiduciaire, qui serait « [...] largement reconnue comme étant une initiative cruciale où il faut agir à court terme ».

L’ancienne juge McLachlin de la Cour suprême a également reconnu que les sociétés ont des responsabilités qui vont au-delà des simples résultats financiers. Elle a dit :

Les sociétés doivent tenir compte des conséquences environnementales de leurs activités avant de prendre une décision [...] Les sociétés, qu’elles soient publiques ou privées, doivent prendre en considération les intérêts de tous les intervenants. Comme tout bon citoyen, les sociétés doivent respecter l’environnement, les relations avec les peuples autochtones et la diversité des sociétés modernes.

En conséquence, la loi sur la finance alignée sur le climat crée l’obligation pour les directeurs, les dirigeants et les administrateurs d’exercer leurs pouvoirs et leurs fonctions de manière à permettre à leur organisation de se conformer aux engagements pris en matière de climat.

La seconde mesure vise l’harmonisation de diverses organisations fédérales connexes avec les engagements pris en matière de climat. Cet ensemble de modifications directes oblige la Banque du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières, le secteur public, le Régime de pensions du Canada et les principales sociétés d’État, comme Exportation et développement Canada, à s’acquitter de leurs fonctions d’une manière qui respecte nos engagements en matière de climat.

La troisième mesure oblige les organisations sous réglementation fédérale à fixer des cibles, à élaborer des plans et à présenter des rapports d’alignement sur les engagements climatiques, à moins qu’elles ne produisent aucune émission ou n’engendrent que des émissions négligeables. Ces entités déclarantes incluent des institutions financières fédérales, des sociétés d’État mères, des compagnies constituées en vertu d’une loi fédérale et d’autres entités sous réglementation fédérale, comme des compagnies ferroviaires et des sociétés aériennes. Leurs cibles et leurs plans doivent s’appliquer à toutes les émissions au sein de leur chaîne de valeur, se fonder sur les meilleures données scientifiques disponibles et être alignés sur les engagements climatiques. Les institutions financières fédérales — entre autres, les banques, les compagnies d’assurance, les sociétés de fonds de pension, la Banque du Canada et certaines sociétés d’État importantes — seront soumises à des exigences supplémentaires, comme l’obligation de prendre en considération leurs émissions financées dans leurs cibles et leurs plans.

Honorables collègues, c’est ce que nous avons exigé que le gouvernement fasse l’année dernière dans le cadre de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Il est maintenant temps d’imposer une exigence semblable au secteur financier.

La quatrième mesure consiste à s’assurer que certains conseils d’administration aient l’expertise nécessaire en matière de climat pour assurer la transition et à éviter les conflits d’intérêts. Ce projet de loi comprend une définition de ce qui constitue une personne ayant une expertise en matière de climat, et il exige que les grandes sociétés d’État comptent au moins un expert dans ce domaine au sein de leur conseil d’administration. Les dispositions sur les conflits d’intérêts seraient mises en œuvre en deux étapes. Pendant les quatre premières années suivant l’entrée en vigueur de la loi, les membres du conseil associés à une organisation qui n’est pas alignée avec les engagements climatiques seraient tenus de déclarer leurs activités conflictuelles dans le rapport sur l’alignement sur les engagements climatiques que l’entité déclarante présenterait annuellement. À partir de la cinquième année, ces personnes ne pourraient plus être nommées au conseil. Nous avons entendu dire que ce sont toujours les mêmes quelques centaines de personnes qui siègent à tous les conseils financiers. Cette mesure s’accorde avec la tendance à promouvoir la diversité et à élargir les champs d’expertise au sein des conseils d’administration.

La cinquième mesure consiste à établir des exigences relatives à la suffisance du capital qui reflètent mieux les risques microprudentiels et macroprudentiels générés par les institutions financières. Lorsqu’une institution financière investit dans des secteurs qui ne sont pas prêts à amorcer la transition, cela comporte un risque financier qui peut avoir des répercussions dans l’ensemble du système financier. Si on oblige les banques à détenir plus de capital, notamment en exigeant, par exemple, qu’elles réservent un montant proportionnel à leurs investissements dans des activités à forte intensité d’émissions, les banques pourraient alors assumer les coûts associés à ces risques systémiques générés par leurs activités financières.

