La Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada — Israël
Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Débat
9 mai 2019
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-85, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Israël et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
Comme je l’ai indiqué dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, les négociations qui ont mené à cet accord ont été amorcées en 2014, sous l’ancien gouvernement, dans le but d’élargir notre accord commercial bilatéral avec Israël. Achevées en juillet 2015, ces négociations ont donné lieu à la mise à jour de quatre chapitres de l’accord original ainsi qu’à l’expansion de l’accord, qui compte sept nouveaux chapitres.
Ces discussions ont été entreprises afin de faire fond sur le succès considérable de l’Accord de libre-échange Canada-Israël original, lequel a permis au commerce bilatéral de marchandises entre le Canada et Israël de tripler au cours des 20 dernières années. Ce commerce a d’ailleurs atteint une valeur de plus de 1,9 milliard de dollars l’an dernier.
Je suis reconnaissante que le gouvernement actuel ait mis la dernière main aux détails de cet important accord élargi.
Le projet de loi représente une approche véritablement bipartisane dans le dossier des relations Canada-Israël.
J’estime qu’une telle approche à l’égard d’une politique étrangère ou d’un dossier commercial, quel qu’il soit, est toujours avantageuse pour le Canada puisqu’elle assure la cohérence et la certitude. Une telle cohérence renforce la position du Canada internationalement, ce qui, au final, bénéficie à tous les Canadiens.
La certitude est l’une des choses les plus importantes qu’un gouvernement puisse offrir aux entreprises.
Il est paradoxal que le gouvernement semble avoir à peu près compris ce principe pour les initiatives de commerce international, mais qu’il n’ait pas encore saisi la nécessité d’avoir un cadre légal et réglementaire stable au Canada pour attirer des investisseurs étrangers.
Pour la prospérité économique du Canada, c’est vraiment les deux côtés de la même médaille. On ne peut s’attendre à profiter pleinement des accords de commerce international, comme l’Accord de libre-échange Canada-Israël, sans un régime d’investissement complémentaire et attrayant.
J’espère qu’avant longtemps, nous aurons un gouvernement au Canada qui l’aura compris. D’ici là, nous pouvons tous convenir que le projet de loi C-85 et l’élargissement de l’Accord de libre-échange Canada-Israël, l’ALECI, méritent notre appui.
J’aimerais revenir sur certains des commentaires faits par la sénatrice Saint-Germain dans son discours l’autre jour. Elle soutenait que le projet de loi C-85 aurait dû employer un libellé comparable à celui de l’accord entre l’Europe et Israël, puisqu’il concerne des marchandises israéliennes provenant d’au-delà de la ligne verte.
J’aimerais attirer l’attention de la sénatrice sur le fait que, en 1997, l’ALECI originel a été rédigé de façon à précisément refléter l’intention du Protocole sur les relations économiques entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine, appelé Protocole de Paris, de traiter Israël et les territoires comme étant un bloc économique homogène. Ce protocole a été signé en 1994 et a par la suite été inclus dans l’accord Oslo II.
Compte tenu de la vaste intégration des économies israélienne et palestinienne, il est logique que les dirigeants israéliens et palestiniens aient établi une union douanière. Israël est le principal marché pour les produits palestiniens. Plus de 100 000 Palestiniens travaillent pour des entreprises israéliennes. Le Protocole de Paris a contribué à des investissements considérables et à une coopération et une croissance économiques importantes en Cisjordanie.
Au titre de l’ALECI, et conformément au Protocole de Paris, les exportations palestiniennes vers le Canada bénéficient d’un traitement préférentiel. Peu après la signature de l’ALECI, le Canada et l’Organisation de libération de la Palestine ont conclu l’Accord-cadre canado-palestinien de coopération économique et commerciale. Au titre de cet accord, les dirigeants palestiniens ont approuvé la prolongation des tarifs préférentiels, y compris les avantages commerciaux futurs de l’ALECI pour la Cisjordanie et Gaza.
Si des étiquettes différentes sont exigées pour les produits provenant de la Cisjordanie et de Gaza, cela pourrait mettre en péril les gains réalisés par les entreprises palestiniennes. À mon avis, ce serait regrettable.
