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Projet de loi canadienne sur les emplois durables

Troisième lecture--Report du vote

17 juin 2024


L’honorable Hassan Yussuff [ + ]

Propose que le projet de loi C-50, Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je prends la parole au sujet du projet de loi C-50, la Loi canadienne sur les emplois durables. Aujourd’hui, je souhaite aborder les principaux aspects du projet de loi et la façon dont il créera un cadre permettant non seulement d’atténuer les conséquences négatives qu’aura le passage à la carboneutralité pour les travailleurs et les collectivités, mais aussi de mieux les préparer à tirer parti des possibilités qu’offre ce virage.

Le cadre comprend des principes directeurs, des structures de gouvernance et des exigences en matière de reddition de comptes. Il s’agit d’un projet de loi fondé sur ces principes que sont le dialogue, le consensus, la représentation, la participation, la durabilité, la transparence et la reddition de comptes. Il crée un processus simple pour que les travailleurs, l’industrie et les communautés autochtones puissent s’asseoir à la table des négociations et contribuer à façonner leur avenir. Il prévoit aussi des mesures de reddition de comptes et de transparence, par l’intermédiaire d’un ministre désigné et d’un plan d’action quinquennal qui doit être rendu public.

Chers collègues, il s’agit d’un projet de loi très simple. Il s’agit essentiellement de placer les travailleurs et les collectivités dans lesquelles ils vivent au cœur des politiques gouvernementales qui les touchent le plus, en s’engageant dans un processus de dialogue social pour déterminer comment nous pourrons tous réussir dans un avenir carboneutre.

Chers collègues, je dois admettre que je suis plus que partial à l’égard du projet de loi, car il s’agit de quelque chose que les travailleurs et moi-même, en tant que dirigeant syndical, réclamons depuis longtemps. Je défends aussi passionnément le projet de loi parce que j’ai participé au Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes, que j’ai coprésidé. Je pense que c’est peut‑être l’une des meilleures choses que j’ai faites pour mon pays, et j’aimerais vous faire part d’une histoire au sujet de ce travail et de son lien avec le projet de loi.

La création du groupe de travail est attribuable au fait que le Canada s’est engagé en 2016 à abandonner progressivement la production d’électricité à partir du charbon d’ici 2030. Dans ce contexte, le gouvernement a créé un groupe de travail chargé d’examiner les effets sur les travailleurs et les collectivités de la transition vers une économie moins dépendante du charbon. Le groupe de travail était composé de travailleurs, d’entreprises, d’écologistes et de membres de la collectivité.

Les travaux du groupe de travail nous ont amenés à visiter 15 localités touchées en Alberta, en Saskatchewan, au Nouveau‑Brunswick et en Nouvelle-Écosse, afin d’entendre les problèmes des travailleurs et des collectivités qui dépendent du charbon pour leur survie. Le fait d’entendre directement les entreprises, les travailleurs et les dirigeants des collectivités m’a permis de mieux comprendre ce qui était nécessaire pour assurer à ces travailleurs et à ces populations une transition équitable. Aussi, cela m’a permis de constater que les Canadiens en général, les travailleurs et les collectivités du Canada, ont bon espoir en l’avenir. J’ai aussi été plus à même de cerner les outils politiques que nous devons mettre au point pour que les travailleurs et les populations les plus touchés par les politiques de carboneutralité soient en mesure de participer directement à l’élaboration des politiques gouvernementales qui les concerneront le plus à mesure que les économies du monde, y compris celle du Canada, se décarboneront.

Le rapport final du groupe de travail, publié en 2018, formulait 10 recommandations de politiques, et l’une d’entre elles préconisait l’adoption d’un projet de loi tel que le projet de loi C-50.

Après avoir visité des collectivités comme Coronach, dans le Sud de la Saskatchewan, et le comté de Leduc, en Alberta, j’ai pu constater qu’il fallait avant tout écouter les travailleurs et les collectivités pour comprendre la question de leur point de vue. Nous ne pouvons pas minimiser les inquiétudes et les soupçons réels que les politiques de décarbonation suscitent chez la population et chez les travailleurs, y compris les communautés autochtones, qui dépendent des projets de développement énergétiques — qu’il s’agisse du charbon ou du pétrole et du gaz — pour leur viabilité économique.

Une des façons de répondre aux inquiétudes des travailleurs et des collectivités, c’est de veiller à ce qu’on tienne compte de leurs points de vue et à ce que des solutions pour les aider à effectuer la transition soient élaborées selon une approche ascendante et non descendante. C’est exactement ce que le projet de loi permet de faire. Il donne aux travailleurs et aux collectivités la possibilité de procéder ainsi en collaboration avec le conseil du partenariat, qui doit consulter les travailleurs et les collectivités concernés.

Honorables sénateurs, les transitions font partie de l’histoire de l’humanité. De la révolution industrielle à la révolution de l’information et de l’informatique, les travailleurs, les collectivités et les sociétés ont toujours eu à subir des transitions très difficiles. Chaque transition est source de difficultés et de possibilités pour les travailleurs. L’objectif du gouvernement doit être de réduire au minimum les effets négatifs et de maximiser les avantages de la transition. Voilà le but de ce projet de loi.

Au Canada, au cours des 75 dernières années, les travailleurs ont dû faire face à plusieurs transitions majeures, y compris celles qui découlent de l’automatisation et des politiques commerciales comme l’ALENA. Lors de son discours à l’étape de la deuxième lecture, le sénateur Wells a parlé des effets d’une transition majeure que les travailleurs et les collectivités de l’Atlantique qui dépendent de l’industrie des poissons et fruits de mer ont vécue au début des années 1990, lorsqu’on a fermé la pêche au poisson de fond, ce qui a entraîné la perte de dizaines de milliers d’emplois. Malheureusement, dans la plupart des cas, les travailleurs et les collectivités qui ont été les plus touchées par ces transitions n’ont jamais eu la chance d’avoir un plan proactif et axé avant tout sur leurs intérêts, car, dans la plupart des cas, ils n’ont jamais eu voix au chapitre.

Je dirais que ce qui est différent dans la manière dont le gouvernement tente de gérer cette transition par rapport à d’autres dans le passé, c’est qu’il essaie en fait d’être proactif en créant un plan et en plaçant les intérêts et les points de vue des travailleurs et des collectivités au cœur du processus d’élaboration des politiques pour tenir compte des bons et des mauvais côtés de cette transition.

Je voudrais revenir sur l’exemple du sénateur Wells concernant l’effondrement de la pêche au poisson de fond au Canada atlantique au début des années 1990. Je suis d’accord avec lui pour dire que, dans l’ensemble, la réaction du gouvernement fédéral en matière de politiques et de programmes a été tout à fait inadéquate pour les travailleurs et les collectivités les plus durement touchés par la fermeture de la pêche au poisson de fond. Là où nos opinions divergent, c’est que je pense que ces travailleurs et ces collectivités auraient été en meilleure posture si une mesure législative telle que le projet de loi C-50 avait été mise en place avant que la crise de la pêche ne frappe nos côtes.

Sénateurs, imaginez si le gouvernement de l’époque n’avait pas fait l’autruche face à la crise de la pêche qui s’en est suivie, mais qu’il avait, au contraire, pris les devants en s’attaquant aux réalités économiques et sociales auxquelles les travailleurs et les collectivités étaient sur le point d’être confrontés. Imaginez que le gouvernement ait mis en place un conseil tripartite, semblable au conseil du partenariat que le projet de loi C-50 propose de créer, qui l’aurait obligé à obtenir directement l’avis des pêcheurs, des travailleurs d’usine, des entreprises et des collectivités. Imaginez que le gouvernement ait été tenu d’élaborer un plan qui respecte les réalités vécues par ces groupes, et non les réalités perçues par les fonctionnaires à Ottawa. Imaginez que ces politiques aient été élaborées selon une approche ascendante et non descendante.

Chers collègues, je pense que nous pouvons imaginer cette réalité et que nous serions d’accord pour dire que les travailleurs, les entreprises et les collectivités dépendant de la pêche au poisson de fond dans le Canada atlantique auraient été avantagés, et non désavantagés, par l’adoption d’une mesure législative comme le projet de loi C-50.

Chers collègues, ce projet de loi est assez simple et direct dans son objectif et dans sa forme. Il vise à créer un cadre afin de déterminer les processus et les principes que suivra le gouvernement pour gérer une transition juste vers un avenir carboneutre. Il n’énumère pas les politiques et programmes qui seront mis en œuvre. Ceux-ci figureront plutôt dans le plan d’action pour des emplois durables que le gouvernement devra élaborer et rendre public tous les cinq ans aux termes de ce projet de loi, et ce, à partir de l’année prochaine.

Permettez-moi de prendre quelques instants pour expliquer le projet de loi plus en détail. Tout d’abord, il prévoit la création d’un conseil du partenariat pour des emplois durables. Comme l’indique clairement le projet de loi et à la suite d’une étude et d’une consultation approfondies, la composition du conseil repose sur une approche tripartite qui garantit un équilibre entre les représentants des groupes autochtones, des syndicats et de l’industrie. Le conseil serait tenu de tenir régulièrement des discussions significatives avec les Canadiens.