Pour ce faire, la loi exige que le surintendant des institutions financières élabore de nouvelles lignes directrices sur la suffisance du capital des institutions financières à l’égard des engagements climatiques. Les premières lignes directrices s’appliqueraient aux entités régies par la Loi sur les banques et seraient publiées au cours de l’année suivant l’entrée en vigueur de la loi. Une deuxième série de lignes directrices serait ensuite élaborée concernant les exigences de financement et les politiques d’investissement à l’égard des engagements climatiques pour les régimes de retraite, les compagnies d’assurance et les autres entités qui relèvent du surintendant.

La sixième mesure est l’élaboration d’un plan d’action par le gouvernement pour aligner les produits financiers sur les engagements climatiques. L’alignement complet nécessite une approche globale qui dépasse les capacités d’un projet de loi d’intérêt privé du Sénat. Le gouvernement fédéral dispose de pouvoirs considérables et de la compétence constitutionnelle nécessaire pour agir sur ces questions.

Enfin, la septième mesure garantit des processus d’examen public opportuns sur les progrès de la mise en œuvre afin d’assurer un apprentissage itératif.

La loi exige la présentation de deux rapports. Dans un document déposé tous les ans au Parlement, le Bureau du surintendant des institutions financières rendra compte des progrès de la mise en œuvre en ce qui concerne les entités relevant de sa compétence, et le ministre des Finances fera de même pour les sociétés d’État.

Au cours de l’année qui suit l’entrée en vigueur de la loi, un rapport unique sera élaboré conjointement par la Banque du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières et les représentants des peuples autochtones sur les consultations qui auront été menées pour connaître les perspectives des peuples autochtones, notamment sur les investissements à long terme et la résilience du système financier. Un autre rapport sera préparé par la Banque du Canada sur la politique monétaire en relation avec les changements climatiques, et sera élaboré en consultation avec des personnes ayant une expertise climatique. Ces rapports seront également déposés au Parlement.

Tous les trois ans, un examen indépendant des dispositions édictées par la loi et de leur administration doit être mené en consultation avec des personnes ayant une expertise climatique, suivi d’un rapport qui sera également déposé au Parlement.

Je tiens également à mentionner un thème récurrent dans le projet de loi. Selon des commentaires exprimés par des représentants de peuples autochtones, la LFAC reconnaît leurs intérêts de la façon suivante : 1) le préambule de la loi évoque la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et les impacts disproportionnés sur ces peuples; 2) l’expertise climatique comprend les « modes d’acquisition des connaissances, le savoir‑être et le savoir-faire autochtones »; 3) la définition de l’expression « alignement sur les engagements climatiques » inclut le respect des droits des peuples autochtones, y compris ceux qui sont énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones; 4) la Banque du Canada doit élaborer conjointement avec les représentants des peuples autochtones un rapport sur leurs perspectives.

Son Honneur le Président [ - ]

Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 25 novembre 2021, je dois quitter le fauteuil, à moins que nous consentions à ne pas tenir compte de l’heure. Si je n’entends pas « suspendre », nous allons poursuivre.

Sénatrice Galvez, vous pouvez continuer votre intervention.

En conclusion, le secteur financier n’est pas à l’abri des répercussions des changements climatiques — bien au contraire. Les tactiques traditionnelles pour résoudre les problèmes économiques n’ont pas été efficaces pour contrer la crise climatique. En fait, les approches du passé ont empiré, volontairement ou par inadvertance, la crise climatique en soutenant les industries polluantes.

Les Canadiens ont besoin que le secteur financier adapte ses façons de faire à cette réalité climatique. Le réchauffement du Sud du Canada est deux fois plus élevé que la moyenne de la planète, et celui de l’Arctique est trois fois plus élevé. Nous devons donc accélérer la transition d’une manière ordonnée.

La Banque du Canada, qui vient de publier les résultats de son premier exercice visant à comprendre les risques pour le système financier canadien, perd du terrain dans la course vers la carboneutralité. Plusieurs administrations et organisations nationales et internationales ne se contentent pas de mener cette réflexion : elles proposent des politiques et des outils législatifs, dont certains sont déjà mis en œuvre. Le Canada doit emboîter le pas si nous souhaitons demeurer une économie compétitive, prospère et durable pour les générations actuelles et futures.