De plus, je fais remarquer que c’est le mouvement haineux BDS qui aimerait voir Israël isolé au sein de la communauté internationale et qui a plaidé en faveur de l’application d’étiquettes sur les marchandises provenant des territoires contestés. Je ne crois pas que le Sénat ou le gouvernement canadien devraient appuyer le mouvement BDS. C’est pour cette raison que j’appuie l’adoption du projet de loi C-85 dans sa forme actuelle.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi C-85, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Israël et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
J’aimerais remercier le sénateur Wetston de sa réponse à ma question concernant l’absence de dispositions sur les droits de la personne dans cet accord. Je tiens également à remercier la sénatrice Saint-Germain de ses observations incisives sur ce projet de loi, que je partage, pour la plupart. En outre, lorsque la sénatrice Saint-Germain a dit ceci avant-hier, et je cite :
En faisant du commerce avec les colonies israéliennes situées en territoire occupé, on encourage le développement et l’expansion illégale de ces mêmes territoires, au détriment de l’économie palestinienne.
Il s’agit d’un aspect fondamental, selon moi.
Dans le débat concernant le libre-échange avec Israël, je suis également d’accord avec la sénatrice Saint-Germain lorsqu’elle a conclu qu’il est nécessaire, et je cite :
[que] la politique commerciale du pays soit appliquée dans le respect de ses principes et obligations en matière de droits fondamentaux.
Chers collègues, à la fin de mon allocution, je vais proposer un amendement à l’article portant sur l’objet du projet de loi pour ajouter une référence aux droits de la personne, d’après les engagements qu’ont pris le Canada et Israël dans des accords en vigueur semblables, dont l’accord entre les États-Unis d’Amérique, le Mexique et le Canada, anciennement l’ALENA, l’accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie ainsi que l’accord entre Israël et l’Union européenne.
Human Rights Watch, Amnistie Internationale et d’autres organismes qui surveillent le respect des droits de la personne indiquent que, après le début de l’occupation militaire israélienne de la Cisjordanie en 1967, le gouvernement israélien a commencé, et continue, à faire participer des entreprises privées dans l’établissement de colonies dans les territoires palestiniens occupés. La question du respect des normes du travail et des droits de la personne est donc très pertinente relativement au projet de loi dont nous sommes saisis, comme c’est le cas dans mes exemples d’aujourd’hui.
L’Accord d’association Union européenne-Israël de 2017 renferme une disposition sur les droits de la personne qui permet de surveiller le respect de ces droits dans le territoire palestinien occupé. On a constaté des violations des droits de la personne, des manquements aux lois et aux normes internationales en la matière. L’ajout d’une mention des droits de la personne dans ce projet de loi cadre avec l’engagement du Canada dans la pratique et en droit à un ordre de conduite internationale qui favorise et protège les droits universels de la personne.
Je vous invite à constater que l’alinéa 3d) de la disposition portant sur l’objet du projet de loi que je propose d’amender contient un certain nombre de verbes véhiculant un degré d’obligation plus élevé que l’expression « mettre à profit », qui figure également à l’alinéa 3d). C’est cet alinéa que je propose d’amender. La disposition sur l’objet du projet de loi n’est pas très longue. Je vais donc résumer les points essentiels de cette disposition et indiquer où je souhaite insérer mon amendement. Vous constaterez que l’amendement que je propose ne nuit pas aux objectifs et aux valeurs figurant déjà dans la disposition sur l’objet, et qu’il ne les déforme pas.
En fait, grâce à cet amendement, la mise en œuvre de l’accord sera conforme à d’autres éléments de la disposition sur l’objet et aux mesures que le Canada prend déjà dans le cadre d’autres accords commerciaux en vigueur.
L’amendement que je propose à l’alinéa d), qui figure à la page 2 du projet de loi C-85, ne changerait pas le libellé de l’article 4, car cet amendement vise simplement à ajouter les mots « et droits de la personne » à cet alinéa. Une fois amendée, la disposition sur l’objet se lirait comme suit :
La présente loi a pour objet la mise en œuvre de l’Accord, dont les objectifs — définis de façon plus précise dans ses dispositions — sont les suivants :
a) consolider la relation commerciale bilatérale entre le Canada et l’État d’Israël;
b) améliorer l’accès au marché israélien pour les entreprises canadiennes en réduisant et en éliminant les droits de douane, en luttant contre les obstacles non tarifaires, en accroissant la coopération et en augmentant la transparence en matière de réglementation;
c) assurer un niveau élevé de protection de l’environnement par des engagements exhaustifs et juridiquement contraignants...