Les membres du conseil combinent ce qu’ils entendent, aux données, aux travaux de recherche et à leur propre expertise pour conseiller le gouvernement fédéral sur les meilleures orientations à prendre relativement aux politiques et aux mesures à adopter.

Deuxièmement, le projet de loi obligerait le gouvernement à publier un plan d’action transparent pour des emplois durables d’ici 2025, puis tous les cinq ans, en faisant un compte rendu des progrès réalisés et en s’engageant à prendre des mesures supplémentaires. Pour assurer une meilleure transparence et une meilleure reddition de comptes, des rapports d’étape devront être produits sur chaque plan d’action deux ans et demi après sa publication.

Troisièmement, le projet de loi exigerait que le gouvernement désigne un ministre responsable de la mise en œuvre de la loi. Ce ministre serait appuyé par d’autres ministres chargés de responsabilités précises dans le cadre du projet de loi. En effet, cette initiative nécessite la participation des ministres responsables du développement économique ainsi que des politiques sociales. Ils doivent collaborer pour favoriser la croissance économique et soutenir les travailleurs et les collectivités. Au besoin, ils collaboreront avec d’autres ministres pour que toutes les facettes de la question soient prises en compte. Cette exigence découle d’une des recommandations qui figurent dans le rapport du Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes. Cette recommandation part du principe qu’il n’y a pas de reddition de comptes sans un responsable désigné.

Enfin, le projet de loi prévoit aussi la création d’un secrétariat pour des emplois durables afin d’appuyer la mise en œuvre de la loi dans l’ensemble des entités fédérales, notamment en offrant un soutien pour les plans d’action et le conseil du partenariat, en mobilisant les provinces et les territoires et en servant de source de renseignements au sujet des programmes fédéraux, du financement fédéral et des services fédéraux aux travailleurs et aux employeurs.

Ensemble, ces éléments fondamentaux du projet de loi C-50 permettront aux travailleurs d’avoir leur voix au chapitre, tout comme l’industrie, les Autochtones et les experts sectoriels.

Les changements transformateurs de la nature du travail résultant non seulement des changements climatiques, mais aussi de l’intelligence artificielle et d’autres avancées technologiques, auront un effet profond sur les travailleurs. C’est une question de bon sens que le processus place les travailleurs au centre de l’élaboration d’un plan qui, d’abord, tient compte d’abord des difficultés auxquelles se heurtent les travailleurs et les communautés et qui, ensuite, développe des politiques réalistes pour atténuer les effets néfastes et, ce qui est tout aussi important, pour tirer parti des occasions que les nouvelles réalités du travail apporteront. C’est vraiment l’objet de la loi sur l’emploi durable.

Chers collègues, il s’agit d’une bonne mesure pour les travailleurs et leurs collectivités et c’est pourquoi le projet de loi doit être adopté.

Une fois qu’on a dépassé les aspects politiques de ce projet de loi, on réalise que les principales parties prenantes — les entreprises, les syndicats et les organisations autochtones et environnementales — l’appuient parce qu’il est nécessaire pour que les travailleurs et l’industrie puissent réussir dans un avenir carboneutre.

La présidente du Congrès du travail du Canada, qui représente plus de 3 millions de travailleurs, a déclaré :

Les travailleurs ont besoin que les choses bougent maintenant [...] Nous devons nous assurer que cette mesure législative est adoptée afin que toutes les parties — syndicats, entreprises et gouvernement — puissent s’asseoir à une table [...]

Patrick Campbell, le directeur canadien de l’Union internationale des opérateurs de machines lourdes, qui compte plus de 50 000 membres, a dit ce qui suit :

La Loi canadienne sur les emplois durables nous rapproche d’un avenir où les intérêts des travailleurs de l’énergie seront au cœur d’une économie sobre en carbone.

En plus des grands porte-parole nationaux, des organisations régionales ont aussi exprimé leur appui, y compris le président de la Fédération du travail de l’Alberta, qui demande aux gens d’aller au‑delà des discours tenus par les détracteurs et de lire le projet de loi. Il a dit :

Ce que les conservateurs disent [...] c’est que le projet de loi est un plan pour éliminer progressivement l’industrie du pétrole et du gaz [...] mais rien n’est plus loin de la vérité [...]

Il vit en Alberta. Il a ajouté ceci :

Le projet de loi C-50 vise à créer un cadre de discussion sur la diversification de notre économie afin que nous soyons prêts à faire la transition vers un avenir à faibles émissions de carbone. C’est une bonne mesure pour les travailleurs, les entrepreneurs et le pays.

C’est semblable à ce que le président du Business Council of Alberta a dit :

La loi sur les emplois durables représente une excellente occasion pour le Canada de façonner son avenir et de créer des emplois en fournissant les ressources dont la planète a besoin, y compris l’énergie, la nourriture et les minerais.

Les groupes de défense de l’environnement appuient également la mesure législative. Le directeur général de l’Institut Pembina a dit ce qui suit :

En réunissant les travailleurs et travailleuses, les entreprises, les peuples autochtones et les groupes environnementaux avec les gouvernements dans une action concertée, nous montrerons au monde que le Canada est prêt. L’adoption de la Loi sur les emplois durables et la mise à l’œuvre du nouveau Conseil du partenariat sur les emplois durables transmettra haut et fort le message suivant : le Canada est un excellent terrain d’investissement où la main-d’œuvre est incomparable et prête à accomplir la tâche.

Avant de conclure, chers collègues, je tiens à souligner que le projet de loi vise non seulement à atténuer les effets néfastes de la transition vers un avenir carboneutre, mais aussi à saisir les possibilités économiques que cet avenir nous réserve.

Pour réaliser un projet ou faire en sorte qu’une industrie demeure concurrentielle dans un monde en évolution, nous devons nous assurer que les investissements, les technologies, la réglementation et, bien sûr, la main-d’œuvre qualifiée sont bien coordonnés et prêts à agir. Si l’un de ces éléments n’est pas suffisamment disponible, il limitera arbitrairement la capacité du Canada à se développer et à devenir un chef de file alors que nous nous dirigeons vers le milieu du XXIe siècle.

En conclusion, honorables sénateurs, le projet de loi s’appuie sur les travaux du Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes et sur plus de deux ans de discussions approfondies avec les travailleurs et l’industrie, de coopération poussée entre de nombreux ministères et de collaboration efficace avec l’industrie, les provinces, les territoires, les organismes autochtones, la société civile et les spécialistes de l’environnement et du travail.

Il ne fait aucun doute que les politiques de décarbonation que des gouvernements adoptent partout dans le monde afin de respecter l’Accord de Paris auront un effet sur certains travailleurs du secteur des ressources naturelles.

Ce projet de loi ne vise pas à restreindre le développement énergétique ou à imposer une réduction des émissions, comme certains détracteurs voudraient vous le faire croire. Bien qu’il soit lié aux politiques de carboneutralité qui ont une incidence sur les émissions, il n’en fait pas partie. Il en est plutôt la conséquence. Autrement dit, il est l’envers de la médaille. Il a pour but d’aider les collectivités et les travailleurs non seulement à atténuer les effets indésirables de la carboneutralité, mais aussi à tirer parti des possibilités qu’elle offre.

C’est une approche et un projet de loi que je suis fier de parrainer aujourd’hui parce qu’il vise fondamentalement à aider les travailleurs à avoir voix au chapitre quand il est question de choisir notre avenir collectif, qui nécessite la décarbonation de nos économies si nous voulons survivre.

C’est pourquoi je vous demande, chers collègues, d’appuyer cette mesure législative, de soutenir les travailleurs canadiens et les collectivités où ils vivent ainsi que de soutenir la prochaine génération dans l’édification d’un pays plus durable et plus prospère. Merci beaucoup.

L’honorable Andrew Cardozo [ + ]

Le sénateur Yussuff accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Yussuff [ + ]

Oui.

Le sénateur Cardozo [ + ]

Je vous remercie. Comme vous l’avez mentionné, certaines personnes s’opposent au projet de loi, car elles craignent qu’il vise à éliminer progressivement le pétrole et le gaz. À la lumière de votre expérience avec le Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes et avec les intervenants de l’industrie du charbon, croyez-vous que les emplois des travailleurs après la transition seront comparables aux emplois qu’ils occupent actuellement? Selon ce qui est souvent rapporté, quand des travailleurs sont mis à pied, ils doivent accepter des emplois qui ne sont pas comparables — soit ils gagnent un salaire bien inférieur, soit ils sont dans des domaines complètement différents. Pensez‑vous que les travailleurs de l’industrie pétrolière et gazière pourront transférer leurs compétences dans d’autres domaines avec le temps?