Je me réjouis à la perspective d’avoir un débat rigoureux à ce sujet avec vous au Sénat et la société en général. Je m’attends à ce que nos collègues, des banquiers, des économistes, des vérificateurs et d’autres intervenants qui souhaitent développer une économie durable dans un environnement sain pour les Canadiens apportent des points de vue et une contribution positive à ce débat. J’imagine que quelques comités s’intéresseront à des aspects du projet de loi, en particulier le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et le Comité sénatorial permanent des finances nationales, mais aussi le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. J’ai hâte d’entendre des experts dans le cadre des études des comités et je reste ouverte à des améliorations qui pourraient renforcer cette mesure législative.

Merci, chers collègues. Meegwetch.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénatrice Galvez, accepteriez-vous de répondre à des questions?

L’honorable Marilou McPhedran [ - ]

Sénatrice Galvez, je vous remercie d’avoir pris l’initiative de présenter ce projet de loi.

Je désire formuler ma question à la lumière d’un récent rapport du Sierra Club et de six autres organisations non gouvernementales qui ont indiqué que le financement des combustibles fossiles des 60 plus grandes banques au monde a atteint la somme de 4,6 billions de dollars américains dans les six années suivant la signature de l’Accord de Paris. Comme vous l’avez précisé, le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU, qui a été publié il y a trois jours seulement, nous met en garde : il faut agir maintenant, nous n’avons plus le temps.

Dans le rapport du Sierra Club, j’ai remarqué que les noms de trois banques canadiennes apparaissent clairement dans la liste des pires financiers des combustibles fossiles à l’international entre 2016 et 2021. La cinquième position est occupée par la Banque Royale du Canada, la neuvième place par la Banque Scotia, et la onzième par la Banque TD.

Sénatrice Galvez, pourriez-vous nous expliquer comment ce projet de loi vise à résoudre le fait bien connu que les banques n’agissent pas immédiatement ou assez rapidement selon ce que conseillent les experts en la matière?

Je vous remercie énormément de cette question, sénatrice McPhedran.

C’est un concept que l’on appelle la double importance relative : d’une part, le secteur financier reconnaît et affirme que les risques climatiques sont systémiques, que ce soit en raison d’une transition ou des risques physiques liés à tous ces événements météorologiques extrêmes destructeurs, et transforme des actifs en actifs délaissés; d’autre part, il finance l’industrie des combustibles fossiles.

Selon les autorités mondiales en matière de normes d’information sur la durabilité, il faut étudier ce concept et la divulgation ne peut se faire uniquement sur une base volontaire. Elle doit être la plus exhaustive possible pour que l’on puisse évaluer plus précisément les risques et y remédier, car, comme vous le dites, les risques sont bien réels et prennent de l’ampleur, à un tel point que c’en est alarmant. Ils pourraient nous mener à des difficultés de nature bien différente que celles liées à d’autres crises financières. En général, les gens pensent que cela pourrait ressembler à la crise financière de 2008, mais ce n’est pas le cas. Il s’agit d’une crise externe découlant de plusieurs facteurs cumulatifs et convergents.

J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Merci.

L’honorable Lucie Moncion [ - ]

Le secteur financier reconnaît l’existence des cygnes noirs. Pourriez-vous nous parler des cygnes verts, qui sont propres à la crise environnementale?

Est-ce que vous faites référence à la question de l’écoblanchiment?

La sénatrice Moncion [ - ]

Je fais référence aux catastrophes environnementales qui arrivent tout d’un coup et qui ne sont pas prévues. Dans le système financier, on parle de cygnes noirs quand une catastrophe économique qui n’avait pas été prévue se produit, comme la situation en 2008. Maintenant, on parle de cygnes verts, qui sont associés aux changements climatiques.

Vous me rappelez que, à un moment donné, on parlait des risques unknown unknown. On parlait de radical uncertainty, de l’incertitude radicale. En tant qu’ingénieure, je sais bien comment on peut gérer les risques quand on est en mesure de les mesurer, de les modéliser, de les prévoir et de les prédire. C’est ce qu’on fait en génie quand on adapte nos infrastructures.

Le problème, sur le plan des finances, c’est que, selon les experts, ce risque est inconnu. On ne peut pas vraiment le mesurer, parce que ces facteurs sont convergents, cumulatifs et exponentiels et qu’ils sont vraiment très difficiles à prévoir. C’est donc pour cela que les experts nous disent qu’il faut privilégier des approches microprudentielles et macroprudentielles, pour s’assurer de régler le problème tant sur le plan de l’entité individuelle que sur le plan du système, parce que le risque est systémique.