— et voici l’alinéa que je propose d’amender —
... d) mettre à profit les engagements internationaux respectifs du Canada et de l’État d’Israël dans le domaine du travail...
— en y ajoutant « et droits de la personne », puis —
... e) promouvoir l’égalité des genres et encourager l’autonomisation des femmes et le respect, sur une base volontaire, des normes et des principes de responsabilité sociale par les entreprises, ainsi que favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises aux possibilités créées par l’Accord.
Chers collègues, en ajoutant les mots « et droits de la personne » à l’alinéa d) de l’article 4 de la déclaration d’objet actuelle, nous n’ajouterions rien aux actuels engagements internationaux en matière de droits de la personne. Nous ne ferions que reconnaître les engagements déjà pris par le Canada et Israël, les deux pays ayant ratifié les mêmes instruments relatifs aux droits de la personne depuis des décennies.
Chers collègues, vous avez peut-être remarqué que l’amendement que je propose maintenant est différent de celui dont nous avons discuté au départ. En effet, après avoir discuté davantage avec des collègues et avoir étudié d’autres avis juridiques, j’ai examiné la déclaration d’objet d’un œil nouveau, ce qui m’a amené à proposer l’ajout de trois mots en anglais et de cinq mots en français à un alinéa existant, plutôt que l’ajout d’un tout nouvel article. Cet amendement précise simplement que les deux pays mettront à profit les engagements actuels en matière de travail et de droits de la personne.
Pour mettre cette motion en contexte, jetons un coup d’œil à trois autres accords qui existent, un qu’Israël a conclu avec l’Union européenne et deux que le Canada a conclus avec d’autres pays. Dans l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël en vigueur en 2017, voici ce qu’on peut lire à l’article 2 :
Les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui inspire leurs politiques internes et internationales et qui constitue un élément essentiel du présent accord.
Dans l’Accord de libre-échange Canada-Colombie, il est question de rapports annuels sur les droits de la personne et le libre-échange entre le Canada et la République de Colombie. Conformément à l’accord, chaque pays s’engage à rédiger un rapport annuel sur les effets qu’ont sur les droits de la personne les mesures prises dans le cadre de l’accord sur son territoire, et à le présenter à son Parlement.
L’Accord Canada—États-Unis—Mexique, qui a remplacé l’ALENA l’an dernier, contient l’article 23.3, qui est très détaillé. Toutefois, la comparaison clé est le libellé très contraignant de l’article :
Chacune des Parties adopte et maintient dans ses lois et règlements, ainsi que dans les pratiques établies sous leur régime, les droits suivants [...]
L’article énumère également la liberté d’association, le droit de négociation collective, l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, l’abolition effective du travail des enfants et l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession.
Chers collègues, je pense que vous pouvez voir par ces exemples que je ne propose pas de rendre de tels libellés obligatoires parce que ce n’est pas le moment pour le Canada de retourner à la table et de renégocier cet accord commercial, mais il serait opportun et pertinent pour le Canada de se montrer cohérent et de mentionner les accords sur les droits de la personne ratifiés par le Canada et Israël comme moyen d’étayer l’objet de l’Accord de libre-échange Canada-Israël.
En revanche, chaque exemple de libellé provenant de trois autres accords actuellement en vigueur que j’ai cités est plus strict que ce que je propose pour le projet de loi C-85. Personne n’a pu expliquer pourquoi on ne trouve aucune mention des droits de la personne dans l’Accord de libre-échange Canada-Israël, mais il est certain que les objectifs de la mise en œuvre de l’accord n’en seront que plus forts si on précise que cet accord a pour objet, entre autres, comme l’indiquerait l’article 4 modifié de la loi, de mettre à profit les engagements internationaux respectifs du Canada et de l’État d’Israël dans le domaine du travail et des droits de la personne.