Le sénateur Yussuff [ + ]

Je vous remercie de votre question. Selon mon expérience, la transition des travailleurs du secteur du charbon est toujours en cours. Elle n’est pas encore terminée. La Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick poursuivent le processus pour y arriver. Toutefois, dans certaines régions de l’Alberta qui ont éliminé progressivement la production d’électricité à partir du charbon, certains travailleurs ont pris leur retraite parce qu’ils y étaient admissibles. Certaines installations ont fait la transition du charbon au gaz naturel comme première étape dans le processus de décarbonation.

Les compétences de ces travailleurs sont évidemment très prisées. Si les travailleurs ont des compétences transférables, ils peuvent changer d’industrie. Il est possible que certains travailleurs aient besoin de mettre à jour leurs compétences pour changer d’emploi. Je vais citer le témoignage d’une personne du comté de Leduc qui a comparu dans le cadre de l’étude du projet de loi. Les gens du comté ont perdu un certain nombre de centrales au charbon et, bien sûr, la mine de charbon a dû fermer ses portes. En raison de la fermeture des centrales et de la mine de charbon, le comté a perdu quelque 400 travailleurs au cours de cette période. Cependant, les trois collectivités se sont réunies, ont créé 2 000 emplois et ont attiré de nouvelles industries pour les hommes et les femmes qui ont été touchés par la transition. Elles bâtissent un avenir encore plus prometteur et appuient la décarbonation de leurs collectivités.

Les travailleurs sont naturellement ambivalents lorsqu’ils doivent changer d’emploi. Je suis un produit de cette réalité. J’ai travaillé dans l’industrie automobile. À une époque, nous devions souder physiquement chaque pièce de métal pour assembler une voiture. De nos jours, il n’y a plus d’humains qui soudent les voitures; tout est fait par la robotique. La robotisation a supprimé la partie sale et dangereuse du travail, car ces activités n’étaient pas bonnes pour la santé. Toutefois, les travailleurs ont pu mettre à jour leurs compétences pour accomplir d’autres tâches dans les usines automobiles et ils continuent à fabriquer des voitures aujourd’hui. Nous apprécions l’industrie automobile. Elle est encore très dynamique.

Oui, il y aura des changements qui affecteront les travailleurs de manière fondamentale. Si nous aidons les travailleurs à comprendre les changements à venir, si nous les préparons à ce qu’ils peuvent espérer pour l’avenir ou à la manière dont ils pourraient adapter leurs compétences ou aux emplois qui seront disponibles, je pense que nous pourrons atteindre un objectif qui contribuera à construire une économie et à donner confiance aux travailleurs dans leurs collectivités afin qu’ils aient un avenir meilleur.

Il ne s’agira pas toujours du même emploi. Il peut s’agir d’un poste différent. Il pourrait s’agir d’un emploi mieux rémunéré. Il faut s’efforcer de comprendre ce que l’avenir nous réserve et de commencer à s’y préparer.

Je pense que de nombreuses compétences au sein de l’industrie vont connaître une transition. Ces travailleurs sont hautement qualifiés. Ils entrevoient surtout un avenir meilleur, mais ils veulent que leurs employeurs, leur syndicat et le gouvernement en fassent partie.

Bon nombre de ces travailleurs veulent rester dans leur propre collectivité. Ils ne veulent pas faire leurs valises et partir. Ils reconnaissent l’importance de construire une collectivité où l’on pourra garder l’assiette fiscale, en créant de nouveaux emplois qui peuvent amener de nouvelles industries dans leur collectivité. Ce que fait le comté de Leduc en Alberta en est un exemple. Il pourrait y en avoir d’autres, similaires.

L’honorable Diane Bellemare [ + ]

Honorables sénateurs, je tiens à préciser, avant de prononcer ce discours, que nous nous trouvons sur les terres ancestrales non cédées du peuple algonquin anishinabe.

Chers collègues, la transition en vue d’assurer la carboneutralité de notre économie est urgente pour la planète, mais elle l’est également pour protéger le niveau de vie des Canadiens et des Canadiennes et pour renverser la tendance à la baisse de notre niveau de vie par habitant. C’est une façon de prospérer que de faire le virage vers la carboneutralité.

L’objectif de ce projet de loi est toutefois très vaste et louable. Permettez-moi de citer l’article 3 du projet de loi, qui suit un long préambule :

La présente loi a pour objet, dans le cadre de la transition vers une économie carboneutre, de faciliter et de promouvoir la croissance économique, la création d’emplois durables et le soutien pour les travailleurs et les collectivités au Canada grâce à un cadre qui a pour but d’assurer la transparence, la responsabilité, la mobilisation et la prise de mesures par les entités fédérales concernées, notamment celles qui se consacrent, à l’échelle nationale et régionale, à des questions qui incluent le développement des compétences, le marché du travail, les droits fondamentaux au travail, le développement économique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Lorsque j’ai lu la première version de ce projet de loi en 2022, j’ai pensé qu’il s’agissait d’un grand comité sectoriel, dont l’objectif était le perfectionnement et le recyclage des employés du secteur pétrolier et gazier dans les provinces de l’Ouest. J’ai maintenant changé d’avis. Je le vois comme une initiative fédérale plus globale, ambitieuse et multisectorielle visant à remodeler de nombreux aspects de l’économie canadienne.

Je pense que le sénateur Yussuff l’a fort bien souligné en disant qu’il s’agit de beaucoup plus qu’un comité sectoriel; c’est une action entreprise pour changer l’économie du Canada.

Cela étant dit, au-delà des principes et des objectifs généreux décrits dans le préambule de ce projet de loi, voici comment je décrirais concrètement le ou les problèmes auxquels s’attaque le projet de loi C-50.

Le problème est, avant tout, d’aider tous les Canadiens et Canadiennes, qu’ils ou elles soient autochtones, racisés, vivant avec un handicap ou appartenant à la communauté 2ELGBTQI+, ceux et celles qui devront changer d’emploi pour un autre qui est conforme aux objectifs de carboneutralité auxquels le Canada s’est engagé à l’échelle internationale, et ce, tout en respectant un ensemble de principes.

L’honorable Denise Batters [ + ]

Sénatrice Bellemare, je crois vous avoir entendue dire dans votre discours — mais j’écoutais l’interprétation, alors je ne suis pas entièrement certaine — que votre bureau a effectué un sondage d’opinion sur certains aspects de ce projet de loi, notamment la formation ou quelque chose du genre.

Pourrez-vous nous donner plus de détails là-dessus? Si ce sondage a été financé à même le budget de votre bureau de sénatrice, pourriez-vous nous dire combien il a coûté?

La sénatrice Bellemare [ + ]

Merci de votre question, sénatrice Batters.

Le sondage a été effectué en décembre 2023, et il reprenait pratiquement les mêmes questions que le sondage que nous avions effectué en décembre 2019. Ces sondages ne portaient pas sur ce projet de loi ni sur aucun autre projet de loi. Ils portaient sur la perception que les Canadiens ont de leur emploi et de l’incidence de tous les changements. On demandait aux répondants si cela aurait une incidence sur leur emploi et s’ils craignaient de perdre leur emploi. Voilà le but principal de ce sondage.

Dans ce sondage, nous avons tenté de déterminer si les gens étaient disposés à suivre une formation et s’ils estimaient avoir besoin de formation. Les résultats ont été spectaculaires — la réponse était oui. Vous savez, tout le monde pense que les Canadiens ne veulent pas suivre de formations. C’est faux, car 50 % des Canadiens estiment avoir besoin de formation, et une proportion encore plus importante, 66 %, estiment avoir besoin d’améliorer leurs habiletés arithmétiques ou d’acquérir des compétences professionnelles. Voilà le genre de choses que nous avons tenté de déterminer, selon la province, l’âge et le sexe. Nous avons tenté d’obtenir plus de détails, mais les résultats ne sont pas concluants. Dans le premier sondage, nous avons tenté de savoir si les Canadiens seraient disposés à participer financièrement à un programme de formation, et les résultats obtenus étaient intéressants.

Si vous souhaitez en savoir plus, l’information se trouve sur mon site Web. Je pourrais vous communiquer les détails. Quoi qu’il en soit, le sondage ne se rapportait pas au projet de loi.

La sénatrice Batters [ + ]

J’aimerais revenir sur le sondage de décembre 2019 — il semble que vous ayez réalisé un sondage à partir de votre bureau du Sénat — et sur celui de décembre 2023. Quel a été le coût de ces deux sondages?

La sénatrice Bellemare [ + ]

Ils ont été approuvés par le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration. Je crois que vous avez personnellement demandé de voir le premier sondage et toutes les questions. Ils ont été effectués par Nanos et le coût s’est chiffré à environ 10 000 $.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Gignac, vous avez une question?

L’honorable Clément Gignac [ + ]

Comme vous le savez, le Québec est assez chatouilleux lorsqu’on parle de champs de compétence. La formation de la main-d’œuvre est, de toute évidence, de compétence provinciale. Le Québec a une empreinte carbone parmi les plus faibles. Pensez-vous qu’il faudrait que le gouvernement fédéral soit davantage ouvert à des dispositions de retrait avec pleine compensation? Ce projet de loi semble susciter un certain agacement chez le gouvernement du Québec par rapport au dédoublement des champs de compétence.