L’honorable Julie Miville-Dechêne [ - ]

Tout d’abord, très brièvement, je tiens à vous féliciter pour l’audace, la détermination et le travail qui sont à la base de votre projet de loi. Je crois que nous aurons, en effet, un débat robuste.

Depuis quelques années, on entend parler d’initiatives visant à accroître la transparence des entreprises et des institutions financières. Je comprends toutefois que votre projet de loi va beaucoup plus loin sous prétexte que ces divulgations ne sont pas suffisantes.

Pourriez-vous m’expliquer pourquoi ces divulgations ne fonctionnent pas et comment votre projet de loi affecte les initiatives existantes, visant à accroître les divulgations climatiques des entreprises?

Merci beaucoup pour la question et pour votre reconnaissance à l’égard du travail qui a été effectué.

Jusqu’à présent, la publication des risques climatiques est seulement une recommandation et elle est volontaire. Des experts ont affirmé que seulement 9 % des entités qui ont été surveillées ont produit un rapport sur leurs risques climatiques. Parmi ces 9 %, seulement 2 % ont posé des actions face aux risques qu’elles ont pu identifier.

Il y a une autre critique qui dit que parce qu’il n’y a pas d’obligations ni de directives strictes pour révéler ces risques, tout cela finit par être utilisé presque comme une sorte d’écoblanchiment parce qu’il n’y en a pas. On profite donc de cette situation pour faire une surreprésentation des efforts que l’on fait, mais personne ne peut les valider.

Notre projet de loi va tout à fait dans la direction de la divulgation des risques climatiques, mais il va bien au-delà de cela, parce qu’il faut que les entités prouvent que leurs efforts sont alignés sur les engagements climatiques. Pour cela, il ne faut pas seulement révéler les risques, il faut aussi donner des solutions. La divulgation et les solutions deviennent obligatoires avec notre projet de loi.

L’honorable Clément Gignac [ - ]

Sénatrice Galvez, je vais faire miennes les remarques de la sénatrice Miville-Dechêne pour vous féliciter de votre beau travail. Comme l’ex-gouverneur de la Banque du Canada et gouverneur de la Banque d’Angleterre l’a mentionné, cette transition énergétique ne pourrait pas se matérialiser ni réussir sans que le secteur financier soit mis à contribution de façon importante.

Vous avez fait allusion au fait que trois comités pourraient être interpellés. Je crois comprendre, en examinant les procédures de la Chambre, que ce sont les leaders qui se pencheront sur cette question. Ne croyez-vous pas que ce travail devrait être confié plutôt au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce? Je le dis en toute neutralité, étant donné que j’ai le privilège de siéger à la fois au Comité sénatorial permanent des finances nationales, au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Vous parlez de modifier la Loi sur les institutions financières et modifiant le système d’assurance-dépôts; on a évoqué plusieurs lois qui interpellent le secteur financier. Avez-vous une opinion à ce sujet pour ce qui est des comités, puisqu’on sait que ce sont les leaders qui prendront les décisions et détermineront quels comités devraient étudier votre projet de loi?

Je ne sais pas si vous suivez les nouvelles sur le budget, mais la question des finances durables est un élément du budget. C’est intéressant, et je veux mentionner qu’aux dernières élections, plusieurs des plateformes des partis politiques avaient des éléments de finance durable à développer. C’est donc très intéressant.

Ultimement, c’est vrai que ce projet de loi peut intéresser les trois comités que j’ai mentionnés, mais évidemment, comme vous l’avez dit vous-même, ce n’est pas une décision qui me revient. Tout le monde parlera avec son facilitateur ou son leader et finalement, ce sont eux qui décideront, mais assurément, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et le Comité sénatorial permanent des finances nationales sont les deux comités...

L’autre raison pour laquelle je peux dire cela, c’est que notre projet de loi est agnostique en ce qui a trait aux technologies; il ne dit pas d’utiliser cette technologie ou de ne pas l’utiliser. Nous demandons aux entités de nous montrer les efforts qu’elles font pour arrimer leurs activités avec les engagements climatiques domestiques et internationaux du Canada, et que si elles font cette démonstration, on n’a rien à dire sur la technologie qu’elles utilisent. Je dirais que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et le Comité sénatorial permanent des finances nationales sont les deux comités que je privilégierais.

Haut de page