La sénatrice Bellemare [ + ]

Merci de votre question, sénateur Gignac. Tout d’abord, à l’heure actuelle, comme l’a très bien expliqué le sénateur Yussuff, ce projet de loi est un cadre de référence. Ce n’est pas un projet de loi avec des programmes particuliers. Il vise à établir un dialogue social pour tenter de comprendre comment on ferait la transition à l’échelle locale.

Dans le cadre de ce projet de loi, il y a des partenariats qui se font avec Statistique Canada, entre autres, pour connaître les données granulaires et les valider sur le plan local. On verra après; il y aura vraisemblablement des plans d’action qui seront mis en œuvre.

C’est la raison de ma critique : la mise en œuvre de ces plans d’action peut créer des frictions avec certaines provinces. Cela ne peut pas se faire en silo. Les pourvoyeurs de services sont de compétence provinciale.

Il y a peut-être des provinces plus petites avec lesquelles le gouvernement fédéral pourra bien manœuvrer, mais ce ne sera pas le cas avec toutes les provinces. C’est pour cette raison qu’il sera très important qu’il y ait aussi un dialogue social avec les provinces dans le cadre de ce projet de loi.

Il faut commencer quelque part. La beauté de la chose, c’est qu’il y aura du démarchage qui sera fait localement et qu’il y aura probablement des conversations qui se tiendront avec les provinces.

Toutefois, la transition est un exercice obligé. On ne peut pas passer à côté. Il faut commencer quelque part. Cela donnera peut‑être de bons résultats. Cependant, il faut garder l’esprit ouvert et reconnaître aussi qu’il y a des provinces.

Je vous remercie.

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-50, la Loi canadienne sur les emplois durables. Il s’agit d’un projet de loi attendu depuis longtemps qui permettra au Canada de disposer d’un cadre. Nous en sommes au niveau du cadre. Nous n’en sommes pas encore à créer des emplois ni aux détails des négociations avec les provinces. Il s’agit d’un cadre destiné à préparer la main-d’œuvre aux emplois d’une économie carboneutre. La transition est déjà là, que nous le voulions ou non.

Le projet de loi prévoit l’établissement du conseil du partenariat pour des emplois durables chargé d’engager un dialogue avec les travailleurs, l’industrie et les autres gouvernements. Le projet de loi exige le dépôt d’un plan d’action pour des emplois durables tous les cinq ans. Il crée également un secrétariat pour des emplois durables afin d’appuyer la mise en œuvre de la loi. Il s’agit simplement d’un cadre permettant au gouvernement de rendre des comptes alors que nous aidons les travailleurs à se reconvertir dans les emplois durables d’aujourd’hui et de demain.

Il s’agit d’une question urgente, en particulier pour le Canada, car nous sommes en retard. En tant qu’économie fondée sur les ressources naturelles, nous disposons d’un énorme potentiel économique pour faire progresser l’économie carboneutre grâce à l’extraction de minéraux essentiels et à la production d’énergie renouvelable et d’une économie circulaire durable. Pourtant, à l’heure actuelle, nous continuons à accroître nos investissements déjà disproportionnés dans les combustibles fossiles, qui contribuent à la crise climatique à l’origine d’événements météorologiques extrêmes et destructeurs.

Il y a quelques années, nous avons adopté la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité pour atteindre nos objectifs climatiques, mais, à ce jour, nous n’avons toujours pas de plan pour aider les travailleurs à prospérer dans cette nouvelle économie que nous sommes en train de bâtir. Ce projet de loi nous met sur la bonne voie.

Il ne s’agit pas seulement d’atteindre les objectifs climatiques que nous nous sommes fixés. Ce projet de loi est essentiel pour assurer la prospérité continue de notre pays. Certains détracteurs du projet de loi se sont dits inquiets du fait qu’il s’agit d’un stratagème visant à éliminer l’industrie des combustibles fossiles au Canada. Rien ne pourrait être plus faux. Ce n’est pas un gouvernement donné qui opère ce changement — et encore moins le gouvernement actuel, qui nous a acheté un oléoduc et qui continue d’accorder chaque année des milliards de dollars de subventions au secteur pétrolier et gazier, secteur qui affiche aujourd’hui des bénéfices records. En fait, ce sont les changements technologiques, la perturbation des marchés traditionnels et l’augmentation des coûts liés aux changements climatiques et à la nature — en raison des phénomènes météorologiques extrêmes — qui sont à l’origine de cette transition. Nous sommes en retard par rapport à nos pairs et à nos partenaires commerciaux. Nous devons rattraper notre retard.

Permettez-moi de vous expliquer : par rapport aux technologies des énergies renouvelables, un système énergétique axé sur les combustibles fossiles est extrêmement inefficace. Quand nous procédons à l’extraction des ressources énergétiques, mais que nous les raffinons ailleurs en Amérique du Nord plutôt qu’au Canada, et que nous assurons le transport de ces ressources précieuses, elles perdent presque les deux tiers de leur énergie potentielle initiale en cours de route, notamment sur le plan de la génération, de la transmission et de la livraison d’électricité. En effet, les énergies renouvelables sont deux à trois fois plus efficaces pour la génération d’électricité, une fois et demie plus efficaces pour la livraison d’électricité, trois à quatre fois plus efficaces pour le chauffage et deux à quatre fois plus efficaces que les véhicules équipés de moteurs à combustion. À ce stade, chers collègues, il doit vous sembler évident qu’une économie fondée sur les combustibles fossiles provoque une inflation à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement.

Nous avons déjà vu des révolutions industrielles. Nous devons adopter des technologies plus efficaces, plus propres, moins chères et plus sûres. Nous l’avons fait par le passé. Résister n’est pas un choix intelligent. Chers collègues, dois-je rappeler l’évidence? La civilisation n’est pas sortie de l’âge de la pierre en raison d’un manque de pierres, mais bien parce qu’elle avait gagné en efficacité. Le Canada est en retard sur ses pairs en termes de productivité et de compétitivité. Ce n’est pas auprès des défenseurs des technologies polluantes du passé que nous entendrons la solution à ce problème. Nous devons écouter les experts. Nous devons écouter les scientifiques.

L’Agence internationale de l’énergie a récemment publié son rapport annuel sur le pétrole et le gaz. Elle a prédit que le monde verra un excédent sans précédent de capacité d’approvisionnement à l’échelle mondiale, dépassant la croissance de la demande de 8 millions de barils par jour d’ici 2030. Selon les prévisions, la demande mondiale de pétrole devrait plafonner d’ici 2030, même en Chine, ce qui marquera le début d’une période où les prix seront plus bas. Selon l’Institut canadien de recherche énergétique, le secteur des combustibles fossiles du Canada fait piètre figure dans un scénario de marché où les prix sont bas — et je vous mets au défi de vous remémorer la dernière fois que le baril de pétrole coûtait 100 $ —, ce qui conduira à une baisse de l’emploi et de la rémunération des employés, des profits et des recettes fiscales.

Chers collègues, qu’on le veuille ou non, notre secteur des combustibles fossiles ne portera pas notre économie au cours des prochaines décennies. Si nous essayons activement de maintenir le Canada dans l’économie du passé et d’empêcher le pays de passer aux énergies renouvelables, on se souviendra de nous comme de la génération de parlementaires qui avons fermé la porte aux énormes possibilités économiques qui découleront de la transition énergétique mondiale.

Nous avons besoin d’un cadre législatif pour nous équiper d’une main-d’œuvre capable de faire du Canada un leader mondial en énergie propre. Cela étant dit, le projet de loi proposé par le gouvernement est une première étape en vue d’assurer la transition des travailleurs.

Soit dit en passant, en tant qu’ingénieure civile spécialisée dans le domaine de l’environnement, j’ai enseigné à des ingénieurs ces 20 dernières années que nous étions dans la période de transition. Cependant, nous n’y étions pas. Qu’est-il advenu de tous ces formidables ingénieurs que nous avons formés pour la transition? Ils sont allés ailleurs. J’ai entendu mon collègue parler de la formation de techniciens et d’ingénieurs. Nous en avons formé, mais, malheureusement, ils sont partis parce qu’il n’y avait pas d’emplois durables.

Au cours de l’étude au comité de l’autre endroit, les députés ont apporté des changements importants au projet de loi, notamment l’inclusion d’une définition du terme « emplois durables », qui est un ajout important qui assurera que ces derniers soient, effectivement, des emplois qui contribueront à la transition énergétique.

Les députés ont également précisé la composition du Conseil du partenariat, assurant ainsi la représentation des syndicats, de l’industrie, d’un organisme environnemental et des peuples autochtones. Ceux-ci auront également la tâche de conseiller le ministre responsable sur des domaines de coopération avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et avec d’autres gouvernements au Canada. Ces ajouts sont importants pour reconnaître le rôle des provinces et des territoires dans le domaine de la main-d’œuvre. Je suis tout à fait d’accord avec ma collègue la sénatrice Bellemare pour dire que tout ce beau plan ne réussira pas sans l’intervention des provinces, mais surtout celle des municipalités. Toutefois, il y aura d’autres défis qu’il faudra relever.

Lors de notre propre étude au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, nous avons entendu d’importantes préoccupations et avons soumis plusieurs observations. Tout d’abord, tous les ordres de gouvernement doivent écouter attentivement les communautés touchées par la transition, en particulier celles qui le sont le plus durement, afin d’adapter leurs programmes et leurs investissements aux priorités de ces communautés, que ce soit en matière d’éducation, de développement des compétences ou pour d’autres besoins.

Dans cette période de transition, il est important que nous aidions toutes les communautés à s’épanouir et à prospérer. Plus particulièrement, le comité encourage l’éventuel Conseil du partenariat à concentrer ses travaux sur le soutien aux peuples autochtones ainsi qu’aux communautés rurales et éloignées, afin qu’elles puissent tirer parti de la transition vers l’énergie propre.

Il est important de noter également que plusieurs membres du comité ont soulevé l’importance de s’engager auprès des travailleurs non syndiqués, ce que le projet de loi n’aborde pas explicitement. En 2019, Statistique Canada confirmait que plus de 70 % des employés canadiens ne sont pas syndiqués.

Il serait donc déraisonnable d’ignorer les besoins d’une si grande proportion de la main-d’œuvre au Canada.

Chers collègues, le projet de loi C-50 a reçu un large soutien de la part de travailleurs aux quatre coins du pays, y compris de régions qui ont fortement investi dans les combustibles fossiles. En fin de compte, les travailleurs veulent de bons emplois durables qui leur permettent de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Le marché mondial de l’énergie évolue en même temps que les emplois dans le secteur de l’énergie. Nous devons le reconnaître et mettre en place un plan pour mobiliser la main-d’œuvre extrêmement qualifiée du Canada pour qu’elle occupe les emplois qui nous mèneront jusqu’en 2050 et au-delà.

J’aimerais conclure sur ce point : le projet de loi C-50 n’est qu’un élément, bien que nécessaire, de la transition vers une économie carboneutre. Comme nous le savons, nous devons prendre toute une série de mesures si nous voulons réussir dans le contexte concurrentiel mondial. Les économistes préconisent la tarification de la pollution. La grande majorité des Canadiens s’attendent à ce qu’on applique le droit à un environnement sain. Le plan de lutte contre les changements climatiques du Canada présente encore des lacunes majeures. Il faut que le secteur financier intensifie ses efforts pour concrétiser les changements nécessaires.

Bien qu’il soit essentiel de former une main-d’œuvre qualifiée, nous devons également faciliter les investissements dans le secteur des énergies propres et renouvelables si nous voulons créer un secteur solide qui offrira aux travailleurs des emplois stables et bien rémunérés. Il nous faut une taxonomie pour informer les investisseurs des projets souhaités, ce que plus de 40 pays et régions ont déjà fait — là encore, nous sommes en retard — y compris l’Union européenne, la Chine, le Mexique, la Russie et les pays de l’ANASE. Nous avons également besoin de lignes directrices plus strictes pour le secteur financier, ce que j’ai proposé et que de nombreux pays et experts du monde entier souhaitent également. Ce n’est que lorsque le secteur financier sera aligné sur nos engagements en matière de climat que les autres secteurs — l’énergie, la construction, le bâtiment, les transports, les infrastructures, la santé — créeront les emplois durables dont il est question dans le projet de loi C-50.

Ce n’est qu’en intégrant tous ces éléments dans une démarche globale visant la carboneutralité et en travaillant ensemble à la réalisation de cet objectif commun que nous atteindrons nos cibles climatiques tout en continuant de prospérer.

Chers collègues, je vous exhorte à appuyer le projet de loi C-50 afin que la main-d’œuvre canadienne soit mieux positionnée aujourd’hui et dans les générations à venir. Merci, meegwetch.

L’honorable Paula Simons [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-50, Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre, et je vous parle ce soir en tant qu’Albertaine. L’Alberta possède 97 % des ressources pétrolières du Canada. Plus de 20 % du produit intérieur brut de notre province est lié à notre industrie pétrolière et gazière, et notre secteur de l’énergie emploie plus de 150 000 travailleurs.

La transition vers une autre base économique ne sera ni facile ni indolore, mais la plupart des Albertains savent et comprennent qu’une telle transition sera nécessaire pour des motifs environnementaux, économiques et sociaux. Les jeunes Albertains, en particulier, savent que l’industrie de l’énergie qui employait leurs parents et leurs grands-parents aura un tout autre aspect en 2050.

Les Albertains ont déjà pris des décisions difficiles et courageuses dans le but de remodeler leur économie de l’énergie, qui emploie tellement de personnes et offre de si bons salaires. Permettez-moi de souligner la manière audacieuse, courageuse et difficile dont l’Alberta a fait la transition de la production d’électricité à partir du charbon vers une production plus propre, plus verte.

Au début du siècle, 80 % de l’électricité de l’Alberta provenait de la combustion du charbon. Le charbon albertain était peu coûteux et abondant, et avait la réputation d’être plus propre, moins acide et moins dommageable pour l’environnement que d’autres charbons.

Toutefois, en 2015, quand Rachel Notley est devenue première ministre de la province, elle a fait un choix avant-gardiste — certains l’ont qualifié de donquichottesque — pour accélérer le passage de l’Alberta à d’autres formes de production d’électricité. Ce fut difficile. De nombreux travailleurs de l’industrie du charbon ont perdu leur emploi. En outre, on pourrait soutenir que cette politique est en grande partie responsable du fait que Rachel Notley a également perdu son poste de première ministre de la province.

Personne ne devrait minimiser le sacrifice consenti par les familles de travailleurs albertains, ni le coût politique pour le gouvernement néo-démocrate, qui n’a accompli qu’un seul mandat. Toutefois, regardez les résultats : au début de 2024, seulement 6 % de l’électricité de l’Alberta étaient produites à partir de la combustion du charbon, contre 80 % en 2001. De plus, je suis heureuse et fière de dire qu’hier soir, dimanche, à 22 h 57, heure avancée des Rocheuses, la dernière centrale au charbon de l’Alberta, Genesee 2, a été mise hors service. À partir d’aujourd’hui, il n’y a plus d’électricité produite à partir du charbon en Alberta.

Permettez-moi de mettre en contexte ces deux dernières centrales au charbon, Genesee 1 et 2. Elles sont exploitées par Capital Power, et le passage du charbon au gaz naturel produira plus de 1 350 mégawatts d’électricité de base fiable, tout en réduisant les émissions de CO2 de 3,4 millions de tonnes par rapport à 2019. C’est donc dire qu’on réduit les émissions de gaz à effet de serre de 60 % tout en augmentant la puissance installée de 40 %. Un autre avantage selon Capital Power, c’est que la grande efficacité des nouvelles unités permettra de retrancher un autre million de tonnes d’émissions. Et tout cela s’est fait six ans et demi plus tôt que prévu.

Il est donc clair que l’Alberta et les Albertains peuvent réussir une transition de ce genre quand ils s’y emploient. Nous savons qu’il nous reste du travail à faire, surtout du côté des énergies renouvelables, qui représentent maintenant 30 % du réseau électrique de l’Alberta.

Selon l’Association canadienne de l’énergie renouvelable, 98 % de la croissance de l’énergie éolienne et solaire au Canada en 2022 a eu lieu dans l’Ouest canadien; en un an, l’Alberta a alors ajouté près de 1 400 mégawatts de puissance installée. L’an dernier seulement, le secteur de l’énergie renouvelable de l’Alberta a compté pour 92 % de la croissance des énergies renouvelables et de la capacité de stockage au Canada. Selon l’Institut Pembina, ce résultat de l’Alberta est fondé sur 118 projets d’énergie renouvelable qui représentent 33 milliards de dollars d’investissements. C’est donc dire que, selon l’Institut Pembina, les projets d’énergie verte à divers stades de développement représentaient 24 000 années d’emploi.

Je dois reconnaître que les restrictions aussi absurdes que draconiennes que le gouvernement de Danielle Smith a imposées récemment à l’égard des investissements dans l’énergie éolienne et solaire en Alberta posent problème, mais, malgré cela, les marchés financiers nous indiquent que l’énergie éolienne et l’énergie solaire ont un rôle énorme à jouer dans l’avenir énergétique de l’Alberta et du Canada, ce qui veut dire que ces secteurs offrent non seulement des sources d’énergie durables, mais aussi des emplois durables.

Cependant, il y a un nouveau joueur important en Alberta, et je ne parle pas d’un joueur des Oilers, même si l’équipe joue très bien. Je parle plutôt du secteur de l’hydrogène. Je n’invente rien. Il y a déjà des projets en cours en Alberta pour remplacer le diésel par l’hydrogène pour alimenter les autobus, les trains et l’équipement lourd, ainsi que pour transformer les centrales au gaz naturel en centrales à l’hydrogène, pour chauffer de nouveaux quartiers à l’hydrogène, et pour utiliser l’hydrogène dans toutes sortes de procédés industriels. Amorcer une véritable transition vers l’hydrogène vert et l’hydrogène bleu présente un énorme potentiel sur le plan économique et en matière d’emploi, ainsi que sur le plan des gains environnementaux.

Par ailleurs, le secteur de l’énergie n’est pas le seul à pouvoir offrir des emplois durables en Alberta. L’Alberta et la Saskatchewan sont tout à fait en mesure de devenir de grandes puissances dans la production agroalimentaire afin de pouvoir non seulement exporter leur moutarde, leurs lentilles et leur blé dur, mais aussi transformer leurs cultures en produits à valeur ajoutée de manière à créer de nouveaux marchés nationaux et internationaux pour des aliments transformés à partir de diverses cultures comme la camerise ou la graine de lupin.

Il y a ensuite la possibilité passionnante de convertir les sables bitumineux de l’Alberta. Au lieu de brûler ce bitume comme carburant, supposons que nous l’utilisions pour créer des fibres de carbone solides et légères qui seraient utilisées pour fabriquer toutes sortes de choses, allant des avions aux pièces automobiles, en passant par les équipements sportifs et les vêtements de protection. Avec la bonne combinaison d’investissements publics et privés, nous pourrions être en mesure de transformer nos réserves de bitume en un secteur manufacturier, un tout nouveau type de moteur économique durable.

La transition des transports offre également des emplois durables. L’Alberta cherche activement des plans pour créer un réseau ferroviaire qui relierait Calgary à Banff et un plan encore plus ambitieux de réseau ferroviaire à grande vitesse qui relierait Edmonton à Calgary.

Ces projets sont restés des chimères pendant des années. Cependant, comme notre population augmente et la pression sociale et commerciale en faveur de l’abandon des transports à forte intensité carbonique s’accroît, le moment est peut-être enfin venu de commencer à agir pour faire de ces rêves une réalité, en créant des emplois dans le secteur de la construction ferroviaire à une échelle que nous n’avons pas connue depuis la pose du dernier crampon et en créant des infrastructures pour les transports à faible intensité carbonique qui pourraient réduire radicalement le nombre de voitures sur les autoroutes de l’Alberta et le nombre d’avions qui volent entre Edmonton et Calgary.

La transition vers une économie plus sobre en carbone, offrant des emplois durables bien rémunérés pour tous les types de travailleurs est donc loin d’être impossible. Elle n’est certainement pas plus impossible qu’une victoire de huit à un contre les Panthers de la Floride.

C’est l’avenir que l’Alberta et le Canada doivent embrasser et je crois que les Albertains ont le courage et la volonté de faire cette transition, mais j’ai du mal à voir comment le projet de loi C-50 y contribue.

Le projet de loi C-50 ne prévoit pas un investissement plus important dans la recherche et le développement. Il ne prévoit pas un sou pour le recyclage professionnel ni l’éducation postsecondaire. Il n’investit pas dans les technologies propres, l’agroalimentaire ou les infrastructures de transport. Il ne fait rien pour encourager l’investissement et n’offre aux marchés des capitaux aucune assurance tangible que nous sommes vraiment sérieux cette fois-ci, enfin, au sujet de l’atteinte de nos objectifs en matière de changements climatiques. Et il ne fait rien pour rassembler les Canadiens dans un but commun, celui de lutter pour notre avenir.

Le projet de loi établit plutôt un cadre pour la création d’un conseil chargé d’organiser un dialogue social afin de permettre à un secrétariat de créer un plan d’action, le tout soumis à un examen décennal. Le projet de loi C-50 créera-t-il des emplois? Eh bien, il créera certainement des emplois pour les 15 membres du Conseil du partenariat pour des emplois durables, et qui sait combien d’emplois de plus pour les membres du Secrétariat pour des emplois durables.

Je crains que ce ne soit là un exemple de projet de loi gouvernemental qui suscite le plus de cynisme. À une époque où nous avons désespérément besoin de lutter contre les gaz à effet de serre, le projet de loi C-50 n’est guère plus que du vent. Comme on dit en Alberta : « Ça manque de viande. »

Ce projet de loi ne fait rien pour rassurer les Canadiens de l’Ouest qui sont inquiets de leur avenir économique, à juste raison. Ces mesures législatives ne feront rien pour qu’ils se sentent inclus et entendus ou encore que leurs espoirs et leurs rêves soient soutenus. Au lieu de cela, je crains fortement qu’ils considèrent qu’il s’agit d’une provocation, voire d’une insulte. Ce projet de loi viendrait alimenter le feu réactionnaire des séparatistes dans ma province, qui sont très heureux de monter les Albertains contre leurs concitoyens du reste du Canada.

Mes amis, le temps des cadres, des conseils, des plans d’action et des rapports sur les progrès réalisés en 10 ans est révolu. Il est temps d’agir. Si nous voulons une transition économique qui ne laisse pas les travailleurs à eux-mêmes, nous devons investir dans la recherche-développement dès maintenant, pas dans 10 ans. Maintenant.

Si nous voulons une transition économique qui ne laisse pas tomber les travailleurs, il faut dire aux marchés des capitaux que nous sommes sérieux, qu’investir au Canada et en Alberta est sûr et futé, que nous n’allons pas leur couper l’herbe sous le pied en changeant soudainement de politique et en les laissant en plan. Il faut investir dans les collèges, les instituts techniques et les universités afin que les travailleurs soient prêts à occuper les emplois de demain. Il faut investir dans des infrastructures vertes, des usines d’hydrogène jusqu’aux lignes ferroviaires pour le transport de passagers. Il faut des incitatifs fiscaux et de politiques fiscales qui récompensent l’innovation et l’entrepreneuriat écologique. Enfin et surtout, il faut que les gouvernements fédéral et provinciaux travaillent ensemble, et non les uns contre les autres, pour le bien de tous les Canadiens.

Merci. Hiy hiy.

L’honorable David M. Wells [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture en tant que porte-parole responsable du projet de loi C-50, Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre. Le titre abrégé est « Loi canadienne sur les emplois durables », mais de nombreux témoins du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, en particulier ceux du mouvement environnemental, ont qualifié le projet de loi de « Loi sur la transition équitable ». En fait, le parrain du projet de loi, le sénateur Yussuff, y a fait référence quatre fois dans son discours il y a peu. C’était le nom du projet de loi avant que celui-ci ne suscite un tollé et que le gouvernement en change le titre — pas le contenu, chers collègues; seulement le titre. N’oubliez pas que ce projet de loi n’est pas parrainé par le ministre du Travail. Il est parrainé par le ministre des Ressources naturelles.

Tout d’abord, je tiens à remercier mes collègues du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles et du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie pour leur étude du projet de loi.

Au Comité de l’énergie, il y a deux semaines, nous avons entendu le ministre du Travail, Seamus O’Regan. Durant son témoignage, le ministre a essayé d’éviter de parler de ce qui se trouve vraiment dans la mesure législative. Plus précisément, je l’ai interrogé sur les éléments du projet de loi C-50 relatifs à la formation et la formation d’appoint. Le ministre m’a coupé la parole à plusieurs reprises jusqu’à ce que notre collègue, la sénatrice McCallum, intervienne pour lui rappeler l’importance du décorum dans les comités sénatoriaux. La présidence a donné des instructions au témoin en conséquence, et je tiens à remercier la sénatrice McCallum et la sénatrice Verner, qui occupait le fauteuil, de m’avoir permis de repartir à zéro.

Après plusieurs tentatives pour poser ma question sur la formation et la formation d’appoint, qui constituent l’essence du projet de loi, le ministre a soutenu que le projet de loi ne mentionnait pas du tout la formation. Voici ce qu’a dit le ministre O’Regan :

J’examine le projet de loi C -50. Il n’est pas question de formation, ni d’une table où les travailleurs peuvent s’exprimer. Il n’y a aucune mention de formation.

Chers collègues, le mot « formation » apparaît 6 fois dans le projet de loi et 78 fois dans la note d’information préparée par les fonctionnaires de Ressources naturelles Canada à l’intention du ministre.

Le sénateur Wells [ + ]

Peu importe la façon dont ils ont rebaptisé le projet de loi, l’essence de celui-ci demeure. Cependant, le ministre du Travail, qui représente Terre-Neuve-et-Labrador, a évité de discuter de l’objectif du projet de loi, soit la seule raison pour laquelle il a été invité à témoigner au comité.

En réalité, ce projet de loi vise à mettre en place un programme de formation et de recyclage des travailleurs de l’industrie pétrolière et gazière, au détriment des emplois durables et bien rémunérés actuels. En outre, chers collègues, le ministre O’Regan a été contredit par son collègue, l’honorable Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles, qui a comparu devant le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et qui a ouvertement parlé de l’objectif du projet de loi en déclarant qu’il s’agissait de former et de recycler les travailleurs du secteur pétrolier et gazier pendant la période de transition vers des secteurs énergétiques à plus faible émission de gaz à effet de serre.

Les fonctionnaires de Ressources naturelles Canada eux-mêmes ont ensuite contredit l’affirmation du ministre O’Regan selon laquelle le projet de loi C-50 ne concerne pas la formation, et je cite à nouveau :

Je n’aime pas contredire un ministre, mais il est question de formation dans ce projet de loi. Je vous renvoie à l’énoncé de l’objet du projet de loi. L’objectif est triple. Il s’agit de promouvoir un développement économique à faibles émissions de carbone, de promouvoir le perfectionnement des travailleurs et de soutenir les collectivités et les travailleurs qui sont touchés par la transition.

Le fait que le ministre des Ressources naturelles et un fonctionnaire de Ressources naturelles Canada contredisent le ministre du Travail soulève des questions et des incertitudes pour moi, mais confirme également les préoccupations exprimées par les divers témoins que nous avons entendus en comité.

Tant l’Indigenous Resource Network qu’Électricité Canada ont fourni d’autres témoignages préoccupants lors de la séance du 4 juin du Comité de l’énergie. La déclaration préliminaire de John Desjarlais, le représentant de l’Indigenous Resource Network, est claire. Je le cite :

Nous suivons les initiatives du gouvernement en matière de transition équitable ou d’emplois durables depuis qu’elles ont été annoncées. En toute honnêteté, nos membres ont exprimé des doutes et des inquiétudes. On a l’impression que le gouvernement fédéral n’est pas du même côté que ceux qui travaillent dans le secteur pétrolier et gazier en particulier. Les travailleurs et les entreprises autochtones du secteur pétrolier et gazier se sentent souvent vilipendés, même s’ils fournissent un service et un produit importants dont tout le monde dépend au bout du compte.

Chers collègues, de nombreux points sont à retenir dans la déclaration de M. Desjarlais. Le fait que des travailleurs canadiens s’inquiètent et redoutent l’action du gouvernement est préoccupant. En fait, cela ne devrait pas se produire. Aucun Canadien ne devrait s’en aller au travail le matin en se demandant avec inquiétude s’il aura un emploi demain, le mois prochain ou l’année prochaine, surtout s’il y a une politique organisée et soutenue de son gouvernement en ce sens. Les Canadiens doivent savoir que tous les ordres de gouvernement appuient leur industrie, appuient leur travail et cessent de donner une image déformée d’un secteur qui fait littéralement tourner l’économie.

M. Desjarlais a également parlé de la parité, ou de la quasi-parité, des travailleurs autochtones grâce aux partenariats avec l’industrie pétrolière et gazière. L’écart salarial s’est refermé grâce à de nombreux partenariats qui donnent des moyens d’agir aux communautés, aux entreprises et aux travailleurs autochtones. En fait, en 2021, les travailleurs autochtones de l’industrie pétrolière et gazière en amont ont touché un salaire hebdomadaire moyen supérieur de 2,2 % à celui du travailleur canadien moyen du secteur pétrolier et gazier. Selon Statistique Canada, le secteur pétrolier et gazier offre les salaires les plus élevés au Canada pour les travailleurs autochtones — trois fois plus que la moyenne —, soit 140 000 $ par an. C’est ce qui soutient leurs communautés et leur croissance tout en donnant, et ce n’est pas un hasard, un sens à la réconciliation.

Or, dès que cette parité a été atteinte, le gouvernement a mis en place des mesures pour la faire disparaître, ce qui inquiète réellement les communautés autochtones, comme l’a souligné M. Desjarlais :

Les travailleurs craignent de plus en plus qu’on les invite à faire la transition peu après avoir obtenu la parité salariale et commencé à participer aux résultats des entreprises, ce qui les obligerait à recommencer une transition, voire tout le processus. Dans beaucoup d’entreprises qui réussissent dans l’industrie, de gros efforts ont été investis. Plusieurs d’entre elles se demandent pourquoi elles doivent recommencer à se positionner et à se réorienter alors qu’elles se portent bien et qu’elles procurent des moyens de subsistance aux travailleurs. Nos collectivités sont très actives dans l’industrie, et il y a donc beaucoup d’inquiétudes.

Chers collègues, ces préoccupations sont sérieuses, et il faut y répondre.

Francis Bradley, président-directeur général d’Électricité Canada, a également parlé de l’une des conséquences potentielles de la transition équitable : l’augmentation du prix de l’électricité.

Bien qu’il soit difficile de chiffrer le coût du projet de loi C-50, le témoignage de M. Bradley nous rappelle qui paiera pour la transition équitable. Chers collègues, c’est nous tous qui devrons payer.

Comme pour la taxe sur le carbone, toutes les activités quotidiennes des Canadiens seront touchées et deviendront plus coûteuses. Comme l’a souligné M. Bradley au comité, le Canada devra doubler la taille de son réseau électrique pour suivre le rythme de l’électrification et de la décarbonation dans tous les secteurs, ce qui entraîne des dépenses. Comme la population canadienne est en croissance, passer à l’électricité pour assurer nos transports et notre confort ne sera pas bon marché.

Le Comité de l’énergie a également pris connaissance des réserves exprimées au sujet de l’incidence du projet de loi sur la capacité concurrentielle. Le projet de loi rendra le Canada moins attrayant pour les investisseurs, ceux-là mêmes qui financeraient la création d’emplois durables. Je suis d’accord avec la sénatrice Galvez, qui a déclaré au comité qu’il faut d’abord créer des emplois. Pour créer ces emplois, il faut des investissements du secteur privé. Malheureusement, le projet de loi C-50 ne prévoit rien sur le plan de la concurrence. Shannon Joseph, présidente d’Energy for a Secure Future, a déclaré ceci dans ses observations préliminaires :

Afin d’atteindre les objectifs exprimés dans le projet de loi, les entreprises doivent d’abord décider de dépenser leur argent au Canada afin de moderniser leurs installations et d’investir dans l’innovation. Elles n’agiront de la sorte que si elles peuvent répondre de manière satisfaisante aux questions suivantes : allons-nous pouvoir récupérer l’argent dépensé et réaliser des profits? Combien nous faudra-t-il de temps pour y parvenir?

Par conséquent, ce projet de loi doit accorder la priorité aux mesures contribuant à attirer des investissements au Canada, car c’est de là que proviennent les emplois durables.

Notre réglementation est-elle efficace? L’énergie est-elle abordable au Canada? Comment cela changera-t-il au fil des ans afin que le Canada demeure un endroit propice aux secteurs de l’exploitation des ressources naturelles, manufacturier et agricole, entre autres?

Vous m’avez entendu dire la même chose lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture. Le gouvernement dit qu’il souhaite tirer parti des débouchés liés à la transition vers la carboneutralité d’ici 2050. Il est toutefois essentiel que nous connaissions la nature de ces débouchés et où ils se matérialiseront.

Des emplois doivent attendre les travailleurs à la fin de leur formation, et ce, au bon moment et au bon endroit. Comme bon nombre des emplois dans le secteur pétrolier et gazier sont situés à l’extérieur des grands centres urbains, cela pourrait bien entraîner la migration de Canadiens loin des collectivités rurales du Canada atlantique et de l’Ouest canadien.

Vous vous souvenez peut-être, chers collègues, le processus accéléré d’élimination du charbon qu’avait imposé le gouvernement. En novembre 2016, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’accélérer l’élimination des centrales électriques traditionnelles alimentées au charbon au Canada d’ici 2030. Cette décision entraînait des conséquences pour des travailleurs et des collectivités de quatre provinces : l’Alberta, la Saskatchewan, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. C’était — et c’est encore — une tentative pour imposer une transition équitable aux travailleurs du charbon. Tout a commencé par une série de recommandations proposées par un groupe de travail, au sein duquel notre collègue et parrain du projet de loi C-50, le sénateur Yussuff, avait travaillé, notamment en faisant valoir son point de vue.

Selon le Bureau du vérificateur général, le gouvernement a laissé tomber les travailleurs et les collectivités qui étaient appelés à délaisser l’industrie du charbon. Comme le dit le rapport, à la page 5 :

Même si le gouvernement avait désigné Ressources naturelles Canada à titre de ministère responsable de la présentation d’une loi sur la transition équitable en 2019, le Ministère a peu fait à ce sujet avant 2021. Il n’a pas établi de structure de gouvernance qui aurait défini les rôles, responsabilités et obligations redditionnelles à cet égard au sein du gouvernement fédéral. Il n’a pas non plus établi un plan de mise en œuvre de la transition adapté à une diversité de travailleuses et de travailleurs, de situations géographiques et de parties prenantes fédérales et autres.

L’enquête a révélé qu’il n’y avait aucun plan de mise en œuvre fédéral, aucune structure de gouvernance formelle et aucun système de mesure et de suivi. Selon le rapport, les programmes et les prestations du gouvernement fédéral ne permettaient pas d’assurer une transition équitable pour les travailleurs du charbon. Ces derniers ont obtenu les mesures de soutien habituelles, car Emploi et Développement social Canada a eu recours à des programmes réguliers pour soutenir les travailleurs du charbon ainsi qu’à des mesures de soutien pour les collectivités qui n’avaient pas été conçues pour leur assurer une transition équitable. Par ailleurs, les recommandations du groupe de travail n’ont pas toutes été mises en place, et il n’y a pas eu suffisamment d’évaluations des résultats, de suivis et de rapports.

Je suis inquiet, chers collègues, et vous devriez l’être aussi, car la transition équitable pour les travailleurs du charbon pourrait très bien être l’ébauche du projet de loi actuel du gouvernement. Nous devons avoir une discussion approfondie afin d’éviter les pièges de ces anciennes initiatives. Il reste encore du chemin à faire.

Chers collègues, j’attire votre attention sur ces points parce que si nous y regardons de plus près et si nous creusons davantage, nous pouvons faire mieux pour les Canadiens que le modèle utilisé par le Groupe de travail sur une transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon.

En ce qui concerne l’extraction des ressources naturelles, le secteur pétrolier et gazier, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la création d’emplois et les investissements du secteur privé au pays, les Canadiens méritent un gouvernement qui mène une démarche sérieuse. Je le répète, nous n’y sommes pas encore, et certainement pas avec ce projet de loi.

M. Desjarlais, du Indigenous Resource Network, a très bien résumé la situation lors de sa comparution devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles :

Je n’ai rien contre les mesures législatives qui visent à former des gens pour des emplois verts ou à créer de nouvelles possibilités économiques dans nos territoires. En fait, bon nombre des compétences sont les mêmes, qu’il s’agisse de l’extraction de l’uranium pour l’énergie nucléaire et du cuivre pour l’électrification, ou de la construction de pipelines pour le captage du carbone ou pour l’hydrogène.

Mais nous avons de très bonnes raisons de nous attendre à ce que les emplois liés à l’installation de panneaux solaires ou d’éoliennes ne soient pas aussi bien rémunérés que les emplois liés au pétrole et au gaz. Les membres de l’[Indigenous Resource Network] ne veulent pas quitter ces emplois tant qu’il y aura une demande pour ce produit.

Je suis d’accord avec M. Desjarlais. Ses craintes sont justifiées. Selon le rapport de la vérificatrice générale sur la transition équitable vers l’élimination du carbone, Emploi et Développement social Canada n’a pas protégé adéquatement la rémunération des travailleurs du charbon, puisqu’il n’a pas mis en œuvre la prestation de soutien à la formation d’assurance-emploi conformément à la recommandation et tel qu’il était chargé de le faire. Il s’est plutôt fié à des prestations d’assurance-emploi désuètes, qui étaient insuffisantes. De plus, chers collègues, le gouvernement n’a pas été en mesure de démontrer comment il avait protégé les retraites des travailleurs touchés.

Par conséquent, tant qu’il existe une demande pour le produit, le gouvernement ne devrait pas imposer une transition aux travailleurs s’il existe une offre et un marché, et c’est le cas. S’il est réglementé de manière responsable — et il l’est —, il doit être dirigé par le marché, et non par le gouvernement. Le gouvernement ne devrait pas prendre des mesures pour supprimer des emplois bien rémunérés — les plus rémunérateurs pour les travailleurs autochtones — dans le but de réduire notre part de 1,5 % des émissions mondiales de CO2. Bien sûr, vous m’avez entendu le dire à maintes reprises : l’effet sur les émissions mondiales sera nul.

Le gouvernement devrait plutôt soutenir le secteur du pétrole et du gaz, qui a investi des milliards de dollars dans les entreprises et les communautés autochtones dans le cadre de nombreux partenariats. Les communautés autochtones ont investi en elles‑mêmes et en sont fières. L’argent public n’ira jamais aussi loin lorsqu’il s’agit de former et de recycler les travailleurs et de soutenir les communautés. Mme Joseph a parfaitement résumé la situation devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles lorsqu’elle a déclaré :

C’est pourquoi la compétitivité est une priorité si importante pour ce projet de loi. Ce n’est pas souligné dans les compétences requises pour le conseil ni dans l’approche du plan, mais le Canada a connu des situations de fermetures soudaines d’industries, comme les pêches de Terre-Neuve, comme les collectivités minières de l’Alberta lorsqu’elles sont passées rapidement à l’électricité produite à partir de gaz naturel. Si nous le faisons très rapidement dans l’ensemble de l’économie, nous ne devrions pas avoir une idée exagérée de la capacité financière du gouvernement à combler les lacunes un peu partout [...]

Chers collègues, il existe des moyens différents et meilleurs de réduire les émissions mondiales tout en fournissant de l’énergie aux Canadiens et au monde. Nous avons des projets de gaz naturel liquéfié prêts à être mis en œuvre, et des partenaires du monde entier réclament du gaz naturel liquéfié canadien. Selon un rapport de Shell publié en 2024 sur les perspectives en matière de gaz naturel liquéfié, la demande mondiale de gaz naturel liquéfié devrait augmenter de plus de 50 % d’ici 2040, car la Chine et les pays d’Asie du Sud passeront du charbon au gaz. En exportant du gaz naturel liquéfié sur les marchés européens et asiatiques, le Canada peut contribuer à réduire les émissions mondiales de CO2 en aidant d’autres pays à réduire leurs propres émissions, qui proviennent en grande partie du charbon, tout en créant des emplois durables et bien rémunérés au Canada.

Honorables sénateurs, j’ai commencé mon discours à l’étape de la deuxième lecture en citant le premier ministre Justin Trudeau, qui, lors du Forum économique mondial à Davos, a dit que le très honorable Stephen Harper souhaitait que le Canada soit reconnu pour ses ressources, alors que M. Trudeau voulait qu’il soit reconnu pour son ingéniosité. Chers collègues, je crois que le Canada sera toujours reconnu pour ses ressources.

Je veux que le Canada exploite ses ressources intelligemment et de façon stratégique et qu’il soit reconnu pour sa façon d’aider ses alliés et ses amis en leur fournissant de l’énergie produite de façon responsable ainsi que des innovations et des technologies de calibre mondial. Ce faisant, nous aiderons aussi nos propres concitoyens.

Je vais toujours défendre les intérêts de notre secteur pétrolier et gazier pour qu’il continue d’offrir de bons salaires aux Canadiens et de soutenir les travailleurs, les entreprises et les communautés autochtones, mais à condition qu’on agisse de manière responsable en ce qui concerne les travailleurs, l’environnement, la gestion des ressources et la sécurité.

Je continue de croire que le Canada a mieux à offrir. Je crois qu’il n’est pas judicieux de faire disparaître des emplois durables et bien rémunérés, d’anéantir des possibilités pour les Autochtones et de saboter des industries bien établies et bien réglementées, et ce, à un coût immense pour les contribuables. Chers collègues, bon nombre de ces contribuables ne sont pas encore nés.

Le Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles mène actuellement une étude sur l’industrie pétrolière et gazière. Au comité, j’ai demandé à des représentants d’Environnement et Changement climatique Canada quel était le coût de notre programme de lutte contre les changements climatiques. La réponse m’a choqué et devrait vous choquer aussi : 2 billions de dollars, seulement pour le Canada. Qui paie pour cela? Ce sont les Canadiens. Quel est l’effet sur les émissions mondiales de CO2? Il n’y en a aucun.

J’ai conclu mon discours à l’étape de la deuxième lecture en mettant le gouvernement au défi de démontrer en quoi cette idéologie a un sens à quelque niveau que ce soit. Avec le peu de temps que nous avons eu pour étudier le projet de transition juste, rien dans ce projet de loi ne me rassure. Au contraire, il renforce ma détermination à veiller à ce que notre pays ne s’engage pas sur la voie d’un niveau de vie inférieur pour les Canadiens, d’opportunités moindres pour les communautés autochtones, d’émissions mondiales plus élevées et de la servitude des contribuables pour les générations à venir.

J’ai parlé par le passé du programme de formation de recyclage désastreux qui a suivi l’effondrement des stocks de morue du Nord au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador, en 1993. J’ai travaillé dans cette pêche et j’ai vu de mes propres yeux la dévastation de notre population, de nos communautés et de notre culture. Qu’il s’agisse maintenant d’une politique gouvernementale de 2 billions de dollars sans aucun effet sur les émissions mondiales dépasse l’entendement.

En conclusion, je voterai bien sûr contre cette mesure législative, ni parce que je suis le porte-parole, ni parce que je suis membre de l’opposition officielle, ni parce que je suis conservateur. Je voterai contre parce que ce n’est pas un bon plan pour nos travailleurs, nos collectivités, nos entreprises ou nos alliés. Il n’est pas bon pour le Canada à tous les égards. Chers collègues, je vous exhorte à faire comme moi. Merci.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

La sénatrice Seidman [ + ]

Nous reportons le vote à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le report du vote est demandé. Conformément à l’article 9-10 (2) du Règlement, le vote est reporté à la prochaine séance du Sénat, à 17 h 30. La sonnerie d’appel retentira à compter de 17 h 15.

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